Recommandations pour la prise en charge du nourrisson avec allergie aux protéines du lait de vache

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Recommandations pour la prise en charge du nourrisson avec allergie aux protéines du lait de vache
Gastroentérologie, hépatologie et nutrition pédiatrique                                                                                             Vol. 27 No. 4 2016

Recommandations pour la prise en                                                                                     la combinaison d’une sensibilisation et d’un
                                                                                                                     tableau clinique compatible. De même, le
charge du nourrisson avec allergie                                                                                   terme «d’intolérance aux PLV» ne doit plus
                                                                                                                     être utilisé en cas de symptômes aspécifiques
aux protéines du lait de vache                                                                                       suite à l’ingestion de PLV6) .

Jessica Ezria) , Samuel Roethlisbergerb) , Nicoletta Bianchic) , Michela Tempia-Caliera Schäppid) ,                  Le mécanisme des manifestations de l’allergie
Jacqueline Wassenberge) , Federica Angelinif)                                                                        IgE-médiée (ou immédiates) aux PLV est bien
                                                                                                                     établi. En présence de différents facteurs
                                                                                                                     prédisposants (génétique, pH gastrique, mi-
                                                                                                                     crobiome, intégrité de la barrière intestinale),
Introduction                                               pique. Il est alors parfois difficile de poser            les différentes protéines contenues dans le
                                                           d’emblée un diagnostic correct et le risque de            lait de vache (α-lactalbumine, β-lacto­
L’allergie aux protéines du lait de vache                  sous- ou sur-diagnostiquer une APLV est                   globuline, qui est absente du lait humain, al-
(APLV) est l’allergie alimentaire du jeune en-             élevé. Une procédure diagnostique rigoureuse              bumine bovine sérique, immunoglobulines
fant la plus fréquente. Selon l’étude euro-                et codifiée est donc nécessaire afin d’identi-            bovines et caséines αs1, αs2, β et κ qui
péenne récente EuroPrevall menée sur envi-                 fier les enfants présentant une APLV et les               sont les plus abondantes)7) déclenchent une
ron 12 000 enfants avec confirmation du                    traiter avec une diète appropriée.                        réponse immunitaire inflammatoire. La pré-
diagnostic par test de provocation orale en                                                                          sentation d’épitopes, par les cellules dendri-
double aveugle1) , l’APLV touche 0,74% des                        Définitions et pathogenèse                         tiques, aux lymphocytes T entraîne, via une
nourrissons et enfants de moins de 2 ans.                                                                            réponse de type Th2, la production d’IgE.
Une large méta-analyse publiée en 2014 re-                        L’APLV est définie par la survenue de manifes-     Suite à un nouveau contact de l’antigène avec
trouvait une prévalence similaire2). L’évolution                  tations cliniques après l’ingestion de lait de     ces IgE spécifiques fixées à leur surface, la
naturelle de l’APLV se fait en général vers le                    vache ou de produits laitiers, suite à une réac-
développement d’une tolérance. Environ 50%                        tion immunologique anormale contre les
des enfants avec APLV développent une tolé-                       protéines du lait de vache (PLV). Le méca-         a) Gastroentérologie pédiatrique, Département mé-
rance d’ici l’âge de 1 an, > 75% à l’âge de 3                     nisme peut être IgE-médié, non IgE-médié ou           dico-chirurgical de pédiatrie – CHUV, Lausanne;
ans et > 90% à l’âge de 6 ans1), 3), 4). Sa présen-               mixte5) . Il est important de préciser qu’un       b) Allergologie pédiatrique, Service d’Immunologie-
                                                                                                                        Allergologie – CHUV, Lausanne;
tation clinque est extrêmement variable, al-                      prick test positif pour le lait de vache ou la     c) Nutrition clinique, EDM – CHUV, Lausanne ;
lant du choc anaphylactique à une dysmotilité                     présence d’IgE spécifiques contre les PLV          d) Gastroentérologie pédiatrique, Clinique des Gran-
intestinale tels un reflux gastro-œsophagien                      signe une sensibilisation aux PLV mais ne             gettes, Genève;
                                                                                                                     e) Allergologie pédiatrique, Vevey;
ou une1:constipation,
Tableau                     voiredeune
          Présentations cliniques         atteinte
                                    l’allergie        cuta-du laitsous-tend
                                               aux protéinée       de vache.   pas forcément la condition d’aller-   f) Immuno-allergologie pédiatrique, Département
née uniquement, telle une dermatite ato-                          gie. Le diagnostic d’allergie nécessite en effet      médico-chirurgical de pédiatrie – CHUV, Lausanne

Tableau 1: Présentations cliniques de l'allergie aux protéines du lait de vache

                                                                                     20
Recommandations pour la prise en charge du nourrisson avec allergie aux protéines du lait de vache
Vol. 27 No. 4 2016             Gastroentérologie, hépatologie et nutrition pédiatrique

dégranulation des mastocytes est déclenchée                induite par les protéines alimentaires (SEIPA,                   PGHAN) et de l’Organisation Mondiale pour
et les médiateurs de l’inflammation allergique             acronyme anglais FPIES) qui apparaît généra-                     l’Allergie (WAO)7), 11), 12) . La première étape
(histamine) sont libérés, causant les symp-                lement dans la première année de vie et dont                     diagnostique comprend bien entendu l’anam-
tômes aigus bien connus (urticaire, œdème,                 l’expression clinique peut être potentielle-                     nèse de l’enfant et son examen clinique. Si un
rhinoconjonctivite, asthme).                               ment sévère. La forme aiguë se traduit par                       nourrisson ou un jeune enfant présente un ou
                                                           des vomissements itératifs, un état léthar-                      plusieurs des signes et/ou symptômes men-
Au contraire, le mécanisme des réactions non               gique et une pâleur apparaissant générale-                       tionnés dans le tableau 1, sans qu’ils ne
IgE-médiées (généralement retardées) est                   ment entre 1 et 4h après l'ingestion de l'aller-                 puissent être attribués à une autre cause, le
loin d’être éclairci. Le délai d’apparition des            gène. Les pertes hydriques peuvent être                          diagnostic d’APLV doit être considéré.
symptômes suggère néanmoins une réponse                    importantes et conduire à un état de choc
immunitaire adaptative.                                    hypovolémique. La forme chronique se ren-                        En cas de suspicion d’allergie IgE-médiée, un
                                                           contre typiquement lors d’une consommation                       dosage des IgE spécifiques contre le lait de
Présentation clinique                                      régulière de l’aliment et se caractérise par des                 vache ou un prick test au lait de vache sera
                                                           symptômes digestifs aspécifiques (diarrhées,                     réalisé. L’absence d’IgE spécifiques ou un
L’APLV peut induire des symptômes très va-                 reflux, vomissements), parfois associés à un                     prick test négatif n’excluant pas totalement
riables qui dépendent notamment du méca-                   retard de croissance. Bien que cette patholo-                    une allergie IgE-médiée il sera alors néces-
nisme pathogénique sous-jacent. Il convient                gie ne soit pas exceptionnelle, elle est encore                  saire d’effectuer un test de provocation orale
en effet de distinguer l’allergie de type immé-            souvent méconnue en raison du caractère                          (Figure 1).
diate (médiée par la présence d’anticorps IgE)             peu spécifique des symptômes et de l’ab-                         Dans la majorité des cas d’allergie non-IgE
dont l’expression clinique la plus sévère est              sence de marqueur biologique validé. Elle est                    médiée, ce diagnostic peut être confirmé ou
l’anaphylaxie, de l’allergie non-IgE médiée                fréquemment confondue avec une complica-                         exclu par une diète d’éviction des PLV, suivie
d’expression plus tardive comme la procto-                 tion infectieuse dans un premier temps, en-                      d’un test de provocation orale. Selon les cas,
colite ou l’entérocolite allergique. Cette dis-            traînant un délai diagnostic9,) 10) .                            ces tests de provocation se font de manière
tinction n’est pas exclusive et certaines                                                                                   ouverte, en simple ou double aveugle. Dans
formes sont chevauchantes, telle que l’œso-      Procédure diagnostique                                                     de rares cas, un test de provocation n’est pas
phagite à éosinophiles ou la dermatite ato-                                                                                 indiqué, comme par exemple lors d’une anam-
pique par exemple. Un même enfant peut de        Les figures 1 et 2 résument la démarche                                    nèse d’anaphylaxie chez un enfant sensibilisé.
plus présenter une combinaison de réactions      diagnostique et thérapeutique en cas de sus-
immédiate et retardée5) . L’atteinte de ≥ 2      picion d’APLV IgE ou non IgE-médiée, selon                               D’autres investigations, comme le dosage des
systèmes augmente la probabilité d’APLV. Le      les plus récentes recommandations de la                                  IgE totales ou les tests intradermiques (risque
tableau 1 résume les principaux symptômes        Société Européenne de Gastroentérologie,                                 de réaction allergique systémique)13) , n’ont
et signes de l’APLV, en fonction de l’âge de     Hépatologie et Nutrition Pédiatrique (ES-                               pas leur place dans le diagnostic d’APLV. Fina-
l’enfant.                                       Suspicion clinique d’allergie IgE-médiée aux protéines du lait de vache (PLV)
L’expression clinique de l’allergie IgE-médiée
varie quant à elle en fonction de multiples                                                  Bilan allergologique initial (IgE spécifiques
                                                                                                    et/ou prick test lait de vache)
facteurs, incluant notamment l’âge ou la pré-
sence de facteurs favorisants, tels l’effort                                                      +                                 -
physique ou la prise concomitante de médi-                      Allergie confirmée en présence                                 Test de provocation orale (à visée diagnostic)
                                                                  d’une anamnèse compatible                                                En milieu hospitalier
caments (AINS). Ainsi, alors que les manifes-
tations cutanées et digestives prédominent
                                                                Eviction thérapeutique des PLV
chez l’enfant en bas-âge, les manifestations            pendant 6 mois ou jusqu’à l’âge de 9-12 mois
cutanéo-muqueuses et respiratoires augmen-                       Formule à hydrolyse extensive
                                                   (Envisager une formule à base d’acides aminés d’emblée
tent en fréquence lorsque l’allergie persiste                  en cas de manifestations sévères)                              Reproduction des           Absence de symptômes
                                                                                 ou                                              symptômes
au-delà de 12 mois. Plusieurs cas d’anaphy-         Eviction des PLV chez la mère et substitution maternelle
                                                               en calcium (1g)/vitamine D (800 UI)
laxie, y compris sévères, ont été décrits lors                Consultation avec une diététicienne
de l’ingestion de PLV, qui constituent l’un des
principaux allergènes dans les 2 premières
                                                                   Test de provocation orale
années de vie8) .                                                      En milieu hospitalier

Les formes non IgE-médiées d’APLV sont ca-                       Reproduction des              Absence de symptômes
                                                                   symptômes
ractérisées par la présence de symptômes
digestifs au premier plan, dont les manifesta-
                                                                 Poursuite de l’éviction thérapeutique des PLV
tions cliniques surviennent 48h voire même                    En cas d’échec initial, essai de réintroduction tous les 6
                                                                                                                                     Allergie non-confirmée/résolue
une semaine après l’ingestion de l’allergène.                                            mois
                                                                                                                                     Envisager diagnostic différentiel
                                                             Envisager bilan complémentaire (IgE spécifiques contre la
Plusieurs entités cliniques ont été décrites et               caséine) et éventuel test de provocation orale au lait cuit
se distinguent essentiellement par l’âge de
survenue ou la sévérité du tableau clinique5) .            Figure 1: démarche diagnostique et thérapeutique en cas de suspicion d’allergie aux protéines
L’une d’elles est le syndrome d’entérocolite               du lait de vache IgE-médiée

                                                                                        21
Recommandations pour la prise en charge du nourrisson avec allergie aux protéines du lait de vache
Gastroentérologie, hépatologie et nutrition pédiatrique                                                                                                                               Vol. 27 No. 4 2016

     Suspicion clinique d’allergie non IgE-médiée aux protéines du
                           lait de vache (PLV)
                                                            Pas d’examen complémentaire initial
                                                                                                                                                        Lors d’antécédent de réaction allergique immé-
                                                                       nécessaire                                                                       diate, d’IgE spécifiques augmentées ou lors de
                                                                                                                                                        dermatite atopique sévère, le TPO doit se faire
                                                     Eviction des PLV à but diagnostic                                                                  sous surveillance médicale en milieu hospita-
                                                        Formule à hydrolyse extensive
                          (Envisager une formule à base d’acides aminés d’emblée en cas de manifestations sévères)                                      lier, sous la supervision de pédiatres spéciali-
                                                                        ou
                          Eviction des PLV chez la mère et substitution maternelle en calcium (1g)/vitamine D (800 UI)                                  sés en allergologie ou gastroentérologie. Le
                                                            pendant 2-4 semaines
                                                     Consultation avec une diététicienne
                                                                                                                                                        TPO se fait avec une préparation lactée à base
                                                                                                                                                        de PLV, du lait de vache pasteurisé à partir de
                       Pas d’amélioration des symptômes                                           Amélioration des symptômes
                                                                                                                                                        12 mois ou tout produit laitier, en adaptant la
                                                                                                                                                        quantité de PLV selon l’âge (Tableau 3). Le
                                                                                                                                                        volume initial de lait est inférieur à celui indui-
                                                                                             Test de provocation orale avec PLV
                   Formule à base d’acides aminés                                    •
                                                                                     •
                                                                                         A domicile pour les formes légères à modérées
                                                                                         En milieu hospitalier pour les formes sévères (entérocolite)
                                                                                                                                                        sant une réaction et est progressivement
                       pendant 2-4 semaines
                                                                                                               ou                                       augmenté toutes les 20–30 minutes jusqu’à un
                                                                                              Réintroduction des PLV chez la mère
                                                                                                                                                        volume adapté à l’âge. L’enfant reste en obser-
      Pas d’amélioration des                      Amélioration des
           symptômes                                symptômes                        Pas de symptôme                   Réapparition de symptômes        vation pour ≥ 2h après administration du vo-
                                                                                                                                                        lume maximal. En cas de réaction antérieure
                                                                                              Eviction thérapeutique des PLV                            sévère ou de probable SEIPA, l’enfant doit être
                                                                                         pendant 6 mois ou jusqu’à l’âge de 9-12 mois
                                                                                                                                                        équipé d’une voie veineuse. Si le TPO est néga-
        Pas d’éviction des PLV, chercher un autre diagnostic
                     (! Autres protéines telles soja, oeufs!)
                                                                                     •
                                                                                                     Réintroduction des PLV:
                                                                                         A domicile pour les formes légères à modérées
                                                                                                                                                        tif, l’administration de PLV est poursuivie à
  En cas de dermatite atopique: IgE spécifiques au lait de
                                                                                     •   En milieu hospitalier pour les formes sévères (FPIES)          domicile, à raison d’au moins 200 ml/jour de
                                                                                 En cas d’échec initial, essai de réintroduction tous les 6 mois
  vache et/ou prick test avant l’essai de réintroduction de PLV
                                                                                                                                                        lait durant en tous cas 2 semaines.

Figure 2: Démarche diagnostique et thérapeutique en cas de suspicion d’allergie aux protéines                                                           Dans les cas d’anamnèse suggérant une réac-
du lait de vache non IgE-médiée.                                                                                                                        tion retardée peu sévère aux PLV (symptômes
                                                                                                                                                        digestifs légers à modérés, exacerbation de
                                                                                                                                                        dermatite atopique, suspicion faible d’APLV),
lement, malgré une mauvaise sensibilité, les                                   (1–10% des enfants avec APLV pourraient réa-                             le TPO peut se faire à domicile. Il n’y a pas de
patch tests au lait peuvent être utiles dans le                                gir aux hydrolysats extensifs16) . Les formules                          recommandations précises dans la littérature
diagnostic d’APLV non-IgE médiée14), 15) .                                     pour nourrissons à base de protéines de soja                             concernant la modalité de réintroduction des
                                                                               peuvent être envisagées chez l’enfant de plus                            PLV dans l’alimentation de l’enfant ou du nour-
Diète d’éviction diagnostique                                                  de 6 mois qui refuse les formules à hydrolyse                            risson. Celle-ci se fera en fonction de l’âge de
                                                                               extensive.                                                               l’enfant. Pour un nourrisson encore exclusive-
En cas de suspicion d’allergie non-IgE-mé-                                                                                                              ment alimenté avec une préparation thérapeu-
diée, une diète d’éviction des PLV (chez l’en-                                 Chez le nourrisson allaité ou non, avec des                              tique, les PLV seront introduites sous forme
fant, ou chez la mère en cas d’allaitement),                                   symptômes très sévères (dermatite atopique                               d’une préparation lactée normale pour nourris-
suivie d’un test de provocation orale, permet-                                 sévère, entérocolite sévère avec retard de                               sons («lait initial», ou «lait de suite» après 6
tra de clarifier le diagnostic. Elle doit se faire                             croissance et/ou hypoalbuminémie, anémie                                 mois d’âge) en quantité journalière progres-
sur une période limitée dans le temps, mais                                    sévère), une formule à base d’acides aminés                              sive. Pour l’enfant ayant déjà diversifié son
suffisamment longue pour s’assurer ou non                                      est souvent utilisée d’emblée, bien qu’il n’y ait                        alimentation, des produits laitiers peuvent être
de la résolution des symptômes sous diète.                                     pas d’évidence d’un clair bénéfice d’une for-                            ajoutés à ses repas, en augmentant progressi-
En cas de réaction immédiate (SEIPA), 3 à 5                                    mule à base d’acides aminés par rapport à                                vement la quantité de PLV données par jour
jours d’éviction suffiront, alors qu’il faudra 2                               une formule à hydrolyse extensive11) . Si la                             (Tableau 3). L’absence de symptôme après 2
à 4 semaines en cas de symptômes retardés                                      mère souhaite poursuivre l’allaitement, elle                             semaines d’alimentation à base de PLV exclut
(digestifs, eczéma). S’il n’y a pas d’améliora-                                entreprendra une diète d’éviction stricte et                             une APLV.
tion des symptômes après ce laps de temps,                                     tirera son lait qu’elle jettera pendant environ
le diagnostic d’APLV peut être infirmé et un                                   2 semaines, avant de reprendre l’allaitement.                            Finalement, lors d’une disparition des symp-
autre diagnostic doit être recherché.                                          Chez tous les autres nourrissons avec une                                tômes sous diète d’éviction des protéines du
                                                                               suspicion d’APLV, il n’y a pas d’indication à                            lait de vache et TPO positif, une évaluation
Chez le nourrisson non-allaité et le jeune en-                                 utiliser une formule à base d’acides aminés                              allergologique est indiquée afin d’évaluer le
fant, les formules à base de PLV ou tout ali-                                  d’emblée.                                                                risque de réaction allergique immédiate lors
ment en contenant seront supprimés de l’ali-                                                                                                            d’un prochain TPO et la rapidité de dévelop-
mentation. Le nourrisson recevra une formule                                   Test de provocation orale (TPO)                                          pement d’une tolérance. A noter que la pré-
à hydrolyse extensive (Tableau 2), pouvant ou                                                                                                           sence d’IgE spécifiques contre la caséine
non contenir du lactose. Si les symptômes ne                                   Après la disparition des symptômes sous                                  fortement augmentés prédit habituellement
sont pas complètement résolus après 2–4                                        éviction des PLV, le diagnostic d’APLV ou                                une plus grande période d’allergie aux PLV
semaines de formule à hydrolyse extensive,                                     l’acquisition d’une tolérance doivent être                               que chez les enfants avec des IgE spécifiques
une formule à base d’acides aminés peut être                                   confirmés par un TPO.                                                    négatives17), 18) .
essayée avant d’infirmer le diagnostic d’APLV

                                                                                                                  22
Vol. 27 No. 4 2016            Gastroentérologie, hépatologie et nutrition pédiatrique

 Traitement de l’APLV                                     réactions allergiques croisées aux protéines de         mule thérapeutiques sont pris en charge par
                                                          soja chez 10–14% des enfants7), ainsi qu’à la           l’assurance maladie, sur prescription médi-
 L’éviction des PLV est le seul traitement de             farine de riz dans les cas de SEIPA9), 10). De plus,    cale (pour 6 mois, jusqu’à 12 mois d’âge; une
 l’APLV à ce jour. Un lait de formule à hydrolyse         les données actuellement disponibles ne per-            prolongation du remboursement est possible
 extensive suffit à résoudre les symptômes                mettent pas de conclure avec certitude que les          sur demande au médecin-conseil de l’assu-
 dans la grande majorité des cas (> 90%). Les             préparations à base d’hydrolysat de protéines           rance). Après un TPO positif, l’éviction des
 laits de formule à hydrolyse extensive                   de riz complémentées en lysine et tryptophane           PLV doit être poursuivie pour un minimum de
 contiennent de lactosérum ou de la caséine               permettent d’assurer une croissance staturo-            6 mois ou jusqu’à l’âge de 9 à 12 mois, avant
 comme source protéique, avec des peptides de             pondérale normale des nourrissons et des                de tenter un nouveau TPO (Figures 1 et 2). De
 < 1500 Da.                                               enfants en bas âge, et ces produits ne peuvent          récentes études ont montré que la consom-
                                                          pas être considérés comme dépourvus d’aller-            mation d’aliments contenant des PLV cuites
 Les laits hypoallergéniques HA ne comportent             génicité (https://www.anses.fr/fr/system/               n’induit pas de réactions chez la plupart des
 qu’une hydrolyse partielle des protéines, avec           files/NUT2012sa0247.pdf). Quant aux «jus»               enfants avec APLV19) , et favorise même le
 une charge allergénique diminuée de seule-               végétaux du commerce courant (à base                    développement d’une tolérance aux protéines
 ment 100 x environ; ils n’ont pas de place dans          d’avoine, de châtaigne, de riz, d’amande, de            du lait de vache cru plus rapidement20) . Un
 le traitement de l’APLV. Les laits à base                coco …), ils sont à proscrire comme substitut           TPO avec du lait de vache cuit est donc une
 d’autres protéines de lait animales (chèvre,             de lait chez le nourrisson, car totalement ina-         procédure de réintroduction à considérer
 brebis, ânesse, jument …) sont également                 daptés à leurs besoins nutritionnels. Des dé-           chez des patients sélectionnés.
 contre-indiqués, en raison du risque élevé de            sordres nutritionnels graves ont été décrits
 réaction croisée et de leur composition nutri-           dans la littérature (dénutrition sévère, rachi-         Chez les enfants ayant présenté une réaction
 tionnelle inadéquate pour les nourrissons7).             tisme carentiel …)11).                                  allergique immédiate sévère, l’éviction est
                                                                                                                  prolongée jusqu’à l’âge de 18 mois. Durant
 Les formules végétales pour nourrissons, à               Le tableau 2 détaille les différentes formules          cette période, il est important de s’assurer de
 base de protéines de riz ou de soja sont habi-           à hydrolyse extensive et à base d’acides ami-           la bonne croissance staturo-pondérale de
 tuellement bien tolérées, mais on retrouve des           nés disponibles en Suisse. Ces laits de for-            l’enfant. La diversification alimentaire se fait

HeF: hydrolyse
 Tableau    2:extensive des protéines
               Préparations                PAA: pour
                                thérapeutiques  formule à base d’acideset
                                                      nourrissons       aminés
                                                                          jeunes   enfantsMD: malto-dextrines
                                                                                           disponibles    en Suisse.

                                                                                    23
Gastroentérologie, hépatologie et nutrition pédiatrique                                                                                                           Vol. 27 No. 4 2016

 selon les recommandations suisses entre le 5e                   les formes non IgE-médiées. Son diagnostic                    8) Grabenhenrich, L.B., et al., Anaphylaxis in children
                                                                                                                                   and adolescents: The European Anaphylaxis Re-
 et le 7e mois, sans introduire de produit laitier,              nécessite donc une démarche précise, notam-                       gistry. J Allergy Clin Immunol, 2016.
 avec le soutien d’une diététicienne si néces-                   ment: en cas de suspicion de forme IgE-mé-                    9) Caubet, J.C., et al., Clinical features and resolution
 saire. L’introduction des autres aliments à haut                diée, un bilan allergologique comprenant un                       of food protein-induced enterocolitis syndrome:
                                                                                                                                   10-year experience. J Allergy Clin Immunol, 2014.
 potentiel allergène (blé, œuf, poisson) ne doit                 TPO, si necessaire, et, en cas de suspicion de                    134(2): p. 382-9.
 pas être retardée. Contrairement à une an-                      forme non IgE-médiée une diète d’éviction des                 10) Ruffner, M.A., et al., Food protein-induced entero-
 cienne pratique, il n’y a pas d’indication à enle-              PLV, suivie d’un TPO, à domicile ou en milieu                     colitis syndrome: insights from review of a large
                                                                                                                                   referral population. J Allergy Clin Immunol Pract,
 ver la viande de veau ou de bœuf de l’alimen-                   hospitalier, selon la sévérité du tableau initial.                2013. 1(4): p. 343-9.
 tation du jeune enfant, ou de la mère qui                       L’évolution de l’APLV étant spontanément favo-                11) Koletzko, S., et al., Diagnostic approach and mana-
 l’allaite21) . Une évaluation régulière de la                   rable dans la grande majorité des cas, avec                       gement of cow's-milk protein allergy in infants and
                                                                                                                                   children: ESPGHAN GI Committee practical guide-
 consommation de la formule thérapeutique est                    l’acquisition d’une tolérance, une réévaluation                   lines. J Pediatr Gastroenterol Nutr, 2012. 55(2): p.
 indispensable pour s’assurer que les apports                    périodique est indiquée afin d’éviter une diète                   221-9.
 calciques de l’enfant sont adéquats. Finale-                    prolongée non-nécessaire pour l’enfant ou sa                  12) Venter, C., et al., Diagnosis and management of
                                                                                                                                   non-IgE-mediated cow's milk allergy in infancy - a
 ment, les patients ayant présenté une réaction                  mère qui allaite, potentiellement nocive et avec                  UK primary care practical guide. Clin Transl Allergy,
 IgE-médiée sévère doivent recevoir un plan de                   un impact important sur la qualité de vie du                      2013. 3(1): p. 23.
 traitement d’urgence et un enseignement pour                    jeune patient et sa famille.                                  13) Mehl, A., et al., Utility of the ratio of food-specific
                                                                                                                                   IgE/total IgE in predicting symptomatic food aller-
 l’utilisation des médicaments d’urgence, selon                                                                                    gy in children. Allergy, 2005. 60(8): p. 1034-9.
 les recommandations de la European Academy                                                                                    14) Caglayan Sozmen, S., et al., Diagnostic accuracy of
 of Allergy and Clinical Imunology22).                           Références                                                        patch test in children with food allergy. Pediatr Al-
                                                                                                                                   lergy Immunol, 2015.
                                                                  1) Schoemaker, A.A., et al., Incidence and natural           15) Boyce, J.A., et al., Guidelines for the Diagnosis and
 Les mères qui continuent d’allaiter et font                           history of challenge-proven cow's milk allergy in           Management of Food Allergy in the United States:
 l’éviction des PLV méritent un suivi diététique                       European children--EuroPrevall birth cohort. Aller-         Summary of the NIAID-Sponsored Expert Panel
                                                                       gy, 2015. 70(8): p. 963-72.                                 Report. J Allergy Clin Immunol, 2010. 126(6): p.
 régulier au vu du risque élevé de carences, et                                                                                    1105-18.
                                                                  2) Nwaru, B.I., et al., Prevalence of common food aller-
 une substitution de calcium (1000 mg/j) et                            gies in Europe: a systematic review and meta-ana-       16) de Boissieu, D. and C. Dupont, [Allergy to extensi-
 vitamine D (800 Ui/j) doit leur être prescrite.                       lysis. Allergy, 2014. 69(8): p. 992-1007.                   vely hydrolysed cow milk proteins in infants]. Arch
                                                                  3) Elizur, A., et al., Natural course and risk factors for       Pediatr, 2007. 14(1): p. 124-6.
                                                                       persistence of IgE-mediated cow's milk allergy. J       17) Caubet, J.C., et al., Utility of casein-specific IgE
 Conclusion                                                            Pediatr, 2012. 161(3): p. 482-487 e1.                       levels in predicting reactivity to baked milk. J Aller-
                                                                  4) Host, A., et al., Clinical course of cow's milk protein       gy Clin Immunol, 2013. 131(1): p. 222-4 e1-4.
                                                                       allergy/intolerance and atopic diseases in child-       18) D'Urbano, L.E., et al., Performance of a component-
 Touchant près de 1% des nourrissons, l’allergie                                                                                   based allergen-microarray in the diagnosis of cow's
                                                                       hood. Pediatr Allergy Immunol, 2002. 13 Suppl 15:
 aux protéines du lait de vache, est un problème                       p. 23-8.                                                    milk and hen's egg allergy. Clin Exp Allergy, 2010.
 de santé non négligeable en pédiatrie. D’un                      5. Caubet, J.C. and A. Nowak-Wegrzyn, Current un-                40(10): p. 1561-70.
                                                                       derstanding of the immune mechanisms of food            19) Leonard, S.A. and A.H. Nowak-Wegrzyn, Baked Milk
 côté, l’APLV est souvent sur-diagnostiquée, en                                                                                    and Egg Diets for Milk and Egg Allergy Manage-
                                                                       protein-induced enterocolitis syndrome. Expert
 témoigne la très haute prévalence rapportée                           Rev Clin Immunol, 2011. 7(3): p. 317-27.                    ment. Immunol Allergy Clin North Am, 2016. 36(1):
 dans des études épidémiologiques basées sur                      6. Johansson, S.G., et al., A revised nomenclature for           p. 147-59.
                                                                       allergy. An EAACI position statement from the           20) Kim, J.S., et al., Dietary baked milk accelerates the
 des données anamnestiques en comparaison                                                                                          resolution of cow's milk allergy in children. J Allergy
                                                                       EAACI nomenclature task force. Allergy, 2001.
 de la récente étude EuroPrevall. De l’autre, son                      56(9): p. 813-24.                                           Clin Immunol, 2011. 128(1): p. 125-131 e2.
 diagnostic est souvent difficile à poser d’em-                   7) Fiocchi, A., et al., World Allergy Organization (WAO)     21) Fiocchi, A., et al., Beef allergy in adults and child-
                                                                       Diagnosis and Rationale for Action against Cow's            ren. Allergy, 2005. 60(1): p. 126.
 blée au vu d’une présentation clinique très                                                                                   22) Muraro, A., et al., Anaphylaxis: guidelines from the
                                                                       Milk Allergy (DRACMA) Guidelines. World Allergy
 variable
Tableau     et l’absence
        3: Teneur en protéinesde
                               du test
                                  lait de spécifique     pourproduits laitiers,
                                          vache des différents
                                                                       Organen     comparaison du lait de vache entier
                                                                                J, 2010. 3(4): p. 57-161.                          European Academy of Allergy and Clinical Immuno-
                                                                                                                                   logy. Allergy, 2014. 69(8): p. 1026-45.

                                                                                                                               Correspondance
                                                                                                                               Dre Jessica Ezri
                                                                                                                               Gastroentérologie pédiatrique
                                                                                                                               Département médico-chirurgical de
                                                                                                                               pédiatrie – CHUV
                                                                                                                               Rue du Bugnon 46
                                                                                                                               1011 Lausanne
                                                                                                                               jessica.ezri@chuv.ch

                                                                                                                               Les auteurs certifient qu'aucun soutien financier ou
                                                                                                                               autre conflit d'intérêt n'est lié à cet article.

 D'après
 Table de table de composition
           composition            nutritionnelle
                       nutritionnelle            suisse, 2015;
                                      suisse, SGE-SSN,   SGE-SSN, 2015;                       *composition du fabriquant

 Tableau 3: Teneur en protéines du lait de vache des différents produits laitiers, en comparaison
 au lait de vache entier

                                                                                            24
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