La promotion de l'entreprenariat vert et de l'éco-innovation sociale au Maroc - État des lieux et recommandations des parties prenantes - SwitchMed
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La promotion de l’entreprenariat vert et de l’éco-innovation sociale au Maroc État des lieux et recommandations des parties prenantes Livre Blanc © Éléphant Vert Maroc/switcher
Remerciements Ce rapport a été préparé par le Centre d’activités régionales pour la consommation et la production durables (SCP/RAC, pour son sigle en anglais) dans le cadre du programme SwitchMed, financé par l’Union européenne (UE). SwitchMed bénéficie d’une coordination collaborative de l’UE, de l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI), du Plan d’action pour la Méditerranée du Programme des Nations Unies pour l’environnement (ONU environnement/PAM), du Centre d’activités régionales pour la consommation et la production durables (SCP/RAC) et de la Division de l’économie de l’ONU environnement. Supervision et Coordination: Giorgio Mosangini, Anna Ibañez et Matthew Lagod, SCP/RAC Auteur: Chloé Naneix, Experte associée, SCP/RAC Un remerciement particulier à tous les participants de l’atelier Synergies au Maroc ainsi qu’à toutes les personnes interviewées. Avertissement: La présente publication a été préparée avec l’aide de l’Union européenne. Le contenu de la publication relève de la seule responsabilité du SCP/RAC et ne peut aucunement être considéré comme reflétant le point de vue de l’Union européenne ou Ministère délégué chargé de l’Environnement au Maroc. Pour plus d’informations, prenez contact avec: Regional Activity Centre for Sustainable Consumption and Production (SCP/RAC) Mediterranean Action Plan - United Nations Environment Programme Sant Pau Art Nouveau Site – Nostra Senyora de la Mercè Pavillion Carrer Sant Antoni Maria Claret, 167. 08025 Barcelona (Catalunya) Spain www.switchmed.eu gmosangini@scprac.org 2017 ba j Le programme SwitchMed est mis en œuvre par l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI), par le Plan d’action pour la Méditerranée du Programme des Nations Unies pour l’environnement (ONU environnement/PAM), par le Centre d’activités régionales pour la consommation et la production durables (SCP/RAC, pour son sigle en anglais) et par la Division de l’économie de l’ONU environnement. Le programme SwitchMed est financé par l’Union européenne
Sommaire ENCADRE: LES 10 ENSEIGNEMENTS DU LIVRE BLANC ............................................................................ 5 RESUME EXECUTIF.......................................................................................................................................... 6 1. INTRODUCTION ............................................................................................................................................ 9 1.1 CONTEXTE ET OBJECTIFS : METTRE EN LUMIERE LES ATOUTS ET FAIBLESSES DE L’ECOSYSTEME MAROCAIN AFIN DE RENFORCER L’ENTREPRENEURIAT VERT ET L’ECO-INNOVATION SOCIALE 10 1.2 L’APPROCHE : DES ENTRETIENS AVEC LES ACTEURS CLES AUTOUR DE CINQ FACTEURS D’INFLUENCES 12 2 LES DEFIS ET OPPORTUNITES ...............................................................................................................14 2.1 FACTEURS ECONOMIQUES ET FINANCIERS 14 2.1.1 Un accès difficile aux financements, particulièrement au démarrage 14 2.1.2 Des marchés verts émergents aux potentiels méconnus et inexploités 16 2.2 FACTEURS COMPETENCES : HUMAIN, SOCIAL, TECHNIQUE 17 2.2.1 Un capital humain à renforcer, beaucoup d’idées et peu de moyens pour les réaliser 17 2.2.2 Une culture de l’entreprenariat peu répandue dans une société en mutation 18 2.2.3 Des opportunités d’appui et d’accompagnement efficaces 19 2.3 FACTEURS EXTERNES : POLITIQUE, JURIDIQUE, ENVIRONNEMENTAL 23 2.3.1 Des stratégies nationales encourageantes mais pas assez convergentes 23 2.3.2 Nature et infrastructure : le pays des potentiels 25 2.4 EN GUISE DE CONCLUSION: UN RESUME GRAPHIQUE DES FORCES ET DES FAIBLESSES DE L’ECOSYSTEME26 3 RECOMMANDATIONS ...............................................................................................................................27 3.1 AUX ACTEURS PUBLICS 27 3.1.1 Au niveau national – harmoniser et encourager 27 3.1.2 Au niveau local et régional – diffuser et communiquer 28 3.2 AUX ACTEURS FINANCIERS 28 3.3 AUX AUTRES ACTEURS 28 3.3.1 Aux grandes entreprises 28 3.3.2 Aux entrepreneurs verts et acteurs de la société civile 29 3.3.3 Aux organismes de suivi 29 3.3.4 Aux medias 30 3.3.5 Aux organisations internationales 30
4 ANNEXES ............................................................................................................................................31 LISTE DES ORGANISMES INTERVIEWES PAR ORDRE ALPHABETIQUE 31 LISTE DES ORGANISMES PRESENTS A L’ATELIER SYNERGIE DU 26 MAI 2016 A RABAT, PAR ORDRE ALPHABETIQUE 32 PROGRAMME DE L’ATELIER SYNERGIES DU 25 MAI 2016 33 GUIDES D’ENTRETIEN – SELECTION DE QUESTIONS 35
Encadré: les 10 enseignements du livre blanc Ce qu’il faut retenir Des entreprises vertes et éco-innovations sociales sont bien plus présentes au Maroc qu’on ne le pense : elles sont l’avant-garde d’un secteur émergent tourné vers l’avenir ; De nombreuses opportunités de financement ou de soutien (privées, publiques) existent mais elles ne sont pas connues ; L’écosystème des organismes de suivi est très divers et se complète : Il gagnerait à créer des synergies au lieu de se faire de la concurrence ; Les programmes d’incubateurs/accélérateurs existants sont très performants mais trop centralisés et « pilote » : il faut en créer beaucoup plus et dans toutes les régions ; La culture de l’entreprenariat en général et de l’entreprenariat vert en particulier doit être promue – la formation doit être améliorée et rendue accessible ; Une bonne partie des consommateurs marocains sont conscients des impacts de la consommation sur l'environnement. Par contre, peu de gens savent que des produits et services verts sont disponibles, et ceux qui en sont informés, trouvent qu’ils ne sont pas accessibles, vu leur prix ; La vulgarisation des concepts d’économie verte et développement durable d’entrepreneuriat vert, éco-innovation sociale est impérative (rôle des médias, de l’école, du gouvernement) ; Le secteur privé doit s’impliquer dans les partenariats avec des startups et les banques doivent s’ouvrir à l’innovation ; L’état à un rôle majeur à jouer dans la promotion de l’innovation verte (garanties, fonds d’investissements dédiés) ainsi que dans l’harmonisation des politiques (Feuille de route / actions concertées de l’état) ; Les collectivités territoriales doivent être davantage sensibilisées et responsabilisées afin qu’elles puissent décliner la stratégie nationale de développement durable au niveau local et être elles-mêmes clientes de produits et services verts. 5
Résumé Exécutif Dans le cadre de son volet démonstration, le programme Switchmed sur la production et la consommation durables en Méditerranée cible le renforcement des capacités des parties prenantes dans 8 pays d’intervention, et en particulier les éco-entrepreneurs et les innovations vertes de la société civile, considérés comme des acteurs importants de la transition vers une économie plus durable. À ce jour, SwitchMed a formé plus de 280 entrepreneurs verts et 13 organisations de la société civile au Maroc. Le livre blanc est une photographie du moment qui propose de mettre en lumière les atouts et les faiblesses de l’écosystème marocain, afin de faire apparaitre les domaines et axes où les besoins d’action sont les plus grands. Il synthétise les opinions d’une quarantaine d’acteurs interviewés individuellement (institutions publiques, financières, structures d’appui, porteurs de projet) ainsi que les résultats de l’atelier Synergies tenu en mai 2016 à Rabat qui, a réuni une centaine d’acteurs de près de 60 organismes différents. Ces résultats ont été ici classés en plusieurs facteurs impactant sur le porteur de projet ou d’initiative : 1. Les facteurs économiques et financiers : la recherche de financement reste le défi le plus important. Les opportunités existantes dont peuvent profiter les startups vertes sont les compétitions, le crowdfunding, les subventions de la coopération internationale etc. Des instruments de financements et garantie soutenus par l’état existent pour les TPE et PME, mais ils ne concernent pas seulement l’entreprenariat vert et les banques restent frileuses à financer l’innovation. Le fonds d’amorçage soutenu par la Banque mondiale devrait pallier à cette lacune en encourageant le capital-risque. Les marchés verts sont des marchés d’avenir à fort potentiel mais ils se développent prudemment au Maroc et ceci du fait (i) de l’exclusivité des produits et services verts existants (ii) du manque de flexibilité du consommateur marocain (iii) du manque d’information sur les produits et services existants. Le développement du « bio » et la tendance qui en découle ouvrent la voie vers une consommation plus consciente. 2. Les facteurs compétences (humain, social, technique) : malgré une population jeune et dynamique, le manque de formation adaptée est un obstacle de taille au développement de compétences. La culture de l’entreprenariat est également très peu répandue et le concept d’économie verte méconnu : pour beaucoup « développement durable » appartient plutôt au domaine de la société civile ou du gouvernement. Du coté des associations, elles sont très actives et sont appuyées par les organismes publics en tant que relais d’accompagnement pour rassembler différents acteurs (privés, publics, associatifs, universitaires), souvent autour de projets d’économie sociale et solidaires ou d’événements de sensibilisation. Les structures d’appui, qui existent sous formes associatives, de fondations privées ou d’acteur public, incubateurs, réseaux d’acteurs etc., sont les moteurs incontestables de l’écosystème et sont particulièrement dynamique du côté de l’entreprenariat à fort impact. Ces opportunités d’appui multiples se complètent et des synergies gagneraient à être créées. 6
3. Les facteurs externes (politique, juridique, environnemental) : les stratégies gouvernementales à commencer par la charte de l’environnement et du développement durable s’alignent avec les préoccupations internationales de lutte contre les changements climatiques. Parmi les éléments qui nuisent à la mise en place d’une économie durable on constate (i) le manque de transversalité et d’intersectorialité entre les différents acteurs étatiques et (ii) l’absence d’adhésion des acteurs locaux (élus, administrations) aux principes du développement durable. L’environnement législatif n’est pas encore à la hauteur des ambitions du royaume mais des projets de lois en cours offrent des perspectives pour le développement d’activités vertes innovantes. Il manque également des instruments fiscaux adéquats (incitations, éco-taxes) pour traduire les politiques nationales en actions concrètes et développer les filières vertes. Même si les disparités persistent entre les zones côtières et l’arrière-pays, le Maroc reste un pays à très fort potentiel pour l’économie et l’entreprenariat vert tant au niveau de ses infrastructures que de la richesse de ses matières premières pour l’économie verte. Résumé des recommandations Aux acteurs publics Harmoniser les politiques publiques conformément à la Stratégie Nationale de l’Environnement et du Développement Durable: afin que certaines mesures ne rentrent pas en concurrence Créer des instruments fiscaux visant à instaurer des réglementations incitatives pour la production et consommation durable pour développer les marchés verts et l’innovation (favoriser l’éco-conception, développer l’éco-etiquetage) Vulgariser les concepts d’économie verte et développement durable (i) de manière transversale auprès des différents acteurs étatiques (ii) auprès du grand public (campagnes de sensibilisations à grande échelle) (iii) dans l’enseignement public (développement durable dans les programmes scolaires, cursus verts en universités, etc.) Soutenir le financement de l’innovation verte et des acteurs financiers en se portant garant des entreprises vertes innovantes ou les subventionnant directement et développant des fonds dédiés Mettre en place un INDH vert permettant de multiplier les initiatives et de répandre le concept d’entreprenariat vert/d’éco-innovations sociales Mettre en place un guichet unique pour l’entreprenariat vert pour une meilleure coordination entre tous les acteurs de l’écosystème ainsi que plus de transparence sur les mécanismes de soutiens. Soutenir la création ou créer directement des incubateurs dans chaque région (par exemple, déclinaison régionale du Cluster solaire) Mettre en place un programme de sensibilisation des collectivités incluant(i) des coachings territoriaux intégrant l’économie verte et (ii) la généralisation des achats durables. Soutenir des forums régionaux d’échanges de pratiques, d’acteurs de l’économie verte Aux acteurs financiers Penser et investir sur l’économie verte comme un vrai marché d’avenir et non comme une alternative ou niche, éviter l’écueil du greenwashing Mettre en place des fonds d’investissement verts et encourager le capital-risque chez les sociétés d’investissements (avec le soutien étatique) Contribuer à faire du Maroc une terre d’investissements verts. 7
Aux organismes de suivi Travailler à la collaboration entre les différents acteurs, mieux coordonner les actions, développer des actions dans les zones moins privilégiées (incubateurs régionaux) Elaborer un guide dynamique de l’écosystème, créer une base de données sur les porteurs de projets, identifier et contribuer à optimiser les chaines de production complémentaires Organiser des forums de l’entreprenariat vert avec des speed meetings entre entrepreneurs et financeurs/partenaires Multiplier les ateliers/formations sur l’entreprenariat vert Renforcer le développement inclusif des éco-entrepreneurs Aux autres acteurs Le secteur privé doit s’engager pour l’entreprenariat vert et l’innovation à travers des collaborations, parrainages, et mentoring de startups. Les entreprises doivent contribuer plus et mieux aux activités des organismes de suivi Les porteurs de projet doivent mieux préparer leurs projets et se responsabiliser par rapport à la demande de financement Les acteurs doivent collaborer dans un esprit constructif et ouvert (échanges d’informations, pas de concurrence pour les financements etc.) Les entrepreneurs verts doivent développer des services/produits verts pour les collectivités locales Les médias doivent mieux informer le grand public, les familles, les écoles, les professionnels sur les thématiques environnementales, à l’importance d’une consommation et production durable à travers des programmes adaptés à chaque cible, et sur différents mediums (télévision, presse, radio, nouveaux médias etc.). les organisations internationales doivent continuer de financer les initiatives, étendre et pérenniser les programmes internationaux (PNUD, SwitchMed, etc.) 8
1. Introduction De qui parle-t-on? Les entrepreneurs verts sont les individus Les initiatives locales d’éco-innovation qui mettent sur le marché des solutions sociale sont les nouvelles réponses innovantes à un défi environnemental. collectives de la société civile aux défis environnementaux. L’entrepreneuriat vert consiste à développer des solutions innovantes, économiquement viables et Ce sont des initiatives ou projets innovants socialement utiles, pour répondre aux défis dans le domaine de la consommation et la environnementaux. production durables. Les entrepreneurs verts tiennent compte de l’axe L’initiative engrange un processus d’innovation environnemental, économique et social dans leur sociale et écologique. corps de métier, fournissent des solutions innovantes quant aux modalités de production et de consommation des biens et des services et Ils proposent une nouvelle façon pour les proposent un modèle d’entreprise qui contribue à citoyens, consommateurs ou producteurs de l’écologisation de l’économie. s’organiser collectivement pour résoudre des défis environnementaux et sociaux auxquels Leurs concepts d’entreprise verte s’attaquent ils sont confrontés. aux défis environnementaux et sociaux. Les activités s’adressent d’abord à la propre Les entrepreneurs verts saisissent de nouvelles communauté des personnes à l’origine de opportunités dans le domaine des économies l’initiative, ou cherchent à inclure la productives, circulaires et collaboratives. communauté ciblée dans l’organisation. Les modèles économiques innovants des Emanant de la société civile, le projet est entrepreneurs verts créent une valeur écologique collectif et fonctionne de façon démocratique. 2 1 et sociale. 1 selon le programme SwitchMed (2015), dans le cadre de son offre de formation et service d’incubation destinés aux entrepreneurs apportant 2 selon le programme SwitchMed (2015), dans le cadre de son offre de une valeur environnementale, sociale et économique formation et service d’incubation destinés à la société civile 9
1.1 Contexte et objectifs : Mettre en lumière les atouts et faiblesses de l’écosystème marocain afin de renforcer l’entrepreneuriat vert et l’éco- innovation sociale Dans le cadre de son volet démonstration, le programme Switchmed sur la production et la consommation durables en Méditerranée cible le renforcement des capacités des parties prenantes dans 8 pays d’intervention, et en particulier les éco-entrepreneurs et les innovations vertes de la société civile, considérés comme des acteurs importants de la transition vers une économie plus respectueuse de la planète, de ses ressources et de l’humain. Au Maroc, la promotion d’une économie verte et inclusive fait partie des préoccupations nationales de manière accrue depuis la Charte de l’Environnement et du Développement Durable de 2010 et la nouvelle Constitution de 2011 qui entérine ses principes. Si les opportunités économiques sont nombreuses, tant au niveau des secteurs verts (environnement, énergies renouvelables, agriculture, etc.) que du « verdissement » des secteurs traditionnels (transport, bâtiment et travaux publics, industries, etc.), les marchés verts au Maroc et dans la région se développent prudemment et des actions concrètes et concertées sont nécessaires pour les renforcer. Dans ce contexte émergent qui évolue rapidement, ce livre blanc est une photographie du moment qui synthétise les opinions d’une quarantaine d’acteurs interviewés. Loin d’avoir une vocation d’exhaustivité sur l’état de l’entrepreneuriat vert et de l’éco-innovation sociale au Maroc, il propose de mettre en lumière les atouts et les faiblesses de leurs écosystèmes, afin de faire apparaitre les domaines et axes où les besoins d’action sont les plus grands, et ce de la part des organismes et acteurs nationaux ou internationaux, publics mais aussi privés. Encore peu répandu au Maroc, les concepts posent souvent un problème de définition. Qu’est-ce qu’un entrepreneur « vert » que certains appellent également éco-entrepreneur ou écopreneur ? Selon la définition de Switchmed, l’entrepreneur vert est un entrepreneur qui « intègre les aspects environnementaux, sociaux et économiques au cœur de son projet, qui fournit des solutions novatrices dans la façon dont les biens et de services sont produits et consommés et dont l’activité contribue à l’économie verte »3. Ce faisant, il crée de la valeur environnementale et sociale tout en satisfaisant un besoin du marché. Les initiatives d’éco-innovation sociale en revanche ne reposent pas forcément sur un modèle rentable financièrement. Portées par la société civile, elles sont « pionnières dans la construction de nouvelles stratégies d’organisation (…) permettant l’émergence de modes de vie plus durables ainsi que de nouvelles opportunités économiques »4. 3 Switchmed (2015), Create your green business! The handbook for green entrepreneurs in the Mediterranean, p 6. 4 Switchmed (2016), note de concept atelier synergies. 10
Ces porteurs de projet verts sont des entrepreneurs en graine ou confirmés, des acteurs de la société civile qui œuvrent dans les domaines du recyclage, de la protection de l’environnement, des ressources naturelles, de la production alimentaire biologique, de l’énergie solaire, de l’éco-tourisme, etc., utilisant des technologies de pointe ou bien des solutions « low-cost », l’innovation résidant toujours dans le mode de concevoir et de consommer. Au Maroc, les activités Switchmed de renforcement des capacités des acteurs réalisés avec les partenaires locaux (FJE, REMESS, AESVT) ont bénéficié à 255 futurs entrepreneurs et entrepreneuses, et 64 organisations de la société civile. Parmi la promotion 2015-2016, 30 candidat(e)s ont été sélectionné(e)s et bénéficieront d’un accompagnement individualisé leur permettant de concrétiser leur projet d’entreprise verte ou initiative communautaire. SwitchMed soutient les entrepreneurs verts et les acteurs du changement introduisant des innovations écologiques et sociales dans la région à travers des formations, de l’assistance technique et du réseautage. Voici des exemples de trois initiatives au Maroc qui ont bénéficié de SwitchMed. Les Switchers – Biodôme du Maroc Au Maroc, Fatima Zahra Beraich a créé Biodôme du Maroc, une entreprise qui construit des installations de méthanisation agricole à petite échelle. Une solution éco-innovante pour aider les agriculteurs à produire du biogaz et de l’engrais dans leur ferme, mais aussi pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Biodôme du Maroc fait partie des « Switchers » de la région, une communauté crée dans le cadre de SwitchMed afin d´identifier des personnes, des entreprises ou des organisations de la société civile qui ont développé des projets innovants sur un plan social et écologique. Plus d´informations sur www.theswitchers.eu. Entrepreneurs Verts – ENRD-Engrais Bio Lauréate du programme de formation SwitchMed en entreprenariat vert, Khaoula Remmal a créé ENRD-Engrais Bio, une start-up verte dont les objectifs principaux sont la création d’énergie propre à travers la revalorisation des déchets organiques et la production de l’engrais vert. Grace aux kits de méthanisation mobile pour les petits agriculteurs et aux kits de composteur commun pour les groupes de collecteur en petites localités, cette entreprise vise à réduire la pauvreté énergétique dans les villes rurales et à améliorer la qualité de vie des agriculteurs. ENRD-Engrais Bio participe actuellement à la phase d´incubation. 11
Eco-innovation de la société civile – CIPA Les bonnes pratiques agroécologiques soutiennent la souveraineté et la sécurité alimentaires d´un pays tout en contribuant à la préservation de la biodiversité végétale et à la lutte contre la désertification. Le Carrefour des initiatives et des pratiques agroécologiques (CIPA) dont Boujemaa Gueghlan assure la coordination, est une initiative communautaire de l´association Terre et Humanisme Maroc qui œuvre pour la diffusion des pratiques agroécologiques. Á travers sa ferme pilote située dans une zone aride de la province de Rhamna à 30 km de Marrakech, le CIPA expérimente les techniques agroécologiques adaptées à des milieux arides et organise des formations et rencontres visant à étendre et renforcer le réseau des praticiens et intéressés. Dans le cadre de SwitchMed, l’équipe du CIPA a bénéficié d´une formation sur le développement des modèles d´affaires verts et participe actuellement à la phase d´incubation. 1.2 L’approche : Des entretiens avec les acteurs clés autour de cinq facteurs d’influences L’étude se base sur des entretiens avec les principales catégories d’acteurs de l’écosystème à savoir : les institutions publiques, les institutions financières, les organismes d’appui (non-gouvernementaux, privés, internationaux, associatifs ou commerciaux), et enfin les porteurs de projets : entrepreneurs et acteurs associatifs. La sélection des acteurs s’est opérée de manière à refléter le plus grand nombre de perspectives possibles et de manière équilibrée. Parmi la quarantaine d’entretiens, environ un bon tiers (35%) a été réalisé avec les organismes d’appui, un tiers avec les porteurs de projets, et le tiers restant avec les institutions publiques et/ou financières. C’est parmi les organismes d’appui qu’il y a le plus de variété en termes de typologie : fondations privées, réseaux associatifs, clusters verts, programmes d’incubation, communauté de jeunes entrepreneurs, cabinets de conseil spécialisés, organisations internationales et coopérations bilatérales – tous ces acteurs ont des formes organisationnelles et des moyens d’actions très différents mais ils apportent, à leur échelle respective, un soutien technique, matériel - et parfois financier - vital à l’émergence d’initiatives vertes. Le diagramme ci-dessous illustre la diversité des acteurs interviewés - bien que l’entrecroisement des fonctions publiques, d’appui, et financières soit en réalité bien plus complexe que sur le schéma : 12
Figure 1 Typologie des acteurs de l’écosystème ayant participé au livre blanc Les premiers résultats des entretiens ont été présentés lors de l’atelier Synergies qui a réuni à Rabat le 25 mai 2016 une centaine d’acteurs de différents domaines et spécialités et dont les réflexions ont été également intégrées à cette synthèse (voir liste des participants et programme en annexe p. 29). Les formes des produits et services verts et d’éco-innovations sociales sont multiples et variées, et il est difficile de résumer en une dizaine de page les défis et opportunités qui s’y rapportent. Plutôt qu’une approche par acteur ou secteur, et afin d’en systématiser toute la complexité, le livre blanc aborde l’écosystème marocain de manière transversale à travers cinq facteurs qui impactent sur les initiatives vertes, positivement comme négativement. Ces 5 facteurs correspondent à 5 catégories de ressources dans lesquelles le porteur de projet peut puiser et qu’il peut optimiser à plusieurs niveaux : individuel (ses propres ressources), local (sa famille, sa communauté, sa ville), national (sa région, son pays) et global. Les facteurs naturels/physiques : font référence à l’environnement du porteur de projet, aux conditions externes sur lesquelles le porteur de projet n’a aucune influence mais dont il peut apprendre à profiter ou qu’il peut mettre en valeur. Cela peut être l’infrastructure (transport/logistique) disponible ou problématique, les conditions climatiques favorables ou non (fort ensoleillement, inondations), aux ressources naturelles (matières organiques disponible, région montagneuse, sources d’eau, etc.) Les facteurs matériels ou techniques : concernent les ressources non naturelles que le porteur de projet a à sa disposition pour concrétiser son projet : de l’idée à la production ou prestation de service en passant par les processus de développement, et de 13
test/prototypage. Ce sont à la fois les savoir-faire, technologies et équipements existants, et ceux que le porteur de projet va développer. Figure 2 L’écosystème marocain et les facteurs qui impactent sur les initiatives vertes Les facteurs politiques & juridiques : ce sont les cadres législatifs, politiques et tendances qui réglementent et favorisent ou non la prise d’initiatives et les projets (textes juridiques en vigueur, procédures administratives, stratégies nationales, conventions internationales, etc.) Les facteurs économiques/financiers : se réfèrent à tous les aspects économiques d’un projet, depuis sa création ou son lancement (viabilité du business plan, accès aux financements) à sa mise en place (commercialisation, accès aux marchés). Les facteurs humains et sociaux : dans cette catégorie nous regroupons les compétences individuelles (du porteur de projet, de la main d’œuvre/collaborateurs potentiels) qui peuvent être renforcées à travers des formations (lifeskills par exemple) et les aspects liés aux cultures et mentalités de l’entourage, de la société qui peuvent être influencés par des actions de sensibilisation. 2 Les défis et opportunités 2.1 Facteurs économiques et financiers 2.1.1 Un accès difficile aux financements, particulièrement au démarrage Le principal défi pour tout porteur est bien de trouver le moyen de financer son projet, et cela ne diffère pas grandement pour les éco-entrepreneurs. Des opportunités existent certes, mais elles s’adressent souvent à des porteurs plus avancés dans leur projet avec un business plan bien ficelé. Ce sont généralement les fonds propres (épargne 14
personnelle, contribution familiale « love money », etc.) qui financent les phases d’études de faisabilité et de développement. Les Business Angels sont encore très rares et les investissements privés dans les startups restent exceptionnels. Les compétitions de startups se sont multipliées ces dernières années mais aucune n’est réservée aux acteurs de l’économie verte et les éco-entrepreneurs doivent rivaliser avec les promoteurs d’autres secteurs de l’innovation, technologique ou sociale. Les prix et concours restent donc un moyen de financement anecdotique. Enfin le crowdfunding, une solution bien prisée des startups à l’international qui font appel à des financements participatifs (sous forme de dons, prêts, préventes ou prises de participation) se trouve paralysé entravé par la législation marocaine. Les quelques projets (associatifs ou d’entreprise) financés de la sorte au Maroc ont principalement bénéficié de participants étrangers. Le projet de loi actuellement en préparation sur le crowdfunding devrait permettre de débloquer prochainement la situation. Les exemples d’entreprises vertes soutenues dans le cadre de la coopération internationale sont plutôt encourageants – à l’exemple du programme régional YES Green du PNUD qui avait entre autre accompagné la création de plusieurs startups vertes dans le Nord du Maroc. Malheureusement une fois le programme terminé les jeunes entreprises ont rarement réussi à trouver auprès des banques le financement nécessaire à leur continuation. Les programmes de coopération internationale (PNUD, GIZ, Switchmed, etc.) sont généralement d’excellents catalyseurs d’initiatives vertes, mais leur durée est limitée dans le temps et les conditions d’obtention de subvention ainsi que les modestes montants suscitent parfois quelques frustrations. S’il peut être pertinent dans des contextes ruraux marqués par la pauvreté ou pour le financement des coopératives, le micro-crédit ne semble pas être une option de choix pour les éco-entrepreneurs du fait des fort taux d’intérêts (environ 20%) et des montants limités. Des outils de financement existent pour les TPE, soutenus activement par l’État, que ce soit dans le cadre du programme Moukawalati ou bien d’autres produits de la Caisse Centrale de Garantie (CCG) qui assure les garanties manquantes aux crédits bancaires contractés par les promoteurs. Mais les banques sont notoirement frileuses à l’innovation et s’engagent plus volontiers sur des filières qu’elles connaissent bien. La méfiance est généralement mutuelle, les banques reprochant aux porteurs de projet leur manque d’engagement et de fiabilité, qui à leur tour reprochent aux institutions bancaires leur aversion au risque. Si les banques se sont peu à peu ouvertes au financement de l’entreprenariat ces 10 dernières années, elles restent très hermétiques aux thématiques du développement durable et à l’économie verte, totalement méconnue du secteur bancaire. Du côté des porteurs de projet, une meilleure information sur les mécanismes de financement existants ainsi qu’une meilleure préparation de leur projet seraient profitables. Autre opportunité de taille pour les éco-entrepreneurs, la communauté très active des structures d’appui (incubateurs, réseaux, associations, etc.) qui s’est développée et renforcée ces dernières années (voir §2.2.3). Dans ce paysage, deux acteurs sont souvent cités pour contribuer largement à dynamiser l’écosystème de l’innovation au 15
Maroc. Il s’agit de la fondation de l’Office Chérifien des Phosphates (OCP) à travers son programme OCP Entrepreneurship Network qui subventionne de nombreuses initiatives d’appui à la création et au développement d’entreprises ou de coopératives (réseau étudiant ENACTUS, plateforme New Work Lab etc), et de la Fondation Drosos, fondation suisse à but non lucratif présente dans plusieurs pays de la région MENA et qui œuvre entre autre dans les domaines de l’employabilité des populations vulnérables et du développement d’une économie durable et inclusive. La fondation Drosos au Maroc soutient ainsi des projets associatifs (coopérative textile, valorisation des déchets, etc.) ainsi que les incubateurs Espace Bidaya à Casablanca et Dare Space à Rabat, qui chaque année accompagnent chacun entre 10 et 15 jeunes startups à fort impact social, dont une grande partie d’éco-entrepreneurs en graine. Enfin le très attendu fonds d’amorçage annoncé en 2015 par la Banque Mondiale et dont la gestion est assurée par la CCG a été officiellement lancé le 1er juillet 2016 et doit être mis à exécution dans les mois qui suivent. Une première dotation de 500 millions de Dirhams pour ce fonds baptisé Innov’Invest servira principalement à financer l’innovation à travers des opérateurs privés (fonds de gestion, organismes d’appui, etc.) qui offriront toute une gamme de produits (subventions, prêts d’honneur, equity, avances, etc.) destinés à la création et au développement des startups marocaines. Si ce fonds vient combler une lacune au niveau du financement d’amorçage et de capital risque, l’économie verte et les éco-innovations ne semblent pas avoir bénéficié d’une attention particulière dans la conception du fonds. 2.1.2 Des marchés verts émergents aux potentiels méconnus et inexploités Eau, énergies, agro-alimentaire, transport/infrastructure, gestions des ressources, des déchets, services écosystémiques, écoconstruction, tourisme durable… les opportunités de green business sont infinies, surtout au Maroc où les « matières premières » de l’économie verte abondent. Or après le financement, trouver un débouché est une préoccupation majeure de l’éco-entrepreneur. D’une part, les produits et services verts sont innovants donc inconnus, ils impliquent parfois de nouvelles habitudes que les consommateurs marocains, réputés conservateurs dans leurs choix, ne sont pas prêts à adopter, d’après l’avis des acteurs interrogés. D’autre part les produits et services verts sont généralement plus chers que leurs concurrents conventionnels, car leurs prix reflètent la prise en compte des facteurs environnementaux et sociaux, la production à plus petite échelle, les éventuels coûts de certification, et les technologies utilisées dans certains cas sont plus onéreuses et moins accessibles (doivent être importées). Les structures d’appui estiment que la clientèle potentielle représenterait seulement 1% du marché marocain. Par exemple, si les produits « bio » sont actuellement à la mode, il faut avoir un pouvoir d’achat suffisant. Le kilogramme de tomates biologiques se vend à plus du triple du prix d’un kilogramme de tomates conventionnelles. Dans un pays où le salaire moyen avoisine les 5000 Dirhams (environ 455 EUR), la plupart des marocains n’ont pas les moyens d’acheter « bio ». 16
L’e-commerce est un excellent moyen de distribuer les produits et services verts à une clientèle moderne et avertie. Au niveau de leurs expériences, les avis sont partagés chez les éco-entrepreneurs. Si certains ont trouvé auprès de la Caisse Monétaire Interbancaire (CMI) un soutien au démarrage de leur startups, d’autres ont été découragés par les charges assez lourdes (garanties) et de taux de prélèvement sur les transactions trop élevé (entre 1 et 3%). À cela s’ajoute l’extrême méfiance des consommateurs marocains vis-à-vis du paiement en ligne – la plupart des e-consommateurs préférant payer en espèce à la livraison. L’ouverture du secteur de l’économie digitale prévue par la nouvelle loi bancaire (2016) devrait permettre de faire baisser les tarifs. Une précondition pour développer les marchés verts serait que le consommateur marocain soit mieux informé sur les produits existants de l’économie verte et l’impact environnemental et sociétal de sa propre consommation. Ensuite, il serait pertinent de démarquer les produits et services verts par un packaging repérable ou un label (en plus des certifications internationales comme Ecocert, USDA, AB, etc.). Il existe par exemple certains labels nationaux comme celui de la clé verte pour les hôteliers délivrés par la Fondation Mohammed VI pour la protection de l’environnement, mais ces initiatives sont très peu connues du grand public. Enfin la subvention des produits verts par la taxation des produits polluants (ou l’arrêt des subventions pour les produits non-verts) par exemple pourrait rééquilibrer les prix, récompensant l’éco-conception et incitant la production et consommation durables. En attendant, l’éco-entrepreneur doit impérativement penser à l’échelle du marché régional (Maroc, Tunisie, Algérie, etc.) pour sa distribution, voir à l’international. Avec des projets énergétiques de renommée (centrale solaire, etc.), et des stratégies de durabilité saluées par les organisations internationales, le Maroc se place comme l’un des pionniers de l’économie verte sur le continent. Il représente un partenaire économique de choix, attractif pour ses voisins africains et les pays arabes. Autant d’atouts linguistiques, culturels et commerciaux à exploiter pour les éco-entrepreneurs marocains. 2.2 Facteurs compétences : humain, social, technique 2.2.1 Un capital humain à renforcer, beaucoup d’idées et peu de moyens pour les réaliser Les profils d’entrepreneurs verts sont divers et variés, à l’image des idées qu’ils développent. Parmi les candidats aux formations Switchmed par exemple, on distingue trois catégories : les étudiants et jeunes diplômés avec de bonnes connaissances théoriques mais peu d’expérience pratique et de terrain ; les professionnels en milieu de carrière, qui sont experts dans leur domaine et souhaitent se lancer dans l’entreprenariat ; enfin les professionnels et demandeurs d’emploi qui ont peu ou pas d’expérience dans un domaine de l’économie verte mais des bonnes idées qu’ils souhaitent développer. L’idée naît souvent d’un constat de manque, ou de dysfonctionnement, comme pour le fondateur de BioChar Maroc, qui a grandi dans un milieu rural où les agriculteurs brulaient 17
en fin de récolte les déchets organiques qui leur prenaient trop de place, et a par la suite créé une entreprise de production de charbon vert à partir de déchets agricoles suivant un procédé écologique. L’idée peut naître aussi d’une expérience vécue à l’étranger comme dans le cas de Carmine, une startup de partage de voiture (car-sharing) en cours d’approvisionnement en véhicules électriques. Plus rarement, elle naît d’une mobilisation des consommateurs comme dans le cas des Marchés Paysans du Réseau d’Initiatives Agroécologiques au Maroc (RIAM) mis en place pour répondre à la forte demande en produits bio et locaux des consommateurs urbains. Une fois les premières étapes de l’idée de business concrétisées, l’éco-entrepreneur est confronté à un nouveau défi : les ressources humaines. En effet recruter du personnel qualifié et compétent s’avère particulièrement difficile. Les lacunes du système éducatif et la formation professionnelle peu adaptée aux réalités du marché de l’emploi ne permettent pas de former la main d’œuvre requise. C’est particulièrement le cas pour le green business qui de par son caractère novateur, requiert une plus grande adaptabilité et capacité d’apprentissage. Du personnel d’accueil au directeur commercial en passant par le technicien de maintenance, c’est d’après la majorité des acteurs rencontrés, à tous niveaux et dans tous les domaines que manquent les formations de qualité. 2.2.2 Une culture de l’entreprenariat peu répandue dans une société en mutation Comparé à ses voisins de la rive Nord-méditerranéenne, le Maroc a la chance d’avoir une démographie assez jeune – la moitié des marocains a moins de 28 ans. Avec les soucis d’un pays sur la voie de l’émergence et dans le contexte d’une conjoncture économique mondiale aléatoire, la promotion de l’entreprenariat vert apparait comme une solution idéale pour répondre aux défis socio-environnementaux et au problème du chômage des jeunes diplômés, tout en mettant à profit la créativité et le dynamisme de la jeunesse marocaine. Mais « entreprendre » requiert des qualités et un état d’esprit particuliers encore peu encouragés et valorisés par la société marocaine et son système éducatif : l’initiative, la créativité, l’audace, l’adaptation, l’approche axée vers les solutions, la persévérance, l’autonomie… sont autant de qualités qui font de l’entrepreneur un acteur incontournable de l’innovation et du changement. Des organisations comme Enactus ou Injaz Al Maghrib contribuent énormément à vulgariser la culture entrepreneuriale, en organisant des concours et formations destinés aux étudiants et lycéens. Le statut de (jeune) entrepreneur est lui-même généralement peu valorisé. Beaucoup de familles préfèreraient que leurs fils ou leurs filles aient un poste dans la fonction publique ou une entreprise privée plutôt qu’ils ou elles lancent leur propre projet. À cela s’ajoute que l’entreprenariat vert est communément considéré comme une niche, risqué et peu porteur. Les thématiques relatives au développement durable, si elles commencent à être connues par la population marocaine – essentiellement grâce à la médiatisation de la COP22, sont rarement associées avec l’économie, la création de valeur ou le profit. Les concepts de durabilité et d’économie verte sont extrêmement méconnus. Il est vrai que les associations sont nombreuses et actives dans les domaines de la sensibilisation à l’environnement et de la mobilisation locale, à l’exemple de 18
l’Association des Enseignants des Sciences de la Vie et de la Terre (AESVT) qui œuvre depuis une trentaine d’années à l’éducation à l’environnement et est à l’initiative de l’Alliance Marocaine pour le Climat et le Développement Durable (AMCDD) qui regroupe plus de 500 associations et réseaux. Un des projets les plus récents « Coproduction de la propreté » vise à instiguer une dynamique de quartier autour d’actions d’embellissement, de tri des déchets ménagers, et de bon voisinage et ce dans 22 villes marocaines. Les associations embrayent traditionnellement là où s’arrête le secteur privé, lucratif, et où le gouvernement n’agit pas. De plus en plus d’associations au Maroc cherchent à créer des ponts entre les différents acteurs. Ainsi l’Association Marocaine pour un Environnement Durable (AMED) portée par les enseignants et les étudiants de l’École Nationale des Sciences Appliquées de Tanger créent des synergies entre les entreprises, les scientifiques et la société civile en organisant des événements sur la RSE, l’économie verte, le développement durable, etc. D’autres associations finissent par créer elles- mêmes une activité de création de valeur. C’est le cas de l’ONG Al Jisr dont les actions sont centrées autour de l’implication des entreprises dans l’éducation et qui a monté grâce à un partenariat avec Managem, groupe marocain d’exploitation minière et métallurgique, le projet Greenchip de revalorisation et recyclage du matériel informatique par apprentissage dans des Centres de Solidarités Numériques pour les jeunes chômeurs. Autre exemple, le projet Ressourc’in, fruit de la collaboration entre l’association Al Ikram et le cabinet de conseil Valyans. Ressourc’in prévoit la collecte et la transformation des déchets de bureau sur le modèle d’une entreprise sociale d’insertion pour les jeunes et les femmes sans qualifications. L’économie sociale et solidaire (ESS) jouit d’une notoriété plus grande, de par certains programmes nationaux comme l’INDH lancée en 2005, par le dynamisme des acteurs de terrains soutenus par les organisations internationales, les programmes de micro-crédits, etc. Mais la perception de l’ESS au Maroc est cantonnée à une stratégie de lutte contre la pauvreté, destinée aux populations les plus vulnérables, pour des projets à petite échelle. De plus le lien avec l’économie verte n’est pas toujours fait, même s’il est essentiel. Le système des coopératives, véritable atout du modèle marocain par rapport à ses voisins du Maghreb, a permis le regroupement de près d’un demi-million de professionnels, producteurs et artisans, grâce à plusieurs avantages (exonérations, flexibilité de la forme, relative horizontalité) même si les dérives et difficultés sont fréquentes (litiges, etc.). Depuis quelques années, l’Office de Développement des Coopératives (ODCO) du Grand- Casablanca a vu l’émergence de plusieurs coopératives vertes : habitat écologique, récupération et revalorisation, cosmétiques naturels, pépinière bio, etc. Souvent sous- estimée, la forme coopérative s’avère particulièrement intéressante pour l’économie verte et les jeunes porteurs de projets verts car elle permet des business models alternatifs et innovants dans une grande variété de secteurs, et qui responsabilisent à la fois les producteurs et les consommateurs. 2.2.3 Des opportunités d’appui et d’accompagnement efficaces Acteurs incontournables de l’écosystème, les organismes d’appui aux porteurs de projets sont bien présents au Maroc : ils existent sous plusieurs formes (clusters 19
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