Le Voyage à Nantes parcours choisis - du 28 juin au 1er septembre 2013
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Le Voyage à Nantes parcours choisis du 28 juin au 1er septembre 2013 08 1 Supp Nantes Couve.indd 9 09/07/13 11:15
Serpent d’océan de Huang Yong Ping. Saint-Brevin- les-Pins, création pérenne Estuaire 2012 édito Q u’est-ce qu’une manifestation culturelle populaire ? C’est à cette question, sans cesse reformulée, que répond, d’année en année, de rendez-vous culturels en manifestations conviviales, la métropole nantaise. Pour cette deuxième occurrence du Voyage à Nantes, Jean Blaise, David Moinard et leurs équipes ont vu les choses en grand – ou parfois en tout petit. Jouant des effets de focale, passant tantôt les œuvres au miroir grossissant (chez Lilian Bourgeat, par exemple, qui a accouché d’un mètre à ruban géant), tantôt au rouleau compresseur (pour les figurines miniatures qu’Isaac Cordal dissémine dans toute la ville), ils dessinent une promenade en trompe l’œil qui invite le spectateur à une participation active. “nous Et à une petite gymnastique de l’œil, encore davantage mis à l’épreuve dans l’antre optique de Felice Varini qui nous en met plein la vue avec ses anamorphoses. Sur le reste de ce parcours en forme de montagnes russes, vous croiserez aussi des défendons Jardins égarés, la maison hantée du collectif HeHe, l’épopée fantastique de Bertrand Lamarche ou les dessins tragi-comiques d’un Roland Topor. Le petit guide qui suit est une aide au voyage, un carnet de bord qu’il une vous faudra compléter au gré de vos pérégrinations. Bonne route. Claire Moulène extrême couverture Felice Varini, Terrasse n° 1, exposition Sous le soleil 1, Villa Arson, Nice, 1988, actualisation n°1, Suite d’éclats, Hab Galerie, Nantes, Le Voyage à Nantes 2013, photo André Morin/LVAN chef de projet Benjamin Cachot coordination éditoriale Claire Moulène, Sophie Ciaccafava rédaction Judicaël Lavrador, Claire Moulène édition Christophe Mollo première sr Stéphanie Damiot secrétaires de rédaction Sylvain Bohy, Laurent Malet, François diversité” Rousseau directeur de création Laurent Barbarand iconographie Maria Bojikian chef de fabrication Virgile Dalier, avec Gilles Courtois impression, gravure, brochage Roto Aisne SN directeur de la publication Frédéric Roblot fondateurs Christian Fevret, Arnaud Deverre, Serge Kaganski dépôt légal 3e trimestre 2013. Les Inrockuptibles est édité par Les Editions indépendantes, société anonyme au capital de 1 407 956,66 €. 24, rue Saint-Sabin, 75011 Paris, n° siret 428 787 188 000 21 actionnaire principal/ Directeur du Voyage à Nantes, Jean Blaise raconte président Matthieu Pigasse © Les Inrockuptibles 2013. Tous droits de reproduction réservés. supplément au n° 920 des Inrockuptibles. l’histoire et les motivations de cet événement culturel Ne peut être vendu séparément. Ne pas jeter sur la voie publique. aujourd’hui considéré comme un modèle du genre. 2 les inrockuptibles Le Voyage à Nantes 08 2-5 ITV JEAN BLAISE.indd 2 09/07/13 11:00
“nous sommes à la fois office de tourisme et producteur d’expos et de projets” de la Loire aussi, qui traversait la ville et en faisait une ville d’eau avec ses voiliers, ses petits ponts. La désindustrialisation enfin, qui a transformé l’île de Nantes en friche jusqu’aux travaux de réhabilitation entrepris par Alexandre Chemetoff. Je sors à l’instant d’un séminaire avec des représentants d’Amsterdam, et bien sûr ce n’est pas comparable. Il nous reste donc un dispositif culturel, c’est cette offre-là que nous essayons de rassembler dans Le Voyage à Nantes. Nous sommes à la fois office de tourisme et producteur d’expos et de projets. Je trouve extrêmement sain de tenir ces deux bouts : la création artistique et une démarche économique et marketing. C’est un dispositif permanent, durable, qui doit être sans cesse animé et réactivé. Nous sommes donc repartis, avec l’espoir de trouver un format qui dure et permette de composer avec un budget moins important qu’en 2012. Le changement d’appellation peut-il suffire ? Avez-vous un programme à Martin Argyroglo long terme ? Un but ? Que Nantes soit perçue comme la ville de la créativité. Si l’on décide de créer un banc, il nous faut faire V appel à des designers, si l’on décide de ous venez d’inaugurer la le maire a pris conscience de ce paysage créer un bâtiment, on fait appel à deuxième saison du Voyage à culturel, construit sur vingt ans, des architectes, et pas à n’importe Nantes. Pourquoi cet depuis le festival Les Allumées jusqu’aux qui. L’œuvre de Lilian Bourgeat, événement qui devait être installations in situ dans l’espace par exemple, se situe dans la cour ponctuel s’installe-t-il public, et nous avons décidé de mettre d’une entreprise, il se trouve que cette finalement dans le temps ? en place une structure, une stratégie entreprise a été notre partenaire Jean Blaise – C’est tout un parcours. pour développer ce potentiel. sur d’autres projets et a eu le réflexe Le Voyage à Nantes est l’aboutissement Jusqu’alors, cette politique de faire appel à nous pour s’emparer d’une expérience. A partir de 2007, s’adressait plutôt aux Nantais ? de cet espace-là. Si on réussit cela, on s’est aperçu que l’on avait créé des Essentiellement. Nantes n’est plus à plus grande échelle, nous aurons objets qui avaient une valeur touristique. naturellement une ville touristique. réussi notre pari. Avec les Machines qui sortaient de Elle l’a sans doute été avant d’être N’existe-t-il pas un piège propre terre, le château des ducs de Bretagne détruite, mais nous avons subi les à ce genre de manifestations qui qui réapparaissait après dix ans de bombardements et une reconstruction cherche à croiser tous les publics ? chantier et Estuaire, la biennale d’art sans doute moins intéressante qu’au Nous sommes dans une démarche contemporain sur les rives de la Loire, Havre par exemple. Les comblements extrêmement éclectique. Le Voyage à Nantes les inrockuptibles 3 08 2-5 ITV JEAN BLAISE.indd 3 09/07/13 11:00
“ il ne faut jamais se contenter des sanctuaires que sont les centres chorégraphiques, centres d’art, Frac…” Nous rassemblons des choses de arrive en 1989 dans cette ville morte le maire a tout de suite été soucieux nature très différentes. A cent mètres tant au niveau culturel qu’économique, de créer un festival d’avant-garde, d’écart, par exemple, on passe du il décide de faire avancer les deux qui engage notre rapport au monde Mémorial de l’abolition de l’esclavage en parallèle. Aujourd’hui, Nantes est contemporain. conçu par le grand artiste polonais une ville qui se porte très bien, bien Jean-Marc Ayrault vous a accordé Krzysztof Wodiczko aux Machines mieux que beaucoup d’autres. Mais sa confiance dès le départ… de l’île, d’un espace de méditation à un on la prend à tort pour une mégalopole Je l’ai connu en 1983 alors que monde imaginaire et ludique. C’est alors que ce n’est absolument pas Jack Lang m’envoyait créer la dernière cette logique-là qu’il faut que nous comparable à Lille, Marseille ou Lyon maison de la culture type Malraux, ici, arrivions à faire comprendre, ce plaisir par exemple. A Nantes, on compte à Nantes. Mais il se trouve que le maire continu et non pas des ruptures 280 000 habitants, 600 000 pour Nantes socialiste de l’époque a été battu successives qui font que l’on ne sait Métropole, alors qu’à Lyon ou Marseille un an après ; à la place, nous avons plus où l’on est. on compte en millions. Il faut faire créé une structure financée à la fois D’où viennent les réticences ? attention à cette question d’échelle. par un syndicat intercommunal, Des Nantais ? En quelques années, le modèle des villes socialistes autour de Nantes, A Nantes, je crois que c’est bien culturel nantais est devenu La Roche-sur-Yon ou Saint-Nazaire compris parce que depuis une référence. Comment vivez-vous et par l’Etat. C’est dans ce cadre que vingt-cinq ans, il y a eu macération ! cette dissémination ? j’ai connu Jean-Marc qui était alors Les Nantais sont au contraire sensibles Je ne suis pas certain que nous ayons maire de Saint-Herblain et président à cela, ils ont été mithridatisés ! été le modèle de Lille, qui est une du syndicat qu’on venait de créer. Mais est-ce qu’un amateur d’art, qui réussite. En revanche, nous l’avons L’aventure commence ainsi, nous avons va venir à Nantes pour Estuaire, sans doute été, à un moment donné, à peu près le même âge, nous sommes va comprendre le parcours du Voyage ? pour Bordeaux et son festival Evento, de la même génération, et en même Quand, l’an dernier, nous avons et il me semble qu’ils ont eu tort. temps complètement différents : lui fait travailler des étudiants de l’Ecole La ville de Bordeaux n’a pas fait est un politique extrêmement prudent, nationale supérieure d’architecture sur d’analyse sur elle-même, elle a fait très fort politiquement contrairement des points de vue dans la ville, cela n’a une analyse nationale. C’est ce que à ce que certains croient. Moi je n’ai pas pas été compris par ceux qui venaient nous avons toujours évité de faire. sa prudence et nous nous complétons voir de l’art. Quand on fait travailler Il faut partir de sa propre situation, totalement. le service des espaces verts sur des essayer d’apporter des réponses à une Il n’y a jamais eu de rupture sites un peu absurdes, ce n’est pas conjoncture et à un territoire donnés. de contrat ? non plus compris par tout le monde. On peut aimer ou ne pas aimer Il a failli y en avoir, bien sûr, souvent. La plupart des manifestations artistiques certaines œuvres d’Estuaire, toujours Le plus étonnant, c’est que ces frictions en France sont monomaniaques, axées est-il que c’est un vrai projet politique étaient liées à des détails. Je me sur une spécialité comme si c’était un né à la suite d’une demande des souviens par exemple d’une anecdote, gage de qualité. Nous, nous défendons maires de Nantes et Saint-Nazaire un voyage à Buenos Aires où j’avais une extrême diversité. qui souhaitaient donner un écho repéré un spectacle qui était une sorte Cette ville de la créativité ne culturel à la construction économique de peep-show, très chaud. Je voulais le passe-t-elle pas aussi par le fait de de la métropole. Faire en sorte faire venir dans les cadre des Allumées. faire venir des artistes qui s’installent que s’imprime dans l’inconscient des A peine entrés dans la salle, Jean-Marc ici à long terme ? Avez-vous observé Nazairiens et des Nantais le sentiment Ayrault, sa femme et un journaliste un changement ces dernières années ? d’une appartenance commune. de Télérama qui était notre partenaire Depuis vingt ans, beaucoup d’artistes C’est vraiment un réflexe média ont fait volte-face. De retour sont venus s’installer ici, des designers, nantais que de faire appel à la culture à Nantes, il m’a dit, c’est impossible, des architectes... Le quartier des pour répondre à des questions tu ne peux pas programmer ça, Olivettes s’est de lui-même transformé sociologiques, politiques… Télérama retirerait son partenariat. en quartier des artistes tandis que l’île Oui, c’est très nantais. Je le crois J’ai également vu le journaliste de Nantes, avec son école d’archi, vraiment. Parce que nous n’avons pas qui m’a affirmé que c’était Jean-Marc ses nombreuses agences de design, été aidés par l’histoire et qu’il a donc qui était réticent. Finalement, j’ai sa future Ecole des beaux-arts fallu reconstruire. Et la culture, c’est dit à l’un et à l’autre que chacun et ce projet d’implantation du Frac finalement ce qui va le plus vite. Un an était d’accord et nous avons fait venir (actuellement à Carquefou), s’impose seulement après l’élection d’Ayrault, le spectacle. Il trouvait parfois que peu à peu comme un vrai centre nous avons fait Les Allumées. C’était une j’allais trop loin et en même temps artistique. Quand Jean-Marc Ayrault commande politique et en même temps il en avait envie. 4 les inrockuptibles Le Voyage à Nantes 08 2-5 ITV JEAN BLAISE.indd 4 09/07/13 11:00
L’Absence, Atelier Van Lieshout, création Estuaire 2009, Nantes vu par Olivier Metzger cela en charge. Les artistes, il faut les préserver. Mais il n’empêche que sur Estuaire il y avait une commande. Nous disions aux artistes, ce serait bien de travailler sur cette portion du territoire mais s’ils voulaient changer, nous les laissions travailler. Nous avons des principes mais sommes prêts à y déroger si les artistes le souhaitent. Il me semble aujourd’hui que la collection d’Estuaire est juste parce que nous avons toujours procédé comme cela. Rien n’a été posé, toutes les œuvres sont issues du territoire, elles donnent un sens au territoire. Je serais curieuse d’avoir votre avis sur Marseille-Provence 2013. Il y a un problème politique à Marseille, c’est évident. De ce fait, cette manifestation est mal née même si l’on peut y voir de très belles choses, comme cette exposition de la Friche Belle de Mai, ce printemps, consacrée à la glisse. Par ailleurs, ce n’est pas un cliché de le dire, la population marseillaise n’a pas été véritablement associée, ce qu’avait très bien réussi Lille 2004. Aujourd’hui encore on sent une grande fierté chez eux, et ce jusqu’à Roubaix. Vous pourriez vous aussi concourir au titre de capitale européenne de Olivier Metzger/LVAN la culture ? Jamais. Parce que notre démarche a toujours été l’inverse : nous avons construit progressivement un dispositif culturel qui n’était pas vraiment Pour revenir à vos avatars, à ceux devrait obliger tous les sanctuaires à tapageur. Par ailleurs, je crois que que vous avez inspirés, que pensez- consacrer 5 % de leur budget artistique les capitales européennes de la culture vous d’un projet comme Rives-de- à l’espace public. Nous savons tous sont attribuées aux villes qui en ont Saône qui est une sorte de décalque que nous ne touchons pas plus de 10 % besoin. Marseille est un cas typique. d’Estuaire ? Ça vous énerve ? de la population. C’est ce que l’on rend A l’époque, l’équipe de Bordeaux Non, pas du tout, je leur dis bonne à l’espace public qui va créer de m’avait demandé de travailler avec chance ! Ce qu’on a appris et que la curiosité, de la polémique et de la elle sur la candidature mais c’était l’on peut transmettre, c’est qu’il ne faut discussion autour de l’art et du rôle de perdu d’avance. Marseille, elle, en avait jamais copier les autres. On peut l’art dans notre société. Nous sommes vraiment besoin. Pour moi, c’est s’inspirer de l’esprit d’une manifestation, des médiateurs, des animateurs une ville très attirante parce qu’elle d’un lieu, mais il faut le digérer. Essayer culturels, dans la politique jusqu’au est incroyablement bancale. Il faut de donner la réponse à une situation cou. C’était la démarche d’Estuaire, que l’on fasse attention : toutes donnée dans un espace donné et ne la commande passée aux artistes : nos villes, Bordeaux, Nantes, Lyon, jamais se contenter des sanctuaires, répondre à un territoire. commencent à se ressembler. La ces centres chorégraphiques, centres Mais les artistes n’ont pas forcément modernité y fonctionne très bien, nous d’art, Frac, scènes nationales qui envie d’être des animateurs culturels. sommes devenus des villes presque incarnent l’institution. Je crois que l’on Exactement. C’est à nous de prendre parfaites. recueilli par Claire Moulène Le Voyage à Nantes les inrockuptibles 5 08 2-5 ITV JEAN BLAISE.indd 5 09/07/13 11:01
Varini éclate la galerie La Hab galerie propose un choix d’œuvres de Felice Varini. Une rétrospective ? Non, une “activation” de son travail. Visite en compagnie de l’artiste peintre. 6 les inrockuptibles Le Voyage à Nantes 08 6-8 MAKING OF VARINI.indd 6 09/07/13 11:21
Quatorze triangles de Felice Varini, La Maison rouge, Paris, 2007, actualisation n° 1, Suite d’éclats, Hab Galerie, Nantes, Le Voyage à Nantes 2013 J e suis rassuré pour les prochains à chaque pièce”. Objectif : redonner vie, quarante-cinq ans !”, lance dans un espace au départ “sans qualité”, d’emblée l’artiste suisse né à une vingtaine d’œuvres réalisées en 1952, installé à Paris depuis entre 1980 et aujourd’hui. Celle qui 1978. Ce qui rassure ce pape ouvre le bal est saisissante, qui rappelle de l’anamorphose qui a essaimé le motif de Saint-Nazaire et embrasse ses motifs optiques et géométriques la totalité de l’espace. Visible dans un peu partout en France et en Europe, sa forme complète depuis un point de c’est la capacité qu’ont ses œuvres vue unique situé à l’entrée, elle se à intégrer l’espace muséal, ce fameux prolonge et s’éclate dans tout le reste “white cube”, et à ainsi trouver de l’exposition, contaminant ainsi une forme d’autonomie qu’il ne leur les autres formes. reconnaissait pas jusqu’alors. Comprenez bien : jusqu’ici ce sont A l’intérieur du dédale imaginé par surtout les lieux et les contraintes les architectes en fonction de certains architecturales qui généraient critères techniques (espacement des l’apparition des formes colorées cimaises, angles précis, etc.), c’est un et abstraites de Varini. Les arrêtes festival de couleurs et de perspectives d’une pièce, un jeu d’angles ou qui se joue sous nos yeux. “Je suis encore la perspective dessinée par moi-même étonné de voir comment les un entrepôt du port de Saint-Nazaire choses se répondent entre elles, sur sur laquelle il vient apposer, en 2007, des époques totalement différentes. J’ai à l’invitation d’Estuaire, une immense des vibrations incroyables, je retrouve composition de triangles rouge des pièces que je n’avais jamais revues. vermillon dont le dessin se perçoit Notamment la plus ancienne qui date depuis un point de vue unique, sur la de 1980. C’est bien elle !” terrasse panoramique qui lui fait face. Cette œuvre rejoue l’enfilade Avec cette invitation de David Moinard, de chambres de bonnes dans laquelle directeur artistique du Voyage à Nantes, elle avait été originellement construite. un prolongement d’Estuaire, Felice Peint en bleu vif, cet environnement André Morin/LVAN Varini s’aventure sur une piste pénétrable se peuple de formes raides inconnue : celle de la rétrospective, ou jaune poussin et se prolonge jusqu’à plutôt, comme il préfère le dire, d’une une dernière cimaise. “Les proportions rétrospective-prospective. “Lorsqu’on importent peu si ce n’est qu’il y a réactualise le Requiem de Mozart des conditions minimum, une distance ou une pièce de Beckett, on ne parle par rapport au point d’impact à respecter. pas de rétrospective. C’est la même Surtout, ici, en rejouant la pièce, chose ici, je suis dans une activation de je me permet de prolonger le bleu sur mon travail”, estime l’artiste qui, le mur du fond. Une fois que l’on quitte pour l’occasion, a demandé à une le point de vue et que l’on avance agence d’architecture de dessiner dans la pièce, se dessine peu à peu une scénographie ajourée permettant un tableau abstrait. Ça fait partie des “d’intégrer les conditions nécessaires bonnes surprises de l’exposition.” Le Voyage à Nantes les inrockuptibles 7 08 6-8 MAKING OF VARINI.indd 7 09/07/13 11:21
56, avenue du Président Wilson de Felice Varini, exposition Six heures avant l’été, avenue P. Wilson, Paris, 1985, actualisation n°1, Suite d’éclats, Hab Galerie, Nantes, Le Voyage à Nantes 2013 implantée dans le quartier Couronnes, à Paris, qui connaissait alors une vraie mutation. Avec des artistes comme Christophe Cuzin ou Bruno Rousselot que j’ai rencontrés à la fac de Vincennes, nous avions obtenu un bail précaire de deux ans.” Plus loin : “Là, nous sommes en 1992, dans une exposition au Consortium de Dijon. J’avais investi une niche que l’équipe du Consortium a d’ailleurs reconstituée dans le nouvel espace qu’ils ont inauguré il y a un an. Il s’agit d’une grande ellipse qui, lorsque nous sommes à l’intérieur de la niche, vient confirmer l’encadrement des murs, mais se prolonge dès que nous en sortons.” Ailleurs, nous traverserons les salles reconstituées pour les besoins de chaque œuvre, celles du musée de Vence, du musée d’Art moderne de la Ville de Paris, l’intérieur André Morin/LVAN de collectionneurs bordelais et encore un grand appartement haussmannien que Varini et ses amis avaient investi en 1985. Dans cet espace de 300 mètres carrés entièrement vide, seul trônait encore un piano à queue que Felice Le premier motif, une ligne jaune qui volontairement avec une palette réduite, Varini a naturellement “intégré” : “Ce barre l’espace, Varini l’a d’abord réalisé les couleurs primaires, le noir et le blanc”, piano emmerdait tout le monde, je l’ai “à l’œil” : “Ça m’a pris deux semaines décrypte Varini, avant d’ajouter : “Ceci dit, fait “disparaître” dans ma peinture.” et le résultat est imparfait. J’ai très vite une couleur dès qu’elle va dans l’espace, Ailleurs, c’est un porte-chapeau, qui réglé cette question de la méthode c’est mille couleurs. Elle est influencée se trouvait là lui aussi bien avant et travaille, depuis, avec des projections. par la luminosité, les effets de surface.” l’arrivée de l’artiste, qui a été absorbé Un peu comme lorsque le soleil crée Reste que cette exposition, dans la composition picturale. une ombre et que sa position crée la ligne une première pour l’artiste, permet “Il n’y a pas de parcours, les visiteurs conséquente à l’accident.” Aujourd’hui surtout un extraordinaire voyage sont invités à se perdre”, conclut encore, la technique est la même, dans le temps. Armé de son téléphone avec délectation l’artiste qui est confirmée par la poignée d’assistants portable depuis lequel il accède passé dans sa jeunesse par le théâtre, venus épauler Varini : à l’aide d’un à son site qui répertorie l’ensemble alors qu’il était encore à Genève. projecteur ils dessinent au scotch de ses œuvres depuis les années 80 “Cette expérience de la scène a été et au crayon le périmètre de l’immense (“J’ai tout de suite travaillé avec constituante de mon travail. Elle m’a aidé pièce venue clore l’exposition. un photographe professionnel”, précise à préciser ce que je voulais faire avec Au fur et à mesure de notre l’artiste qui a ainsi constitué une la peinture.” Une peinture participative progression, la visite est une plongée incroyable base d’archives de son donc, qui prend en charge le spectateur. continue dans l’abstraction et la couleur. propre travail), Varini fait l’historique Claire Moulène “La définition de la couleur est totalement de chaque pièce rejouée dans l’expo : arbitraire, mais étant donné la richesse “Ici, nous sommes en 1982 à l’usine Felice Varini jusqu’au 1er septembre des espaces que j’investis, je travaille Pali-Kao, une usine désaffectée à la Hab Galerie, 21, quai des Antilles 8 les inrockuptibles Le Voyage à Nantes 08 6-8 MAKING OF VARINI.indd 8 09/07/13 11:21
Mètre à ruban mètre de Lilian Bourgeat, bâtimentA ethica, Bernard Renoux/LVAN Nantes,c réation pérenne Estuaire Nantes/ Saint-Nazaire d’œuvre Un mètre à ruban de 135 mètres, ça n’existe pas. Lilian Bourgeat l’a fait. une perte de repères dans le monde contemporain. Récemment, l’artiste a réalisé des ruches en forme de têtes de mort, évoquant la disparition progressive des abeilles dont on sait qu’elles jouent un rôle crucial dans l’écosystème. Cependant, le mètre à ruban ne déroule pas seulement une vision alarmiste. “C’est aussi une sorte d’autoportrait”, confie Bourgeat. Comme les architectes ou les ouvriers du bâtiment, le mètre Il s’explique sur la genèse et la conception est pour lui un outil de construction, indispensable. de cet objet hors normes. Son atelier, situé dans une ancienne usine, à Dijon, est une fabrique très artisanale. La plupart de ses P œuvres y sont réalisées, en résine, à partir de moules ar quel bout prendre ce mètre à ruban qui se en polyester, qu’il taille au fil chaud. La conception répand en vaguelettes zigzagantes, s’accroche à et la fabrication de ce mètre a cependant impliqué cette façade avant de redescendre par l’autre ? toute une équipe. L’artiste a d’abord réalisé plusieurs Par le plus petit bout d’abord, c’est-à-dire aussi maquettes en bois, composant le parcours du ruban le plus enfantin. Celui qui veut que devant le gigantisme de manière presque “graphique ou picturale”. de cette sculpture, longue au total de 135 mètres, on Il a ensuite simulé par ordinateur la position de se sente minuscule. Car un tel objet tient d’ordinaire la pièce dans l’espace. Et puisque l’œuvre est vouée au creux de la main. Et, s’il s’est agrandi, il semble, à être pérenne, il a encore fallu calculer sa résistance, par ricochet, que nous ayons, nous, rapetissé. ainsi que celle de ses points d’ancrage au sol et sur les murs. Enfin, l’artiste a choisi ce sol Lilian Bourgeat a l’habitude de jouer sur cette “très minéral, rugueux, plutôt que lisse” parce qu’il tonalité propre au merveilleux qui rend étrange le voulait une “topographie dure, accidentée”, à même familier en déplaçant l’ordre des choses ou le point de d’arrimer l’objet sur un univers de chantier. vue sur le monde. Le Voyage à Nantes en rappelle Où les hommes prennent la mesure de tout ce ici un autre, celui de Gulliver à Lilliput. L’artiste n’a qu’il reste à construire. Judicaël Lavrador d’ailleurs pas choisi par hasard de surdimensionner un mètre. Etalon de mesure hors normes, la sculpture Mètre à ruban de Lilian Bourgeat, rue Lanoue-Bras-de-Fer, rend compte de l’affolement que peut susciter Ile de Nantes Le Voyage à Nantes les inrockuptibles 9 08 9 Making of Bourgeat.indd 9 09/07/13 11:22
culture durable Dans la capitale verte de l’Europe, art et questionnement écologique se croisent forcément. Illustration avec Olivier Darné, activiste et apiculteur urbain, et le tandem d’artistes HeHe, aux installations engagées. N antes capitale. Non pas de la culture, Sur la colline en face, dans le quartier Chantenay même si son dense programme pourrait arrimé à la butte Sainte-Anne, c’est dans le très le laisser croire, mais capitale verte. mystérieux parc des Oblates que l’on retrouve Cette appellation d’origine contrôlée a été Helen Evans et Heiko Hansen qui forment depuis délivrée par l’Union européenne. Et c’est le début des années 2000 le duo HeHe. C’est tout naturellement que ce fil vert (qui dans une ancienne fruitière qui borde un sous-bois sert aussi de signalétique pour relier entre eux qu’ils ont mis à l’épreuve leur “réchauffement les dizaines de projets qui émaillent le territoire) domestique”, également nom de leur installation. Très vient irriguer l’ensemble du Voyage à Nantes. cinématographique, cet environnement praticable C’est Olivier Darné, génial inventeur du “miel met en scène au premier étage de cette maison sortie béton”, qui donne le la sur le site de la Cantine, d’un film de Tim Burton, une coulée de lave plus vraie un espace de restauration, local forcément, toutes que nature, comme échappée de la cheminée. voiles dehors, qui a ouvert ses portes temporairement sur l’île de Nantes. Sur place, vous pourrez lire Au rez-de-chaussée, c’est une scène de l’intraitable son journal et ses drôles de haïkus. “Pourquoi chasser documentaire Gasland qu’a rejouée le tandem. le naturel ?”, s’interroge notamment cet artiste- Dans ce film militant de 2010, l’Américain Josh Fox apiculteur qui, avec ses ruches, a repollinisé, démontre l’impact environnemental sans précédent au propre comme au figuré, nos centres-ville (à Paris de l’extraction du gaz de schiste. Une séquence, et Roubaix notamment). Avec les membres de son notamment, avait interpellé Helen Evans et Heiko Parti poétique, cet activiste a ouvert un lieu à Saint- Hansen : on y voit des habitants enflammer le gaz Denis, un laboratoire artistique et environnemental contenu dans l’eau du robinet. A l’extérieur, où où il produit aussi des centaines de pots de miel se prolonge la visite, un feu de forêt crépitant gagne urbain (beaucoup plus riche paraît-il que le miel du terrain. Suggéré par un simple dispositif sonore rural qui souffre des multiples pesticides utilisés dont les quatre paliers se croisent en fonction dans l’agriculture intensive). Cette pollinisation de la vitesse du vent, cette fiction grandeur nature est s’accompagne aussi d’une pollinisation sémantique, amplifiée par la proximité d’un minuscule cimetière qui revisite le vocabulaire du quotidien avec des qui accueille l’heure venue les sœurs du couvent. formules aussi sautillantes que le “butineur urbain”, “Au départ, le projet devait s’appeler L’Enfer la “graphiculture” ou la “ville terroir”. domestique, mais ça n’aurait pas plu aux sœurs”, A Nantes, c’est surtout avec sa “feuille de chou” s’amuse Heiko Hansen qui, à la question d’un art (ça ne s’invente pas !) qu’il entend faire passer engagé, répond par une pirouette : “Je suis contre son message. Baptisé HuM ! Humeurs / Humus / les gens qui sont pour les gaz de schiste. Mais Humains, ce tabloïd de quatre pages en est à sa en tant qu’artiste, cela n’aurait pas de sens que je prenne deuxième livraison. Dans les colonnes de ce canard position à travers mon œuvre. Ce n’est pas le rôle finalement très sérieux, on peut lire les points de l’art, plutôt celui du docudrama tel qu’en fait de vue tout à fait passionnants d’agriculteurs, un Michael Moore ou un Josh Fox.” “Il n’y a aucun jardiniers, ingénieurs, agronomes, docteur moralisme chez eux, confirme le directeur artistique en microbiologie du sol et paysagiste. A l’image du Voyage à Nantes, David Moinard, ils ne font du jardinier planétaire Gilles Clément, qui en profite que mettre en lumière la dérive environnementale.” pour clarifier des termes souvent considérés Mettre en lumière, c’est ce qu’a fait le collectif comme synonymes (paysan, agriculteur, jardinier HeHe avec le projet Nuage vert pour lequel ils ont et paysagiste) alors qu’ils recouvrent des réalités coloré les émissions des cheminées d’une usine différentes. A l’image encore de Pierre Rabhi de retraitement de déchets à Ivry-sur-Seine. Cet été, qui prône un retour au bocage et à la polyculture. on les retrouve aussi dans un centre d’art de Liverpool, où ils ont reconstitué une scène de forage destiné à extraire le gaz de schiste très présent outre-Manche. “il n’y a aucun moralisme chez HeHe. Une simulation si réaliste que certains visiteurs se sont offusqués de voir un centre d’art contemporain Bernard Renoux/LVAN Ils ne font que mettre en lumière s’adonner à de telles pratiques. Claire Moulène la dérive environnementale” La Cantine du Voyage parc du chantier, quai des Antilles Réchauffement domestique parc des Oblates David Moinard, directeur artistique du Voyage à Nantes 10 les inrockuptibles Le Voyage à Nantes 08 10-11 BALADE VERTE.indd 10 09/07/13 11:16
Réchauffement domestique, HeHe, parc des Bernard Renoux/LVAN Oblates, création temporaire Le Voyage à Nantes 2013 08 10-11 BALADE VERTE.indd 11 09/07/13 11:16
five easy pieces Mondes surnaturels, victimes de la crise, Topor revisité… Cinq expériences artistiques sélectionnées par la rédaction. Itinéraire pour amateurs d’art gâtés. Bernard Renoux/LVAN Follow the Leaders FOLLOW THE LEADERS D’ISAAC CORDAL C d’Isaac Cordal, place du Bouffay, ’est à une chasse à l’homme miniature qu’invite l’artiste espagnol Isaac Cordal. Place Voyage à Nantes du Bouffay, vous ne pourrez pas les manquer, ils sont des centaines, tristes sires pris 2013 au piège d’un monticule de gravats. Munis de leur attaché-case et de leur impayable costume anthracite, ceux-là sont les victimes collatérales de la crise des subprimes qui a transformé l’économie mondiale en serviette éponge. D’autres, plus singuliers mais toujours encombrés par ces attributs de la vie moderne (smartphone vissé à l’oreille et autres indices de la société tertiaire), se sont nichés un peu partout dans la ville, dans les interstices d’un décor urbain devenu le terrain de jeu grandeur nature de cette dystopie que nous conte Isaac Cordal. Très impliqué dans le mouvement des Indignados, Cordal ne fait pas mystère de son engagement politique et d’un certain désenchantement qui transpire chez chacun de ses soldats de terre et de silicone qui constituent son armée en modèle réduit. Claire Moulène Place du Bouffay 12 les inrockuptibles Le Voyage à Nantes 07 12-15 Lamarche.indd 12 09/07/13 11:17
JARDINS ÉGARÉS E n attendant de retrouver ses pénates à la fin des travaux, le Musée des beaux-arts sème à tous vents têtière focus en proposant ici et là une série d’expositions baptisées le “Musée nomade”. Avec celle-ci, intitulée Jardins égarés, il plante son potager, son verger et sa serre avec en perspective le désir de montrer comme la question de la représentation de la nature dans l’art n’a cessé de pousser. Du virtuose et érotique bouquet d’Alexandre Chantron, peintre nantais de la fin du XIXe siècle, au tableau à la muse potagère de Ludovic Alleaume, nue et frivole au milieu des citrouilles, l’exposition prend le parti des artistes qui batifolent au lieu de s’en tenir à la tradition. Du coup, les artistes invités se sentent là comme sous une tonnelle par un chaud après-midi. La sculpture en bois et pompons de laine, libre adaptation par Dewar & Gicquel d’un paysage japonisant, bourgeonne à son aise, tandis que le nain de jardin de Présence Panchounette cultive le versant kitsch de l’expo. Laquelle n’ignore cependant pas les approches artistes de l’écologie politique. La pièce de Gina Pane, Action, Stripe-Rake, qui date de 1969, et d’une période où l’artiste s’isolait et manipulait avec précaution des éléments naturels en témoigne vertement. Judicaël Lavrador Ecole nationale supérieure d’architecture, 6, quai François-Mitterrand Photo Marc Domage. Courtesy des artistes et Frac des Pays de la Loire La couleur verte détachée de la montagne suit le mouvement de la truite prise de Dewar & Gicquel, 2005 Le Voyage à Nantes les inrockuptibles 13 07 12-15 Lamarche.indd 13 09/07/13 11:17
KATHY ET COSMO DISCO DE BERTRAND LAMARCHE L es aventuriers du Voyage au centre de la Terre, ou Le film, qui imagine un futur postapocalyptique, de Vingt mille lieues sous les mers, les professeurs met alors en scène un parc planté de ces seules Lidenbrock et Aronnax, auraient été captivés par Berges du Caucase, où les hommes ne peuvent les mondes surnaturels dont Bertrand Lamarche se promener que protégés de la tête au pied par plante ici le décor. Pour deux raisons au moins : ses des combinaisons étanches. œuvres jouent sur les effets obscurs et inquiétants A la médiathèque, l’expo prend une tonalité sombre, du fantastique, sans oublier de donner au spectateur mais se focalise sur l’architecture. La maquette de la les clés rationnelles de ces phénomènes. plus longue barre d’habitation (400 mètres), construite Ainsi, dans Kathy, l’artiste projette au mur les par l’architecte Bernard Zehrfuss, et aujourd’hui images d’une tornade vertigineuse qu’il a en somme amputée de moitié, flotte dans la pénombre comme un lui-même déclenchée : dans la salle d’à côté, dans vaisseau spatial fantôme. Et trouve son pendant dans un petit cylindre en Plexiglas, une hélice fait mousser sa maquette plus petite : La Maison cosmique est la un liquide d’émulsion photographique. Cette tempête, copie de la demeure construite selon un plan saugrenu qui naît dans un verre d’eau, n’en est pas moins par son unique habitant, un personnage fantasque, édifiante, ni moins planante. Sa rotation même est “qui, assure Bertrand Lamarche, observait les contagieuse : le spectateur pourrait bien devant constellations à travers leur reflet dans les yeux des rats”. elle éprouver quelques vertiges. Extravagant ou terriblement rationnel, ces deux Comme devant ce film, Le Terrain ombelliférique, qui modèles d’architecture s’opposent en tous points. nous plonge dans un parc peuplé de plantes géantes, Sauf sur celui-là : remixé dans l’univers de Lamarche, les Berges du Caucase. “Par le passé, explique l’artiste, ils apparaissent comme les résidus de modèles ces plantes ont suscité la curiosité : l’Art nouveau en d’architecture dont l’époque ne veut pas. Des mondes fit par exemple un de ses motifs de prédilection. engloutis. Judicaël Lavrador Mais on s’est aperçu qu’elles ont l’inconvénient d’être phototoxiques : leur sève détruit les cellules de la peau Cosmo Disco médiathèque Jacques-Demy, qui nous protègent du soleil.” S’exposer au soleil 24, quai de la Fosse après les avoir touchées déclenche des brûlures. Kathy musée Jules-Verne, 3, rue de l’Hermitage Cosmo Disco Bernard Renoux/LVAN de Bertrand Lamarche, médiathèque Jacques-Demy 14 les inrockuptibles Le Voyage à Nantes 07 12-15 Lamarche.indd 14 09/07/13 11:17
Martin Argyroglo SANS TAMBOUR NI TROMPETTE C omme tous les grands cyniques, Roland Topor, mort en 1997, donnait de l’homme une image à la fois tendre et impitoyable. Dans ses dessins, il n’y a aucune chance d’échapper à notre condition LE VIELLEUR de mortel empêtré dans des problèmes DE GEORGES DE LA TOUR A Le Vielleur, dit aussi Le Vielleur à la mouche, ou Le Vielleur au chapeau, de Georges de La Tour. RMN -Photographie G. BLOT corporels, travaillé de l’intérieur, de cquis dès 1810 par l’inconscient mais aussi des intestins, la ville de Nantes, admiré par les bas instincts ou les vils désirs. par Stendhal dans Bertrand Godot, le commissaire ses Mémoires d’un touriste de l’exposition, regarde comment cette en ces termes : “Ignoble ligne noire continue de faire son chemin et effroyable de vérité, tableau chez les artistes, y compris à leur insu : espagnol attribué à Murillo. beaucoup d’entre eux connaissent Il n’est pas sans mérite, peu son travail. D’ailleurs, les dessins coloris sage, expression vraie…” salaces et surréalisants du duo Mrzyk Le Vielleur, chef-d’œuvre & Moriceau, ceux de Benjamin Monti non signé, n’a été finalement qui mettent en scène une humanité aux attribué à Georges de La Tour prises avec des machines délirantes qu’à partir de 1923. Il aurait et kafkaïennes, ou encore les visions été peint en 1630, quand fétichistes d’un Daniel Nadaud ne sont le peintre (1593-1652) débutait pas présentés comme des descendants sa carrière. Au Cercle Louis-XVI, des œuvres de Topor. Mais comme de ancienne Chambre littéraire magnifiques compagnons d’infortune. de Nantes, la toile est réexposée On en prend volontiers le sillage, la tête après une restauration qui basse et le cœur haut. Ou l’inverse. J. L. dura près de six mois. J. L. Le Lieu Unique, quai Ferdinand-Favre Cercle Louis-XVI, 2, rue Chauvin Le Voyage à Nantes les inrockuptibles 15 07 12-15 Lamarche.indd 15 09/07/13 11:17
à la loupe infos pratiques l’affiche fâche-t-elle ? Conçue par Erwan Fichou et Théo Mercier, l’affiche La majorité des sites du Voyage à Nantes sont en accès libre tous les jours, de 10 h à 19 h. du Voyage à Nantes n’a pas toujours fait l’unanimité. L’indispensable pour bien voyager : le Pass du Voyage, objet signé Jocelyn 1. Erwan et Cottencin, donne un Théo sont dans accès gratuit aux sites un bateau payants du parcours, Mais qui est ce et un accès exclusif type qui convoque 2. tu te tapes l’affiche au cercle Louis-XVI sur son site pour découvrir un Le mot est Franco Berardi, chef-d’œuvre du Musée lâché : nous ne Aby Warburg et des beaux-arts. sommes pas ici Joan Fontcuberta Sur quatorze étapes face à une et signait du parcours, le verso quelconque récemment un de votre Pass est image de com. portrait de marqué d’onomatopées Avec son Maurizio Cattelan qui, mises bout à bout, potentiel dans Libération ? expriment avec humour narratif et Né en 1975 le contentement dystopique, à Saint-Brieuc, et la surprise. Une fois cette image le photographe sa carte remplie, n’a rien du Erwan Fichou un multiple de l’artiste classique objet sévit dans la vous est offert. de propagande, presse française Tarif : 8 € (5 € pour sans saveur et internationale, les 18-25 ans) ni ferveur, ce qui ne l’a pas qu’utilisent empêché de d’habitude les montrer son manifestations travail aux culturelles qui Rencontres veulent brasser d’Arles, au tous les publics. Festival de Très discutée Hyères ou en interne au très pointu (Jean Blaise Witte de With et son équipe de Rotterdam. ne cachent Il signe cette pas qu’ils ont anti-image longtemps de com avec le hésité), elle plasticien Théo a finalement Mercier, 29 ans, remporté qui s’était fait la mise et se remarquer lors décline depuis informations de la Fiac 2012 le mois de juin tél. 0892 464 044 avec son sur tout le (0,34/min) “spaghetti man” et territoire exposait il y a peu de Nantes Pour tout connaître du au Lieu Unique Métropole. parcours, des artistes une archéologie de son travail. et des événements : Récemment www.levoyageanantes.fr encore, ces 3. qu’est-ce que tu fiches (pour la fin du monde) ? ou télécharger deux-là ont signé Nous sommes ici après “l’après-fin du monde”. Dans un paysage gratuitement l’appli le visuel de postapocalyptique où les survivants ressemblent aux membres de la du Voyage à Nantes l’album du duo tribu des Targaryen dans la série désormais culte Game of Thrones. nantais electro- Nus, chauves mais barbus, transgenres surtout, les deux héros Pour organiser son pop Sexy Sushi. de ce Voyage à Nantes, placé sous le signe du développement durable séjour, réserver en ligne (Nantes est cette année Capitale verte de l’Europe), sont les une croisière Estuaire, porte-parole d’une ville en pleine mutation où la brume et les reflets un hébergement,… : de la Loire donnent à la Tour de Bretagne des allures de World Trade www.nantes-tourisme. Center. Le cheval bleu qui les accompagne, sur ce qui ressemble com fort à une arche de Noé miniature, laisse présager un retour en force des steaks et autres lasagnes. Claire Moulène 16 les inrockuptibles Le Voyage à Nantes 08 16 Nantes Mercier.indd 16 09/07/13 11:07
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