Le populisme selon Trump, un danger pour les droits de l'homme 2018/10 - Sireas

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2018/10

         Le populisme selon
         Trump, un danger pour
         les droits de l’homme
                    Pascal De Gendt

     Analyses &
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         Droits de l’Homme
                                      Siréas asbl
2018/10

         Le populisme selon
         Trump, un danger pour
         les droits de l’homme
         par Pascal De Gendt

     Analyses
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Nos analyses et études, publiées dans le cadre de l’Education permanente,
sont rédigées à partir de recherches menées par le Comité de rédaction de
SIREAS.. Les questions traitées sont choisies en fonction des thèmes qui in-
téressent notre public et développées avec professionnalisme tout en ayant
le souci de rendre les textes accessibles à l’ensemble de notre public.
Éditeur responsable : Mohamed Ben Abdelkader.
Ces publications s’articulent autour de cinq thèmes
Questions sociales
Droits de l’Homme
Migrations
Politique Internationale
Économie

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L
      ’élection de Donald Trump à la tête de la première puissance
      mondiale a été un véritable séisme. Elle démontrait que les électeurs
      de la première puissance mondiale pouvaient se laisser séduire par
une personnalité au style outrancier du moment qu’elle tenait un discours
populiste. Si les spécialistes discutent encore de la teneur exacte de ce qu’est
le populisme, l’année et demie que vient de passer Trump à la présidence
permet de déterminer quelles sont les grandes lignes de son projet politique.
Et d’analyser en quoi il constitue un danger pour les droits de l’homme.
Une menace d’autant plus grande que, désormais, les partis et mouvements
populistes actifs dans les démocraties parlementaires européennes ont un
modèle auquel se référer.

Le populisme en théorie
   Dans le discours politique et médiatique, l’adjectif populiste est devenu
une expression à la mode. Il est donc utilisé à tort et à travers. Par exemple,
par les hommes et femmes politiques qui veulent discréditer les positions
ou les discours de leurs adversaires. Mais aussi, plus fréquemment encore,
par les médias ou l’opinion publique pour lesquels ce terme semble avoir
remplacé celui d’extrémisme. Le débat entre spécialistes de la politique
reste, pour sa part, ouvert. Le populisme est-il une tactique pour arriver au
pouvoir ou une véritable idéologie ? Peut-on distinguer un populisme de
droite et un populisme de gauche ? Si oui, quelles sont leurs spécificités ? Et
faut-il les mettre sur le même pied ? Nous n’allons pas entrer dans ce genre

                                  5
de débats, mais plutôt tenter d’isoler quelques caractéristiques qui semblent
communes à tous les discours qualifiés de populistes.

Une posture anti-establishment
   Le premier point est logique puisqu’il est la racine même du mot : le
populisme veut remettre le peuple en avant. Plus précisément, il veut rendre
au peuple un pouvoir politique qui aurait été capturé par les élites. Celles-ci
sont représentées par les partis politiques traditionnels qui deviennent donc
les ennemis du peuple. Dans l’Union européenne, outre les commissaires et
députés européens, cette élite serait aussi constituée des lobbyistes et autres
technocrates. L’establishment auquel les populistes s’opposent comprend
également les grands acteurs économiques et financiers. Ils sont tous accusés
d’être des décideurs coupés des réalités du peuple.

    Cette identification avec le peuple, ou du moins une partie de celui-
ci, Donald Trump l’a réussie au-delà de toute espérance. On la retrouve
jusque dans son discours d’investiture le 20 janvier 2017 : « La cérémonie
d’aujourd’hui revêt un sens très particulier, parce qu’aujourd’hui, il ne s’agit
pas d’une simple passation de pouvoir entre deux gouvernements ou entre
deux partis. Il s’agit d’une passation du pouvoir qui part de Washington et
qui vous est rendu à vous, le peuple » (1).

   Cela ne manque d’ailleurs pas d’étonner. Comment le peuple peut-il se
reconnaître dans ce milliardaire qui fait, de facto, partie de l’élite économique
de son pays ? Parce que l’empire Trump, c’est trente-trois tours, neufs hôtels
et dix-sept terrains de golf (2). Et s’il vit désormais en partie à Washington,
sa Trump Tower est bien située à Manhattan, à proximité de « Wall Street »,
repaire d’une oligarchie financière désignée comme ennemie durant sa
campagne électorale.

    Mais Trump adore exhiber sa réussite et ses électeurs en redemandent.
Ils considèrent sa richesse comme un gage d’indépendance. Une impression
qu’il se plait à renforcer par une attitude et des discours non-conventionnels
pour une personne occupant la fonction présidentielle. Ce style, souvent
outrancier, en plus de renvoyer au personnage de « The Apprentice »,
l’émission de télé-réalité qui l’a rendu populaire, s’inscrit dans un courant
« anti-intellectuel » qui traverse la société américaine depuis le XVIIIe siècle
(1).

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Anti-intellectualisme historique
   Cette opposition entre croyance et connaissance, liée à l’essor des églises
méthodistes et baptistes, reste vivace dans une partie de la population
américaine et se traduit de nos jours par le rejet des discours jugés trop
intellectuels ou trop politiquement corrects. En 1964, l’historien Richard
Hostadter avait déjà identifié la « paranoïa », mêlant exagération, suspicion
et fantasme du complot, qui existait dans une partie de l’opinion publique
américaine qu’il qualifiait « d’esprits en colère » (3). Cela explique, par
exemple, le refus de Trump de reconnaître les bouleversements climatiques
et de considérer qu’il s’agit d’une invention des Chinois. Ou, plusieurs
années avant d’être président, la polémique qu’avait fait naître sa mise en
doute du lieu de naissance de Barack Obama.

   Et ce ne sont là que deux exemples parmi de très nombreux autres. Parce
que, même s’il doit désormais un minimum policer son style, Donald Trump
s’arrange pour ne pas trop s’éloigner de l’image donnée durant la campagne
présidentielle. Qui est celle d’un homme n’utilisant pas la langue de bois
des politiciens, mais le langage du peuple. Plutôt que de s’engager dans des
débats politiques de fond, il s’en est tenu à scander des slogans simplistes en
les accompagnant d’injures et de provocations. Il a ainsi porté la brutalité de
la confrontation politique à des niveaux jamais atteints aux États-Unis (4).
Et ses supporters ont adoré ça. Tout comme ses 20 millions d’abonnés sur
Twitter attendent ses messages rageurs par lesquels il règle ses comptes avec
ceux qui le critiquent ou lui déplaisent. Le tout à l’aide d’un champ lexical
particulièrement limité.

   Après un an et demi de présidence, on peut aussi avancer que ce simplisme
reflète sa vision du monde. Trump personnifie la caricature de l’homme
d’affaires pour qui le monde se divise entre les « winners » et les « losers ».
En politique nationale et internationale, il y a des amis et des ennemis, des
bons et des méchants. Et les accords politiques ou commerciaux ne sont
valables que si les États-Unis en sortent gagnants et les autres perdants.

   Cette binarité est souvent montrée du doigt par ses détracteurs, voire
moquée, parce que pas adaptée à la complexité de sa fonction, ni à celle des
relations internationales. Et cela ne fait que renforcer son crédit auprès de
sa base de supporters qui y voient une preuve de plus que leur « champion »
ne fait pas partie du même monde que ces élites.

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Le culte du chef
   Si nous nous sommes attardés sur les ressorts de cette posture
anti-establishment, c’est parce qu’elle est source d’un grand
pouvoir. En établissant un lien direct avec leur population, sans
passer par l’intermédiaire d’un parti ou d’une idéologie identifiée,
les leaders populistes font renaître la figure du chef dont la parole
est la seule à compter (5). Une situation qui peut être source de
bien des dérives.

   Le premier danger que fait peser le populisme sur les droits
fondamentaux concerne la liberté d’expression. En effet, un
« chef » populiste ne cherchera pas à convaincre par les faits ou
le raisonnement. Sa tactique est plutôt d’indiquer ce qu’il va faire
et de persuader l’opinion que c’est la bonne décision en faisant
appel aux émotions ou à l’intuition, ce qu’on appelle « le bon sens
populaire » (6). Peu importe d’ailleurs si ses actes ne correspondent
pas à ce qu’il a énoncé. Mais gare à ceux qui s’aviseraient de relever
qu’il y a mensonge ou qui critiqueraient les décisions du président.

   L’agressivité dans la communication dont fait preuve le président
des États-Unis envers ses détracteurs a comme conséquence de
désinhiber ses supporters. Qui n’hésiteront pas à afficher des
attitudes injurieuses à l’égard de tous ceux qui n’adhèrent pas
aux discours aux accents virilistes et machistes, xénophobes et,
de manière générale, très conservateurs du président. Cela est
particulièrement visible sur les réseaux sociaux où les porteurs d’un
discours s’opposant à celui de Trump se font parfois littéralement
insulter et harceler. Ce n’est pas en soi une atteinte aux droits
de l’homme, mais cela installe une ambiance nuisible à la liberté
d’expression.

La presse sur la sellette
   On a vu, par exemple, avec quelle férocité, Donald Trump s’est
attaqué à la presse traditionnelle, accusée de partialité et de manque
d’objectivité. Cette véritable guerre aux médias, considérée comme
étant à la solde des élites, est une manière de montrer que Trump
monte au front pour défendre le peuple contre les « fake news ».
Celles-ci étant tout ce qui le contredit et prouve que son discours
ne correspond pas aux faits. L’intensité de ce combat a pour
objectif de complètement discréditer ces journalistes pour installer

                             8
un déni de vérité chez les suiveurs du président des États-Unis. Ainsi, même
lorsqu’un média démontre par A+B que Trump dit n’importe quoi ou ment,
ses suiveurs peuvent écarter la démonstration sans états d’âme parce qu’elle
vient d’un organe décidé à répandre les « fake news » pour nuire à leur
favori. De fil en aiguille, la parole du leader devient donc vérité.

   C’est problématique parce que la virulence du président des États-Unis
envers les médias peut être considérée par une partie de l’opinion publique
comme un signal que l’utilisation de la menace, voire de la violence, envers
les journalistes est légitime. Les organisations défendant la liberté de la
presse sont si préoccupées par l’ambiance de haine que Donald Trump
a installée qu’ils ont créé un indice qui permet de surveiller le degré de
menaces physiques et juridiques envers les journalistes, le US Press Freedom
Tracker3. Chose qui, il y a peu de temps, paraissait encore impossible dans
un pays qui a fait de la liberté d’expression le premier amendement de sa
Constitution.

   Par ailleurs, la manie de décrire comme une « fake news » toute couverture
médiatique qui déplaît aux autorités s’est répandue à travers le monde. C’est
un danger pour la presse dont un des rôles est d’être un contre-pouvoir
rappelant leurs responsabilités aux dirigeants. Ce sont également ces médias
qui apportent des réponses « aux citoyens qui se demandent si l’eau du
robinet est potable pour leurs enfants, si les vétérans reçoivent des soins
médicaux adéquats, si des femmes de leurs familles font l’objet de harcèlement
sexuel sur leur lieu de travail ou sont victimes d’agressions sexuelles sur un
campus universitaire, ou si le sol sur lequel ils vivent a été contaminé par des
entreprises industrielles. » (7)

   Plutôt que de surfer sur le discrédit des médias, ou de l’attiser, des
dirigeants démocratiques devraient chercher à protéger et renforcer leur
indépendance. Parce que détruire le garde-fou qu’est la presse, c’est ouvrir
la porte à l’autoritarisme.

Un discours politique protecteur
   Le populisme, et la victoire de Donald Trump, ne sont pas apparus dans
n’importe quel contexte. Dans nos sociétés occidentales, les inégalités sont
croissantes et la mondialisation a mis à mal le lien traditionnel entre un État
et son identité culturelle façonnée par l’histoire. La diversité croissante de
nos sociétés sur les plans ethniques et religieux engendre des craintes dans
3   https://pressfreedomtracker.us

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une partie de la population. D’autant plus que les guerres ne se déroulent
plus uniquement dans des territoires lointains mais se sont invitées sur nos
sols via le terrorisme djihadiste. Les nouvelles technologies ont accéléré de
manière exponentielle la circulation des informations. Avec comme résultat,
l’impression que le monde tourne de moins en moins rond et que l’on n’a
jamais été aussi peu en sécurité.

   Une part de l’opinion en a conclu que le système politique que l’on connaît
a failli à sa mission de protection et que les gouvernements ignorent les
vrais problèmes du peuple. En janvier 2017, la revue américaine « Journal of
Democracy » présentait un sondage inquiétant qui indiquait que moins de
30% des personnes nées dans les années 80, les trentenaires d’aujourd’hui,
étaient convaincus qu’il est essentiel de vivre en démocratie (8). De la
même manière, seuls 36% des Européens nés après les années 1980 jugent
qu’un coup d’État militaire n’est pas légitime dans une démocratie, contre
53% des plus vieux. Voilà le terrain propice sur lequel se développent des
personnalités politiques ou des partis aux programmes liberticides.

    Cela n’a pas échappé à l’équipe de Donald Trump qui, durant sa campagne
présidentielle, s’est présenté comme celui qui allait protéger le peuple
américain. Des slogans comme « America First ! » ou « Make America Great
Again » jouent, au premier plan, sur la fibre patriotique. Sur un second plan,
ils disent aussi qu’une Amérique qui restaure sa force est la meilleure des
protections pour ses citoyens. C’est pourquoi, l’aspect sécuritaire, « law and
order », était omniprésent durant la campagne électorale et ciblait comme
dangers prioritaires l’immigration et les terroristes islamistes.

Mur mexicain et « Muslim ban »
   Pour contrer l’immigration illégale, Trump a choisi de marteler qu’il
construirait un mur tout le long de la frontière mexicaine et que c’est le
Mexique qui paierait. Une promesse simpliste donc marquante. Un an
et demi après son entrée en fonction, il la réitère dès que possible. Et le
gouvernement mexicain répète à chaque fois qu’il est hors de question qu’il
paie. Ce qui, normalement, aurait dû clôturer la discussion. Mais, comme
dit plus haut, l’important pour Trump et ses soutiens n’est pas la réalité des
faits, mais bien la tenue d’un discours dur qui fait des migrants la source de
tous les maux du pays.

   Pour ce qui est de la menace terroriste, une semaine après son investiture
le président américain publiait le « Muslim ban », un décret interdisant
l’entrée sur le territoire américain, durant 90 jours, des ressortissants de sept

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pays dont la population est très majoritairement musulmane (Yémen, Iran,
Libye, Somalie, Soudan, Syrie, Irak). Le même décret interdisait l’entrée sur
le territoire, pendant 120 jours, de tout réfugié. Immédiatement, une bataille
juridique s’engageait et la Cour suprême invalidait la disposition. C’est
finalement une troisième mouture qui a été acceptée par la même Cour à la
fin du mois de juin. Elle prévoit désormais l’interdiction permanente d’accès
au territoire américain pour les ressortissants de six pays (Yémen, Iran,
Libye, Somalie, Syrie, Corée du Nord) ainsi que pour certains responsables
gouvernementaux du Venezuela (9).

   Le signal envoyé, à la fois par son discours sur l’immigration illégale
présentée comme un réservoir de violeurs et de drogués, ainsi que par ce
décret est catastrophique. Dans le premier cas, il véhicule des préjugés
racistes et dans l’autre, il légalise une discrimination envers les ressortissants
de pays présentés comme étant hostiles aux États-Unis. La réticence de
Donald Trump à condamner les groupes qui font l’apologie de la haine
raciale, observée lors du grand rassemblement « Unite the right » de
Charlottesville à la mi-août 2017, était d’ailleurs symbolique du mépris
apparent du président pour les principes d’égalité et de non-discrimination.

Un recul des droits
    Outre les décisions très médiatisées évoquées ci-dessus, Human Rights
Watch a listé une série de mesures prises, durant sa première année d’exercice,
par l’administration Trump qui dégradent réellement les droits de plusieurs
types de citoyens, surtout les plus vulnérables (10). Les migrants constituent
la cible prioritaire. Les procédures d’expulsion accélérées ont été renforcées
tout comme les poursuites judiciaires pour les délits d’immigration. Les
conditions permettant une détention prolongée des migrants ont également
été étendues. Toute une série de directives sont susceptibles d’affaiblir la
protection des migrants et réfugiés mineurs. Enfin, les quotas d’admission
des réfugiés ont été revus à la baisse. En 2018, le plafond sera de 45.000
réfugiés, le plus bas depuis l’adoption de la loi sur les réfugiés en 1980.

   Le ministère de la Justice a, pour sa part, « restreint l’encadrement des
services de police locaux impliqués dans des abus systémiques, y compris en
mettant fin à des enquêtes et au contrôle d’unités connues pour un usage
disproportionné de la force et des violations constitutionnelles. » (10).
D’autres mesures prises auront comme effet attendu de mettre fin aux
efforts de réduction de la disparité raciale en prison et à ceux d’amélioration
des perspectives de réinsertion.

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Les droits des femmes ont également été visés par l’administration
américaine. Comme le note encore Human Rights Watch : un décret annule
la disposition de l’Obamacare qui obligeait les employeurs à prendre en
charge les moyens de contraception lorsqu’ils proposent une couverture
des frais de santé à leurs employées. L’administration Trump a également
annulé l’initiative qui aurait dû contraindre, à partir de 2018, les employeurs
et contracteurs de l’État fédéral à fournir des informations sur le salaire
de leurs employées ventilées par ethnicité et sexe afin de vérifier qu’aucun
d’entre eux ne se rendait coupable de discriminations salariales. Le ministère
de l’Éducation a, pour sa part, annoncé qu’il allait modifier « les lignes
directrices relatives aux agressions sexuelles sur les campus. »

   Enfin, différentes actions fragilisent les droits des communautés LGBT.
On a beaucoup parlé, par exemple, de la décision d’interdire aux transgenres
de servir dans l’armée américaine. Et un peu moins de la directive qui annule
la disposition légale qui interdit, sur les lieux de travail, la discrimination
fondée sur le genre

Le double discours économique
   Durant la campagne électorale, le discours socio-économique de Donald
Trump était en rupture avec celui que doit normalement tenir le candidat
du parti républicain. Celui-ci est le tenant du libéralisme économique
classique : responsabilité individuelle, intervention minimum de l’État,
chasse aux profiteurs. Avec la promesse que travailler durement est la clé
de la réussite économique. Mais la crise financière de 2008 est passée par
là et les contribuables américains ont vécu une politique de deux poids,
deux mesures. Le gouvernement est intervenu pour sauver les banques et
institutions financières, dont les comportements irresponsables étaient à
l’origine de la crise. Par contre, pour les simples citoyens qui avaient perdu,
en tout ou en partie, leur pouvoir économique sans être fautifs, le discours
est resté le même : « Si vous n’avez pas réussi, ne rejetez pas la faute sur Wall
Street ou sur les grandes banques. Non. Vous n’avez qu’à vous en prendre à
vous-même ! » (11)

   Ce qui fut vécu comme une trahison de la part des élites a participé à
la montée en puissance du populisme. Donald Trump l’avait bien deviné.
Durant la campagne, il n’a donc cessé de promettre d’augmenter les impôts
pour les plus riches et désigner les grandes entreprises comme des tricheuses
qui corrompent les élus (1). C’est un changement radical, les sans-emplois
ne sont plus considérés comme des « losers » et des parasites, ils deviennent
des victimes d’une tricherie, un discours que l’on retrouvait aussi du côté
du parti démocrate.
                                      12
À la différence d’une gauche américaine faisant preuve de plus de mesure,
Donald Trump ne s’est pas contenté de vilipender les élites économiques
américaines, il a également désigné comme coupable des ennemis de
l’extérieur : les immigrés, qui franchissent la frontière mexicaine et viennent
concurrencer les travailleurs américains, et la Chine qui détruit l’emploi
américain en important des biens à bas prix. Sur le plan social, il a répété
à l’envi son intention d’annuler l’Obamacare pour le remplacer par un
meilleur système de protection sociale pour les travailleurs. Sans jamais
vraiment entrer dans les détails.

Au service des plus riches
   Une fois élu, ses actes seront différents de ses paroles. Alors que ses
décisions, sur le plan de la sécurité intérieure ou des relations internationales,
qui correspondent à ses promesses de campagne sont mises en avant,
ses décisions économiques sont occultées. À une exception près : les
dénonciations des traités économiques multilatéraux desquels les États-
Unis se retirent. Des décisions qui font beaucoup de bruit et sont largement
commentées dans les médias nationaux et internationaux, au contraire donc
de sa politique économique intérieure.

   Entouré de conseillers économiques qui appartiennent au monde des
grandes institutions bancaires, les mêmes qu’il avait tant vilipendées, Donald
Trump mène une politique tout-à-fait conforme au parti républicain :
« diminuer l’impôt des riches en taillant dans les dépenses sociales », comme
le résume le Financial Times (12). À l’image de sa réforme fiscale présentée
comme « la plus grande baisse d’impôts de l’histoire », en sous-entendant
que tout le monde en profiterait. Le « Tax Policy Center » et le « Joint
Comittee on Taxation », deux organismes non-partisans, ont calculé qu’en
fait les plus grands bénéficiaires en seraient les grandes entreprises et les 1%
d’Américains les plus riches (13). De quoi creuser un peu plus les inégalités
dans la société.

   Or, nous exposons régulièrement les différentes conséquences néfastes
pour les droits élémentaires provoquées par le néolibéralisme. Elles existent
pour les populations qui vivent dans un système économique qui cherche
constamment à diminuer les mécanismes de solidarité telles les différentes
allocations sociales ou la garantie de l’accès à différents soins médicaux. À
côté de cela, la privatisation de toute une série de domaines d’intérêt général
les soumet à la logique marchande du profit et les rend donc, en tout ou en
partie, inaccessibles aux personnes précarisées. Enfin, en considérant que
la priorité est la santé financière des entreprises, ce système tend également

                                  13
à diminuer la protection des travailleurs et à détériorer les conditions dans
lesquelles ils exercent leur métier.

   Au niveau international, cette sacralisation du profit des multinationales,
et autres fonds d’investissement, conduit à une prédation aggravée des
ressources naturelles ainsi qu’à une spéculation sur des ressources vitales.
Sans aucune considération pour des populations entières qui se retrouvent
à devoir lutter pour leur survie. Un mécanisme qui nourrit des phénomènes
comme les conflits armés et les migrations.

   En augmentant le sentiment d’insécurité économique et sociale, en
créant un monde où tout le monde est en compétition, le néolibéralisme
nourrit une colère que les populistes tenteront de canaliser en désignant des
boucs émissaires. Ceux-ci pourront être l’allocataire dépeint en profiteur
ou fraudeur et/ou « l’étranger » qu’il soit né sur le territoire ou qu’il y soit
arrivé au cours de sa vie.

Attention à la contamination
   Voilà en quelque sorte le circuit du populisme. D’autres dirigeants que
Trump en ont déjà profité. Les discours et attitudes populistes accompagnés
de cette duplicité socio-économique sont, par exemple, également appliqués
par Recep Tayyip Erdogan en Turquie ou Viktor Orbán en Hongrie. Deux
exemples éloquents quand il s’agit de démontrer que le populisme est un
danger pour les libertés fondamentales et les droits de l’homme, surtout si
on est opposant ou migrant.

   Ils sont aussi malheureusement représentatifs du populisme véhiculé par
les partis de droite radicale qui ont le vent en poupe dans notre partie du
monde. Ceux-ci ont recyclé et transformé les discours racistes des partis
d’extrême-droite. Ils tiennent un discours identitaire qui fait de l’immigration
une menace pour la sécurité, le bien-être économique et la culture de la
majorité présumée. Et les droits humains sont présentés comme des règles
qui profitent systématiquement aux terroristes, aux demandeurs d’asile et
autres immigrés accusés de tous les maux de la société.

   Ces populistes diffusent l’idée selon laquelle la majorité devrait pouvoir
restreindre les droits des réfugiés, des migrants et des minorités en général
(14). Ceux qui s’y opposent sont dénigrés ou combattus. On voit ainsi chez
nous, un secrétaire d’État à l’Asile attaquer verbalement des organisations
qui sauvent la vie de candidats à l’asile naufragés en pleine mer. Ou ne pas
hésiter à endommager la séparation des pouvoirs, mesure sacro-sainte dans
tout État de droit qui se respecte, lorsqu’une décision de justice l’empêche
                                      14
de mener une politique d’asile restrictive.

   En France, lorsque des membres du Rassemblement National (ex-
Front National), ou des proches de celui-ci, sont élus pour diriger une
municipalité, une des premières mesures prises est souvent la diminution,
voire la suppression, des subsides des associations de défense des droits de
l’homme ou des associations militant pour une société multiculturelle.

   Ce n’est pas anodin parce que lorsque « les populistes traitent les droits
humains comme un obstacle à la volonté de la majorité, ce n’est qu’une
question de temps avant qu’ils ne s’en prennent à ceux qui sont en désaccord
avec leur programme » (14). Il ne faut pas s’y tromper, une fois qu’ils ont
conquis le pouvoir, les populistes ont comme objectif prioritaire de le garder.
Et la tentation autoritaire, voire totalitaire, n’est jamais loin.

Les sources d’espoir
   La culture de respect des droits humains doit donc être entretenue. Elle
forme le socle de l’opposition au populisme et peut même le faire reculer
lorsqu’il va trop loin. Une illustration en a été donnée lorsque le sort des
enfants séparés de leurs parents, arrêtés pour avoir franchi illégalement
la frontière américano-mexicaine, a été révélé. Différents milieux aussi
éloignés que l’American Medical Association ou la Chambre américaine de
commerce ont alors uni leurs voix pour condamner vigoureusement ce qui
leur semblait être une mesure inhumaine (15). Cette protestation massive et
multiforme a poussé le président américain à signer un décret suspendant
cette mesure.

   Dans notre pays, également, toute une série d’associations et d’initiatives
citoyennes travaillent quotidiennement à faire reculer ce cancer pour notre
démocratie qu’est le populisme. Une image médicale qui n’est pas choisie au
hasard : l’histoire démontre que c’est lorsque ses opposants baissent leurs
bras que, tels des métastases, les populistes prolifèrent.

                                 15
Bibliographie

   (1) SciencesPo, « Trump, Sanders et la nouvelle donne populiste aux
États-Unis » (en ligne) c 2018. Consulté le 4/06/2018. Disponible sur :
   http://www.sciencespo.fr/ceri/fr/content/dossiersduceri/trump-
sanders-et-la-nouvelle-donne-populiste-aux-etats-unis

   (2) Les Échos, « Donald Trump ou le triomphe du populisme » (en ligne)
c 2016. Consulté le 4/06/2018. Disponible sur :
   https://www.lesechos.fr/30/09/2016/LesEchos/22288-041-ECH_
donald-trump-ou-le-triomphe-du-populisme.htm

   (3) Tribune de Genève, « Donald Trump, star du populisme de
circonstance » (en ligne) c 2017. Consulté le 4/06/2018. Disponible sur :
   h t t p s : / / w w w. t d g . c h / m o n d e / d o n a l d - t r u m p - o p p o r t u n i s t e /
story/14644999

   (4) Le Parisien, « Donald Trump, le visage d’un populisme triomphant »
(en ligne) c 2017. Consulté le 5/06/2018. Disponible sur :
   http://www.leparisien.fr/flash-actualite-monde/trump-president-
improbable-visage-d-un-populisme-triomphant-16-01-2017-6574794.php

   (5) Le Devoir, « Les populismes, la presse et Trump » (en ligne) c 2017.
Consulté le 5/06/2018. Disponible sur :
   https://www.ledevoir.com/opinion/idees/490313/les-populismes-la-
presse-et-trump

   (6) Challenges, « Ce que cache la rhétorique enfantine du président
Donald Trump » (en ligne) c 2017. Consulté le 4/06/2018. Disponible sur :
   https://www.challenges.fr/monde/ce-que-cache-la-rhetorique-
enfantine-du-president-donald-trump_476593

   (7) Human Rights Watch, « L’hostilité croissante envers les médias
menace les valeurs démocratiques » (en ligne) c 2018. Consulté le 3/05/2018.
Disponible sur :
   https://www.hrw.org/fr/news/2018/05/03/lhostilite-croissante-envers-
les-medias-menace-les-valeurs-democratiques

   (8) Huffpost, « Autriche, Italie, Brexit, Trump... Contre le populisme et
le vote de rejet, certains veulnt en finir avec les éléctions et les référendums »

                                                 16
(en ligne) c 2016. Consulté le 4/05/2018. Disponible sur :
   https://www.huffingtonpost.fr/2016/12/03/autriche-italie-brexit-
trump-contre-le-populisme-et-le-vot_a_21619242/

   (9) Libération, « La Cour suprême valide le décret migratoire controversé
de Trump » (en ligne) c 2018. Consulté le 26/08/2018. Disponible sur :
   http://www.liberation.fr/planete/2018/06/26/la-cour-supreme-valide-
le-decret-migratoire-tres-controverse-de-trump_1662065

   (10) Human Rights Watch, « États-Unis : la première année de la
présidence Trump a fait reculer les droits humains » (en ligne) c 2018.
Consulté le 6/06/2018. Disponible sur :
   https://www.hrw.org/fr/news/2018/01/18/etats-unis-la-premiere-
annee-de-la-presidence-trump-fait-reculer-les-droits-humains

  (11) Politique, « La vraie révolution de Donald Trump » (en ligne) c 2016.
Consulté le 6/06/2018. Disponible sur :
  http://www.revuepolitique.be/la-vraie-revolution-de-donald-trump/

   (12) Le Monde, « Le trumpisme est un populisme au service des riches »
(en ligne) c 2017. Consulté le 5/06/2018. Disponible sur :
   https://www.lemonde.fr/idees/article/2017/07/06/trump-un-
populisme-a-part_5156439_3232.html

   (13) Le Monde, « Si Trump s’est fait élire en populiste, il gouverne
désormais en ploutocrate » (en ligne) c 2018. Consulté le 6/06/2018.
Disponible sur :
   https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/01/15/si-trump-s-est-fait-
elire-en-populiste-il-gouverne-desormais-en-ploutocrate_5241701_3232.
html

   (14) Human Rights Watch, « La dangereuse montée du populisme » (en
ligne) c 2017. Consulté le 6/06/2018. Disponible sur :
   h t t p s : / / w w w. h r w. o r g / f r / w o r l d - r e p o r t / 2 0 1 7 / c o u n t r y -
chapters/298552#156664

   (15) La Libre Belgique, « Le double jeu de Donald Trump sur la question
des droits de l’homme » (en ligne) c 2018. Consulté le 20/06/2018. Disponible
sur :
   h t t p : / / w w w. l a l i b r e . b e / a c t u / i n t e r n a t i o n a l / l e - d o u b l e - j e u -
d e - d o n a l d - t r u m p - s u r- l a - q u e s t i o n - d e s - d r o i t s - d e - l - h o m m e -
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Le populisme selon Trump, un danger
                  pour les droits de l’homme
                                Pascal De Gendt

    L’élection de Donald Trump à la tête de la première puissance mondiale
a été un véritable séisme. Elle démontrait que les électeurs de la première
puissance mondiale pouvaient se laisser séduire par une personnalité au style
outrancier du moment qu’elle tenait un discours populiste. Si les spécialistes
discutent encore de la teneur exacte de ce qu’est le populisme, l’année et
demie que vient de passer Trump à la présidence permet de déterminer
quelles sont les grandes lignes de son projet politique. Et d’analyser en quoi
il constitue un danger pour les droits de l’homme. Une menace d’autant plus
grande que, désormais, les partis et mouvements populistes actifs dans les
démocraties parlementaires européennes ont un modèle auquel se référer.

        Siréas asbl
                                                       Avec le soutien
                                                      de la Fédération
Service International de Recherche,                 Wallonie-Bruxelles
d’Éducation et d’Action Sociale asbl
Secteur Éducation Permanente
Rue du Champ de Mars, 5 – 1050 Bruxelles
Tél. : 02/274 15 50 – Fax : 02/274 15 58
                                         20
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