LA SEMAINE JURIDIQUE - Tendance Droit
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LA SEMAINE JURIDIQUE ÉDITION GÉNÉRALE SUPPLÉMENT AU N° 7-8, 17 FÉVRIER 2020 ISSN 0242-5777 Les nouveaux marchés de l’arbitrage : vers une privatisation de la justice ? Actes du colloque du 20 décembre 2019 Direction scientifique : Soraya Amrani-Mekki et l’ENM LA PERTINENCE DE LA SÉLECTION, LA FIABILITÉ DES ANALYSES
Annoté sous la direction de 2020 2020 Édition 2020 2020 Édition Retour aux sources Annoté sous la direction de David DECHENAUD Laurent LEVENEUR 2020A n n o t é 2020 39e édition A n n o t é 32e édition Code civil Code pénal Code civil Code pénal Textes à jour au 23 mai 2019 Textes à jour au 20 mai 2019 du droit La collection Codes bleus : La collection Codes bleus : • Référence : LexisNexis, un acteur majeur de l’édition juridique • Référence : LexisNexis, un acteur majeur de l’édition juridique • Excellence : codes annotés ou commentés par des auteurs de renom • Excellence : codes annotés ou commentés par des auteurs de renom • Actualité : à jour des évolutions législatives et jurisprudentielles • Actualité : à jour des évolutions législatives et jurisprudentielles Cette 39e édition intègre notamment : Cette 32e édition intègre notamment : Code pénal • l’ordonnance du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du code de • la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte ; commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence Code civil et aux autres pratiques prohibées ; • la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ; • la loi du 10 avril 2019 visant à renforcer et garantir le maintien de l’ordre public lors des manifestations ; • la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi Élan ; • la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ; • la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie. • le décret du 20 mars 2019 instituant une contravention pour participation à une manifestation interdite sur la voie publique. Le Code civil LexisNexis est autorisé à l’examen d’entrée au CRFPA. LexisNexis S.A - 552 029 431 RCS Paris - 01/2020 -©Istock - 20BROMD011 Le Code pénal LexisNexis est autorisé à l’examen d’entrée au CRFPA. Les auteurs Annoté sous la direction du professeur Laurent Leveneur, par une équipe du Les auteurs Laboratoire de droit civil de l’université Panthéon-Assas (Paris II) composée des Le Code pénal est annoté sous la direction de David DECHENAUD, professeur et Doyen professeurs et maître de conférences Jean-Jacques Ansault, Charlotte Goldie- de la Faculté de Droit de Grenoble, avec la collaboration de Guillaume BEAUSSONIE, Genicon, Sabine Mazeaud-Leveneur et Thomas Piazzon. professeur et codirecteur de l’Institut de Criminologie et de Sciences pénales Roger Ainsi que, pour les annotations du Code de la propriété intellectuelle, le professeur Merle à l’université Toulouse I-Capitole, Thomas HERRAN, maître de conférences à André Lucas. l’université de Bordeaux, Marion LACAZE, maître de conférences à l’université de À jour de À jour Bordeaux, Cédric RIBEYRE, professeur et directeur de l’Ecole doctorale de sciences la loi du 22 mai 2019 juridiques à l’université Grenoble Alpes et Anne-Gaëlle ROBERT, maître de conférences dite loi Pacte et de de la loi du à l’université Grenoble Alpes. la loi du 23 mars 2019 23 mars 2019 de réforme de réforme pour pour la justice Télécharger gratuitement l’application Lexis eLivresTM 200128 la justice 40 € 200327 sur AppStore et Google play ISBN : 978-2-7110-3127-6 Télécharger gratuitement l’application Lexis eLivresTM 53 € sur AppStore et Google play ISBN : 978-2-7110- 3126-9 SC_19651347_EUE_Code_du_travail_2020 1 30-JUL-19 14:50:07 Commenté par 2020 2020 Annoté par Édition 2020 2020 Édition Jacques LAFOND Bernard TEYSSIÉ 2020 C o m m e n t é Béatrice VIAL-PEDROLETTI 2020 18e édition Fabien KENDÉRIAN 35e édition A n n o t é Emmanuelle CHAVANCE Code du travail Code des baux Avec la participation de Code du travail Textes à jour au 1er août 2019 Christelle COUTANT-LAPALUS Textes à jour au 25 juillet 2019 Code du travail Code des baux La collection Codes bleus : La collection Codes bleus : • Référence : LexisNexis, un acteur majeur de l’édition juridique • Référence : LexisNexis, un acteur majeur de l’édition juridique • Excellence : codes annotés ou commentés par des auteurs de renom Code • Excellence : codes annotés ou commentés par des auteurs de renom • Actualité : à jour des évolutions législatives et jurisprudentielles • Actualité : à jour des évolutions législatives et jurisprudentielles Cette 35e édition intègre notamment : Cette 18e édition intègre notamment : • l’ordonnance du 3 juillet 2019 relative aux entrepreneurs de spectacles vivants ; • le décret du 16 mai 2019 relatif à l’information des bailleurs quant aux • le décret du 24 juin 2019 relatif à la création d’un congé de paternité en cas conséquences de l’absence de contestation des décisions de la commission des baux d’hospitalisation de l’enfant ; du surendettement et du juge du surendettement sur la décision d’expulsion • le décret du 6 juin 2019 relatif à la qualité des actions de la formation conditionnelle antérieurement rendue par le juge du bail ; professionnelle ; • le décret du 13 mai 2019 relatif aux modalités d’application de la mise en • le décret du 4 juin 2019 portant diverses dispositions relatives au détachement demeure en cas de non-respect du dispositif expérimental d’encadrement de travailleurs et au renforcement de la lutte contre le travail illégal ; du niveau des loyers et au recouvrement des amendes administratives dans • la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des le cadre des rapports locatifs ; entreprises, dite loi Pacte ; • le décret du 12 avril 2019 fixant le périmètre du territoire de la ville de Paris • la loi du 22 mai 2019 visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants ; sur lequel est mis en place le dispositif d’encadrement des loyers prévu à • le décret du 27 mars 2019 relatif aux conditions de délivrance de la contrainte par l’article 140 de la loi du 23 novembre 2018, dite loi Élan ; Pôle emploi pour le remboursement des allocations de chômage par l’employeur à la suite d’un jugement prud’homal ; • la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement • l’ordonnance du 20 février 2019 modifiant la directive 96/71/CE concernant le et du numérique, dite loi Élan. détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services. Les auteurs L’ auteur Jacques Lafond, docteur en droit, avocat honoraire au barreau de Paris. Bernard Teyssié, professeur émérite à l’université Panthéon-Assas (Paris II), président Béatrice Vial-Pedroletti, maître de conférences à l’université d’Aix-Marseille. honoraire de l’université. Fabien Kendérian, maître de conférences HDR à l’université de Bordeaux, IRDAP, chargé d’enseignement à l’université Panthéon-Sorbonne – Paris I. Retrouvez tous nos codes et ouvrages sur Emmanuelle Chavance, avocat au barreau de Paris. Avec la participation de Christelle Coutant-Lapalus, maître de conférences, HDR, CREDESPO - université de Bourgogne. 200827 Télécharger gratuitement l’application Lexis eLivresTM 44,90 € 303318 boutique.lexisnexis.fr sur AppStore et Google play ISBN : 978-2-7110-3098-9 Télécharger gratuitement l’application Lexis eLivresTM 73 € sur AppStore et Google play ISBN : 978-2-7110-3160-3 1 LA SEMAINE JURIDIQUE Rédactrice en chef : Hélène Béranger Prix de vente au numéro : • France (métropole) : 35,74 euros ttc (35 euros ht) Tél. : 01.45.58.93.24 - helene.beranger@lexisnexis.fr Juris-Classeur Périodique (JCP) • DOM-TOM et pays étrangers : 39 euros ht Rédactrice en chef adjointe : Élise Fils Offre « spéciale étudiants » : 94e année Tél. : 01.45.58.92.86 - elise.fils@lexisnexis.fr http://etudiant.lexisnexis.fr/ Éditeur : Florence Creux-Thomas Tél. : 01.45.58.92.42 - Florence.creux-thomas@lexisnexis.fr LexisNexis SA Président Directeur Général, Directeur de la publication : Avec la collaboration de Camille Humberdot SA au capital de 1.584.800 euros Philippe Carillon 552 029 431 RCS Paris Merci à Marianne Vasquez pour la mise en page de ce numéro Principal associé : Reed Elsevier France SA Publicité : Siège social : 141, rue de Javel - 75747 Paris Cedex 15 Directrice éditoriale : Direction Marketing Opérationnel / Publicité : Clémentine Kleitz Caroline Spire, responsable clientèle publicité Imprimeur : Evoluprint - SGIT SAS clementine.kleitz@lexisnexis.fr Caroline.Spire@lexisnexis.fr – 01 45 58 94 69 Parc Industriel Euronord, 10, rue du Parc, 31150 Bruguières Catherine Thevin, responsable du marketing opérationnel Catherine.thevin@lexisnexis.fr – 01 45 58 93 05 Dépôt légal : à parution Directeur scientifique : Nicolas Molfessis Commission paritaire : n° 1121 T 80376 Correspondance : Comité scientifique : D. Bureau, L. Cadiet, C. Caron, Mme Hélène Béranger Origine du papier : Allemagne La Semaine Juridique (Édition générale) Taux de fibres recyclées : 6% J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, 141, rue de Javel - 75747 Paris Cedex 15 Certification : 100% B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, Relations clients : Impact sur l’eau : PTOT = 0,01 kg / tonne B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel-Munck, Tél. : 01 71 72 47 70 F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck relation.client@lexisnexis.fr www.lexisnexis.fr Comité d’experts : C. Champalaune, W. Feugère, Photo de couverure : © runeer_GettyImages Abonnement annuel 2020 : Photos intérieur : Droits réservés J.-P. Jean, D. Musson, É. Negron, B. Stirn, L. Vallée, • France (métropole) : 846.41 euros ttc (829 euros ht) E. Vasseur • DOM-TOM et pays étrangers : 915 euros ht Supplément gratuit pour les abonnés. Ne peut être vendu. © LexisNexis SA 2020 non autorisée par LexisNexis SA ou ses ayants droit, est strictement commerciale conformément aux dispositions de l’article L. 122-10 Cette œuvre est protégée par les dispositions du Code de la interdite. du Code de la propriété intellectuelle relatives à la gestion collec- propriété intellectuelle, notamment par celles de ses dispositions LexisNexis SA se réserve notamment tous droits au titre de la re- tive du droit de reproduction par reprographie. Avertissement de relatives à la propriété littéraire et artistique et aux droits d’auteur. production par reprographie destinée à réaliser des copies de la l’éditeur : “Toute utilisation ou traitement automatisé, par des tiers, Ces droits sont la propriété exclusive de LexisNexis SA. 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Sommaire La Semaine Juridique - Édition Générale - Supplément au N° 7-8, 17 février 2020 Les nouveaux marchés de l’arbitrage : vers une privatisation de la justice ? Ouverture du colloque 1 Mot d’accueil 2 Propos introductifs ➜ Élie Renard, directeur adjoint à l’École nationale ➜ Soraya Amrani-Mekki, professeure agrégée à l’université de la magistrature P. 5 Paris-Nanterre, directrice de l’axe justice judiciaire, amiable et numérique du CEDCACE P. 6 1re table ronde : Les nouvelles formes d’arbitrage : un enjeu de société ? 3 L’arbitrage, une justice alternative pour une nouvelle 5 Les aspects économiques des nouveaux marchés de offre de justice l’arbitrage ➜ Marie-Charlotte Dalle, directrice adjointe des Affaires ➜ Maximin de Fontmichel, professeur de droit privé, civiles et du sceau P. 12 université de Bretagne Occidentale, directeur du master Arbitrage et commerce international, université de 4 Le miroir des sorcières. L’État moderne et sa justice Versailles – Paris Saclay P. 21 au reflet de l’arbitrage interne, éléments rétrospectifs ➜ Mathieu Soula, professeur d’histoire du droit, université Paris-Nanterre P. 15 2e table ronde : Le contrôle judiciaire de l’« arbitrabilité » des nouveaux litiges (ordre public et consentement) 6 L’arbitrabilité des « nouveaux marchés » de l’arbitrage 8 Droit de l’arbitrage et nouveaux marchés du droit de la ➜ Bernard Haftel, professeur à l’université Sorbonne Paris famille Nord, co-directeur de l’IRDA (EA 3970) P. 26 ➜ Anne Gongora, présidente de chambre à la cour d’appel de Paris, animatrice du pôle famille P. 33 7 L’extension du domaine de l’arbitrage ➜ Marianne Abgrall, avocate au barreau de Paris P. 30 9 Le notaire et l’arbitrage sur les questions familiales d’ordre patrimonial. Une évidence bientôt ➜ Bertrand Savouré, président de la chambre interdépartementale des notaires de Paris P. 35
3e table ronde : Le contrôle judiciaire de la procédure arbitrale : adaptation ou négation de la procédure arbitrale ? 10 Le développement de l’arbitrage dans des nouvelles 12 Le développement de l’arbitrage dans de nouvelles matières considéré sous l’angle du contrôle des sentences matières implique-t-il un nouveau contrôle ? ➜ Sylvain Bollée, professeur à l’École de droit de la ➜ Pierre Berlioz, professeur de droit à l’université Paris-Des- Sorbonne, (Paris I Panthéon-Sorbonne) P. 38 cartes, directeur de l’École de formation du barreau P. 48 11 Quelles incidences le recours à l’arbitrage en ligne peut-il avoir sur le contrôle exercé par le juge ? ➜ François Ancel, président de chambre à la cour d’appel de Paris P. 42 4e table ronde : Les nouveaux arbitres : quelle déontologie ? Quelle autorité de contrôle ? 13 L’arbitrage en ligne, entre réglementation des pra- 15 Les nouveaux arbitres : l’arbitre désincarné est-il tiques et exigences déontologiques encore un arbitre ? ➜ Daniel Barlow, premier vice-président au tribunal ➜ Marc Henry, docteur en droit, avocat associé FTMS, judiciaire de Nanterre P. 51 président de l’Association française d’arbitrage (AFA) P. 62 14 Nouveaux marchés, nouveaux arbitres ? ➜ Léonord Jandard, maître de conférences à l’université Paris-Nanterre, membre du CEDCACE P. 56
LES NOUVEAUX MARCHÉS DE L’ARBITRAGE : VERS UNE PRIVATISATION DE LA JUSTICE ? COLLOQUE DU 20 DÉCEMBRE 2019 1 Mot d’accueil Après une première édition, qui nous avait permis de nous interroger, ici même, sur la disparition ou la renaissance du Elie Renard, juge dans la révolution numérique, lors d’un colloque organisé directeur adjoint de l’École nationale de le 5 octobre 2018 et que nous avions intitulé « L’obsolescence la magistrature programmée du juge ? » (V. les actes du colloque in Supplément au JCP G n° 51, 17 déc. 2018), nous nous étions retrouvés le 8 février 2019 au tribunal judiciaire de Paris pour débattre de la place du justiciable dans ce nouveau monde, lors de la deuxième édition intitulée « Et si on parlait du justiciable du 21e siècle ? ». Mesdames, Messieurs, Chers collègues, Chers amis, Cette troisième édition, intitulée « Les nouveaux marchés de C’est avec grand plaisir que je vous souhaite la bienvenue à l’arbitrage : vers une privatisation de la justice ? » nous permettra l’École nationale de la magistrature en ce vendredi 20 décembre, de débattre des enjeux, pour le juge et le justiciable, du déploie- à l’occasion de ce colloque, le dernier de l’année 2019. ment d’outils numériques proposant d’organiser le règlement des litiges grâce à l’arbitrage, et d’interroger les avantages et les Je me réjouis de voir le grand amphithéâtre de l’ENM aussi rem- risques du renouveau de cette « offre de justice » qui viendrait pli, alors même que le contexte actuel nous avait fait craindre compléter, sinon concurrencer, la justice étatique. que beaucoup d’entre vous ne parviennent pas à nous rejoindre. Elle sera l’occasion j’en suis sûr d’éclairer tous les enjeux de cette J’y vois le signe de l’intérêt tout particulier que vous portez à ces problématique très actuelle, et d’ interroger une nouvelle fois la échanges interprofessionnels que nous vous proposons. place et le rôle de la Justice face aux développements technolo- giques et aux dynamiques du marché qui, toujours, se déploie- L’ENM, vous le savez, est particulièrement active pour dévelop- ront plus rapidement que la norme qui vient les réguler. per et nourrir les débats entre les professions, particulièrement les professions du droit, et la présence ici, avec les magistrats, Je tiens à remercier tout particulièrement Mme le professeur les avocats et les notaires, de nombreux étudiants en droit nous Soraya Amrani-Mekki, professeure agrégée à l’université Pa- rappelle à tous qu’avant d’être membre d’une profession, nous ris-Nanterre, directrice de l’axe justice judiciaire, amiable et sommes tous, d’abord et avant tout, des juristes. numérique du CEDCACE, pour le dynamisme et la richesse des échanges que nous entretenons avec elle. C’est à son action Votre présence ici manifeste également l’intérêt que vous por- concertée avec celle des équipes de la formation continue que tez à ce cycle de colloques co-organisés avec l’université de vous devez la concrétisation de ces colloques, et nous nous féli- Paris-Nanterre. citons de cette nouvelle illustration de la qualité et de l’utilité de ces échanges entre l’ENM et l’Université. Il s’agit, vous le savez, du 3e colloque de ce cycle que nous co- organisons avec le Centre de droit civil des affaires et du conten- Je remercie également très chaleureusement Mme Anne-Sophie tieux de cette université, afin de débattre ensemble des enjeux Choné-Grimaldi, directrice du centre de droit civil des affaires les plus actuels de la Justice civile en France, que ce soit sur le et du contentieux (CEDCACE) de l’université Paris-Nanterre, à plan juridique, technologique ou sociétal. Ce cycle nous permet qui nous devons ce partenariat. de réfléchir sur la question centrale de l’office du juge dans un monde numérique, ou se développent de multiples possibilités Je vous souhaite à tous une nouvelle fois d’excellents débats. ■ de règlement alternatif des conflits. LA SEMAINE JURIDIQUE - ÉDITION GÉNÉRALE - SUPPLÉMENT AU N° 7-8 - 17 FÉVRIER 2020 - © LEXISNEXIS SA Page 5
LES NOUVEAUX MARCHÉS DE L’ARBITRAGE : VERS UNE PRIVATISATION DE LA JUSTICE ? COLLOQUE DU 20 DÉCEMBRE 2019 2 Propos introductifs vement de privatisation de la justice, peut être questionnée. Elle vise de nouveaux domaines tels que le droit de la consom- Soraya Amrani-Mekki, mation, le droit de la famille ou le droit social qui concernent professeure agrégée à l’université Paris-Nanterre, potentiellement des rapports structurellement déséquilibrés. directrice de l’axe justice judiciaire, amiable et numérique du CEDCACE Elle désigne aussi les nouveaux supports numériques qui en facilitent ou « démocratisent » le recours. L’arbitrage est pourtant présenté comme la première forme de justice applicable à l’ensemble des matières de sorte que la nou- veauté est relative, sauf à évoquer un retour vers le futur8. Il n’a 1 - Logique de marché versus logique des droits de l’homme. – d’ailleurs pas toujours été clairement distingué de la concilia- Les réflexions sont nombreuses sur le déploiement d’une offre tion. Et s’il est évident que le support numérique est nouveau, la de justice plurielle selon laquelle « à chaque type de conflit, son question de savoir si la forme change le fond est vieille comme le mode de solution appropriée, les uns n’excluant pas les autres et, monde, la forme étant comme le disait Victor Hugo le fond qui pour un même conflit, susceptible d’évoluer dans le sens d’un remonte à la surface. Elle pose cependant de nouvelles questions apaisement ou, au contraire, d’une aggravation, il doit être pos- car l’arbitrage en ligne nécessite une vigilance toute particulière sible d’aller de l’un à l’autre. L’État de droit doit garantir cette et une adaptation des règles9. offre de justice plurielle dans un système global de justice »1. Parler de marché n’est pas non plus évident10. D’abord parce On pourrait ne pas craindre une obsolescence programmée qu’il n’est pas encore économiquement viable ; mais son exis- du juge2 et espérer sa renaissance par une concentration de son tence est indépendante de son dynamisme. Le Centre national office sur les différends qui le méritent et/ou le nécessitent. des litiges du travail a dû s’étendre à la médiation11 car il n’a Cependant, cette juridiversité3 risque de conduire à une ubé- pas encore trouvé son modèle économique. La plateforme du risation de la justice conçue à partir d’une conception consu- tribunal arbitral des affaires familiales a fait l’objet de contro- mériste. Le justiciable, homo economicus, préférerait le solution- verses, ne serait-ce que par l’usage du terme « tribunal » dont nisme4 au jugement en droit. Son analyse économique pourrait certains aimeraient faire une appellation contrôlée. Une autre l’amener à préférer résoudre ses différends hors le juge étatique. plateforme, qui proposait de régler par arbitrage les litiges entre La démarche, rationnelle, n’est pas toujours raisonnable et, si professionnels et consommateurs en 30 jours, vient de faire fail- on partait du justiciable pour construire l’offre de justice5, les lite12. Pour autant, les propositions commencent à fleurir. Que options politiques pourraient être sensiblement différentes. l’on songe au centre d’arbitrage des litiges familiaux qui vient L’approche par les droits pourrait bousculer nombre d’idées d’être créé13 ou au centre d’arbitrage de la chambre des notaires reçues6. C’est là que logique du marché et logique des droits de de Paris qui est sur le point de l’être14. l’homme se confrontent7, ce que le déploiement de nouveaux Ensuite, parce que ce marché n’aurait pas un objectif commer- marchés de l’arbitrage illustre parfaitement. cial, ce qui conduirait à une imposition fiscale non commer- ciale. Si le terme de « marché » au sens économique n’est peut- 2 - L’émergence de nouveaux marchés de l’arbitrage. – L’émer- être pas strictement adéquat, il traduit pourtant bien une réalité. gence de nouveaux marchés de l’arbitrage, associée à un mou- Comme il existe depuis de nombreuses années un marché de l’amiable, celui des nouveaux arbitrages se met en place sur lequel les professionnels se positionnent. Que la structure soit 1 L. Cadiet, L’accès à la justice. Réflexions sur la justice à l’épreuve des muta- tions contemporaines de l’accès à la justice in Th. Clay, B. Fauvarque-Cos- une association à but non lucratif n’y change rien. son, Fl. Renucci et S. Zientara-Logeay (dir.), États généraux de la recherche sur le droit et la justice : LexisNexis, coll. Hors collections, 2018, p. 727, spéc. p. 742. 8 M. Soula, Le miroir des sorcières. L’État moderne et sa justice au reflet de 2 S. Amrani-Mekki (dir.), L’obsolescence programmée du juge ? Justice judi- l’arbitrage interne (quelques éléments rétrospectifs : ce numéro, p. 15. ciaire, justice amiable, justice numérique – ENM, 5 oct. 2018 : JCP G 2018, 9 Club des juristes, Rapp. L’arbitrage en ligne, (dir) Th. Clay, avr. 2019. – Sur suppl. au n° 51, 17 déc. 2018. ce rapport V. JCP G 2019, doctr. 353, Mot de la semaine, Th. Clay. 3 S. Gaboriau, Déjudiciarisation et administration de la justice. Promouvoir 10 M. de Fontmichel, Les aspects économiques des nouveaux marchés de l’arbi- la « juridiversité » : LPA 14 juin 2012, p. 3. trage : ce numéro, p. 21. – Th. Clay, Le marché de l’arbitrage in W. Ben 4 E. Morozov, Pour tout résoudre, cliquez ici. L’aberration du solutionnisme Hamida et Th. Clay (dir.), L’argent dans l’arbitrage : Lextenso, coll. Hors technologique : Fyp 2014, p. 22. collection, 2013, p. 13. 5 S. Amrani-Mekki (dir.), Et si on parlait du justiciable du 21ème siècle ? : Dal- 11 Fr. Cassereau, Le CNAT est mort, vive le CMAT ! : Gaz. Pal. 12 mars loz, coll. Thèmes et commentaires, 2019. 2019, n° 344r9, p. 3. – H. Flichy, Le centre national d’arbitrage du travail (CNAT), Une innovation juridique au service du justiciable : Dr. ouvrier 6 CNCDH, avis, 3 juill. 2018, « L’approche fondée sur les droits de l’Homme 2016, p. 134. représente un cadre conceptuel et opérationnel permettant aux pouvoirs publics de mieux cibler leur action au regard des droits des citoyens et, en 12 Ejust. définitive, de mettre en place des politiques publiques plus efficaces » : www. 13 E. Mulon, L’arbitrage familial est un atout dans le processus de déjudiciari- cncdh.fr. sation qui s’amorce : Gaz. Pal. 9 avr. 2019, n° 347j3, p. 10. 7 A. Pirovano (dir.), Changement social et droit négocié – De la résolution des 14 B. Savouré, Le notaire et l’arbitrage sur les questions familiales d’ordre conflits à la conciliation des intérêts : Economica, coll. Droit, 1988. patrimonial, une évidence pour bientôt : ce numéro, p. 35. Page 6 © LEXISNEXIS SA - LA SEMAINE JURIDIQUE - ÉDITION GÉNÉRALE - SUPPLÉMENT AU N° 7-8 - 17 FÉVRIER 2020
LES NOUVEAUX MARCHÉS DE L’ARBITRAGE : VERS UNE PRIVATISATION DE LA JUSTICE ? COLLOQUE DU 20 DÉCEMBRE 2019 L’arbitrage fait partie de l’offre de justice plurielle qui est por- droit ni construire en équité une solution. Et que dire des modes tée politiquement par des gouvernements de couleur politique amiables où le tiers propose une solution technique aux parties ? différente15. Que l’on songe à la réécriture des articles 2059 à Cette « amiable d’adhésion »18 à prendre ou à laisser ne donne 2061 du Code civil qui n’interdisent plus purement et simple- pas lieu à négociation et encore moins à réconciliation. Quant ment les arbitrages conclus hors activité professionnelle mais les aux arbitrages en ligne proposés par certains professionnels, rendent uniquement inopposables à la partie non profession- ils s’apparentent souvent plus à des réponses de service clients nelle. Que l’on songe encore aux dispositions tant décriées de qu’à de réels modes de résolution des différends19. Se dessine ici la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation et de une palette de modes alternatifs au recours au juge étatique où réforme de la justice ajoutant des articles 4-1 à 4-7 à la loi J21 l’imagination construit des modèles originaux. C’est ce qui rend pour réguler les médiations et arbitrages numériques. La nou- l’encadrement minimal des plus complexes, si on veut bien se velle économie procédurale repose sur le décalage temporel de rappeler que l’extension de l’offre peut atteindre des justiciables l’intervention du juge, devenu ultime recours, juge régulateur vulnérables et qu’il n’existe aucune garantie de présence d’un ou superviseur d’une justice rendue en dehors des murs du professionnel du droit averti. prétoire. 4 - Les enjeux liés aux nouveaux marchés de l’arbitrage. – Per- 3 - Une question de conception. – Il faudrait pouvoir analyser mettre aux justiciables de recourir plus massivement à l’arbi- le marché émergent, ce qui n’est pas chose aisée. L’une des dif- trage est justifié par le fait que la justice ne peut pas tout et que ficultés provient de la confusion parfois entretenue entre arbi- les justiciables peuvent librement, choix offert et jamais imposé, trage, amiable et mode simplifié de résolution des différends. décider de recourir à une justice privée. Le calcul économique Théoriquement, la différence est du coût de l’arbitrage par rapport aisée. L’arbitrage, qui a une source à la justice étatique gratuite, mais contractuelle, conduit à une sen- « Permettre aux justiciables de coûteuse en temps et en efforts, tence imposée qui a autorité de recourir plus massivement à peut y conduire. Le parallèle est chose jugée. Le mode amiable, l’arbitrage est justifié par le fait ainsi fait avec le système de santé. quant à lui, permet aux parties de Libre à ceux qui en ont les moyens construire ensemble la solution de que la justice ne peut pas tout. » de se faire soigner dans des établis- leur différend et de s’en extraire sements privés, plus coûteux mais à tout moment. Elles gardent la main de bout en bout. Enfin, où le service est plus rapide et confortable. Il n’y aurait rien de les modes simplifiés de résolution des différends offrent une choquant à ce qu’en décidant de se faire soigner ou juger dans le procédure simplifiée, voire quasi inexistante pour obtenir une privé, on obtienne satisfaction tout en désengorgeant les hôpi- solution qui peut demeurer étatique. Pourtant, en pratique, taux comme les juridictions. des plateformes à destination d’un large public non averti ne L’extension du domaine de l’arbitrage amène alors à ce qui mettent pas suffisamment l’accent sur ces différences pourtant pourrait être une « banalisation de l’arbitrage »20 conduisant fondamentales pour la teneur de l’engagement et la garantie à un marché de prêt à porter là où l’arbitrage avait une image d’un consentement libre et éclairé des parties. haut de gamme quasi inaccessible au vulgum pecus. La banalisa- La différence entre arbitrage et les modes amiables de résolu- tion servirait la démocratisation de l’accès à cette autre justice. tion des différends n’est pas évidente. « Justice lénifiante »16, Cela conduirait alors à une nécessaire adaptation du régime l’arbitrage est souvent présenté comme un premier pas vers de cette « bête curieuse »21 liée à l’intervention de nouveaux la pacification des relations sociales. Ainsi, le projet de loi de acteurs. Motulsky lui-même, bien que favorable à l’arbitrage programmation pour la justice avait placé l’arbitrage dans un qu’il rattachait au droit naturel22 était prudent lorsque des rap- chapitre dédié aux modes amiables avant que le titre ne soit ports déséquilibrés entre les parties étaient en cause. S’agissant rectifié. Dans la pratique, ensuite, dès lors que les clauses de de l’arbitrage en droit du travail, par exemple, il considérait med arb se multiplient mettant en place successivement, voire simultanément, une médiation et un arbitrage, les distinctions 18 Sur cette notion, V. S. Amrani-Mekki, Chantier de l’amiable : concevoir se brouillent. Mieux, la procédure d’arbitrage baseball ou last avant de construire : JCP G 2018, suppl. au n° 13, 26 mars 2018, p. 63 et s. offer arbitration17, où l’arbitre n’a d’autre possibilité que de 19 Rapp. L’arbitrage en ligne, préc. note 9 : « ce mode de règlement de litiges choisir l’une des offres des parties, est d’une nature singulière. resterait bien proche d’une procédure de service clients mis en place par les entreprises ». – L. Degos, Justice numérique et justice judiciaire, Il tranche le litige sans accord des parties mais sans appliquer le contradiction et aléa : JCP G 2018, suppl. au n° 13, 17 déc. 2018, p. 38, § 5. Le service Flight Right « n’est pas vraiment un mécanisme juridique de 15 M.-C. Dalle, L’arbitrage, une justice alternative pour une nouvelle offre de résolution des litiges mais plutôt un traitement macroéconomique de la justice : ce numéro, p. 12. masse des réclamations qui sont réglées par le biais de remises ou rem- boursements bien calculés... En bref une résolution commerciale plus 16 H. Motulsky, Écrits, t. 2, Études et notes sur l’arbitrage : Dalloz, coll. Biblio- que juridique effectuée par la machine ». thèque Dalloz, 2010, p. 29 « l’une des explications du succès de l’arbitrage réside certainement dans cette idée que l’arbitrage présente un pas de 20 P. Tercier, Banalisation de l’arbitrage in Liber Amicorum S. Lazareff : Pe- plus vers l’harmonisation des intérêts sociaux. Au combat réel, disais-je done, 2011, p. 579. s’est substitué le combat symbolique, c’est-à-dire la procédure ; or l’arbi- 21 R. Perrot, Introduction in L’arbitrage une question d’actualité : LPA 2 oct. trage se situe en arrière de la procédure judiciaire ; l’idée de combat s’est 2003, p. 3. davantage émoussée ». 22 H. Motulsky, préc. note 16, spéc. n° 8 p. 15 « l’ancienneté de cette institu- 17 L. Mitrovic : Rev. arb. 2003 p. 1167. – O. Caparasse, La notion d’arbitrage ; tion et son développement montrent que l’existence d’une justice privée quelques réflexions au départ de l’arbitrage baseball in Liber Amicorum G. est ressentie comme un besoin par la conscience collective. On est tenté Keutgen : Bruylant, 2008, p. 357. de parler de droit naturel ». LA SEMAINE JURIDIQUE - ÉDITION GÉNÉRALE - SUPPLÉMENT AU N° 7-8 - 17 FÉVRIER 2020 - © LEXISNEXIS SA Page 7
LES NOUVEAUX MARCHÉS DE L’ARBITRAGE : VERS UNE PRIVATISATION DE LA JUSTICE ? COLLOQUE DU 20 DÉCEMBRE 2019 que « l’arbitrage suppose un équilibre des forces ; partout où différends, se fait alors ressentir. Ensuite, parce qu’un domaine cet équilibre est rompu, l’arbitrage s’asphyxie... l’arbitrage est à non arbitrable, comme le droit des successions, peut le devenir déconseiller dès lors que les deux parties ne se trouvent pas au dès lors que la succession est ouverte26. Face à ces difficultés, même “niveau”23 ». la tentation est grande de vouloir faire sauter le verrou d’une Il ne s’agit pas de rejeter en bloc cette évolution mais de la matière qui historiquement et sociologiquement pouvait être mesurer, d’alerter sur les dangers potentiels pour préconiser la associée à un pré carré étatique. Le déploiement de la liberté mise en place de garanties. Garanties que les arbitres devraient contractuelle en matière familiale27 et l’avènement du divorce appliquer et les juges judiciaires contrôler dès lors qu’interve- par consentement mutuel hors le juge bousculent les postulats nant de manière différée et différente, ils auraient à juger non et révéleraient une disponibilité de la matière. De nombreuses plus du litige mais de l’exequatur des sentences potentiellement voix s’élèvent ainsi pour modifier l’article 2060 du Code civil, plus nombreuses et des recours associés. En effet, on ne peut notamment en ce qui concerne le divorce et la séparation de considérer que le droit des contrats et le droit de la procédure corps28. S’il est possible de divorcer sans juge, pourquoi ne pas à laquelle il est soumis suffit à prévenir toute difficulté dans des le faire devant un juge privé ? Cela serait révélateur précisément rapports structurellement déséquilibrés et dans des matières d’une disponibilité de la matière. empreintes d’ordre public. Si l’arbitrage est présenté comme Pourtant, il faut souligner que la question ne se pose pas dans « figure de proue du modernisme juridique »24, il ne faudrait les mêmes termes29. Il ne faut pas, tout d’abord, mettre sur le pas que cela empêche toute critique. même plan les divorces par consentement mutuel et les di- C’est la raison pour laquelle il faut se poser la question préalable vorces contentieux. L’amiable sur la solution serait plus fort que de l’arbitrabilité des nouveaux domaines investis par l’arbitrage l’accord sur les modalités de résolution. Ensuite et surtout, le (1). Par ailleurs, la procédure arbitrale structurée dans le Code divorce hors le juge ne se fait pas hors contrôle car il impose la de procédure civile n’est pas forcément adaptée à ces nouveaux présence de deux avocats, puis l’intervention d’un notaire30. Or, domaines ni aux nouveaux supports numériques. Le Code de en l’état, l’arbitrage n’impose ni l’un ni l’autre. procédure civile prévoit lui-même un corpus de règles spéci- Certes, il est difficile de concevoir qu’une même matière soit fiques à certaines matières. C’est alors la capacité d’adaptation d’une disponibilité à contenu variable. Cependant, la sensibilité de la procédure arbitrale qui doit être éprouvée (2). Enfin, la de la matière devrait justifier que sa disponibilité soit condi- massification souhaitée du recours à l’arbitrage conduit à faire tionnée à l’intervention de professionnels de nature à assurer intervenir des arbitres nouveaux pour lesquels l’émergence d’un l’égalité des armes des parties. Est-ce à dire que l’arbitrabilité du statut spécifique est souhaitable (3). divorce doit dépendre des modalités procédurales ? La question se pose légitimement dans cette matière et dans d’autres où des 1. La matière arbitrable remodelée garanties procédurales renforcées pourraient compenser la dis- ponibilité relative de la matière. 5 - La nécessaire arbitrabilité des litiges. – L’arbitrabilité des Cette limite liée à l’arbitrabilité n’est cependant pas suffisante litiges est traditionnellement limitée aux matières disponibles. car il faut lui associer une limite classique du droit des contrats L’origine contractuelle de l’arbitrage suppose qu’il soit possible mais qui prend ici un sens tout particulier, celle du consente- de compromettre. C’est la raison pour laquelle l’article 2059 ment libre et éclairé. du Code civil dispose que « Toutes personnes peuvent compro- mettre sur les droits dont elles ont la libre disposition » et que l’article 2060 précise qu’« on ne peut compromettre sur les ques- tions d’état et de capacité des personnes, sur celles relatives au 26 En ce sens, A. Devers, L’arbitrage en droit de la famille : Dr. famille 2019, divorce ou à la séparation de corps ou sur les contestations inté- dossier 7. « Le litige n’est pas inarbitrable par cela seul que des droits ressant les collectivités publiques et les établissements publics et d’ordre public sont en jeu puisque “l’arbitre a non seulement le pouvoir plus généralement dans toutes les matières qui intéressent l’ordre d’appliquer une règle d’ordre public, mais également le pouvoir d’en sanctionner par sa sentence la violation” ». « Ainsi, une fois la succession public ». L’ordre public ne suffit pas à empêcher l’arbitrage. ouverte, l’existence de droits que les héritiers réservataires tiennent de La référence aux matières disponibles est ainsi plus heureuse. la loi ne leur interdit pas, selon nous, de soumettre leur litige à l’arbi- Malgré tout, la notion n’est ni évidente à cerner ni exempte de trage. La difficulté sera toutefois, en présence d’un héritier mineur non émancipé ou d’un majeur protégé, d’obtenir préalablement l’autorisa- contestations. tion du juge des tutelles pour compromettre ». – V. aussi, H. Fulchiron et A. Devers (dir.), Dossier Arbitrage et famille : Dr. & patr. déc. 2017, p. 25 6 - Des matières à disponibilité relative ? – L’exemple du droit de s. – V. Egéa, L’articulation entre l’arbitrage interne et certaines procédures en matière familiale : Dr. & patr. 2017, p. 36. la famille est sans doute celui qui permet le mieux de mettre en 27 S. Amrani-Mekki, La liberté contractuelle en droit processuel de la famille : lumière les difficultés liées à l’arbitrabilité des litiges. D’abord, Gaz. Pal. 11 avr. 2017, hors-série n° 2, n° 291y8, p. 4 et s. – M. Grimaldi, parce que les litiges familiaux entremêlent souvent les questions Liberté contractuelle et ordre public de la famille : Gaz. Pal. 11 avr. 2017, arbitrables et celles qui ne le sont pas25. La nécessité d’un saucis- n° 292d1, p. 11. sonnage, comme en matière de mode amiable de résolution des 28 En ce sens, V. not. E. Mulon, préc. note 13. 29 A. Gongora, ce numéro, p. 33, qui souligne l’attention particulière qu’il faut avoir en présence d’enfants. – C. civ., art. 376 : « Aucune renoncia- 23 H. Motulsky, préc. note 16, spéc. p. 113. tion, aucune cession portant sur l’autorité parentale, ne peut avoir d’effet, si 24 J.-B. Racine, Le droit de l’arbitrage : PUF, coll. Thémis, 2016, spéc. n° 3, ce n’est en vertu d’un jugement dans les cas déterminés ci-dessous ». p. 2. 30 S. Thouret, La place de l’avocat dans l’arbitrage familial : Dr. & patr. 2017, 25 J.-B. Racine, L’arbitrabilité des litiges de droit de la famille : Dr. & patr. déc. p. 41. – R. Vessaud, Questions notariales et arbitrage : Dr. & patr. 2017, 2017, p. 26. p. 46. – Th. Clay, Le notaire, arbitre : JCP N 2016, n° 51-52, 1352. 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LES NOUVEAUX MARCHÉS DE L’ARBITRAGE : VERS UNE PRIVATISATION DE LA JUSTICE ? COLLOQUE DU 20 DÉCEMBRE 2019 7 - L’inopposabilité de l’arbitrage ou le renouvellement du Deuxièmement, elle (qui ?) doit informer les parties sur la consentement. – La légitimité de l’arbitrage repose sur l’accord procédure qui sera menée. À cet égard, l’arbitrage sur les pla- de volonté qui confère pouvoir de juger à l’arbitre. La question teformes est particulièrement intéressant. L’article 4-3 de la loi de la qualité du consentement est dès lors centrale et particuliè- J21, tel que modifié par la loi du 23 mars 2019, dispose que « Les rement sensible lorsque l’arbitrage vise des parties faibles. Or, services en ligne mentionnés aux articles 4-1 et 4-2 ne peuvent sur ce point, le développement de l’arbitrage dans de nouveaux avoir pour seul fondement un traitement algorithmique ou auto- domaines comme sur de nouveaux supports numériques n’est matisé de données à caractère personnel. Lorsque ce service est pas totalement rassurant. L’article 2061 du Code civil, issu de la proposé à l’aide d’un tel traitement, les parties doivent en être loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, dite « loi J21 », dispose informées par une mention explicite et doivent expressément y désormais que « La clause compromissoire doit avoir été accep- consentir. Les règles définissant ce traitement ainsi que les prin- tée par la partie à laquelle on l’oppose, à moins que celle-ci n’ait cipales caractéristiques de sa mise en œuvre sont communiquées succédé aux droits et obligations de la partie qui l’a initialement par le responsable de traitement à toute partie qui en fait la acceptée. Lorsque l’une des parties n’a pas contracté dans le cadre demande. Le responsable de traitement s’assure de la maîtrise de son activité professionnelle, la clause ne peut lui être opposée ». du traitement et de ses évolutions afin de pouvoir expliquer, en L’opposabilité, non pas à un tiers mais à une partie à une clause détail et sous une forme intelligible, à la partie qui en fait la de- dépend de son acceptation mais aussi de la qualité en laquelle mande la manière dont le traitement a été mis en œuvre à son elle a contracté31. Ainsi, un consommateur pourrait, malgré égard ». L’objectif est louable mais la réalisation concrète des la signature du contrat comportant la clause compromissoire, plus difficiles à assurer et à contrôler. refuser l’arbitrage. Partie faible, il pourrait décider de lui préfé- Enfin, il faudrait pouvoir bénéficier d’une information sur la rer le juge étatique, ce qui suppose en quelque sorte un renou- qualité des arbitres, leur expertise comme leur expérience, et vellement de son accord au moment de la mise en œuvre de offrir le choix aux parties. Cependant, la massification sou- l’arbitrage. Pourtant, cette inopposabilité pose la question de sa haitée du recours à l’arbitrage risque de ne pas assurer la réa- praticabilité. Si, du fait du principe lité du consentement et de faire du compétence-compétence, il lui faut passage à l’arbitrage de masse une « Les contrats contenant constituer le tribunal arbitral pour sorte de recours préalable par pro- invoquer l’inopposabilité, la dé- parfois des clauses de style, il cessus simplifié de résolution des marche est coûteuse et nie la force faut s’assurer que les parties différends. Dès lors qu’il s’agit de de l’inopposabilité. Il faut donc saisissent la différence entre un contrats d’adhésion, la réalité du considérer que cette inopposabilité consentement peut être douteuse. peut être constatée par le juge éta- mode amiable et un arbitrage. » Certes, la clause peut être abusive tique, ce qui dépendra en pratique si le professionnel ne prouve pas d’un contrôle préalable de la qualité en laquelle la personne a qu’elle n’entraîne pas de déséquilibre significatif et la partie conclu la convention. peut la dire inopposable. Mais encore faut-il qu’elle le sache ! La projection de l’arbitrage dans des petits litiges du quotidien 8 - La qualité du consentement. – La qualité du consentement charrie ainsi son lot de réflexions consuméristes qui portent ici est étroitement liée à celle de l’information donnée. Les contrats sur le droit fondamental à agir en justice. « Prétendre qu’il faut contenant parfois des clauses de style, il faut s’assurer que les valoriser les alternatives au procès est assurément une mode parties saisissent la différence entre un mode amiable et un arbi- législative et doctrinale. Elle suppose que la notion d’alternative trage et comprennent que cela conduit à renoncer au recours à soit définie : il doit s’agir d’un processus raisonnable condui- un juge étatique32. L’usage des termes « tribunal » ou « juridic- sant à une extinction du litige juridiquement et moralement tion » est à proscrire dès lors que cela peut prêter à confusion acceptable »34. avec l’intervention d’un juge étatique. Une information acces- sible et intelligible doit porter, premièrement, sur la soumission 2. La procédure arbitrale adaptée à l’autorité de la sentence et la renonciation à la justice doit être assurée. Elle devrait aussi souligner les limites au pouvoir de 9 - La permanence d’une réelle procédure ? – Dès lors que l’ar- l’arbitre par une sorte d’avertissement. On constate en pratique bitrage met en jeu des parties structurellement déséquilibrées, au contraire des informations illégales qui peuvent induire les la question du déroulement de l’instance arbitrale qui doit ga- parties en erreur sur l’étendue de l’arbitrage33. rantir l’égalité des armes est essentielle. Or, en cas de recours à une plateforme, il faut constater que le numérique emporte une quasi-disparition de la notion même de procédure. L’oralité 31 Sur la critique de la notion d’opposabilité, V. C. Jarrosson, Les disposi- tions relatives à l’arbitrage dans la loi de modernisation de la justice du peut disparaître ainsi que les temps d’échanges. À l’extrême, la XXIe siècle : Rev. arb. 2016, p. 1022, spéc. n° 25. sentence sur base algorithmique laisse peu de place au contra- 32 Certaines plateformes d’arbitrage en ligne suggèrent l’insertion de dictoire et même à la preuve. clauses compromissoires dans les « contrats de mariage, de pacs… ». Les textes du Code de procédure civile applicables à l’arbitrage C. Pavillon, Justice alternative et numérique : des expériences mitigées aux Pays-Bas in L’obsolescence programmée du juge ?: JCP G 2018, suppl. au disent peu de chose de l’instance, sauf à renvoyer à la plupart n° 51, 17 déc. 2018, p. 51 et s. des principes directeurs. L’article 1464 dudit code dispose 33 Certains centres auraient proposé de statuer sur la garde alternée des enfants, ce qui est juridiquement impossible. V. A. Gongora, ce numéro, p. 33. 34 J.-F. Cesaro, Les alternatives aux contentieux : JCP S 2019, 1164. LA SEMAINE JURIDIQUE - ÉDITION GÉNÉRALE - SUPPLÉMENT AU N° 7-8 - 17 FÉVRIER 2020 - © LEXISNEXIS SA Page 9
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