La promotion de l'entreprenariat vert et de l'éco-innovation sociale au Maroc - État des lieux et recommandations des parties prenantes - SwitchMed

La page est créée Frédéric Marty
 
CONTINUER À LIRE
La promotion de l'entreprenariat vert et de l'éco-innovation sociale au Maroc - État des lieux et recommandations des parties prenantes - SwitchMed
La promotion de l’entreprenariat
vert et de l’éco-innovation sociale au Maroc
État des lieux et recommandations des parties prenantes

Livre Blanc

                                                          © Éléphant Vert Maroc/switcher
La promotion de l'entreprenariat vert et de l'éco-innovation sociale au Maroc - État des lieux et recommandations des parties prenantes - SwitchMed
Remerciements
 Ce rapport a été préparé par le Centre d’activités régionales pour la consommation et la production durables
 (SCP/RAC, pour son sigle en anglais) dans le cadre du programme SwitchMed, financé par l’Union européenne
 (UE). SwitchMed bénéficie d’une coordination collaborative de l’UE, de l’Organisation des Nations Unies pour
 le développement industriel (ONUDI), du Plan d’action pour la Méditerranée du Programme des Nations Unies
 pour l’environnement (ONU environnement/PAM), du Centre d’activités régionales pour la consommation et
 la production durables (SCP/RAC) et de la Division de l’économie de l’ONU environnement.

 Supervision et Coordination: Giorgio Mosangini, Anna Ibañez et Matthew Lagod, SCP/RAC

 Auteur: Chloé Naneix, Experte associée, SCP/RAC

 Un remerciement particulier à tous les participants de l’atelier Synergies au Maroc ainsi qu’à toutes les
 personnes interviewées.

 Avertissement: La présente publication a été préparée avec l’aide de l’Union européenne. Le contenu de
 la publication relève de la seule responsabilité du SCP/RAC et ne peut aucunement être considéré comme
 reflétant le point de vue de l’Union européenne ou Ministère délégué chargé de l’Environnement au Maroc.

 Pour plus d’informations, prenez contact avec:
 Regional Activity Centre for Sustainable Consumption and Production (SCP/RAC)
 Mediterranean Action Plan - United Nations Environment Programme
 Sant Pau Art Nouveau Site – Nostra Senyora de la Mercè Pavillion
 Carrer Sant Antoni Maria Claret, 167. 08025 Barcelona (Catalunya) Spain
 www.switchmed.eu
 gmosangini@scprac.org

 2017

ba j

Le programme SwitchMed est mis en œuvre par l’Organisation
 des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI),
par le Plan d’action pour la Méditerranée du Programme des Nations
Unies pour l’environnement (ONU environnement/PAM), par le Centre
d’activités régionales pour la consommation et la production durables
(SCP/RAC, pour son sigle en anglais) et par la Division de l’économie de
l’ONU environnement.

                                                                                Le programme SwitchMed
                                                                           est financé par l’Union européenne
La promotion de l'entreprenariat vert et de l'éco-innovation sociale au Maroc - État des lieux et recommandations des parties prenantes - SwitchMed
Sommaire
ENCADRE: LES 10 ENSEIGNEMENTS DU LIVRE BLANC ............................................................................ 5

RESUME EXECUTIF.......................................................................................................................................... 6

1. INTRODUCTION ............................................................................................................................................ 9

    1.1        CONTEXTE ET OBJECTIFS : METTRE EN LUMIERE LES ATOUTS ET FAIBLESSES DE L’ECOSYSTEME
    MAROCAIN AFIN DE RENFORCER L’ENTREPRENEURIAT VERT ET L’ECO-INNOVATION SOCIALE                                                                         10

    1.2        L’APPROCHE : DES ENTRETIENS AVEC LES ACTEURS CLES AUTOUR DE CINQ FACTEURS D’INFLUENCES 12

2 LES DEFIS ET OPPORTUNITES ...............................................................................................................14

    2.1        FACTEURS ECONOMIQUES ET FINANCIERS                                                                                                         14

    2.1.1          Un accès difficile aux financements, particulièrement au démarrage                                                                     14
    2.1.2          Des marchés verts émergents aux potentiels méconnus et inexploités                                                                     16
    2.2        FACTEURS COMPETENCES : HUMAIN, SOCIAL, TECHNIQUE                                                                                           17

    2.2.1          Un capital humain à renforcer, beaucoup d’idées et peu de moyens pour les réaliser                                                     17
    2.2.2          Une culture de l’entreprenariat peu répandue dans une société en mutation                                                              18
    2.2.3          Des opportunités d’appui et d’accompagnement efficaces                                                                                 19
    2.3        FACTEURS EXTERNES : POLITIQUE, JURIDIQUE, ENVIRONNEMENTAL                                                                                  23

    2.3.1          Des stratégies nationales encourageantes mais pas assez convergentes                                                                   23
    2.3.2          Nature et infrastructure : le pays des potentiels                                                                                      25
    2.4         EN GUISE DE CONCLUSION: UN RESUME GRAPHIQUE DES FORCES ET DES FAIBLESSES DE L’ECOSYSTEME26

3 RECOMMANDATIONS ...............................................................................................................................27

    3.1        AUX ACTEURS PUBLICS                                                                                                                        27

    3.1.1          Au niveau national – harmoniser et encourager                                                                                          27
    3.1.2          Au niveau local et régional – diffuser et communiquer                                                                                  28
    3.2        AUX ACTEURS FINANCIERS                                                                                                                     28

    3.3        AUX AUTRES ACTEURS                                                                                                                         28

    3.3.1          Aux grandes entreprises                                                                                                                28
    3.3.2          Aux entrepreneurs verts et acteurs de la société civile                                                                                29
    3.3.3          Aux organismes de suivi                                                                                                                29
    3.3.4          Aux medias                                                                                                                             30
    3.3.5          Aux organisations internationales                                                                                                      30
La promotion de l'entreprenariat vert et de l'éco-innovation sociale au Maroc - État des lieux et recommandations des parties prenantes - SwitchMed
4   ANNEXES ............................................................................................................................................31

LISTE DES ORGANISMES INTERVIEWES PAR ORDRE ALPHABETIQUE                                                                                               31

LISTE DES ORGANISMES PRESENTS A L’ATELIER SYNERGIE DU 26 MAI 2016 A RABAT, PAR ORDRE
ALPHABETIQUE                                                                                                                                          32

PROGRAMME DE L’ATELIER SYNERGIES DU 25 MAI 2016                                                                                                       33

GUIDES D’ENTRETIEN – SELECTION DE QUESTIONS                                                                                                           35
La promotion de l'entreprenariat vert et de l'éco-innovation sociale au Maroc - État des lieux et recommandations des parties prenantes - SwitchMed
Encadré: les 10 enseignements du livre blanc

Ce qu’il faut retenir

   Des entreprises vertes et éco-innovations sociales sont bien plus présentes au Maroc qu’on
    ne le pense : elles sont l’avant-garde d’un secteur émergent tourné vers l’avenir ;

   De nombreuses opportunités de financement ou de soutien (privées, publiques) existent
    mais elles ne sont pas connues ;

   L’écosystème des organismes de suivi est très divers et se complète : Il gagnerait à créer
    des synergies au lieu de se faire de la concurrence ;

   Les programmes d’incubateurs/accélérateurs existants sont très performants mais trop
    centralisés et « pilote » : il faut en créer beaucoup plus et dans toutes les régions ;

   La culture de l’entreprenariat en général et de l’entreprenariat vert en particulier doit être
    promue – la formation doit être améliorée et rendue accessible ;

   Une bonne partie des consommateurs marocains sont conscients des impacts de la
    consommation sur l'environnement. Par contre, peu de gens savent que des produits et
    services verts sont disponibles, et ceux qui en sont informés, trouvent qu’ils ne sont pas
    accessibles, vu leur prix ;

   La vulgarisation des concepts d’économie verte et développement durable
    d’entrepreneuriat vert, éco-innovation sociale est impérative (rôle des médias, de l’école, du
    gouvernement) ;

   Le secteur privé doit s’impliquer dans les partenariats avec des startups et les banques
    doivent s’ouvrir à l’innovation ;

   L’état à un rôle majeur à jouer dans la promotion de l’innovation verte (garanties, fonds
    d’investissements dédiés) ainsi que dans l’harmonisation des politiques (Feuille de route /
    actions concertées de l’état) ;

   Les collectivités territoriales doivent être davantage sensibilisées et responsabilisées afin
    qu’elles puissent décliner la stratégie nationale de développement durable au niveau local
    et être elles-mêmes clientes de produits et services verts.

                                                                                                     5
La promotion de l'entreprenariat vert et de l'éco-innovation sociale au Maroc - État des lieux et recommandations des parties prenantes - SwitchMed
Résumé Exécutif

Dans le cadre de son volet démonstration, le programme Switchmed sur la production et la
consommation durables en Méditerranée cible le renforcement des capacités des parties
prenantes dans 8 pays d’intervention, et en particulier les éco-entrepreneurs et les innovations
vertes de la société civile, considérés comme des acteurs importants de la transition vers une
économie plus durable. À ce jour, SwitchMed a formé plus de 280 entrepreneurs verts et 13
organisations de la société civile au Maroc.

Le livre blanc est une photographie du moment qui propose de mettre en lumière les atouts et les
faiblesses de l’écosystème marocain, afin de faire apparaitre les domaines et axes où les
besoins d’action sont les plus grands. Il synthétise les opinions d’une quarantaine d’acteurs
interviewés individuellement (institutions publiques, financières, structures d’appui, porteurs de
projet) ainsi que les résultats de l’atelier Synergies tenu en mai 2016 à Rabat qui, a réuni une
centaine d’acteurs de près de 60 organismes différents. Ces résultats ont été ici classés en
plusieurs facteurs impactant sur le porteur de projet ou d’initiative :

1. Les facteurs économiques et financiers : la recherche de financement reste le défi le plus
important. Les opportunités existantes dont peuvent profiter les startups vertes sont les
compétitions, le crowdfunding, les subventions de la coopération internationale etc. Des
instruments de financements et garantie soutenus par l’état existent pour les TPE et PME, mais
ils ne concernent pas seulement l’entreprenariat vert et les banques restent frileuses à financer
l’innovation. Le fonds d’amorçage soutenu par la Banque mondiale devrait pallier à cette lacune
en encourageant le capital-risque.
Les marchés verts sont des marchés d’avenir à fort potentiel mais ils se développent
prudemment au Maroc et ceci du fait (i) de l’exclusivité des produits et services verts existants (ii)
du manque de flexibilité du consommateur marocain (iii) du manque d’information sur les produits
et services existants. Le développement du « bio » et la tendance qui en découle ouvrent la voie
vers une consommation plus consciente.

2. Les facteurs compétences (humain, social, technique) : malgré une population jeune et
dynamique, le manque de formation adaptée est un obstacle de taille au développement de
compétences. La culture de l’entreprenariat est également très peu répandue et le concept
d’économie verte méconnu : pour beaucoup « développement durable » appartient plutôt au
domaine de la société civile ou du gouvernement.
Du coté des associations, elles sont très actives et sont appuyées par les organismes publics en
tant que relais d’accompagnement pour rassembler différents acteurs (privés, publics,
associatifs, universitaires), souvent autour de projets d’économie sociale et solidaires ou
d’événements de sensibilisation.
Les structures d’appui, qui existent sous formes associatives, de fondations privées ou d’acteur
public, incubateurs, réseaux d’acteurs etc., sont les moteurs incontestables de l’écosystème et
sont particulièrement dynamique du côté de l’entreprenariat à fort impact. Ces opportunités
d’appui multiples se complètent et des synergies gagneraient à être créées.

                                                                                                    6
La promotion de l'entreprenariat vert et de l'éco-innovation sociale au Maroc - État des lieux et recommandations des parties prenantes - SwitchMed
3. Les facteurs externes (politique, juridique, environnemental) : les stratégies gouvernementales
à commencer par la charte de l’environnement et du développement durable s’alignent avec les
préoccupations internationales de lutte contre les changements climatiques. Parmi les éléments
qui nuisent à la mise en place d’une économie durable on constate (i) le manque de
transversalité et d’intersectorialité entre les différents acteurs étatiques et (ii) l’absence
d’adhésion des acteurs locaux (élus, administrations) aux principes du développement durable.
L’environnement législatif n’est pas encore à la hauteur des ambitions du royaume mais des
projets de lois en cours offrent des perspectives pour le développement d’activités vertes
innovantes. Il manque également des instruments fiscaux adéquats (incitations, éco-taxes) pour
traduire les politiques nationales en actions concrètes et développer les filières vertes.
Même si les disparités persistent entre les zones côtières et l’arrière-pays, le Maroc reste un
pays à très fort potentiel pour l’économie et l’entreprenariat vert tant au niveau de ses
infrastructures que de la richesse de ses matières premières pour l’économie verte.

Résumé des recommandations

Aux acteurs publics

   Harmoniser les politiques publiques conformément à la Stratégie Nationale de l’Environnement et du
    Développement Durable: afin que certaines mesures ne rentrent pas en concurrence
   Créer des instruments fiscaux visant à instaurer des réglementations incitatives pour la production et
    consommation durable pour développer les marchés verts et l’innovation (favoriser l’éco-conception,
    développer l’éco-etiquetage)
   Vulgariser les concepts d’économie verte et développement durable (i) de manière transversale
    auprès des différents acteurs étatiques (ii) auprès du grand public (campagnes de sensibilisations à
    grande échelle) (iii) dans l’enseignement public (développement durable dans les programmes
    scolaires, cursus verts en universités, etc.)
   Soutenir le financement de l’innovation verte et des acteurs financiers en se portant garant des
    entreprises vertes innovantes ou les subventionnant directement et développant des fonds dédiés
   Mettre en place un INDH vert permettant de multiplier les initiatives et de répandre le concept
    d’entreprenariat vert/d’éco-innovations sociales
   Mettre en place un guichet unique pour l’entreprenariat vert pour une meilleure coordination entre tous
    les acteurs de l’écosystème ainsi que plus de transparence sur les mécanismes de soutiens.
   Soutenir la création ou créer directement des incubateurs dans chaque région (par exemple,
    déclinaison régionale du Cluster solaire)
   Mettre en place un programme de sensibilisation des collectivités incluant(i) des coachings territoriaux
    intégrant l’économie verte et (ii) la généralisation des achats durables.
   Soutenir des forums régionaux d’échanges de pratiques, d’acteurs de l’économie verte

Aux acteurs financiers

   Penser et investir sur l’économie verte comme un vrai marché d’avenir et non comme une alternative
    ou niche, éviter l’écueil du greenwashing
   Mettre en place des fonds d’investissement verts et encourager le capital-risque chez les sociétés
    d’investissements (avec le soutien étatique)
   Contribuer à faire du Maroc une terre d’investissements verts.

                                                                                                          7
La promotion de l'entreprenariat vert et de l'éco-innovation sociale au Maroc - État des lieux et recommandations des parties prenantes - SwitchMed
Aux organismes de suivi

   Travailler à la collaboration entre les différents acteurs, mieux coordonner les actions, développer des
    actions dans les zones moins privilégiées (incubateurs régionaux)
   Elaborer un guide dynamique de l’écosystème, créer une base de données sur les porteurs de
    projets, identifier et contribuer à optimiser les chaines de production complémentaires
   Organiser des forums de l’entreprenariat vert avec des speed meetings entre entrepreneurs et
    financeurs/partenaires
   Multiplier les ateliers/formations sur l’entreprenariat vert
   Renforcer le développement inclusif des éco-entrepreneurs

Aux autres acteurs

   Le secteur privé doit s’engager pour l’entreprenariat vert et l’innovation à travers des collaborations,
    parrainages, et mentoring de startups. Les entreprises doivent contribuer plus et mieux aux activités
    des organismes de suivi
   Les porteurs de projet doivent mieux préparer leurs projets et se responsabiliser par rapport à la
    demande de financement
   Les acteurs doivent collaborer dans un esprit constructif et ouvert (échanges d’informations, pas de
    concurrence pour les financements etc.)
   Les entrepreneurs verts doivent développer des services/produits verts pour les collectivités locales
   Les médias doivent mieux informer le grand public, les familles, les écoles, les professionnels sur les
    thématiques environnementales, à l’importance d’une consommation et production durable à travers
    des programmes adaptés à chaque cible, et sur différents mediums (télévision, presse, radio,
    nouveaux médias etc.).
   les organisations internationales doivent continuer de financer les initiatives, étendre et pérenniser les
    programmes internationaux (PNUD, SwitchMed, etc.)

                                                                                                            8
La promotion de l'entreprenariat vert et de l'éco-innovation sociale au Maroc - État des lieux et recommandations des parties prenantes - SwitchMed
1. Introduction

De qui parle-t-on?
Les entrepreneurs verts sont les individus                                 Les initiatives locales d’éco-innovation
qui mettent sur le marché des solutions                                    sociale sont les nouvelles réponses
innovantes à un défi environnemental.                                      collectives de la société civile aux défis
                                                                           environnementaux.
L’entrepreneuriat vert consiste à développer des
solutions innovantes, économiquement viables et                            Ce sont des initiatives ou projets innovants
socialement utiles, pour répondre aux défis                                dans le domaine de la consommation et la
environnementaux.                                                          production durables.

Les entrepreneurs verts tiennent compte de l’axe                           L’initiative engrange un processus d’innovation
environnemental, économique et social dans leur                            sociale et écologique.
corps de métier, fournissent des solutions
innovantes quant aux modalités de production et
de consommation des biens et des services et                               Ils proposent une nouvelle façon pour les
proposent un modèle d’entreprise qui contribue à                           citoyens, consommateurs ou producteurs de
l’écologisation         de           l’économie.                           s’organiser collectivement pour résoudre des
                                                                           défis environnementaux et sociaux auxquels
Leurs concepts d’entreprise verte s’attaquent                              ils sont confrontés.
aux défis environnementaux et sociaux.
                                                                           Les activités s’adressent d’abord à la propre
Les entrepreneurs verts saisissent de nouvelles                            communauté des personnes à l’origine de
opportunités dans le domaine des économies                                 l’initiative, ou cherchent à inclure la
productives,   circulaires  et   collaboratives.                           communauté ciblée dans l’organisation.

Les modèles économiques innovants des                                      Emanant de la société civile, le projet est
entrepreneurs verts créent une valeur écologique                           collectif et fonctionne de façon démocratique. 2
                                               1
et                   sociale.

  1 selon le programme SwitchMed (2015), dans le cadre de son offre de
  formation et service d’incubation destinés aux entrepreneurs apportant   2 selon le programme SwitchMed (2015), dans le cadre de son offre de
  une valeur environnementale, sociale et économique                       formation et service d’incubation destinés à la société civile

                                                                                                                                             9
La promotion de l'entreprenariat vert et de l'éco-innovation sociale au Maroc - État des lieux et recommandations des parties prenantes - SwitchMed
1.1       Contexte et objectifs : Mettre en lumière les atouts et faiblesses de
          l’écosystème marocain afin de renforcer l’entrepreneuriat vert et l’éco-
          innovation sociale
Dans le cadre de son volet démonstration, le programme Switchmed sur la production et
la consommation durables en Méditerranée cible le renforcement des capacités des
parties prenantes dans 8 pays d’intervention, et en particulier les éco-entrepreneurs et les
innovations vertes de la société civile, considérés comme des acteurs importants de la
transition vers une économie plus respectueuse de la planète, de ses ressources et de
l’humain.

Au Maroc, la promotion d’une économie verte et inclusive fait partie des préoccupations
nationales de manière accrue depuis la Charte de l’Environnement et du Développement
Durable de 2010 et la nouvelle Constitution de 2011 qui entérine ses principes. Si les
opportunités économiques sont nombreuses, tant au niveau des secteurs verts
(environnement, énergies renouvelables, agriculture, etc.) que du « verdissement » des
secteurs traditionnels (transport, bâtiment et travaux publics, industries, etc.), les marchés
verts au Maroc et dans la région se développent prudemment et des actions
concrètes et concertées sont nécessaires pour les renforcer.

Dans ce contexte émergent qui évolue rapidement, ce livre blanc est une photographie du
moment qui synthétise les opinions d’une quarantaine d’acteurs interviewés. Loin d’avoir
une vocation d’exhaustivité sur l’état de l’entrepreneuriat vert et de l’éco-innovation sociale
au Maroc, il propose de mettre en lumière les atouts et les faiblesses de leurs
écosystèmes, afin de faire apparaitre les domaines et axes où les besoins d’action
sont les plus grands, et ce de la part des organismes et acteurs nationaux ou
internationaux, publics mais aussi privés.

Encore peu répandu au Maroc, les concepts posent souvent un problème de définition.
Qu’est-ce qu’un entrepreneur « vert » que certains appellent également éco-entrepreneur
ou écopreneur ? Selon la définition de Switchmed, l’entrepreneur vert est un entrepreneur
qui « intègre les aspects environnementaux, sociaux et économiques au cœur de son
projet, qui fournit des solutions novatrices dans la façon dont les biens et de services sont
produits et consommés et dont l’activité contribue à l’économie verte »3. Ce faisant, il crée
de la valeur environnementale et sociale tout en satisfaisant un besoin du marché.
Les initiatives d’éco-innovation sociale en revanche ne reposent pas forcément sur un
modèle rentable financièrement. Portées par la société civile, elles sont « pionnières dans
la construction de nouvelles stratégies d’organisation (…) permettant l’émergence de
modes de vie plus durables ainsi que de nouvelles opportunités économiques »4.

3
    Switchmed (2015), Create your green business! The handbook for green entrepreneurs in the Mediterranean, p 6.
4
    Switchmed (2016), note de concept atelier synergies.

                                                                                                                    10
Ces porteurs de projet verts sont des entrepreneurs en graine ou confirmés, des acteurs
de la société civile qui œuvrent dans les domaines du recyclage, de la protection de
l’environnement, des ressources naturelles, de la production alimentaire biologique, de
l’énergie solaire, de l’éco-tourisme, etc., utilisant des technologies de pointe ou bien des
solutions « low-cost », l’innovation résidant toujours dans le mode de concevoir et de
consommer. Au Maroc, les activités Switchmed de renforcement des capacités des
acteurs réalisés avec les partenaires locaux (FJE, REMESS, AESVT) ont bénéficié à 255
futurs entrepreneurs et entrepreneuses, et 64 organisations de la société civile. Parmi la
promotion 2015-2016, 30 candidat(e)s ont été sélectionné(e)s et bénéficieront d’un
accompagnement individualisé leur permettant de concrétiser leur projet d’entreprise verte
ou initiative communautaire.

SwitchMed soutient les entrepreneurs verts et les acteurs du changement introduisant des
innovations écologiques et sociales dans la région à travers des formations, de
l’assistance technique et du réseautage. Voici des exemples de trois initiatives au Maroc
qui ont bénéficié de SwitchMed.

                           Les Switchers – Biodôme du Maroc

                           Au Maroc, Fatima Zahra Beraich a créé Biodôme du Maroc, une
                           entreprise qui construit des installations de méthanisation agricole
                           à petite échelle. Une solution éco-innovante pour aider les
                           agriculteurs à produire du biogaz et de l’engrais dans leur ferme,
                           mais aussi pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
                           Biodôme du Maroc fait partie des « Switchers » de la région, une
communauté crée dans le cadre de SwitchMed afin d´identifier des personnes, des
entreprises ou des organisations de la société civile qui ont développé des projets innovants
sur un plan social et écologique.

Plus d´informations sur www.theswitchers.eu.

                           Entrepreneurs Verts – ENRD-Engrais Bio

                             Lauréate du programme de formation SwitchMed en
                             entreprenariat vert, Khaoula Remmal a créé ENRD-Engrais Bio,
                             une start-up verte dont les objectifs principaux sont la création
                             d’énergie propre à travers la revalorisation des déchets
                             organiques et la production de l’engrais vert. Grace aux kits de
                             méthanisation mobile pour les petits agriculteurs et aux kits de
                             composteur commun pour les groupes de collecteur en petites
localités, cette entreprise vise à réduire la pauvreté énergétique dans les villes rurales et à
améliorer la qualité de vie des agriculteurs. ENRD-Engrais Bio participe actuellement à la
phase d´incubation.

                                                                                                  11
Eco-innovation de la société civile – CIPA

                            Les   bonnes     pratiques    agroécologiques     soutiennent     la
                            souveraineté et la sécurité alimentaires d´un pays tout en
                            contribuant à la préservation de la biodiversité végétale et à la
                            lutte contre la désertification. Le Carrefour des initiatives et des
                            pratiques agroécologiques (CIPA) dont Boujemaa Gueghlan
                            assure la coordination, est une initiative communautaire de
 l´association Terre et Humanisme Maroc qui œuvre pour la diffusion des pratiques
 agroécologiques. Á travers sa ferme pilote située dans une zone aride de la province de
 Rhamna à 30 km de Marrakech, le CIPA expérimente les techniques agroécologiques
 adaptées à des milieux arides et organise des formations et rencontres visant à étendre et
 renforcer le réseau des praticiens et intéressés. Dans le cadre de SwitchMed, l’équipe du
 CIPA a bénéficié d´une formation sur le développement des modèles d´affaires verts et
 participe actuellement à la phase d´incubation.

1.2    L’approche : Des entretiens avec les acteurs clés autour de cinq
      facteurs d’influences
L’étude se base sur des entretiens avec les principales catégories d’acteurs de
l’écosystème à savoir : les institutions publiques, les institutions financières, les
organismes d’appui (non-gouvernementaux, privés, internationaux, associatifs ou
commerciaux), et enfin les porteurs de projets : entrepreneurs et acteurs associatifs. La
sélection des acteurs s’est opérée de manière à refléter le plus grand nombre de
perspectives possibles et de manière équilibrée. Parmi la quarantaine d’entretiens, environ
un bon tiers (35%) a été réalisé avec les organismes d’appui, un tiers avec les porteurs
de projets, et le tiers restant avec les institutions publiques et/ou financières. C’est
parmi les organismes d’appui qu’il y a le plus de variété en termes de typologie :
fondations privées, réseaux associatifs, clusters verts, programmes d’incubation,
communauté de jeunes entrepreneurs, cabinets de conseil spécialisés, organisations
internationales et coopérations bilatérales – tous ces acteurs ont des formes
organisationnelles et des moyens d’actions très différents mais ils apportent, à leur échelle
respective, un soutien technique, matériel - et parfois financier - vital à l’émergence
d’initiatives vertes. Le diagramme ci-dessous illustre la diversité des acteurs interviewés -
bien que l’entrecroisement des fonctions publiques, d’appui, et financières soit en réalité
bien plus complexe que sur le schéma :

                                                                                                   12
Figure 1 Typologie des acteurs de l’écosystème ayant participé au livre blanc

Les premiers résultats des entretiens ont été présentés lors de l’atelier Synergies qui a
réuni à Rabat le 25 mai 2016 une centaine d’acteurs de différents domaines et
spécialités et dont les réflexions ont été également intégrées à cette synthèse (voir liste
des participants et programme en annexe p. 29).

Les formes des produits et services verts et d’éco-innovations sociales sont multiples et
variées, et il est difficile de résumer en une dizaine de page les défis et opportunités qui
s’y rapportent. Plutôt qu’une approche par acteur ou secteur, et afin d’en systématiser
toute la complexité, le livre blanc aborde l’écosystème marocain de manière transversale à
travers cinq facteurs qui impactent sur les initiatives vertes, positivement comme
négativement. Ces 5 facteurs correspondent à 5 catégories de ressources dans lesquelles
le porteur de projet peut puiser et qu’il peut optimiser à plusieurs niveaux : individuel (ses
propres ressources), local (sa famille, sa communauté, sa ville), national (sa région,
son pays) et global.

Les facteurs naturels/physiques : font référence à l’environnement du porteur de projet,
aux conditions externes sur lesquelles le porteur de projet n’a aucune influence mais dont
il peut apprendre à profiter ou qu’il peut mettre en valeur. Cela peut être l’infrastructure
(transport/logistique) disponible ou problématique, les conditions climatiques favorables ou
non (fort ensoleillement, inondations), aux ressources naturelles (matières organiques
disponible, région montagneuse, sources d’eau, etc.)
Les facteurs matériels ou techniques : concernent les ressources non naturelles que le
porteur de projet a à sa disposition pour concrétiser son projet : de l’idée à la production
ou prestation de service en passant par les processus de développement, et de

                                                                                           13
test/prototypage. Ce sont à la fois les savoir-faire, technologies et équipements existants,
et ceux que le porteur de projet va développer.

Figure 2 L’écosystème marocain et les facteurs qui impactent sur les initiatives vertes

Les facteurs politiques & juridiques : ce sont les cadres législatifs, politiques et
tendances qui réglementent et favorisent ou non la prise d’initiatives et les projets (textes
juridiques en vigueur, procédures administratives, stratégies nationales, conventions
internationales, etc.)
Les facteurs économiques/financiers : se réfèrent à tous les aspects économiques d’un
projet, depuis sa création ou son lancement (viabilité du business plan, accès aux
financements) à sa mise en place (commercialisation, accès aux marchés).
Les facteurs humains et sociaux : dans cette catégorie nous regroupons les
compétences individuelles (du porteur de projet, de la main d’œuvre/collaborateurs
potentiels) qui peuvent être renforcées à travers des formations (lifeskills par exemple) et
les aspects liés aux cultures et mentalités de l’entourage, de la société qui peuvent être
influencés par des actions de sensibilisation.

2             Les défis et opportunités

2.1    Facteurs économiques et financiers

    2.1.1 Un accès difficile aux financements, particulièrement au démarrage
Le principal défi pour tout porteur est bien de trouver le moyen de financer son projet, et
cela ne diffère pas grandement pour les éco-entrepreneurs. Des opportunités existent
certes, mais elles s’adressent souvent à des porteurs plus avancés dans leur projet avec
un business plan bien ficelé. Ce sont généralement les fonds propres (épargne

                                                                                          14
personnelle, contribution familiale « love money », etc.) qui financent les phases d’études
de faisabilité et de développement. Les Business Angels sont encore très rares et les
investissements privés dans les startups restent exceptionnels. Les compétitions de
startups se sont multipliées ces dernières années mais aucune n’est réservée aux
acteurs de l’économie verte et les éco-entrepreneurs doivent rivaliser avec les promoteurs
d’autres secteurs de l’innovation, technologique ou sociale. Les prix et concours restent
donc un moyen de financement anecdotique. Enfin le crowdfunding, une solution bien
prisée des startups à l’international qui font appel à des financements participatifs (sous
forme de dons, prêts, préventes ou prises de participation) se trouve paralysé entravé par
la législation marocaine. Les quelques projets (associatifs ou d’entreprise) financés de la
sorte au Maroc ont principalement bénéficié de participants étrangers. Le projet de loi
actuellement en préparation sur le crowdfunding devrait permettre de débloquer
prochainement la situation.

Les exemples d’entreprises vertes soutenues dans le cadre de la coopération
internationale sont plutôt encourageants – à l’exemple du programme régional YES
Green du PNUD qui avait entre autre accompagné la création de plusieurs startups vertes
dans le Nord du Maroc. Malheureusement une fois le programme terminé les jeunes
entreprises ont rarement réussi à trouver auprès des banques le financement nécessaire à
leur continuation. Les programmes de coopération internationale (PNUD, GIZ, Switchmed,
etc.) sont généralement d’excellents catalyseurs d’initiatives vertes, mais leur durée est
limitée dans le temps et les conditions d’obtention de subvention ainsi que les modestes
montants suscitent parfois quelques frustrations.
S’il peut être pertinent dans des contextes ruraux marqués par la pauvreté ou pour le
financement des coopératives, le micro-crédit ne semble pas être une option de choix
pour les éco-entrepreneurs du fait des fort taux d’intérêts (environ 20%) et des montants
limités.

Des outils de financement existent pour les TPE, soutenus activement par l’État, que
ce soit dans le cadre du programme Moukawalati ou bien d’autres produits de la Caisse
Centrale de Garantie (CCG) qui assure les garanties manquantes aux crédits bancaires
contractés par les promoteurs. Mais les banques sont notoirement frileuses à l’innovation
et s’engagent plus volontiers sur des filières qu’elles connaissent bien. La méfiance est
généralement mutuelle, les banques reprochant aux porteurs de projet leur manque
d’engagement et de fiabilité, qui à leur tour reprochent aux institutions bancaires leur
aversion au risque. Si les banques se sont peu à peu ouvertes au financement de
l’entreprenariat ces 10 dernières années, elles restent très hermétiques aux thématiques
du développement durable et à l’économie verte, totalement méconnue du secteur
bancaire. Du côté des porteurs de projet, une meilleure information sur les mécanismes de
financement existants ainsi qu’une meilleure préparation de leur projet seraient profitables.

Autre opportunité de taille pour les éco-entrepreneurs, la communauté très active des
structures d’appui (incubateurs, réseaux, associations, etc.) qui s’est développée et
renforcée ces dernières années (voir §2.2.3). Dans ce paysage, deux acteurs sont
souvent cités pour contribuer largement à dynamiser l’écosystème de l’innovation au

                                                                                          15
Maroc. Il s’agit de la fondation de l’Office Chérifien des Phosphates (OCP) à travers son
programme OCP Entrepreneurship Network qui subventionne de nombreuses initiatives
d’appui à la création et au développement d’entreprises ou de coopératives (réseau
étudiant ENACTUS, plateforme New Work Lab etc), et de la Fondation Drosos, fondation
suisse à but non lucratif présente dans plusieurs pays de la région MENA et qui œuvre
entre autre dans les domaines de l’employabilité des populations vulnérables et du
développement d’une économie durable et inclusive. La fondation Drosos au Maroc
soutient ainsi des projets associatifs (coopérative textile, valorisation des déchets, etc.)
ainsi que les incubateurs Espace Bidaya à Casablanca et Dare Space à Rabat, qui
chaque année accompagnent chacun entre 10 et 15 jeunes startups à fort impact social,
dont une grande partie d’éco-entrepreneurs en graine.

Enfin le très attendu fonds d’amorçage annoncé en 2015 par la Banque Mondiale et dont
la gestion est assurée par la CCG a été officiellement lancé le 1er juillet 2016 et doit être
mis à exécution dans les mois qui suivent. Une première dotation de 500 millions de
Dirhams pour ce fonds baptisé Innov’Invest servira principalement à financer l’innovation à
travers des opérateurs privés (fonds de gestion, organismes d’appui, etc.) qui offriront
toute une gamme de produits (subventions, prêts d’honneur, equity, avances, etc.)
destinés à la création et au développement des startups marocaines. Si ce fonds vient
combler une lacune au niveau du financement d’amorçage et de capital risque, l’économie
verte et les éco-innovations ne semblent pas avoir bénéficié d’une attention particulière
dans la conception du fonds.

   2.1.2    Des marchés verts émergents aux potentiels méconnus et
           inexploités
Eau, énergies, agro-alimentaire, transport/infrastructure, gestions des ressources, des
déchets, services écosystémiques, écoconstruction, tourisme durable… les opportunités
de green business sont infinies, surtout au Maroc où les « matières premières » de
l’économie verte abondent. Or après le financement, trouver un débouché est une
préoccupation majeure de l’éco-entrepreneur. D’une part, les produits et services verts
sont innovants donc inconnus, ils impliquent parfois de nouvelles habitudes que les
consommateurs marocains, réputés conservateurs dans leurs choix, ne sont pas prêts à
adopter, d’après l’avis des acteurs interrogés. D’autre part les produits et services verts
sont généralement plus chers que leurs concurrents conventionnels, car leurs prix reflètent
la prise en compte des facteurs environnementaux et sociaux, la production à plus petite
échelle, les éventuels coûts de certification, et les technologies utilisées dans certains cas
sont plus onéreuses et moins accessibles (doivent être importées). Les structures d’appui
estiment que la clientèle potentielle représenterait seulement 1% du marché marocain.
Par exemple, si les produits « bio » sont actuellement à la mode, il faut avoir un pouvoir
d’achat suffisant. Le kilogramme de tomates biologiques se vend à plus du triple du prix
d’un kilogramme de tomates conventionnelles. Dans un pays où le salaire moyen avoisine
les 5000 Dirhams (environ 455 EUR), la plupart des marocains n’ont pas les moyens
d’acheter « bio ».

                                                                                           16
L’e-commerce est un excellent moyen de distribuer les produits et services verts à une
clientèle moderne et avertie. Au niveau de leurs expériences, les avis sont partagés chez
les éco-entrepreneurs. Si certains ont trouvé auprès de la Caisse Monétaire Interbancaire
(CMI) un soutien au démarrage de leur startups, d’autres ont été découragés par les
charges assez lourdes (garanties) et de taux de prélèvement sur les transactions trop
élevé (entre 1 et 3%). À cela s’ajoute l’extrême méfiance des consommateurs marocains
vis-à-vis du paiement en ligne – la plupart des e-consommateurs préférant payer en
espèce à la livraison. L’ouverture du secteur de l’économie digitale prévue par la nouvelle
loi bancaire (2016) devrait permettre de faire baisser les tarifs.

Une précondition pour développer les marchés verts serait que le consommateur
marocain soit mieux informé sur les produits existants de l’économie verte et l’impact
environnemental et sociétal de sa propre consommation. Ensuite, il serait pertinent de
démarquer les produits et services verts par un packaging repérable ou un label (en plus
des certifications internationales comme Ecocert, USDA, AB, etc.). Il existe par exemple
certains labels nationaux comme celui de la clé verte pour les hôteliers délivrés par la
Fondation Mohammed VI pour la protection de l’environnement, mais ces initiatives sont
très peu connues du grand public. Enfin la subvention des produits verts par la taxation
des produits polluants (ou l’arrêt des subventions pour les produits non-verts) par exemple
pourrait rééquilibrer les prix, récompensant l’éco-conception et incitant la production et
consommation durables.

En attendant, l’éco-entrepreneur doit impérativement penser à l’échelle du marché
régional (Maroc, Tunisie, Algérie, etc.) pour sa distribution, voir à l’international. Avec
des projets énergétiques de renommée (centrale solaire, etc.), et des stratégies de
durabilité saluées par les organisations internationales, le Maroc se place comme l’un des
pionniers de l’économie verte sur le continent. Il représente un partenaire économique de
choix, attractif pour ses voisins africains et les pays arabes. Autant d’atouts linguistiques,
culturels et commerciaux à exploiter pour les éco-entrepreneurs marocains.

2.2   Facteurs compétences : humain, social, technique

   2.2.1   Un capital humain à renforcer, beaucoup d’idées et peu de moyens
           pour les réaliser
Les profils d’entrepreneurs verts sont divers et variés, à l’image des idées qu’ils
développent. Parmi les candidats aux formations Switchmed par exemple, on distingue
trois catégories : les étudiants et jeunes diplômés avec de bonnes connaissances
théoriques mais peu d’expérience pratique et de terrain ; les professionnels en milieu de
carrière, qui sont experts dans leur domaine et souhaitent se lancer dans l’entreprenariat ;
enfin les professionnels et demandeurs d’emploi qui ont peu ou pas d’expérience dans un
domaine de l’économie verte mais des bonnes idées qu’ils souhaitent développer.

L’idée naît souvent d’un constat de manque, ou de dysfonctionnement, comme pour le
fondateur de BioChar Maroc, qui a grandi dans un milieu rural où les agriculteurs brulaient

                                                                                           17
en fin de récolte les déchets organiques qui leur prenaient trop de place, et a par la suite
créé une entreprise de production de charbon vert à partir de déchets agricoles suivant un
procédé écologique. L’idée peut naître aussi d’une expérience vécue à l’étranger comme
dans le cas de Carmine, une startup de partage de voiture (car-sharing) en cours
d’approvisionnement en véhicules électriques. Plus rarement, elle naît d’une mobilisation
des consommateurs comme dans le cas des Marchés Paysans du Réseau d’Initiatives
Agroécologiques au Maroc (RIAM) mis en place pour répondre à la forte demande en
produits bio et locaux des consommateurs urbains.

Une fois les premières étapes de l’idée de business concrétisées, l’éco-entrepreneur est
confronté à un nouveau défi : les ressources humaines. En effet recruter du personnel
qualifié et compétent s’avère particulièrement difficile. Les lacunes du système éducatif et
la formation professionnelle peu adaptée aux réalités du marché de l’emploi ne permettent
pas de former la main d’œuvre requise. C’est particulièrement le cas pour le green
business qui de par son caractère novateur, requiert une plus grande adaptabilité et
capacité d’apprentissage. Du personnel d’accueil au directeur commercial en passant par
le technicien de maintenance, c’est d’après la majorité des acteurs rencontrés, à tous
niveaux et dans tous les domaines que manquent les formations de qualité.

  2.2.2   Une culture de l’entreprenariat peu répandue dans une société en
          mutation
Comparé à ses voisins de la rive Nord-méditerranéenne, le Maroc a la chance d’avoir une
démographie assez jeune – la moitié des marocains a moins de 28 ans. Avec les soucis
d’un pays sur la voie de l’émergence et dans le contexte d’une conjoncture économique
mondiale aléatoire, la promotion de l’entreprenariat vert apparait comme une solution
idéale pour répondre aux défis socio-environnementaux et au problème du chômage des
jeunes diplômés, tout en mettant à profit la créativité et le dynamisme de la jeunesse
marocaine. Mais « entreprendre » requiert des qualités et un état d’esprit particuliers
encore peu encouragés et valorisés par la société marocaine et son système éducatif :
l’initiative, la créativité, l’audace, l’adaptation, l’approche axée vers les solutions, la
persévérance, l’autonomie… sont autant de qualités qui font de l’entrepreneur un acteur
incontournable de l’innovation et du changement. Des organisations comme Enactus ou
Injaz Al Maghrib contribuent énormément à vulgariser la culture entrepreneuriale, en
organisant des concours et formations destinés aux étudiants et lycéens. Le statut de
(jeune) entrepreneur est lui-même généralement peu valorisé. Beaucoup de familles
préfèreraient que leurs fils ou leurs filles aient un poste dans la fonction publique ou une
entreprise privée plutôt qu’ils ou elles lancent leur propre projet.

À cela s’ajoute que l’entreprenariat vert est communément considéré comme une niche,
risqué et peu porteur. Les thématiques relatives au développement durable, si elles
commencent à être connues par la population marocaine – essentiellement grâce à la
médiatisation de la COP22, sont rarement associées avec l’économie, la création de
valeur ou le profit. Les concepts de durabilité et d’économie verte sont extrêmement
méconnus. Il est vrai que les associations sont nombreuses et actives dans les domaines
de la sensibilisation à l’environnement et de la mobilisation locale, à l’exemple de

                                                                                         18
l’Association des Enseignants des Sciences de la Vie et de la Terre (AESVT) qui œuvre
depuis une trentaine d’années à l’éducation à l’environnement et est à l’initiative de
l’Alliance Marocaine pour le Climat et le Développement Durable (AMCDD) qui regroupe
plus de 500 associations et réseaux. Un des projets les plus récents « Coproduction de la
propreté » vise à instiguer une dynamique de quartier autour d’actions d’embellissement,
de tri des déchets ménagers, et de bon voisinage et ce dans 22 villes marocaines.

Les associations embrayent traditionnellement là où s’arrête le secteur privé, lucratif, et
où le gouvernement n’agit pas. De plus en plus d’associations au Maroc cherchent à créer
des ponts entre les différents acteurs. Ainsi l’Association Marocaine pour un
Environnement Durable (AMED) portée par les enseignants et les étudiants de l’École
Nationale des Sciences Appliquées de Tanger créent des synergies entre les entreprises,
les scientifiques et la société civile en organisant des événements sur la RSE, l’économie
verte, le développement durable, etc. D’autres associations finissent par créer elles-
mêmes une activité de création de valeur. C’est le cas de l’ONG Al Jisr dont les actions
sont centrées autour de l’implication des entreprises dans l’éducation et qui a monté grâce
à un partenariat avec Managem, groupe marocain d’exploitation minière et métallurgique,
le projet Greenchip de revalorisation et recyclage du matériel informatique par
apprentissage dans des Centres de Solidarités Numériques pour les jeunes chômeurs.
Autre exemple, le projet Ressourc’in, fruit de la collaboration entre l’association Al Ikram et
le cabinet de conseil Valyans. Ressourc’in prévoit la collecte et la transformation des
déchets de bureau sur le modèle d’une entreprise sociale d’insertion pour les jeunes et les
femmes sans qualifications.

L’économie sociale et solidaire (ESS) jouit d’une notoriété plus grande, de par certains
programmes nationaux comme l’INDH lancée en 2005, par le dynamisme des acteurs de
terrains soutenus par les organisations internationales, les programmes de micro-crédits,
etc. Mais la perception de l’ESS au Maroc est cantonnée à une stratégie de lutte contre la
pauvreté, destinée aux populations les plus vulnérables, pour des projets à petite échelle.
De plus le lien avec l’économie verte n’est pas toujours fait, même s’il est essentiel. Le
système des coopératives, véritable atout du modèle marocain par rapport à ses voisins
du Maghreb, a permis le regroupement de près d’un demi-million de professionnels,
producteurs et artisans, grâce à plusieurs avantages (exonérations, flexibilité de la forme,
relative horizontalité) même si les dérives et difficultés sont fréquentes (litiges, etc.).
Depuis quelques années, l’Office de Développement des Coopératives (ODCO) du Grand-
Casablanca a vu l’émergence de plusieurs coopératives vertes : habitat écologique,
récupération et revalorisation, cosmétiques naturels, pépinière bio, etc. Souvent sous-
estimée, la forme coopérative s’avère particulièrement intéressante pour l’économie verte
et les jeunes porteurs de projets verts car elle permet des business models alternatifs et
innovants dans une grande variété de secteurs, et qui responsabilisent à la fois les
producteurs et les consommateurs.

   2.2.3 Des opportunités d’appui et d’accompagnement efficaces
Acteurs incontournables de l’écosystème, les organismes d’appui aux porteurs de
projets sont bien présents au Maroc : ils existent sous plusieurs formes (clusters

                                                                                            19
Vous pouvez aussi lire