Troubles de l'humeur Dr FORESTIER Nathalie CCA psychiatrie - IFSI DIJON
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Définition de l’humeur « L’humeur est cette disposition affective fondamentale, riche de toutes les instances émotionnelles et instinctives, qui donne à chacun de nos états d’âme une tonalité agréable ou désagréable, oscillant entre les deux pôles extrêmes du plaisir et de la douleur. » Jean Delay L’humeur en psychiatrie intéresse donc tout ce qui est ressenti intérieurement par l’individu, sur le plan émotionnel et affectif, au fil des expériences vécues. C’est un état dynamique dont les variations sont physiologiques. Plusieurs termes sont sensiblement synonymes: - On parle de moral dans le langage populaire (« avoir le moral à zéro) - On parle de thymie ou d’affect en psychiatrie
Les troubles de l’humeur: généralités La pathologie de l’humeur peut être grossièrement définie par la fixation de l’humeur dans un état extrême: - Etat persistant de tristesse et de douleur morale: la dépression - Etat persistant d’euphorie: la manie Ces troubles peuvent être aigus ou chroniques et, lorsqu’ils sont chroniques, peuvent être continus ou intermittents. Le trouble bipolaire (ancienne psychose maniaco dépressive) est un trouble chronique de l’humeur caractérisé par l’alternance de dépression et de manie
Les troubles de l’humeur: généralités L’humeur est notamment intriquée à de nombreux paramètres psychophysiologiques, de sorte que les troubles de l’humeur vont, sur le plan de la symptomatologie, très largement dépasser le cadre du « bon » ou du « mauvais »moral, pour intéresser: - La sthénie: état de forme - Le contenu des pensées qui peut être altéré jusqu’au délire - La psychomotricité - Les conduites instinctuelles: sommeil, appétit, libido… - L’anxiété Enfin, ces troubles s’accompagneront d’une altération de la dynamique émotionnelle, avec soit une aréactivité émotionnelle (fréquente dans la dépression), soit une grande labilité émotionnelle (dans les états maniaques).
Le trouble dépressif: généralités Pour parler d’humeur dépressive, il faut qu’elle réalise une franche perturbation dans le sens négatif, et cela de façon suffisamment intense et durable pour entrainer des conséquences objectivables : le syndrome dépressif. Ce dernier se définit par un certain nombre de symptômes, présents toute la journée et presque tous les jours, non influencés par les circonstances et durant au moins deux semaines.
Le trouble dépressif: épidémiologie et prévalence Pathologie psychiatrique la plus fréquente au monde et en France, c’est aussi la première cause de handicap dans le monde et la quatrième maladie en matière de coût. Sa prévalence peut aller jusqu’à 25/100 sur la vie entière. Elle touche 2 femmes pour 1 homme. La prévalence est indépendante des critères ethniques, culturels, religieux et géographiques. Le mariage semble jouer un rôle protecteur, tout comme la profession, aussi bien chez les femmes que chez les hommes. L’âge concerne surtout les pics de grande fréquence de survenue (avant 35 ans chez la femme ; entre 55 et 70 ans chez l’homme) Les sujets veufs, divorcés ou séparés présentent un risque dépressif supérieur à celui des sujets mariés ou célibataires de même âge Il existe une corrélation positive entre un niveau socio-économique et la prévalence de la dépression
Les causes de la dépression Il faut distinguer: - les dépressions « secondaires » d’origine organique, induites par une substance, ou venant compliquer une autre pathologie psychiatrique - les dépressions « primitives »ne pouvant être expliquées par aucune autre pathologie
Les signes cliniques de l’épisode dépressif majeur Trouble dépressif majeur (unipolaire): Episode dépressif majeur (EDM) 4 symptômes sur 2 semaines en rupture avec l’état antérieur en plus de la tristesse de l’humeur et de l’anhédonie - Troubles de fonctions intellectuelles: Bradypsychie Bradyphémie(élocution) Hypoprosexie(attention) -Troubles de l’estime de soi Dévalorisation Culpabilité - Troubles des conduites instinctuelles: Asthénie Alimentation Sommeil Sexualité - Pensées morbides à idées suicidaires
Les signes cliniques de l’épisode dépressif majeur Episode dépressif majeur - Différent d’un épisode mixte - Pas d’épisode maniaque ou mixte auparavant - Différent d’un épisode psychotique - Souffrance et altération du fonctionnement social ou professionnel - Non dû à une affection médicale générale - Pas de deuil dans les deux mois précédents
Les signes cliniques de l’épisode dépressif majeur - L’humeur dépressive (domaine affectif) Le passé douloureux refait surface et devient envahissant. L’avenir apparait sans perspective. Des idées de mort ou de suicide sont presque toujours présentes à un moment donné, souvent exprimées spontanément ou après une question, les concernant. Elles peuvent être parfois niées, en particulier dans la mélancolie. - Idées de mort et de suicide (domaine cognitif) La dépression est la première cause de suicide : 70 % des personnes qui décèdent par suicide souffraient d’une dépression, le plus souvent non diagnostiquée ou non traitée. Entre 15 et 20 % des personnes souffrant de trouble dépressif caractérisé commettent un suicide. Le taux annuel de suicide est 4 fois plus élevé chez les personnes souffrant de trouble dépressif que chez les personnes atteintes d’un autre trouble psychique et 30 fois plus élevé que dans la population générale. Les personnes suicidaires ne veulent pas nécessairement mourir, mais souhaitent surtout mettre fin à une souffrance devenue insupportable.
Formes cliniques de l’épisode dépressif majeur Mélancolie - Forme la plus grave et la plus sévère de dépression - Amimie, incurie, mutisme, ton monocorde - Douleur morale - Inhibition psychomotrice - Anesthésie affective, dévalorisation, autodépréciation, culpabilité, incurabilité, ruine - Perte de l’appétit, troubles du sommeil (insomnie avec réveil précoce matinal) - Risque suicidaire (raptus anxieux ou projet prémédité
Formes cliniques de l’épisode dépressif majeur Il existe 3 présentations cliniques de la mélancolie: - Forme stuporeuse (inhibition psychomotrice) - Forme agitée - Forme délirante avec idées délirantes à thème de persécution, de ruine, de culpabilité, d’autoaccusation, de damnation, de syndrome de Cotard (négation d’organe comme quand le patient dit « je n’ai plus d’intestin » ou « mon foie est en train de pourrir ». C’est une indication à la sismothérapie.)
Formes cliniques de l’épisode dépressif majeur Autres formes cliniques d’épisodes dépressifs majeurs: Dépression récurrente: répétition d’au moins deux épisodes dépressifs caractérisés. Ils sont considérés comme distincts car ils sont séparés par une période d’au moins deux mois consécutifs sans épisode clinique franc. Il n’y a jamais eu de trouble schizophrénique, ni d’épisode maniaque ou hypomaniaque ou mixte. Dépression bipolaire: Dans le cadre d’un trouble bipolaire. Dépression masquée: Tableau dépressif avec des plaintes somatiques au premier plan chez un sujet âgé. Double dépression: Patient ayant une dysthymie, depuis plus de 2 ans, présentant des épisodes dépressifs majeurs ou caractérisés. Trouble dysphorique prémenstruel: Symptômes dépressifs avec une anxiété marquée, une humeur labile, une baisse de l’intérêt retrouvés dans la majorité des cycles menstruels de l’année passée, de survenue régulière lors de la phase lutéale active.
Formes cliniques de l’épisode dépressif majeur Rémission: Période de temps pendant laquelle est observée une amélioration de la symptomatologie suffisante. Présence de symptômes résiduels: troubles du sommeil, alimentation, sexualité, anxiété, pessimisme, fatigue, baisse de l’estime de soi, manque de motivation… Guérison: Présence chez les patients d’une rémission d’au moins 4 mois. Rechute: Réactivation symptomatique dans une période inférieure à 6 mois après la rémission d’un épisode dépressif isolé. Récidive: Caractéristique de l’évolution de l’EDM. Apparition d’un nouvel épisode chez un patient préalablement considéré comme guéri, après une période de 6 mois. Risque de récidive après un épisode dépressif: 50/100 à 2 ans et 90/100 à 10 ans.
Formes cliniques de l’épisode dépressif majeur Chronicité: Symptômes chroniques persistant continuellement pendant au moins 2 ans. Les améliorations pouvant être constatées durent moins de 2 mois. Facteurs favorisants: âge de début précoce, sexe féminin, répétition des accès, sévérité des symptômes, longueur du début, existence d’une comorbidité. Résistance: Quand il y a échec de 2 ttt antidépresseurs de famille différente, à doses suffisantes, d’une durée suffisante d’au moins 1 mois, avec une surveillance correcte de l’observance.
Diagnostics différentiels de l’épisode dépressif majeur L’anxiété est un sentiment d’attente d’un danger à venir alors que la dépression est tournée vers le passé. Dans la pratique, l’anxiété et ses troubles d’allure organique ne doivent pas être confondus avec les troubles somatiques ni avec l’anxiété de la dépression, car le traitement uniquement anxiolytique serait insuffisant, d’où la valeur de la perte récente des intérêts, du rendement et des plaisirs. Le fait d’avoir des « idées noires », de se sentir triste ou de présenter des difficultés à dormir ne suffit pas à poser un diagnostic de trouble dépressif. Il en est de même des symptômes dépressifs au cours ou au décours d’un évènement de vie douloureux, tel un deuil, un divorce ou une situation de chômage.
Evolution et pronostic de l’épisode dépressif majeur L’évolution des syndromes dépressifs est dominée par le risque des conduites suicidaires. Elle dépend de la cause, de la personnalité du sujet, de l’importance et de l’ancienneté des troubles, de la qualité et de la précocité du traitement, de l’attitude de l’entourage. L’évolution peut se faire vers une rechute : réapparition des troubles à la suite d’une période de rémission inférieure à 6 mois, la guérison (hâtée par le traitement) ou la récidive : survenue d’un nouvel épisode après un intervalle de 6 mois. La rémission peut n’être que partielle avec persistance de symptômes tels que : troubles du sommeil et de l’appétit, troubles sexuels, asthénie, anxiété. La dépression est dite chronique lorsque l’épisode dépressif caractérisé évolue pendant une durée de plus de deux ans. Le pronostic se confond avec les éléments de l’évolution. Il dépend aussi de la bonne observance du traitement et d’une relation médecin-malade de bonne qualité.
Complications de l’épisode dépressif majeur Le risque suicidaire est majeur dans l’accès mélancolique avec un suicide prémédité et bien préparé ou au contraire effectué au cours d’un raptus. La récidive est toujours possible. La chronicisation des formes mal traitées peut survenir avec difficultés familiales, professionnelles et sociales.
Prendre soin des personnes dépressives Si l'un de nos proches est dépressif, il faut s’assurer que notre santé et notre moral soient assez solides avant de commencer à l'aider. Nous ne soulageons en rien la personne concernée si nous nous effondrons sous la pression et si nous ne nous sentons finalement pas le courage d'aider cette personne. En plus de faire attention à nous, il y a deux autres façons d'aider une personne dépressive: fournir un soutien affectif et l'aider à suivre son traitement.
Prendre soin des personnes dépressives Les conseils à suivre pour aider une personne dépressive Renseignez-vous sur la dépression Renseignez-vous sur les symptômes, les causes et les traitements de la maladie. Il vous faut d'abord comprendre à quoi vous avez à faire avant de pouvoir aider dans les meilleures conditions. Lire les pages de ce site web est un bon début. Soyez compréhensif Ne sous-estimez pas le caractère sérieux de la dépression. La dépression peut réduire à zéro le niveau d'énergie du malade ainsi que son optimisme et sa motivation. La situation ne peut pas s'arranger du jour au lendemain, c'est une course de fond. Restez zen, ne prenez rien contre vous-même L'irritabilité et la nervosité sont des symptômes classiques de dépression. Il arrive souvent qu'une personne dépressive tienne des paroles et des propos difficiles qu'elle ne pense pas tout simplement parce qu'elle est submergée par la tristesse ou la colère. Souvenez-vous que ce sont juste les effets de la dépression qui s'expriment, pas la personne que vous aimez, alors ne prenez pas ces paroles trop à cœur. Soyez patient Vous pouvez vous sentir frustré si les progrès pour sortir de la dépression nerveuse sont lents et prennent du temps. Avoir de la patience dans ces cas-là est donc important. Même avec un traitement adapté, la guérison de la dépression ne se produit pas du jour au lendemain, cela prendra plusieurs mois. Délimitez votre zone d'action Ne cherchez pas à sauver à tout prix la personne que vous aimez de la dépression. Ce n'est pas à vous de résoudre tous ses problèmes. La guérison de la dépression est une démarche personnelle qui est entre les mains de la personne malade.
Prendre soin des personnes dépressives Faire preuve de soutien implique de montrer des signes d'encouragements et d'espoir. Très souvent, il suffit de choisir les bons mots pour arriver à redonner confiance à une personne dépressive. Voici une liste de choses à dire à un dépressif pour lui montrer notre soutien : "Ne pense jamais que tu es tout seul pour combattre cette maladie, je suis là pour t'aider" "S'il te plaît dis-moi ce que je peux faire pour toi, là, maintenant" "Je sais que je ne peux pas comprendre ce que tu ressens, mais je suis là pour toi si tu as besoin de parler" "Je ne peux pas imaginer à quel point ça doit être difficile" Ce qu’il ne faut pas dire à une personne dépressive : Parfois, il est même encore plus important de savoir ce qu'il ne faut pas dire à quelqu'un qui souffre de dépression. Vous devriez éviter de dire des choses telles que : "Tout ça c'est dans ta tête que ça se passe" "Je ne peux rien y faire" "Arrête d'agir bêtement" "Tu ne devrais pas commencer à te sentir mieux depuis le temps que ça dure? "
Prise en soin des personnes dépressives Interrogatoire: - Affirmation du diagnostic: recueil complet de la sémiologie dépressive - Définir le contexte: ttt en cours, ATCD perso et familial d’épisode dépressif ou bipolaire… - Evaluer les facteurs pronostics: risque suicidaire, risque de résistance au ttt, risque de passage à la chronicité - Evaluer le retentissement: bilan des incapacités fonctionnelles Bilan étiologique et pré-thérapeutique: - Rechercher une cause organique: examen clinique complet, bilan biologique et en cas de caractéristique psychotique discuter l’imagerie cérébrale et un bilan sensoriel d’hallucination - ECG pour les antidépresseurs imipramique - Bilan pré-sismothérapie si cette dernière est envisagée
Critères d’hospitalisation - Mélancolie - Dépression sévère avec risque suicidaire élevé - Troubles somatiques associés - Milieu de vie entretenant les troubles Hospitalisation libre le plus souvent mais hospitalisation à la demande d’un tiers ou en péril imminent en cas de mélancolie stuporeuse ou délirante
Traitement pharmacologique Il repose sur les antidépresseurs. Le ttt d’attaque vise à obtenir la rémission complète. Le ttt de consolidation est systématique pour une durée de 4 à 9 mois. Le ttt de maintenance est poursuivi plusieurs années dans certains cas précis. MÉDICAMENTS EXISTANTS On peut classer les antidépresseurs selon plusieurs critères, tout en sachant qu’aucun n’étant à ce jour vraiment satisfaisant. Tout d’abord selon leur structure chimique (antidépresseurs imipraminiques ; antidépresseurs non imipraminiques, non inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO) et enfin les IMAOs).
Traitement pharmacologique Une autre classification basée selon leur modulation de la transmission monoaminergique est aussi largement utilisée. La première catégorie comprend les antidépresseurs qui augmentent la transmission sérotoninergique: - inhibiteurs de la Recapture de la Sérotonine (IRS) : fluoxétine, fluvoxamine, paroxétine, sertraline, citalopram, escitalopram La seconde catégorie regroupe les antidépresseurs qui augmentent principalement la transmission noradrénergique: - inhibiteurs de la recapture de la noradrénaline (IRNA). Ces médicaments ne sont pas commercialisés en France. La troisième regroupe les antidépresseurs qui augmentent de manière mixte les transmissions sérotoninergique et noradrénergique: - imipraminiques : imipramine, amitriptyline, clomipramine, dosulépine, doxépine - antagonistes alpha 2 : mirtazapine, miansérine - inhibiteurs de la Recapture de la Sérotonine et de la Noradrénaline (IRSNA): venlafaxine, milnacipran, duloxétine - mécanismes atypiques agissant indirectement en augmentant les transmissions monoaminergiques : tianeptine, agomelatine La quatrième groupe, le plus ancien, inhibe la dégradation des monoamines: - inhibiteurs de la Monoamine Oxydase (IMAOs) : moclobémide ("sélectif"), iproniazide ("non sélectif").
Traitement pharmacologique MÉCANISMES D’ACTION DES DIFFÉRENTES MOLÉCULES Le mécanisme d'action des antidépresseurs les plus fréquemment retrouvés est essentiellement l'inhibition de la recapture des monoamines, qu'il s'agisse de la noradrénaline, de la sérotonine, ou encore de la dopamine (imipraminiques, IRS, IRSNA).On observe également pour la plupart d'entre eux une diminution de la dégradation de ces amines (IMAOs), un blocage du rétrocontrôle inhibiteur, une action au niveau du second messager (probablement l'action commune de beaucoup d'antidépresseurs), ainsi qu'une action post-synaptique. Actuellement d’autres médicaments commercialisées, mettent en avant d'autres mécanismes d’action. Ces médicaments peuvent être non seulement des ISRS mais aussi agissent sur différents sous types de récepteurs (antagoniste 5-HT2C) ou bien encore des antagonistes des récepteurs alpha 2 telle la mirtazapine. Si ces mécanismes d'action modifient la libération des neuromédiateurs, ils ne peuvent pas expliquer complétement l'effet pharmacodynamique des antidépresseurs en clinique.
Traitement pharmacologique EFFETS UTILES EN CLINIQUE La prise en charge par antidépresseur nécessite une posologie optimale et une durée de traitement suffisante (6 mois pour le premier épisode, 12 mois pour le second et 24 mois et plus au-delà). Il existe un délai pour l’apparition de l’effet thérapeutique (2 à 4 semaines). On ne peut donc pas juger de l’efficacité d’un antidépresseur, à une posologie donnée, avant 3 semaines. La notion d'antidépresseur a évolué progressivement dans la mesure où ces médicaments sont utilisées pour la prise en charge de la douleur ou d'autres pathologies mentales que la dépression (Phobies sociale, trouble Anxieux Généralisés, trouble panique, état de Stress post- traumatique, troubles obsessionnels compulsifs). La fréquence de prescription des antidépresseurs, dans le traitement des syndromes douloureux, est loin d'être négligeable. Cependant leur prescription obéit à une certaine hiérarchisation. Ils sont prescrits en priorité dans le cas de neuropathies périphériques, d'étiologies traumatique, métabolique, infectieux, toxique ou invasive, puis viennent les indications dans les douleurs centrales, puis les céphalées et les migraines.
Traitement pharmacologique EFFETS UTILES EN CLINIQUE La clomipramine a fait la preuve la première d'une activité dans la prise en charge du trouble obsessionnel compulsif (TOC). En fait, son métabolite, la desmethyl- clomipramine est un inhibiteur de la recapture de la sérotonine mais aussi de la noradrénaline. Les résultats combinés de la clomipramine et de la desmethylclomipramine sur l'inhibition du recaptage de la sérotonine sont beaucoup plus importants que ceux des autres imipraminiques. D'autres inhibiteurs du recaptage de la sérotonine, tels que la fluoxétine, la fluvoxamine, la sertraline et la paroxetine se sont, eux aussi, avérés efficaces dans le traitement du TOC. Les IMAOs présentent une efficacité particulièrement intéressante dans le traitement des phobies sociales. L'imipramine était efficace dans le traitement des phobies avec attaques de panique mais non efficaces dans les phobies pures. Ces observations ont conduit à traiter dans un but préventif les sujets présentant des attaques de panique par des doses faibles d'imipramine. La venlafaxine et la paroxetine ont désormais l’AMM dans le traitement de l'anxiété généralisée.
Traitement pharmacologique Choix d’un traitement antidépresseur: Il est recommandé de choisir l’antidépresseur le mieux toléré, le moins toxique en cas de surdosage, et le plus simple à prescrire, à dose efficace. En raison de leur meilleure tolérance, il est recommandé de prescrire en première intention pour un épisode dépressif modéré à sévère : un ISRS, un IRSN, ou un médicament de la classe des « autres antidépresseurs », à l’exception de la tianeptine et de l’agomélatine. Les antidépresseurs imipraminiques (tricycliques) sont recommandés en deuxième intention en raison de leur risque de toxicité cardio- vasculaire. La tianeptine et l’agomélatine sont recommandées en troisième intention, en raison respectivement du risque d’abus et de dépendance de la tianeptine et de la toxicité hépatique de l’agomélatine. Les IMAO ne sont recommandés qu'en dernier recours, après échec des autres alternatives thérapeutiques, en prescription spécialisée du fait de leurs nombreux effets indésirables et interactions médicamenteuses.
Traitement pharmacologique Suivi et arrêt du traitement En cas de réponse insuffisante, il est recommandé d’augmenter la posologie de l’antidépresseur (dose efficace) ou de changer d’antidépresseur. Il est recommandé de surveiller étroitement le patient par des consultations régulières, plus particulièrement en début de traitement antidépresseur (notamment au bout de la première semaine puis de la deuxième semaine de traitement), pour rechercher un comportement suicidaire, une agitation ou un autre facteur majorant le risque suicidaire (conflit interpersonnel, alcool, etc.), mais également les effets indésirables somatiques. Les effets indésirables éventuels apparaissent en général avant les effets bénéfiques, et doivent donc être anticipés et précisés au patient pour améliorer l’adhésion au traitement. Le patient et son entourage doivent être informés sur le risque suicidaire pour consulter rapidement en cas de modification de l’humeur. Il est recommandé pour évaluer la dose minimale efficace des antidépresseurs de prendre en compte notamment l’âge du patient, ses comorbidités, les traitements concomitants et les effets indésirables attendus de l’antidépresseur. Un traitement concomitant par benzodiazépine (ou apparenté) peut être justifié en début de traitement antidépresseur pour une durée de 2 semaines en cas d’anxiété, d’agitation ou d’insomnie invalidantes.
Traitement pharmacologique Suivi et arrêt du traitement: Il est souhaitable que la durée totale du traitement antidépresseur d’un épisode dépressif caractérisé se situe entre 6 mois et 1 an après rémission dans le but de prévenir les rechutes. L’arrêt du traitement ne doit pas se faire à l’initiative du patient ou de sa famille sans accompagnement médical. Il est recommandé d’arrêter progressivement le traitement antidépresseur, sur plusieurs semaines ou mois, pour prévenir le risque de rechute. Il apparaît préférable de choisir une période de stabilité de la vie sociale et affective du patient afin de mieux apprécier le retentissement et la rechute sans mêler plusieurs variables. En outre, un syndrome de sevrage peut apparaître en cas d’arrêt brutal ou de traitement antidépresseur à demi-vie courte. Dans ce cas il est souhaitable de rassurer le patient sur le caractère temporaire de ce symptôme, et si nécessaire revenir temporairement à la posologie précédente avant de reprendre un arrêt plus progressif.
Traitement pharmacologique SITUATIONS À RISQUE OU DÉCONSEILLÉES La prescription d’un antidépresseur imipraminique est contre indiquée - de glaucome par fermeture de l’angle - d’hypertrophie prostatique - d’insuffisance cardiaque - antécédents cardiovasculaires (infarctus, trouble du rythme, coronarité). L’association d’un IRS/IRSNA avec un médicament pro-sérotoninergique comme la tramadol, le lithium ou les IMAOA/B expose à un risque de syndrome sérotoninergique.
Traitement pharmacologiques PRÉCAUTIONS D’EMPLOI Dans le cas d’un virage maniaque franc, le traitement par antidépresseur doit être interrompu. Chez les patients épileptiques ou ayant des antécédents d’épilepsie, il est prudent de renforcer la surveillance clinique en raison de la possibilité d’abaissement du seuil épileptogène. La survenue de crises convulsives impose l’arrêt du traitement.Les imipraminiques doivent être utilisés avec prudence chez les sujet âgés présentant une plus grande sensibilité à l’hypotension orthostatique et à la sédation ou une constipation chronique (risque d’iléus paralytique). En cas de prise d’un IMAO, une alimentation à base de tyramine (retrouvée dans le fromage, dans la bière et autres aliments), peut provoquer des effets indésirables (accès hypertensifs).
Traitement pharmacologique EFFETS INDÉSIRABLES Les effets indésirables découlent des propriétés pharmacologiques périphériques des antidépresseurs (Tableau 2). On retrouve ainsi les effets atropiniques (sécheresse de la bouche, constipation, troubles de l’accommodation, tachycardie, sueur, trouble de la miction). On retrouve aussi des effets indésirables liés aux effets centraux (somnolence ou sédation, tremblements, crises convulsives, états confusionnels transitoires, inversion de l’humeur avec l’apparition d’épisodes maniaques).
La sismothérapie La sismothérapie ou électroconvulsivothérapie (ECT) est une technique de traitement de troubles psychologiques, notamment la dépression sévère résistante aux traitements médicamenteux ou les mélancolies stuporeuses et délirantes. L'objectif est de créer artificiellement une crise épileptique à visée thérapeutique grâce au passage d'un courant électrique à l'intérieur de la boîte crânienne. Avant la « cure », le psychiatre détermine la nécessité et les conditions du traitement et l'anesthésiste vérifie si le patient est apte. Il faut généralement 6 à 12 séances deux à trois fois par semaine pour obtenir des résultats. Des séances de consolidation peuvent être proposées par la suite. Elles seront alors espacées progressivement jusqu'à une par mois pendant six mois à un an.
Traitement psychothérapeutique La psychothérapie est un traitement à part entière de la dépression. De nombreuses études ont permis d’en prouver l’efficacité et d’en préciser les indications. Pendant un épisode dépressif, la psychothérapie permet de mieux gérer la maladie, de réduire ses symptômes et leurs conséquences, de donner du sens à ce que l’on vit et de pouvoir envisager de nouveaux projets. Ses premiers effets (un soulagement lié à une écoute adaptée) peuvent se faire sentir immédiatement, les changements durables interviennent au bout de quelques semaines. Après la guérison d’un épisode dépressif, la psychothérapie sert aussi à prévenir la réapparition des symptômes. Il existe différentes méthodes de psychothérapie privilégiant des formes particulières d’intervention. Mais quelle que soit la méthode utilisée, la psychothérapie est avant tout fondée sur un échange de personne à personne qui s’instaure grâce à l’écoute, la bienveillance, l’absence de jugement et la compréhension du praticien. Celui-ci est par ailleurs tenu au secret professionnel. La qualité de la relation, le sentiment d’être accueilli et compris dans ce que l’on vit et ressent, sont des éléments déterminants de toute psychothérapie. La psychothérapie s’appuie dans la plupart des cas sur un échange verbal, mais pas n’importe lequel. Il ne s’agit pas d’une « discussion » du type de celles que l’on a dans la vie de tous les jours. Il s’agit d’une relation particulière où un professionnel formé à l’écoute et à la compréhension des problèmes psychologiques propose, dans un cadre conçu pour cela, d’aborder ces problèmes d’une manière spécifique, différente de la nôtre et de celle que nos proches peuvent nous proposer.
Traitement psychothérapeutique Une des règles essentielles de cette relation est de permettre l’expression de ce que nous vivons, ressentons et pensons en toute liberté, sans craindre d’être jugé ou critiqué. On pourra par exemple aborder des situations ou des émotions qui nous effraient, se pencher sur nos « zones d’ombre » et parler de choses qu’il est très difficile d’aborder, même avec nos proches. Le praticien est là pour entendre la souffrance, les difficultés, les doutes ; il favorise l’expression de ce qui est réellement ressenti et nous aide à mettre des mots sur notre vécu en utilisant différentes techniques : questions ouvertes, reformulation des problèmes, exercices de mise en situation, espaces de silence. Le praticien nous propose donc un face-à-face avec nous-mêmes en toute confiance, dans un cadre sécurisant. Tout est fait pour aller au-delà d’où nous avons l’habitude d’aller ; nous pouvons alors nous regarder d’une autre façon, prendre conscience de nouvelles choses, aborder nos problèmes d’une façon différente, trouver de nouvelles réponses et des solutions efficaces. Pour favoriser ce changement, le praticien peut aussi intervenir de façon plus active ; il peut nous inviter à parler d’un sujet particulier, nous transmettre sa compréhension du problème ou nous donner certaines explications, nous faire des recommandations, nous inviter à faire certains exercices (dans son cabinet, chez nous ou à l’extérieur)… Selon le praticien et la situation de la personne, différents modes d’intervention pourront être mis en œuvre. Ces modes d’intervention sont en effet adaptés à la personne qui consulte (à sa personnalité, à ses problèmes, à son type de dépression) et à la singularité de chaque situation de soin ; ils peuvent également évoluer en fonction des moments de la psychothérapie.
Eléments de surveillance IDE Objectifs du soin Diminuer l’anxiété du patient Permettre au patient d’exprimer sa souffrance et douleur morale afin de retrouver une sécurité intérieure Sécuriser l’environnement du patient afin de diminuer les risques de passage à l’acte L’écoute L’écoute a pour but de diminuer l’anxiété et le risque suicidaire. Les temps d’écoute permettent une observation des modifications de l’humeur, du comportement. Favoriser la parole par une posture soignante empathique et aidante. Accorder du temps, formalisé ou non, pour permettre au patient de se sentir pris en charge et écouté.
Eléments de surveillance IDE Surveillance du patient La surveillance doit être efficace et discrète en évitant d’adopter une attitude trop intrusive puisque cela risquerait d’augmenter l’anxiété. Etre attentif aux désirs du patient tout en respectant le cadre de soins. Assurer une surveillance lors des soins d’hygiène si utilisation de rasoirs ou d’objets coupants. A noter que la surveillance à juste distance est rassurante pour le patient présentant un risque suicidaire. Evaluer cliniquement la thymie du patient et la tracer dans le dossier patient informatisé en étant attentif à une possible levée d’inhibition (risque de passage à l’acte suicidaire qui apparaît quelques jours après le début du traitement antidépresseur, le patient a encore des symptômes dépressifs et a retrouvé une force physique suffisante pour passer à l’acte). Cela peut se manifester par une brusque inversion de l’humeur.
Eléments de surveillance IDE L’évaluation d’un risque suicidaire par l’équipe soignante, ouvrir la cible risque suicidaire et y inscrire de manière objective les éléments observés ainsi que les actions mises en places. Surveillance de l’environnement du patient Installer le patient dans une chambre si possible proche du PC infirmier pour qu’il soit réassuré par la présence des soignants à proximité et dans un même temps favoriser la surveillance. Vérifier que dans la chambre les fenêtres ne peuvent être entièrement ouvertes. Lors de l’admission du patient, lui demander de remettre tous les objets présentant un risque pour lui-même (rasoirs, ciseaux, sèche-cheveux, ceintures…) en les notant dans le dossier de soins informatisé. Surveiller la bonne fermeture de l’armoire à pharmacie dans l’unité et l’impossibilité d’accès aux traitements par le patient. Surveillance de l’observance du traitement S’assurer que l’éventuelle prescription de suivi psychiatrique par le médecin du service d’accueil soit mise en place. Veiller à ce que le patient prenne son traitement. En cas de refus, le stipuler sur le dossier de soins informatisé. Ne pas laisser à disposition du patient ses traitements personnels ni de traitement si besoin.
Le trouble bipolaire: généralités Le trouble bipolaire est un trouble de l’humeur appelé auparavant psychose maniaco-dépressive qui se caractérise par une variation anormale de l’humeur : alternance de périodes d’excitation (manie ou hypomanie) et de dépression, voire de mélancolie profonde, entrecoupées de périodes de stabilité. Le terme « bipolaire » évoque les deux pôles manie et dépression, entre lesquels l’humeur oscille.
Le trouble bipolaire: épidémiologie et prévalence Les troubles bipolaires sévères touchent 1 à 2 % de la population. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), ils comptent parmi les dix maladies les plus invalidantes. Le diagnostic est souvent fait tardivement (8 à 10 ans d’évolution), ce qui peut aggraver le pronostic. Une personne bipolaire non traitée aurait une espérance de vie inférieure de 20 ans à celle de la population générale. On estime que 20 % des personnes ayant un trouble bipolaire décèdent par suicide avec comme facteurs de risque la sévérité de l’épisode, l’association d’autres troubles psychiques (alcoolisme, trouble de la personnalité) et certains symptômes dépressifs (réveil précoce, désespoir, perte de plaisir ou d’intérêt).
Les signes cliniques du trouble bipolaire Deux principaux types de trouble bipolaire sont distingués: - Le trouble bipolaire de type I est caractérisé par au moins un épisode de manie. - Le trouble bipolaire de type II est caractérisé par au moins un épisode de dépression et au moins un épisode d'hypomanie. Manie: Une période nettement délimitée d'au moins 1 semaine (ou n'importe quelle durée si une hospitalisation est nécessaire) d'humeur anormalement élevée, expansive ou irritable et d'augmentation anormale de l'activité ou de l'énergie dirigée vers un but, de façon persistante, la plus grande partie de la journée, presque tous les jours. Hypomanie: Une période nettement délimitée, d'au moins 4 jours consécutifs, d'humeur anormalement élevée, expansive ou irritable, et d'augmentation anormale de l'activité ou de l'énergie, de façon persistante, la plus grande partie de la journée, presque tous les jours. La sévérité de l'épisode n'est pas suffisante pour entraîner une altération marquée du fonctionnement professionnel ou social, ou pour nécessiter une hospitalisation. S'il y a des caractéristiques psychotiques, l'épisode est, par définition, maniaque (et non hypomaniaque).
Les signes cliniques du trouble bipolaire Episode (ou syndrome) maniaque: Hypomanie (s’intégrant dans le trouble bipolaire type II) Persistance depuis au moins 4 jours de 3 symptômes: - intellectuel: Accélération: tachypsychie, tachyphémie, fuite des idées, hypoprosexie Désinhibition: communicabilité, ludisme Imagination riche et exaltée Augmentation de l’estime de soi, idée de grandeur - Affect (humeur): Exaltation: euphorie expansive, élation Labilité thymique Irritabilité, agressivité - Comportemental: Troubles des conduites instinctuelles Tachykinésie Engagement excessif vers un but avec des conséquences médico-légales ou socio-professionnelles
Formes cliniques du trouble bipolaire Trouble bipolaire de type I EDM avec épisode maniaque ou épisode maniaque isolé après avoir éliminé une cause organique, addictologique, iatrogène ou état mixte Trouble bipolaire de type II Alternance d’EDM avec des épisodes hypomaniaques. Dépressions sévères et risque suicidaire élevé. Trouble bipolaire de type III Trouble de l’humeur de type maniaque ou hypomaniaque induit par des médicaments (antidépresseurs le plus souvent) et en cas d’épisodes dépressifs récurrents avec ATCD familiaux de troubles bipolaires et tempéraments hyperthymiques. Cycles rapides Au moins 4 épisodes de troubles de l’humeur (dépressifs, maniaques, hypomaniaques ou mixtes) pendant l’année précédente.
Formes cliniques du trouble bipolaire Manie délirante Peut faire penser à une bouffée délirante aigue chez le sujet jeune avec symptomatologie maniaque (euphorie remplacée par agressivité ou irritabilité), trouble du contenu de la pensée, tableau délirant riche au premier plan avec thèmes mégalomaniaques, mystiques, de persécution… Les idées délirantes sont congruentes ou non à l’humeur Fureur maniaque Forme clinique rare et grave, hostilité, agitation, violence pour le sujet et son entourage
Formes cliniques du trouble bipolaire DSM 5 : l’état mixte: - Manie ou hypomanie + 3 symptômes: dysphorie importante ou humeur dépressive ou diminution de l’intérêt ou du plaisir ou ralentissement psychomoteur ou fatigue ou perte d’énergie ou dévalorisation ou culpabilité excessive ou pensées de mort récurrentes, idées suicidaires. - Dépression majeure + 3 symptômes: humeur élevée, expansive ou augmentation de l’estime de soi, idées de grandeur ou plus grande communicabilité ou fuite des idées ou augmentation de l’énergie ou de l’activité ou engagement excessif dans activités à potentiel élevé de conséquences dommageables ou réduction du besoin de sommeil
Formes cliniques du trouble bipolaire L’état mixte: Le patient se plaint des symptômes suivants : anxiété, tension intérieure, tension musculaire, sentiments d’irritabilité et de rage non provoquée, pensée encombrée ou accélérée, insomnie d’endormissement ou du milieu de la nuit, idées et impulsions suicidaires Le patient présente : une humeur déprimée, une agitation psychique, une expression faciale pleine de vie, des descriptions poignantes de souffrance, l’absence de ralentissement, une volubilité, une labilité émotionnelle, des gestes suicidaires impulsifs, une tension élevée Le conjoint dit que le patient se plaint continuellement, manifeste parfois de l’irritabilité, est parfois sexuellement hyperactif
Evolution du trouble bipolaire Le début de la maladie bipolaire est souvent brusque, pour les premiers épisodes on identifie souvent des « facteurs déclenchants », évènements de vie qui coïncident avec l’apparition des symptômes et qui semblent les favoriser. Un épisode maniaque inaugure le plus souvent les formes typiques de trouble bipolaire : il annonce dans plus de 80% des cas un trouble bipolaire. L’évolution d‘un état maniaque comme celle d’un épisode dépressif non traité est en général de 4 à 8 mois. Le traitement permet de réduire la durée de ces accès. L’évolution est irrégulière, la cyclicité tend à s’aggraver au cours du temps, les épisodes se rapprochant. La durée des épisodes varie en fonction de la rapidité à l’instauration du traitement. Cette évolution plutôt péjorative peut être enrayée par un traitement adapté instauré le plus précocement possible.
Evolution du trouble bipolaire Une personne bipolaire non traitée aurait en moyenne une espérance de vie inférieure de 20 ans à l’espérance de vie dans la population générale, liée à différents risques. Certains de ces facteurs défavorables ne sont pas accessibles à la prise en charge. Mais un traitement précoce, la prise en compte des comorbidités, un suivi régulier et une bonne relation thérapeutique entre médecin et malade sont autant de moyens de réduire les complications liées à la maladie bipolaire, et d’en améliorer le pronostic spontané. Il est donc très important de consulter dès le début des troubles et de maintenir le suivi au fil du temps Le risque principal de la maladie bipolaire est le suicide. On estime que 20% des bipolaires décèdent par suicide. Ce risque est 30 fois supérieur à celui de la population générale, il est donc considérable. Il est équivalent entre les sexes alors que dans la population générale il est 3 fois supérieur chez les hommes. On observe un pic de fréquence des suicides en mai et en octobre.
Prises en soins du trouble bipolaire Une prévention de ce risque de suicide doit donc être mise en place pour tout malade bipolaire au moyen d’un traitement médicamenteux et d’un suivi psychothérapique étroit dans « l’alliance » thérapeutique avec le médecin. L’éducation du patient et de son entourage à dépister ce risque et les différentes manifestations de la maladie est également un enjeu très important. Outre son rôle thymorégulateur le lithium aurait un rôle préventif spécifique des conduites suicidaires. Selon certains travaux 59% des bipolaires décédés par suicide ont rencontré un médecin psychiatre ou généraliste avant leur geste suicidaire. La prévention n’est donc pas un problème d’accès aux soins mais pose la question du dépistage de troubles de l’humeur. Dans certains cas de risque immédiat, une hospitalisation doit être discutée. Les antécédents de tentative de suicide doivent rendre vigilants médecins et entourage.
Algorithme thérapeutique
Traitement pharmacologique Les traitements les plus souvent prescrits pour le du trouble bipolaire sont appelés thymorégulateurs ou régulateurs de l’humeur. Ces traitements permettent de réduire la fréquence, la durée et l’intensité des épisodes et d’améliorer la qualité des intervalles libres. Leur efficacité ne peut être évaluée qu’après au moins 6 mois de traitement. Pour certains le traitement doit être maintenu à vie. Une interruption de traitement ne peut en règle générale être envisagée avant une période de stabilité d’au moins 2 ans et doit être effectuée très progressivement sous surveillance médicale.
Traitement pharmacologique Choix de la molécule: Le plus ancien des thymorégulateurs, le lithium (sels de lithium), reste le traitement de référence. D’autres régulateurs de l’humeur ont d’abord été développés comme les antiépiléptiques mais ont fait la preuve de leur efficacité thymorégulatrice : le valpromide, le divalproate, la carbamazépine et enfin la lamotrigine de sodium apparue plus récemment dans l’arsenal thérapeutique du trouble bipolaire. Les nouveaux « antipsychotiques » dits « atypiques » (olanzapine, risperidone) ont initialement été proposés dans le traitement de certaines maladies psychotiques chroniques (schizophrénie) mais ont aussi des propriétés de régulation de l’humeur et peuvent être prescrits dans ce sens.
Traitement pharmacologique Choix de la molécule (suite): Dans certaines formes particulières ou résistantes aux traitements habituels le spécialiste peut proposer d’autres médicaments qui auraient des effets thymorégulateurs comme certains autres anti-épileptiques (gabapentine, topiramate), ou certains traitements antipsychotiques comme la clozapine, voire même des associations de thymorégulateurs entre eux. Le choix entre ces trois groupes de médicaments (lithium, antiépiléptiques, antipsychotiques) dépend de l’histoire de chaque patient, de ses antécédents et contre-indications, de la situation clinique, des comorbidités, des habitudes et des choix du prescripteur et du patient. Il est impossible de résumer ici tous ces paramètres.
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