Le deuil blanc du parent âgé souffrant de démence - Érudit
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
Document generated on 10/07/2021 6:03 p.m. Frontières Le deuil blanc du parent âgé souffrant de démence Michel Pozo Deuil, blessure vive Article abstract Volume 16, Number 2, Spring 2004 Dementia pathologies essentially create two victims: the person afflicted with the illness and a member of the family, a spouse or child, who, in the capacity URI: https://id.erudit.org/iderudit/1074111ar of principle caretaker or tutor, shares the daily drama of the illness and DOI: https://doi.org/10.7202/1074111ar essentially assumes the brunt of the responsibilities with dedication and courage. In its advanced stages, dementia serves as an image of psychic death, which appears as a harbinger of the physical death to come. The degenerative See table of contents and irreversible character of dementia can bring about a psychic upheaval for the child whose parent is touched by such an illness, notably through a reversal of the relational functioning and a reactivation of the oedipal Publisher(s) positions, ending in an advanced type of mourning, called “deuil blanc” in children, forcing the child into an affective distancing to reduce both suffering Université du Québec à Montréal and anguish. ISSN 1180-3479 (print) 1916-0976 (digital) Explore this journal Cite this article Pozo, M. (2004). Le deuil blanc du parent âgé souffrant de démence. Frontières, 16(2), 22–27. https://doi.org/10.7202/1074111ar Tous droits réservés © Université du Québec à Montréal, 2004 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/
A R T I C L E LE DEUIL BLANC DU PARENT ÂGÉ Résumé Les pathologies démentielles font essen- tiellement deux victimes : la personne qui est atteinte, mais aussi un membre de sa SOUFFRANT famille, conjoint ou enfant, qui, en tant qu’aidant principal ou de tuteur privilé- gié, partage au quotidien le drame de cette maladie et en porte en priorité la DE DÉMENCE lourde charge, le plus souvent avec dévouement et courage. À un stade avancé, le dément renvoie une image de mort psychique, qui précéderait en quelque sorte la mort physique. Le carac- tère dégénératif et irréversible de la démence va entraîner un véritable boule- « L’ANCÊTRE INSUFFISAMMENT BON1 » versement psychique chez l’enfant dont le JOUBERT, 1995. parent est atteint par cette pathologie, notamment par un fonctionnement rela- tionnel qui s’inverse et une réactivation des positions œdipiennes, aboutissant à une sorte de deuil avancé, qualifié de des actes) et gnosies (reconnaissance des Michel Pozo, « deuil blanc » chez l’enfant, le poussant psychologue et gérontologue, Lyon, France. objets, identification des parties du corps à se détacher affectivement du parent et du visage). Cette atteinte s’étend à pour réduire son angoisse et sa souffrance. Si la démence apparaît comme le pro- l’ensemble de la vie psychique, accompa- Mots clés : démence – famille – parent – blème central de la clinique du grand âge, gnée par des troubles du comportement, de enfant – deuil. ce n’est pas par hasard. Les épidémiolo- l’affectivité et de la pensée, et transforme gistes nous livrent un élément de réponse finalement le malade en un être humain de Abstract en nous enseignant que trois facteurs con- plus en plus dépendant, qui verra menacer Dementia pathologies essentially create courent à l’augmentation de sa prévalence. jusqu’à sa capacité de sourire (Gil, 1989). two victims: the person afflicted with the Tout d’abord, l’avancée en âge puisque son illness and a member of the family, a incidence annuelle croît de façon exponen- FAMILLES ET PARENTS ÂGÉS spouse or child, who, in the capacity of tielle avec l’âge. Ensuite, l’espérance de vie La famille correspond à l’ensemble des principle caretaker or tutor, shares the des patients, car elle serait peu différente individus liés par un lien de parenté et dont daily drama of the illness and essentially des sujets sains du même âge. Enfin, l’at- l’ensemble basal est constitué par le père, assumes the brunt of the responsibilities with dedication and courage. In its tention actuelle portée à la maladie la mère et les enfants. La notion de famille, advanced stages, dementia serves as an d’Alzheimer aussi bien dans le public qu’au du moins dans notre culture, est généra- image of psychic death, which appears as niveau médical. Mais, par-delà ces considé- lement moins restrictive et s’étend de façon a harbinger of the physical death to rations scientifiques et socioéconomiques, permanente aux grands-parents. En France, come. The degenerative and irreversible se profile un argument purement psycho- par exemple, cet aspect traditionnel se character of dementia can bring about a logique lié à l’intolérable et à l’insoutenable retrouve dans la législation actuelle qui psychic upheaval for the child whose par- de la démence. stipule le devoir alimentaire des enfants ent is touched by such an illness, notably La démence est un drame humain : drame mais aussi des petits-enfants vis-à-vis des through a reversal of the relational func- pour les soignants qui en ont la charge, drame parents. tioning and a reactivation of the oedipal pour la médecine qui ne dispose d’aucun La famille est le creuset du tissu rela- positions, ending in an advanced type of mourning, called “deuil blanc” in chil- remède pour la combattre, drame pour la tionnel de l’individu. À l’instar du tissu dren, forcing the child into an affective société qui n’est pas préparée à un tel cutané, du tissu cérébral ou de tout autre distancing to reduce both suffering and problème socioéconomique, mais principa- tissu organique, il semble opportun de anguish. lement drame enfin pour le patient et sa parler de tissu relationnel, indispensable famille dont les liens sont chaque jour à à l’homme pour une vie raisonnable. C’est Key words: dementia – family – parent – reconstruire : « La démence est une patho- dans le cadre familial que ce tissu apparaît, child – mourning. logie du désespoir articulée avec une dépres- se développe et se façonne. Toute lésion sion familiale », souligne J. Maisondieu (1989). de ce tissu peut aboutir à de véritables La pathologie démentielle se définit en hémorragies affectives. Les médecins effet par une altération progressive et irré- connaissent bien les risques encourus à versible de l’ensemble des fonctions supé- institutionnaliser un sujet notamment trop rieures : mémoire, orientation dans le temps jeune ou trop âgé. et l’espace, attention et jugement, langage, La famille est évolutive et elle est praxies (capacité d’accomplir des gestes et un organisme vivant. Les rapports entre FRONTIÈRES ⁄ PRINTEMPS 2004 22
ses membres qui définissent la place et assumée par la famille, sans aucune aide soignant. Ils ne font pas partie de cette le rôle de chacun sont déterminés par des des professionnels (Featenu, 1991). famille naturelle : ils ne connaissent ni les paramètres qui diffèrent d’une société Les descendants font partie des aidants dettes, ni les dons circulant dans cette à l’autre. Rien n’est acquis. L’autorité, la naturels, ceux qui « légitimement » devraient cellule familiale. référence, le pouvoir peuvent être détermi- subvenir aux soins de leur parent ou leur Le transgénérationnel n’est pas leur nés par la croyance, l’âge, le sexe, le savoir, conjoint. Légitimement, selon une homéo- affaire : ils peuvent, à la limite, s’inscrire la force physique… Les personnes âgées stasie de circulation des aides au sein du dans une intergénérationnalité de type ont ainsi eu une place variable dans la groupe familial. Les solidarités familiales se social et non familial. C’est ce que nous famille. Prépondérantes, honorées, adulées, maintiennent et prennent source dans la appelons la solidarité nationale. Dans l’his- elles peuvent également être rejetées, dette symbolique que les enfants ont (ou toire de la prise en charge des personnes méprisées. pensent avoir) vis-à-vis de leurs parents. âgées, celle-ci est longtemps restée une Le passage d’une société de type rural à Cette notion de dette, induite par le don affaire privée qui concernait les membres une société à développement industriel, (initial) de la vie par ses géniteurs, le don de la famille et donc se faisait « naturelle- d’une part, et l’accroissement de la popula- affectif et toutes les autres formes de sou- ment » pour la majorité des cas. L’évolution tion âgée de plus de 65 ans, d’autre part, tien, impliquerait des rapports intergénéra- de la société et les progrès de la médecine ont été déterminants pour l’évolution de la tionnels, principalement entre l’âgé et l’enfant posent différemment le problème des per- structure familiale et de son rapport à la adulte, fondés sur la réciprocité, l’équité et sonnes âgées : les aidants naturels ne peu- personne âgée. En effet, pour la première le devoir de rendre à son tour pour s’affran- vent pas toujours répondre à cette demande fois dans l’histoire, deux générations adultes, chir de la dette contractée envers ses parents. de prise en charge des aînés. Ce phénomène parents et enfants, coexistent longuement. « Quand j’étais petit, tu m’as soigné quand s’accentue quand la question de la dépen- On assiste à ce que les démographes j’étais malade, c’est à mon tour maintenant » dance vient compliquer quelque chose appellent « l’emboîtement des générations ». dans une sorte de dette remboursée. « Je me de naturel. Les relations de la personne âgée avec suis occupé de mes parents, mes enfants Selon une enquête de la Caisse nationale sa famille constituent un vaste champ s’occuperont de moi » dans une circulation d’assurance vieillesse réalisée en 1990, la d’investigation et, pour cet article, nous de la dette à la génération suivante. dépendance concerne 29 % des 75 ans et avons choisi de privilégier l’analyse des Les aidants naturels sont inscrits dans plus. Parmi eux, 60 % reçoivent une aide relations entre les parents âgés et leurs une transgénérationnalité du sens de la informelle de l’entourage. Ce sont surtout enfants. Ces relations se déroulent norma- famille. En revanche, les soignants sont des les femmes qui sont désignées ou s’auto- lement tant que la personne âgée conserve aidants non naturels, dans le sens où ils ne désignent comme aidants naturels (une fille un rôle à l’intérieur de la famille, que ce sont pas naturellement désignés pour dans 63 % des cas, et une belle-fille dans soit au moyen d’échanges de services, d’une accomplir cette tâche, ceci pour bien 9 %). Seuls 29 % des fils s’occupent de leurs solidarité entre les générations. Le rôle le marquer la différence avec la famille et faire parents. Il s’agit en général de fils céliba- plus fréquemment décrit est celui de grands- ressortir le côté délicat de la position de taires. L’appel à l’aide extérieure est plus parents où les parents âgés retrou- important d’ailleurs quand il s’agit de vent avec leurs petits-enfants une fils-aidants : 35 % contre 22 % des relation gratifiante et empreinte de filles-aidantes. Cette prévalence va complicité (Mishara et Riedel, 1994). avoir des conséquences psycholo- En fait, les difficultés commencent giques dans les relations avec les lorsque le parent âgé se dégrade, qu’il professionnels appelés. En effet, la perd tout contrôle à l’intérieur de la majorité du personnel soignant est en famille, qu’il nécessite une attention fait constitué de femmes. constante de la part des enfants. Les Américains évaluent ainsi à Progressivement, on assiste à une 6 millions le nombre de personnes prise en charge des parents par les concernées par le family burden du enfants, prise en charge aussi bien maintien à domicile du parent. Cette matérielle qu’affective qui est suppor- expression qui signifie littéralement tée un temps par la famille jusqu’à fardeau, souci, inquiétude, peut aus- René Derouin, Statuette en céramique noire (barro negro). Photo : Lucien Lisabelle. un point de rupture (affection soma- si se traduire par charge familiale, tique, chute au domicile…) qui pré- terme plus neutre puisqu’il désigne cipite la prise de conscience par les aussi les soins. enfants que le parent âgé ne peut plus Ce fardeau a été mesuré : en ajou- se suffire à lui-même. tant le temps des activités directement liées à l’état du malade (toilette, LE « FARDEAU » habillement, repas, soins d’hygiène, DE L’AIDANT NATUREL que ce soit en effectuant ces activités D’après une estimation de la ou en surveillant leur bon dérou- Fondation nationale de géron- lement) et toutes les tâches maté- tologie, à 65 ans, 1 personne sur 20 rielles de la vie de la maison, on arrive présente des signes d’atteinte démen- aux 50 ou 60 heures par semaine dans tielle et à 80 ans 1 sur 5 (Charazac, ce rôle d’aidant qui est presque tou- 1998). La majorité des personnes jours assumé par un membre de la souffrant de démence vivent à famille (Petit, 2002). domicile, dans une proportion de Mishara (Mishara et Riedel, 1994) 88 % et, dans 50 à 60 % des cas, leur distingue la charge objective, à prise en charge parfois très lourde est savoir les conditions matérielles de la 23 FRONTIÈRES ⁄ PRINTEMPS 2004
cohabitation, et la charge subjective, c’est-à- d’avoir été abandonné par le parent. progressivement son autonomie, partielle dire le retentissement physique et psycho- 4. La culpabilité : qui succède à la colère tout d’abord, puis totale au moment où il logique attribué à cette vie quotidienne. ou au souhait de la mort du parent. quitte sa famille pour créer à son tour une Les différents travaux décrivent le même 5. L’acceptation : lorsque l’entourage a famille. Au moment du vieillissement de ses ensemble de réactions ou de troubles chez compris le caractère irréversible de la parents, on assiste à une relation inversée le caregiver, c’est-à-dire le membre de la maladie qui touche le parent et dans la mesure où ce sont les parents qui famille qui vit avec le parent dément ou accepté que l’être aimé ne soit plus la deviennent dépendants. En effet, il suffit passe le plus de temps avec lui : stress, sur- personne qu’il a connue jadis. d’une situation de rupture (affection soma- menage et altération de la santé physique ; K. Ritchie et al. (1992) ont également tique ou pathologie démentielle) pour que déni de la maladie du parent ou des pro- souligné, sur la base de diverses études de les enfants prennent totalement en charge blèmes qu’elle pose. la littérature anglo-saxonne, l’augmentation les parents. La prise de conscience par les Donaldson et Burns (1999) soulignent d’incidence de la pathologie mentale et enfants que le parent âgé ne peut plus se que lorsqu’un aidant sent que la tâche physique chez les aidants de personnes suffire à lui-même induit de leur part une dépasse sa capacité à y faire face, il se sent démentes, ainsi que leur surconsommation relation d’autorité et de pouvoir qui répète stressé tandis que la même tâche effectuée en psychotropes, même lorsqu’ils n’ont plus les premières relations en sens inverse. À par un aidant se sentant armé pour le faire directement à charge le malade après son cela, il convient d’ajouter la difficulté ne le sera pas. Cette même étude révèle que entrée en établissement gériatrique. Les angoissante et culpabilisante de décider à des variables peuvent interférer sur le stress, auteurs ont réalisé une enquête auprès des sa place quand il a perdu ou abandonné telles que son âge, son sexe, son mode de aidants naturels des personnes démentes son autonomie. parenté (conjoint, enfant), son organisation hébergées dans un service hospitalier : 40 % L’enfant se voit désigné ou se situe de de vie, mais aussi des variables liées à d’entre eux se disent en mauvaise santé et lui-même pour la première fois comme sa personnalité, telles que ses tendances 53 % se disent déprimés. Les résultats de répondant, responsable, « tuteur privilégié » anxieuses ou dépressives préexistantes, la cette étude sont corrélés par ceux constatés selon les formules consacrées (Andrieu, qualité de la relation au parent, l’aide qu’il par Haley (1997) : 30 à 50 % des aidants Bocket, Nourhasi et al., 1999). reçoit de ses proches et de la société. Mais familiaux présentent des signes de dépres- Tendresse, amour, juste retour des la variable la plus déterminante tient à sa sion, et une surconsommation médicale et choses, règlement de compte, devoir, dette, façon d’attribuer les symptômes à la maladie pharmaceutique. Cela, malgré la rareté contrainte coercitive ou compulsive…, du patient ou au patient lui-même. Dans ce d’histoire antérieure de dépression chez quelque part la situation du parent vieillis- dernier cas, l’aidant serait amené à penser la plupart. sant touche, mobilise et pousse à devenir qu’ils sont volontaires, délibérés et sous « bâton de vieillesse ». Un agir, des attitudes, contrôle (« Il le fait exprès »). Ce qui peut LE FONCTIONNEMENT bref, un comportement dit « naturel » ou l’inciter à croire que certaines manifesta- RELATIONNEL INVERSÉ « normal » ou « allant de soi » et qui renvoie tions sont contrôlables par le patient, c’est Être l’enfant d’un parent souffrant de à une inscription familiale s’enracinant leur caractère intermittent, et notamment démence est ainsi une tâche ardue à bien profondément dans l’histoire personnelle l’agressivité qui s’exerce tout particulière- des égards. L’enfant doit tout d’abord de chacun. ment envers l’aidant. Il est donc important affronter les difficultés physiques et surtout Cette inversion acceptée ou refusée, cul- que l’aidant prenne conscience, dès le psychiques de la relation avec son parent. pabilisante ou paniquante, déstabilisante de début, que nombre de manifestations qu’il Mais ici la relation est d’autant plus toutes les façons et renforçant ce vieux supporte difficilement sont en lien avec le contraignante qu’elle est de longue durée dicton : « les parents âgés sont les enfants processus pathologique, c’est-à-dire avec et d’autant plus complexe qu’elle est néces- que l’on a sur le tard », c’est le « je suis une cause externe de contrôle, plutôt sairement parasitée par un lien affectif devenue la mère de ma mère ». qu’attribuable au malade lui-même. intense et ancien. Les sollicitations du Toute une famille est en quête de repères. Les travaux d’É. Kübler-Ross (1975) parent âgé sont pesantes ou vécues comme Derrière la tendresse et l’affection, et sur- sur la survenue de la maladie grave chez telles. Il faut dire que la demande est sou- tout si l’on s’entend bien en famille, sont des patients incurables ont été repris vent ambiguë. Le vieillard veut souvent remis en question le pouvoir, l’autonomie, par Teusink et Mahler (1984). Ils ont pu garder le commandement (position paren- et la place de chacun dans la hiérarchie distinguer cinq étapes dans les réactions tale) tout en se faisant choyer (position familiale. Sur des tonalités anciennes se des familles : régressive donc infantile). La revendication joue avec bonheur ou souffrance la parti- 1. Le déni des troubles : la famille affective est présente en filigrane avec tion d’accompagnement de la toute dernière remarque les troubles de mémoire, l’attente d’être payé en retour de ses efforts étape de vie du parent âgé. Certains s’y mais les banalise en les mettant sur le passés vis-à-vis de ses enfants, et surtout une bousculent, comme le montre la rivalité de compte de l’âge. demande inassouvissable de réassurance certains enfants autour de leur mère, 2. Le surinvestissement : les membres de narcissique, lorsqu’il n’a pas pu, sa vie d’autres la fuient, c’est selon. la famille s’efforcent de compenser durant, acquérir le sentiment d’une identité Dans le soutien à l’âgé, tous les liens l’atteinte du parent devenue impor- suffisamment solide. de parenté peuvent se mettre en scène : tante, en sacrifiant leur vie person- Un autre aspect de cette relation est une conjoint / conjointe, parent / enfant, grand- nelle, sans pour autant s’autoriser à troublante inversion des rôles. Le vieillis- parent / petit-enfant, beau-parent / belle- demander de l’aide à des intervenants sement des parents facilite l’instauration fille ou gendre, frère / sœur, tante ou oncle / extérieurs. d’une prise en charge des parents par les neveu ou nièce, cousin / cousine. Prédomine 3. La colère : ce sentiment, transféré enfants. Si l’on reprend l’histoire de la rela- néanmoins, comme nous le signalions fréquemment sur les professionnels qui tion parents-enfants, la première relation est plus haut, le lien parent-enfant et plus essaient d’apporter leur aide à la fondée sur la dépendance totale de l’enfant précisément mère-fille. famille, est à la fois une réaction à par rapport à ses parents, aussi bien pour À ce propos, comme le souligne I. Simeone l’alourdissement des symptômes du sa survie matérielle que pour son équilibre (1989), il est intéressant de noter que si parent, mais également un sentiment affectif. Lorsque l’enfant grandit, il prend gériatrie est un mot qui se prononce au FRONTIÈRES ⁄ PRINTEMPS 2004 24
féminin, comme démence, il est vrai que il réalise une petite mort à l’égard de son une profonde culpabilité d’abandonner c’est une « langue » parlée au quotidien par parent, il le fait un petit peu mourir et il celui ou celle qui fut son premier objet des femmes : les patientes, les femmes de accomplit ce désir de mort en même temps d’amour. leurs familles, les soignantes. Face à cette qu’il le camoufle car il se sent très coupable. réalité, on peut se demander si l’homme ne Ce désir de mort à l’égard des parents répète LA SITUATION D’INTER-CRISE prend pas d’ailleurs la fuite. Ou s’il ne se une situation que l’enfant a déjà connue. Nous pensons que les difficultés et les propose pas, est-ce parce qu’il y a une En effet, l’enfant, que tout adulte a en lui, a conflits de la famille avec le parent âgé femme qui, tout naturellement, se met en déjà eu ce désir de mort au moment de la peuvent également s’analyser comme une avant, et offre des soins « maternels » ? Car situation œdipienne. Le complexe d’Œdipe rencontre de plusieurs crises : il est vrai que la personne souffrant de est, au plan inconscient, l’ensemble des – la crise du grand âge chez le parent démence réclame essentiellement des soins désirs amoureux et hostiles que l’enfant âgé ; maternants. éprouve à l’égard de ses parents avec un – la crise de la vieillesse : le déclin du Cette mise en acte du fantasme de ren- désir de mort pour le parent du même sexe parent âgé équivaut à une prise de versement de l’ordre des générations peut et un désir sexuel, mais coupable, pour le conscience brutale de son propre être renforcée par la personne démente, parent du sexe opposé. Sans expliciter à vieillissement, et pour l’être abordant notamment lorsqu’il y a confusion entre nouveau le conflit œdipien, on peut penser la vieillesse, c’est une confrontation sa propre mère et sa fille : Mme V. en que lorsque le fils grandit et que le père se dramatique avec un avenir fermé sans me montrant sa fille, me dit : « Je vous dégrade, cette situation se renouvelle, mais la protection magique contre la mort présente ma mère », ou encore Mme D. cette fois c’est le fils qui a le pouvoir. qu’assuraient jusqu’alors les parents ; accueillant sa fille : « Maman, te voilà Le père vieilli se trouve en position – la crise du milieu de la vie où la enfin ! » Pour C. Montani (1994), les des- inférieure et son placement par le fils peut personne occupe sur l’axe temporel cendants, happés dans le filtre d’une recons- être analysé comme une revanche du fils, une place intermédiaire entre le parent truction fantasmatique de la filiation par la un meurtre du père, une sorte de liquida- âgé et dépendant, et l’enfant en phase personne démente, viennent incarner, tion tardive de la situation œdipienne. d’adolescence ou de pré-adulte c’est-à-dire prendre la place des ascendants Cependant, ce désir de mort à l’égard remettant en cause l’autorité parentale disparus. du parent du même sexe s’accompagne et la dépendance qui s’y rattache. En d’une grande culpabilité. L’agressivité et la somme, on se retrouve devant LA RÉACTIVATION culpabilité sont toujours très proches quelqu’un contraint d’abandonner une DE LA SITUATION ŒDIPIENNE comme en témoigne l’agressivité des relation d’autorité avec ses enfants Pour C. Joubert (1996), le fantasme de familles dans les institutions ; cette agressi- pour la déplacer à l’égard de ses mort collective mis en évidence par A. Ruffiot vité est à l’exacte mesure de leur culpabilité. parents. C’est donc à un double deuil (1985) au sein des familles à fonction- Pour M. Myslinski (Myslinski et Simeone, que la personne est confrontée : le nement psychotique est très présent éga- 1986), qui a beaucoup écrit sur les relations deuil de ses parents ou tout au moins lement dans les familles ayant un de leurs entre fille et mère démente, d’une image positive et le deuil de ses parents atteint de démence. Le fantasme de enfants, c’est-à-dire de la relation la mère devient une mauvaise mère, mort collective est en lien avec le déni autorité-pouvoir. associée à la vieillesse, qui devient de la mort individuelle. Les difficultés des enfants sont ainsi donc une mauvaise vieillesse. De Nous croyons en effet, par notre pratique d’autant plus prégnantes qu’elles surviennent rassurante, l’image maternelle devient clinique, que la personne âgée dégradée à une période de leur vie délicate : c’est « la persécutoire, de même que l’image de et dépendante est « porteuse de mort » : génération sandwich » dont parle L. Ploton la vieillesse. Le clivage, la séparation elle incarne la mort et devant le parent très (1990). Faire partie de cette génération, s’opère entre l’objet extérieur – l’objet âgé, l’enfant qui vieillit se trouve confronté c’est être dans la tranche d’âge 50-70 ans. réel, la personne de la mère – et l’objet avec sa propre mort, ce qui l’angoisse. La jeunesse n’est plus et la vieillesse maternel interne – la Mère incorporée Combien de fois recevons-nous des familles commence à se faire sentir. C’est un entre- depuis l’enfance, ayant fonction depuis qui se disent épuisées par la maladie du deux par rapport à des étapes temporelles toujours de réassurance. parent, déprimées, et qui décident un pla- définies : l’âge adulte et la sénescence. Ce cement en maison de retraite car « elles ne C’est la situation de Mme P. qui nous temps que M. Myslinski appelle le temps peuvent plus faire face, elles vont y laisser dit : « Ma mère n’est plus ma mère. Elle n’est de la « maturescence » présente des parti- leur peau … » Ainsi s’exprimait Mme O., plus comme avant, elle est devenue folle. cularités. Sur le plan corporel, les premiers demandant une entrée en institution pour Elle me rend folle, elle qui était si douce signes du vieillissement sont là. Rides, sa mère de 85 ans : « Tous ces trajets que je et si gentille. Elle ne me reconnaît cheveux blancs, presbytie et surtout méno- fais, aller la voir tous les jours, je n’en peux même plus. » pause pour les femmes qui sont les inter- plus, je vais y laisser ma santé… » Comme Il résulte chez la fille le sentiment d’avoir locutrices privilégiées. Pour M. Trouilloud si le parent âgé « vidait » l’enfant de toute détruit, perdu le bon objet, et par consé- (1997), ces filles investissent d’autant plus son énergie, l’affaiblissait, risquait de le quent, de le restaurer, de reconstituer la un rôle de mère vis-à-vis de leur parent rendre malade, ou de le faire mourir. bonne mère. D’où cette disponibilité, cette dépendant que leur difficulté à se penser L’angoisse qui envahit alors l’enfant est patience sans répit, accordées à la mère ménopausée est grande et que l’autonomi- de nature persécutive. Il se sent attaqué, tout au long des jours et des années, au sation des enfants qui s’inscrit dans la réa- étouffé, parfois dévoré par son parent qui détriment des enfants, du conjoint et de lité fait le lit d’un possible « syndrome du devient mortifère. soi-même. nid vide ». Ces modifications corporelles Le symptôme présenté par la famille À l’opposé, avec le parent du sexe s’accompagnent d’un vécu ou d’une crainte véhicule la mort non tant pour le parent âgé opposé (le fils plaçant sa mère, la fille pla- de perte de pouvoir de séduction, à mettre que pour l’entourage. Lorsqu’il demande un çant son père), l’enfant reste très ambiva- en lien avec la peur de ne plus être aimé, placement, c’est pour éloigner la mort, la lent, cherche des réassurances multiples d’être laissé pour compte. Socialement, c’est maintenir à distance. Et, dans ce placement, pour cautionner sa démarche et éprouve le passage à la retraite, changement de statut 25 FRONTIÈRES ⁄ PRINTEMPS 2004
important : l’actif productif doit apprendre l’enfant : deuil anticipé, c’est-à-dire démar- formation du parent. Celle-ci est vécue dans à devenir passif bénéficiaire et se présenter rant avant le décès, et évoqué comme un sen- une dimension négative, destructrice. Cette en fonction de ce qu’il est, et non plus en timent de « mort sans mort » (Maisondieu, altérité du parent âgé souffrant de démence fonction de sa profession. 1989). entraîne pour le proche une modification Ces remaniements illustrent le temps de Ainsi, au fil des jours, la souffrance se dans la relation d’amour. Nous pourrions la maturescence, dont l’enjeu est le maintien double d’un travail de deuils successifs qua- dire dans certains cas que le parent est per- de l’identité devant les changements. Selon lifié par certains de « deuil blanc » (Pancrazi- du en tant qu’objet d’amour, comme le sou- J. Bergeret (1982), « il s’agit, sans renoncer Boyer et al.,1996), mis en œuvre dans ligne S. Freud (1985 [1917]) : « l’épreuve de à soi-même, à ses anciennes identifications l’accompagnement d’un parent qui se la réalité a montré que l’objet aimé n’existe satisfaisantes, de devenir un autre soi-même, démentifie : plus et édicte l’exigence de retirer toute la en accord avec les nouvelles données de la – deuil de l’espérance de guérison, même libido des liens qui la retiennent à l’objet ». vie, et d’intégrer une configuration de soi, si des progrès thérapeutiques existent ; La notion de perte d’objet d’amour nous autorisant l’estime de soi, et l’amour d’autrui ». – deuil de la relation perdue : « il ne me fait ainsi entrer dans les problématiques du C’est dans ce contexte de crise d’identité reconnaît plus » ; deuil et de la dépression. En effet, S. Freud que « la génération sandwich » est confron- – deuil de ce parent idéal : « lui qui était (1985 [1917]) et M. Klein (1989 [1947]) tée à la vieillesse avancée de ses parents. si gentil, si fort, si intelligent » ; montrent les liens entre la dépression et la La grande dépendance d’un parent, en – deuil de l’estime de soi devant l’agres- relation d’objet. La dépression étant susci- particulier dans le développement d’un sivité manifestée lors des compor- tée par la perte de l’objet aimé : soit par une syndrome démentiel, prive alors les enfants tements perturbateurs quotidiens du intervention interne, par exemple, les pul- de repères possibles qu’aurait pu proposer dément. Ne supportant plus la situa- sions destructrices du sujet envers l’objet un parent ayant traversé de manière esti- tion, certains se posent la question d’amour ; soit par une intervention externe mable et paisible la dernière étape de sa vie : du sens d’une telle vie et souhaitent comme un décès, et nous pourrions ajouter, « le vieillard est devenu une représentation sa fin… tout en se reprochant un l’altérité de l’objet d’amour due à une de la mort à venir au lieu d’être le survi- tel souhait. affection acquise, telle que la démence. vant qui grâce à sa sagesse a échappé aux La question obsédante d’une éventuelle Parfois on assiste à un relâchement des dangers de la vie », constate J. Maisondieu hérédité de la maladie vient de plus obs- relations entre parents âgés et enfant (1989). curcir davantage sentiments et conduites, comme si cette mise à distance permettait avec le refus d’un avenir identique au sien, à l’enfant de ne pas souffrir d’une identifi- SOUFFRANCE DE L’AIDANT alors qu’il a potentiellement transmis le mal cation à un support qui s’effondrerait. En ET DEUIL ANTICIPÉ à sa descendance. Souhaits de mort et peur effet, l’enfant a toujours le souvenir d’une Enfant de son parent, on est enfant et qu’il meure se révèlent donc étroitement relation positive embellie, car le temps de on le reste toute sa vie durant (Viciana, mêlés, à un degré de plus, la question du l’enfance apparaît souvent idyllique. Or, 1997). On continue de s’identifier à son poids de sa responsabilité à assumer s’il l’image des parents détériorés est narcissi- parent. C’est pourquoi il est difficile et lui arrivait réellement « quelque chose » quement insupportable dans le sens où elle parfois pénible de devoir faire face aux (Ploton, 1996). demande à l’enfant de faire le deuil de cette transformations physiques et psychiques de Ainsi, le parent âgé souffrant de démence, image valorisante. son parent dont on souhaite garder une n’est pas réellement mort, mais perdu ou Quant au parent âgé, il maintient le plus image que le temps nécessairement altère. en train de se perdre. Ce parent est devenu souvent l’illusion d’une relation positive Si toutefois le parent a réussi son travail de autre. Quelque chose a changé le parent, et avec ses enfants comme si le deuil d’une vieillir, l’identification pourra continuer de le proche ne s’y reconnaît plus. Telle mère relation gratifiante était impossible. Même s’effectuer dans de bonnes conditions, le active, qui avait soigné son mari, avait fait lorsque les enfants sont à l’origine du pla- parent achevant finalement le travail d’édu- face aux séquestres de ses biens pendant la cement, les parents âgés en font souvent la cateur de son enfant en lui enseignant de guerre, qui récemment encore voyageait à dénégation en faisant assumer la respon- façon exemplaire la vieillesse (l’art de vieillir travers le monde… maintenant ne se nourrit sabilité à un tiers et aménagent la réalité pourrait-on dire). Mais que le vieillissement plus, met une casserole sur le feu et l’oublie, selon leur désir : « ce ne sont pas mes ne soit pas réussi, l’image de déchéance de ne veut plus faire ses courses, ne se lave enfants qui m’ont mise ici, ils vont me son parent peut être difficilement suppor- plus alors qu’elle prétend le contraire… prendre chez eux ». table pour l’enfant qui en vient à se poser P. Charazac (1998) définit le symptôme L’essentiel est que ce processus de deuil la question, parfois non dite, parfois expri- démentiel comme une réalité à la fois étran- anticipé ne trouve pas son terme avant la mée dans un moment de détresse : « Ne gère et inquiétante (au sens de l’allemand mort du parent, sinon le parent sera réel- vaudrait-il pas mieux qu’il-elle soit mort-e, Unheimlich dont l’une des traductions est lement abandonné, et l’enfant risquera de se plutôt que d’en être réduit-e à cet état ? » « ne faisant pas partie de la maison »), qui le reprocher toute sa vie. En définitive, Mais la position d’un enfant par rapport acquiert une valeur traumatique au moment l’enfant est soumis à une double contrainte : à la mort future de son parent est profon- où la famille n’est plus capable de l’inscrire se détacher de son parent tout en continuant dément ambivalente. D’un côté, le parent dans son histoire, se trouvant prise dans de s’attacher à lui. Contradiction bien dif- âgé est vis-à-vis de lui le dernier rempart l’actualité de la maladie, les traumatismes ficile à maîtriser et source d’un conflit psy- symbolique contre la mort (« après lui, c’est passés qu’elle réactive et la pensée de la chique insupportable. Une lutte permanente moi » peut-on parfois entendre dire) : au mort à venir du parent. entre un amour qui ne cède pas pour l’aimé point que, souvent, l’intervenant extérieur Dans un premier temps, confronté à perdu et une force qui nous détache de lui. ne sait plus qui des deux s’agrippe à l’autre. l’altérité du parent, l’enfant se rebelle contre « La douleur du deuil n’est pas douleur de Mais, d’un autre côté, ne lui faut-il pas la réalité et tente de conserver le parent âgé séparation, mais douleur de liaison : penser conserver une image acceptable de lui, donc dans son intégrité, comme le montre la ce qui fait mal, ce n’est pas de se séparer, renoncer par avance à son existence ? minoration, voire la négation des troubles mais de s’attacher plus fort que jamais à Finalement, un véritable travail de deuil dans certaines familles. Puis, dans un l’objet perdu », conclut J.D. Nasio (1997). du parent s’impose à l’activité psychique de deuxième temps, l’enfant reconnaît la trans- *** FRONTIÈRES ⁄ PRINTEMPS 2004 26
L’irruption de la démence dans la famille dans Essais de psychanalyse, Paris, Payot, peut faire l’effet d’un cataclysme, qui va Toutes ces années qu’on a passées à p. 341-369. bouleverser l’équilibre établi, tous ces com- s’opposer à son père ou à sa mère, KÜBLER-ROSS, E. (1975). Les derniers promis tacites entre les uns et les autres, à rivaliser avec eux, ce long combat qui instants de la vie, Genève, Labor et Fidès. qui font que chacun a une certaine place, n’en finissait pas, il sera donc sans MAISONDIEU, J. (1989a). Le crépuscule de un certain rôle. Si l’on souhaite éviter un vainqueur ni vaincu. Petits, nous étions la raison, Paris, Centurion. certain nombre de crises familiales nocives trop faibles pour l’emporter. Jeunes, MAISONDIEU, J. (1989b). « L’identification pour le parent âgé (régression, maltraitance, trop impatients, trop immatures, trop impossible », Psychologie Médicale, vol. 21, placement…) mais aussi pour le reste de la inachevés. Il nous aura fallu une vie no 11, p. 1630-1632. famille (culpabilité, épuisement, dépression, pour devenir à peu près ce que nous MISHARA, B.L. et R. RIEDEL (1994). Le arrêt de travail…), il semble nécessaire de voulions être, pour nous bâtir, nous vieillissement (troisième édition révisée), proposer un certain nombre de solutions fortifier – pour grandir. La victoire se Paris, Presses universitaires de France. face à ces difficultés. profilait enfin à l’horizon. Trop tard. MONTANI, C. (1994). La maladie d’Alzheimer, Le climat relationnel de tous les inter- Celui qu’on voulait vaincre n’est plus Paris, L’Harmattan. venants autour de la famille est tout à fait en état de combattre, de résister, ni MYSLINSKI, M. et I. SIMEONE (1986). fondamental. L’aidant principal doit être même d’être vaincu. Il n’y a plus que la « Relation entre fille et mère démente au tra- d’emblée repéré, afin d’être pris en charge mémoire, pour ceux qui l’ont gardée, vers des groupes de soutien », Psychologie en même temps que le malade lui-même. et ce qu’on porte en soi d’amour, de Médicale, p. 1289-1290. Le suivi devra porter conjointement sur les gratitude ou de pardon. NASIO, J.D. (1997). Le livre de la douleur et deux personnes. Dans une relation de de l’amour, Paris, Payot. confiance, il faut accompagner ce travail PANCRAZI-BOYER M.P., C. PETIT et R. de deuil blanc, pour tenter de lui faire ARNAUD-CASTIGLIONI (1996). « Groupe accepter l’idée que son parent n’est plus tout de soutien aux familles de patients atteints Bibliographie de la maladie d’Alzheimer. Réflexions préli- à fait le même avec la maladie, qu’il lui ANDRIEU, S., H. BOCQUET, F. NOURHASI minaires », Psychothérapie des démences, faudra s’adapter à lui. et al. (1999). « La carrière de l’aidant infor- Paris, John Libbey Eurotext, p. 170-185. Il est important qu’il puisse accepter des mel », La revue de gériatrie, vol. 24, no 2, PETIT, H. (2002). L’accompagnement dans aides, et qu’il apprenne à se reposer sur des p. 133-143. la maladie d’Alzheimer, Paris, Phase 5. personnes de confiance. En France, le rôle BERGERET, J. (1982). « La deuxième crise de l’infirmière libérale auprès de la famille PLOTON, L. (1990). La personne âgée, son d’adolescence », dans J. GUILLAUMIN et accompagnement médical et psychologique revêt une importance cruciale lorsqu’il lui H. REBOUL (dir.), Les dynamismes du vieil- et la question de la démence, Lyon, Chro- permet de devenir une sorte de confidente lissement, Lyon, Chroniques Sociales, p. 71-78. niques Sociales. de tous les malheurs. Il convient également CHARAZAC, P. (1998). Psychothérapie du PLOTON, L. (1996). Maladie d’Alzheimer, de recenser les moyens matériels et humains patient âgé et de sa famille, Paris, Dunod. À l’écoute d’un langage, Lyon, Chroniques qui peuvent aider à tisser autour de l’aidant COMTE-SPONVILLE, A. (1999). « Face à Sociales. une sorte de filet de sécurité, particuliè- face avec Alzheimer », Site : Psychologie.com. RITCHIE, K., C. NARGEOT et C. HERGUET- rement indispensable lors des moments DONALDSON, C. et A. BURNS (1999). TAT (1992). « Influence des éléments de perte difficiles de l’évolution de la maladie. Des « Family under stress : interventions for care- d’autonomie dans la décision de placement », moments de récupération doivent être amé- givers of senile dementia patients », Journal La revue de gériatrie, vol. 22, no 5, p. 273-280. nagés dès les premiers signes d’épuisement of Geriatric Psychiatry and Neurology, no 12, RUFFIOT, A. (1985). « Originaire et imagi- sous forme d’accueil de jour et de nuit, p. 21-28. naire. Le souhait de mort collective en d’hospitalisation de jour, d’hébergement FEATENU, D. (1991). « Déments et institu- thérapie familiale psychanalytique », Gruppo, temporaire… tions », Confrontations Psychiatriques, no 33, no 1, p. 69-85. Les proches ont besoin d’informations, p. 393-408. SIMEONE, I. (1989). « Les affects de la famille : de conseils pratiques pour gérer les petits FREUD, S. (1985 [1917]). « Deuil et Mélan- entre l’amour et la haine », Gérontologie et problèmes quotidiens (Khosravi, 1995), colie », dans Métapsychologie, Paris, Gallimard, société, no 48, p. 96-98. d’écoute bienveillante, et de partage avec 1985, p. 41-115. TEUSINK, J.-P. et S. MAHLER (1984). « Help- d’autres familles : c’est le rôle des associa- GIL, R. (1989). « La détérioration intellectuelle ing families cope with Alzheimer’s disease », tions de famille, de type Association France et les syndromes démentiels », dans Neurologie Hospital and Community Psychiatry, vol. 35, Alzheimer, présente et active dans toutes pour le praticien, Paris, SIMEP, p. 139-148. no 2, p. 152-156. les régions. Ces associations fonctionnent HALEY, W.E. (1997). « The family caregiver’s TROUILLOUD, M. (1997). « Souffrance et également en groupe de paroles, libérant role in Alzheimer’s disease », Neurology, no 48, épuisement psychiques des familles », Revue de fortes charges émotionnelles. Certains p. 25-29. de la fédération JALMALV, no 51, p. 9-13. établissements gériatriques organisent des JOUBERT, C. (1996). « Vers une gestion grou- VICIANA, H. (1997). « Enfants à vie », Revue réunions de famille, qui ont alors la même pale de la démence sénile en institution. Prise de la fédération JALMALV, no 51, p. 35-39. en compte de la souffrance groupale, familiale, fonction. individuelle, dans le soin », Psychothérapie Notes Rencontrer la famille permet cette des démences, Paris, John Libbey Eurotext, approche historique des personnes âgées p. 171-178. 1. Nous empruntons cette expression à Christiane qui, dans la démence, ne peuvent plus se Joubert (1995) : « Famille et gériatrie : l’ancêtre JOUBERT, C. (1995). « Famille et gériatrie : insuffisamment bon ». raconter, mais il permet aussi et surtout de l’ancêtre insuffisamment bon », Psychologie situer la personne âgée dans le champ du Médicale, no 27, p. 223-226. désir de l’autre et d’appréhender les inter- KHOSRAVI, M. (1995). La vie quotidienne relations entre cet ancêtre insuffisamment du malade d’Alzheimer, Paris, Doin. bon et sa famille. KLEIN, M. (1989 [1947]). « Le deuil et ses Pour conclure, ces mots d’A. Comte- rapports avec les états maniaco-dépressifs », Sponville (1999) : 27 FRONTIÈRES ⁄ PRINTEMPS 2004
Vous pouvez aussi lire