La contribution du dialogue social au Programme 2030 - Promouvoir une transition juste vers des économies et des sociétés durables pour tous
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
La contribution du dialogue social au Programme 2030 Promouvoir une transition juste vers des économies et des sociétés durables pour tous Document de recherche – 2019 1
Cette étude a été réalisée par Antonio Ferrer Márquez, Begoña María-Tomé Gil et Olga López Maeztu de l’Instituto Sindical de Trabajo, Ambiente y Salud (ISTAS - Institut syndical du travail, de l’environnement et de la santé) Cette publication est disponible en ligne: https://www.ituc-csi.org/dialogue-social-pour-une-transition-juste Photo de couverture: Ouvrière industrielle - © Chevanon Photography La contribution du dialogue social au Programme 2030 Promouvoir une transition juste vers des économies et des sociétés durables pour tous FR - D/2019/11.962/6 © TUDCN 2019
La contribution du dialogue social au Programme 2030 Promouvoir une transition juste vers des économies et des sociétés durables pour tous
SOMMAIRE Avant-propos 6 1. La transition juste : qu’est-ce que c’est ? 7 2. Une transition juste dans la réalisation des objectifs de développement durable 13 et la lutte contre le changement climatique 3. L’importance du dialogue social dans la promotion d’une transition juste 19 et sa contribution à la réalisation des objectifs de développement durable 4. Expériences de dialogue social, transition juste et développement durable 27 5. Transition juste, entreprises et multinationales : accords-cadres internationaux 35 et bonnes pratiques négociés avec les représentants des travailleurs 6. Défis et recommandations pour une mise en œuvre réussie de la transition juste 43 Bibliographie 48 4
ACRONYMES ET ABRÉVIATIONS ACI : Accords-cadres internationaux ITF : Fédération internationale des ouvriers du BHNS : Bus à haut niveau de service transport CATP : Central Autónoma de Trabajadores del KSBSI : Confederation of Indonesian Prosperity Perú Trade Unions CCNUCC : Convention-cadre des Nations unies MWU : Matatu Workers’ Union sur les changements climatiques NEDLAC : National Economic Development and CCOO : Comisiones Obreras Labour Council (Afrique du Sud) CDN : Contributions déterminées au niveau natio- OCDE : Organisation de coopération et de déve- nal loppement économiques CES : Confédération européenne des syndicats ODD : Objectifs de développement durable CGTP : Confederación General de Trabajadores OGM : Organismes génétiquement modifiés del Perú OIT : Organisation internationale du travail COP : Conférence des parties ONG : Organisation non gouvernementale COSATU : Congress of South African Trade Unions PEID : Petits États insulaires en développement CSI : Confédération syndicale internationale PIT-CNT : Plenario Intersindical de Trabajadores- CUT : Central Unitaria de Trabajadores - Chile Convención Nacional de Trabajadores (Uruguay) CUT : Central Única de Trabajadores - Perú PLADA : Plateforme pour le développement des DILEEP : Integrated Livelihood and Emergency Amériques Employment Program (Philippines) PNDCR : Plan Nacional de Descarbonización de FLAEI : Federazione Lavoratori delle Aziende Elet- Costa Rica triche Italiane PUTON : Public Transport Operators’ Union FNV : Federatie Nederlandse Vakbeweging (Kenya) FRUTCAS : Federación Regional Única de Trabaja- SGRE : Siemens Gamesa Renewable Energy dores Campesinos del Sudoeste Potosino Group GIEC : Groupe d'experts intergouvernemental sur SPC : Social Partnership Council (Ghana) l'évolution du climat TAWU : Transport Workers Union of Kenya ISP : Internationale des services publics UGT : Unión General de Trabajadores 5
AVANT-PROPOS Le monde fait face à une urgence climatique. Au même moment, les travailleurs dans tous les secteurs de l’économie internationale sont confrontés à une crise sur le marché mondial du travail. Une planète en vie, des emplois assurés - le travail décent doit être notre objectif. L’action climatique et la transition juste sont possibles et il nous faut agir face à l’appel de nos enfants, qui se sont emparés de la rue pour réclamer que nous préservions leur avenir. Afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre au rythme nécessaire pour sauver notre planète, le mouvement syndical international sait qu’il faudra agir dans tous les lieux de travail, tous les secteurs et tous les pays. Les objectifs de développement durable (ODD) et les objectifs de l’accord de Paris ne peuvent être atteints que par des transformations considérables au niveau technologique, social et économique, aux- quelles nous devons tous participer. Pour les syndicats, la transition juste est la voie à suivre pour un haut degré d’ambition étant donné qu’elle permet de faire naître chez les peuples et les communautés la confiance en un avenir assuré, elle crée l’espoir. Les syndicats sur le lieu de travail, sectoriels et nationaux veulent s’assurer que les salaires des travailleurs, la sécurité de l’emploi, la santé, la sécurité et la protection sociale sont garantis dans les processus de transition économique ainsi que la création de nouveaux emplois dans les secteurs nouveaux et émergents. Pour que la transition soit suffisamment approfondie, suffisamment rapide et suffisamment équitable, il est clair pour nous que l’élément essentiellement nécessaire pour y parvenir est un dialogue social qui facilite les procédures de planification basées sur le droit aux négociations collectives, la conclusion d’accords négociés et la réalisation d’un véritable partenariat. Ce rapport de recherche présente les possibilités de réalisation des voies de transition juste, grâce à la participation des syndicats dans le dialogue social. Promettons de créer un monde où les emplois sont verts et décents, les droits humains et du travail respectés, les émissions de gaz à effet de serre nulles, la pauvreté éradiquée et les communautés résistantes et prospères. Ensemble, nous pouvons y arriver. Sharan Burrow Secrétaire générale – Confédération syndicale internationale 6
CHAPITRE 1 La transition juste assure l’avenir et les moyens de La nécessité de réduire les émissions de gaz à effet subsistance des travailleurs et travailleuses et de de serre dans le but d’optimiser l’utilisation de nos leurs communautés lors de la transition vers une ressources, de contrer la pénurie de nombreuses ma- économie « zéro carbone ». Elle se fonde sur le dia- tières premières essentielles à nos processus de pro- logue social entre les travailleurs et leurs syndicats, duction et à notre développement technologique et les employeurs, les gouvernements et les commu- de réduire l’impact environnemental et social de l’ex- nautés. Les plans de transition juste fournissent et traction des ressources minérales implique un chan- garantissent des emplois meilleurs et décents, la gement radical dans notre manière de produire et de protection sociale, des opportunités de formation consommer. Cette transformation va demander des plus nombreuses et une plus grande sécurité de changements rapides et profonds dans les secteurs l’emploi pour tous les travailleurs et travailleuses de l’énergie, de l'agriculture et de l’industrie, nos affectés par le réchauffement climatique et les po- bâtiments, nos transports et nos villes, et représente litiques relatives au changement climatique. aussi un défi majeur pour le monde du travail. Selon l’Organisation internationale du travail, au moins la Les scientifiques nous disent que les niveaux de moitié de la main-d'œuvre mondiale, soit 1,5 milliard dioxyde de carbone dans l’atmosphère ont déjà de personnes, est touchée par la transition vers une atteint 415 ppm, soit le niveau le plus élevé jamais économie verte. enregistré dans l’histoire des hommes. Les condi- tions climatiques actuelles illustrent l’impact accru La transition vers des économies et des sociétés du changement climatique. Des élévations records sans émissions de gaz à effet de serre doit dès lors du niveau de la mer, une diminution de la banquise, être une transition socialement juste qui prend en un recul glaciaire, une augmentation du nombre de compte les droits des travailleurs et travailleuses phénomènes extrêmes et des températures terrestres affectés et leurs communautés. et océaniques exceptionnellement élevées ont déjà été constatés. La température moyenne mondiale à la De plus, étant donné que les pays les plus pauvres, surface de la Terre se situait en 2018 à environ 1°C au- qui sont les plus mal équipés pour faire face à un dessus du niveau de référence préindustriel et nous changement rapide, seront ceux le plus durement nous dirigeons vers une augmentation de 3°C. touchés, il est aussi primordial que la lutte contre le changement climatique suive et s’engage en- Tous les gouvernements signataires de l’accord vers la réalisation d’objectifs mondiaux comme de Paris de 2015 se sont engagés à maintenir ceux du Programme de développement durable à l’augmentation de la température mondiale bien l'horizon 2030 des Nations Unies. en dessous de 2°C au-dessus des niveaux préin- dustriels et de s’efforcer de la limiter à 1,5°C. Les La « transition juste » est le terme utilisé pour scientifiques du monde entier s’accordent à dire décrire la stratégie de grande ampleur à tous les que, pour atteindre cet objectif et éviter des chan- échelons (lieu de travail, secteurs, pays, internatio- gements climatiques dangereux, les émissions nal) présentée par le mouvement syndical mon- mondiales doivent être réduites de 45 % d’ici 2030 dial pour protéger celles et ceux dont l’emploi, les et nous devons devenir neutres en émissions d’ici revenus et les moyens de subsistance sont mena- 2050. La recommandation du Groupe d'experts cés par les conséquences du changement clima- intergouvernemental sur l'évolution du climat tique et les politiques en matière de climat. Ce (GIEC) représente un réel défi, qui requiert la trans- concept est né officiellement lors de la conférence formation du modèle international de production de la Convention-cadre des Nations Unies sur les et de consommation et la décarbonisation de changements climatiques de Cancún en 2010 et a nos économies, en vue de revoir la trajectoire des été reconnu dans l'accord de Paris (après des an- 11 prochaines années. nées de sensibilisation par les syndicats). 8
CHAPITRE 1 « Tenant compte des impératifs d'une transition juste pour la population active et de la création d'emplois décents et de qualité conformément aux priorités de développement définies au niveau national » Préambule de l’accord de Paris LE CENTRE POUR UNE TRANSITION JUSTE Le Centre pour une transition juste a été fondé en 2016 par la CSI et la CES. Le centre réunit des travail- leurs et des travailleuses, leurs syndicats, des communautés, des employeurs et des gouvernements dans le cadre du dialogue social pour s'assurer que travailleurs et travailleuses ont leur place à la table des négociations en vue de planifier une transition rapide et juste vers un monde « zéro carbone ». Le Centre pour une transition juste travaille avec d’autres acteurs pour accélérer le processus de transi- tion juste et, entre autres, il : onne aux travailleurs et travailleuses et à leurs alliés les moyens d'agir grâce au partage d’exemples de d procédures et de plans de transition juste, au renforcement des capacités, au partage de compétences et d’expériences entre pairs au sujet de la transition juste. r épertorie les bonnes pratiques quant aux procédures de dialogue social par le biais d’entretiens, de vidéos, de rapports et d’études de cas. lance et soutient des procédures de dialogue social qui impliquent les syndicats, les communautés, les gouvernements et les entreprises et font aussi participer des investisseurs et des experts. c ontribue aux dialogues et à la planification des politiques nationales et internationales en matière de transition juste. www.justtransitioncentre.org 9
CHAPITRE 1 L’Organisation internationale du travail (OIT) a D’une part, ce programme vise le changement en ouvert la voie à l’intégration de la transition juste faveur d’une décarbonisation de l’économie et dans le Programme de développement durable. s’engage à créer une société durable, résistante Des fondements et principes directeurs ont été et inclusive qui éradique la pauvreté et garantit le mis en place grâce à plusieurs rapports et réso- travail décent. D’autre part, il vise aussi à garantir, lutions sur les emplois verts et la transition juste, dans le processus de transition, que les consé- ce qui a culminé en 2015 par l'adoption unanime quences sur les populations et régions les plus vul- des « Principes directeurs pour une transition nérables soient anticipées et gérées de manière juste vers des économies et des sociétés écolo- juste et coordonnée tout en maximisant les op- giquement durables pour tous1 ». Ces principes portunités de transformation socioéconomique. directeurs sont destinés aux gouvernements et C’est pourquoi le dialogue social, qui implique la aux partenaires sociaux (représentants des tra- participation des partenaires sociaux dans les pro- vailleurs et des employeurs) et se fondent sur cessus de prise de décision des gouvernements, les quatre piliers de l'agenda du travail décent : est un aspect crucial de la transition juste. l’emploi, les droits du travail, la protection sociale et le dialogue social. Les principes directeurs pro- À cette fin, le cadre de transition juste est soutenu posent l’intégration de la transition juste dans des par les piliers suivants : politiques macroéconomiques qui associent poli- Une évaluation précoce des conséquences so- tiques sectorielles et investissement de fonds pu- ciales et économiques du changement clima- blics, politiques fiscales adaptées et ajustement de tique et des réponses à y apporter : dans les sec- la formation pour respecter les nouvelles normes. teurs de la production, la santé et l’emploi. La promotion d’investissements publics considé- Le concept de transition juste est né de la nécessité rables dans les secteurs et technologies à faible de protéger les travailleurs de ces transformations émission de carbone. profondes et de s'assurer que les gouvernements La mise en œuvre de politiques de restructura- accordent de l’attention à leurs conséquences tion et de diversification de l'économie : en parti- potentielles dans des secteurs et territoires précis. culier dans les territoires les plus affectés. L’importance d’un pacte majeur a aujourd'hui été La promotion de la formation et du recyclage reconnue pour soutenir les procédures de transi- professionnels en vue du développement des tion énergétique et écologique nécessaires à la compétences nécessaires à la restructuration réalisation rapide et efficace du développement économique approfondie et à une plus grande durable, sans laisser personne pour compte. résistance face au changement climatique. Le renforcement des systèmes de protection La transition juste est une transition vers une éco- sociale et des investissements publics dans la nomie à faible émission de carbone et à l'épreuve santé, l’éducation, etc. en particulier dans les du changement climatique qui accroît les avan- pays les plus pauvres et ceux dont les capacités tages de l’action pour le climat, crée des emplois institutionnelles sont plus faibles. décents et limite les conséquences négatives La promotion du dialogue social, des négocia- pour les travailleurs et leurs communautés. Le tions collectives, de la participation sociale et de programme de transition juste comprend deux di- la recherche de solutions coordonnées dans les mensions en termes de résultats et de procédures. processus de gouvernance. 1 https://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---ed_emp/---emp_ent/documents/publication/wcms_432864.pdf 10
CHAPITRE 1 LES PRINCIPES DIRECTEURS DE L’OIT ÉTABLISSENT NEUF GRANDS DOMAINES D’ACTION POUR ASSURER UN DÉVELOPPEMENT ADÉQUAT DU CADRE POLITIQUE POUR UNE TRANSITION JUSTE, ET CE SOUS LES ANGLES ENVIRONNEMENTAL, ÉCONOMIQUE ET SOCIAL : I. Politiques macroéconomiques et politiques V. Sécurité et santé au travail de croissance VI. Protection sociale II. Politiques industrielles et sectorielles VII. Politiques actives du marché du travail III. Politiques concernant l’entreprise VIII. Droits IV. Développement des compétences IX. Dialogue social et tripartisme Figure 1 – Une transition juste vers des économies et sociétés écologiquement durables pour tous Principes Cohérence politique et arrangements directeurs institutionnels efficaces de l’OIT ombreux lus n s et p ur le Évaluation du Dialogue social l Soutien de l’OIT ei potentiel d’emplois is m verts à la mise en œuvre plo de la transition Des em juste Macro/Secteur Emploi Social Élaboration Dialogue Projets de politiques social pilotes Macroéconomique Entreprises Santé et sécurité au Industriel Compétences travail et secteur Marché du travail Protection Formation et sociale renforcement des capacités Normes de travail Source: OIT 11
12
CHAPITRE 2 UNE TRANSITION JUSTE DANS LA RÉALISATION DES OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE ET LA LUTTE CONTRE LE CHANGEMENT CLIMATIQUE © Nforngwa 13
CHAPITRE 2 Le plus grand défi auquel l’humanité fait face est de l’environnement » dans un cadre de « dévelop- l’éradication de la pauvreté et, si elle n’y parvient pement durable », de « plein emploi », de « travail pas, il ne peut y avoir de développement durable. décent » et de « travail de qualité ». En d’autres C’est le principal postulat sur lequel reposent les termes, afin de réaliser un développement écono- objectifs de développement durable (ODD) ap- mique durable, nous devons créer les conditions prouvés par l’ONU dans le Programme de déve- nécessaires pour que les individus aient accès à loppement durable à l’horizon 2030. des emplois de qualité en stimulant l'activité éco- nomique sans nuire à l’environnement. Le rôle essentiel du travail décent dans la promo- tion du développement économique est souligné L’autre défi majeur est le changement clima- dans l’objectif 8 (Promouvoir une croissance écono- tique, qui est repris dans l’ODD 13 (« Action pour mique soutenue, partagée et durable, le plein emploi le climat »). La pauvreté, les inégalités sociales, productif et un travail décent pour tous) et, plus l’utilisation intensive des ressources et la pollu- précisément, l’objectif 8.5 (Parvenir au plein emploi tion environnementale sont les manifestations et productif et garantir à tous, y compris les femmes et conséquences désastreuses d'un modèle écono- les jeunes, un travail décent).2 Dans l’objectif 8.4, le mique largement fondé sur les combustibles fos- programme propose d'agir pour « améliorer pro- siles qui doit être abandonné. Dans ce contexte, gressivement, jusqu’en 2030, l’efficacité de l’utili- une transition vers un modèle économique décar- sation des ressources mondiales dans les modes bonisé qui répond au défi posé par le changement de consommation et de production et s’attacher climatique et ses conséquences négatives est à dissocier croissance économique et dégradation essentielle. LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE, UN ÉLÉMENT CLÉ DES ODD L’ODD 7, Garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes, à un coût abordable, considère que l’énergie est un élément clé pour tous les défis et opportunités auquel le monde doit aujourd'hui faire face : emploi, changement climatique, sécurité et production alimentaires, distribution des richesses et réduction des inégalités, etc. Cela prouve la nature transversale des questions énergétiques et leur lien avec d’autres ODD : y compris l’ODD 1 Éliminer la pauvreté ; l’ODD 8 Travail décent et croissance économique ; l’ODD 10 Réduire les inégalités ; l’ODD 11 Villes et communautés durables ; l’ODD 12 Production et consommation durables et l’ODD 13 Action pour le climat. Cet ODD et ses synergies avec d’autres ODD confient aux gouvernements, entreprises et partenaires sociaux la responsabilité de soutenir les initiatives qui garantissent l'accès uni- versel aux services énergétiques modernes, améliorent l’efficacité énergétique, accroissent l'utilisation des sources d’énergie renouvelables et décarbonisent l’économie mondiale. Cela signifie qu'il appelle au progrès continu vers une transition énergétique pour créer un nouveau modèle énergétique plus juste, plus efficace, plus durable et plus démocratique. La transition énergétique présuppose implicitement la nécessité d’une transition juste qui garantit des emplois décents et les droits des travailleurs des secteurs impactés, à la fois en termes de pertes d’emplois et de création d’emplois. 2 Decent Work and the Sustainable Development Goals: A Guidebook on SDG Labour Market Indicators. OIT 2018. 14
CHAPITRE 2 D'après le rapport de l’OIT intitulé « Une économie Il est important de souligner qu’une grande par- verte et créatrice d’emplois », les effets négatifs tie des engagements pris dans l'accord de Paris des pressions exercées sur les écosystèmes, l'éco- contre le changement climatique et dans l’ODD 13 nomie et l’emploi, y compris les effets provoqués (Action pour le climat) ne seront pas possibles par le changement climatique que nous subissons pour la grande majorité des pays en développe- déjà, sont énormes. La plus grande fréquence et ment sans interventions substantielles et progres- la plus forte intensité des catastrophes naturelles sives du secteur public. Ces interventions deman- ont déjà fait baisser la productivité des écosys- deront la mobilisation des ressources par le biais tèmes dont ne dépendent pas moins de 1200 mil- d’une fiscalité équitable, d’une répartition juste lions d’emplois, qui représentent 40 % de l’emploi des revenus de l’extraction de ces ressources et de mondial total, ce qui entraîne une perte annuelle la lutte contre l’évasion fiscale. équivalente à 0,8 % du travail annuel. Même dans un scénario de réelle atténuation des change- Les autorités infranationales et locales devraient ments climatiques, les hausses de température, également prévoir des procédures de transition que nous subissons déjà actuellement, feront et envisager d’investir une partie de leurs revenus disparaître l’équivalent de 72 millions d’emplois dans la diversification et le renouvellement futur à plein temps d’ici 2030. Les pays dont les écono- en cas de fermetures partielles, de relocalisations mies et les emplois subissent l’impact de la dégra- ou de cessation de l’activité économique. Les dation des écosystèmes se situent principalement municipalités/villes perçoivent des revenus im- en Afrique, en Asie et dans le Pacifique, mais elle portants (taxes, compensation financière, etc.) au s’étend rapidement à d’autres régions et ses effets cours du cycle de vie d’une installation industrielle multiples se ressentent déjà dans le monde entier. ou d'une activité économique située sur leur ter- ritoire et ces revenus peuvent être utilisés pour contribuer à financer des stratégies de transition juste et générer des alternatives économiques. 15
CHAPITRE 2 RÉSEAU C40 ET LUTTE CONTRE LE CHANGEMENT CLIMATIQUE : LE RÔLE DE L’ITF3 ET DU CENTRE POUR UNE TRANSITION JUSTE DANS LA POURSUITE DE VILLES ET COMMUNAUTÉS DURABLES (ODD 11) Le C40 est un réseau de grandes villes qui s’engagent à lutter contre le changement climatique. À travers plusieurs secteurs et domaines, le C40 rassemble des réseaux qui fournissent toute une série de services et viennent en soutien aux villes dans leur lutte contre le changement climatique. Le C40 compte actuellement 17 réseaux qui couvrent les questions d'atténuation, d’adaptation et de durabilité qui relèvent de la plus haute priorité pour les villes du C40 et ont le potentiel d'avoir le plus grand impact climatique. Par le biais de ces réseaux, les acteurs des villes du monde entier se conseillent et en apprennent les uns des autres sur les réussites et les défis dans la mise en œuvre de l’action pour le climat. Les interactions des réseaux et les com- munications du C40 offrent aux villes une plateforme où elles peuvent présenter leurs solutions en matière d'action pour le climat. La Fédération internationale des ouvriers des transports (ITF), le Centre pour une transition juste et le C40 ont conclu un partenariat innovant dans le cadre duquel ils s’engagent à faire progresser les actions prioritaires suivantes : T ravailler avec les maires et les villes pour s'assurer que la transition vers des rues vertes et saines et des bâtiments zéro énergie est une transition juste qui crée des emplois décents, réduit les inégalités et pousse à l’inclusion et à l'amélioration de la vie de la classe ouvrière et à faible revenu. Cela comprend des transports publics propres, nombreux, abordables, sûrs et fiables ainsi que des logements abordables, disponibles et économes en énergie. ouer des partenariats avec les maires et les autorités des villes en vue d’élaborer et d’intégrer N des plans de transition juste qui promeuvent le travail décent et l’action sociale, y compris les analyses d'impact du travail, les formations, des garanties et des objectifs en matière d’emploi pour les travailleurs et travailleuses. obiliser les connaissances et les compétences des travailleurs et travailleuses pour élaborer M et améliorer les actions de soutien nécessaires pour respecter les engagements pris dans le cadre de la déclaration pour des rues plus vertes et plus saines.4 3 L’ITF est la Fédération internationale des ouvriers des transports. 4 https://www.c40.org/other/fossil-fuel-free-streets-declaration 16
CHAPITRE 2 Les municipalités qui comprennent une centrale C’est pourquoi il est essentiel que le mouvement nucléaire et les régions minières ont reçu des com- syndical s’engage et collabore avec les gouver- pensations financières considérables et une aide nements nationaux pour qu'ils assument leurs publique de fonds européens pour favoriser leur responsabilités dans la réalisation de ces enga- reconversion économique et leur renouvellement gements, tout en étant formés et instruits sur la au cours du cycle de vie de ces installations. manière de participer à ce processus. DÉVELOPPER LES COMPÉTENCES POUR LE DIALOGUE SOCIAL VERS UNE TRANSITION JUSTE Le projet de renforcement des capacités syndicales et de création de services publics de qualité pour une transition juste en lien avec le changement climatique (2018/2022)5 est un exemple de la manière dont les syndicats peuvent impliquer les gouvernements nationaux dans la transition juste. Ce projet a pour objectif de renforcer les capacités des syndicats du secteur public pour s'attaquer à la crise climatique. Les partenaires espèrent améliorer les compétences techniques et organisationnelles des syndicats du secteur public afin de créer un dialogue social efficace, d’identifier les aspects clés de la réalisation des engagements nationaux et de fournir des outils d’analyse pour l'évaluation critique des mesures à prendre. Le but ultime est de promouvoir une transition socialement juste et verte pour s'attaquer à la crise clima- tique et exiger des politiques gouvernementales en la matière, politiques qui doivent prévoir une intervention de l’État pour réduire la pauvreté (ODD 1), favoriser le travail décent et la croissance économique (ODD 8), réduire les inégalités (ODD 10) et promouvoir l’action pour le climat (ODD 13). Ce projet est mené par l’Internationale des services publics (ISP)6 et soutenu par Union to Union7 par l’intermédiaire des syndicats suédois Akademikerförbundet SSR, Vision et Kommunal en Zambie, en Tunisie, au Kenya, au Pérou, en Jamaïque, en République dominicaine et à Antigua-et-Barbuda.8 5 http://www.world-psi.org/en/climate-change-building-trade-union-capacities-and-quality-public-services-just-transition-jamaica 6 L’ISP est la fédération des travailleurs et travailleuses du secteur public. 7 Union to Union est l’organisation de solidarité internationale des syndicats suédois. 8 Ces deux pays font partie de ce qu’on appelle les petits États insulaires en développement (PEID), qui ont été reconnus comme groupe distinct parmi les pays en développement depuis le sommet de la Terre des Nations Unies de 1992. Les PEID sont extrêmement vulnérables à de nombreux défis, de la dette et du chômage au changement climatique et à l’élévation du niveau de la mer. 17
18
CHAPITRE 3 L’IMPORTANCE DU DIALOGUE SOCIAL DANS LA PROMOTION D’UNE TRANSITION JUSTE ET SA CONTRIBUTION À LA RÉALISATION DES OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE © Marko Lovric 19
CHAPITRE 3 Dans les pays démocratiques, le dialogue social sera efficace que si les différents acteurs sociaux, (bipartite ou tripartite entre les organisations de en particulier les gouvernements, les entreprises représentation des travailleurs et des employeurs et les syndicats, participent à l’élaboration de et les gouvernements) est un outil de base pour ces stratégies et politiques. Comme l'a indiqué gérer les conflits sociaux. Son objectif principal est l’OIT (OIT, 2015) : Compte tenu de l’ampleur et de de favoriser l’échange d’informations et de propo- l’urgence de ces défis dans le domaine de l’environ- sitions pour atteindre un degré de consensus plus nement, le monde n’aura manifestement ni les res- ou moins explicite. Comme l’OIT le fait remarquer, sources ni le temps de les affronter séparément ou les structures de dialogue social ont permis de consécutivement. Les aborder conjointement n’est résoudre des questions économiques et sociales, pas une option, c’est une nécessité ». ont favorisé la bonne gouvernance, le progrès social, la paix et la stabilité et ont promu le déve- C’est pourquoi le dialogue social est essentiel loppement économique.9 aux processus décisionnels. Comme l’OIT le fait remarquer dans ses Principes directeurs pour une Pour la transition vers un modèle économique transition juste, “le dialogue social doit faire par- décarbonisé et durable qui crée des avantages tie intégrante du cadre institutionnel régissant sociaux, il est essentiel d'associer écologie et l’élaboration et la mise en œuvre des politiques à emploi,10 étant donné que la transition aura des tous les niveaux » en tant que l’un des principes conséquences directes en termes de pertes d’em- directeurs de la transition vers des économies et plois et de cohésion sociale. Ces conséquences des sociétés écologiquement durables pour tous. seront différentes selon la région, selon le pays et entre les pays, et les emplois créés ne le seront pas Les processus décisionnels devraient donc se fonder toujours au même moment ou au même endroit sur le dialogue social afin de s’assurer qu’ils répondent que les emplois perdus. aux incertitudes et d’éviter les décisions unilatérales sans mesures compensatoires qui pourraient affecter C’est pour cette raison que la transition doit être l’emploi ou la situation sociale des individus, particu- réalisée dans le respect des droits sociaux des lièrement celle des plus désavantagés.12 communautés affectées et des droits du travail des travailleurs et travailleuses impliqués dans ce pro- Le dialogue social réduit aussi les inégalités sociales cessus. La voie à suivre implique un engagement grâce à l'amélioration des conditions de travail et envers une transition juste pour tous, ce qui nous la garantie de relations de travail équitables.13 Il mènera à une économie écologiquement durable facilite également l'accès à l’information, favorise qui doit être gérée correctement et contribuer aux l’échange d’opinions et améliore la compréhension objectifs liés au travail décent pour tous, à l’inclu- des défis et des opportunités, et tout cela permet à sion sociale et à l’éradication de la pauvreté.11 son tour de parvenir à un consensus et de gérer les conflits. Dans le même temps, il s'agit d’une oppor- Dans ce contexte, la transition juste doit faire tunité de sensibiliser, de mobiliser et de dynamiser l’objet d'une planification et de l’élaboration de les différents acteurs au sujet de la question à trai- plans, politiques et investissements qui mèneront ter. En outre, le dialogue social est crucial pour que à un avenir durable où plein emploi, travail décent les groupes impliqués en assument la responsabi- et protection sociale règnent. Ce processus ne lité et que le processus décisionnel soit transparent. 9 https://www.ilo.org/public/spanish/dialogue/themes/sd.htm 10 https://www.ilo.org/integration/resources/briefs/WCMS_107814/lang--en/index.htm 11 « Principes directeurs pour une transition juste vers des économies et des sociétés écologiquement durables pour tous ». OIT, 2015. 12 « La transición energética solo será viable si es percibida como justa » (La transition énergétique ne sera viable que si elle est perçue comme juste). Joaquín Nieto, directeur de l’OIT en Espagne. http://agendapublica.elpais.com/la-transicion-energetica-solo-sera-viable-si-es-percibida-como-justa/ 13 L a contribution du dialogue social à l’horizon 2030 : La formalisation de l’économie informelle. Confédération syndicale internationale (CSI, 2018). https://www.ituc-csi.org/development-cooperation?lang=fr 20
CHAPITRE 3 DIALOGUE SOCIAL ET OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE14 Le dialogue social est essentiel à la réalisation des objectifs de développement durable. Même s’il n’est pas mentionné explicitement dans le programme à l’horizon 2030, le dialogue social est un élément crucial pour atteindre la plupart des objectifs. D’une part, il assure l’accès au travail décent (ODD 8) et est l’un des principaux piliers de l’Agenda pour le travail décent. En outre, l’appel à la reconnaissance et au respect des droits du travail (ODD 8.8) implique une totale conformité avec les normes internationales du travail de l’OIT, y compris toutes celles qui se réfèrent aux processus du dialogue social à différents niveaux. De plus, les indicateurs de suivi mondiaux des ODD (Nations Unies, 2018) font expli- citement référence aux négociations collectives : l’une des formes adoptées par le dialogue social bipartite (indicateur 8.8.2). D’autre part, dans l’ODD 16 sur des sociétés justes, pacifiques et inclusives, le programme à l’horizon 2030 fait référence à l’efficacité et à la transparence des institutions, à l’adoption de décisions inclusives, participatives et représentatives (objectif 16.7) et à l'accès public à l’information et à la protection des libertés fondamentales (16.10). Il s'agit d'éléments de base qui se fondent sur un dialogue social efficace. De plus, la documentation montre que le dialogue social peut contribuer de manière signifi- cative aux autres ODD : comme l’ODD 10 (réduire les inégalités), étant donné que l’existence d’un dialogue social solide permet d'accroître les niveaux d’inclusion et de protection des travailleurs les plus vulnérables et de ceux qui ont moins de capacités à négocier (travailleurs non déclarés, migrants, femmes et jeunes). Le dialogue social peut aussi grandement contribuer à la réduction des inégalités entre les femmes et les hommes (ODD 5) : par exemple avec l’inclusion croissante, dans les accords de négociations collectives, de clauses qui améliorent les conditions des femmes (y com- pris l’allaitement, l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle, la maternité et la violence domestique). Enfin, l’OIT souligne l’importance de la mise en œuvre de systèmes de protection sociale et de la gestion des institutions de sécurité sociale par le biais d’un processus de dialogue social afin de les rendre les plus adaptées et efficaces possible (ODD 1 éliminer la pauvreté et, plus précisément, l’objectif 1.3 accroître la couverture des systèmes de protection sociale). 14 L a contribution du dialogue social à l’horizon 2030. La formalisation de l’économie informelle. https://www.ituc-csi.org/dialogue-social-pour-odd-formaliser-economie-informelle?lang=fr 21
CHAPITRE 3 Pour que tout cela se produise, il faut que le dia- ne structure institutionnelle appropriée est né- U logue social soit efficace. Cela demande un certain cessaire : elle doit bénéficier d’un financement et nombre de conditions préalables15: de mandats légaux clairement définis et garantir la continuité lors de changements politiques. L e respect total de la liberté d’association, de sorte que travailleurs et employeurs puissent L 'accès à des informations et formations adé- s’organiser librement, défendre leurs intérêts quates pour que toutes les parties puissent exer- sans interférence externe et négocier sans pres- cer efficacement leur droit à participer. sion, les uns avec les autres et avec le gouverne- ment, sur des questions d’intérêt mutuel. Il est clair que ces conditions préalables dépendent des relations de travail que chaque pays a pratiqué L es organisations syndicales et patronales tout au long de son histoire. doivent être solides, indépendantes et représen- tatives. Cependant, dans la réalité, le dialogue social dans la plupart des pays en développement, et en par- ne volonté politique suffisante et un sens des U ticulier sur les questions relatives au changement responsabilités chez toutes les parties qui parti- climatique, doit faire face à des défis pour garantir cipent au dialogue social. une transition juste pour les travailleurs et travail- leuses. Dans ce cas, les syndicats peuvent chercher à conclure des partenariats avec la société civile pour soutenir le processus de transition juste. LA PLATEFORME POUR LE DÉVELOPPEMENT DES AMÉRIQUES La Plateforme pour le développement des Amériques (PLADA)16 a été créée en 2014 comme instrument fondamental pour l'action politique, la mobilisation et l’impact sur le mouvement syndical, en partenariat avec d'autres mouvements sociaux, pour la promotion et l’avancement d’un modèle de développement alternatif pour les Amériques. La PLADA s’engage en faveur d’une transition juste face aux défis liés au changement climatique, de la défense, la préservation et l'accès public aux « biens communs » et des principes de justice environnementale comme cadre de référence de sa stratégie syndicale pour les questions environnementales. Cela implique de garantir qu’aucun(e) travailleur, travailleuse, communauté, territoire ou groupe social ne souffre des conséquences de tout(e) initiative, travail, projet ou politique. 15 Le dialogue social en tant que moteur et instrument de gouvernance pour le développement durable. (Document d’orientation OIT- CSI, 2017). 16 http://csa-csi.org/Include/ElectosFileStreaming.asp?FileId=124 22
CHAPITRE 3 PROGRAMME DE TRANSITION JUSTE AU NIGERIA En Afrique, en particulier au Nigeria, l’accaparement des terres, la destruction des moyens de subsistance et l’introduction d’organismes génétiquement modifiés (OGM) par certaines mul- tinationales poussent des dizaines de milliers de petits agriculteurs à se déplacer et portent gravement préjudice aux communautés touchées. En outre, la déforestation et l’impact des activités des multinationales qui extraient le pétrole et le gaz contribuent à la dégradation environnementale du territoire et aux violations des droits humains. C’est dans ce contexte que les syndicats, les organisations et les communautés affectées au Nigeria demandent une transition énergétique de toute urgence vers la décarbonisation. Arrêter d'investir dans les carburants fossiles a de sérieuses implications pour les droits du travail dans un pays qui dépend du pétrole et du gaz. Le changement surviendra lorsque les organisations de la société civile et les syndicats conviendront de travailler ensemble pour élaborer des objectifs communs qui détermineront à quoi devrait ressembler la tran- sition juste en termes de travail décent, de rémunération équitable, de formation adéquate et de calendrier raisonnable et que secteurs public et privé se mobiliseront pour travailler ensemble à une transition juste. Pour promouvoir ce processus, le Centre pour une transition juste, les Amis de la Terre, le Nigeria Labour Congress et Environmental Rights Actions, avec le soutien de Mondiaal FNV,17 viennent de lancer une initiative dans ce pays pour favoriser le dialogue consultatif et la col- laboration entre les organisations de la société civile, les syndicats nigérians et les commu- nautés en vue de travailler sur une position commune pour une transition juste et de leur permettre d'influencer plus facilement le processus. LA PROTECTION SOCIALE, UNE PRIORITÉ DU pays. Sans protection sociale, une transition juste DIALOGUE SOCIAL est tout simplement impossible. Les changements nécessaires vers les énergies re- Le développement d’une protection sociale est nouvelables dans le bouquet énergétique, qui font fondamental pour lutter contre la pauvreté et les baisser l’utilisation d’énergie basée sur les com- inégalités et créer des emplois adéquats de qua- bustibles fossiles dans la fabrication de produits lité afin d'atteindre l’égalité entre les femmes et les et de services, et la modification des modèles de hommes et de développer des systèmes de santé mobilité dans les villes demanderont un processus et d’éducation inclusifs. Il s'agit de la condition de restructuration à échelle mondiale qui aura un sine qua non pour que le développement écono- impact significatif et différent dans certains terri- mique soit inclusif et durable. toires et pour certains groupes. La mesure dans la- quelle ce processus aura un impact plus ou moins Les systèmes de protection sociale (assurance important sur les niveaux de pauvreté et d'inéga- chômage, systèmes de pension, subventions pour lité dépendra du niveau de développement des les groupes les plus vulnérables, politiques actives politiques de protection sociale dans chacun des d’emploi et systèmes de santé et d’éducation uni- 17 Mondial FNV est l’organisation de solidarité internationale du syndicat FNV aux Pays-Bas. 23
CHAPITRE 3 versels) ont été mis au point pour éviter que les La transition juste s'attaque à ces déséquilibres niveaux de pauvreté et d’inégalité sociale n’aug- en stimulant les processus de dialogue social afin mentent. Cependant, ces mesures socialement de minimiser les effets que le changement clima- inclusives ont également un objectif important : tique et les politiques visant à l'atténuer vont avoir éviter le conflit social ouvert et manifeste. Comme sur nos sociétés. C’est pour cette raison que l’un les données de l’OCDE le montrent,18 les niveaux des principaux éléments que les organisations de protection sociale ne sont pas les mêmes par- syndicales doivent influencer est la création, le tout dans le monde. C’est pourquoi les change- renforcement et l’élargissement des systèmes de ments dans les processus de fabrication qui ont protection sociale en tant que garantie essentielle lieu à l’échelle mondiale ont des conséquences qui apporte une couverture aux processus de tran- différentes, à la fois en termes d’emploi et de distri- sition juste. bution des revenus (pauvreté et exclusion sociale). EXEMPLES DE POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE QUI CONTRIBUENT À UNE TRANSITION JUSTE19 Philippines : Après le passage du typhon Haiyan (Yolanda) en 2013, le gouvernement a rapi- dement étendu le programme DILEEP.20 Ce programme a fourni aux personnes touchées par le typhon un emploi rémunéré et une protection sociale pendant une période pouvant aller jusqu’à 30 jours sous la forme d'une aide temporaire au revenu et à l’assurance et d'une assu- rance santé et accidents. Inde : Depuis 2005, le Mahatma Gandhi National Rural Employment Guarantee Act œuvre à améliorer les infrastructures rurales, à accroître les ressources en eau et des sols et à renforcer les moyens de subsistance et les ressources des plus pauvres dans les zones rurales en offrant aux adultes au moins 100 jours de travail rémunéré par an pour lesquels peu de qualifications sont requises. Quelque 70 millions de ménages participent à ce programme chaque année. Égypte : Depuis 2014, le gouvernement égyptien a drastiquement réduit les subventions aux énergies fossiles, qui profitaient principalement aux riches, et redirigé plus de ressources vers la santé, l’éducation et la protection sociale. La couverture des programmes de protection sociale a été étendue aux familles pauvres, aux personnes âgées, aux orphelins et aux per- sonnes qui ont un handicap. 18 https://data.oecd.org/fr/accueil/ 19 R apport de la CSI sur les politiques sociales et économiques : Le rôle de la protection sociale dans la transition juste https://www.ituc-csi.org/protection-sociale-dans-la-transition-juste 20 Integrated Livelihood and Emergency Employment Program 24
CHAPITRE 3 L’IMPORTANCE DES COMPÉTENCES ET DE LA Identifier le type de formation et les groupes cibles FORMATION PROFESSIONNELLE DANS LA pour établir des priorités demandera de gros ef- TRANSITION VERTE forts de planification de la part du gouvernement. Pour que ces mesures soient le plus efficaces pos- Les processus de transition verte mènent déjà sible, il est essentiel que cette planification soit à un déséquilibre dans l’offre et la demande de réalisée dans le cadre du dialogue social tripartite. travail au sein d’un certain nombre de secteurs Toute une série de techniques (comme les com- et de régions, étant donné la croissance du chô- paraisons internationales ou l’extrapolation des mage structurel dans certains secteurs. Pour lutter tendances passées) peut être utilisée pour prévoir contre ce type de chômage, il faut non seulement les besoins en compétences du marché du travail, améliorer les canaux d'information entre l'offre mais ce qui ne peut être remis en question est la et la demande d'emploi, mais aussi s'efforcer de nécessité, pour les partenaires sociaux, organi- développer différentes compétences au sein de la sations patronales (l’un des acteurs clés lorsqu’il main-d'œuvre, ce qui nécessite un investissement s'agit d’identifier la demande de compétences de accru dans les systèmes de formation. En 2019, travail) comme syndicats, de participer activement l’OIT a publié un rapport intitulé Des compétences à la prévision des besoins en compétences. pour un avenir plus respectueux de l’environnement : Principales conclusions,21 qui fournit des données, exemples et lignes directrices spécifiques pour s'attaquer à ces questions. La formation professionnelle est fondamentale pour s'attaquer au déséquilibre entre offre et de- mande d’emploi puisqu’elle permet d’employer la main-d'œuvre excédentaire pour pallier le manque de compétences qui peut apparaître sur le marché du travail et, surtout, pour répondre à la demande de nouveaux emplois qui découle de la transition de la production et du marché du travail. 21 https://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---ed_emp/---ifp_skills/documents/publication/wcms_709124.pdf 25
Vous pouvez aussi lire