INTRODUCTION À L'AVENIR DE LA TECHNOLOGIE EN MATIÈRE DE SANTÉ ET DE SOINS DE SANTÉ - CMA Health Summit
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Questions à débattre La partie suivante énonce certaines questions qui pourraient faire l’objet de discussions : 1. Il a souvent été dit que les patients constituent la ressource la plus sous-exploitée en médecine. Comment pouvons-nous accélérer l’adoption des soins virtuels et des dossiers médicaux électroniques à la portée étendue afin que le temps des patients soit valorisé et que ces derniers puissent intervenir plus activement dans leur santé et dans les soins qu’ils reçoivent? 2. Comment pouvons-nous veiller à ce que tous les Canadiens aient un accès équitable aux nouvelles technolo- gies en santé, peu importe la région où ils habitent et leurs caractéristiques socioéconomiques et culturelles? 3. Le secteur privé reconnaît clairement la valeur des données de santé connectées, comme le démontrent les récentes déclarations d’entreprises telles qu’Apple et Google. Que faudra-t-il au milieu de la santé canadien, financé publiquement à 70 %, pour qu’il voie plus loin que ses vieux systèmes de données isolés et pour qu’il investisse dans les mégadonnées et l’analytique? 4. Comment le Canada peut-il mieux soutenir l’innovation et la commercialisation dans le domaine de la santé? 5. À une époque où l’information sur la santé est recueillie et partagée à de nombreux endroits dans le système de santé, et même à l’extérieur, qui sont concrètement les propriétaires et administrateurs de ces renseignements médicaux personnels? 6. Alors que nous nous dirigeons de plus en plus vers les données de santé connectées, comment la vie privée des patients peut-elle être protégée de sorte qu’ils ne soient pas victimes de discrimination sur la base de leur environnement, de leur santé ou de leurs antécédents médicaux? 7. La façon dont nous formons les professionnels de la santé a-t-elle une incidence sur l’utilisation de l’information sur la santé dans le secteur? Quels changements dans la formation permettraient de faire la promotion de l’utilisation la plus efficace possible de l’information sur la santé? 8. Les médecins et les autres professionnels de la santé ont-ils accès quotidiennement à tous les renseignements sur la santé dont ils ont besoin pour prodiguer des soins de qualité? Y a-t-il des renseignements manquants ou inaccessibles, et si oui, pour quelles raisons? SOMMET SUR LA SANTÉ : DOCUMENT CONTEXTUEL / 1
SOMMET SUR LA SANTÉ : DOCUMENT CONTEXTUEL Au cours du dernier siècle, les sciences médicales ont fait des progrès remarquables en ce qui concerne la sûreté et l’efficacité des traitements, notamment avec la chirurgie à effraction minimale et la mise au point de médicaments qui contribuent à atténuer les effets de maladies telles que l’arthrite. Bien que la science médicale ait évolué, le financement, l’organisation et la prestation des soins au Canada n’ont pas fondamentalement changé depuis la création de l’assurance maladie dans les années 1950 et 1960 : la prestation se fait généralement en personne, et le financement dépend du volume d’activités. Sur la scène internationale, trois grandes percées pourraient révolutionner la façon dont on pratique la médecine et dont on offre les soins au pays : • LES SOINS VIRTUELS, soit le recours à des moyens électroniques pour limiter ou remplacer les consultations en personne; • LES MÉGADONNÉES SUR LA SANTÉ, soit la capacité à analyser de grandes quantités de données, de types et de provenances variés, produites en continu; • LES AVANCÉES TECHNOLOGIQUES, comme la robotique, l’impression en trois dimensions (3D), la réalité virtuelle et la réalité augmentée, la nanotechnologie, l’Internet des objets (appareils connectés), les applications sur la santé pour téléphones intelligents et les chaînes de blocs. SOMMET SUR LA SANTÉ : DOCUMENT CONTEXTUEL / 2
SOINS VIRTUELS Les soins virtuels ont été définis comme toute interaction entre patients, entre personnes qui participent à leurs soins ou entre membres de ces deux groupes ayant lieu à distance, utilisant une forme de technologie de l’information ou des communications et visant à améliorer ou à maximiser la qualité et l’efficacité des soins aux patients1. Le Canada est un pionnier de la première heure dans le développement des soins virtuels grâce aux travaux de feu le Dr Maxwell House, de l’Université Memorial de Terre-Neuve, qui, dès les années 1970, effectuait des con- sultations virtuelles par téléphone avec des gens de toutes les régions éloignées de la province2. Mais depuis, nous avons été relégués loin derrière d’autres pays dans le domaine. Prenons l’exemple des États-Unis : en 2016, Kaiser Permanente a annoncé que sur les 110 millions d’interactions médecin-patient qui avaient eu lieu l’année précédente, 52 % s’étaient faites au moyen de technologies virtuelles3. En comparaison, le 2015 Canadian Telehealth Report [Rapport 2015 sur la télésanté au Canada] fait état de 411 778 consultations de télésanté pour l’année 2014, ce qui représente à peine 0,15 % des 270,3 millions de services facturables mis de l’avant par l’Institut canadien d’information sur la santé en 2015-20164. Les télésoins à domicile, c’est-à-dire l’utilisation de technologies numériques pour mesurer des paramètres tels que la pression artérielle, sont aussi beaucoup moins répandus ici : selon les estimations, seulement 24 000 Canadiens ont participé à un programme du genre entre 2010 et 2016. Chez nos voisins du Sud, des systèmes de santé, dont Intermountain et Mercy, sont en train télésoins à de créer de véritables hôpitaux virtuels par leur recours massif domicile à la télésanté5,6. SOMMET SUR LA SANTÉ : DOCUMENT CONTEXTUEL / 3
Communications électroniques avec les patients Même si la plupart des médecins canadiens ont maintenant adopté le dossier médical électronique (DME), les communications électroniques avec les patients demeurent l’exception. Dans l’édition 2017 de l’Enquête de l’AMC [Association médicale canadienne] auprès de l’effectif médical, 82 % des répondants ont indiqué utiliser des dossiers électroniques pour consigner ou consulter des notes au sujet des patients. Toutefois, lorsque questionnés sur les possibilités de communication électronique offertes à leurs patients, les médecins répondaient beaucoup plus rarement par l’affirmative : • 8,0 % ont indiqué que leurs patients pouvaient consulter des éléments de leur dossier médical en ligne; • 6,5 % ont indiqué que leurs patients pouvaient prendre rendez-vous en ligne; • 3,3 % ont indiqué que leurs patients pouvaient demander le renouvellement d’ordonnances en ligne; • 1,8 % ont indiqué que leurs patients pouvaient ajouter du texte ou des documents à leur dossier électronique en ligne; • 1,5 % ont indiqué que leurs patients pouvaient ajouter des données (p. ex. pression artérielle) à leur dossier électronique en ligne7. Courriels L’Enquête ne contenait pas de questions sur la communication par courriel avec les patients. D’après un sondage réalisé en 2016, 14 % des Canadiens peuvent consulter leur médecin en ligne, et 55 % souhaiteraient pouvoir le faire, mais n’y ont pas accès8. Un sondage mené en 2015 auprès de médecins de première ligne de 10 pays a montré que le Canada arrivait bon dernier pour le pourcentage de médecins ayant répondu que leurs patients pouvaient leur poser une question par courriel (15 %). Ce taux correspond au tiers de la moyenne des 10 pays, qui est de 47 %, et est nettement inférieur aux 80 % de la Suisse, qui se trouve au premier rang9. Obstacles à la communication virtuelle Il existe au moins quatre types d’obstacles à la communication virtuelle entre les patients et les médecins ainsi qu’entre les médecins et d’autres professionnels. Le premier obstacle est la gestion des modalités de rémunération. Les systèmes provinciaux 1 de rémunération des médecins reposent toujours essentiellement sur les rencontres en personne entre un patient et un médecin. Dans l’édition 2014 du Sondage national des médecins, moins d’un médecin sur 20 a indiqué recevoir une rétribution pour les consultations par courriel avec les patients, et seulement un sur 10 pour les échanges avec d’autres médecins10. Mais les choses commencent à changer. Selon un aperçu de la situation pancanadienne, six provinces et un terri- toire rémunèrent les spécialistes pour les consultations électroniques, mais seules deux provinces rémunèrent le médecin traitant associé11. Effectivement, la rétribution des interactions médecin- patient en ligne est encore très limitée. À ce sujet, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a annoncé un projet pilote de 4,2 millions de dollars visant à stimuler la prestation de services de santé par voie téléphonique et électronique. Les médecins de famille qui utilisent MyHealthNS, le dossier personnel de santé de la province, lequel permet aux patients d’obtenir leurs résultats de test en ligne, pourraient recevoir jusqu’à 12 000 $ par année pour leur utilisation de la technologie dans leurs communications avec les patients12. Secteur privé et soins virtuels Fait intéressant : le secteur privé commence à offrir des soins virtuels par une offre directe de services aux patients et aux employeurs, moyennant certains frais. Par exemple, getmaple.ca pro- motionne la possibilité de clavarder en pyjama avec un médecin grâce à ses consultations en ligne, ainsi que d’autres services tels que la rédaction d’ordonnances et de certificats de maladie. Une SOMMET SUR LA SANTÉ : DOCUMENT CONTEXTUEL / 4
consultation coûte 49 $ en semaine, et 79 $ la fin de semaine et les jours fériés. Le prix du forfait familial est de 50 $ par mois, et on propose également des services pour entreprises13. Dans le domaine du monitorage à distance, clouddx.com offre à ses abonnés la surveillance de la pression artérielle, du poids et de paramètres cardiaques ainsi que l’accès à une équipe de soins cliniques14. En novembre 2017, la compagnie d’assurance vie Great-West a annoncé qu’elle proposerait les services de dialogue.co/fr, un site québécois, aux employeurs de l’Ontario et du Québec15. Puis, en mars 2018, la Financière Sun Life a déclaré être le premier assureur au Canada à offrir des soins de santé virtuels à ses clients d’un océan à l’autre, en précisant que les services, initialement fournis par trois entreprises, seraient accessibles sur son application mobile16. Ailleurs dans le monde, le National Health Service (NHS) de l’Angleterre a récemment lancé GP at Hand [Un omnipraticien à portée de main], une solution de prise de rendez-vous, de consultations médicales vidéo et d’obtention d’ordonnances et de recommandations sur téléphone intelligent offerte par Babylon Health. Le service est gratuit, mais les personnes qui s’y inscrivent sont retirées de la patientèle de leur omnipraticien et doivent donc, si elles ont besoin d’un rendez-vous en personne, se présenter à l’une des cliniques du programme17. Lancé en novembre 2017, GP at Hand comptait près de 24 000 patients au début avril 2018; vu l’ampleur du succès de l’initiative, le groupe responsable de son application a demandé l’injection de 18 millions de livres sterling supplémentaires afin de répondre à la demande18. Le deuxième obstacle est d’ordre réglementaire, et se manifeste d’au moins deux façons. Tout 2 d’abord, la signature originale obligatoire nuit à l’essor de l’ordonnance électronique : les médecins doivent toujours recourir au télécopieur, ou signer l’ordonnance produite par le DME, sous forme imprimée, puis la remettre au patient. Or, le statu quo sera bientôt appelé à disparaître : Inforoute Santé du Canada entame le déploiement de PrescripTIonMC, une solution sécurisée qui transmet les ordonnances directement du médecin, à partir du DME, à la pharmacie du patient19. La réglementa- tion est aussi problématique sur le plan de la prestation de soins virtuels hors des limites provincia- les du système de santé : les médecins participants pourraient devoir détenir un permis d’exercice pour leur lieu de résidence, mais aussi pour celui du patient20. Les questions de sécurité relatives aux communications par courriel, surtout entre médecins 3 et patients, constituent un troisième obstacle. Selon l’Association canadienne de protection médicale, le courriel et la messagerie texte sont généralement les moyens de communication les moins sécurisés, et les options de protection offertes à l’extérieur du milieu hospitalier peuvent être complexes et dispendieuses21. Cependant, l’utilisation de systèmes de messagerie sécurisée est de plus en plus répandue chez les professionnels de la santé. Enfin, le quatrième obstacle aux soins virtuels est le « fossé numérique » engendré par les 4 inégalités sociales et culturelles en ce qui a trait à l’accès aux nouvelles technologies du domaine de la santé. En effet, un écart dans l’accessibilité persiste entre les zones urbaines et rurales. L’Autorité canadienne pour les enregistrements Internet a révélé en 2014 que seulement 85 % des Canadiens vivant en milieu rural avaient accès aux services à large bande22; en 2016, elle est arrivée à la conclusion que la connexion Internet était 25 % plus lente en campagne qu’en ville23. Cette différence est particulièrement préoccupante pour les communautés autochtones24. En décembre 2016, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes a déterminé que les services vocaux et d’accès Internet à large bande étaient des services de télécommunication de base qui devaient être accessibles partout; et des investissements visant à réduire l’écart ont déjà été réalisés25. SOMMET SUR LA SANTÉ : DOCUMENT CONTEXTUEL / 5
L’Enquête sur les dépenses des ménages de Statistique Canada montre que l’utilisation d’Internet à domicile et les dépenses en services sans fil mobiles sont fortement corrélées avec le revenu. En 2015, pratiquement tous les ménages (98,2 %) du premier quintile de revenu avaient Internet à la maison, comparativement à un peu moins de deux ménages sur trois (64,4 %) pour le dernier quintile. Selon la même tendance, les ménages du premier quintile dépensaient plus de trois fois plus que ceux du dernier quintile pour leurs services sans fil mobiles (140 $ contre 44 $)26. Outre leur accès réduit aux technologies, les ménages à faible revenu n’auront pas la même capacité de payer pour des services de télésanté facturés à l’utilisation, une situation que le registraire du Collège des médecins et chirurgiens de la Nouvelle-Écosse a décrite comme un terrain glissant27. Dans plusieurs villes canadiennes, des bibliothèques publiques ont lancé des programmes de partage de leur connexion Internet pour les personnes à faible revenu28. Les dépenses pour les services susmentionnés varient aussi selon les générations : les ménages dont le chef avait moins de 30 ans ont indiqué dépenser un montant près de trois fois plus élevé pour les services sans fil mobiles que ceux dont le chef avait 65 ans ou plus, et une fois et demie plus élevé pour Internet26. Malgré les difficultés liées à l’accès aux télécommunications dans les régions rurales et isolées, les communautés autochtones ont souvent recours à la télésanté. Entre 2013 et 2015, la First Nations Health Authority [Autorité sanitaire des Premières Nations] de la Colombie-Britannique a considérablement élargi son programme de télésanté : en décembre 2015, il rassemblait 128 professionnels, qui fournissaient des soins à plus de 15 000 Autochtones répartis dans 33 communautés29. Dans son rapport de 2017 énonçant son plan de transformation de la santé, l’Assemblée des Premières Nations a mis l’accent sur le réseau de télémédecine Keewaytinook Okimakanak, qui rejoint 26 communautés des Premières Nations du Nord-Ouest de l’Ontario considérées comme éloignées. Le rapport reproche aux Premières Nations leur participation insuffisante à l’établissement des priorités en matière de cybersanté. En outre, il recommande qu’un financement soit réservé à ces priorités et que les gouvernements et les Premières Nations travaillent de concert à y répondre30. L’avenir des soins virtuels Il est virtuellement inévitable que ces obstacles finissent par tomber. Dans le futur, la plupart des médecins participeront, d’une façon ou d’une autre, à la prestation de soins virtuels. Nochomovitz et Sharma ont proposé une nouvelle catégorie de spécialistes, les médecins virtualistes (medical virtualists), qui désignerait les médecins passant l’essentiel ou la totalité de leur temps à prodiguer des soins par des moyens virtuels. D’après les auteurs, ce type de soins demandera des compétences et une formation particulières, dont l’apprentissage des restrictions cliniques et légales applicables, l’acquisition de compétences en examen à distance et une formation sur la présence en contexte virtuel31. Plus récemment, Bhatia et Falk ont présenté des suggestions qu’ils ont qualifiées d’étapes concrètes vers la « virtualisation » des soins de santé au Canada, notamment l’intégration de la cybersanté dans les ententes de responsabilité et l’adoption d’un point de vue de « santé numérique par la conception » qui favoriserait la « priorisation du numérique » dans le système de paiement et de prestations des services32. Ils n’abordent toutefois pas la question des soins dispensés au-delà des frontières provinciales. SOMMET SUR LA SANTÉ : DOCUMENT CONTEXTUEL / 6
MÉGADONNÉES SUR LA SANTÉ La collecte de données sur la santé a connu une évolution majeure au Canada dans les 50 dernières années. Avant l’instauration de l’assurance maladie, les seules données systématiquement recueillies et compilées étaient celles des actes de décès (statistiques démo- graphiques) et celles sur les maladies infectieuses (santé publique). Figure 1 : Mégadonnées liées à la santé Dans les années 1960, l’assurance maladie a mené à l’établissement de statistiques hospitalières nationales et Technologies en -omique, génomique Climat Météorologie à la compilation des montants facturés Registres de données Essais cliniques Transport Pollution par les médecins, et les décennies 1970 Surveillance des maladies Biobanques Énergie Cartes de fidélisation Dossiers de vaccination Rapports de santé publique Géospatial Transactions et 1980 ont vu la création de sondages effectuées en magasin Registres de statistiques démographiques Géolocalisation Finances nationaux sur la santé des ménages. Dossiers médicaux DES/DME Éducation Applications mobiles De nos jours, l’usage du DME s’est Recherche Environnement Prescriptions diagnostiques Santé Mode de vie Bien-être largement répandu, et les sources de publique et classe Forme physique laboratoires assurances socioéconomique Internet données liées à la santé telles que les Services Web de santé Sources Médias sociaux Autosurveillance déterminants sociaux de la santé se Facteurs Citoyens Consommateurs Standard Élargie comportementaux Appareils portables et capteurs multiplient, avec les bases de données Patients Individus et et sociaux Société civile groupes Données sur Applications mobiles génétiques, les médias sociaux, les la santé Services de téléphones intelligents et d’autres Fournisseurs de soin et Capacités Technologique Génération établissements de santé santé Intervenants Stockage Conservation dispositifs et appareils portables33. Agences de santé publique Associations et aire che rsit Extraction Interopérabilité La figure 1 montre l’abondance et la professionnelles e c her unive Analytique Protection R ilieu m Secteur des complexité de ces sources ainsi que la Instituts et réseaux de recherche soins de santé Données et Gouvernement Politique Visualisation diversité des acteurs34 de l’« écosys- Universités secteur des Intégration Registres de TIC Prévisions Modélisation tème » des données de santé, un terme données Assurances Pharmaceutique Principes Synthèse Perception de plus en plus utilisé pour décrire le Biotechnologie Organismes de Technologie de la santé normalisation Biobanques Objectifs Outils réseau enchevêtré que forment les Entreprises de TIC Agences de santé Télécommunications Législateurs Gestion Éthique sources, les intervenants et les Sécurité Agences de TIC Marketing analytique Organismes internationaux applications du secteur35. Source : Adaptation de Vayena et coll. (2018)34 SOMMET SUR LA SANTÉ : DOCUMENT CONTEXTUEL / 7
On décrit les mégadonnées selon leurs trois caractéristiques de base : volume, vélocité et variété36. Dans le domaine de la santé, le volume correspond à la quantité d’information accessible relative à une rencontre et à ses paramètres. La vélocité est la vitesse de production et d’échange des données, et la variété fait référence aux nombreuses formes que peuvent prendre les données structurées et non structurées générées dans le système de santé. Au-delà de ces caractéristiques, les mégadonnées font aussi intervenir les techniques informatiques, ou l’« analytique », servant à mettre en évidence les relations entre ces grandes quantités de données générées en continu. Elles ont de multiples applications en santé, notamment dans les sous-domaines suivants, qui ne sont pas mutuellement exclusifs : • Médecine de précision • Intelligence artificielle et apprentissage-machine • Santé publique et gestion de la santé des populations • Prise en charge des maladies chroniques • Preuves de l’efficacité clinique « en conditions réelles » Médecine de précision Dans son discours sur l’état de l’Union de 2015, le président américain Barack Obama a annoncé le lancement de la Precision Medicine Initiative [Initiative sur la médecine de précision]37. Alors que les traitements médicaux sont généralement conçus pour le « patient moyen », la médecine de précision, elle, se définit comme « une discipline novatrice qui tient compte des différences interindividuelles dans la génétique, l’environnement et le mode de vie »38. Parmi ses premières applications, notons l’épreuve de compatibilité croisée des transfusions sanguines, issue de la découverte des groupes sanguins au début des années 190039. La pratique de la médecine de précision dépend de grandes bases de données génétiques et cliniques qui permettent, par leur analyse, d’élaborer des plans de traitement efficaces pour une catégorie précise de patients. Aux États-Unis, l’initiative All of Us [Nous tous] vise à former une cohorte de plus d’un million de volontaires américains acceptant de transmettre des données de sources variées, ce qui devrait ouvrir des possibilités de recherche, notamment la détermination des causes des différences interindividuelles dans la réponse aux médicaments couramment utilisés (pharmacogénomique) et l’utilisation des technologies de santé mobiles pour prendre des mesures physiologiques et des mesures d’exposition environnementale et les associer à l’état de santé40. En 2012, le NHS de l’Angleterre a lancé le 100,000 Genomes Project, un projet de séquençage du génome entier de 100 000 de ses patients axé sur les personnes ayant une maladie rare et leur famille, ainsi que sur les personnes atteintes de cancer41. Dans son rapport de 2015, le Groupe consultatif sur l’innovation des soins de santé a souligné le potentiel de la médecine de précision et fait mention de la Translational and Personalized Medicine Initiative [Initiative de médecine translationnelle et personnalisée] de Terre-Neuve-et-Labrador, un partenariat qui intégrera toutes sortes de données électroniques dans le but de cibler les patients et familles dont le risque de souffrir de certaines maladies est élevé, étant donné la concentration de troubles génétiques rares dans la province42. Le Groupe a également recommandé la mise en place d’une stratégie nationale pour la mise en œuvre de la médecine de précision et proposé de commencer par la pharmacogénomique et les trait- ements personnalisés du cancer42. En janvier dernier, Génome Canada, en collaboration avec l’Institut canadien d’information sur la santé et d’autres partenaires, a annoncé un investissement de 162 millions de dollars dans des projets de génomique et de santé de précision, dont un projet de 10,4 millions de dollars visant à recueillir des données génétiques sur les peuples autochtones43. En outre, l’organisme a récemment lancé un programme pilote qui, par la création d’une cohorte nationale de patients atteints de maladies rares, mènera à la mise en œuvre de la santé de précision en milieu clinique44. SOMMET SUR LA SANTÉ : DOCUMENT CONTEXTUEL / 8
Potentiel de discrimination Un des enjeux que soulèvent la réalisation de tests génétiques et la médecine de précision est le potentiel de discrimination par les employeurs et les assureurs, notamment si ceux-ci exigeaient de connaître les résultats de test. Le point de vue des sociétés canadiennes d’assurance maladie et d’assurance vie sur la question est le suivant : bien qu’elles s’engagent à ne jamais demander aux proposants de subir de test génétique, elles pourraient demander les résultats de tests déjà subis aux personnes qui souscrivent une assurance vie de plus de 250 000 $45. Le projet de loi S-201, interdisant l’obligation de subir un test génétique et la discrimination fondée sur le refus de subir un test ou d’en divulguer les résultats, a reçu la sanction royale en mai 201746. Pourtant, peu de temps après l’adoption du projet de loi à la Chambre des communes en mars de la même année, la ministre de la Justice Jody Wilson-Raybould a indiqué qu’elle allait demander à la Cour suprême du Canada d’en examiner la constitutionnalité47. Puis en juillet 2017, c’était au tour du gouvernement du Québec de contester la valeur constitutionnelle du projet de loi, par un renvoi à la Cour d’appel provinciale48. L’AMC a formulé une politique sur les tests génétiques offerts directement aux consommateurs, laquelle contient des lignes directrices exhaustives et demande l’adoption d’un règlement fondé sur le projet de loi S-20149. Les avancées dans le diagnostic et le traitement faisant appel à l’information génétique auront des répercussions sur les études de médecine et la formation aux cycles supérieurs. Dans son rapport annuel de 2016 intitulé Generation Genome [Génération génome], la médecin-chef du Royaume-Uni demande qu’un nouveau paradigme en matière de génomique soit intégré à la formation de tous les membres de l’équipe clinique, et non seulement des médecins, et affirme qu’il sera essentiel que les médecins cliniciens collaborent avec des professionnels dont le travail n’est traditionnellement pas considéré comme clinique, tels que les informaticiens, les statisticiens et les scientifiques des données50. Intelligence artificielle et apprentissage-machine L’intelligence artificielle (IA) fait référence à l’exécution par un ordinateur d’activités associées à l’humain, com- me l’apprentissage, la perception, la résolution de problèmes et le jeu. La discipline s’est fait connaître du grand public en 1997, lorsque l’ordinateur Deep Blue, conçu par IBM, a battu le champion du monde d’échecs Garry Kasparov dans un match de six parties51. Quant à l’apprentissage-machine, il s’agit de la capacité des ordina- teurs à améliorer leur exécution d’une tâche sans avoir été explicitement programmés pour le faire, ou, selon Marr, d’une application actuelle de l’IA reposant sur l’idée que nous n’aurions qu’à donner accès aux données aux machines pour qu’elles apprennent par elles-mêmes52. Un exemple très connu est celui de Watson, un autre ordinateur conçu par IBM, qui a gagné au jeu télévisé Jeopardy en 2011. Depuis, Watson a été adapté au SOMMET SUR LA SANTÉ : DOCUMENT CONTEXTUEL / 9
domaine de la santé, et plus précisément au diagnostic du cancer et au choix d’un plan de traitement pour les personnes atteintes53. L’apprentissage profond est une extension de l’apprentissage-machine basée sur des al- gorithmes élaborés selon les structures neuronales du cerveau humain54. Ces algorithmes servent à reconnaître des régularités dans des données visuelles, sonores et textuelles. Façons dont l’apprentissage-machine viendra transformer la médecine Obermeyer et Emanuel ont énoncé trois grandes façons dont l’apprentissage-machine viendra, selon eux, transformer la médecine55. Premièrement, ils croient que cette fonction raffinera le pronostic par la comparaison des données 1 de milliers de variables provenant de dossiers électroniques et d’autres sources plutôt que de scores entrés manuellement. Deuxièmement, selon leurs prévisions, l’apprentissage-machine supplantera le travail des radio- 2 logistes et des anatomopathologistes qui interprètent des images numérisées. Par exemple, alors qu’un médecin cherche à poser un diagnostic en examinant une radiographie pulmonaire, un ordinateur fera la même chose, mais en analysant chaque pixel de la version numérisée en tant que variable, puis en organisant l’ensemble en formes et en régularités55. En outre, un autre élément est à l’avantage de la machine : elle n’est affectée ni par la fatigue ni par les émotions. L’Association canadienne des radiologistes a d’ailleurs publié un livre blanc sur l’utilisation de l’IA en radiologie, qui contient des recommandations sur l’éducation, la recherche et le développement d’applications cliniques et la mise en place de la technologie56. En pathologie, la numérisation de lames de tissu facilite la pratique à distance et l’obtention d’un deuxième avis57. Obermeyer et Emanuel prédisent également qu’en faisant le suivi de données physiologiques obtenues en continu, la machine remplacera l’humain dans certaines tâches des domaines de l’anesthésiologie et des soins intensifs. Troisièmement, ils prévoient que l’apprentissage-machine rehaussera l’exactitude diagnostique 3 par la suggestion de plusieurs possibilités et de tests très efficaces pour les discriminer. Les auteurs ajoutent cependant que les progrès sur ce plan seront plus lents dans les cas où il n’existe pas de critère diagnostique universel et clair pour l’affection visée, par exemple la polyarthrite rhumatoïde, ce qui fait qu’il est plus difficile pour les algorithmes de s’améliorer55. La vision par ordinateur est une nouvelle application de l’apprentissage profond. Dans leur article, Yeung et ses collaborateurs y ont fait appel pour faire la distinction entre des lésions cutanées bénignes et malignes et pour la détection de problèmes d’hygiène des mains dans les chambres d’hôpital58. Terminons avec le résumé que font Char et son équipe des conséquences profondes des mégadonnées en médecine : « l’intelligence collective des médecins glisse vers une combinaison entre la littérature scientifique publiée et les données recueillies dans les systèmes de santé, par opposition à l’expérience clinique individuelle59 ». Santé publique et gestion de la santé des populations Les mégadonnées sont la pierre angulaire de l’avancement de la santé publique et de la gestion en santé des populations, un domaine qui connaît une émergence rapide. Depuis ses débuts, la santé publique est centrée sur la détection, la prévention et l’intervention en matière de maladies infectieuses – pensons à la célèbre carte de SOMMET SUR LA SANTÉ : DOCUMENT CONTEXTUEL / 10
John Snow représentant les cas de choléra autour de la pompe à eau de la rue Broad, à Londres. Dernièrement, le domaine s’est élargi pour intégrer la promotion d’un mode de vie sain et le rôle des déterminants non médicaux de la santé. Quant à la gestion de la santé des populations, elle se définit comme « l’agrégation de données sur un patient issues de différentes technologies de l’information en santé, l’analyse de ces données rassemblées dans un dossier unique et utile, et les mesures par lesquelles les fournisseurs de soins peuvent améliorer la situation sur le plan clinique et financier60 ». Elle prend une place de plus en plus importante depuis l’adoption, en 2010, de la Patient Protection and Affordable Care Act [Loi sur la protection des patients et l’abordabilité des soins] du président Obama61. Cette loi a eu pour effet de répartir le risque associé au programme d’assurance maladie américain Medicare entre les payeurs et les fournisseurs de soins; il est donc dans l’intérêt de ces derniers de réduire le risque que leur patientèle engendre des dépenses en soins de santé62. Élargissement de l’éventail de données L’éventail de sources de données dont disposent les professionnels de la santé publique va maintenant bien au-delà des signalements de maladies à déclaration obligatoire et des statistiques démographiques, notamment avec le couplage des données de santé, des données administratives et des données provenant de recensements, de dossiers de santé électronique (DSE) et de médias sociaux. Jusqu’à tout récemment, les épidémiologistes devaient se fier à des études écologiques utilisant des données agrégées. Une étude publiée en 2016 prouve le pouvoir des mégadonnées : Chetty et ses collaborateurs ont étudié l’association entre revenu et espérance de vie aux États-Unis en couplant des données de revenu issues de dossiers d’impôt anonymisés avec les données sur la mortalité de la Social Security Administration [Administration de la sécurité sociale], ce qui totalise 1,4 milliard d’années-personnes pour la période de 1999 à 2014. Avec sa granularité, l’analyse a révélé une variabilité régionale dans le lien revenu-mortalité, ce qui semble indiquer qu’il faudrait intervenir par des politiques locales et laisse entrevoir les répercussions pour le programme de sécurité sociale du pays63. Utilisation des médias sociaux pour surveiller l’évolution des maladies On a maintes fois tenté d’utiliser les données des médias sociaux pour surveiller l’évolution des maladies, surtout la grippe. En 2008, Google a lancé Google Flu Trends, un programme d’analyse et de modélisation des termes liés à la grippe entrés dans son moteur de recherche. Implanté subséquemment dans 29 pays, le système a bien fonctionné jusqu’en 2013, année où la saison grippale a été devancée aux États-Unis, ce qui a entraîné une surévaluation de 140 % du nombre de cas survenus au plus fort de la saison64. Google Flu Trends a été abandonné en 201565. Lazer et ses collaborateurs ont mis en évidence plusieurs leçons à tirer de cette expérience, dont le besoin de transparence et de reproductibilité et la valeur potentielle des sources de « microdonnées » complémentaires66. De leur côté, Wiens et Shenoy ont montré par plusieurs exemples la capacité de l’apprentissage-machine à améliorer la stratification du risque pour certaines infections, à saisir le rôle relatif de facteurs de risque précis et à prévoir la propagation de maladies infectieuses67. SOMMET SUR LA SANTÉ : DOCUMENT CONTEXTUEL / 11
Dossiers médicaux électroniques et relevés de facturation Dans le domaine de la gestion de la santé des populations, aux États-Unis, on utilise des sources de mégadon- nées telles que les DSE et les relevés de facturation pour repérer les patients ayant des affections multiples qui sont susceptibles de recourir fréquemment aux services de santé et de profiter d’interventions comme la coordination des soins à long terme68. Wodchis et ses collègues ont montré le potentiel de cette pratique au Canada en révélant qu’en Ontario, en 2007, le premier 1 % des patients (sur le plan de la fréquence d’utilisation) avait utilisé 34 % des ressources publiques de santé69. Façons dont les mégadonnées modifient les rôles en santé publique Les mégadonnées amènent une surspécialisation en santé publique et en gestion de la santé des populations. Conséquemment, l’American Board of Preventive Medicine [Conseil américain de médecine préventive] a créé une surspécialité en informatique clinique visant à « analyser, concevoir, déployer et évaluer des systèmes d’information et de communication qui améliorent la santé des personnes et des populations, bonifient les soins aux patients et renforcent la relation clinicien-patient70. » Le rôle d’administrateur en chef de la santé des populations, dont le titulaire est généralement responsable de l’élaboration de la stratégie de gestion en santé des populations, est d’ailleurs en pleine émergence. Ce poste peut demander un diplôme en médecine, de l’expérience en santé publique, l’adhésion à un vaste regroupement de médecins, des études supérieures en administration des affaires ou de la santé et de l’expéri- ence dans la prestation de soins en équipe71. D’un point de vue plus général, Meyer a examiné 271 offres d’emploi variées en gestion de la santé des populations aux États-Unis, et a remarqué une forte demande pour l’expertise en analytique et la maîtrise de sources de données diverses72. Prise en charge des maladies chroniques On peut définir la prise en charge des maladies chroniques comme étant « les soins et le soutien continus offerts aux personnes touchées par une affection chronique en leur fournissant les connaissances, les compétences, les ressources et les soins médicaux dont elles ont besoin pour mieux vivre au quotidien73. » Elle est bien sûr liée à la gestion de la santé des populations, mais s’en distingue puisque la surveillance et le traitement des maladies chroniques n’ont pas reçu la même attention que des maladies plus mortelles comme les cardiopathies et le cancer. Ainsi, l’Assemblée générale des Nations Unies a attendu 2011 pour adopter sa déclaration sur la prévention et la maîtrise des « maladies non transmissibles », dans laquelle elle demande aux gouvernements de privilégier davantage la surveillance, la détection précoce, le dépistage et le traitement de ces maladies74. SOMMET SUR LA SANTÉ : DOCUMENT CONTEXTUEL / 12
En 1976, James Fries, qui s’est plus tard fait connaître pour sa théorie de la « compression de la morbidité », voulant que la morbidité se concentrerait dans les dernières années de vie75, a prédit qu’un jour, les banques de données informatisées aideraient le personnel clinique en déterminant les activités médicales les moins productives, en palliant les lacunes dans les études cliniques et en orientant les décisions de prise en charge individuelle76. Dix ans plus tard, Fries et McShane ont établi des principes directeurs jetant les bases de ce qu’on considérerait maintenant comme un prototype rudimentaire de l’American Rheumatism Association Medical Information System [Système d’information médicale de l’Association antirhumatismale américaine] (ARAMIS), compilant dans 17 centres des données longitudinales sur des patients atteints d’une maladie rhumatismale, comme le montre la figure 277. En 2005, Bruce et Fries ont étudié le succès d’ARAMIS et son rôle dans les progrès réalisés en matière de mesures de santé déclarées par les patients78. Figure 2 : Éléments de base de l’American Rheumatism Association Medical Information System, 1986 PATIENTS ÉLÉMENTS VISITES Au pays, le Collège des médecins de famille du Canada a créé en 2008 le Réseau canadien de surveillance sen- tinelle en soins primaires (RCSSSP) grâce à une subvention de l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC). Situé au Centre for Studies in Primary Care [Centre d’études en soins primaires] de l’Université Queen’s, le RCSSSP a commencé avec sept réseaux de recherche universitaire existants, et la collecte, auprès de médecins de famille, de données de DME anonymisées sur huit maladies chroniques et affections neurologiques (maladie pulmonaire obstructive chronique, dépression, diabète, hypertension, arthrose, maladie d’Alzheimer et autres types de démence, épilepsie et maladie de Parkinson)79. En date de mai 2016, près de 1 200 médecins de famille et infirmiers praticiens de plus de 200 établissements, servant plus de 1,5 million de patients dont environ 700 000 avaient fait au moins une visite dans les 12 mois précédents, y participaient en tant que sentinelles. Les données proviennent de pratiquement toutes les sections du dossier, et comprennent, entre autres, les caractéristiques démographiques, les diagnostics, les mesures de paramètres physiques, les résultats de laboratoire ainsi que d’autres variables liées à l’utilisation des services. Le RCSSSP fait de la confidentialité des patients et des professionnels une priorité, et a conçu des mécanismes visant à assurer la qualité des données. Ses données sont utilisées dans des études à l’échelle nationale, régionale et locale, sont liées à celles d’autres sources, et servent à définir des indications relatives à d’autres affections dans le DME, par exemple l’asthme infantile et les maladies rénales chroniques80. Malheureusement, il demeure difficile de maintenir le financement du Réseau, qui, depuis 2015, provient de plusieurs sources. En ce qui concerne l’utilisation des mégadonnées dans la prise en charge des maladies chroniques au-delà de la fonction de surveillance, une revue effectuée par Bhardwaj et son équipe donne des exemples de réduction des réhospitalisations, de hausse de l’exactitude des diagnostics et de la prédiction du risque, et d’élaboration de lignes directrices thérapeutiques qui améliorent la santé des patients en réduisant les coûts81. De plus, Zhang et Padman ont conçu, à partir de données de DSE, un modèle de prédiction du cheminement clinique applicable aux patients atteints d’une maladie rénale chronique82. SOMMET SUR LA SANTÉ : DOCUMENT CONTEXTUEL / 13
Preuves de l’efficacité clinique « en conditions réelles » L’essai clinique randomisé est depuis longtemps considéré comme l’idéal pour évaluer l’innocuité et l’efficacité de nouveaux médicaments et traitements. L’accès croissant à un volume colossal de données, provenant de DME, de relevés de facturation et d’autres sources, a fait naître la possibilité d’utiliser des données observa- tionnelles pour produire des preuves en conditions réelles. Dans une revue portant sur l’utilisation de données produites en conditions réelles dans la recherche clinique et la mise au point de médicaments, Singh et ses collaborateurs ont relevé des exemples où ces données ont servi à mieux comprendre une maladie ou une association entre maladies, à découvrir des marqueurs permettant la stratification des patients ou la prestation de traitements ciblés, à poser un diagnostic chez des patients qui n’en avaient reçu aucun, ou à réaliser des études sur l’innocuité des médicaments83. En 2017, la U.S. Food and Drug Administration [Secrétariat américain aux produits alimentaires et pharmaceutiques] a publié des lignes directrices sur le recours à des preuves obtenues en conditions réelles dans la prise de décision réglementaire relative aux dispositifs médicaux84; actuellement, elle élabore un cadre réglementaire visant à déterminer comment ce type de preuves peut faciliter l’autorisation de nouvelles applications des médicaments et la tenue d’études post-autorisation85. Conséquences des mégadonnées pour les médecins Il est clair que l’étendue des applications potentielles et émergentes des mégadonnées en santé aura des conséquences pour tous les médecins, et pas seulement pour ceux qui pratiquent une discipline existante, comme la radiologie et la pathologie, ou une nouvelle surspécialité en santé publique. En 2014, l’Association des facultés de médecine du Canada et Inforoute Santé du Canada ont décrit les compétences en cybersanté nécessaires pour l’éducation médicale prédoctorale, harmonisées avec les sept rôles CanMEDS86. La même année, un groupe de travail sur la cybersanté, présidé par le Dr Kendall Ho de l’Université de la Colombie-Britannique, a proposé un ensemble de compétences à attribuer à chacun des rôles CanMEDS de la formation postdoctorale, dans le cadre de la révision des compétences de 201587. Bien que les suggestions du groupe soient peu présentes dans le document publié88, elles constituent un excellent point de départ pour la prochaine révision. Un problème qui commence à faire parler de lui dans le secteur de la santé au Canada est celui de la « cybersécurité », à savoir la capacité à protéger les réseaux, les programmes et les bases de données informatiques contre les attaques numériques, plus souvent évoquées comme du « piratage ». Les « rançongiciels », soit des logiciels malveillants servant à prendre le contrôle d’un système informatique et à bloquer tout accès à ses données jusqu’au paiement d’une rançon, sont particulièrement préoccupants. En mai 2017, un virus du genre, appelé WannaCry, s’est attaqué à des hôpitaux et à d’autres organisations dans près de 100 pays, dont de nombreux établissements anglais du NHS, y compris des hôpitaux et des regroupements d’omnipraticiens89, et au moins un hôpital canadien90. Le NHS a dû annuler près de 20 000 rendez-vous et opérations89. Jusqu’à maintenant, la cybersécurité des hôpitaux a occupé l’avant-scène, mais un sondage mené à l’été 2017 auprès de médecins américains a révélé que plus de quatre répondants sur cinq avaient déjà vécu une forme de cyberattaque, la plus fréquente étant la réception de liens malveillants par courriel, ou « hameçonnage »91. Selon Zelmer, le degré de préparation à des failles de cybersécurité varie grandement dans le milieu de la santé au Canada92. Autre aspect à considérer : le temps que prennent les membres des équipes cliniques (dont les médecins) pour entrer les données dans les dossiers médicaux et de santé électroniques. D’après une étude de Sinsky et ses collaborateurs publiée en 2016, pour chaque heure de contact avec les patients, les médecins américains passent près de deux heures à remplir le DSE et à accomplir des tâches de bureau durant les heures normales, et font d’une à deux heures supplémentaires par jour, essentiellement pour travailler sur le DSE93. À ce sujet, Wachter et Goldsmith ont affirmé que dans sa forme actuelle, le DSE était une cause d’épuisement professionnel pour les médecins et qu’il fallait remédier à la situation en faisant appel à la reconnaissance vocale et à l’IA, entre autres moyens94. SOMMET SUR LA SANTÉ : DOCUMENT CONTEXTUEL / 14
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