L'ange gardien de madagascar - AINA, Enfance & avenir

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L'ange gardien de madagascar - AINA, Enfance & avenir
l’ange gardien
                                                               de madagascar       Au centre de leur cœur, leur bienfaitrice.
                                                                      à chacun de ses séjours à Madagascar, Nataly, 56 ans,
                                                                             professeure à La Réunion, vient embrasser les
                                                                      60 enfants de l’école maternelle du bidonville d’Isotry
                                                                                          à Antananarivo. Le 22 septembre.

Nataly Charbonnier,
une enseignante française
hors norme, a créé
Aïna enfance & avenir,
une association soutenue par
la Fondation Air France
  Elle était partie adopter un Malgache, aujourd’hui elle en
a plus de 300 sous son aile. En 2005, cette Clermontoise
décide d’ouvrir, près d’Antananarivo, un centre d’accueil
pour les enfants abandonnés ou orphelins. Dans ce pays
où deux jeunes sur trois vivent dans une grande ­pauvreté,
son engagement n’en reste pas là. Nataly va créer des
écoles maternelles dans les bidonvilles, des lieux de
­formation pour les mamans mineures isolées. Son ­prochain
 ­p rojet : une école de cuisine. Pas question de lâcher
  « [ses] petits » tant qu’ils n’ont pas un métier en main.
                       photos Emmanuel VALENTIN
                      reportage Frédérique Féron
L'ange gardien de madagascar - AINA, Enfance & avenir
à l’école maternelle d’Isotry
9 h 30, un bol de chocolat et un gâteau de riz
très attendus, servis par Bernadette, la maîtresse
des petites sections. Pour ces enfants
des bidonvilles, c’est souvent le premier repas
depuis le déjeuner de la veille pris à l’école.

                                                                         Au Centre d’accueil
                                                        Dans la salle de jeux avec les plus âgés des
                                                            pensionnaires. L’orphelinat de Malaza
                                                               accueille des enfants de 2 à 15 ans.
                                                     « Ce qui frappe, c’est la solidarité entre eux »,
                                                                            témoigne un éducateur.
Judickaël, un écolier de CM2 très appliqué,            Les adolescentes ont monté un spectacle
comme la plupart des 60 élèves de cette école.           de danse traditionnelle pour la venue de
« Seuls les plus pauvres des plus pauvres            Nataly. Certaines sont déjà mères de famille
sont sélectionnés, après enquête par nos                            comme Hortensia, au centre.
assistantes sociales », dit Nataly.

Apprendre à lire,
à compter, à danser
et même à aimer,
c’est la vocation d’Aïna
L'ange gardien de madagascar - AINA, Enfance & avenir
actualité

          Des enfants arrivent
          en haillons, pleins de                                                                                                                                        Quinze marmots hagards débarquant d’un
                                                                                                                                                                        minibus, pieds nus et en haillons, pleins
                                                                                                                                                                                                                            ­ abillés, ­soignés et éduqués. Ils ont entre 3 et
                                                                                                                                                                                                                            h
                                                                                                                                                                                                                            5 ans, dorment dans des cabanes en bois ou
                                                                                                                                                                                                                                                                                 Nataly. La politesse non plus. Ces écoliers ne
                                                                                                                                                                                                                                                                                 parlent pas français, mais tous connaissent

          poux et de gale.
                                                                                                                                                                        de poux et de gale. « Au début, pendant les         sur des cartons en plein vent. Leurs parents         les quatre mots magiques : bonjour, merci,
                                                                                                                                                                        repas, ils glissaient des poignées de riz dans      sont porteurs d’eau, balayeurs, chiffonniers         s’il vous plaît, pardon. »
                                                                                                                                                                        leurs poches, reprend la pétillante quinqua-        ou sans travail, et n’ont pas de quoi faire             Quelques échanges avec « Madame Fifi », la

          Aux repas, ils glissent                                                                                                                                       génaire. Le matin, on les retrouvait collés les
                                                                                                                                                                        uns aux autres, à cinq ou six dans un même
                                                                                                                                                                                                                            garder leurs gamins. Alors, en l’absence de
                                                                                                                                                                                                                            structures publiques, ils sont livrés à eux-
                                                                                                                                                                                                                                                                                 directrice, et la voilà repartie à moto, direc-
                                                                                                                                                                                                                                                                                 tion plein nord : c’est à Antanandrano que

          des poignées de riz
                                                                                                                                                                        petit lit alors que chacun avait le sien. »         mêmes et à la rue. Jusqu’à ce que, peut-             se situe le Village Aïna. Elle y reviendra dans
                                                                                                                                                                          « Moi ? Je ne partirai jamais d’ici ! » annonce   être, une assistante sociale d’Aïna les repère       quelques semaines avec douze é­ tudiants du
                                                                                                                                                                       Fidèle à Nataly qui l’asticote en lui deman-         et propose à leur famille de les scolariser          lycée agricole réunionnais, pour construire

          dans leurs poches
                                                                                                                                                                       dant quand il a l’intention de faire sa valise.      moyennant 500 ariary (11 centimes d’euros)           un poulailler. Mais l’hyperactive a d’autres
                                                                                                                                                                       En tout cas, pas avant d’être nommé chef             mensuels et une promesse d’assiduité.                projets en tête. Avec l’aide de Benjamin
                                                                                                                                                                       pompier, son rêve. Car, ici, plus qu’un toit           « Bonjour Madame Nataly ! » Dans un élan           Patou, le patron de Moma Group, un des
                                                                                                                                                                       et une assiette, c’est un avenir qui est offert      commun, les grandes sections se lèvent               poids lourds de la restauration et de l’« hos-

         U
                                                                                                                                                                       aux enfants. « Pas question de les lâcher tant       pour accueillir leur bienfaitrice. L’objectif        pitalité à la française », elle a l’intention
                                                                                                                                                                       qu’ils ne sont pas autonomes, reprend la             de fin d’année, c’est de savoir lire et écrire       d’ouvrir une école de cuisine dans la capi-
          De notre envoyée spéciale à Madagascar                                                                                                                       fondatrice d’Aïna. On finance les écoles pri-        pour affronter le CP dans des classes qui            tale malgache. Une formation en internat
          Frédérique Féron                                                                                                                                             vées, on forme de futurs agri­culteurs, on           comptent parfois plus de cinquante élèves.           ­pendant un an, avec contrat de travail en
                            ne petite troupe avance gaie-                                                                                                              loue des appartements à ceux qui entre-              Les gosses viennent d’avaler leur repas de            France pour les meilleurs de chaque promo.
                            ment sur le chemin pierreux.                                                                                                               prennent des études supérieures, on orga-            midi, ­souvent le dernier avant le petit déjeu-       L’enseignante au grand cœur n’est pas près
                            Chemises vert clair, robes                                                                                                                 nise les mariages… » La réussite et l’ambition       ner du lendemain, donné lui aussi à l’école.          de prendre des vacances.
                                                                     Hortensia, 14 ans,
                            et salopettes vert bouteille,          avec Juliana, sa fille                                                                              de ces jeunes font sa fierté. Et de citer            Le matin, des habits propres et des douches
                            comme une boule d’espé-                    de 2 ans. Arrivée                                                                               Hasna, 21 ans, en deuxième année d’école             sont mis à la disposition des mères pour les         Pour faire un don : ainaenfance.org
                            rance qui roule sur la terre                   à l’orphelinat                                                                              de tourisme, Zaka, 20 ans, qui commence              laver. « La propreté, c’est non négociable, dit      ou au 06 24 48 70 30.
                            rouge de Madagascar. Les            en 2020, l’adolescente                                                                                 des études d’ingénieur, Sabrina, 12 ans,
                                                                         a pu reprendre
                            grands tiennent la main                 le collège en classe                                                                               qui aimerait faire médecine, ou encore
                            des petits. Coup de chance                    de cinquième.                                                                                ­Hortensia, 14 ans, qui veut être juge pour
          pour les primaires et les collégiens, l’école                                                                                                                 enfants… Pour l’heure, la jeune fille se dirige                   Quand Nataly vient visiter
          ­privée du Bon Berger a récemment ouvert            agricole de Saint-Paul ne sait plus ce que            « On l­’appellera Aïna, ça veut dire “souffle       vers la pouponnière, la maison des moins                          ses 45 enfants, c’est toujours
                                                                                                                                                                                                                                          la fête ! à Malaza, village
           ses portes à 500 mètres à peine de leur « mai-     signifie le mot « vacances ». Sitôt les cours         de vie” », dit-elle à Isabelle, sa collègue et      de 7 ans, qui jouxte celle des grands. Elle                       situé à une dizaine de
          son ». À 11 h 30, quand la classe est finie, ils    ­terminés, elle s’envole pour l’ancienne              amie, qu’elle a entraînée aussi sec dans            troque son habit de collégienne pour celui                        kilomètres de la capitale.
          peuvent rentrer déjeuner chez eux. Fidèle,           ­colonie ­française.                                 son épopée. Avec une vingtaine de copains           de maman. Des viols répétés de son beau-
          13 ans, trottine en tête malgré l’attelle en fer-       Son premier séjour à Madagascar remonte           démarre alors le marathon des demandes de           père est née Juliana. La fillette de 2 ans a
          raille qui l’aide à marcher. Il y a cinq ans, cet     à 2004. Cette année-là, elle embarque avec          financement. Le plus souvent sans réponse.          hérité les yeux légèrement bridés de sa mère,
          orphelin de mère a eu un accident de moto             une de ses classes un conteneur de matériel         Jusqu’au jour où la ­Fondation Air France           qui révèlent l’origine asiatique de nombreux
          qui lui a valu quatre membres broyés et un            agricole et scénique. Alors en poste à Pau, elle    leur offre les 30 000 euros nécessaires à la        Malgaches. « Plus de 20 % de nos jeunes
          traumatisme crânien. La famille n’a pas eu            a reçu un financement du conseil régional           construction d’un bâtiment de 700 mètres            ont subi des maltraitances sexuelles intra-
          les moyens de le faire soigner, et la grand-          d’Aquitaine pour monter un ­projet d’aide aux       carrés. Nataly a déjà acquis un terrain à           familiales », explique Nataly, dont la venue
          mère a même tenté de l’éliminer. Alors, sur           cultivateurs et aux artistes de ­Madagascar.        Malaza, à 12 kilomètres d’Antananarivo,             à l’orphelinat est toujours un événement.
          ordonnance du juge, il a été confié à l’or-           Comment motiver des élèves !… Coup de               assez loin de la capitale pour échapper aux         Hortensia et les autres ados ont préparé un
          phelinat de Malaza. Fidèle accélère le pas            foudre pour ce peuple de 26 mil-                                   fumées asphyxiantes des pots         spectacle de danse, et « Madame Sissi », la
          lorsqu’il aperçoit de loin « Madame Nataly »          lions d’habitants, si dignes, si gais,  Nataly a l’intention       d’échappement, du charbon            cuisinière, a mitonné un romazava, spécia-
           qui les attend au portail.                           dont aujourd’hui 80 % gagnent           d’ouvrir une école         et des décharges qui brûlent         lité ­malgache à base de viande de zébu,
             En 2005, Nataly Charbonnier, originaire            moins de 2 euros par jour. Nataly       de cuisine à               en plein air. Entre-temps, on        de riz et de légumes du potager. À 13 h 30,
           de Clermont-Ferrand, et son amie Isabelle            est déjà trois fois mère, mais elle     Antananarivo,              lui propose un bébé. C’est une       les pensionnaires reprennent le chemin de
           Boursier, deux enseignantes installées à La          a toujours voulu adopter. C’est         avec un contrat de         petite fille de 2 mois, justement    l’école et Nataly attrape son casque. Direc-
           Réunion, ont fondé Aïna, enfance & avenir.
           Aujourd’hui, l’association compte aussi le
                                                                décidé, son quatrième enfant sera
                                                                malgache. Pour se rapprocher de
                                                                                                        travail en France          prénommée… Aïna. Trop fort,
                                                                                                                                   le destin ! Pour la Clermontoise,
                                                                                                                                                                        tion Isotry, le bidonville de la capitale, où
                                                                                                                                                                        se trouve une des deux écoles maternelles
           Village Aïna, au nord d’Antananarivo, avec           son nouveau « pays de cœur »,           pour les meilleurs         deux aventures commencent.           de l’association. Pour se frayer un chemin
           une maison des ados, un centre de forma-             elle se fait muter à La ­Réunion, située à une        « Regardez comme il est costaud, mainte-          sur les routes défoncées, entre pousseurs de                     Les 30 ans de la Fondation Air France
           tion agricole pour les mamans mineures, une          heure trente d’avion de la Grande Île. Le           nant ! » dit Nataly en prenant Fidèle dans ses      charrettes, vendeurs à la sauvette, tuk-tuks,                            « Nous lui devons tant ! Elle a financé l’orphelinat en 2005 et n’a jamais cessé de
           crèche, ainsi que deux écoles maternelles en         mari suit, un temps ; les enfants aussi. Sac        bras. Quand il est arrivé en mille morceaux et      vélos, étals de marché et marée piétonne, la                     nous aider depuis », témoigne Nataly Charbonnier. D’Aïna enfance & avenir à ­Akamasoa,
           plein centre des bidonvilles de la capitale.         au dos, Nataly entreprend de faire le tour des      tout maigre, il est resté allongé pendant des       moto est la moins mauvaise des solutions.                        l’association du père Pedro, cette fondation pionnière a soutenu plus d’une centaine
           « Mais c’est avec cet orphelinat que tout a          centres ­d’accueil. Insalubrité, bambins affa-      mois. Puis, à force de rééducation et surtout         Pour les enfants les plus pauvres du quar-                     de projets rien qu’à Madagascar, et près de mille six cents dans le monde. Tous sont
           commencé », dit Nataly, tout juste arrivée de        més, malades, ­maltraités… « C’était affreux,       de courage, il a retrouvé l’usage partiel de        tier, franchir le grand portail bancal qui                       liés à l’enfance, à l’insertion des jeunes ou à la formation à l’environnement. « Ce qui
           son île d’adoption. Avec trois cents jeunes          je suis rentrée bouleversée », se ­souvient-elle.   ses jambes et de ses bras. En les voyant tous       mène à une courette et aux cinq salles de                        est formidable, ce sont les cinq mille salariés Air France qui parrainent nos initiatives
           et quatre-vingt-dix employés à gérer, cette          Partie pour adopter un orphelin, la voilà           cheminer, si impeccables dans leur uniforme,        classe est le moyen d’échapper à la misère                       et répondent à nos appels aux dons », dit Estelle Brice Santos, la nouvelle déléguée
           professeure de communication d’un lycée              déterminée à construire un orphelinat.              l’image des premiers pensionnaires resurgit.        – au moins la journée –, de manger, d’être                       ­générale de la Fondation Air France.

PARIS MATCH du 29 décembre 2022 au 4 janvier 2023                                                                                                                                                                                                                                                du 29 décembre 2022 au 4 janvier 2023 PARIS MATCH
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