Indexation par sujet en archivistique et en bibliothéconomie : du pareil au même ? Archival and Library Subject Indexation : Is There a Difference ...
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Document généré le 11 déc. 2021 01:03 Documentation et bibliothèques Indexation par sujet en archivistique et en bibliothéconomie : du pareil au même ? Archival and Library Subject Indexation : Is There a Difference ? Referenciación por temas en archivología y biblioteconomía : ¿se trata de lo mismo ? Laure Amélie Guitard Volume 59, numéro 4, octobre–décembre 2013 Résumé de l'article Dans le cadre de notre recherche doctorale visant à mettre au jour le URI : https://id.erudit.org/iderudit/1019217ar savoir-faire d’archivistes qui indexent des fonds d’archives par thématique, DOI : https://doi.org/10.7202/1019217ar nous étudions l’indexation par sujet des archives selon les perspectives des créateurs de points d’accès, les archivistes. Le contenu et la qualité des index Aller au sommaire du numéro sont le fruit du travail de l’archiviste. Le but de cet article est de présenter la spécificité de l’indexation par sujet en archivistique. Pour ce faire, nous dégageons de la littérature les caractéristiques de l’indexation par sujet en archivistique et en bibliothéconomie. Nous considérons des ressemblances et Éditeur(s) des différences relatives à l’objet de l’indexation, aux principes Association pour l'avancement des sciences et des techniques de la organisationnels et aux techniques de description dans les deux disciplines. Il documentation (ASTED) s’agit notamment de savoir si les archivistes peuvent reprendre telles quelles les lignes directrices pour l’indexation produites dans une perspective ISSN documentaire. 0315-2340 (imprimé) 2291-8949 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Guitard, L. A. (2013). Indexation par sujet en archivistique et en bibliothéconomie : du pareil au même ? Documentation et bibliothèques, 59(4), 201–212. https://doi.org/10.7202/1019217ar Tous droits réservés © Association pour l'avancement des sciences et des Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des techniques de la documentation (ASTED), 2013 services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/
DOCUMENTATION BIBLIO THÈQUES Indexation par sujet en archivistique et en bibliothéconomie : du pareil au même ? Laure Amélie Guitard Candidate au doctorat en sciences de l’information EBSI, Université de Montréal laure.guitard@umontreal.ca Introduction Résumé | Abstract | Resumen L’ Dans le cadre de notre recherche doctorale visant à mettre au jour indexation par sujet connaît une longue tra- le savoir-faire d’archivistes qui indexent des fonds d’archives par dition en bibliothéconomie. La pratique archivis- thématique, nous étudions l’indexation par sujet des archives tique a quant à elle privilégié, d’une part, le créa- selon les perspectives des créateurs de points d’accès, les archi- teur (la provenance) pour la classification, et d’autre vistes. Le contenu et la qualité des index sont le fruit du travail de l’archiviste. Le but de cet article est de présenter la spécificité de part, les noms propres pour l’indexation. Pourtant, l’indexation par sujet en archivistique. Pour ce faire, nous déga- les archivistes ont aussi à créer des accès sujet, essen- geons de la littérature les caractéristiques de l’indexation par sujet tiellement avec des noms communs. De nos jours, en archivistique et en bibliothéconomie. Nous considérons des res- on constate des pratiques professionnelles différentes semblances et des différences relatives à l’objet de l’indexation, quant à l’indexation par sujet dans les bibliothèques et aux principes organisationnels et aux techniques de description dans les deux disciplines. Il s’agit notamment de savoir si les archi- les services d’archives. Dans le but de présenter la spé- vistes peuvent reprendre telles quelles les lignes directrices pour cificité de l’indexation par sujet en archivistique, nous l’indexation produites dans une perspective documentaire. considérons les ressemblances et les différences relatives Archival and Library Subject Indexation : à l’objet de l’indexation, aux principes organisationnels Is There a Difference ? et aux techniques de description propres à chacune des During the course of a doctoral research project aiming to updating deux disciplines, à partir d’une revue de la littérature. the know-how and skills archivists require to index archival collec- Il s’agit notamment de savoir si les archivistes peuvent tions according to themes, the author examined subject indexation reprendre tels quels les lignes directrices ou les outils from the perspective of those persons who create access, that is, the d’aide à l’indexation produits dans une perspective archivists. The content and the quality of the indexes are the result of the work of the archivist. This article outlines the specificity of documentaire. subject indexation in archival science. To achieve this, the charac- Après la définition des concepts principaux de teristics of subject indexation in archival and library sciences were notre sujet, nous identifions les ressemblances et les gleaned from the literature. The areas of similarity and of diver- différences de l’indexation par sujet en bibliothécono- gence regarding indexation, the organisational principals and the mie et en archivistique. Nous analysons des normes qui descriptive techniques of both disciplines were examined. The idea under consideration is whether the archivists can apply the guide- peuvent baliser le travail de l’indexeur, afin d’évaluer lines used for indexation in libraries without changing them. si elles peuvent aiguiller un archiviste dans le cadre de son travail. La question du vocabulaire, centrale pour Referenciación por temas en archivología y biblioteconomía : ¿se trata de lo mismo ? l’indexation, est abordée transversalement dans les dernières sections. En el marco de nuestra investigación doctoral destinada a revelar el conocimiento de los archivistas que referencian los fondos de archivos por temas, estudiamos la referenciación por temas de los Définitions et précisions archivos desde la perspectiva de sus creadores, los archivistas. El contenido y la calidad de los índices son producto del trabajo del Les définitions qui suivent sont des définitions archivista. El objetivo de este artículo consiste en presentar las fonctionnelles qui sont fournies au lecteur afin de características de la referenciación por temas en materia de archi- vología. Para ello, separamos de la literatura las particularidades s’entendre sur les notions principales de cet article. de referenciación por temas y las clasificamos en archivología y biblioteconomía. Analizamos las similitudes y las diferencias rela- Les disciplines : bibliothéconomie tivas al objeto de referenciación, a los principios organizacionales et archivistique y a las técnicas de descripción en ambas disciplinas. Se trata fun- damentalmente de averiguar si los archivistas pueden incorporar, Nous envisageons l’indexation par sujet dans la sin variaciones, las líneas directrices que se producen dentro de una perspectiva documental, para realizar la referenciación. perspective des deux disciplines que sont la bibliothé- conomie et l’archivistique. La bibliothéconomie est la discipline qui définit les opérations d’une bibliothèque (gestion, organisation, etc.). L’archivistique est la disci- pline qui a pour objet les documents d’archives, de leur création à leur destruction ou conservation permanente Documentation et bibliothèques | octobre • décembre 2013 | 201 DB_v59_n4.indd 201 2013-10-06 10:19
(évaluation, acquisition, classification, description, pré- guistiques pour construire les termes d’indexation, servation, diffusion). nous considérons qu’elle repose fondamentalement sur des principes linguistiques (Amar 2000). Les documents d’archives, Il existe plusieurs types d’index. La norme le fonds d’archives NF ISO 999:1996, Principes directeurs pour l’élabora- tion, la structure et la présentation des index, décrit Nous entendons documents d’archives au sens cinq types d’index courants : 1) index des sujets ; 2) des suivant : documents produits ou reçus automatique- auteurs ; 3) des noms et des noms géographiques ; 4) des ment et organiquement par un créateur (personne phy- titres de documents et ; 5) de numéros et de codes sique, morale ou famille) dans le cadre de ses activités (comme le numéro de brevet, l’ISBN et les dates de créa- ou fonctions, et que l’on conserve pour leur valeur de tion ou de publication) (Organisation internationale de témoignage ou d’information générale1. Nous précisons normalisation 1996). Il sera question ici des index des que nous employons le mot documents d’archives au sujets ou index thématiques. sens d’« archives définitives », parfois appelées « histo- riques ». Nous ne traitons pas ici d’archives courantes ni L’indexation par sujet intermédiaires. Les archives sont généralement regrou- pées en fonds d’archives. Le fonds d’archives est l’accu- L’indexation par sujet — ou indexation théma- mulation naturelle et organique des documents d’un tique — est la représentation, par des termes d’indexa- créateur, organisée en fonction des activités et des fonc- tion, des sujets présents dans les documents et décom- tions de celui-ci. posés en concepts. En général, l’indexation porte sur tous les types de notions présents dans les docu- L’indexation ments indexés, tandis que l’indexation thématique ne s’occupe que des sujets, et des sujets pertinents par L’indexation consiste à représenter le contenu d’un rapport à la mission du centre d’archives et des inté- document par des expressions linguistiques. Mais dans rêts de ses usagers (Bureau canadien des archivistes quel but indexe-t-on ? « L’indexation est une activité (BCA). Groupe de travail sur l’indexation par sujet intellectuelle qui a un but pratique, retrouver rapidement 1992, 135-136). De manière schématique, un sujet est ce de l’information. » (Weinberg 2009, 2287, notre traduc- dont parle un document ; par exemple, un livre sur les tion) ; « Indexer, c’est l’acte de pointer vers. » (Jacob & chiens a comme sujet les chiens. Un fonds d’archives, Shaw 1998, 156, notre traduction) Par l’association de par exemple le Fonds Wilfrid- Pelletier, porte sur la localisateurs aux expressions linguistiques, l’index peut personne de Wilfrid P elletier en traitant de sa vie, de permettre de retrouver l’évocation d’un concept dans ses activités, de ses réalisations et de ses relations. Le un ensemble documentaire, que ce soit un document journal intime d’une jeune fille est non seulement d’elle dans une collection ou une section particulière dans — elle en est l’auteure et la créatrice — mais ce docu- un document. La section de cet article intitulée « L’in- ment apporte également des informations sur elle — dexation, processus et activité » détaille les étapes de elle en est donc également le sujet. La frontière entre l ’indexation en tant que processus et en tant qu’activité. créateur et sujet n’est pas toujours évidente en archivis- tique (BCA 1992, 50). Les ouvrages autobiographiques L’index portent également ce risque d’ambiguïté entre créateur et sujet, mais ce risque est beaucoup plus présent dans L’indexation a pour produit l’index. Un index est une collection de documents d’archives que dans une un relevé systématique des concepts pertinents pour la collection de bibliothèque. En effet, dans la collection recherche en fonction des usagers du milieu où se pra- d’un service d’archives, les documents sont rassemblés tique l’indexation. Les concepts prennent une forme justement en fonction de leur capacité à témoigner de à laquelle on associe un ou plusieurs localisateurs. Un leur créateur et à parler de lui. Ils disent donc nécessai- localisateur est un indice de localisation tel que la page rement quelque chose du créateur. ou la cote, ou bien un renvoi voir vers une entrée qui présente, elle, un localisateur. En bref, l’index contient L’indexation par sujet en archivistique la liste des termes d’indexation et leur localisation. C’est le résultat du rapprochement entre des notions issues En 1992, le BCA présente, dans un rapport spécia- des documents examinés (concepts) et des expressions lement rédigé sur l’indexation thématique des archives, linguistiques permettant la recherche ultérieure de ces trois principes qui distinguent l’indexation par sujet des notions (termes d’indexation). Étant donné que l’in- archives de l’indexation par sujet en bibliothéconomie : dexation a recours à des mots et des expressions lin- le respect des fonds (l’unité de traitement), les niveaux de classement (la hiérarchie) et le principe du général au 1. Définition adaptée de la Loi sur les archives, chapitre A-21.A, I, 2, et des Règles pour particulier (1992, 29). Dans la section de cet article inti- la description des documents d’archives (RDDA) (BCA. Comité de planification sur tulée « L’indexation des documents d’archives », nous les normes de description 2008). 202 | octobre • décembre 2013 | Documentation et bibliothèques DB_v59_n4.indd 202 2013-10-06 10:19
tentons de montrer comment ces principes et d’autres entrent en jeu dans l’indexation des archives, et nous Figure 1 essayons de savoir s’ils la distinguent de l’indexation Le processus d’indexation pratiquée dans les bibliothèques. « À trop vouloir se distinguer des bibliothèques et des techniques bibliothéconomiques, les archivistes ont jeté le bébé avec l’eau du bain et ont négligé sans raison valable l’accès sujet. » (Pugh 1982, 42, notre traduction) Or, les demandes d’archives se font principalement par accès sujet (Pugh 1982, 40 ; Gagnon-Arguin 1998, 92 ; Lévesque 2002, 36). Les recherches s’effectuent mainte- englobent celles-ci (Bonin 2007). Les idées et concepts nant souvent en dehors des bâtiments des institutions, prennent peu à peu la forme d’expressions linguistiques. par des outils en ligne (Duff 2002, 334). Quand ils sont Nous ne débattrons pas duquel des deux, du langage ou devant un ordinateur ou un appareil électronique du de la pensée, est premier, mais nous considérons que même type, les usagers se comportent de manière simi- le langage et la pensée concourent conjointement à la laire, quelle que soit l’institution à laquelle ils envoient communicabilité des idées sous la forme de mots. leur requête ; ils sont googlisés (Yu-Young 2004). Avec Le processus d’indexation comporte deux étapes l’avènement du Web sémantique, qui repose sur des principales (Figure 1) : l’analyse des documents afin métadonnées notamment thématiques (pour ne pas d’identifier les concepts qu’il comprend, et la repré- dire principalement thématiques), nous pensons que la sentation de ces concepts en termes d’indexation. Les quête par sujet des usagers ne réduira pas. concepts sont issus de l’analyse pratiquée sur les docu- Les archivistes ont privilégié le créateur pour déli- ments à indexer (identification et sélection des concepts) miter les fonds d’archives ainsi que les activités et fonc- et les termes d’indexation sont choisis pour représenter tions afin de constituer les niveaux hiérarchiques décri- ces concepts au mieux par la personne qui indexe. Ce vant au mieux le contexte de création. C’est le contexte dernier choix s’effectue en fonction de plusieurs para- de création qui donne toute sa signification aux archives mètres tels que l’unité de traitement, l’institution et (Cardin 2001, 118). En bibliothéconomie, un ouvrage ses habitudes de fréquentation, les sujets fréquemment s’insère dans une classification thématique et est indexé recherchés ou le vocabulaire employé par les usagers par sujet. Il peut également être muni d’un index thé- dans leurs requêtes (Couture 2005, 330 ; voir BCA 1992, matique en fin de volume. En archivistique, le seul accès 58 pour l’identification d’autres facteurs). par sujet est l’index qui porte sur des ensembles de Bertrand-Gastaldy, Giroux, Lanteigne et David, documents tels que la collection d’un service d’archives dans l’article « Les produits et processus cognitifs de ou un fonds d’archives. C’est pour cela que l’indexation l’indexation humaine », ont mené une étude sur l’in- sujet revêt une telle importance en archivistique : elle dexation du point de vue cognitif. Ils décrivent l’indexa- favorise indéniablement l’accès. tion ainsi : « L’opération d’indexation comporte deux étapes : la première consiste à extraire le “contenu” d’un L’indexation, processus et activité document ; la seconde à le représenter par une série de mots-clés qui serviront de portes d’accès lors d’un repé- Qu’est-ce que l’indexation ? Nous avons présenté rage subséquent. » (1994, 31) Ces deux étapes — analyse une définition générale dans la section précédente. et représentation — constituent le cœur du processus Nous allons maintenant examiner en détail en quoi de l’indexation et sont fréquemment identifiées par les elle consiste. Pour ce faire, nous l’abordons sous deux auteurs s’intéressant à l’indexation comme processus. angles très différents, à savoir l’aspect cognitif et l’as- Pour Langridge (1989), l’analyse des sujets et la pect pratique. À partir de la vision d’ensemble que nous traduction en langage documentaire sont deux sous- tirons d’une revue de la littérature, nous identifions une processus de l’indexation. L’auteur a mené une étude étape préliminaire lors de laquelle la différence d’objet en milieu professionnel sur l’analyse du sujet pour documentaire en bibliothéconomie et en archivistique l ’indexation documentaire. joue un rôle. Lancaster, dont le manuel sur l’indexation et le résumé a formé nombre d’indexeurs, de la première Sur le plan cognitif : étapes du processus édition en 1991 à la troisième en 2003, indique que, malgré l’absence de consensus terminologique pour L’indexation étant un processus fondamentale- décrire l’indexation, il faut s’assurer de distinguer « ment linguistique (Amar 2000) et le langage prenant sa l’étape de l’analyse conceptuelle de celle de la traduc- source dans les rouages de notre esprit (Aitchison 2003), tion dans l’indexation » (Lancaster 2003, 21, notre il nous est apparu nécessaire d’envisager l’indexa- traduction). tion d’un point de vue cognitif. Les sciences cognitives Selon Champagne et Chouinard, pour procéder étudient les opérations mentales et les processus qui à l’indexation, « il s’agit de déterminer l’information Documentation et bibliothèques | octobre • décembre 2013 | 203 DB_v59_n4.indd 203 2013-10-06 10:19
qui doit être retenue, puis de choisir les termes ou les Une étape préliminaire à expressions qui vont l’exprimer » (1987, 118). l’indexation : la lecture Dans le cadre d’une comparaison de l’indexation pratiquée dans ces deux disciplines que sont l’archivis- Plusieurs recherches empiriques ont permis d’ap- tique et la bibliothéconomie, nous nous demandons si profondir les différentes étapes que suit l’indexeur lors le processus est différent selon que l’indexeur est archi- du processus d’indexation. Hormis l’identification des viste ou bibliothécaire. Champagne et Chouinard pour- concepts principaux et la représentation de ces concepts suivent leur définition de l’indexation en précisant : dans un langage à vocation documentaire, étapes que « Un tel processus s’applique à toute démarche d’indexa- nous avons déjà vues dans la section portant sur l’aspect tion, qu’elle soit le fait d’un documentaliste, d’un biblio- cognitif de l’indexation, la littérature pointe une étape thécaire ou d’un archiviste. » (1987, 118) Ainsi, nous préliminaire. Ainsi, pour procéder à l’analyse des docu- retiendrons que le processus d’indexation se découpe en ments à indexer, il faut au préalable « lire » les docu- deux opérations principales — l’analyse et la représen- ments, c’est-à-dire en prendre connaissance et com- tation — et que cette opération mentale serait similaire prendre les informations envisagées. La « lecture » n’est quelle que soit la profession de la personne qui indexe. pas une étape anodine. Pour Farrow (1991), la lecture d’un texte s’effectue non pas pour acquérir des connais- Sur le plan pratique : étapes de l’activité sances, mais pour réaliser une tâche. Pour Endres- Niggemeyer (1998, 109), il s’agit non pas de lire distrai- Envisageons le côté pratique de l’indexation. Pour tement ou de parcourir un texte, mais d’y rechercher les cela, nous avons consulté des normes internationales éléments pertinents à la réalisation d’une tâche. et nationales, puisqu’elles sont créées pour encadrer La lecture du document inclut non seulement un le travail concret des indexeurs et qu’elles décrivent contact physique, visuel, sonore ou autre, entre l’in- un modèle vers lequel tendre. Nous avons également dexeur et le document, mais aussi la compréhension au consulté les articles de chercheurs qui ont mené des moins partielle du contenu véhiculé par celui-ci. C’est recherches empiriques sur l’indexation en milieu pro- pourquoi Hovi parle dans un premier temps de « survol fessionnel, afin d’avoir une meilleure idée du déroule- attentif du document », mais aussi, dans un second ment concret de l’activité d’indexation. temps, de l’« établissement de la signification » (Hovi La norme BS 6529:1984, de par son titre seulement, 1989, cité par Endres-Niggemeyer 1998, 102). identifie trois phases dans le processus d’indexation : Il existe plusieurs types de lecture, dont par Recommandations relatives à l’étude des documents, la exemple l’appréhension visuelle d’un document, la définition de leur contenu et le choix des termes d’in- lecture en diagonale, la lecture partielle à des endroits dexation (British Standards Institution 1984). Malgré clés du document, la lecture du document entier, la des dates d’édition non chronologiques, le préambule lecture orientée vers une tâche. Dans la vie de tous de cette norme indique qu’elle est elle-même basée les jours, nous expérimentons également plusieurs (elle n’y est toutefois pas équivalente) sur la norme ISO manières de lire. Par exemple, nous ne lisons pas de la 5963:1985, Documentation — Méthodes pour l’analyse même manière le journal du dimanche matin avec un des documents, la détermination de leur contenu et la bon café qu’une recette de cuisine dans le but de suivre sélection des termes d’indexation (Organisation inter- précisément les instructions énoncées. Pour Endres- nationale de normalisation 1985). Cette dernière norme Niggemeyer (1998, 36), la lecture des documents est une formule différemment les intitulés des trois phases. lecture orientée vers la tâche (task-oriented reading) et « L’étude des documents » (BS 6529:1984) constitue le diffère donc si la personne indexe, résume ou classifie le premier contact entre l’indexeur et le document en vue document lu. de son indexation. Il s’agit, pour la norme ISO 5963:1985, Quand un bibliothécaire ou un archiviste lit pour de la première des trois étapes de l’indexation : « l’exa- indexer, il commence déjà l’identification des concepts, men du document », aussi appelée « familiarisation » par leur sélection et leur représentation. C’est dans ce sens Rowley (1988). Pour Hovi (1989), il s’agit d’un « survol que la norme ISO 5963:1985 indique que les trois étapes attentif du document » (notre traduction). Finalement, — lecture, analyse et représentation — « ont tendance à la norme NF Z 47-102:1993 — l’équivalent national fran- se chevaucher dans la pratique » (ISO 1985, 2). La lecture çais de la norme ISO 5963:1985, avec « modifications est une étape incontournable de l’indexation. Pour- rédactionnelles » — détaille trois « phases de la recon- tant, pour nous, elle reste une étape préliminaire et ne naissance des concepts » dont la première est l’« appré- fait pas partie du cœur de l’indexation. Elle appartient hension du contenu total du document ». Cette étape à d’autres processus tels que le résumé, comme l’a clai- préliminaire est celle dont fait l’objet la section suivante. rement montré Endres-Niggemeyer (1998). Ainsi, pour nous, du point de vue cognitif, l’indexation est iden- tique en bibliothéconomie et en archivistique. Le Tableau 1 propose une vision d’ensemble de l’indexation en tant que processus ou activité, selon les 204 | octobre • décembre 2013 | Documentation et bibliothèques DB_v59_n4.indd 204 2013-10-06 10:19
auteurs cités. Les diverses étapes y sont rattachées aux parle également de la construction d’une entrée d’index. auteurs qui les ont mentionnées. Après la représentation, il est vrai que les termes d’in- Dans le Tableau 1, les éléments qui, selon nous, dexation doivent être mis en forme et ordonnés en une constituent de manière stricte l’indexation sont ceux présentation optimale pour l’usager et dans le souci de la qui sont liés aux deux étapes de l’indexation identifiées plus grande accessibilité. Une norme s’y consacre entiè- dans la définition : l’analyse et la représentation. rement : la norme BS 3700:1988, intitulée Recomman- Dans cette vision d’ensemble que favorise la lecture dations pour la préparation des indexes [sic] des livres, du Tableau 1, nous pouvons constater que l’étape de la périodiques et d’autres documents (British Standards lecture est tout autant décrite que les étapes d’analyse Institution 1988). La norme internationale ISO 999:1996 et de représentation. Mentionnons que Langridge (1989) Information et documentation — Principes directeurs Tableau 1 Le découpage de l’indexation INDEXATION LIRE ANALYSER REPRÉSENTER Auteurs Construire Appréhender Comprendre Identifier Sélectionner Traduire l’index Bertrand- Extraction du Gastaldy, Giroux, Représentation par une série « contenu » d’un Lanteigne & de mots-clés document David 1994 Traduction de ces concepts Identification des Extraction des dans un langage documen- concepts concepts Champagne & taire donné Chouinard 1987 Choix des termes ou des Identification de l’information qui doit expressions qui vont être retenue l’exprimer Endres- Appréhension du Compréhension Niggemeyer 1998 document pendant la lecture Identification des Établissement de Représentation des concepts Survol attentif du concepts les plus Hovi 1989 la signification du sélectionnés dans le langage document importants du sujet texte d’indexation du texte Analyse Lancaster 2003 Traduction conceptuelle Traduction en langage Construction d’une Langridge 1989 Analyse sujet documentaire entrée d’index Lecture ou Détermina- Maron 1977 survol attentif du tion du sujet document (aboutness) Norme Étude des Définition de leur Choix des termes d’indexation BS 6529:1984 documents contenu Norme Analyse des Détermination de Sélection des termes ISO 5963:1985 documents leur contenu d’indexation Identification Expression des concepts Norme Examen du Établissement du des principaux dans les termes du langage ISO 5963:1985 document sujet concepts présents d’indexation dans le sujet Identification et Organisation des points localisation de d’accès pour constituer Norme l’information des entrées ; classe- ISO 999:1996 pertinente à l’in- ment des entrées dans térieur des docu- un ordre logique et ments indexés pratique Représentation des concepts Reconnaissance des concepts contenant l’information dans le langage documentaire Norme Identification Sélection des NF Z 47-102:1993 Appréhension du des concepts concepts néces- contenu total du représentant ce saires à la recherche document contenu ultérieure Conversion des concepts en Rowley 1988 Familiarisation Analyse termes d’indexation Documentation et bibliothèques | octobre • décembre 2013 | 205 DB_v59_n4.indd 205 2013-10-06 10:19
Figure 2 Figure 3 Recherche simple — Catalogue Iris de BAnQ Recherche avancée — Catalogue Iris de BAnQ pour l’élaboration, la structure et la présentation des index inclut deux sections sur la présentation des index. La section 8 s’intitule « Classement des entrées à l’inté- presque 70 ans et qui contient trois objets assez inso- rieur de l’index » et la section 9 a pour titre « Présenta- lites : deux éventails et une baguette de direction ! Du tion des index imprimés » (Organisation internationale côté des bibliothèques, nous constatons également une de normalisation 1996, 29-32 ; 33-37). grande diversité de types de documents à BAnQ et ce, dès la recherche simple dans le catalogue Iris (Figure 2), Une lecture différente selon le support tels que livres, films, musique, etc. Mais la recherche avancée offre 20 types de documents (Figure 3) tels que Nous avons vu une définition de l’indexation et livres sonores, cartes postales, programmes de spec- les différentes étapes qui permettent de réaliser l’in- tacle, etc. dexation. L’indexation s’effectue sur des documents. Pour rendre compte de cette diversité des supports, Ceux-ci constituent la matière première de l’indexation les Français ont même inventé le terme de médiathèque (Figure 1). La lecture a été présentée à titre d’étape pré- ainsi que d’autres néologismes tels que bédéthèque, liminaire qui consiste en la prise de connaissance des cédéthèque et ludothèque2, qui dénotent des biblio- documents, qui existent sur toutes sortes de supports. thèques spécialisées dans un type de support. Les images traditionnelles des services d’archives et Les organismes de normalisation ont intégré cette de bibliothèques représentent souvent les documents diversité à leurs directives. La norme NF ISO 999:1996, comme un royaume de papier. Pourtant, si nous consul- Information et documentation — Principes directeurs tons les catalogues de Bibliothèque et Archives natio- pour l’élaboration, la structure et la présentation des nales du Québec (BAnQ), nous pouvons remarquer index, s’applique non seulement aux livres et aux docu- qu’on nous propose des documents sur une grande ments écrits en tous genres, mais aussi aux « non- diversité de supports, tant pour les archives que pour la livres […] tels que les documents électroniques, les films, bibliothèque. les enregistrements sonores, les enregistrements vidéo, les Les collections d’archives ne comprennent pas que documents iconographiques, les cartes et les objets à trois des documents papier et des photographies développées dimensions » (Organisation internationale de norma- sur papier contenus dans des chemises épaisses. Elles lisation 1996, 1). Par contre, la norme NF Z 47-102:1993, contiennent des documents de divers types et acces- Information et documentation — Principes généraux sibles sur toutes sortes de supports, comme le montre pour l’indexation des documents, indique que « [l]a la répartition des divers chapitres des Règles de descrip- démarche d’appréhension du document est différente tion des documents d’archives (RDDA) élaborées par le dans le cas d’un document audiovisuel, visuel, sonore, Bureau canadien des archives (2008) : documents tex- tuels, iconographiques, cartographiques, dessins d’ar- chitectures et dessins techniques, images en mouve- 2. Ludothèque et médiathèque sont des créations de « v. 1970 » selon le Grand ment, enregistrements sonores, documents informa- Robert. Les termes bédéthèque et cédéthèque ne font pas partie de la nomencla- tiques, microformes, objets et documents philatéliques. ture du Grand Robert, mais ils sont employés dans la dénomination d’établisse- ment par certaines villes francophones. Exemples de bédéthèques : la résidence Examinons deux notices de fonds d’archives universitaire de l’Université Laval et l’associa- tion d’étudiants à l’Université de Gembloux, en Belgique . Exemples de cédéthèques : la ville française de Mon- qui couvre principalement une période d’une qua- taigu , la section des disques compacts dans la médiathèque Intercommunale Muroise en rantaine d’années ; neuf types de documents pour France . Pages le Fonds Wilfrid-Pelletier (cote MSS20), qui couvre consultées le 11 août 2013. 206 | octobre • décembre 2013 | Documentation et bibliothèques DB_v59_n4.indd 206 2013-10-06 10:19
ou d’un objet à trois dimensions (une pièce de musée, ment indépendance au format du document, où une pièce archéologique, etc.) ». Concrètement, la phase par exemple on représente de manière générique de « lecture » du document physique — comme nous la couleur dominante du document, indépen- l’avons nommée dans la section précédente — n’est pas damment du format d’encodage de l’image. Il la même. Ainsi, nous avons besoin d’un instrument s’agit plutôt de l’indépendance à la nature maté- de lecture pour lire les documents médiatisés. Aussi, rielle du document, qu’il soit visuel, sonore ou l’appréhension des objets tridimensionnels est un autre textuel. exemple : le traitement de l’information comportera (2007, 253) alors généralement une phase incluant la visualisation L’indexation par sujet se distingue des autres types de l’objet avant le traitement de l’information qui s’en d’indexation. Les éléments de support ou le type de dégage (Bonin 2007, 45). L’appréhension d’une pho- document peuvent faire partie de l’indexation d’un tographie ne sera pas non plus la même si elle est sur document, mais ils ne constituent pas un sujet du l’écran d’une tablette électronique ou dans un album document. Et s’ils deviennent des clés d’accès, ils ne aux pages cornées et jaunies. Il est question ici à la fois devraient pas figurer dans la section des clés d’accès du type de document (document textuel, iconogra- thématiques. phique, cartographique, images en mouvement, etc.) Qu’il s’agisse de documents d’archives ou d’autres et du support (papier, numérique sur tablette, ordina- objets documentaires tels que des livres, des films ou teur de bureau, négatif ou autres pellicules et bandes, des albums de musique, on retrouve des opérations disque compact ou DVD, etc.) Il n’est pas question du génériques qui se recoupent : repérage et sélection des contenu, mais bien du type de document et du support concepts à retenir d’une part, et représentation de ces que requiert ce contenu. concepts dans un code qui permet le repérage d’autre Ces éléments conditionnent la phase de lecture part (par le biais d’un langage documentaire contrôlé du document, phase préliminaire à l’indexation, mais ou d’un vocabulaire libre). L’indexation est un proces- touchent-ils l’indexation ? Svenonius (1994) parle d’une sus cognitif en deux étapes : analyse et représentation. différence dans les concepts selon la nature du médium, Et l’indexation porte aujourd’hui sur tous les types de en prenant l’exemple d’œuvres sonores et visuelles. Elle documents et tous les types de supports. L’étape préli- souligne la complexité des concepts issus de la lecture minaire à l’analyse (la lecture, c’est-à-dire l’appréhen- de ce type de document. Les concepts issus de l’analyse sion et la compréhension des documents) est différente de ces types de documents et de supports sont extrê- selon le type de document, mais au niveau du concept, mement difficiles à étiqueter. Ainsi, pour Svenonius l’indexation par sujet semble similaire en bibliothéco- (1994, 605), selon le type de document, la difficulté de nomie et en archivistique. l’indexation n’est pas la même parce que les concepts L’indexation pratiquée en archivistique et en exprimés dans des documents sonores ou visuels sont bibliothéconomie se ressemble à la fois sur le plan du difficilement réductibles à certaines expressions lin- processus et sur celui de l’activité. Voyons si les carac- guistiques. Mais la complexité des concepts à traduire téristiques propres aux documents d’archives ainsi que en termes d’indexation peut également poser problème le traitement traditionnel des archives peuvent exercer lors du traitement d’un document textuel. La poésie, par une influence sur l’activité de l’indexation. exemple, est un type d’écriture qui, même en document textuel, sur un support et dans un format classique et L’indexation des documents d’archives facilement appréhendable par l’être humain, est diffi- cile à indexer. Svenonius (1994, 605) identifie la source Les normes et les sources que nous avons citées du problème : il s’agit de lacunes sur le plan terminolo- jusqu’à présent emploient généralement le singulier ; gique, d’un manque de noms reconnus pour identifier il est toujours question du document à indexer. Nous tel ou tel concept, plutôt qu’un défaut de l’indexation de voyons là une préconception bibliothéconomique, où ne pas pouvoir représenter tel ou tel concept issu de tel l’indexation se fait a priori sur un seul document à la ou tel type de document, sur tel ou tel support. fois3. En archivistique, par contre, une règle de base Quand l’indexeur passe au niveau conceptuel, la consiste à appliquer le principe du général au particu- dimension physique des documents perd de son impor- lier, c’est-à-dire de traiter en priorité le fonds d’archives tance. Bachimont parle d’indexation conceptuelle, un avant le dossier ou la pièce. Cette remarque nous amène type d’indexation à rapprocher de l’indexation par à considérer les différences entre l’indexation en biblio- sujet puisqu’elles traitent toutes deux du contenu des théconomie et l’indexation en archivistique en fonc- documents : tion de l’objet documentaire sur lequel porte l’indexa- On entend par conceptuel le fait que la repré- tion. Nous étudions ces différences à partir de certaines sentation est indépendante du média du docu- caractéristiques des archives, soit la singularité des ment et qu’elle ne porte pas sur la nature phy- sique du document, mais sur son contenu. 3. Nous excluons ici l’indexation de groupes d’objets bibliothéconomiques tels que L’indépendance du média ne signifie pas seule- l’indexation d’une collection. Documentation et bibliothèques | octobre • décembre 2013 | 207 DB_v59_n4.indd 207 2013-10-06 10:19
archives, l’unité de traitement en archivistique, la hié- Ensemble de documents de toute nature réunis rarchie d’un fonds d’archives et le principe du général automatiquement et organiquement, créés et/ou au particulier. Nous mentionnons également l’influence accumulés et utilisés par une personne physique que peut avoir le vocabulaire des requêtes des usagers ou morale ou par une famille dans l’exercice de sur les choix terminologiques à faire dans la production ses activités ou de ses fonctions. d’un index. (BCA. Comité de planification sur les normes de description 2008, D5, nous soulignons) Singularité Les normes documentaires parlent de l’indexation Une première différence notable est la singularité du document, d’un seul document à la fois. Or, en archi- des documents d’archives. Il n’existe pas deux fonds vistique, on n’indexe généralement non pas un docu- d’archives définitives identiques. En bibliothéconomie, ment mais des documents. Nous ne considérons pas ici l’objet documentaire est édité, publié. Les exemplaires les pièces isolées qui peuvent elles aussi exister dans un trouvés en bibliothèque sont absolument identiques, service d’archives et être indexées à la pièce, car elles car produits en série (Pugh 1982, 33). Nous pouvons constituent l’exception et non la règle. Alors, à moins même trouver plusieurs exemplaires au même endroit de considérer le fonds d’archives comme un docu- ou dans plusieurs endroits. Sont exclues ici les collec- ment, nous ne pouvons pas parler de l’indexation d’un tions de livres rares et les collections spéciales qui récu- document. pèrent — à cause de ce statut particulier — certaines En outre, l’indexation porte non seulement sur les caractéristiques archivistiques : petit nombre d’exem- documents du fonds, mais aussi sur la notice de des- plaires, voire un seul, exclusion du prêt, mesures de cription archivistique, ce qui ajoute un document de conservation particulières, traçage de la propriété, etc. plus à l’ensemble. La notice est le résultat d’une pre- Un fonds d’archives est unique. L’ensemble des docu- mière analyse qui est faite par un archiviste, une analyse ments produits ou reçus par un créateur qu’est un fonds parfois différente de celui qui indexe. Les concepts aux- d’archives est composé de documents existant en un quels l’indexeur accède sont donc de deux types, les seul exemplaire, et chaque document a une et une seule uns directement issus des documents, les autres extraits place dans l’organisation hiérarchique du fonds. Les d’une première analyse des documents, la description. fonds d’archives définitives ne représentent que 5 à 10 % Cette différence touche le choix des termes d’indexa- de la masse documentaire originale (Couture et al. 1999, tion. La norme NF ISO 999:1996 indique qu’« il convient 167). En effet, un tri est effectué en fonction de critères de choisir les points d’accès [c’est-à-dire les termes d’in- d’évaluation. Parmi ces critères figure l’élimination dexation] à partir de la terminologie employée dans le des doublons. Un archiviste n’aura donc pas à indexer document » (10, section 7.2.1.2). Dans la notice des- deux documents identiques, ce qui peut être le cas d’un criptive, il y a déjà des termes qui sont employés pour bibliothécaire. dénoter les concepts principaux du fonds, ce qui peut Chaque fonds étant unique, le coût de traitement influencer les choix terminologiques effectués par (description et indexation) est très élevé car il néces- l ’archiviste lors de l’indexation. site une analyse unique et n’est jamais réutilisable. Or, en bibliothéconomie, il existe des pratiques de réutilisa- Hiérarchie tion et de partage des informations consignées dans une La définition des RDDA nous donne une troisième notice de bibliothèque (Poupeau 2012). Il existe même caractéristique distinctive des archives par rapport aux des catalogues collectifs employés par des bibliothèques objets documentaires conservés dans les bibliothèques : similaires ou d’un même réseau (Poupeau 2012). Une la structure interne du fonds prend la forme d’une hié- telle pratique est impensable en archivistique. Pour rarchie qui a pour principe de diviser les activités et les chaque fonds d’archives, l’archiviste doit recommen- fonctions : cer l’indexation : par l’analyse, il obtient une combinai- son de concepts unique, qu’il doit ensuite traduire en Ensemble de documents de toute nature réunis termes d’indexation. automatiquement et organiquement, créés et/ou accumulés et utilisés par une personne physique Unité de traitement ou morale ou par une famille dans l’exercice de ses activités ou de ses fonctions. Une deuxième différence notable porte sur l’unité (BCA 2008, D5, nous soulignons) de traitement. En effet, l’unité de traitement en archi- vistique est le fonds d’archives. Les RDDA donnent une En archivistique, on indexe non seulement des définition du fonds (curieusement, la Loi sur les archives documents, mais des regroupements de documents. Ces du gouvernement du Québec mentionne le mot fonds regroupements sont basés sur l’organisation interne du deux fois sans le définir) : fonds, sur sa classification. Les niveaux de classifica- tion constituent également les niveaux de description. 208 | octobre • décembre 2013 | Documentation et bibliothèques DB_v59_n4.indd 208 2013-10-06 10:19
Le niveau le plus englobant est le fonds qui se divise en séries, elles-mêmes divisées en dossiers, eux-mêmes ras- Figure 4 semblant des pièces. Si la complexité du fonds l’exige et Hiérarchie d’une classification d’archives pour faciliter son appréhension intellectuelle, on ajoute des niveaux intermédiaires : les sous-séries et sous- sous-etc.-séries (Figure 4). Les documents physiques sont les pièces ; les niveaux supérieurs appartiennent à la classification, l’organisation intellectuelle appliquée à ces documents physiques. Le regroupement des docu- ments est différent selon le niveau de la classification, qui est aussi le niveau de description et d’indexation. Les concepts principaux de chacun des rassemblements sont différents. Par exemple, les documents de constitution d’une personne morale seront dans une série appelée laire général, les mots « coiffe » ou « recette de cuisine » « Constitution », indiquant dans ce cas précis l’activité pourraient être pertinents. Mais si les notices de cet éta- de se constituer ; ce seront, pour une personne physique blissement sont versées dans une base de données plus ou une famille, les documents d’identité et les actes qui large, telle que celle du Réseau de diffusion des archives marquent la vie d’une famille tels que l’acte de nais- du Québec (RDAQ), alors il pourrait tout de même être sance, de mariage, un certificat de citoyenneté ou un pertinent de retenir « religion » comme terme d’indexa- passeport. Nous excluons les collections de documents tion, afin de discriminer les fonds de cet établissement d’archives qui existent dans les services d’archives de ceux des autres institutions. parallèlement aux fonds d’archives et qui peuvent avoir différents principes de regroupement (non pas Principe du général au particulier le créateur mais la thématique, le type de document, la période, etc.) Les collections n’offrent généralement Parce que les archives sont regroupées en fonds pas de classification, mais présentent un ordre linéaire d’archives, il y a pluralité de documents et hiérarchi- ou une progression, chronologique par exemple. Nous sation en niveaux de classification. À chaque niveau de voyons alors que la structure hiérarchique typique d’un la hiérarchie, on peut procéder à l’indexation. Mais en fonds d’archives n’est pas d’origine philosophique, mais raison du principe archivistique selon lequel on doit plutôt organique puisqu’elle découle des activités et des aller du général au particulier, on doit donc d’abord fonctions du créateur. indexer le niveau supérieur d’un fonds d’archives, La hiérarchie spécifique aux archives a une réper- avant d’indexer les niveaux inférieurs établis en fonc- cussion sur le vocabulaire employé pour leur indexa- tion des activités ou fonctions du créateur. Il existe tion. Les normes d’indexation mentionnent généra- généralement au moins trois à quatre niveaux de des- lement que l’on doit choisir un niveau de vocabulaire cription supérieurs avant d’arriver à la pièce, au docu- le plus élevé possible en spécificité : « Lorsqu’on utilise ment d’archives lui-même. On n’indexe aux niveaux un thésaurus, il faut sélectionner le terme le plus spé- inférieurs que si cela est nécessaire ; dans la pratique, cifique existant pour représenter une notion donnée. » il arrive qu’on indexe un dossier ou une pièce parce (ISO 5963:1985) En archivistique, à chaque niveau qu’ils sont très demandés par les usagers ou parce qu’on de la hiérarchie, on adapte la spécificité du vocabu- organise une exposition virtuelle et qu’il faut pouvoir laire. Le terme « établissement scolaire », s’il se trouve retrouver ce document rapidement. Mais ces cas parti- à un niveau élevé de la hiérarchie, tel que le fonds par culiers dérogent au principe du général au particulier. exemple, dénotera un sujet général, les établissements La norme ISO 999:1996 (1, section 1) parle des « points scolaires. À un niveau inférieur, on retrouvera plutôt d’accès des différents niveaux utilisés dans les entrées « école » ou « collège ». Mais la spécificité du vocabu- d’index » et non des niveaux de l’indexation. laire est à pondérer avec la mission de l’établissement. L’indexation qui porte sur chacun des niveaux « Elle [la spécificité de l’indexation] est très variable doit s’adapter à son degré de précision. On parle […]. Le niveau d’indexation restera plus général pour un dans l’indexation de spécificité (qualité des termes) catalogue de bibliothèque que pour un outil de recherche et d ’exhaustivité (quantité des termes). Ces deux cri- documentaire destiné à une recherche rétrospective fine. » tères de l’indexation doivent être adaptés au niveau de (NF Z 47-102:1993) Par exemple, le service d’archives description choisi (fonds, série, dossier, pièce). Comme d’une communauté religieuse ne va pas retenir pour on procède du général au particulier, on commence terme d’indexation de ses fonds le mot « religion », cela par indexer le niveau du fonds puis les niveaux infé- serait inutile. Par contre, dans le vocabulaire religieux, rieurs. Plus le niveau est élevé dans la hiérarchie (fonds les mots « novice » ou « vœux temporaires » seraient des ou série), plus on retiendra des termes généraux. Plus termes que l’on pourrait envisager et dans le vocabu- le niveau est bas dans la hiérarchie (dossier ou pièce), Documentation et bibliothèques | octobre • décembre 2013 | 209 DB_v59_n4.indd 209 2013-10-06 10:19
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