Le traité de lisbonne - l'action extérieure de l'union européenne et
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le traité de lisbonne et l'action extérieure de l'union européenne le traité de lisbonne et l'action extérieure de l'union européenne Federico Santopinto 2007/5
© Groupe de recherche et d'information sur la paix et la sécurité (GRIP) rue de la Consolation, 70 B-1030 Bruxelles Tél.: (32.2) 241.84.20 Fax: (32.2) 245.19.33 Courriel: admi@grip.org Siteweb: www.grip.org
le traité de lisbonne et l'action extérieure de l'union européenne Sommaire Introduction Pourquoi l'UE doit réformer sa politique extérieure 5 Le paradoxe de la puissance européenne 5 L'architecture institutionnelle actuelle face aux nouvelles menaces 5 Première partie : Les réformes du traité de Lisbonne en matière de relations extérieures 7 Une PESC solidement intergouvernementale 7 La personnalité juridique de l'UE 8 Le président du Conseil européen 8 Un « ministre des Affaires étrangères » redevenu Haut représentant 8 Le service extérieur européen et la réforme de la Commission 9 Le vote à l'unanimité et les coopérations renforcées 10 Le rôle manqué du Parlement européen 11 Quelle cohérence après Lisbonne ? 11 Deuxième partie : Les réformes du traité de Lisbonne en matière de défense 13 La coopération structurée : une Europe plus armée ? 13 Qu'est-ce que la CSP ? 13 Trois particularités … 13 … pour un objectif implicite 14 Un « Maastricht » de la défense 14 Quelles ne seront pas les conséquences de la CSP ? 15 Quelques autres nouveautés mineures en matière de défense 16 Conclusions 17 Annexe 1 - Les trois piliers de l'UE et les relations extérieures après Nice 19 Annexe 2 - Le Conseil et la Commission après Nice : qui fait quoi ? 20 Annexe 3 - Institutions et acteurs de la PESC après Nice 22
le traité de lisbonne et l'action extérieure de l'union européenne d'influence » représente le principal enjeu que la Introduction réforme des traités européens devait aborder dans Pourquoi l'UE doit réformer le domaine des relations extérieures2. sa politique extérieure L'architecture institutionnelle actuelle face Le paradoxe de la puissance européenne aux nouvelles menaces Le rôle de l'Union européenne sur la scène Les raisons qui expliquent ce paradoxe sont bien internationale n'est pas facile à comprendre. Sur connues. D'un part, l'éclatement des compétences le plan commercial ou en matière de coopération entre institutions dans le domaine des relations au développement, l'UE a pu se profiler comme extérieures crée un problème de cohérence de l'ac- un acteur incontournable et reconnu sur la scène tion globale de l'UE. D'autre part, la complexité mondiale. Dans un domaine plus proprement poli- des procédures mises en place dans ce domaine tique, toutefois, l'identité de l'Union est nettement explique la lenteur de réaction de l'UE, lorsque le moins bien définie. Au fil des années, les institutions Conseil européen parvient au consensus nécessaire européennes ont certes acquis d'importantes compé- pour réagir. tences en matière de relations étrangères, de sécurité Le problème de la cohérence de l'action extérieure et de défense, mais la complexité des mécanismes européenne a surgi en 1993, avec l'institution de la institutionnels qui régissent ces compétences et la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC), règle de l'unanimité n'ont pas permis à l'Union de et s'est accentué en 1999, lors de la création de s'imposer sur l'arène internationale avec un rôle la Politique européenne de sécurité et de défense clairement défini. (PESD). Le lancement de la PESC et de la PESD Il en résulte ainsi un cadre plutôt confus, où reflète la volonté des États membres de doter l'UE l'UE apparaît et disparaît selon les dossiers traités de compétences en matière de politique étrangère et les humeurs des membres du Conseil européen. qui aillent au-delà de la dimension économique Kosovo, Irak, Russie, Liban, ONU, Afrique, Iran : et de coopération, tout en évitant d'en perdre le lorsqu'elle ne s'évapore pas, l'UE se présente aux contrôle au profit de la sphère supranationale de grands rendez-vous sécuritaires internationaux de l'UE. En d'autres mots, la PESC/PESD a été créée manière toujours différente, avec un degré de par- dans l'optique de marginaliser la Commission euro- ticipation et d'influence très variable. péenne (ainsi que le Parlement européen et la Cour Dans un tel contexte, il est difficile de définir ce de justice européenne) au profit du Conseil. qu'est l'UE dans le monde. Selon certains analystes, Toutefois, pendant que les États membres de l'UE comme Hanns Maull, l'UE ne peut être considérée mettaient en place la PESC/PESD, en la séparant comme une puissance classique, car elle exerce nettement des compétences de la Commission, et son influence à travers ce qu'elle est et ce qu'elle donc de la puissante politique de coopération de représente, plutôt que à travers ce qu'elle fait1. En l'UE, l'évolution du contexte international brouillait d'autres termes, l'UE serait davantage une force les cartes. L'émergence des « nouvelles menaces » passive qu'une puissance active. (terrorisme, États en faillite, criminalité transnatio- Ce jugement est sans doute trop sévère. Dans nale, immigration incontrôlée), en effet, a changé certaines circonstances l'UE a su se montrer très la nature de la coopération au développement, en active : c'est le cas notamment en Afrique, où son la transformant en un outil stratégique et « géopo- action est souvent sous-estimée par les médias et litique » de plus en plus important. L'aide s'est ainsi les analystes. Il n'en demeure pas moins que l'UE affirmée comme un atout central de toute politique n'apparaît pas comme un acteur global sachant s'im- étrangère. La Stratégie européenne de sécurité ne poser avec cohérence et constance dans le temps. manque pas de le souligner indirectement lorsqu'elle Ainsi, bien qu'exagérée, l'image de Maull a le mérite d'illustrer la nature du problème auquel l'UE fait 1. H. W. Maull, « Europe and the new balance of global order », International Affairs, n° 81, 4, 2005. face hors de ses frontières : elle est un acteur faible 2. Voir F. Santopinto, « Why the EU Needs an Institutional qui dispose, néanmoins, d'un « capital d'influence » Reform of Its External Relations », Note d'analyse, 19/6/2007, considérable. La capacité d'exploiter ce « capital http://www.grip.org/bdg/g1081.htm
Rapport du GRIP 2007/05 affirme que « Notre concept traditionnel d'autodé- du fonctionnement de chacune de ces institutions, fense reposait sur la menace d'une invasion (…). en effet, dévoile une machine institutionnelle très Face aux nouvelles menaces, c'est à l'étranger que complexe, comme les annexes 1, 2 et 3 au présent se situera souvent la première ligne de défense »3. Rapport le démontrent. La Commission européenne, Or, l'aide est justement un instrument qui permet à par exemple, lorsqu'elle intervient dans le domaine l'UE d'intervenir à l'étranger, dans cette première des relations extérieures, est éclatée en 6 Directions ligne de défense, notamment en : générales gérées par 4 Commissaires différents, - apaisant les tensions sociales et économiques auxquels, bien sûr, il ne faut pas oublier d'adjoindre sous-jacentes au terrorisme et aux conflits, le rôle du président de la Commission. Le Conseil - renforçant les Etats en déliquescence, ces der- aussi se divise en de nombreux organes compétents niers étant perçus comme un terrain fertile pour pour les relations étrangères. la prolifération des « nouvelles menaces », En réalité, les décideurs européens sont parfaite- - étendant l'influence culturelle et politique de l'UE ment conscients du problème de la cohérence. Depuis au détriment des dérives extrémistes et fonda- maintenant plusieurs années, les documents et les mentalistes qui sont à l'origine du terrorisme, initiatives annonçant une majeure coordination et une - influençant directement le comportement des meilleure complémentarité des actions extérieures responsables qui perçoivent l'aide à travers la de l'UE prolifèrent8. Cette prise de conscience a conditionnalité politique de l'aide. indéniablement permis d'améliorer l'action de l'UE sur le terrain. Inévitablement, une telle évolution du rôle de l'aide a engendré un problème croissant de cohérence Toutefois, au-delà des bonnes intentions et des de l'action de l'UE dans le monde, étant donné que nombreuses procédures de consultation mises en les outils stratégiques de l'Union (la coopération au place à ce propos, il n'en demeure pas moins que, à développement d'un côté, la PESC/PESD de l'autre) la base, le problème de la cohérence est intimement se sont retrouvés divisés entre des institutions et des lié à la qualité et au niveau d'intégration européenne procédures distinctes. en matière de politique étrangère. Les procédures de coordination et de consultation peuvent certes Ce problème s'est accentué à partir de 1999. À améliorer une situation donnée, mais elles ne sont pas cette date, la PESD a été créée à partir de la PESC en mesure d'aborder le problème de fond. Seule une afin d'attribuer à l'UE des pouvoirs en matière de réforme institutionnelle courageuse peut le faire. gestion militaire des crises4. Les États membres ne se sont cependant pas limités à la seule dimension militaire. Ils ont également conféré à la PESD des 3. Voir la Stratégie européenne de sécurité, « Une Europe compétences dans le domaine de la gestion civile sûre dans un monde meilleur », adoptée lors du Conseil européen des crises, et plus précisément, dans quatre secteurs : du 8 décembre 2003. 4. Pour plus d'informations sur la PESD, voir F. Santopinto, l'État de droit, la police, l'administration civile et la « La politique européenne de sécurité et de défense : enjeux et protection civile5. Or, la politique de coopération au réalités », Note d'analyse, 22/12/2005, http://www.grip.org/bdg/ développement de l'UE n'a jamais été confinée à g4592.html 5. Pour plus d'informations, voir A. Nowak, « Civilian Crisis des activités de nature exclusivement économique Management within ESDP », dans A. Nowak (éd.), Civilian Crisis et sociale, car elle s'étend à des thèmes tels que la Management : the EU Way, Chaillot Paper, n° 90, disponible sur prévention des conflits, la reconstruction et la ré- le site de l'Institut d'études de Sécurité de l'Union européenne, http://www.iss-eu.org/, juin 2006. habilitation post-conflit, la promotion de l'État de 6. Voir F. Nkundabagenzi et F. Santopinto, Le développement, droit, des droits de l'homme, de la démocratie, de la une arme de paix - La coopération de l'UE et la prévention des conflits, Bruxelles, Éditions Complexe / GRIP, 2003. bonne gouvernance6. Les activités de gestion civile 7. La capacité de l'UE à adopter une approche globale et cohé- des crises se sont donc retrouvées à cheval entre les rente de gestion de crise est évoquée par la Stratégie européenne deux premiers piliers de l'UE, en embrouillant inévi- de sécurité, qui définit la doctrine de l'UE en matière de sécurité internationale. Voir aussi C. Egenhofer, Policy Coherence for tablement le processus d'élaboration d'une stratégie Development in the EU Council: Strategies for the Way Forward, cohérente de la part des institutions européennes7. CEPS, juin 2006. De plus, il convient de rappeler que le problème 8. Voir : Commission européenne, Communication au Conseil européen de juin 2006, L'Europe dans le monde - Propositions de la cohérence est loin d'être confiné au seul dua- concrètes visant à renforcer la cohérence, l'efficacité et la visibilité, lisme entre le Conseil et la Commission. L'analyse COM(2006) 278 final, 8/6/2006.
le traité de lisbonne et l'action extérieure de l'union européenne Deuxièmement, le Royaume-Uni a fait adopter Première partie deux déclarations annexées aux traités européens11, Les réformes du traité qui soulignent à nouveau la dimension étatique de de Lisbonne en matière la PESC/PESD : « les dispositions portant sur la de relations extérieures politique étrangère et de sécurité commune (…) n'affecteront pas (…) les responsabilités ni les compétences de chaque État membre en ce qui Les règles élémentaires de la sociologie de concerne l'élaboration et la conduite de sa politi- l'administration nous enseignent que, lorsque les que étrangère, son service diplomatique national, organes et les institutions prolifèrent sans que ses relations avec les pays tiers et sa participation leurs relations hiérarchiques soit bien définies, à des organisations internationales, y compris elles se posent souvent en concurrence les unes l'appartenance d'un État membre au Conseil de envers les autres, en provoquant un problème de sécurité des Nations unies. (…) Les dispositions cohérence. Ainsi, parmi ses principaux objectifs, couvrant la PESC ne confèrent pas de nouveaux la Constitution pour l'Europe devait « clarifier » pouvoirs à la Commission, ne lui accordent pas les compétences des institutions européennes en l'initiative de décisions ni n'accroissent le rôle du matière de relations extérieures. Parlement européen »12. Après l'échec de sa ratification, en 2004, le Ces nouvelles dispositions, qui, rappelons-le, nouveau traité de Lisbonne, adopté le 13 décembre n'étaient pas prévues dans le texte constitutionnel, 2007, a repris l'essentiel des réformes proposées ne changeront pas la nature actuelle de la PESC. par le texte constitutionnel9. Toutefois, il apporte Plutôt, elles ont pour but de mettre les points sur certaines précisions de nature symbolique que la les « i ». Surtout, Londres a voulu exclure défi- Constitution ne mentionnait pas, dans le but de nitivement la possibilité de voir l'UE influencer consolider et de pérenniser la dimension intergou- sa politique en tant que membre permanent du vernementale de la PESC. Conseil de sécurité de l'ONU : elle pourra donc Le traité de Lisbonne devrait entrer en vigueur en continuer à gérer, avec Paris, son siège permanent 2009, avant les prochaines élections du Parlement indépendamment d'éventuelles prises de position européen, à condition, bien sûr, que le processus unanimes du Conseil européen13. Ainsi, certains de ratification arrive à bon terme. Dans la première observateurs n'hésitent pas à comparer les disposi- partie de ce rapport, nous passerons en revue les tions ici mentionnées à une véritable « déclaration nouveautés qu'il apporte tant aux traités en vigueur sur l'autonomie des politiques étrangères des États que par rapport à la Constitution pour l'Europe. membres », au détriment de l'UE14. Ces précisions apportées par le traité de Lis- Une PESC solidement bonne ne s'adressent, bien entendu, qu'à la PESC et à intergouvernementale la PESD. La Commission européenne restera, quant à elle, compétente pour la politique de coopération Le Royaume-Uni, inquiet que la Cour de justice au développement, l'aide humanitaire et la politique européenne puisse, graduellement, grignoter des commerciale, selon le mode de fonctionnement compétences des États membres au profit de la Commission et du Parlement européen, a su pro- 9. Voir F. Santopinto, « La Constitution pour l'Europe et la fiter de l'échec de la ratification de la Constitution politique étrangère : quelle avancée ? », Note d'analyse, 5/8/2004, pour introduire, dans les traités européens, deux http://www.grip.org/bdg/g4549.html dispositions qui verrouillent le caractère intergou- 10. Art. 24 du TUE, tel que modifié par le traité de Lis- bonne. vernemental de la PESC et de la PESD. 11. Déclarations 30 et 31 annexées au TUE tel que modifié Premièrement, le traité de Lisbonne insère expli- par le traité de Lisbonne (disponibles sur www.grip.org). 12. Déclaration 31 annexée au TUE tel que modifié par le citement dans le traité sur l'UE (TUE) l'interdiction, traité de Lisbonne. pour la Cour de justice, d'étendre sa juridiction à la 13. EPC, Egmont Institute, CEPS, « Foreign Policy: Many PESC et à la PESD. L'adoption d'actes législatifs Opportunities and Few Unknows », dans The Treaty of Lisbon : Implementing the Institutional Innovations, novembre 2007. contraignants pour les États membres dans ces 14. Voir O. Jehin, « Comment définir l'intérêt européen ? », domaines est elle aussi expressément interdite10. Europe Diplomatie & Défense, n° 85, 6 décembre 2007.
Rapport du GRIP 2007/05 communautaire traditionnel (semi-supranational). Un « ministre des Affaires étrangères » Le dualisme Conseil-Commission est donc destiné redevenuHaut représentant à demeurer, bien que, comme nous le verrons plus tard, la création du poste de Haut représentant de La réforme la plus importante et médiatisée l'Union pour les Affaires étrangères et la politique proposée par la Constitution était la création d'un de sécurité (HRU) devrait améliorer la coordination poste de ministre des Affaires étrangères (MAE), entre ces deux institutions. appelé à remettre de l'ordre dans le labyrinthe institutionnel et procédural qui régit les actions extérieures de l'UE18. Le but expressément affiché La personnalité juridique de l'UE dans le texte constitutionnel était ainsi de veiller Comme la Constitution l'avait déjà prévu, le traité à la cohérence de l'action extérieure de l'Union. de Lisbonne confère une personnalité juridique à Implicitement, il s'agissait surtout de mettre un l'Union. En réalité, la Communauté européenne dis- terme au dualisme Conseil-Commission dans ce pose déjà d'une personnalité juridique formellement domaine, en établissement un pont entre les com- reconnue dans le TCE, mais aucune disposition ne pétences du Conseil (PESC/PESD) et celles de la l'étend à l'UE (selon certains juristes, cependant, l'UE Commission (politique de coopération et relations en disposerait de facto). Or, le traité de Lisbonne, économiques)19. qui prévoit l'absorption de la CE par l'UE, efface Pour ce faire, le ministre, nommé par le Conseil les doutes à ce propos et confère explicitement la européen à la majorité qualifiée, aurait dû réunir les personnalité juridique à l'UE. Celle-ci pourra donc actuelles compétences du Haut représentant pour stipuler des accords internationaux15. la PESC (et donc du Conseil) et celles de l'actuel L'attribution d'une personnalité juridique à l'UE Commissaire aux Relations extérieures (Relex) de a de nouveau poussé le Royaume-Uni à demander la Commission. Plus que cela, il aurait dû être à la et à obtenir l'adoption d'une énième déclaration, fois vice-Président de la Commission européenne et elle aussi non prévue initialement par la Constitu- président du Conseil Relations extérieures de l'UE tion, devant évacuer toute interprétation extensive (qui réunit les ministres des Affaires étrangères des compétences extérieures de l'UE. Selon cette des États membres, et qui sera séparé, à l'avenir, déclaration, « le fait que l'Union européenne ait du Conseil Affaires générales). une personnalité juridique ne l'autorisera en aucun Les changements que le traité de Lisbonne cas à légiférer ou à agir au-delà des compétences apporte aux dispositions de la Constitution sont que les États membres lui ont attribuées dans les surtout symboliques. Les Britanniques ont demandé traités »16. et obtenu que le titre de ministre soit retiré, soucieux Le Président du Conseil européen 15. M. Comelli, « Il nuovo trattato di riforma dell'Ue e la politica estera e di sicurezza europea: cosa cambia ? », Servizio Une réforme importante (qui reste complète- studi - Senato della Repubblica italiana, Istituto Affari Interna- zionali (IAI), octobre 2007. ment inchangée par rapport à la Constitution, mais 16. Déclaration 32 annexée au TUE tel que modifié par le qui représente une nouveauté notable par rapport traité de Lisbonne. aux traités existants) est la création d'un poste de 17. Le Président du Conseil européen présidera seulement le Conseil européen. Quant aux différentes formations du Conseil président du Conseil européen permanent, qui sera des ministres de l'UE, elles resteront soumises à une présidence élu à la majorité qualifiée par les États membres. tournante des États membres via un système de rotation de 18 mois, Les Présidences tournantes assurées par les gouver- à l'exception, bien-sûr, du Conseil Affaires générales et Relations extérieures (CAGRE), qui sera lui présidé par le Haut représentant nements tous les six mois sont en effet considérées de l'Union pour les étrangères et la Politique de sécurité. comme une des principales causes de discontinuité 18. Voir F. Santopinto, « La Constitution pour l'Europe et la de l'action extérieure européenne. Le nouveau politique étrangère : quelle avancées ? », Note d'analyse, 2004, http://www.grip.org/bdg/g4549.html président, qui représentera l'UE dans le monde 19. Le labyrinthe institutionnel et procédural qui caractérise au plus haut niveau, restera en exercice pendant la politique extérieure de l'UE a été décrit dans l'introduction de une durée de deux ans et demi, renouvelable une ce rapport : d'un côté la Commission (avec son Président et quatre autres Commissaires préposés aux relations extérieures), de l'autre fois, en garantissant ainsi un suivi plus constant le Conseil et la PESC (représentés par l'État exerçant la Présidence des dossiers traités. tournante et par le Haut représentant pour la PESC).
le traité de lisbonne et l'action extérieure de l'union européenne Encadré - Une myriade de titres Titres prévus dans le traité sur l'UE avant le traité de Lisbonne : Haut représentant pour la PESC - Représentant de la PESC et de la PESD pour le Conseil, selon le traité sur l'Union européenne ac- tuellement en vigueur. Commissaire pour les Relations extérieures (RELEX) - Responsable pour la Commission européenne des relations économiques et de coopération avec tous les pays du monde (y compris les États-Unis), à l'exception des pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (dont les relations sont gérées par le Commissaire au développement) et des pays candidats à l'adhésion ou potentiellement candidats (Commissaire à l'élargissement). Le commissaire Relex est cependant compétent aussi pour les aspects politiques de la coopération au développement (droit de l'homme, démocratie, État de droit, prévention des conflits) pour tous les pays du monde, y compris les ACP et les candidats à l'adhésion. Enfin, le Commissaire Relex participe, pour compte de la Commission, aux travaux de la PESC, bien que dans ce domaine son rôle soit secondaire. Titre qui était prévu dans la Constitution pour l'Europe : Ministre des Affaires étrangères (MAE) - Poste qui était prévu par la Constitution afin de réunir les fonctions de Haut représentant pour la PESC et de commissaire pour les Relations extérieures (ainsi que du vice-président de la Commission). Titre prévu dans le traité sur l'UE après le traité de Lisbonne : Haut représentant de l'Union pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité (HRU) - Nouvelle appellation attribuée au ministre des Affaires étrangères de l'Union selon le traité de Lisbonne. d'effacer tout vocabulaire pouvant évoquer l'exis- tionales qui font de l'UE l'organisation régionale tence d'un super-gouvernement européen. Ainsi la plus intégrée du monde. Lorsqu'il agira dans la nouvelle figure représentant l'UE en matière le domaine politique, diplomatique et sécuritaire de relations extérieures portera le titre de Haut (PESC et PESD), il changera de casquette, en rede- représentant de l'Union pour les Affaires étrangères venant ce que « Monsieur PESC » est aujourd'hui : et la Politique de sécurité (HRU), et non celui de un mandataire du Conseil et des États membres, ministre. Ce changement de nom, toutefois, n'aura et non un décideur politique. pas réellement de répercussion dans la substance. Les nouvelles dispositions établissent donc un Le Haut représentant de l'Union sera ce que le pont entre les deux sphères d'actions européennes, ministre devait être : le Commissaire Relex (et mais ne touchent pas au dualisme Conseil-Commis- le vice-Président de la Commission) ainsi que le sion en tant que tel20. Surtout, elles ne renforcent représentant pour la PESC. pas les compétences de l'UE en matière de relations Un pied au Conseil et l'autre à la Commission, extérieures : elles tentent plutôt de concentrer une deux casquettes pour une seule tête : voilà donc partie de ses compétences sous une seule figure, la formule qui fut proposée par la Constitution et dans le but affiché de rendre l'action européenne qui est reprise par le traité de Lisbonne pour faire plus cohérente et unitaire. face au problème de la cohérence. Cette solution de compromis sera-t-elle en mesure de mettre fin Le Service extérieur européen au dualisme entre les deux institutions ? et la réforme de la Commission En réalité, les nouvelles dispositions ne modi- fient en rien la distinction entre les compétences Afin d'appuyer l'action du ministre des Affai- communautaires de la Commission et celles res étrangères, la Constitution prévoyait en outre intergouvernementales du Conseil. Lorsque le la création d'un « service européen pour l'action HRU interviendra, par exemple, dans le domaine de la coopération, traditionnelle prérogative semi- supranationale de l'UE, il le fera dans le cadre des 20. Voir N. Nuttall, « On Fuzzy Pillars: Criteria for the compétences traditionnelles de la Commission Continued Existence of Pillars in the Draft Constitution », CFSP européenne et de ses procédures semi-suprana- Forum, vol. 4, n° 2, juillet 2004.
10 Rapport du GRIP 2007/05 extérieure »21 (appelé par certains « service diplo- inévitablement convoité tant par la Commission matique »), sans préciser toutefois où ce service se que par le Conseil. situerait (au sein de la Commission ? du Conseil ? Au contraire, si la création du nouveau service en dehors de ces deux institutions ?). Le traité de extérieur venait à s'ajouter aux Dg actuelles de Lisbonne a repris cette disposition telle quelle, la Commission et aux services du Secrétariat du sans y apporter de précisions supplémentaires. Conseil déjà existants, il ne ferait qu'augmenter L'organisation et le fonctionnement du service la complexité administrative que la réforme des extérieur seront fixés par une décision du Conseil traités devait justement réduire24. (avec consultation préalable du PE et approbation de la Commission) une fois le traité adopté22. Le vote à l'unanimité Le contenu de cette réforme reste donc à défi- et les coopérations renforcées nir. Or, l'institution du service extérieur, qui sera composé de fonctionnaires de la Commission, du Actuellement, lorsque les États membres de Conseil et des États membres, représente une pièce l'UE doivent prendre une décision au titre de la essentielle du puzzle institutionnel que le traité de PESC/PESD, ils se réunissent au sein du Conseil Lisbonne doit recomposer en matière de relations et du Conseil européen et votent à l'unanimité. extérieures. Le succès global des réformes propo- L'élargissement à douze nouveaux États membres sées à Lisbonne dépendra aussi de la manière dont a fait craindre que cette règle puisse paralyser le ce nouveau service sera organisé et de l'endroit où fonctionnement du Conseil dans un domaine aussi il se situera. délicat que la politique étrangère. Or, le traité de En effet, comme on l'a vu, le problème de Lisbonne n'a pas remédié au problème. À quelques la cohérence ne s'explique pas seulement par le exceptions près, le système de vote de la PESC dualisme entre le Conseil et la Commission en demeurera celui de l'unanimité. La seule avancée matière de relations étrangères, mais, plus généra- pouvant atténuer la rigidité de cette règle, appor- lement, par l'éclatement des organes compétents à tée par la Constitution et reprise dans le nouveau l'intérieur même de ces institutions (voir l'annexe texte, consiste dans la possibilité, pour le Conseil, 2). Dès lors, la création d'un service extérieur mis d'identifier au fur et à mesure, à l'unanimité, les à la disposition du Haut représentant de l'Union matières pour lesquelles il pourra voter à la ma- n'a de sens que s'il met de l'ordre dans la myriade jorité qualifiée. d'or-ganes existants, notamment à l'intérieur de Deux maigres options restent aux États mem- la Commission, où 6 Directions générales et 4 bres afin de surmonter les difficultés que la règle Commissaires sont compétents pour les relations de l'unanimité pose dans le domaine PESC. La extérieures. première concerne le principe de l'abstention Une restructuration de la Commission, qui constructive, introduit par le traité de Nice de 2000 rédui-se le nombre de Commissaires et de Dg compétentes pour l'extérieur et qui rationalise leurs pouvoirs, représente l'autre pièce essentielle 21. Art. 27.3 du TUE tel que modifié par le traité de Lis- bonne. du puzzle institutionnel que le traité de Lisbonne 22. Après l'adoption de la Constitution pour l'Europe, en 2004, doit recomposer. Or, à l'instar de la Constitution, les négociations entre le Conseil et la Commission afin d'instituer le traité de Lisbonne introduit une réforme de la le service extérieur avaient déjà commencé. Elles ont ensuite été interrompues à la suite des « non » français et hollandais à Commission qui vise à réduire le nombre de com- la ratification du texte. Un premier document avait toutefois été missaires en 2014, sans toutefois préciser quelle produit : Secrétariat général du Conseil de l'UE / Commission européenne, European External Action Service : Join Progress sera la nouvelle répartition de compétences au sein Report to the European Council, CAB 24 RELEX 304, DQPG. de l'exécutif européen23. 23. À partir de 2014, le nombre de Commissaires ne pourra Une solution aurait été de regrouper dans le dépasser, selon les termes établis par le traité de Lisbonne, les 2/3 du nombre de pays de l'UE (actuellement tous les États nouveau service extérieur la Dg Relex, la Dg Dev membres ont le droit de disposer d'un Commissaire, ce qui porte (et éventuellement la Dg Enlarg) ainsi que les leur nombre à 27). services équivalents du Secrétariat du Conseil. Il 24. Pour un approfondissement des enjeux sous-jacents du service extérieur européen, voir European Policy Centre (EPC), resterait toutefois à résoudre l'épineux problème The EU Foreign Service: How to Build a More Effective Common de la localisation de ce service extérieur, qui est Policy, Document de travail n° 28, novembre 2007.
le traité de lisbonne et l'action extérieure de l'union européenne 11 et aujourd'hui confirmée. La deuxième concerne les membres ayant au contraire jugé plus prudent de coopérations renforcées, elles aussi introduites par ne pas garantir au PE un tel contrôle au niveau le traité de Nice. Le but des coopérations renforcées du TUE. C'est d'ailleurs dans cette optique que, est de permettre aux membres plus volontaristes comme il a été mis en exergue précédemment, le de l'Union d'entreprendre des actions ou des po- traité de Lisbonne a inséré une déclaration annexée litiques dans certains domaines, sans pour autant au TUE affirmant que « les dispositions couvrant la engager les pays qui ne souhaitent pas les suivre. PESC (…) n'accroissent pas le rôle du Parlement Cette règle, en réalité, reprend une pratique déjà européen »28. consolidée avec la monnaie unique et les accords de Schengen sur les frontières européennes. Bien Quelle cohérence après Lisbonne ? entendu, dans le domaine de la PESC, les coopé- rations renforcées doivent être autorisées par le Le problème de la cohérence sera-t-il résolu par Conseil à l'unanimité. Dans les faits, ainsi, le droit les réformes ici examinées ? Rien n'est moins sûr. de veto qu'un seul État membre peut opposer à une Le traité de Lisbonne est resté intentionnellement initiative extérieure de tous les autres membres de très vague, et même imprécis, sur de nombreux l'Union reste en vigueur. points qui auraient pourtant requis plus de clarté. La mise en place des nouvelles institutions et des Le rôle manqué nouveaux acteurs des relations extérieures de l'UE du Parlement européen (PE) sera encore laborieuse et requerra d'ultérieures et difficiles négociations. Plusieurs questions restent La légitimité démocratique de la politique sans réponse, témoignant que le problème de la étrangère représente un autre grand défi auquel la cohérence est encore loin d'être résolu : réforme institutionnelle européenne était appelée - Quelle sera la relation entre le HRU et le Pré- à répondre. Si la coopération au développement et sident de la Commission, qui assure lui aussi la politique commerciale sont soumises au contrôle la représentation extérieure de l'Union dans du Parlement européen (c'est le cas, en général, les domaines autres que la PESC ? Un Com- de toutes les activités encadrées par la CE, pour missaire européen doit toujours rendre compte lesquelles le PE participe au processus législatif), à son président, qui peut d'ailleurs demander dans le domaine de la PESC/PESD, l'assemblée sa démission. Cette relation hiérarchique sera européenne ne détient au contraire qu'un rôle mar- toutefois compromise avec le nouveau HRU, ginal, que ni la Constitution ni le traité de Lisbonne dont la légitimité dérive essentiellement du n'ont modifié dans le fond. Comme précédemment, Conseil européen, qui doit le nommer29. Lors- le traité de Lisbonne se limite à demander que que le Haut représentant prendra la place de le PE soit régulièrement informé des principaux l'actuel Commissaire aux Relations extérieures aspects et des choix fondamentaux de la PESC et (RELEX), quels sont les relations qu'il entre- de la PESD. Il prévoit que le PE organise deux fois par an un débat sur les progrès réalisés dans 25. Art. 36 du TUE, tel que modifié par le traité de Lis- le domaine de la PESC, sans toutefois apporter bonne. d'autres précisions25. 26. Accord interinstitutionnel entre le PE, le Conseil et la Commission, du 6 mai 1999, sur la discipline et l'amélioration Au cours de la précédente législature (1999- budgétaires, JO C 172 du 18 juin 1999. 2004), le PE et le Conseil étaient toutefois parvenus 27. Voir notamment le Policy Paper rédigé pour le Parlement à un accord afin de garantir un encadrement mi- européen par le GRIP « Approche intégrée des outils et des acteurs de la gestion civile des crises par l'UE et son finance- nimal de ces consultations. L'accord interinstitu- ment », de F. Nkundabagenzi, en collaboration avec B. Adam, tionnel qui avait été signé à ce propos prévoyait C. Pailhe, V. Peclow et F. Santopinto, janvier 2004 publié sur le que « chaque fois que le Conseil adopte des déci- site du PE (http://www.europarl.eu.int/meetdocs/committees/ afet/20040127/05c_fr.pdf). sions dans le domaine de la PESC qui entraînent 28. Déclaration 31 annexée au TUE tel que modifié par le des dépenses, il communique immédiatement au traité de Lisbonne. Parlement une estimation de coûts »26. En vain 29. Le Conseil européen nomme le Haut représentant et, surtout, peut le révoquer. Le président de la Commission devra les députés européens ont voulu faire insérer cette être consulté dans cet exercice, mais il reste difficile à croire qu'il disposition dans les traités européens27, les États sera en mesure de s'imposer face aux États membres.
12 Rapport du GRIP 2007/05 tiendra avec le président de la Commission ? hiérarchique n'est établie entre ces deux figures. Et surtout : si le HRU doit coordonner le tra- Le traité de Lisbonne reste muet à ce sujet. En vail des commissaires exerçant des fonctions outre, le nouveau service extérieur étant placé extérieures, ne risque-t-il pas de se heurter aux sous le HRU, lorsque le président du Conseil compétences du président de la Commission, devra représenter la PESC au niveau des chefs qui, par sa nature, devrait coordonner le travail d'États et de gouvernement, sur quels services de son institution ? administratifs s'appuiera-t-il ?30 Hors des frontières européennes, la Commission - Face au dualisme entre le Conseil et la Com- deviendra un corps à deux têtes. Et le traité de mission, où se situera le service européen Lisbonne, pourtant très détaillé dans certaines pour l'action extérieure et comment sera-t-il de ses parties, reste opaque sur ce sujet. Ainsi, organisé ? Comme on l'a vu précédemment, le non seulement le dualisme entre le Conseil et traité de Lisbonne n'apporte aucune précision à la Commission demeure intact, mais il risque ce propos. Cette délicate question, étroitement maintenant d'être transporté à l'intérieur même liée à la restructuration de la Commission et à de la Commission européenne. la réduction du nombre de commissaires, devra - Quelle sera la relation entre le HRU et le être soumise à de nouvelles négociations entre président du Conseil européen, qui devra, lui le Conseil et la Commission, des négociations aussi, représenter l'Europe dans le monde ? qui s'annoncent aussi difficiles que capitales Après avoir institué le poste de HRU et après pour le succès global des réformes en matière lui avoir retiré le titre de « ministre », on aurait de relations extérieures (voir le paragraphe pu s'attendre à ce que la représentation de la relatif au service extérieur). PESC à l'étranger soit soustraite au président du Conseil européen pour être laissée au Haut représentant, lui aussi émanant de la volonté des États membres. Il n'en sera pas ainsi. Le HRU 30. Pour un approfondissement sur ce thème lire G. Avery, et le président du Conseil européen incarneront « The New Architecture of EU Foreign Policy », dans Chal- lenge Europe - The People Project? The New EU Treaty and ensemble la politique étrangère et de sécurité de the Prospects for Future Integration, European Policy Centre l'UE, chacun à son niveau. Or, aucune relation (EPC), décembre 2007.
le traité de lisbonne et l'action extérieure de l'union européenne 13 vement le secteur de la défense : elle contient, en Deuxième partie effet, des dispositions spécifiques qui régissent la Les réformes du traité possibilité, pour certains États membres, d'inten- de Lisbonne en matière sifier leur collaboration dans le domaine militaire de défense sans pour autant impliquer tout le monde. Le contenu concret de cette collaboration n'est toutefois pas clairement défini par le nouveau traité. Dans le domaine de la défense, le double objectif Les dispositions en question demeurent vagues. de la PESD (promouvoir une intégration progres- Elles mentionnent notamment la nécessité d'attein- sive des politiques de défense et conférer à l'Union dre des objectifs agréés en matière d'équipement une capacité opérationnelle de gestion civile et et de développer des programmes communs d'ar- militaire des crises en dehors de ses frontières) mement, afin d'harmoniser les capacités des États reste inchangé. Toutefois, la Constitution pour participants, en évitant les doublons. l'Europe avait introduit d'importantes nouveautés Or, ces objectifs sont ceux de la PESD et de qui ont toutes été intégrées dans le traité de Lis- l'Agence européenne de défense. Quelle sera donc bonne. Parmi celles-ci, la coopération structurée la valeur ajoutée de la coopération structurée ? permanente, qui pourrait comporter, à terme, une En impliquant les États les plus volontaires, on augmentation des budgets militaires des États peut supposer que celle-ci poursuivra les objectifs membres, pose de nombreuses questions. établis de manière plus résolue. Cependant, le traité de Lisbonne ne précise pas si les décisions La coopération structurée : une Europe prises dans le cadre de la coopération structurée plus armée ? 31 seront contraignantes pour les États participants (ce qui représenterait une véritable valeur ajoutée Elle était déjà passée inaperçue en 2004, lorsque par rapport aux règles actuelles de la PESD et de la Constitution pour l'Europe fut adoptée. Elle est l'Agence européenne de défense, qui, en matière restée incognito en décembre 2007, à la veille de la d'armement, ne constituent qu'un forum de coor- signature du traité de Lisbonne. La « coopération dination entre les États membres). Dès lors, il structurée permanente » (CSP) est pourtant une faudra sans doute attendre la mise en œuvre de la nouveauté importante que la Constitution devait CSP pour comprendre quelle sera sa portée sur la introduire au sein de la PESD, et qui est reprise politique européenne de défense. telle quelle par le nouveau traité. Néanmoins, certaines caractéristiques de la CSP, Le silence médiatique qui entoure la CSP qui ne concernent pas son contenu mais plutôt ses s'explique sans doute par le consensus discret qui critères de base et ses modalités de fonctionnement, plane autour d'elle. Toutefois, le fait qu'elle n'ait nous fournissent déjà des indices intéressants sur pas fait l'objet de disputes spectaculaires entre chefs les conséquences qu'elle pourrait avoir par rapport d'État ne signifie pas qu'elle soit moins importante à la PESD, notamment en matière budgétaire. que d'autres réformes plus médiatisées du traité de Lisbonne. Bien au contraire. Trois particularités … Qu'est-ce que la CSP ? L'originalité de la coopération structurée per- manente réside dans trois particularités, dont les La CSP introduit la possibilité de créer une Eu- deux dernières la différencient des coopérations rope à deux vitesses dans le domaine de la défense. renforcées. En cela, elle s'inspire des « coopérations renforcées Premièrement, la coopération structurée perma- » (CR), qui, comme nous l'avons vu, établissent un nente se fera seulement entre « les États membres mécanisme permettant aux États les plus volontaires qui remplissent des critères plus élevés de capacités de prendre des initiatives auxquelles d'autres États militaires et qui ont souscrit des engagements plus ne veulent pas souscrire. contraignants en cette matière (…) »32. La CSP Dans cette même logique, la coopération struc- turée permanente peut être vue comme une sorte 31. Cette Note d'analyse a été rédigée et publiée par l'auteur de grande coopération renforcée qui vise exclusi- en octobre 2007 sur http://www.grip.org/bdg/g0966.html
14 Rapport du GRIP 2007/05 n'est donc pas une initiative destinée à s'adresser il n'existera aucune alternative. Les États qui y seulement aux États qui voudront y participer, mais participeront modèleront de facto le processus surtout à ceux qui pourront y participer. d'intégration européenne dans le domaine de la Deuxièmement, comme son nom l'indique, la défense, en influençant par conséquent toute la CSP sera unique et permanente. Il ne s'agit donc politique étrangère de l'Union. Les États réticents pas d'une forme de collaboration de circonstance, n'auront dès lors pas d'alternative s'ils veulent éviter à géométrie variable. à l'inverse, les États de l'UE la marginalisation : ils devront suivre la voix déjà peuvent établir autant de coopérations renforcées tracée par les pays les plus dépensiers en matière qu'ils veulent dans les domaines qui ne relèvent pas militaire. des compétences exclusives de l'Union (y compris En outre, le fait que la CSP doit être instituée la Politique étrangère et de sécurité commune). à la majorité qualifiée (3e caractéristique) signifie Troisième particularité, les critères prévus pour que même s'il la juge trop contraignante, un État créer la coopération structurée sont moins contrai- membre sera tout de même poussé à y participer, gnants que ceux des coopérations renforcées. Ces étant donné qu'il ne dispose pas du droit de veto. dernières, en effet, lorsqu'elles concernent la PESC, Et ses marges de manœuvre quant aux négociations seront instituées sous délibération du Conseil à destinées à définir le contenu de la coopération l'unanimité, alors que la CSP, au contraire, ne structurée seront inévitablement réduites. nécessite qu'un vote à la majorité qualifiée. Cette La majorité qualifiée est pourtant une exception règle sera également appliquée lorsque les États remarquable dans le domaine de la PESC/PESD. participants à la CSP décideront d'inclure un nou- La politique étrangère et de défense, en effet, s'est veau membre. Il est même prévu que le Conseil, toujours reposée sur un fonctionnement strictement toujours à la majorité qualifiée, pourra suspendre intergouvernemental, basé sur une règle de l'unani- un État participant à la CSP s'il ne remplit plus les mité considérée comme sacrée. En cela, le contraste critères établis. entre la CSP et les coopérations renforcées, qui, lorsqu'elles s'adressent à la PESC, restent soumises … pour un objectif implicite à l'unanimité, est parlant. Ces trois particularités susmentionnées sem- En somme, afin d'éviter de rester marginalisés au blent avoir été pensées dans le but de promouvoir sein de la PESD/PESC, et donc dans le monde, les une augmentation des budgets militaires des États États réticents à la CSP pourraient être contraints participant à la coopération structurée. En réalité, d'augmenter leurs dépenses militaires pour y par- combinées entre elles, ces trois caractéristiques ticiper. Pour ne citer qu'un exemple, la Belgique feront plus : elles créeront un mécanisme qui pour- pourrait entrer dans ce cas de figure : en 2005, ses rait, de facto, pousser vers le haut la moyenne des dépenses militaires correspondaient à 1,24% de budgets militaires de quasi tous les États de l'Union, son PIB, alors que la moyenne européenne était et non pas uniquement de ceux qui pourraient être de 1,84% et celle des États « plus vertueux », initialement intéressés à lancer la CSP. comme la France, le Royaume-Uni ou la Grèce, Lorsque le législateur européen affirme que la dépassait les 2%. Si, en 2009, le traité est ratifié, CSP doit se baser sur les États qui remplissent des le gouvernement belge pourrait donc être appelé critères plus élevés en matière militaire (1re carac- à faire face à un dilemme : augmenter son budget téristique de la CSP), il n'invoque pas explicitement militaire ou prendre le risque d'être marginalisé une augmentation des budgets de la défense. Mais au sein de la PESC. il oblige la plupart des États membres à un nivel- lement vers le haut de leurs dépenses militaires, Un « Maastricht » de la défense sous peine de rester exclus du projet. La coopération structurée ne se borne pas à Or, étant donné que la CSP sera unique et per- instituer un mécanisme qui pousse vers le haut manente (2e caractéristique), la plupart des États la moyenne des budgets militaires européens. Un membres ne pourront se permettre d'en rester exclus. En effet, le principe de l'unicité fera de 32. Art. 42, par. 6 du traité sur l'UE, tel que modifié par le la CSP une avant-garde de la PESD, à laquelle traité de Lisbonne.
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