Indexation par sujet en archivistique et en bibliothéconomie : du pareil au même ? Archival and Library Subject Indexation : Is There a Difference ...

La page est créée Bernard Renard
 
CONTINUER À LIRE
Document généré le 11 déc. 2021 01:03

Documentation et bibliothèques

Indexation par sujet en archivistique et en bibliothéconomie :
du pareil au même ?
Archival and Library Subject Indexation : Is There a
Difference ?
Referenciación por temas en archivología y biblioteconomía :
¿se trata de lo mismo ?
Laure Amélie Guitard

Volume 59, numéro 4, octobre–décembre 2013                                       Résumé de l'article
                                                                                 Dans le cadre de notre recherche doctorale visant à mettre au jour le
URI : https://id.erudit.org/iderudit/1019217ar                                   savoir-faire d’archivistes qui indexent des fonds d’archives par thématique,
DOI : https://doi.org/10.7202/1019217ar                                          nous étudions l’indexation par sujet des archives selon les perspectives des
                                                                                 créateurs de points d’accès, les archivistes. Le contenu et la qualité des index
Aller au sommaire du numéro                                                      sont le fruit du travail de l’archiviste. Le but de cet article est de présenter la
                                                                                 spécificité de l’indexation par sujet en archivistique. Pour ce faire, nous
                                                                                 dégageons de la littérature les caractéristiques de l’indexation par sujet en
                                                                                 archivistique et en bibliothéconomie. Nous considérons des ressemblances et
Éditeur(s)
                                                                                 des différences relatives à l’objet de l’indexation, aux principes
Association pour l'avancement des sciences et des techniques de la               organisationnels et aux techniques de description dans les deux disciplines. Il
documentation (ASTED)                                                            s’agit notamment de savoir si les archivistes peuvent reprendre telles quelles
                                                                                 les lignes directrices pour l’indexation produites dans une perspective
ISSN                                                                             documentaire.

0315-2340 (imprimé)
2291-8949 (numérique)

Découvrir la revue

Citer cet article
Guitard, L. A. (2013). Indexation par sujet en archivistique et en
bibliothéconomie : du pareil au même ? Documentation et bibliothèques, 59(4),
201–212. https://doi.org/10.7202/1019217ar

Tous droits réservés © Association pour l'avancement des sciences et des        Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des
techniques de la documentation (ASTED), 2013                                    services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique
                                                                                d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne.
                                                                                https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/

                                                                                Cet article est diffusé et préservé par Érudit.
                                                                                Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de
                                                                                l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à
                                                                                Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche.
                                                                                https://www.erudit.org/fr/
DOCUMENTATION
                      BIBLIO THÈQUES
                                                               Indexation par sujet en archivistique et en
                                                               bibliothéconomie : du pareil au même ?
                                                               Laure Amélie Guitard
                                                               Candidate au doctorat en sciences de l’information
                                                               EBSI, Université de Montréal
                                                               laure.guitard@umontreal.ca

                                                                                              Introduction
                                 Résumé | Abstract | Resumen

                                                                                              L’
                     Dans le cadre de notre recherche doctorale visant à mettre au jour              indexation par sujet connaît une longue tra-
                     le savoir-faire d’archivistes qui indexent des fonds d’archives par             dition en bibliothéconomie. La pratique archivis-
                     thématique, nous étudions l’indexation par sujet des archives                   tique a quant à elle privilégié, d’une part, le créa-
                     selon les perspectives des créateurs de points d’accès, les archi-
                                                                                              teur (la provenance) pour la classification, et d’autre
                     vistes. Le contenu et la qualité des index sont le fruit du travail de
                     l’archiviste. Le but de cet article est de présenter la spécificité de   part, les noms propres pour l’indexation. Pourtant,
                     l’indexation par sujet en archivistique. Pour ce faire, nous déga-       les archivistes ont aussi à créer des accès sujet, essen-
                     geons de la littérature les caractéristiques de l’indexation par sujet   tiellement avec des noms communs. De nos jours,
                     en archivistique et en bibliothéconomie. Nous considérons des res-       on constate des pratiques professionnelles différentes
                     semblances et des différences relatives à l’objet de l’indexation,
                                                                                              quant à l’indexation par sujet dans les bibliothèques et
                     aux principes organisationnels et aux techniques de description
                     dans les deux disciplines. Il s’agit notamment de savoir si les archi-   les services d’archives. Dans le but de présenter la spé-
                     vistes peuvent reprendre telles quelles les lignes directrices pour      cificité de l’indexation par sujet en archivistique, nous
                     l’indexation produites dans une perspective documentaire.                considérons les ressemblances et les différences relatives
                                Archival and Library Subject Indexation :                     à l’objet de l’indexation, aux principes organisationnels
                                          Is There a Difference ?                             et aux techniques de description propres à chacune des
                     During the course of a doctoral research project aiming to updating      deux disciplines, à partir d’une revue de la littérature.
                     the know-how and skills archivists require to index archival collec-     Il s’agit notamment de savoir si les archivistes peuvent
                     tions according to themes, the author examined subject indexation        reprendre tels quels les lignes directrices ou les outils
                     from the perspective of those persons who create access, that is, the    d’aide à l’indexation produits dans une perspective
                     archivists. The content and the quality of the indexes are the result
                     of the work of the archivist. This article outlines the specificity of
                                                                                              documentaire.
                     subject indexation in archival science. To achieve this, the charac-           Après la définition des concepts principaux de
                     teristics of subject indexation in archival and library sciences were    notre sujet, nous identifions les ressemblances et les
                     gleaned from the literature. The areas of similarity and of diver-       différences de l’indexation par sujet en bibliothécono-
                     gence regarding indexation, the organisational principals and the        mie et en archivistique. Nous analysons des normes qui
                     descriptive techniques of both disciplines were examined. The idea
                     under consideration is whether the archivists can apply the guide-
                                                                                              peuvent baliser le travail de l’indexeur, afin d’évaluer
                     lines used for indexation in libraries without changing them.            si elles peuvent aiguiller un archiviste dans le cadre de
                                                                                              son travail. La question du vocabulaire, centrale pour
                                Referenciación por temas en archivología y
                                 biblioteconomía : ¿se trata de lo mismo ?
                                                                                              l’indexation, est abordée transversalement dans les
                                                                                              ­dernières sections.
                     En el marco de nuestra investigación doctoral destinada a revelar
                     el conocimiento de los archivistas que referencian los fondos de
                     archivos por temas, estudiamos la referenciación por temas de los        Définitions et précisions
                     archivos desde la perspectiva de sus creadores, los archivistas. El
                     contenido y la calidad de los índices son producto del trabajo del             Les définitions qui suivent sont des définitions
                     archivista. El objetivo de este artículo consiste en presentar las       fonctionnelles qui sont fournies au lecteur afin de
                     características de la referenciación por temas en materia de archi-
                     vología. Para ello, separamos de la literatura las particularidades
                                                                                              ­s’entendre sur les notions principales de cet article.
                     de referenciación por temas y las clasificamos en archivología y
                     biblioteconomía. Analizamos las similitudes y las diferencias rela-      Les disciplines : bibliothéconomie
                     tivas al objeto de referenciación, a los principios organizacionales     et archivistique
                     y a las técnicas de descripción en ambas disciplinas. Se trata fun-
                     damentalmente de averiguar si los archivistas pueden incorporar,
                                                                                                   Nous envisageons l’indexation par sujet dans la
                     sin variaciones, las líneas directrices que se producen dentro de
                     una perspectiva documental, para realizar la referenciación.             perspective des deux disciplines que sont la bibliothé-
                                                                                              conomie et l’archivistique. La bibliothéconomie est la
                                                                                              discipline qui définit les opérations d’une bibliothèque
                                                                                              (gestion, organisation, etc.). L’archivistique est la disci-
                                                                                              pline qui a pour objet les documents d’archives, de leur
                                                                                              création à leur destruction ou conservation permanente

                                                                                                Documentation et bibliothèques | octobre • décembre 2013 | 201

DB_v59_n4.indd 201                                                                                                                                               2013-10-06 10:19
(évaluation, acquisition, classification, description, pré-                                     guistiques pour construire les termes d’indexation,
                     servation, diffusion).                                                                          nous considérons qu’elle repose fondamentalement sur
                                                                                                                     des principes linguistiques (Amar 2000).
                     Les documents d’archives,                                                                            Il existe plusieurs types d’index. La norme
                     le fonds d’archives                                                                             NF ISO 999:1996, Principes directeurs pour l’élabora-
                                                                                                                     tion, la structure et la présentation des index, décrit
                          Nous entendons documents d’archives au sens                                                cinq types d’index courants : 1) index des sujets ; 2) des
                     suivant : documents produits ou reçus automatique-                                              auteurs ; 3) des noms et des noms géographiques ; 4) des
                     ment et organiquement par un créateur (personne phy-                                            titres de documents et ; 5) de numéros et de codes
                     sique, morale ou famille) dans le cadre de ses activités                                        (comme le numéro de brevet, l’ISBN et les dates de créa-
                     ou fonctions, et que l’on conserve pour leur valeur de                                          tion ou de publication) (Organisation internationale de
                     témoignage ou d’information générale1. Nous précisons                                           normalisation 1996). Il sera question ici des index des
                     que nous employons le mot documents d’archives au                                               sujets ou index thématiques.
                     sens d’« archives définitives », parfois appelées « histo-
                     riques ». Nous ne traitons pas ici d’archives courantes ni                                      L’indexation par sujet
                     intermédiaires. Les archives sont généralement regrou-
                     pées en fonds d’archives. Le fonds d’archives est l’accu-                                            L’indexation par sujet — ou indexation théma-
                     mulation naturelle et organique des documents d’un                                              tique — est la représentation, par des termes d’indexa-
                     créateur, organisée en fonction des activités et des fonc-                                      tion, des sujets présents dans les documents et décom-
                     tions de celui-ci.                                                                              posés en concepts. En général, l’indexation porte
                                                                                                                     sur tous les types de notions présents dans les docu-
                     L’indexation                                                                                    ments indexés, tandis que l’indexation thématique
                                                                                                                     ne s’occupe que des sujets, et des sujets pertinents par
                            L’indexation consiste à représenter le contenu d’un                                      rapport à la mission du centre d’archives et des inté-
                     document par des expressions linguistiques. Mais dans                                           rêts de ses usagers (Bureau canadien des archivistes
                     quel but indexe-t-on ? « L’indexation est une activité                                          (BCA). Groupe de travail sur l’indexation par sujet
                      intellectuelle qui a un but pratique, retrouver rapidement                                     1992, 135-136). De manière schématique, un sujet est ce
                      de l’information. » (Weinberg 2009, 2287, notre traduc-                                        dont parle un document ; par exemple, un livre sur les
                     tion) ; « Indexer, c’est l’acte de pointer vers. » (Jacob &                                     chiens a comme sujet les chiens. Un fonds d’archives,
                     Shaw 1998, 156, notre traduction) Par l’association de                                          par exemple le Fonds Wilfrid-­       Pelletier, porte sur la
                     localisateurs aux expressions linguistiques, l’index peut                                       personne de Wilfrid P   ­ elletier en traitant de sa vie, de
                     permettre de retrouver l’évocation d’un concept dans                                            ses activités, de ses réalisations et de ses relations. Le
                     un ensemble documentaire, que ce soit un document                                               journal intime d’une jeune fille est non seulement d’elle
                     dans une collection ou une section particulière dans                                            — elle en est l’auteure et la créatrice — mais ce docu-
                     un document. La section de cet article intitulée « L’in-                                        ment apporte également des informations sur elle —
                     dexation, processus et activité » détaille les étapes de                                        elle en est donc également le sujet. La frontière entre
                     ­l ’indexation en tant que ­processus et en tant qu’activité.                                   créateur et sujet n’est pas toujours évidente en archivis-
                                                                                                                     tique (BCA 1992, 50). Les ouvrages autobiographiques
                     L’index                                                                                         portent également ce risque d’ambiguïté entre créateur
                                                                                                                     et sujet, mais ce risque est beaucoup plus présent dans
                           L’indexation a pour produit l’index. Un index est                                         une collection de documents d’archives que dans une
                     un relevé systématique des concepts pertinents pour la                                          collection de bibliothèque. En effet, dans la collection
                     recherche en fonction des usagers du milieu où se pra-                                          d’un service d’archives, les documents sont rassemblés
                     tique l’indexation. Les concepts prennent une forme                                             justement en fonction de leur capacité à témoigner de
                     à laquelle on associe un ou plusieurs localisateurs. Un                                         leur créateur et à parler de lui. Ils disent donc nécessai-
                     localisateur est un indice de localisation tel que la page                                      rement quelque chose du créateur.
                     ou la cote, ou bien un renvoi voir vers une entrée qui
                     présente, elle, un localisateur. En bref, l’index contient                                      L’indexation par sujet en archivistique
                     la liste des termes d’indexation et leur localisation. C’est
                     le résultat du rapprochement entre des notions issues                                                En 1992, le BCA présente, dans un rapport spécia-
                     des documents examinés (concepts) et des expressions                                            lement rédigé sur l’indexation thématique des archives,
                     linguistiques permettant la recherche ultérieure de ces                                         trois principes qui distinguent l’indexation par sujet des
                     notions (termes d’indexation). Étant donné que l’in-                                            archives de l’indexation par sujet en bibliothéconomie :
                     dexation a recours à des mots et des expressions lin-                                           le respect des fonds (l’unité de traitement), les niveaux
                                                                                                                     de classement (la hiérarchie) et le principe du général au
                     1.   Définition adaptée de la Loi sur les archives, chapitre A-21.A, I, 2, et des Règles pour   particulier (1992, 29). Dans la section de cet article inti-
                          la description des documents d’archives (RDDA) (BCA. Comité de planification sur           tulée « L’indexation des documents d’archives », nous
                          les normes de description 2008).

                     202 | octobre • décembre 2013 | Documentation et bibliothèques

DB_v59_n4.indd 202                                                                                                                                                                  2013-10-06 10:19
tentons de montrer comment ces principes et d’autres
                     entrent en jeu dans l’indexation des archives, et nous          Figure 1
                     essayons de savoir s’ils la distinguent de l’indexation         Le processus d’indexation
                     pratiquée dans les bibliothèques.
                          « À trop vouloir se distinguer des bibliothèques et
                     des techniques bibliothéconomiques, les archivistes ont
                     jeté le bébé avec l’eau du bain et ont négligé sans raison
                     valable l’accès sujet. » (Pugh 1982, 42, notre traduction)
                     Or, les demandes d’archives se font principalement par
                     accès sujet (Pugh 1982, 40 ; Gagnon-Arguin 1998, 92 ;
                     Lévesque 2002, 36). Les recherches s’effectuent mainte-        englobent celles-ci (Bonin 2007). Les idées et concepts
                     nant souvent en dehors des bâtiments des institutions,         prennent peu à peu la forme d’expressions linguistiques.
                     par des outils en ligne (Duff 2002, 334). Quand ils sont       Nous ne débattrons pas duquel des deux, du langage ou
                     devant un ordinateur ou un appareil électronique du            de la pensée, est premier, mais nous considérons que
                     même type, les usagers se comportent de manière simi-          le langage et la pensée concourent conjointement à la
                     laire, quelle que soit l’institution à laquelle ils envoient   communicabilité des idées sous la forme de mots.
                     leur requête ; ils sont googlisés (Yu-Young 2004). Avec               Le processus d’indexation comporte deux étapes
                     l’avènement du Web sémantique, qui repose sur des              principales (Figure 1) : l’analyse des documents afin
                     métadonnées notamment thématiques (pour ne pas                 d’identifier les concepts qu’il comprend, et la repré-
                     dire principalement thématiques), nous pensons que la          sentation de ces concepts en termes d’indexation. Les
                     quête par sujet des usagers ne réduira pas.                    concepts sont issus de l’analyse pratiquée sur les docu-
                          Les archivistes ont privilégié le créateur pour déli-     ments à indexer (identification et sélection des concepts)
                     miter les fonds d’archives ainsi que les activités et fonc-    et les termes d’indexation sont choisis pour représenter
                     tions afin de constituer les niveaux hiérarchiques décri-      ces concepts au mieux par la personne qui indexe. Ce
                     vant au mieux le contexte de création. C’est le contexte       dernier choix s’effectue en fonction de plusieurs para-
                     de création qui donne toute sa signification aux archives      mètres tels que l’unité de traitement, l’institution et
                     (Cardin 2001, 118). En bibliothéconomie, un ouvrage            ses habitudes de fréquentation, les sujets fréquemment
                     s’insère dans une classification thématique et est indexé      recherchés ou le vocabulaire employé par les usagers
                     par sujet. Il peut également être muni d’un index thé-         dans leurs requêtes (Couture 2005, 330 ; voir BCA 1992,
                     matique en fin de volume. En archivistique, le seul accès      58 pour l’identification d’autres facteurs).
                     par sujet est l’index qui porte sur des ensembles de                  Bertrand-Gastaldy, Giroux, Lanteigne et David,
                     documents tels que la collection d’un service d’archives       dans l’article « Les produits et processus cognitifs de
                     ou un fonds d’archives. C’est pour cela que l’indexation        l’indexation humaine », ont mené une étude sur l’in-
                     sujet revêt une telle importance en archivistique : elle       dexation du point de vue cognitif. Ils décrivent l’indexa-
                     favorise indéniablement l’accès.                               tion ainsi : « L’opération d’indexation comporte deux
                                                                                    étapes : la première consiste à extraire le “contenu” d’un
                     L’indexation, processus et activité                            document ; la seconde à le représenter par une série de
                                                                                    mots-clés qui serviront de portes d’accès lors d’un repé-
                          Qu’est-ce que l’indexation ? Nous avons présenté          rage subséquent. » (1994, 31) Ces deux étapes — analyse
                     une définition générale dans la section précédente.            et représentation — constituent le cœur du processus
                     Nous allons maintenant examiner en détail en quoi              de l’indexation et sont fréquemment identifiées par les
                     elle consiste. Pour ce faire, nous l’abordons sous deux        auteurs s’intéressant à l’indexation comme processus.
                     angles très différents, à savoir l’aspect cognitif et l’as-           Pour Langridge (1989), l’analyse des sujets et la
                     pect pratique. À partir de la vision d’ensemble que nous       traduction en langage documentaire sont deux sous-­
                     tirons d’une revue de la littérature, nous identifions une     processus de l’indexation. L’auteur a mené une étude
                     étape préliminaire lors de laquelle la différence d’objet      en milieu professionnel sur l’analyse du sujet pour
                     documentaire en bibliothéconomie et en archivistique           ­l ’indexation documentaire.
                     joue un rôle.                                                         Lancaster, dont le manuel sur l’indexation et le
                                                                                     résumé a formé nombre d’indexeurs, de la première
                     Sur le plan cognitif : étapes du processus                      édition en 1991 à la troisième en 2003, indique que,
                                                                                     malgré l’absence de consensus terminologique pour
                          L’indexation étant un processus fondamentale-              décrire l’indexation, il faut s’assurer de ­    distinguer
                                                                                                                                   « ­
                     ment linguistique (Amar 2000) et le langage prenant sa          l’étape de l’analyse conceptuelle de celle de la traduc-
                     source dans les rouages de notre esprit (Aitchison 2003),       tion dans l’indexation » (Lancaster 2003, 21, notre
                     il nous est apparu nécessaire d’envisager l’indexa-            traduction).
                     tion d’un point de vue cognitif. Les sciences cognitives              Selon Champagne et Chouinard, pour procéder
                     étudient les opérations mentales et les processus qui          à l’indexation, « il s’agit de déterminer l’information

                                                                                     Documentation et bibliothèques | octobre • décembre 2013 | 203

DB_v59_n4.indd 203                                                                                                                                    2013-10-06 10:19
qui doit être retenue, puis de choisir les termes ou les         Une étape préliminaire à
                     ­expressions qui vont l’exprimer » (1987, 118).                  l’indexation : la lecture
                           Dans le cadre d’une comparaison de l’indexation
                      pratiquée dans ces deux disciplines que sont l’archivis-             Plusieurs recherches empiriques ont permis d’ap-
                      tique et la bibliothéconomie, nous nous demandons si            profondir les différentes étapes que suit l’indexeur lors
                      le processus est différent selon que l’indexeur est archi-      du processus d’indexation. Hormis l’identification des
                      viste ou bibliothécaire. Champagne et Chouinard pour-           concepts principaux et la représentation de ces concepts
                      suivent leur définition de l’indexation en précisant :          dans un langage à vocation documentaire, étapes que
                      « Un tel processus s’applique à toute démarche d’indexa-        nous avons déjà vues dans la section portant sur l’aspect
                      tion, qu’elle soit le fait d’un documentaliste, d’un biblio-    cognitif de l’indexation, la littérature pointe une étape
                      thécaire ou d’un archiviste. » (1987, 118) Ainsi, nous          préliminaire. Ainsi, pour procéder à l’analyse des docu-
                      retiendrons que le processus d’indexation se découpe en         ments à indexer, il faut au préalable « lire » les docu-
                      deux opérations principales — l’analyse et la représen-         ments, c’est-à-dire en prendre connaissance et com-
                      tation — et que cette opération mentale serait similaire        prendre les informations envisagées. La « lecture » n’est
                      quelle que soit la profession de la personne qui indexe.        pas une étape anodine. Pour Farrow (1991), la lecture
                                                                                      d’un texte s’effectue non pas pour acquérir des connais-
                     Sur le plan pratique : étapes de l’activité                      sances, mais pour réaliser une tâche. Pour Endres-­
                                                                                      Niggemeyer (1998, 109), il s’agit non pas de lire distrai-
                          Envisageons le côté pratique de l’indexation. Pour          tement ou de parcourir un texte, mais d’y rechercher les
                     cela, nous avons consulté des normes internationales             éléments pertinents à la réalisation d’une tâche.
                     et nationales, puisqu’elles sont créées pour encadrer                 La lecture du document inclut non seulement un
                     le travail concret des indexeurs et qu’elles décrivent           contact physique, visuel, sonore ou autre, entre l’in-
                     un modèle vers lequel tendre. Nous avons également               dexeur et le document, mais aussi la compréhension au
                     consulté les articles de chercheurs qui ont mené des             moins partielle du contenu véhiculé par celui-ci. C’est
                     recherches empiriques sur l’indexation en milieu pro-            pourquoi Hovi parle dans un premier temps de « survol
                     fessionnel, afin d’avoir une meilleure idée du déroule-          attentif du document », mais aussi, dans un second
                     ment concret de l’activité d’indexation.                         temps, de l’« établissement de la signification » (Hovi
                          La norme BS 6529:1984, de par son titre seulement,          1989, cité par Endres-Niggemeyer 1998, 102).
                     identifie trois phases dans le processus d’indexation :               Il existe plusieurs types de lecture, dont par
                     Recommandations relatives à l’étude des documents, la            exemple l’appréhension visuelle d’un document, la
                     définition de leur contenu et le choix des termes d’in-          lecture en diagonale, la lecture partielle à des endroits
                     dexation (British Standards Institution 1984). Malgré            clés du document, la lecture du document entier, la
                     des dates d’édition non chronologiques, le préambule             lecture orientée vers une tâche. Dans la vie de tous
                     de cette norme indique qu’elle est elle-même basée               les jours, nous expérimentons également plusieurs
                     (elle n’y est toutefois pas équivalente) sur la norme ISO        manières de lire. Par exemple, nous ne lisons pas de la
                     5963:1985, Documentation — Méthodes pour l’analyse               même manière le journal du dimanche matin avec un
                     des documents, la détermination de leur contenu et la            bon café qu’une recette de cuisine dans le but de suivre
                     sélection des termes d’indexation (Organisation inter-           précisément les instructions énoncées. Pour Endres-
                     nationale de normalisation 1985). Cette dernière norme           Niggemeyer (1998, 36), la lecture des documents est une
                     formule différemment les intitulés des trois phases.             lecture orientée vers la tâche (task-oriented reading) et
                     « L’étude des documents » (BS 6529:1984) constitue le            diffère donc si la personne indexe, résume ou classifie le
                     premier contact entre l’indexeur et le document en vue           document lu.
                     de son indexation. Il s’agit, pour la norme ISO 5963:1985,            Quand un bibliothécaire ou un archiviste lit pour
                     de la première des trois étapes de l’indexation : « l’exa-       indexer, il commence déjà l’identification des concepts,
                     men du document », aussi appelée « familiarisation » par         leur sélection et leur représentation. C’est dans ce sens
                     Rowley (1988). Pour Hovi (1989), il s’agit d’un « survol         que la norme ISO 5963:1985 indique que les trois étapes
                     attentif du document » (notre traduction). Finalement,           — lecture, analyse et représentation — « ont tendance à
                     la norme NF Z 47-102:1993 — l’équivalent national fran-          se chevaucher dans la pratique » (ISO 1985, 2). La lecture
                     çais de la norme ISO 5963:1985, avec « modifications             est une étape incontournable de l’indexation. Pour-
                     rédactionnelles » — détaille trois « phases de la recon-         tant, pour nous, elle reste une étape préliminaire et ne
                     naissance des concepts » dont la première est l’« appré-         fait pas partie du cœur de l’indexation. Elle appartient
                     hension du contenu total du document ». Cette étape              à d’autres processus tels que le résumé, comme l’a clai-
                     préliminaire est celle dont fait l’objet la section suivante.    rement montré Endres-Niggemeyer (1998). Ainsi, pour
                                                                                      nous, du point de vue cognitif, l’indexation est iden-
                                                                                      tique en bibliothéconomie et en archivistique.
                                                                                           Le Tableau 1 propose une vision d’ensemble de
                                                                                      l’indexation en tant que processus ou activité, selon les

                     204 | octobre • décembre 2013 | Documentation et bibliothèques

DB_v59_n4.indd 204                                                                                                                                 2013-10-06 10:19
auteurs cités. Les diverses étapes y sont rattachées aux                  parle également de la construction d’une entrée d’index.
                     auteurs qui les ont mentionnées.                                          Après la représentation, il est vrai que les termes d’in-
                          Dans le Tableau 1, les éléments qui, selon nous,                     dexation doivent être mis en forme et ordonnés en une
                     constituent de manière stricte l’indexation sont ceux                     présentation optimale pour l’usager et dans le souci de la
                     qui sont liés aux deux étapes de l’indexation identifiées                 plus grande accessibilité. Une norme s’y consacre entiè-
                     dans la définition : l’analyse et la représentation.                      rement : la norme BS 3700:1988, intitulée Recomman-
                          Dans cette vision d’ensemble que favorise la lecture                 dations pour la préparation des indexes [sic] des livres,
                     du Tableau 1, nous pouvons constater que l’étape de la                    périodiques et d’autres documents (British Standards
                     lecture est tout autant décrite que les étapes d’analyse                  Institution 1988). La norme internationale ISO 999:1996
                     et de représentation. Mentionnons que Langridge (1989)                    Information et documentation — Principes directeurs

        Tableau 1
        Le découpage de l’indexation
                                                                                                                       INDEXATION
                                                  LIRE                                    ANALYSER                                        REPRÉSENTER
             Auteurs
                                                                                                                                                           Construire
                               Appréhender               Comprendre         Identifier          Sélectionner                    Traduire                     l’index
         Bertrand-­
                                                                          Extraction du
         Gastaldy, Giroux,                                                                                             Représentation par une série
                                                                          « contenu » d’un
         Lanteigne &                                                                                                   de mots-clés
                                                                          document
         David 1994
                                                                                                                   Traduction de ces concepts
                                                                          Identification des Extraction des
                                                                                                                   dans un langage documen-
                                                                          concepts           concepts
         Champagne &                                                                                               taire donné
         Chouinard 1987                                                                                            Choix des termes ou des
                                                                          Identification de l’information qui doit
                                                                                                                   expressions qui vont
                                                                          être retenue
                                                                                                                   l’exprimer
         Endres-             Appréhension du        Compréhension
         Niggemeyer 1998     document               pendant la lecture
                                                                                               Identification des
                                                    Établissement de                                               Représentation des concepts
                             Survol attentif du                                                concepts les plus
         Hovi 1989                                  la signification du                                            sélectionnés dans le langage
                             document                                                          importants du sujet
                                                    texte                                                          d’indexation
                                                                                               du texte
                                                                          Analyse
         Lancaster 2003                                                                                                Traduction
                                                                          conceptuelle
                                                                                                                       Traduction en langage           Construction d’une
         Langridge 1989                                                   Analyse sujet
                                                                                                                       documentaire                    entrée d’index
                             Lecture ou                                   Détermina-
         Maron 1977          survol attentif du                           tion du sujet
                             document                                     (aboutness)
         Norme               Étude des                                                         Définition de leur
                                                                                                                       Choix des termes d’indexation
         BS 6529:1984        documents                                                         contenu
         Norme                                                            Analyse des          Détermination de        Sélection des termes
         ISO 5963:1985                                                    documents            leur contenu            d’indexation
                                                                          Identification
                                                                                                                       Expression des concepts
         Norme               Examen du              Établissement du      des principaux
                                                                                                                       dans les termes du langage
         ISO 5963:1985       document               sujet                 concepts présents
                                                                                                                       d’indexation
                                                                          dans le sujet
                                                                          Identification et                                                            Organisation des points
                                                                          localisation de                                                              d’accès pour constituer
         Norme                                                            l’information                                                                des entrées ; classe-
         ISO 999:1996                                                     pertinente à l’in-                                                           ment des entrées dans
                                                                          térieur des docu-                                                            un ordre logique et
                                                                          ments indexés                                                                pratique
                                                                                                                       Représentation des concepts
                             Reconnaissance des concepts contenant l’information
                                                                                                                       dans le langage documentaire
         Norme                                                            Identification       Sélection des
         NF Z 47-102:1993    Appréhension du
                                                                          des concepts         concepts néces-
                             contenu total du
                                                                          représentant ce      saires à la recherche
                             document
                                                                          contenu              ultérieure
                                                                                                                       Conversion des concepts en
         Rowley 1988         Familiarisation                              Analyse
                                                                                                                       termes d’indexation

                                                                                                  Documentation et bibliothèques | octobre • décembre 2013 | 205

DB_v59_n4.indd 205                                                                                                                                                          2013-10-06 10:19
Figure 2                                                             Figure 3
                      Recherche simple — Catalogue Iris de BAnQ                            Recherche avancée — Catalogue Iris de BAnQ

                     pour l’élaboration, la structure et la présentation des
                     index inclut deux sections sur la présentation des index.
                     La section 8 s’intitule « Classement des entrées à l’inté-       presque 70 ans et qui contient trois objets assez inso-
                     rieur de l’index » et la section 9 a pour titre « Présenta-      lites : deux éventails et une baguette de direction ! Du
                     tion des index imprimés » (Organisation internationale           côté des bibliothèques, nous constatons également une
                     de normalisation 1996, 29-32 ; 33-37).                           grande diversité de types de documents à BAnQ et ce,
                                                                                      dès la recherche simple dans le catalogue Iris (Figure 2),
                     Une lecture différente selon le support                          tels que livres, films, musique, etc. Mais la recherche
                                                                                      avancée offre 20 types de documents (Figure 3) tels que
                          Nous avons vu une définition de l’indexation et             livres sonores, cartes postales, programmes de spec-
                     les différentes étapes qui permettent de réaliser l’in-          tacle, etc.
                     dexation. L’indexation s’effectue sur des documents.                   Pour rendre compte de cette diversité des supports,
                     Ceux-ci constituent la matière première de l’indexation          les Français ont même inventé le terme de médiathèque
                     (Figure 1). La lecture a été présentée à titre d’étape pré-      ainsi que d’autres néologismes tels que bédéthèque,
                     liminaire qui consiste en la prise de connaissance des           cédéthèque et ludothèque2, qui dénotent des biblio-
                     documents, qui existent sur toutes sortes de supports.           thèques spécialisées dans un type de support.
                     Les images traditionnelles des services d’archives et                  Les organismes de normalisation ont intégré cette
                     de bibliothèques représentent souvent les documents              diversité à leurs directives. La norme NF ISO 999:1996,
                     comme un royaume de papier. Pourtant, si nous consul-            Information et documentation — Principes directeurs
                     tons les catalogues de Bibliothèque et Archives natio-           pour l’élaboration, la structure et la présentation des
                     nales du Québec (BAnQ), nous pouvons remarquer                   index, s’applique non seulement aux livres et aux docu-
                     qu’on nous propose des documents sur une grande                  ments écrits en tous genres, mais aussi aux « non-
                     diversité de supports, tant pour les archives que pour la        livres […] tels que les documents électroniques, les films,
                     bibliothèque.                                                    les enregistrements sonores, les enregistrements vidéo, les
                          Les collections d’archives ne comprennent pas que           documents iconographiques, les cartes et les objets à trois
                     des documents papier et des photographies développées            dimensions » (Organisation internationale de norma-
                     sur papier contenus dans des chemises épaisses. Elles            lisation 1996, 1). Par contre, la norme NF Z 47-102:1993,
                     contiennent des documents de divers types et acces-              ­Information et documentation — Principes généraux
                     sibles sur toutes sortes de supports, comme le montre             pour l’indexation des documents, indique que « [l]a
                     la répartition des divers chapitres des Règles de descrip-        démarche d’appréhension du document est différente
                     tion des documents d’archives (RDDA) élaborées par le             dans le cas d’un document audiovisuel, visuel, sonore,
                     Bureau canadien des archives (2008) : documents tex-
                     tuels, iconographiques, cartographiques, dessins d’ar-
                     chitectures et dessins techniques, images en mouve-              2.    Ludothèque et médiathèque sont des créations de « v. 1970 » selon le Grand
                     ment, enregistrements sonores, documents informa-                      Robert. Les termes bédéthèque et cédéthèque ne font pas partie de la nomencla-
                     tiques, microformes, objets et documents philatéliques.                ture du Grand Robert, mais ils sont employés dans la dénomination d’établisse-
                                                                                            ment par certaines villes francophones. Exemples de bédéthèques : la résidence
                          Examinons deux notices de fonds d’archives                        universitaire de l’Université Laval  et l’associa-
                                                                                            tion d’étudiants à l’Université de Gembloux, en Belgique . Exemples de cédéthèques : la ville française de Mon-
                     qui couvre principalement une période d’une qua-                       taigu , la
                                                                                            section des disques compacts dans la médiathèque Intercommunale Muroise en
                     rantaine d’années ; neuf types de documents pour                       France . Pages
                     le Fonds Wilfrid-Pelletier (cote MSS20), qui couvre                    consultées le 11 août 2013.

                     206 | octobre • décembre 2013 | Documentation et bibliothèques

DB_v59_n4.indd 206                                                                                                                                                              2013-10-06 10:19
ou d’un objet à trois dimensions (une pièce de musée,                 ment indépendance au format du document, où
                     une pièce archéologique, etc.) ». Concrètement, la phase              par exemple on représente de manière générique
                     de « lecture » du document physique — comme nous                      la couleur dominante du document, indépen-
                     l’avons nommée dans la section précédente — n’est pas                 damment du format d’encodage de l’image. Il
                     la même. Ainsi, nous avons besoin d’un instrument                     s’agit plutôt de l’indépendance à la nature maté-
                     de lecture pour lire les documents médiatisés. Aussi,                 rielle du document, qu’il soit visuel, sonore ou
                     ­l’appréhension des objets tridimensionnels est un autre              textuel.
                      exemple : le traitement de l’information comportera                                                                           (2007, 253)
                      alors généralement une phase incluant la visualisation            L’indexation par sujet se distingue des autres types
                      de l’objet avant le traitement de l’information qui s’en     d’indexation. Les éléments de support ou le type de
                      dégage (Bonin 2007, 45). L’appréhension d’une pho-           document peuvent faire partie de l’indexation d’un
                     tographie ne sera pas non plus la même si elle est sur        document, mais ils ne constituent pas un sujet du
                     l’écran d’une tablette électronique ou dans un album          document. Et s’ils deviennent des clés d’accès, ils ne
                     aux pages cornées et jaunies. Il est question ici à la fois   devraient pas figurer dans la section des clés d’accès
                     du type de document (document textuel, iconogra-              thématiques.
                     phique, cartographique, images en mouvement, etc.)                 Qu’il s’agisse de documents d’archives ou d’autres
                     et du support (papier, numérique sur tablette, ordina-        objets documentaires tels que des livres, des films ou
                     teur de bureau, négatif ou autres pellicules et bandes,       des albums de musique, on retrouve des opérations
                     disque compact ou DVD, etc.) Il n’est pas question du         génériques qui se recoupent : repérage et sélection des
                     contenu, mais bien du type de document et du support          concepts à retenir d’une part, et représentation de ces
                     que requiert ce contenu.                                      concepts dans un code qui permet le repérage d’autre
                           Ces éléments conditionnent la phase de lecture          part (par le biais d’un langage documentaire contrôlé
                     du document, phase préliminaire à l’indexation, mais          ou d’un vocabulaire libre). L’indexation est un proces-
                     touchent-ils l’indexation ? Svenonius (1994) parle d’une      sus cognitif en deux étapes : analyse et représentation.
                     différence dans les concepts selon la nature du médium,       Et l’indexation porte aujourd’hui sur tous les types de
                     en prenant l’exemple d’œuvres sonores et visuelles. Elle      documents et tous les types de supports. L’étape préli-
                     souligne la complexité des concepts issus de la lecture       minaire à l’analyse (la lecture, c’est-à-dire l’appréhen-
                     de ce type de document. Les concepts issus de l’analyse       sion et la compréhension des documents) est différente
                     de ces types de documents et de supports sont extrê-          selon le type de document, mais au niveau du concept,
                     mement difficiles à étiqueter. Ainsi, pour Svenonius          l’indexation par sujet semble similaire en bibliothéco-
                     (1994, 605), selon le type de document, la difficulté de      nomie et en archivistique.
                     l’indexation n’est pas la même parce que les concepts              L’indexation pratiquée en archivistique et en
                     exprimés dans des documents sonores ou visuels sont           bibliothéconomie se ressemble à la fois sur le plan du
                     difficilement réductibles à certaines expressions lin-        processus et sur celui de l’activité. Voyons si les carac-
                     guistiques. Mais la complexité des concepts à traduire        téristiques propres aux documents d’archives ainsi que
                     en termes d’indexation peut également poser problème          le traitement traditionnel des archives peuvent exercer
                     lors du traitement d’un document textuel. La poésie, par      une influence sur l’activité de l’indexation.
                     exemple, est un type d’écriture qui, même en document
                     textuel, sur un support et dans un format classique et
                                                                                   L’indexation des documents d’archives
                     facilement appréhendable par l’être humain, est diffi-
                     cile à indexer. Svenonius (1994, 605) identifie la source           Les normes et les sources que nous avons citées
                     du problème : il s’agit de lacunes sur le plan terminolo-     jusqu’à présent emploient généralement le singulier ;
                     gique, d’un manque de noms reconnus pour identifier           il est toujours question du document à indexer. Nous
                     tel ou tel concept, plutôt qu’un défaut de l’indexation de    voyons là une préconception bibliothéconomique, où
                     ne pas pouvoir représenter tel ou tel concept issu de tel     l’indexation se fait a priori sur un seul document à la
                     ou tel type de document, sur tel ou tel support.              fois3. En archivistique, par contre, une règle de base
                           Quand l’indexeur passe au niveau conceptuel, la         consiste à appliquer le principe du général au particu-
                     dimension physique des documents perd de son impor-           lier, c’est-à-dire de traiter en priorité le fonds d’archives
                     tance. Bachimont parle d’indexation conceptuelle, un          avant le dossier ou la pièce. Cette remarque nous amène
                     type d’indexation à rapprocher de l’indexation par            à considérer les différences entre l’indexation en biblio-
                     sujet puisqu’elles traitent toutes deux du contenu des        théconomie et l’indexation en archivistique en fonc-
                     documents :                                                   tion de l’objet documentaire sur lequel porte l’indexa-
                         On entend par conceptuel le fait que la repré-            tion. Nous étudions ces différences à partir de certaines
                         sentation est indépendante du média du docu-              caractéristiques des archives, soit la singularité des
                         ment et qu’elle ne porte pas sur la nature phy-
                         sique du document, mais sur son contenu.                  3.    Nous excluons ici l’indexation de groupes d’objets bibliothéconomiques tels que
                         ­L’indépendance du média ne signifie pas seule-                 l’indexation d’une collection.

                                                                                        Documentation et bibliothèques | octobre • décembre 2013 | 207

DB_v59_n4.indd 207                                                                                                                                                         2013-10-06 10:19
archives, l’unité de traitement en archivistique, la hié-            Ensemble de documents de toute nature réunis
                     rarchie d’un fonds d’archives et le principe du général              automatiquement et organiquement, créés et/ou
                     au particulier. Nous mentionnons également l’influence               accumulés et utilisés par une personne physique
                     que peut avoir le vocabulaire des requêtes des usagers               ou morale ou par une famille dans l’exercice de
                     sur les choix terminologiques à faire dans la production             ses activités ou de ses fonctions.
                     d’un index.                                                                     (BCA. Comité de planification sur les normes
                                                                                                        de description 2008, D5, nous soulignons)
                     Singularité                                                             Les normes documentaires parlent de l’indexation
                          Une première différence notable est la singularité          du document, d’un seul document à la fois. Or, en archi-
                     des documents d’archives. Il n’existe pas deux fonds             vistique, on n’indexe généralement non pas un docu-
                     d’archives définitives identiques. En bibliothéconomie,          ment mais des documents. Nous ne considérons pas ici
                     l’objet documentaire est édité, publié. Les exemplaires          les pièces isolées qui peuvent elles aussi exister dans un
                     trouvés en bibliothèque sont absolument identiques,              service d’archives et être indexées à la pièce, car elles
                     car produits en série (Pugh 1982, 33). Nous pouvons              constituent l’exception et non la règle. Alors, à moins
                     même trouver plusieurs exemplaires au même endroit               de considérer le fonds d’archives comme un docu-
                     ou dans plusieurs endroits. Sont exclues ici les collec-         ment, nous ne pouvons pas parler de l’indexation d’un
                     tions de livres rares et les collections spéciales qui récu-     document.
                     pèrent — à cause de ce statut particulier — certaines                   En outre, l’indexation porte non seulement sur les
                     caractéristiques archivistiques : petit nombre d’exem-           documents du fonds, mais aussi sur la notice de des-
                     plaires, voire un seul, exclusion du prêt, mesures de            cription archivistique, ce qui ajoute un document de
                     conservation particulières, traçage de la propriété, etc.        plus à l’ensemble. La notice est le résultat d’une pre-
                     Un fonds d’archives est unique. L’ensemble des docu-             mière analyse qui est faite par un archiviste, une analyse
                     ments produits ou reçus par un créateur qu’est un fonds          parfois différente de celui qui indexe. Les concepts aux-
                     d’archives est composé de documents existant en un               quels l’indexeur accède sont donc de deux types, les
                     seul exemplaire, et chaque document a une et une seule           uns directement issus des documents, les autres extraits
                     place dans l’organisation hiérarchique du fonds. Les             d’une première analyse des documents, la description.
                     fonds d’archives définitives ne représentent que 5 à 10 %        Cette différence touche le choix des termes d’indexa-
                     de la masse documentaire originale (Couture et al. 1999,         tion. La norme NF ISO 999:1996 indique qu’« il convient
                     167). En effet, un tri est effectué en fonction de critères       de choisir les points d’accès [c’est-à-dire les termes d’in-
                     d’évaluation. Parmi ces critères figure l’élimination             dexation] à partir de la terminologie employée dans le
                     des doublons. Un archiviste n’aura donc pas à indexer             document » (10, section 7.2.1.2). Dans la notice des-
                     deux documents identiques, ce qui peut être le cas d’un          criptive, il y a déjà des termes qui sont employés pour
                     bibliothécaire.                                                  dénoter les concepts principaux du fonds, ce qui peut
                          Chaque fonds étant unique, le coût de traitement            influencer les choix terminologiques effectués par
                     (description et indexation) est très élevé car il néces-         ­l ’archiviste lors de l’indexation.
                     site une analyse unique et n’est jamais réutilisable. Or,
                     en bibliothéconomie, il existe des pratiques de réutilisa-       Hiérarchie
                     tion et de partage des informations consignées dans une
                                                                                           La définition des RDDA nous donne une troisième
                     notice de bibliothèque (Poupeau 2012). Il existe même
                                                                                      caractéristique distinctive des archives par rapport aux
                     des catalogues collectifs employés par des bibliothèques
                                                                                      objets documentaires conservés dans les bibliothèques :
                     similaires ou d’un même réseau (Poupeau 2012). Une
                                                                                      la structure interne du fonds prend la forme d’une hié-
                     telle pratique est impensable en archivistique. Pour
                                                                                      rarchie qui a pour principe de diviser les activités et les
                     chaque fonds d’archives, l’archiviste doit recommen-
                                                                                      fonctions :
                     cer l’indexation : par l’analyse, il obtient une combinai-
                     son de concepts unique, qu’il doit ensuite traduire en               Ensemble de documents de toute nature réunis
                     termes d’indexation.                                                 automatiquement et organiquement, créés et/ou
                                                                                          accumulés et utilisés par une personne physique
                     Unité de traitement                                                  ou morale ou par une famille dans l’exercice de
                                                                                          ses activités ou de ses fonctions.
                          Une deuxième différence notable porte sur l’unité                                     (BCA 2008, D5, nous soulignons)
                     de traitement. En effet, l’unité de traitement en archi-
                     vistique est le fonds d’archives. Les RDDA donnent une               En archivistique, on indexe non seulement des
                     définition du fonds (curieusement, la Loi sur les archives       documents, mais des regroupements de documents. Ces
                     du gouvernement du Québec mentionne le mot fonds                 regroupements sont basés sur l’organisation interne du
                     deux fois sans le définir) :                                     fonds, sur sa classification. Les niveaux de classifica-
                                                                                      tion constituent également les niveaux de description.

                     208 | octobre • décembre 2013 | Documentation et bibliothèques

DB_v59_n4.indd 208                                                                                                                                    2013-10-06 10:19
Le niveau le plus englobant est le fonds qui se divise en
                     séries, elles-mêmes divisées en dossiers, eux-mêmes ras-        Figure 4
                     semblant des pièces. Si la complexité du fonds l’exige et       Hiérarchie d’une classification d’archives
                     pour faciliter son appréhension intellectuelle, on ajoute
                     des niveaux intermédiaires : les sous-séries et sous-
                     sous-etc.-séries (Figure 4). Les documents physiques
                     sont les pièces ; les niveaux supérieurs appartiennent à
                     la classification, l’organisation intellectuelle appliquée à
                     ces documents physiques. Le regroupement des docu-
                     ments est différent selon le niveau de la classification,
                     qui est aussi le niveau de description et d’indexation.
                     Les concepts principaux de chacun des rassemblements
                     sont différents.
                          Par exemple, les documents de constitution
                     d’une personne morale seront dans une série appelée            laire général, les mots « coiffe » ou « recette de cuisine »
                     « Constitution », indiquant dans ce cas précis l’activité      pourraient être pertinents. Mais si les notices de cet éta-
                     de se constituer ; ce seront, pour une personne physique       blissement sont versées dans une base de données plus
                     ou une famille, les documents d’identité et les actes qui      large, telle que celle du Réseau de diffusion des archives
                     marquent la vie d’une famille tels que l’acte de nais-         du Québec (RDAQ), alors il pourrait tout de même être
                     sance, de mariage, un certificat de citoyenneté ou un          pertinent de retenir « religion » comme terme d’indexa-
                     passeport. Nous excluons les collections de documents          tion, afin de discriminer les fonds de cet établissement
                     d’archives qui existent dans les services d’archives           de ceux des autres institutions.
                     parallèlement aux fonds d’archives et qui peuvent
                     avoir différents principes de regroupement (non pas            Principe du général au particulier
                     le créateur mais la thématique, le type de document,
                     la période, etc.) Les collections n’offrent généralement              Parce que les archives sont regroupées en fonds
                     pas de classification, mais présentent un ordre linéaire        d’archives, il y a pluralité de documents et hiérarchi-
                     ou une progression, chronologique par exemple. Nous             sation en niveaux de classification. À chaque niveau de
                     voyons alors que la structure hiérarchique typique d’un         la hiérarchie, on peut procéder à l’indexation. Mais en
                     fonds d’archives n’est pas d’origine philosophique, mais        raison du principe archivistique selon lequel on doit
                     plutôt organique puisqu’elle découle des activités et des       aller du général au particulier, on doit donc d’abord
                     fonctions du créateur.                                          indexer le niveau supérieur d’un fonds d’archives,
                          La hiérarchie spécifique aux archives a une réper-         avant d’indexer les niveaux inférieurs établis en fonc-
                     cussion sur le vocabulaire employé pour leur indexa-            tion des activités ou fonctions du créateur. Il existe
                     tion. Les normes d’indexation mentionnent généra-               généralement au moins trois à quatre niveaux de des-
                     lement que l’on doit choisir un niveau de vocabulaire           cription supérieurs avant d’arriver à la pièce, au docu-
                     le plus élevé possible en spécificité : « Lorsqu’on utilise     ment d’archives lui-même. On n’indexe aux niveaux
                     un thésaurus, il faut sélectionner le terme le plus spé-        inférieurs que si cela est nécessaire ; dans la pratique,
                     cifique existant pour représenter une notion donnée. »          il arrive qu’on indexe un dossier ou une pièce parce
                     (ISO 5963:1985) En archivistique, à chaque niveau               qu’ils sont très demandés par les usagers ou parce qu’on
                     de la hiérarchie, on adapte la spécificité du vocabu-           organise une exposition virtuelle et qu’il faut pouvoir
                     laire. Le terme « établissement scolaire », s’il se trouve      retrouver ce document rapidement. Mais ces cas parti-
                     à un niveau élevé de la hiérarchie, tel que le fonds par        culiers dérogent au principe du général au particulier.
                     exemple, dénotera un sujet général, les établissements          La norme ISO 999:1996 (1, section 1) parle des « points
                     scolaires. À un niveau inférieur, on retrouvera plutôt          d’accès des différents niveaux utilisés dans les entrées
                     « école » ou « collège ». Mais la spécificité du vocabu-        d’index » et non des niveaux de l’indexation.
                     laire est à pondérer avec la mission de l’établissement.              L’indexation qui porte sur chacun des niveaux
                     « Elle [la spécificité de ­l’indexation] est très variable      doit s’adapter à son degré de précision. On parle
                     […]. Le niveau d’indexation restera plus général pour un        dans l­’indexation de spécificité (qualité des termes)
                     catalogue de bibliothèque que pour un outil de recherche        et ­d ’exhaustivité (quantité des termes). Ces deux cri-
                     documentaire destiné à une recherche rétrospective fine. »     tères de l’indexation doivent être adaptés au niveau de
                     (NF Z 47-102:1993) Par exemple, le service d’archives          ­description choisi (fonds, série, dossier, pièce). Comme
                     d’une communauté religieuse ne va pas retenir pour              on procède du général au particulier, on commence
                     terme d’indexation de ses fonds le mot « religion », cela       par indexer le niveau du fonds puis les niveaux infé-
                     serait inutile. Par contre, dans le vocabulaire religieux,      rieurs. Plus le niveau est élevé dans la hiérarchie (fonds
                     les mots « novice » ou « vœux temporaires » seraient des        ou série), plus on retiendra des termes généraux. Plus
                     termes que l’on pourrait envisager et dans le vocabu-           le niveau est bas dans la hiérarchie (dossier ou pièce),

                                                                                     Documentation et bibliothèques | octobre • décembre 2013 | 209

DB_v59_n4.indd 209                                                                                                                                    2013-10-06 10:19
Vous pouvez aussi lire