Le rouge du Chaperon rouge.
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Le rouge du Chaperon rouge. Dans ce conte célèbre, la question essentielle concerne la couleur : Pourquoi rouge ? Le rouge, une symbolique double Rouge comme violence – crime de sang – diable – enfer - guerre Rouge comme puberté - vitalité – énergie – religion Le rouge de la coiffe de l’héroïne du Petit Chaperon rouge En 1203, le clerc Eglert de Liège dans un texte écrit en latin met en scène une tunique rouge qui se réclame d’une parole séculaire . On y retrouve les mêmes éléments que dans le conte du Petit Chaperon rouge : un loup, une petite fille, une rencontre et une robe de laine rouge. Ce que je rapporte, les paysans surent le dirent avec moi, Et il faut moins s’en étonner que le croire fermement vrai. Quelqu’un tint une petite fille sur les fonts baptismaux Et lui donna une tunique tissée de laine rouge. Ce baptême eut lieu à la Pentecôte ; Au lever du soleil, l’enfant, âgée de cinq ans, Marche, vagabonde, insoucieuse d’elle-même et du danger. Un loup s’en saisit et gagna la forêt sauvage et profonde. L’apporta comme gibier à ses petits et la leur laissa à manger, Ils se précipitèrent sur elle mais, Ne parvenant pas à la mettre en pièces, Ils se mirent à lui caresser la tête, loin de toute sauvagerie. « Souris, dit la jeune enfant, Je vous défends de déchirer cette tunique, Que m’a donnée Parrain à mon baptême ! » Dieu, qui est leur auteur, apaise les esprits sauvages. Au XVII è siècle, Charles Perrault dans la version littéraire de son conte, ajoute un ornement de couleur rouge. Dans les versions anciennes de la tradition orale, des provinces françaises, la coiffe rouge n’existe pas. Il est peut-être le prolongement du récit très ancien collecté par Eglert de Liège ( Bernadette Bricout).
Pourquoi la petite fille porte ce chaperon rouge ? 3 interprétations sont possibles : Une première d’ordre sociologique : Le rouge est la couleur que les teinturiers fixent le mieux dans les tissus. Le rouge est aussi la couleur des vêtements portés par les paysans du Moyen-Âge à L’Antiquité. Le rouge est la couleur de la religion chrétienne : c’est la couleur liturgique et symbolique de l’Esprit Saint ( Fête de la Pentecôte ou Baptêmes ). Une deuxième d’ordre psychanalytique : le rouge de la sexualité Il s’appuie non pas sur les versions policées de Perrault ou des frères Grimm mais sur trois versions médiévales transmises de manière orale qui mettent en valeur la dimension sexuelle de l’histoire : le loup invite la petite fille à partager avec lui la chair de la mère-grand qu’il vient d’égorger et à boire son sang. Puis, il la fait entrer dans son lit et entretient avec elle un commerce charnel d’une autre nature. La petite fille est au seuil de la puberté, a très envie de se trouver dans le lit avec le loup. Pour Bruno Bettelheim, le rouge symbolise cette double dimension : anthropophage et sexuelle. (Bruno Bettelheim, auteur de « Psychanalyse des contes de fées » ) Une troisième de type historique : le rouge, une des trois couleurs primitives (blanc, rouge, noir) Cette explication paraît plus fondée et plus vraisemblable que les interprétations précédentes. Elle s’appuie sur la structure du conte et sur la distribution ternaire des couleurs et pour en déduire que le rouge est un élément indissociable des trois couleurs fondamentales des cultures anciennes ; celles autour desquelles s’articulent les contes et les fables. (Michel Pastoureau, historien des couleurs). La petite fille vêtue de rouge porte un petit pot de beurre blanc à sa mère- grand vêtue de noir.
Dès – 35 000 ans, l’art du paléolithique utilise le rouge, obtenu notamment avec la terre ocre-rouge (Grotte de Chauvet). Au néolithique, on exploite la garance, une herbe aux racines tinctoriales présente sous des climats plus variés. Puis, on s’est servi des métaux comme l’oxyde de fer ou le sulfure de mercure …. Dans l’Antiquité, le rouge devient l’un des principaux les attributs du pouvoir ( religion – guerre). Tous sont vêtus de rouge. Cette couleur s’impose parce qu’elle renvoie à deux éléments omniprésents dans toute son histoire : le feu et le sang. Le feu, c’est la vie, l’Esprit saint de la Pentecôte, mais c’est aussi la mort, l’enfer, les flammes de Satan qui consument et anéantissement. Le rouge sang, c’est celui versé par le Christ, la force du sauveur qui purifie et sanctifie ; mais c’est aussi la chair souillée, les crimes de sang, le péché, les impuretés des tabous bibliques. Dans la Rome impériale, le rouge est fabriqué avec une substance colorante du murex, un coquillage rare récolté en Méditerranée, réservé à l’Empereur et aux chefs de guerre. Au Moyen-Âge, la recette de la pourpre romaine s’étant perdue (gisements épuisés), on s’intéresse au kermès, œufs de cochenilles qui parasitent les feuilles de certains chênes. Le rouge obtenu est splendide, lumineux, solide. Les paysans recourent à la vulgaire garance, teinte moins éclatante et moins onéreuse. A partir du XIIIe et XIVe siècles, le pape, jusque-là voué au blanc, se met au rouge ainsi que les cardinaux. Ce qui signifie qu’ils sont prêts à verser leur sang pour le Christ. Le rouge est la couleur des papistes, pour les réformateurs protestants il est immoral. Pour Luther, il faut chasser le rouge du temple et des habits de tout bon chrétien. A parti du XVIe siècle, les hommes ne s’habillent plus en rouge (à l’exception des cardinaux, et des membres de certains ordres de chevalerie). Les femmes peuvent toujours s’habiller en rouge alors que le bleu était plutôt féminin à cause de la Vierge et le rouge masculin. La guerre est déclarée, les couleurs vont s’inverser, le bleu devenu une couleur céleste, symbole de paix et de calme. Les deux couleurs sont désormais opposées ; le rouge donne les tons chauds et attire à lui, le bleu associé aux tons froids et fait ressortir les autres. Les peintres refusent de l’abandonner, il est malgré tout la couleur de la passion celle qui a le plus fort impact sur l’œil. Aujourd’hui encore, le bleu est pour les garçons, le rose pour les filles. Le rouge restera aussi la couleur de la robe de mariée jusqu’au XIXe siècle. Le rouge étant la couleur que les teinturiers fixent le mieux sur les tissus. Le rouge sera aussi le vêtement obligatoire pour les prostituées pour les reconnaître dans la rue. Une lanterne rouge posée à la porte des maisons closes. On admettra l’ambivalence de cette couleur décrivant les deux versants du divin et du péché de chair. Le rouge de l’interdit s’affirme au fil des siècles : les robes des juges, le capuchon du bourreau et dans le chiffon qui signifie danger. En 1789, un drapeau rouge sera placé aux carrefours pour rappeler l’interdiction d’attroupement et avertir que la force publique peut intervenir. « Le drapeau rouge est un pavillon de terreur qui n’a jamais fait que le tour du champ de mars » clame Lamartine alors que le drapeau tricolore a fait le tour du mode.. Le drapeau rouge aura quand même un bel avenir. La Russie soviétique l’adoptera en 1918, la Chine communiste en 1949….
Petite anecdote : pour se garder du vieux démon révolutionnaire, il est d’usage dans l’armée de cacher la bande rouge pour qu’elle ne soit plus visible une fois le drapeau descendu. Dans le domaine des symboles, rien ne disparaît vraiment. Le rouge du pouvoir et de l’aristocratie a traversé les siècles en Occident. Chez nous, le rouge indique encore la fête, le luxe, le spectacle le théâtre et les opéras en sont ornés. Dans la vie quotidienne, le bleu a progressé et le rouge a reculé. Nos objets sont rarement rouges. Mais la symbolique a perduré : les panneaux d’interdiction, les feux rouges, la Croix-Rouge, les cartons rouges, l’alerte rouge, les camions des pompiers…… tout dérive de la même histoire, celle du feu et du sang.
Expressions Blanc comme neige Rouge de honte Une peur bleue Voir tout en bleu Faire la bleue Vert de rage Voir tout en rose Jaune comme un citron C’est un bec jaune ! Être blanc comme un linge, une endive Faire grise mine Rouge comme une cerise Broyer du noir Apporter des oranges à quelqu’un Passer à l’orange mûr Etre marron ou chocolat Pour tout l’or du monde En faire une jaunisse Partir sur un éléphant rose Voir rouge En voir des vertes et des pas mûres Voir des anges violets
Dans La clé des contes de l’auteure Bernadette Bricout, professeur de littérature orale évoque le livre du clerc, Egbert de Liège. Ce récit écrit en latin en 1023 met en scène un loup, une petite fille, un rapt dans une forêt et surtout une tunique rouge qui préserve l’enfant de toutes les violences. Ce vêtement, lié au baptême, protège mieux contre toutes les forces du mal, comme l’eau bénite protège contre le diable. Ce que rapporte, les paysans surent le dire avec moi, Et il faut moins s’en étonner que le croire fermement vrai. Quelqu’un tint une petite fille sur les fronts baptismaux Et lui donna tunique tissée de laine rouge. Ce baptême eut lieu à la Pentecôte ; Au lever du soleil, l’enfant âgée de cinq ans, Marche et vagabonde, insoucieuse d’elle-même et du danger. Un loup s’en saisit et gagna la forêt sauvage et profonde, L’apporta comme gibier à ses petits et la leur laissa manger. Ils se précipitèrent sur elle mais, ne parvenant pas à la mettre en pièces, Ils se mirent à lui casser la tête, loin de toute sauvagerie. « Souris, dit la jeune enfant, je vous défends de déchirer cette tunique, Que m’a donnée mon Parrain à mon baptême ! »
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