Les cauchemars du Gecko 47 Excuses et dires liminaires de Za - de Raharimanana mise en scène Thierry Bedard

La page est créée Claude Pelletier
 
CONTINUER À LIRE
Les cauchemars du Gecko 47 Excuses et dires liminaires de Za - de Raharimanana mise en scène Thierry Bedard
Les cauchemars du Gecko
                                        47
Excuses et dires liminaires de Za

                            de Raharimanana

                 mise en scène Thierry Bedard
Les cauchemars du Gecko 47 Excuses et dires liminaires de Za - de Raharimanana mise en scène Thierry Bedard
© Philippe Gaubert

Les cauchemars du gecko                                 de Raharimanana

                                           mise en scène Thierry Bedard

    avant-première le 2 juillet 2009 / Bonlieu, scène nationale d'Annecy

                          création le 20 juillet 2009 / Festival d’Avignon

                                                                           2
Les cauchemars du Gecko
Note d’intention
Commande d’écriture notoire / de l’étranger(s) / un état du monde 1

        “ Je vous dis un monde … Nous naissons dans le noir, vivons le temps d’une couleur,
        retournerons dans le noir, dans le silence qui nous a créés. Seul nous semble compter le temps
        où furent suspendus les ténèbres et l’incompréhension, le reste se dilue dans la douleur des
        vivants. Alors que nous ne rêvons que d’illusion, que de douceur et de légèreté. Les paroles
        rentrées et le silence qui s’esquisse sur les lèvres …

        Les mots sont complices de la mémoire, creusent gouffre, s’y précipitent et vous y entraînent. Et
        folie garder pour dérision salvatrice de ce réel bien trop sombre … ”

Dans le cadre du cycle de l’étranger(s), j’ai passé une commande d’écriture à Jean Luc Raharimanana,
auteur malgache. Un “état du monde”, vu d’un des dix pays les plus pauvres de la planète, vu de
Madagascar. Un état du monde vu du continent noir, mais peut-être aussi de tout autre endroit confronté à
l’occident …

Nos premières discussions tournaient autour d’une fable, d’une certaine manière universelle, énoncée par
une figure de “sage”, et commentée avec hargne par des “spécialistes” d’abord du discours, puis du sens,
puis de la pensée dominante, malmenant par inconscience ou par bêtise, voir par choix politique une autre
pensée du monde … Mais ce cadre de travail était certainement trop rhétorique, trop raisonnable …

Nous avons donc décidé, d’un commun accord, d’en rester à des fragments, des dizaines de fragments, de
quelques lignes à quelques pages, sans présager de qui parle : homme ou femme, animal, éléments de la
matière, dieux et autres olombelona 1. Ni du comment “ça parle”. Sans présager de quelles figures se
nourrissent les fictions, figures de notre modernité philosophique, figures de notre actualité politique,
dictateurs, corrupteurs, inventeurs d’axe désaxé (ou simple dirigeant occidental actuel qui répand une
morgue insupportable à propos de l’Afrique). Figures animales, comme les geckos. Et surtout figures
déclassées, abandonnées. Figures en lutte. Figures proches de Za 2, héroïque personnage de folie dans un
monde ravagé par la misère.

Figures révoltées contre l’ordre du monde.
Figures du désordre …

Et du désordre théâtral.

Je rêve maintenant (!) d’un long cauchemar de quelques heures, de toute une nuit, avec nombres d’acteurs
dans une Planet of Slums 3… Un cauchemar chargé d’une ironie désespérée, mais pas désespérante , et en
musique …

Thierry Bedard

1 Olombelona est un terme malgache qui ne peut se traduire en référence à un imaginaire occidental. Il est l’être humain, l’autre,
chacun de nous, nous tous, et une énergie vitale cachée en nous.
2 Za, héros du roman éponyme de Raharimanana (éditions Philippe Rey), objet d’un autre spectacle.
3 En référence au livre de Mike Davis Le pire des mondes possibles (éditions la Découverte)
Les cauchemars du Gecko
Extraits du texte

Danses

Tant de méandres pour perdre le sens …

J’ai pris de vous les ténèbres et les jours, j’ai pris de vous les pleurs et les rires, j’ai pris les chaines, j’ai pris les licols,
j’ai pris les jougs, j’ai pris l’exil, de vous la barbarie, ma honte comme seul butin, ma douleur comme seul élixir, j’ai pris
de vous un soleil trop brillant, et les rêves inaccessibles, la réalité où l’on me dépouille, la réalité où l’on me spolie, la
réalité où l’on m’humilie, j’ai pris ce qui me restait de vous, les rires et encore les rires …

Mes pensées sont lianes sensuelles contre barbelés bien réels
                                                                                 Mon pays est en guerre     Vous ne le
saviez pas, non, vous ne pouviez pas le savoir, vous n’étiez que le bâillon sur ma bouche, le bandeau contre mes yeux,
vous n’étiez que la balle dans ma tempe
                            expulsée de l’arme, vous n’aviez rencontré que sang et ruine dans ma tête.
                            Je n’étais plus et vous, vous ne serviez plus à rien

Kratos
avec le choeur

De ma face boursoufflée des enflures des siècles mon rire enfoiré, je vous contemple de mon fumier où la mort nègre
se déroule en masse…
Sur mon tas
Que soit maintenant la modernité !
Que soit maintenant la prospérité !
Que soit maintenant la liberté !

Vous pouvez maintenant vous développer, émerger, pousser, consommer
Voyez
Vous progressez, prospérez, resplendissez, dêmokratie, terre des dieux humains …

Scandez maintenant :
Dêmos
Kratos
Dêmos
Kratos
Dêmos
Répétez après moi !
Kratos
Dêmos
Kratos

Puissance du peuple sur la mort nègre
Du fond de la cale, démos !
Du fond de la plantation, démos !
Du fond de la colonie, démos !
Du fond de l’indépendance, à racler dans les bas-fonds des républiques, républiques des nègres, indépendance mon
cher, démos !
Et racle la puissance
Et racle l’abondance
Le chanvre de la modernité
Le luxe et la profusion pour ressources des nations

On m’a tout donné, l’abolition et l’indépendance
On m’a tout donné, aides, faveurs, assistance et dons humanitaires,
Je coopère
Je collabore

                                                                                                                                   4
Je me bilatérale
Je me forme, je m’informe, je m’instruis, je rattrape mon retard, je me civilise
Je m’infrastructure moderne, up to date

Je me libéralise
Je me lutte corruption
Je me lutte ethnique
Je …

On m’a tout donné, je ne prends pas, non, ça ne me prend pas …

Le camp des soumis.

Dans le camp des soumis l’on mange bien dans le camp des soumis l’on se bâfre dans le camp des soumis l’on rote
caviar dans le camp des soumis l’on croule sous les produits dans le camp des soumis l’on consomme dans le camp des
soumis l’on joue l’on travaille l’on dort dans le camp des soumis la rose n’a que couleur dans le camp des soumis l’on
roule bien dans le camp des soumis l’on arrose à foison jus foutre pétrole engrais ou champagne dans le camp des
soumis il est interdit d’interdire mais fumer tue dans le camp aux soumis tu l’aimes ou tu le quittes le camp aux soumis
où sans feu des fumées sans odeur les feux sans brûlure sans désagrément …

L’on jouit l’on jouit l’on jouit L’on jouit l’on jouit l’on jouit L’on jouit l’on jouit l’on jouit …

L’on jouit long ce temps sans fond l’on jouit long ce temps sans fin l’on jouit long ce temps sans mort et l’on se verse
vertige pour gargarisme des mensonges et autres liqueurs d’avant déluge libéralistique et autres contrariétés
économiques …

Pro propro duductivité dow jo vivacité
efficatrucité flex rente currence ploiter (...)

L’œil du Gecko.

J’ai crâne raturé ce soir. L’œil du gecko est sans paupières.
La question de la mémoire n’est pas de retenir mais de souffrir de l’irréparable.

L’irréparable fait mémoire.
L’irréparable est dans l’œil du gecko. Sans paupières.

Ce qui nous lie n’est pas la mémoire mais bien l’oubli noir que personne n’ose enjamber de peur de rencontrer
l’innommable, est-ce histoire que d’oublier ce qui n’est pas à retenir, la honte et le scandale de soi, l’inhumanité.

Rwanda 2.

J’ai marché sur de la poussière.                                                                       A Butaré

Je ne sais pas ami comment je vais raconter tout cela. Je ne sais pas comment tous ces morts vont pouvoir cohabiter
dans ma mémoire. J’ai peur qu’ils succombent une seconde fois dans mon être qu’ils ont investi. Et m’emportent. Et me
damnent pour l’éternité.

Je voudrais ami que tu me dises : raconte-moi, raconte-moi encore …

Ce que j’ai vu mon ami dépasse tout entendement. Je n’y étais pourtant pas, au cœur des ténèbres. Je n’y étais
pourtant pas, quand les machettes ont chanté. Je n’y étais pas quand les regards ont brûlé. J’ai juste marché sur de la
poussière de mort, sur des ossements qui tombaient des étagères. Le premier jour, je t’ai entendu chanter avec les
autres : « Ne leur dis pas, ne leur raconte pas ! ». Je n’ai pas posé la moindre question. J’ai attendu que tu me prennes
par la main. Que tu m’emmènes là où le récit a commencé.
Les collines. Les milles collines.
Comment ai-je cru un seul instant que telle poussière resterait sans saupoudrer nos mémoires présentes et aveugler
nos raisons ?

Nègre toujours sera nègre.

                                                                                                                        5
Voyez mon visage,
- trop noir encore, trop noir toujours, hirsute sur vide en mémoire farcie de cadavres.

Nègre à me plaindre, je me repens. A trop pleurs pluie d’insulte, je me repens. Sur douleur, la honte est à foison, j’ai
honte, je me repens. Siècle de non repentance et de non retour au passé, mon retour, je me le baise à mort et je souris.
Comme les putes, je suis responsable de mon malheur, femmes violées, je ris, n’en tenez pas compte, c’est juste pour
l’exhiber mon sourire banania et la dent que j’ai contre personne, les races n’existent pas, nous sommes tous les mêmes
êtres humains, même droits, mêmes prérogatives, mêmes victimes, mêmes bourreaux …

Je suis comme vous.

Voyez mon visage
- trop noir encore, trop noir toujours, hirsute sur vide en mémoire forcie de nos cadavrés.

Ecrire 3.

Je vous dis un monde … Nous naissons dans le noir, vivons le temps d’une couleur, retournerons dans le noir, dans le
silence qui nous a créés. Seul nous semble compter le temps où furent suspendus les ténèbres et l’incompréhension, le
reste se dilue dans la douleur des vivants. Alors que nous ne rêvons que d’illusion, que de douceur et de légèreté.

Les mots sont complices de la mémoire, creusent gouffre, s’y précipitent et vous y entraînent. Et folie garder pour
dérision salvatrice de ce réel bien trop sombre …

                                                                                                                      6
Les cauchemars du Gecko
dates et distribution
Texte                                                             Création - 2009
Raharimanana
commande d’écriture notoire / de l’étranger(s)                    27 avril au 12 mai 2009 – Résidence
                                                                  Centre national de Création et de Diffusion culturelles
mise en scène                                                     de Châteauvallon
Thierry Bedard
                                                                  28 et 29 mai 2009 – Présentation d’Atelier
création musicale                                                 Festival Extra / Bonlieu scène nationale d’Annecy
Rija Randrianivosoa
                                                                  2-3 juillet 2009 - avant première
scénographie                                                      Bonlieu scène nationale d’Annecy
Marc Lainé
                                                                  du 20 au 25 juillet 2009 / 18h (off le 23)
Réalisation sonore                                                Festival d’Avignon / Gymnase Aubanel
Jean Pascal Lamand
d’après les reportages effectués à Tananarive /
Madagascar
                                                                  Tournée – 2009 / 2010
création lumières                                                 (en cours)
Jean Louis Aichhorn
Assistante à la mise en scène                                     15 au 17 décembre 2009
Tünde Deak                                                        Bonlieu scène nationale / Annecy

avec                                                              février 2010
Rodolphe Blanchet, Mame Fama Ly, Mélanie Menu                     Théâtre Quartiers d’Ivry, Centre Dramatique National du
Moustapha Mohamed Mouctari, Phil Darwin Nianga,                   Val de Marne
et Véronique Sacri et Rija Randrianivosoa
                                                                  23 et 24 mars 2010
Journal : Agence Thérèse Troika                                   Théâtre de L’Union, Centre Dramatique National /
                                                                  Limoges
Production déléguée : Bonlieu Scène nationale Annecy
                                                                  30 mars 2010
Production : notoire / de l’étranger(s) – Paris
                                                                  Théâtre de la Passerelle, scène nationale / Gap
Coproduction :
Festival d’Avignon                                                7 au 9 avril 2010
Théâtre de l’Union, Centre Dramatique National du                 La Croix Rousse, scène nationale / Lyon
Limousin – Limoges
Scène nationale 61 – Alençon
Centre national de Création et de Diffusion culturelles de
Châteauvallon
                                                                  Options 2010 : dates à confirmer
Avec le soutien de la Région Ile de France et du Fonds
SACD                                                              - Scène nationale 61 – Alençon
avec le soutien pour l’ensemble du cycle de l’étranger(s) du
Centre Dramatique National Orléans / Loiret / Centre              - Centre national de Création et de Diffusion culturelles
                                                                  de Châteauvallon
avec la complicité du Centre Culturel Albert Camus,
Tananarive, Madagascar

Spectacle répété au Centre national de Création et de
Diffusion culturelles de Châteauvallon et à Bonlieu scène
nationale..Décor réalisé par les ateliers du Théâtre de
Théâtre de l’Union, Centre Dramatique National du
Limousin

notoire est conventionnée par la Drac Ile de France.

Thierry Bedard – notoire est artiste associé à Bonlieu Scène
nationale d'Annecy dans le cadre du centre d'art et de création

                                                                                                                            7
Groupe de rebelles pendant une “soumission” aux autorités françaises à Ambodiriana en septembre 1947.
                                           Agence Nationale d’Information Taratra “Anta”. Madagascar.

                                                                                         47
                                                                             de Raharimanana

                                                             mise en scène Thierry Bedard

                         à la mémoire des insurgés du 29 mars 1947, Madagascar

              Création Centre Culturel Albert Camus, Tananarive, Madagascar

                                                                  19 et 20 septembre 2008
47
note d'intention

      “ Pour commencer, on dira que les faits ont réellement existé, que les sagaies ont volé, que les
      balles ont sifflé, que les cadavres ont jonché la terre. Rire. Des rires en masque de douleur. Des
      rires sur l’absurdité de ces lignes cherchant à comprendre pourquoi je devrais me justifier pour
      revendiquer ma mémoire. (…) De quoi parlons-nous en fait ? De 1947, mars 1947 et de tout ce
      qui s’ensuivit. Insurrection contre la colonisation française. L’oppression pendant près de deux
      ans. Je parlais comme d’une évidence : le chiffre même de 47 sonne douloureux sur la Grande
      Île, la fin d’un monde, la perte et la défaite, le silence lourd d’une période qui n’en finit pas de
      nous ronger, de nous hanter … ”

Raharimanana dans un court texte incisif revient sur une période de l’Histoire, entre Madagascar et la
France. C’est un document, publié∗, qui “nous interroge sur les rapports entre colonisés et colonisateur, entre
pouvoir actuel et passé, sur le silence de part et d’autre, sur l’écriture de l’histoire par le Nord et la nécessité
d’interroger cette histoire par le Sud.”

Et ce très grand écrivain raconte une “histoire” poignante, chargée d’une incroyable émotion. C’est
l’introduction dans ce texte de témoignages qui m’a donné, dès la première lecture, la nécessité de mettre en
scène ce texte, et avec un partage des voix. Avec la langue française. Avec la langue malgache, avec le
“son” malgache, celui que j’ai aimé dès un premier voyage dans la Grande Île rouge. A l'écoute des voix
enregistrées de quelques témoins âgés de la répression, une répression sanglante de quelques dizaines de
milliers de morts.
De la même manière que la publication originale propose des photographies inédites de ce massacre
colonial, tirées du Fonds Charles Ravoajanahary, la scénographie révèle des images de guerre oubliées,
éditées sous forme de journaux distribués au public, commentés avec force, comme un acte mémoriel
obligé.

47 à Tananarive

L’Histoire racontée de cette manière par un artiste - le “je” est assumé -, a une dimension universelle. L’idée
est bien de porter un spectacle au-delà des strictes frontières de nos deux pays d’origine, mais il est juste de
créer cette leçon d’histoire à Madagascar, au Centre Culturel Albert Camus à Tananarive, ce qui nous
importe l’un et l’autre, comme pour assumer ensemble notre pensée - je n’ose dire : notre révolte …

Thierry Bedard. mars 08

∗
 Madagascar 1947, essai et photographies du Fonds Charles Ravoajanahary
Vents d’ailleurs /Tsipika 2007

                                                                                                                  9
47
Extrait du texte

personnage 2 :
         Quand la mémoire est faille, la douleur est précipice. Cette faille ineffaçable, les cravaches sur le corps quand le
colon oblige à travailler, le fusil sur un proche quand celui-ci refuse d’obéir, la peur au ventre quand le casque colonial
tangue au loin, quand la peau blanche se détache parmi celles noires tellement déshumanisées, quand se fait entendre
la langue française et que fuse instantanément la seule réponse qui vaille :

personnage 1 :
        « Oui Monsieur »
        Si l’on nous dit que nous avons mémorisé cette insurrection sur le mode du fantasme et de l’horreur, nous
répondons :
        « Oui, Monsieur ! »

personnage 2 :
         Que garder alors des témoignages des rebelles et des survivants ? Sont-ils dignes de foi ? Des témoignages
portés par l’émotion. Des témoignages portés par l’indignation. Des témoignages où souvent il est impossible de
distinguer la réalité de la légende. Dans ce cas, ne sont-ils classés purement et simplement dans les rumeurs, les
fantasmes ou même          l’ignorance ? Ignorance des rebelles qui sont pour la plupart des simples paysans, des
analphabètes ? Est-on prêt à entendre leurs paroles ? Et de plus, on sait que les voix des victimes ne sont pas audibles,
non pas parce qu’ils ne veulent pas parler mais parce qu’on ne veut pas les écouter, ce qu’ils racontent dépasse
tellement l’entendement qu’on ne peut pas, on ne veut pas y croire.

personnage 1 :
Je me remémore cet homme, racontant ce que lui aurait vécu dans les environs de Manakara, sud-est de l’île, foyer de
sanglants affrontements avec les Français :

en malgache traduit en français
          « Tu ne me croiras jamais Zokibe5, mais je hurlais en attaquant cette concession. Leur maison brûlait mais leurs
fusils tonnaient toujours – il y en avait trois, nous attendions que le feu les pousse dehors. Et ce qui devait arriver arriva,
ils ne purent plus tenir. Ils sortirent en tirant dans toutes les directions. Et nous, nous nous sommes rués vers eux. Je me
suis retrouvé face à une femme, j’ai vu un gros ventre, je n’ai pas réfléchi davantage, j’ai abattu ma machette et ai planté
ma sagaie, j’ai continué à courir avec ma machette pour chercher un autre adversaire. Mais je n’ai trouvé personne
d’autre, j’étais trop proche du feu, je suis revenu sur mes pas, et là Zokibe, je n’oublierai jamais, je n’oublierai jamais –
que Zanahary me pardonne, que les ancêtres épargnent mes enfants, mais ma faute est impardonnable, on ne peut pas
faire ça à un être humain… Ma sagaie était plantée dans le cou de la femme, et tout à côté, tout à côté, près d’elle était
son bébé, sorti de son ventre ouvert, ouvert par ma machette, un bébé qui cherchait à respirer, à pleurer, sanglant,
baigné de l’eau et du sang de sa mère, d’autres fusils sont arrivés à ce moment-là, ce n’étaient pas les nôtres, une balle
a touché l’enfant par terre. J’ai fui. Je ne sais plus comment j’ai fait. Je ne m’en rappelle même pas. Je me suis retrouvé
chez moi. Je n’ai plus combattu. J’ai refusé de rejoindre la forêt. Mes compagnons ont tué mon neveu en représailles. Le
fils de ma sœur, fils du ventre de ma sœur. Ma sœur, fille du ventre de ma mère. Je n’ai plus rien raconté depuis. Je ne
raconte plus rien. Les mots sortent aussi de nos ventres. Et aujourd’hui, ma propre sagaie est plantée dans mon cou.»

en français :
         Il m’a semblé que le monde s’était écroulé. 1947 donc. Tant de choses qui ne sont pas dites, tant de confusion !

personnage 2 :
         La défaite est consommée lorsque la victime doit rendre compte de sa propre mort, lorsqu’elle doit justifier sa
résistance –barbare, inhumaine, face à son bourreau. Oui, que reprocher au bourreau quand la victime se défend jusqu’à
la barbarie ? On dira : « De part et d’autre, il y eut des exactions » … Les torts sont-ils réellement partagés ?

personnage 1 :
        Et cette honte dans laquelle la colonisation nous a versés …

La honte d’avoir du survivre comme des bêtes, la honte d’avoir assisté à la décomposition de nos sociétés, la honte ...

5
    Littéralement grand frère.

                                                                                                                           10
47
distribution et dates
                                                       tournée
Texte
Raharimanana                                           17 juillet 2009
d’après Madagascar 1947, essai et photographies du     Festival Contre-courant CCAS / Avignon / 22h
Fonds Charles Ravoajanahary.
                                                       saison 09/10
Vents d’ailleurs /Tsipika 2007.                        (en cours)

                                                       novembre 2009
mise en scène                                          Journées Théâtrales de Carthage, Tunis
Thierry Bedard
                                                       26 novembre 2009
                                                       Théâtre de l’Université Paul Valéry, Montpellier (au sein
avec                                                   d’un colloque sur le néocolonialisme)
Romain Lagarde
Sylvian Tilahimena                                     18 et 19 mars 2010
                                                       Centre Culturel de La Courneuve / La Courneuve
création sonore                                        en partenariat avec le Théâtre Gérard Philipe / Saint-
Jean Pascal Lamand                                     Denis
d’après des conversations enregistrées pendant les
reportages réalisés à Madagascar au printemps 2008.    20 mars 2010
                                                       Théâtre Aragon / Tremblay
                                                       en partenariat avec le Théâtre Gérard Philipe / Saint-
lumières                                               Denis
Jean Louis Aichhorn
                                                       24 au 29 mars 2010
Production                                             Théâtre Gérard Philipe / Saint-Denis

notoire/de l’étranger(s) - Paris.
                                                       Création – automne 2008
Centre culturel Albert Camus, Ambassade de
France – Tananarive Madagascar.
                                                       19 et 20 septembre 2008
                                                       Centre Culturel Albert Camus / Tananarive,
Culturesfrance
                                                       Madagascar

                                                       26 et 27 septembre 2008
notoire est conventionnée par la Drac Ile de France.   Festival Les Francophonies en Limousin, Limoges

                                                       14 octobre 2008
Thierry Bedard – notoire est artiste associé à         La Halle aux Grains, scène nationale, Blois
Bonlieu Scène nationale d'Annecy dans le cadre du
centre d'art et de création                            21 octobre 2008
                                                       Théâtre de Cavaillon, scène nationale, Cavaillon

                                                       5 et 6 novembre 2008
                                                       Bonlieu scène nationale, Annecy

                                                       Tournée
                                                       Océan Indien, Afrique Australe
                                                       Annulée
                                                       spectacle interdit à la diffusion dans les Centres
                                                       culturels français par le ministère des Affaires
                                                       étrangères (voir blog)
                                                       http://notoire47.canalblog.com/archives/raharimanana/
                                                       index.html

                                                                                                                11
Kabosy © Pierrot Men

          Excuses et dires liminaires de Za
                                                                            de Raharimanana

                                                              mise en voix de Thierry Bedard

                                                                                     Création
                                      10 décembre 2008 Bonlieu Scène nationale Annecy
                              dans le cadre du temps fort « Slam / Paroles / Urgences à dire »

                                                                                        Reprise
29 mai 2009 Festival Extra 09 / Bonlieu Scène nationale Annecy

                                                                                            12
Excuses et dires liminaires de Za
Note d’intention

      “ Quelque part au milieu de l’océan, une terre, une île, des rues, des décharges, des plaines
      immenses et oubliées où se déroulent des tragédies. Quelque part sur une terre où dominent
      les puissants. Entre le présent et le passé, la mémoire et l’actualité, un temps brouillé où rien
      ne distingue les faits passés des faits présents. Face à eux : Za, personnage démesuré à la
      recherche du corps de son fils emporté dans un ruisseau encombré de détritus, le « fleuve de
      cellophane ». Sa femme est folle, lui-même a connu la prison, la torture. Il invective, demande
      pardon, s’humilie, s’esclaffe, chante, récite des poèmes : Za, gorgé de barbarie, est réduit à la
      seule liberté qui lui reste, une liberté immense qu’il brandit dans son désespoir, celle du
      langage, celle du rire. ”

                                                    Quatrième de couverture. Za. Editions Philippe Rey

Za est le nom d’un personnage invraisemblable - za signifie moi en malgache - qui raconte à la première
personne son histoire. Une histoire dantesque, un enfer situé à Madagascar, mais rencontré dans toutes
les capitales du Sud, où la populace survit contre l’arbitraire du pouvoir et fait face à une misère
inacceptable. Za zozote - l’on comprendra que ses tortionnaires lui ont cassé toutes les dents -, mais il ne
fait pas que zozoter ! Les péripéties du héros - héros, du moins, pendant des émeutes réprimées dans le
sang - sont tragiques, car la vie et la mort se côtoient sans cesse, mais sont aussi d’une incroyable
drôlerie, en particulier lorsqu’elles sont liées aux perversités occidentales … Et les aventures de Za se
vivent dans un monde halluciné, où le personnage combat ses propres cauchemars, inoubliables.

Ecoutez les Excuses et dires liminaires de Za, mises en voix (!) avec fureur, avec le rythme du 6/8,
proche du Salegy, avec une des musiques de transe de Madagascar, la musique qui m’a assommée
chaque nuit passée à Tananarive … Et écoutez cette langue exceptionnelle, d’une certaine manière,
“inqualifiable”, un autre “voyage au bout de la nuit” - une nuit malgache rouge du sang de la latérite.

Enfin, écoutez Jean Luc Raharimanana citer un autre révolté, Kateb Yacine :

“La langue française reste un butin de guerre ! A quoi bon un butin de guerre, si l'on doit le jeter ou le
restituer à son propriétaire dès la fin des hostilités ?". Vol sublime à exhiber, fait de l’histoire, une langue
française re-sculptée, dépolie et débarrassée des impostures coloniales dont on l’a parée, greffée
d’esquilles et d’éclats, en mémoire du rire qu’elle a opposé à ceux qui voulaient se servir d’elle pour
asservir, rire du vol sublime, retour à la voix, retour au corps, éternels supports de la langue, la langue
dans toute sa pureté, celle où elle se délivre de l’oppresseur. *

                                                                                                Thierry Bedard

                                                                                                             13
Excuses et dires liminaires de Za
Extrait du texte

     “ Eskuza-moi. Za m’eskuze. A vous déranzément n’est pas mon vouloir, défouloir de zens malaizés, mélanzés
     dans la tête, mélanzés dans la mélasse démoniacale et folique. Eskuza-moi. Za m’eskuze. Si ma parole à
     vous de travers danse vertize nauzéabond, tango maloya, zouk collé serré, zetez-la s’al vous plaît, zatez-la
     ma pérole, évidez-la de ses tripes, cœur, bile et rancœur, zetez la ma parole mais ne zetez pas ma personne,
     triste parsonne des tristes trop piqués, triste parsonne des à fric à bingo, bongo, grotesque elfade qui s’egaie
     dans les congolaises, longue langue foursue sur les mangues mûres de la vie. Eskuza-moi. Za m’eskuze. Za
     plus bas que terre. Za lèce la terre sous vos pieds plantée. Za moins que rien. Za vous prend la parole ô pécé
     ô pécé, huitième pécé : orgueil de la gorze qui s’ignore vain tambour, mère des échos qui se fracassent sur la
     souperbe indifférence de nos maîtres qui savent, savent la suave poussance de la force, poussance contre
     nous acculés, pressés, broyés, savent la vassale laceté à nous rivée à zamais, savent ils savent. Za
     m’askuze. Za vous prend la parole : pécé ô pécé, huitième pécé, parole prise et raclée dans vos gorzes,
     parole prise et ciée sur votre langue, za vous prend les mots et Za ne sait qu’en faire : mots émerzeant et
     razant, mots z’en peuple de démocratie, mots z’en gros et détails, moultitude de mots en progrès équitable –
     équitable ô ma tequilla, bois en de mon boisson eh vinasseur fini ! Za vous prend les mots, pardon, pardon.
     Za a pas le droit, pas le droit à la parole. Gros pécé, tabou zusqu’au bout des bouts. (...) ”

                                                                                                                 14
Excuses et dires liminaires de Za
dates et distribution

Texte : Raharimanana
d’après Za (éditions Philippe Rey, 2008)
                                                 Tournée
                                                 (en cours)
Mise en voix : Thierry Bedard
                                                 29 mai 2009
                                                 Bonlieu Scène nationale Annecy
Avec Rodolphe Blanchet
                                                 Festival EXTRA, Bonlieu /scène nationale
Musique : Tao Ravao
                                                 d’Annecy
Production :
                                                 24 et 25 juillet 2009 / 00h
notoire/de l’étranger(s) - Paris
                                                 Festival d’Avignon / 25ème heure
Bonlieu Scène nationale Annecy

Création                                         Durée : 45’

10 décembre 2008
Bonlieu Scène nationale Annecy
dans le cadre du temps fort « Slam / Paroles /
Urgences

                                                                                            15
Raharimanana

Raharimanana, né en 1967 à Antananarivo, est de ces écrivains hantés par la mémoire. Pour avoir vécu
dans un pays traversé par la violence et la pauvreté, s’être exilé en France avant de retourner en 2002 dans
un enfer désormais total où son père est arrêté et torturé par le nouveau pouvoir, Raharimanana ne peut
qu’être marqué à vif par une géographie magique/maléfique, l’histoire et la mythologie malgaches, l’histoire
et la tradition familiales. D’où des pièces de théâtre, des contes musicaux et des récits, qui font écho à la
mémoire d’un peuple comme à sa littérature orale, d’où la direction d’ouvrages engagés, d’où une écriture
incantatoire et onirique nourrie d’apologues.

                                                                    Sources : libr-critique (Fabrice Thumerel)

Parutions :
Za, roman, Philippe Rey, 2008
Madagascar 1947, essai, Vents d’ailleurs, 2007, réédition 2008.
Le prophète et le président, théâtre, Ndzé éditions, 2008.
L'Arbre anthropophage, récit, Joëlle Losfeld, 2004.
Nour, 1947, roman, Le Serpent à plumes, 2001.
Rêves sous le linceul, nouvelles, Le Serpent à plumes, 1998.
Lucarne. Nouvelles, Le Serpent à plumes, 1996.

Direction d’ouvrage
Dernières nouvelles de la Françafrique, Vents d’ailleurs, 2003
Dernières nouvelles de la Colonisation, Vents d’ailleurs, 2006.

Collectif
L’Afrique répond à Sarkozy, essai, Philippe Rey, 2008
Enfances, nouvelles, Ndze édition, 2006, poche Pocket, 2008.

Théâtre / Créations:
Les cauchemars du gecko, mise en scène de Thierry Bedard (Création Festival d’Avignon 2009).
47, mise en scène de Thierry Bedard. Création Centre culturel Albert Camus, Tananarive
Madagascar, 2008.
Excuses et dires liminaires de Za, mise en scène de Thierry Bedard. Création Bonlieu, Scène
nationale, Annecy, 2008.
La femme, la dinde, les deux compères et la bouteille, farce, mise en scène de Robin Frédéric,
théâtre des bambous, Saint Benoît, La Réunion, 2004.
Le puits, en production avec la Maison du Geste et de l’Image, le TILF et le Théâtre de la Villette,
(Paris, Tours, Limoges, 1997). Publié chez Actes Sud Papier, 1997.
Le prophète et le président, mise en espace par le TILF (Avignon, 1995). Mise en onde sur R.F.I.
(1993). Mise en scène de Vincent Mambatchaka, Bangui, 1993. Mise en scène de l’auteur, Théâtre
des Déchargeurs, Paris, mai/juin 2005.

                                                                                                           16
Thierry Bedard / notoire

Thierry Bedard travaille depuis 1989, entre autres activités, à notoire, sur un « cahier des charges », qui
l’incite à œuvrer essentiellement sur des auteurs du vingtième siècle, et à présenter les travaux - spectacles
« grand public », recherche, spectacles d’intervention, spectacles jeune public - sous forme de cycles
thématiques :

Cycle "Pathologies verbales" (en hommage à Littré) sur l’ordre du discours, autour de textes de Leiris,
Foucault, Caillois, Kassner, Blecher, Bierce, Parain, Paulhan, Daumal. (de 89 à 92)

Cycle "Minima Moralia", sur la violence sociétaire, autour de textes de Broch, Ramuz, Gide, Le Clézio,
Cipolla. (de 93 à 95)

Cycle "Argument du menteur", sur la violence politique, autour de textes de Danilo Kîs. En autres : Les
lions mécaniques et Encyclopédie des morts. (de 96 à 99)

Cycle "La Bibliothèque Censurée", en soutien et en hommage au Parlement International des Écrivains -
qui au-delà d’une politique de solidarité active envers les écrivains persécutés dans le monde entier, grâce
au réseau des Villes Refuges, était un lieu de questionnement sur la place de la littérature et de la fiction
dans le monde. La Bibliothèque Censurée autour de textes de Brodsky, Tabucchi, Nadas, Manganelli,
Pomerantsev ; le Cours de narratologie à l’usage des juges et des censeurs (2002) de Christian Salmon et
En enfer (2003) d’après Reza Baraheni ; ainsi que de multiples formes d’intervention sur des textes de
Rushdie, Paz, Vargas Llosa … (de 00 à 03)

Cycle "Eloge de l’analphabétisme", en direction du public universitaire et scolaire. (de 01 à 07, en cours)

Cycle "Regards Premiers", muséal, deux commandes du Ministère de l’Éducation Nationale/ Cndp,
L’homme et l’animal fantastique, Les arts de l’Océanie (de 03 à 04).

Cycle autour de l'œuvre de Reza Baraheni, le Parlement International des Écrivains à été dissous au
printemps 2003, mais notoire a poursuivit sa collaboration avec Reza Baraheni, auteur iranien, et a présenté
au Festival d’Avignon 04, une deuxième version du spectacle En enfer et trois « leçons de poétique »,
QesKes 1 / 2 / 3, et a commandé et crée Exilith en janvier 06 ( Lilith, publié chez Fayard 07).

Cycle "de l’étranger(s)". En 2005, notoire s’est engagé dans un nouveau cycle de recherche lié aux
écritures du monde. Un cycle où est énoncé l’ordre (et le désordre !) du monde : sous forme d’histoires,
d’essais, de correspondances, de rencontres et d’expositions …
Epilogue des noyés de Alain Kamal Martial (2005).
Epilogue d'une trottoire de Alain Kamal Martial (2007) en tournée pour la saison 2008/2009.
Un Musée des Langues (2006) spectacle jeune public présenté dans deux énormes containers à bateaux
(en tournée jusqu’à la saison 2009/2010).
47 de Raharimanana (création 2008) en tournée pour la saison 2009/2010.

Excuses et dires liminaires de Za de Raharimanana (performance décembre 2008).

notoire travaille actuellement à la création pour juillet 2009 au Festival d’Avignon d’une commande d’un texte
passée à Jean-Luc Raharimanana, Les cauchemars du Gecko.

Thierry Bedard – notoire est artiste associé à Bonlieu Scène nationale d'Annecy dans le cadre du centre d'art
et de création.

                                                                                                           17
contacts

Thierry Bedard

metteur en scène

06 08 03 51 29

notoire@wanadoo.fr

Tünde Deak

assistante mise en scène

06.12.72.48.95

notoiretd@orange.fr

Marie Cassal

production

06 89 98 29 73

mariecassal@bonlieu-annecy.com
notoiremc@wanadoo.fr

                                 18
Vous pouvez aussi lire