Journal de Maurice Legendre, directeur de la Casa de Velázquez de 1940 à 1955

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Journal de Maurice Legendre, directeur de la Casa de Velázquez de 1940 à 1955
Centenaire

                            Journal de Maurice Legendre,
                            directeur de la Casa de Velázquez
                            de 1940 à 1955
                            Maëla Le Péron
                            Casa de Velázquez

           4 avril 1945 – Une nouvelle période commence dans l’histoire de la
         Casa Velázquez. (Fig. 1)
                                                                                                                          287

               Fig. 1. – Première page du premier cahier de Maurice Legendre.
                                         © Collection Casa de Velázquez.

Pour citer cet article / Para citar este artículo / To quote this article
      Maëla Le Péron, « Journal de Maurice Legendre, directeur de la Casa de Velázquez de 1940 à 1955 »,
    Mélanges de la Casa de Velázquez. Nouvelle série, 52 (2), 2022, pp. 287-292.

  Mélanges de la Casa de Velázquez. Nouvelle série, 52 (2), 2022, pp. 287-292.   ISSN : 0076-230X. © Casa de Velázquez.
Journal de Maurice Legendre, directeur de la Casa de Velázquez de 1940 à 1955
Centenaire

        A
                 insi débute le journal qu’a tenu Maurice Legendre (1878-1955) entre
                 le 4 avril 1945 et le 5 janvier 1955. Intellectuel et hispaniste français,
                 Maurice Legendre est un proche de Pierre Paris (Fig. 2), l’un des fon-
      dateurs et premier directeur de la Casa de Velázquez. Devenu à son tour direc-
      teur en 1940, Maurice Legendre le restera jusqu’à sa mort le 12 janvier 1955.

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                  Fig. 2. – Pierre Paris et Maurice Legendre, c. 1929, auteur inconnu.
                                              © Collection Casa de Velázquez.

        Conservé dans les archives de la Casa de Velázquez, son journal, sobre-
      ment intitulé Journal de la C.V., se présente sous la forme de 3 cahiers (Fig. 3)
      dans lesquels il relate sa vie quotidienne en tant que directeur de l’institution.
      À l’exception de la première page, les entrées y sont brèves et les informations
      mentionnées sont concises. Tous ces éléments, à la fois professionnels et per-
      sonnels, permettent d’entrevoir l’homme en même temps que le directeur.

        Mélanges de la Casa de Velázquez. Nouvelle série, 52 (2), 2022, pp. 287-292. ISSN : 0076-230X. © Casa de Velázquez.
Journal de Maurice Legendre, directeur de la Casa de Velázquez de 1940 à 1955
maëla le péron journal de maurice legendre, directeur de la casa de velázquez de                  1940 à 1955

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                                         Fig. 3. – Les trois cahiers.
                                  © Casa de Velázquez-Matthieu Iandolino.

   Les arrivées et départs des pensionnaires rythment la vie à la Casa de
Velázquez. Maurice Legendre évoque les membres qui séjournent à la Casa,
les voyages de chacun, les repas pris en commun et les entretiens qu’il peut
avoir avec certains des membres qui le sollicitent. Hispaniste renommé,
Legendre mentionne régulièrement ses travaux de rédaction et la traduction
de ses ouvrages ainsi que ses cours à l’Université de Madrid et au Lycée Saint-
Louis des Français.
   Celui que ses proches appellent Don Mauricio aborde différents aspects
de sa vie professionnelle tels que ses relations avec les ambassades de France,
Italie, États-Unis et avec l’Institut britannique, ou ses liens avec Paul Gui-
nard1 de l’Institut français. De son travail administratif, il mentionne une
abondante correspondance, la rédaction des rapports sur l’activité de la
Casa, les difficultés pour l’obtention des visas, les retards dans le paiement
des bourses ou dans le versement des subventions, comme dans cette entrée
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    Paul Guinard assura l’intérim de la direction de la Casa de Velázquez à la mort de
­Maurice Legendre et ce jusqu’à l’arrivée d’Henri Terrasse en 1957.

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      du 13 avril 1945 où il écrit : « démarche à l’ambassade pour la subvention du
      second trimestre de 1945, non encore envoyée (!!) ». Ses notes nous renseignent
      ainsi sur la réalité de la vie de l’établissement dans cette période difficile
      d’après-guerre.
         Le quotidien de Maurice Legendre à la Casa est aussi rythmé par le tra-
      vail, moins connu, qu’est le dépouillement des revues pour la bibliothèque de
      l’établissement. En effet, la Casa étant à cette époque dépourvue de bibliothé-
      caire, c’était donc au directeur d’assumer cette tâche. Dans les années 40, il
      mentionne également les démarches d’intellectuels espagnols lui demandant
      s’il peut leur procurer des ouvrages français non distribués en Espagne ou le
      prêt de livres pour des expositions. Parallèlement, Legendre s’intéresse aux
      travaux des artistes de la Casa et mentionne des visites à des ateliers d’artis-
      tes tels que José Guerrero (peintre de la 15e promotion de la Casa) ou Josefina
      Miralles (femme sculpteur de la 19e promotion). Chaque année, il note dans
      son journal l’organisation de l’exposition annuelle des artistes de la Casa et la
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      t-elle « inauguration exposition visitée par le marquis de Lozoya2 » ou encore
      l’entrée du 11 novembre 1954 : « inauguration de l’Exposition des Noces d’Ar-
      gent ». Cette dernière avait été organisée pour célébrer les 25 ans d’existence
      de la Casa de Velázquez.
         Dans son journal, Maurice Legendre évoque également son long combat
      pour la reconstruction de la Casa de Velázquez sur son site historique de la
      Moncloa. Détruite en 1936 pendant la guerre civile espagnole et laissée en
      ruine, la Casa de Velázquez s’était d’abord transportée au Maroc pendant
      quelques années puis était revenue à Madrid dans un immeuble particu-
      lier de la calle Serrano. Bien qu’ayant l’avantage d’être dans le centre de la
      capitale, l’immeuble était trop petit pour accueillir tous les pensionnaires et
      assurer des ateliers aux artistes. En 1945, il parle même à différentes reprises
      de « la situation angoissante de la Casa ». Cette thématique récurrente de
      la reconstruction se traduit au cours des dix années de son journal par de
      nombreuses mentions de rédaction de notes et mémoires, comme le 25 avril
      1947 quand il rédige à nouveau une « note sur la reconstruction de la C.V.
      (une de plus!) », alors que quelques semaines plus tôt, le 4 février 1947, il était
      parti faire la « visite des ruines de la CV avec [José] Parer ». Legendre finira
      par obtenir l’accord des autorités françaises pour la réédification du palais
      de la Moncloa. On note dans son journal plusieurs entrées en 1953 et 1954
      à propos de réunions à l’ambassade pour les modalités pratiques telles que
      le nivellement du terrain, la reconstruction elle-même ou la désignation des
      entreprises, mais aussi les visites des architectes français et espagnol.
         En tant que directeur de la Casa, Maurice Legendre a une vie sociale
      très active. Il fréquente assidûment les expositions, reçoit de nombreuses

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            Directeur général des Beaux-Arts de 1939 à 1951 et proche de Maurice Legendre.

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invitations pour des dîners, conférences, concerts et récitals. Il reçoit aussi
beaucoup de visites d’artistes et intellectuels espagnols tels que Elvira Lucena,
Gregorio Marañon, ou Luis Araujo-Costa. Chaque jour, il note les personnes
avec lesquelles il s’est entretenu et nomme les invités présents aux déjeuners
et dîners de la Casa.
   Au fil du journal, certains éléments, plus personnels, affleurent comme
l’entrée du 29 juin 1950 : « à 1h15, je suis entré dans ma soixante-treizième
année ». Maurice Legendre évoque aussi régulièrement ses proches, notam-
ment sa fille, comme le 16 novembre 1945 : « anniversaire de ma petite
Alyette, qui est très loin ». De même, l’entrée du 12 mai 1945 : « note sur les
conditions pratiques du pèlerinage à la Peña de Francia » nous renseigne sur
sa foi catholique. C’est une référence au pèlerinage à la Virgen de la Peña de
Francia3 qu’il avait contribué à relancer en 1934 et auquel il consacra une
étude intitulée « Notre Dame de France en Espagne » signalée dans son jour-
nal le 19 avril 1945 : « révision de l’étude sur la Peña de Francia », et publiée
cette année-là dans la revue littéraire LAR.                                                                            291
   Ce journal, jusqu’ici peu connu, constitue un document d’archives excep-
tionnel qui dépeint le quotidien d’un des premiers directeurs de la Casa de
Velázquez, ses liens avec les milieux intellectuels, artistiques et diplomati-
ques de l’Espagne des années 1940-1950. Entre ces pages, c’est aussi la chro-
nique de la vie d’un homme qui se dessine, traversant les décennies pour
arriver jusqu’à nous dans un état de conservation presque parfait.
   La dernière entrée du journal est datée du 5 janvier 1955 et fait état d’une
crise cardiaque après le déjeuner. Maurice Legendre décédera 7 jours plus
tard à l’âge de 76 ans.

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    Très attaché au lieu, Maurice Legendre avait émis le vœu d’y être enterré. Son corps y sera
transporté en 1956.

  Mélanges de la Casa de Velázquez. Nouvelle série, 52 (2), 2022, pp. 287-292. ISSN : 0076-230X. © Casa de Velázquez.
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