Justice transitionnelle et responsabilités pour crimes de génocide : Complémentarité ou contradiction?
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UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL FACULTÉ DE SCIENCE POLITIQUE ET DE DROIT DÉPARTEMENT DES SCIENCES JURIDIQUES PROJET DE MÉMOIRE JUR7501 SUJET DE RECHERCHE Justice transitionnelle et responsabilités pour crimes de génocide : Complémentarité ou contradiction? Par Aboubacar Dakuyo (DAKA04097907) Présenté à Bruce Broomhall
TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION .......................................................................................................................... 3 I. PROBLÉMATIQUE ............................................................................................................... 4 II. CADRE THÉORIQUE : LA JUSTICE TRANSITIONNELLE ET LES RESPONSABILITÉS POUR CRIMES DE GÉNOCIDE ............................................................. 14 III. MÉTHODOLOGIE ET SOURCES DOCUMENTAIRES ............................................... 20 IV. PLAN DÉTAILLÉ ............................................................................................................ 22 V. SOURCES ET RÉFÉRENCES PROVISOIRES .................................................................. 25 A) BIBLIOGRAPHIE ........................................................................................................ 25 1. DOCTRINE: MONOGRAPHIES ................................................................................. 25 2. DOCTRINE: ARTICLES .............................................................................................. 26 B) INSTRUMENTS JURIDIQUES INTERNATIONAUX ............................................... 37 1. TRAITÉS ET ACCORDS INTERNATIONAUX ........................................................ 37 2. JUGEMENTS ET DÉCISIONS DES COURS INTERNATIONALES ........................ 38 3. ACTES ET RAPPORTS D’ORGANISATIONS INTERNATIONALES .................... 38 VI. ECHÉANCIER DU TRAVAIL ........................................................................................ 40 Page 2 sur 40
INTRODUCTION Le présent projet de mémoire s’intitule : Justice transitionnelle et responsabilités pour crimes de génocide : Complémentarité ou contradiction? Il a pour ambition de mettre en perspective la justice transitionnelle des périodes post-conflictuelles avec les principes de responsabilité pour crimes de génocide. Pour ce faire, le projet vise d’abord à réfléchir de façon générale sur les expériences de justice transitionnelle dans des pays comme l’ex Yougoslavie, le Rwanda, l’Afrique du Sud, l’Ouganda et la Sierra Leone et ensuite, à confronter de telles expériences avec les exigences du droit international en matière de responsabilité pour les crimes internationaux et en particulier pour le crime de génocide. Notre projet se limitera principalement aux États « hôtes » des crimes de génocide et traitera tout particulièrement des phases de justice transitionnelle. Il ne s’intéressera pas aux périodes de conflit ou avant-conflit avec la possibilité pour les États tiers d’intervenir sur la base de la responsabilité de protéger, doctrine beaucoup plus pertinente aux objectifs de la communauté internationale quant à la prévention des violations massives des droits de l’homme en général et du génocide en particulier. Le projet est subdivisé en six parties. Une première partie consacrée à la problématique, pose les grandes questions qui se posent dans les contextes de justice transitionnelle et leur rapport avec les crimes internationaux en général et le génocide en particulier. Aussi, il sera question des relations entre la justice pénale internationale et les objectifs de réconciliation et de paix1. Une deuxième partie destinée au cadre théorique, définit le contenu normatif des mécanismes de justice transitionnelle et les rapports pouvant exister entre ceux-ci et les responsabilités pour crimes de génocide. Nous évoquerons aussi dans cette partie, les outils conceptuels qui nous permettrons d’élucider les questions que nous nous posons dans la problématique. La troisième partie de ce projet est consacrée à la méthodologie et aux sources documentaires que nous pensons utiles pour l’aboutissement de nos recherches. La quatrième partie exposera un plan provisoire adopté comme ossature du fur mémoire de maîtrise. Bien entendu, ce plan est ouvert à des changements au fur et à mesure que nous évoluons dans nos recherches et dans nos réflexions sur notre sujet. La cinquième partie de notre projet fait l’indication d’une bibliographie provisoire qui 1 Nous considérons que la réconciliation et la paix ne sont pas toujours synonymes. Il nous semble par ailleurs convenable d’affirmer que la réconciliation est une étape vers la paix. Page 3 sur 40
permet d’ores-et-déjà d’avoir une idée sur les monographies, les articles, les jurisprudences de tribunaux et les rapports d’organisations internationales que nous trouvons pertinents pour nos recherches. Enfin, la sixième partie de notre projet définit un échéancier de travail pour la mise des différentes portions de notre mémoire. I. PROBLÉMATIQUE Depuis les vingt dernières années, l’une des questions les plus débattues sur la scène internationale relativement à la lutte contre l’impunité2 dans les pays en transition politique, concerne la justice transitionnelle. Selon les expériences, les mécanismes de justice transitionnelle peuvent fonctionner soit, en marge des institutions ordinaires de l’État, ou soit à travers ces institutions. Leur but est d’assurer la gestion des transitions politiques, le plus souvent le passage d’un régime autoritaire, voire totalitaire, vers un régime démocratique. Il n’existe pas encore une définition complète de la justice transitionnelle, dans la mesure où ces mécanismes régissent des situations contextuelles fort diverses et variées. Mais le Rapport du Secrétaire général des Nations Unies au Conseil de sécurité sur le Rétablissement de l’État de droit et l’administration de la justice pendant la période de transition dans les sociétés en proie à un conflit ou sortant d’un conflit, est celui qui a exposé la définition la mieux partagée de la justice transitionnelle. Il définit celle-ci comme étant […] les divers processus et mécanismes mis en œuvre par une société pour tenter de faire face à des exactions massives commises dans le passé, en vue d’établir les responsabilités, de rendre la justice et de permettre la réconciliation. Peuvent figurer au nombre de ces processus des mécanismes tant judiciaires que non judiciaires, avec (le cas échéant) une intervention plus ou moins importante de la communauté internationale, des mesures pénales contre des individus, des indemnisations, des enquêtes visant à établir la vérité, une réforme des institutions, des révocations ou une combinaison de ces mesures3. Plus tard, selon le Rapport du Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non répétition, l’expression « justice 2 Selon le Rapport de l’experte indépendante chargé de mettre à jour l’Ensemble des principes pour la lutte contre l’impunité, Diane Orentlicher, « [l]’impunité se définit par l’absence, en droit ou en fait, de la mise en cause de la responsabilité pénale des auteurs de violations, ainsi que de leur responsabilité civile, administrative ou disciplinaire, en ce qu’ils échappent à toute enquête tendant à permettre leur mise en accusation, leur arrestation, leur jugement et, s’ils sont reconnus coupables, leur condamnation à des peines appropriées, y compris à réparer le préjudice subi par leurs victimes. », E/CN.4/2005/102/Add.1, 2005, à la p 6. 3 Rapport du Secrétaire général des Nations Unies au Conseil de sécurité sur le Rétablissement de l’État de droit et l’administration de la justice pendant la période de transition dans les sociétés en proie à un conflit ou sortant d’un conflit, S/2004/616, 23 août 2004, au para 8, à la p 7. Page 4 sur 40
transitionnelle » est définie comme « l’approche globale en matière de mise en œuvre […] des droits à la justice, à la vérité, à la réparation et à des garanties de non répétition après des violations flagrantes des droits de l’homme et de graves violations du droit international humanitaire »4. À ce jour, on recense en effet, une trentaine d’expériences de justice transitionnelle à travers le monde5. « Leur sédimentation et leur créativité donnent progressivement naissance à une sorte de droit coutumier de la justice transitionnelle en cours de formation »6. Au regard de la définition de la justice transitionnelle, on pourrait se demander si celle-ci et les principes de responsabilité pour les crimes graves du droit international dont celui du génocide, se complètent ou se contredisent à certains niveaux. En effet, la justice transitionnelle qui n’est pas un concept juridique, repose sur quatre axes majeurs qui sont des droits et qui semblent constituer son « noyau dur »7 : poursuivre en justice les auteurs des crimes, initiatives en faveur de la recherche de la vérité, les réparations accordées aux victimes et les garanties de non-renouvellement. Pour parvenir à cette fin, la justice transitionnelle recourt à des mécanismes judiciaires et non judiciaires. L’objectif le plus souvent visé est la vérité8 sur ce qui s’est réellement passé 4 Rapport du Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non répétition, A/67/368, 2012, à la p 3. 5 Philippe Xavier, « Brèves réflexions sur les relations entre justice transitionnelle et constitution », dans Mélanges en l’honneur de Louis Favoreu, Renouveau du droit constitutionnel, Dalloz, 2007, à la p 373. 6 Louis Joinet, « Un état des lieux des principes et standards internationaux Justice transitionnelle », dans Mô Bleeker, La justice transitionnelle dans le monde francophone : état des lieux, Conférence Paper 2/2007, Dealing with the Past – Series, Séminaire international de Yaoundé, 4-6 décembre 2006, à la p 14. 7 Nous empruntons l’expression « noyau dur » des Droits économiques, sociaux et culturels (DESC). Le « noyau dur » ou « minimum core content » des DESC est l’obligation fondamentale minimum ou le seuil de raisonnabilité en dessous duquel les mesures sociales d’un État ne doivent pas descendre. Les mesures sociales étatiques doivent satisfaire le « noyau dur » des DESC, sauf en cas de contrainte financière excessive. Cette analogie s’inspire du fait que plusieurs instruments des Nations Unies mettent au cœur de la justice transitionnelle ces quatre éléments. Voir entre autres, le Rapport de Louis Joinet au Conseil économique et social des Nations Unies sur la Question de l’impunité des auteurs des violations des droits de l’homme (civils et politiques), Rapport final révisé, E/CN.4/Sub.2/1997/20/Rev.1, (1997), le Rapport du Secrétaire général des Nations Unies au Conseil de sécurité sur le Rétablissement de l’État de droit et l’administration de la justice pendant la période de transition dans les sociétés en proie à un conflit ou sortant d’un conflit, S/2004/616, 23 août 2004. Le Rapport de l’experte indépendante Diane Orentlicher au Conseil économique et social des Nations Unies, supra note 2. Dans la doctrine, on peut citer Juan E. Méndez, « National Reconciliation, Transitional Justice, and the International Criminal Court », (2001) Ethics & International Affairs 25, à la p 26. Juan E. Méndez, « Accountability for Past Abuses », (1997) 19 Human Rights Quarterly 255, à la p 261. 8 Dans la plupart des cas, les populations et surtout les victimes ont besoin de la vérité. Dans les instruments onusiens, il est d’ailleurs parlé de « droit de savoir ». Priscilla B. Hayner a critiqué l’idée d’un droit universel à la vérité dans un de ses premiers textes. En effet, selon elle, dans certains cas dont la Mozambique, la société ne voulait pas connaître la vérité, ce pour plusieurs raisons. Voir Priscilla B. Hayner, « International Guidelines for the Creation and Operation of Truth Commission: A Preliminary Proposal » (1996) 59 Law & Contemporary Problems 173, aux pp 176-178. Page 5 sur 40
et l’administration de la justice de façon assouplie9, tout en espérant la réconciliation au sein de la société10. Or, pour réconcilier des communautés longtemps déchirées par un conflit, il arrive parfois que les mécanismes de justice transitionnelle soustraient certaines personnes de leur responsabilité pénale individuelle11. C’est la situation par exemple où on procède à des amnisties générales ou partielles pour des auteurs de violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire12. Avant le jugement des Grands criminels de guerre de Nuremberg et de Tokyo, le droit international classique ne reconnaissait pas la responsabilité pénale individuelle pour des actes internationalement illicites accomplis par des organes de l’État13. Ces actes engageaient plutôt la responsabilité internationale de l’État, en tant que sujet privilégié du droit international public. Mais après la deuxième guerre mondiale, les tribunaux militaires internationaux vont reconnaître la responsabilité pénale individuelle des supérieurs hiérarchiques et mêmes des chefs d’État, notamment lorsque des crimes internationaux étaient commis sous leur ordre, ou sans qu’ils n’agissent pour les en empêcher14. À ce titre, le Tribunal de Nuremberg, déclarait dans une de ses décisions 9 Bien que la justice soit fondamentale selon les Nations unies, dans les périodes de transition où de graves violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire ont été commises, il est des expériences de justice transitionnelle où celle-ci pose de sérieux problèmes. Voir entre autres, Stephan Landsman, « Alternative Responses to Serious Human Rights Abuses: of Prosecution and Truth Commission », 59 (1996) Law & Contemporary Problems 81, aux pp 84-86. 10 Ce but est le plus souvent mis comme élément central des mécanismes de justice transitionnelle. La recherche de la réconciliation à tous les prix, amène certains États à négliger les autres éléments du « noyau dur » de la justice transitionnelle, alors que tous les éléments doivent être traités de façon indépendante. Voir Juan E. Méndez, « National Reconciliation, Transitional Justice, and the International Criminal Court », supra note 7 à la p 28. 11 C’est l’exemple de l’Afrique du Sud où de nombreuses personnes ont bénéficié d’une amnistie à l’égard de certains crimes en contrepartie de la vérité. Le Rapport disait que : « in order to advance such reconciliation and reconstruction, amnesty shall be granted in respect of acts, omissions and offenses associated with political objectives and committed in the course of the conflict of the past […] », 1 Truth and Reconciliation Commission of South Africa: Report 5-6, à la p 103. Voir aussi, Benjamin N. Schiff, « Do Truth Commission Promote Accountability or Impunity? The Case of the South African Truth and Reconciliation Commission », dans M. Scherif Bassiouni ed., Post-Conflict Justice, Ardsley, New York, Transnational Publishers, 2002, aux pp 325-343, à la p 329. 12 Nous avons en mémoire les expériences de l’Amérique latine dans les années 1980 et l’expérience de l’Afrique du Sud en 1993. Les Accords d’Amnistie peuvent aussi être cités en exemples. Voir le cas des Accords de Lomé discutés par Antonio Cassese, « The Special Court and International Law: The Decision Concerning the Lomé Agreement Amnesty », (2004) 2 Journal of International Criminal Justice 1130. Mais de nos jours, ces situations semblent être rares et le problème de l’amnistie de facto pose de plus en plus de problème. 13 Voir Dionisio Anzilotti, « La responsabilité internationale des États à raison des dommages soufferts par des étrangers », Revue Générale de droit international public », 1966, à la p 288. Jean-Pierre Queneudec, La responsabilité internationale de l’État pour les fautes personnelles de ses agents, Paris, L.G.D.J, 1906, aux pp 6-8. 14 Voir les articles 6, 7 et 8 de l’Accord concernant la poursuite et le châtiment des grands criminels de guerre des Puissances européennes de l'Axe et statut du tribunal international militaire. Londres, 8 août 1945, (ci-après, Tribunal de Nuremberg), . Voir également, l’article 6 de la Charte du Tribunal international militaire de Tokyo, International Military Tribunal for the Far East Charter (IMTFE Charter), . Pour une revue de la doctrine sur la responsabilité du supérieur hiérarchique, on peut utilement consulter, Beatrice I. Bonafé, « Finding a Page 6 sur 40
célèbres que, « [c]rimes against international law are committed by men, not by abstract entities, and only by punishing individuals who commit such crimes can the provisions of international law be enforced »15. Cette formulation trouvée dans le jugement de Nuremberg semblait consacrer la responsabilité pénale individuelle exclusive en cas de commission de crimes internationaux par des agents de l’État. Mais la doctrine dominante et la jurisprudence contemporaine s’accordent à dire qu’il s’agit en réalité d’une concurrence de responsabilité pour la plupart des crimes internationaux et en particulier, pour le crime de génocide16. Dans l’arrêt de la C.I.J sur l’Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), la Cour cite les commentaires de la Commission du Droit international (CDI) sur la responsabilité étatique pour fait internationalement illicite en ces termes : Dans le cas de crimes de droit international commis par des agents de l’État, il arrivera souvent que ce soit l’État lui-même qui soit responsable pour avoir commis les faits en cause ou pour ne pas les avoir empêchés ou réprimés. Dans certains cas, notamment celui de l’agression, l’État sera par définition impliqué. Mais même dans ces cas, la question de la responsabilité individuelle est en principe à distinguer de celle de la responsabilité des États. L’État n’est pas exonéré de sa propre responsabilité pour le comportement internationalement illicite par le fait qu’il a poursuivi et puni les agents publics qui en sont les auteurs17. Le préambule du Statut de Rome sur la Cour pénale internationale considère que les crimes internationaux sont d’une telle gravité qu’ils ne devraient aucunement faire l’objet d’impunité. Celui-ci déclare en effet que : Proper Role for Command Responsibility », (2007) 5 Journal of Criminal Justice 599. Bing Bing Jia, « The Doctrine of Command Responsibility Revisited, (2004) 3 Chinese Journal of International Law 1. Ilias Bantekas, « The Contemporary Law of Superior Responsibility », (1999) 93 American Journal of International Law 573. L. C. Green, « Command Responsibility in International Humanitarian Law », (1995) 5 Transnational Law and Contemporary Problems 319. William H. Parks, « Command Responsibility for War Crimes », (1973) 62 Military Law Review 1. 15 Procès des Grands criminels de guerre devant le Tribunal militaire international, Nuremberg, jugement, 14 novembre 1947, documents officiels, t. 1, à la p 235. France et al. v. Göring et al., (1946) 22 I.M.T. 203, 13 I.L.R 203. 16 Voir, Pierre-Marie Dupuy, « International Criminal Responsibility of the Individual and International Responsibility of the State», 26 dans A. Cassese, P. Gaeta, J.R.W.D Jones, dirs., The Rome Statute of International Criminal Court: a Commentary, Vol. II, Oxford University Press, 2002. André Nollkaemper, « Concurrence Between Individual Responsibility and State Responsibility in International Law », (2003) 52 Int’l & Comp. L.Q 619, à la p 619. 17 L’arrêt de la C.I.J., sur l’Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007, au para 173 [ci-après, Arrêt sur le génocide]. Voir le Rapport de la CDI, 2001, A/56/10, Commentaire de la CDI sur le projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite, Commentaires sur l’article 58, au par 3. Page 7 sur 40
[r]econnaissant que des crimes d’une telle gravité menacent la paix, la sécurité et le bien-être du monde, [a]ffirmant que les crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale ne sauraient rester impunis et que leur répression doit être effectivement assurée par des mesures prises dans le cadre national et par le renforcement de la coopération internationale, Déterminés à mettre un terme à l’impunité des auteurs de ces crimes et à concourir ainsi à la prévention de nouveaux crimes, Rappelant qu’il est du devoir de chaque État de soumettre à sa juridiction criminelle les responsables de crimes internationaux18. […] [Affirmant entre outre qu’] « [a]ucune disposition du présent chapitre ne doit être interprétée comme limitant ou affectant de quelque manière que ce soit les règles du droit international existantes ou en formation qui visent d'autres fins que le présent Statut »19. Compte tenu de la gravité des crimes internationaux, la CPI a obtenu mandat de la communauté des États parties à son Statut pour veiller à ce que ces crimes ne restent pas impunis. Pour ce faire, le principe est toujours la priorité de compétence des juridictions nationales, « à moins que [l’État] n’ait pas la volonté ou soit dans l’incapacité de mener véritablement à bien l’enquête ou les poursuites »20. Qu’en est-il cependant du génocide lorsque celui-ci fait l’objet d’une justice transitionnelle? Ces mécanismes qui visent très souvent la réconciliation post-conflictuelle sont-elles conciliables avec le mandat confié à la CPI? Lorsque dans la période de transition politique, les certains criminels sont amnistiés, cela est-il une négation de la volonté de la communauté internationale de prévenir l’impunité des crimes internationaux? La paix et la justice sont-elles conciliables? Ou laquelle a priorité pendant les périodes post-conflictuelles? Peut-il y avoir de paix sans qu’il y ait d’abord de justice? La CPI peut-elle totalement ignorer les démarches en vue de la réconciliation et de la paix et poursuivre les présumés auteurs de génocide? La CPI doit-elle se retenir de toutes poursuites quand celles-ci pourraient mettre en péril tous les efforts mis en œuvre pour aboutir à la réconciliation et à la paix? Quel est le contenu de la notion d’« intérêts pour la justice »21 qui peut conduire le Procureur de la CPI à ne pas poursuivre les crimes internationaux, y compris le crime de 18 Préambule du Statut de Rome sur la Cour pénale internationale, 17 juillet 1998, A/CONF.183/9, (entrée en vigueur le 1er juillet 2002). [Ci-après, Statut de Rome sur la CPI] 19 Article 10 du Statut de Rome sur la CPI, supra note 18. Ce qui indique indirectement que la responsabilité pénale individuelle à laquelle est Statut est consacrée est sans préjudice à la responsabilité de l’État. 20 Pour l’exigence du principe de complémentarité, voir l’article 17 du Statut de Rome sur la CPI. 21 Cette phrase apparaît dans plusieurs Articles du Statut de Rome sur la CPI, ainsi que dans les Règles de procédure et de preuve, mais elle n’est jamais définie. Par exemple, l’Article 53(1)(c) exige que pour prendre sa décision de ne pas poursuivre, « le Procureur examine : […] s’il y a des raisons sérieuses de penser, compte tenu de la gravité du crime et des intérêts des victimes, qu’une enquête ne servirait pas les intérêts de la justice. » On la trouve aussi dans les Articles 55(2)(c), 65(4) et 67(1)(d), de même que dans les Règles 69, 73, 82, 100, 136 et 185. Page 8 sur 40
génocide? Sur quelles bases la CPI peut poursuivre une personne déjà jugée par les mécanismes de justice transitionnelle, sans que l’intéressé ne puisse invoquer la règle Ne bis in idem? Dans quelle mesure peut-il exister un arrimage harmonieux entre les mécanismes de justice transitionnelle et les principes de responsabilité pour crimes de génocide? Dans le présent projet de mémoire, nous allons nous appesantir sur le crime de génocide. Cela s’explique par plusieurs raisons : D’abord, parce que selon la doctrine, le génocide est le crime international se situant au sommet de la pyramide des crimes internationaux22 et est à cet égard considéré par la jurisprudence et par certains auteurs comme étant le « crime des crimes »23. Pour d’autres y compris la jurisprudence, le génocide est le prototype même du crime de jus cogens24. Ensuite, selon un courant de la doctrine, le fait que le génocide soit un crime du « droit des gens » tel qu’affirmé par la Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide25, fait que celui-ci peut être poursuivi par tous les États parties sur la base de la compétence universelle26. Par ailleurs, l’intérêt d’étudier notamment le crime de génocide se trouve aussi dans la triade de responsabilités qu’enclenche sa commission selon la distinction consacrée dans l’arrêt de la Cour internationale de justice (ci-après, C.I.J.) du 26 février 200727: La responsabilité internationale étatique pour manquement à l’obligation de prévention et de répression du crime de génocide28 ; la responsabilité internationale étatique pour 22 David L. Nersessian, Genocide and Political Groups, Oxford University Press, 2010 à la p 178. Notons cependant l’existence du débat quant à l’existence d’une hiérarchie entre les crimes internationaux. Voir à ce titre, Allison Maston Danner, « Constructing a Hierarchy of Crimes in International Criminal Law Sentences », (2001) 87:3 Virginia Law Review 415. 23 Procureur c. Kambanda (Cas No. ICTR-97-23-S), Jugement et Sentence, au para 16 (ICTR Chambre d’instance I, 4 Septembre 1998); Procureur c. Serashugo (Cas No. ICTR-98-39-S), Sentence, au para 15 (ICTR Chambre d’instance I, 5 Février, 1999). Ceci est le point de vue du Professeur Schabas qui soutient que le génocide est au somment de la pyramide des crimes internationaux. William A. Schabas, Genocide in International Law: The Crime of the crimes, Cambridge, Cambridge university press, 2è éd., 2009, à la p 11. 24 Pour l’interdiction du génocide en tant que norme de jus cogens, voir Réserve à la Convention sur le génocide, Avis consultatif : C.I.J. Recueil 1951, à la p 15. [Ci-après, Avis consultatif de 1951]. Paola Gaeta, « On What Condition Can a State Be Held Responsible for Genocide? », (2007) 4 European Journal of International Law 18, à la p 632. Voir aussi, Antonio Cassese, International Criminal Law, Oxford, Oxford University Press, 2003, aux pp 315-316. Antonio Cassese, « The Special Court and International Law: The Decision Concerning the Lomé Agreement Amnesty », supra note 12. 25 Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, 9 décembre 1948, 78 R.T.N.U, (Entrée en vigueur : 12 janvier 1951). 26 William A. Schabas, supra note 23 aux pp 426-429. L’auteur souligne le procès d’Adolf Eichmann par la Cour suprême de Jérusalem en 1960 sur la base de la compétence universelle, en notant avec regret que cette action audacieuse ne fut par suivie après par la pratique des États. 27 Arrêt sur le génocide, supra note 17. 28 Ibid au para 166 et suivant. Page 9 sur 40
commission du crime de génocide par des agents de jure ou de facto de l’État29 et la responsabilité pénale individuelle pour commission du crime de génocide. Mais dans le cadre de ce projet de recherche, nous choisissons de ne pas aborder le volet obligation de prévention. À notre avis, bien que le génocide ne soit pas facile à distinguer des autres crimes sur le plan juridique, et depuis sa qualification de jus cogens dans l’Avis consultatif de 195130, il est peut-être possible d’affirmer que la réconciliation dans un contexte de génocide sans un élément de justice serait difficilement imaginable. Aussi, le fait que génocide est central au débat sur la responsabilité de protéger et que sa prévention fait l’objet d’un mandat spécial du Secrétaire général des Nations Unies (ce qui n’est pas le cas des autres crimes internationaux), sont autant d’indices qui montrent que ce crime a une capacité de mobilisation politique toute particulière, quoi qu’il en soit de sa supériorité juridique. C’est pour toutes ces raisons que nous choisissons de nous focaliser sur le crime de génocide en particulier. Il nous semble dès lors utile dans le cadre de nos réflexions de faire la différence entre le génocide et les autres crimes internationaux. Contrairement à la justice transitionnelle dont l’objectif est dans un nombre de cas la recherche de la vérité en vue de la réconciliation et la paix31, la justice pénale ordinaire ou internationale participe dans une moindre mesure à la recherche de la vérité dans le cadre des conflits de transition. Son principal objectif demeure surtout et avant tout la mise en œuvre de la responsabilité pénale individuelle des auteurs des crimes graves du droit international. La réconciliation nationale et la paix ne font généralement pas partie de sa mission première32. Aussi, de façon pratique, l’expérience a montré que les exactions dépassent souvent la capacité judiciaire du pays concerné ou des juridictions 29 Ibid au para 384 et suivant. 30 Avis consultatif de 1951, supra note 24. 31 Il est toutefois vrai que la vérité n’est pas toujours compatible avec le but de la réconciliation et de la paix. Dans certains cas, la « vraie » vérité a plusieurs chances de ne pas conduire à la réconciliation et à la paix ou à tout le moins rend ces buts très difficiles à atteindre. Dans de pareils cas, la vérité peut être toute construite pour être en phase avec le but poursuivi. Nous en tiendrons compte dans notre mémoire. À ce titre, on peut consulter Susan Thomson, « The Darker Side of Transitional Justice: The Power Dynamics Behind Rwanda’s Gacaca Courts », 83:3 (2011) Africa 373. 32 En effet, le Procureur de la CPI considère que « la question plus vaste de la paix et de la sécurité internationale n’est pas de la responsabilité du Procureur, [mais][…] relève du mandat d’autres institutions. » (Office of the Prosecutor, Policy Paper on the Interest of the Justice, September 2007, at 9). Page 10 sur 40
internationales chargées de juger les crimes. Le plus généralement, dans de pareils cas, ces États ou ces juridictions recourent à une approche de justice sélective33. Cette préoccupation se pose avec plus d’acuité surtout lorsque la transition s’effectue après la commission de crimes de génocide. Des génocides de Srebrenica, du Rwanda et éventuellement du Darfour, ainsi que les crimes contre l’humanité en Côte d’Ivoire, la question de la justice transitionnelle est loin de faire l’unanimité dans la doctrine y relative. Si pour certains, elle se justifie aisément en tant que mécanisme de gestion des périodes transitoires au sein des États34, d’autres par contre s’interrogent sur son fondement et sur sa pertinence35. Pour ces derniers, la justice transitionnelle pose problème du fait de son statut parfois dérogatoire et exceptionnel face aux mécanismes de justice institutionnelle. En effet, des jugements de Nuremberg et de Tokyo à la Cour pénale internationale, en passant par les Tribunaux ad hoc mixtes ou internationaux mis en place par la communauté internationale pour juger les présumés auteurs de crimes internationaux, il est reconnu que ces crimes dont celui du génocide, engagent la responsabilité pénale de leurs auteurs, et que ceux-ci ne peuvent bénéficier d’une immunité de juridiction pour ces crimes devant de tels tribunaux36. Or, en période de transition politique, la justice transitionnelle se présente comme des mécanismes « […] qui considèr[ent] que le traitement du passé est essentiel à la reconstruction et à la démocratisation d’une société au sortir d’un conflit ou d’une dictature »37. S’il est admis que ce « traitement du passé » comprend le droit des victimes à la vérité, à la justice et à la réparation en vue de la réconciliation, comment rapprocher les impératifs de vérité et de réconciliation nationale avec les exigences de responsabilité pour crimes de génocide? Dans ce projet de mémoire, nous pensons que cela passe par une analyse approfondie ainsi que par une conceptualisation des commissions de vérité et réconciliation. Cela nous permettra de mieux comprendre le fonctionnement de ces 33 Pour Juan E. Méndez, la sélectivité fait partie des règles du procès et n’est pas une raison justifiée pour refuser les poursuites. Voir Juan E. Méndez, « Accountability for Past Abuses », supra note 7 aux pp 274-275. 34 Issaka K. Souaré, « Le dilemme de la justice transitionnelle et la réconciliation dans les sociétés postguerre civile : les cas du Libéria, de la Sierra Leone et de l’Ouganda », 39:2 Études internationale 205. 35 Susan Thomson, supra note 31. 36 Sous réserve de l’article 98 du Statut de Rome sur la CPI. Voir aussi, l’Affaire relative au mandat d’arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique). Arrêt C.I.J. Recueil 2002 à la p 2. 37 Kora Andrieu, « Justice transitionnelle, justice fondationnelle : retour sur les journées du consensus national en Côte d’Ivoire. », (2012) Institut des hautes études sur la justice, no 2 à la p 2. Page 11 sur 40
commissions, ainsi que les relations que celles-ci peuvent entretenir avec les tribunaux chargés de poursuivre les auteurs de crimes de génocide. Ce projet a pour objectif principal d’examiner dans quelle mesure les exigences de responsabilité pour génocide peuvent être conciliées avec les mécanismes de justice transitionnelle. Autrement dit, comment ces derniers influencent-ils positivement ou négativement les responsabilités étatiques et responsabilité pénale individuelle pour crimes de génocide. En d’autres termes, comment participent-ils à la construction de la vérité, fondement de la réconciliation nationale et quel rôle jouent-ils sur la justice pénale si importante au droit pénal international? Quelle relation y a-t-il entre les Commissions de vérité et la justice pénale? Comment la mise en œuvre de la justice transitionnelle contribue t- elle aux différentes responsabilités pour le crime de génocide? En effet, si le droit international de la responsabilité étatique exige que l’État ne participe pas à des actes de génocide et qu’il prend des mesures pour les prévenir et les réprimer et si les normes relatives au génocide relèvent du jus cogens comme cela a été constaté depuis l’Avis consultatif de 195138, comment est-ce que l’État peut avoir la moindre marge de manœuvre pour favoriser, dans un contexte de justice transitionnelle où ses propres agents ont commis du génocide, une politique visant la réconciliation nationale qui exige un certain assouplissement de sa pratique en matière de poursuites? Cela ouvre sans doute la porte à des questions d’ordre juridique (licéité des amnisties, portée de l’obligation de poursuivre, implications juridiques du concept de plus hauts responsables, etc.) et politico-philosophiques. On peut avancer que le fondement juridique de la justice transitionnelle est dual. En effet, il provient d’une part, de l’ordre constitutionnel interne qui garantit les droits fondamentaux et organise le cadre normatif dans lequel se déroule la transition, et d’autre part, de l’ordre international qui pose les principes et les règles internationaux à respecter dans l’État en transition. Toutefois, en principe, dès la réception des normes internationales en droit interne, celles-ci acquièrent une valeur supraconstitutionnelle et la justice transitionnelle devrait se conformer à ces normes39. Il pourrait alors se poser la 38 Avis Consultatif de 1951, supra note 24. 39 Article 27 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1155, à p 331. (Entrée en vigueur le 27 janvier 1980). Exceptionnellement, dans les systèmes de common law, la souveraineté Page 12 sur 40
question des réformes constitutionnelles pour intégrer directement ou indirectement les normes internationales relatives à la justice transitionnelle. En prenant comme cas d’études les situations de Srebrenica en ex Yougoslavie et du Rwanda, nous montrerons comment les mécanismes de justice transitionnelle peuvent s’arrimer avec les principes de responsabilité pour crimes de génocide. Les expériences de justice transitionnelle notamment au Libéria, au Rwanda, en l’Afrique du Sud, en l’Ouganda et en Sierra Leone serviront à enrichir notre analyse. Nous essayerons de montrer – et ceci est notre hypothèse principale - que les mécanismes de justice transitionnelle, sans forcément contredire la différentiation des niveaux de responsabilité pour génocide, créent un cadre favorable à cette distinction et peut conduire à la réconciliation post-conflictuelle et à l’instauration d’une paix véritable et permanente. Il est vrai que la recherche de la vérité, de la réconciliation et de la paix peut paraître à première vue inconciliable avec les responsabilités pour crimes de génocide. Nos recherches montrerons dans quelle mesure l’administration de la justice peut se faire en période transitionnelle et ce, en phase avec les règles du droit pénal international, du droit international humanitaire et du droit international des droits de la personne concernant les crimes internationaux. Pour ce faire, il conviendra de comprendre comment fonctionnent les mécanismes de la justice transitionnelle dans un contexte de commission de crimes de génocide. En effet, étant donné que la justice transitionnelle fait intervenir des mécanismes tant judiciaires que non judiciaires, plusieurs questions mériteront notre attention : Quel est le fondement de la légitimité et de la légalité des mécanismes de justice transitionnelle? Quelle forme de justice est poursuivie par ces mécanismes? Le crime de génocide peut-il faire l’objet d’une justice transitionnelle qui ne punit pas ses auteurs? Nous examinerons à ce niveau, le rôle de la communauté internationale, le rôle des tribunaux internationaux et de la compétence universelle40. Nous étudierons également la question de la légalité ou de la légitimité des amnisties locales qui pourraient justifier la non-coopération avec de parlementaire laisse toujours au parlement le droit de légiférer même de manière incompatible avec les obligations internationales de l’État. Nous en tiendrons compte dans nos réflexions. 40 Nous consulterons à cette fin, notamment, le jugement de la C.I.J sur les Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader Belgique c. Sénégal, 20 juillet 2012. Le Rapport de la Commission du droit international à l’Assemblée générale des Nations Unies Troisième rapport sur l’obligation d’extrader ou de poursuivre (aut dedere aut judicare) du 10 juin 2008, A/CN.4/603. Page 13 sur 40
tels mécanismes. Nous nous interrogerons par ailleurs à savoir, quel est le fondement et le point de rupture entre la responsabilité internationale étatique et la responsabilité pénale individuelle pour crimes de génocide en période de transition? L’hypothèse secondaire qui nous permettra de clarifier cette question est que les responsabilités pénale individuelle et internationale étatique sont deux responsabilités ayant d’une part, des fondements et des natures différents et d’autre part, reposent sur des règles primaires distinctes. En effet, lorsque des agents étatiques sont coupables de crimes de génocide, cela entraine une concurrence de responsabilité étatique et individuelle, dont le point de rupture se trouve, pour le premier, dans le fait internationalement illicite et pour le second, dans « l’intention fautive » de l’individu. La distinction des deux formes de responsabilité est essentielle, non seulement pour la société internationale dans son ensemble, mais encore et surtout pour les victimes des crimes de génocide. Elle permet de situer les parts de responsabilité aux fins des réparations. Nous nous attacherons à faire la démonstration dans notre mémoire. II. CADRE THÉORIQUE : LA JUSTICE TRANSITIONNELLE ET LES RESPONSABILITÉS POUR CRIMES DE GÉNOCIDE Le présent projet de mémoire s’inscrit dans le cadre du débat tant international que national sur la pertinence de la justice transitionnelle dans les États en transition politique où de graves violations des droits de l’homme ont été commises. Dans ce contexte, il se veut d’abord une présentation du droit international positif relatif à cette question. Pour ce faire, il cherche à dépasser la simple opposition des points de vue des juristes sur les crimes internationaux commis en période de transition politique : les uns, partisans d’une justice punitive, refusent les amnisties générales et considèrent la punition comme seul moyen d’assurer la non-répétition de ces crimes dans l’avenir41; les autres militent en faveur d’une justice restauratrice avec l’acceptation des amnisties dans le but de mettre fin aux conflits, de réconcilier les communautés et d’assurer la paix42. Notre projet de 41 Jeremy Sarkin, « The Trials and Tribulations of South Africa’s Truth and Reconciliation Commission », (1996) 12 South African Journal of Human Rights 617, à la p 620. John Dugard, Reconciliation and Justice: The South African Experience, (1988) 8 Transnational Law & Contemporary Problems 277, à la p 279. Kasaija Phillip Apuuli, « Amnesty and International Law. The Case of the Lord’s Resistance Army Insurgents in Northern Uganda », (2005) 5:2 African Journal on Conflict Resolution, aux pp 33-62. Diane F. Orentlicher, « "Senttling Accounts" Revisited: Reconciling Global Norms with Local Agency », (2007) 1 The Yale international Journal of Transitional Justice 10, aux pp 10-22. 42 Darryl Robinson, « Serving the Interest of Justice: Amnesties, Truth Commissions and International Criminal Court », (2003) 14 :3 European Journal of International Law, aux pp 481-505. Sandrine Lefranc, « La professionnalisation d’un militantisme réformateur du droit : l’invention de la justice transitionnelle », (2009) 3 :73 Droit et société, aux pp Page 14 sur 40
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