Les cauchemars du Gecko 47 Excuses et dires liminaires de Za - de Raharimanana mise en scène Thierry Bedard
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Les cauchemars du Gecko 47 Excuses et dires liminaires de Za de Raharimanana mise en scène Thierry Bedard
© Philippe Gaubert Les cauchemars du gecko de Raharimanana mise en scène Thierry Bedard avant-première le 2 juillet 2009 / Bonlieu, scène nationale d'Annecy création le 20 juillet 2009 / Festival d’Avignon 2
Les cauchemars du Gecko Note d’intention Commande d’écriture notoire / de l’étranger(s) / un état du monde 1 “ Je vous dis un monde … Nous naissons dans le noir, vivons le temps d’une couleur, retournerons dans le noir, dans le silence qui nous a créés. Seul nous semble compter le temps où furent suspendus les ténèbres et l’incompréhension, le reste se dilue dans la douleur des vivants. Alors que nous ne rêvons que d’illusion, que de douceur et de légèreté. Les paroles rentrées et le silence qui s’esquisse sur les lèvres … Les mots sont complices de la mémoire, creusent gouffre, s’y précipitent et vous y entraînent. Et folie garder pour dérision salvatrice de ce réel bien trop sombre … ” Dans le cadre du cycle de l’étranger(s), j’ai passé une commande d’écriture à Jean Luc Raharimanana, auteur malgache. Un “état du monde”, vu d’un des dix pays les plus pauvres de la planète, vu de Madagascar. Un état du monde vu du continent noir, mais peut-être aussi de tout autre endroit confronté à l’occident … Nos premières discussions tournaient autour d’une fable, d’une certaine manière universelle, énoncée par une figure de “sage”, et commentée avec hargne par des “spécialistes” d’abord du discours, puis du sens, puis de la pensée dominante, malmenant par inconscience ou par bêtise, voir par choix politique une autre pensée du monde … Mais ce cadre de travail était certainement trop rhétorique, trop raisonnable … Nous avons donc décidé, d’un commun accord, d’en rester à des fragments, des dizaines de fragments, de quelques lignes à quelques pages, sans présager de qui parle : homme ou femme, animal, éléments de la matière, dieux et autres olombelona 1. Ni du comment “ça parle”. Sans présager de quelles figures se nourrissent les fictions, figures de notre modernité philosophique, figures de notre actualité politique, dictateurs, corrupteurs, inventeurs d’axe désaxé (ou simple dirigeant occidental actuel qui répand une morgue insupportable à propos de l’Afrique). Figures animales, comme les geckos. Et surtout figures déclassées, abandonnées. Figures en lutte. Figures proches de Za 2, héroïque personnage de folie dans un monde ravagé par la misère. Figures révoltées contre l’ordre du monde. Figures du désordre … Et du désordre théâtral. Je rêve maintenant (!) d’un long cauchemar de quelques heures, de toute une nuit, avec nombres d’acteurs dans une Planet of Slums 3… Un cauchemar chargé d’une ironie désespérée, mais pas désespérante , et en musique … Thierry Bedard 1 Olombelona est un terme malgache qui ne peut se traduire en référence à un imaginaire occidental. Il est l’être humain, l’autre, chacun de nous, nous tous, et une énergie vitale cachée en nous. 2 Za, héros du roman éponyme de Raharimanana (éditions Philippe Rey), objet d’un autre spectacle. 3 En référence au livre de Mike Davis Le pire des mondes possibles (éditions la Découverte)
Les cauchemars du Gecko Extraits du texte Danses Tant de méandres pour perdre le sens … J’ai pris de vous les ténèbres et les jours, j’ai pris de vous les pleurs et les rires, j’ai pris les chaines, j’ai pris les licols, j’ai pris les jougs, j’ai pris l’exil, de vous la barbarie, ma honte comme seul butin, ma douleur comme seul élixir, j’ai pris de vous un soleil trop brillant, et les rêves inaccessibles, la réalité où l’on me dépouille, la réalité où l’on me spolie, la réalité où l’on m’humilie, j’ai pris ce qui me restait de vous, les rires et encore les rires … Mes pensées sont lianes sensuelles contre barbelés bien réels Mon pays est en guerre Vous ne le saviez pas, non, vous ne pouviez pas le savoir, vous n’étiez que le bâillon sur ma bouche, le bandeau contre mes yeux, vous n’étiez que la balle dans ma tempe expulsée de l’arme, vous n’aviez rencontré que sang et ruine dans ma tête. Je n’étais plus et vous, vous ne serviez plus à rien Kratos avec le choeur De ma face boursoufflée des enflures des siècles mon rire enfoiré, je vous contemple de mon fumier où la mort nègre se déroule en masse… Sur mon tas Que soit maintenant la modernité ! Que soit maintenant la prospérité ! Que soit maintenant la liberté ! Vous pouvez maintenant vous développer, émerger, pousser, consommer Voyez Vous progressez, prospérez, resplendissez, dêmokratie, terre des dieux humains … Scandez maintenant : Dêmos Kratos Dêmos Kratos Dêmos Répétez après moi ! Kratos Dêmos Kratos Puissance du peuple sur la mort nègre Du fond de la cale, démos ! Du fond de la plantation, démos ! Du fond de la colonie, démos ! Du fond de l’indépendance, à racler dans les bas-fonds des républiques, républiques des nègres, indépendance mon cher, démos ! Et racle la puissance Et racle l’abondance Le chanvre de la modernité Le luxe et la profusion pour ressources des nations On m’a tout donné, l’abolition et l’indépendance On m’a tout donné, aides, faveurs, assistance et dons humanitaires, Je coopère Je collabore 4
Je me bilatérale Je me forme, je m’informe, je m’instruis, je rattrape mon retard, je me civilise Je m’infrastructure moderne, up to date Je me libéralise Je me lutte corruption Je me lutte ethnique Je … On m’a tout donné, je ne prends pas, non, ça ne me prend pas … Le camp des soumis. Dans le camp des soumis l’on mange bien dans le camp des soumis l’on se bâfre dans le camp des soumis l’on rote caviar dans le camp des soumis l’on croule sous les produits dans le camp des soumis l’on consomme dans le camp des soumis l’on joue l’on travaille l’on dort dans le camp des soumis la rose n’a que couleur dans le camp des soumis l’on roule bien dans le camp des soumis l’on arrose à foison jus foutre pétrole engrais ou champagne dans le camp des soumis il est interdit d’interdire mais fumer tue dans le camp aux soumis tu l’aimes ou tu le quittes le camp aux soumis où sans feu des fumées sans odeur les feux sans brûlure sans désagrément … L’on jouit l’on jouit l’on jouit L’on jouit l’on jouit l’on jouit L’on jouit l’on jouit l’on jouit … L’on jouit long ce temps sans fond l’on jouit long ce temps sans fin l’on jouit long ce temps sans mort et l’on se verse vertige pour gargarisme des mensonges et autres liqueurs d’avant déluge libéralistique et autres contrariétés économiques … Pro propro duductivité dow jo vivacité efficatrucité flex rente currence ploiter (...) L’œil du Gecko. J’ai crâne raturé ce soir. L’œil du gecko est sans paupières. La question de la mémoire n’est pas de retenir mais de souffrir de l’irréparable. L’irréparable fait mémoire. L’irréparable est dans l’œil du gecko. Sans paupières. Ce qui nous lie n’est pas la mémoire mais bien l’oubli noir que personne n’ose enjamber de peur de rencontrer l’innommable, est-ce histoire que d’oublier ce qui n’est pas à retenir, la honte et le scandale de soi, l’inhumanité. Rwanda 2. J’ai marché sur de la poussière. A Butaré Je ne sais pas ami comment je vais raconter tout cela. Je ne sais pas comment tous ces morts vont pouvoir cohabiter dans ma mémoire. J’ai peur qu’ils succombent une seconde fois dans mon être qu’ils ont investi. Et m’emportent. Et me damnent pour l’éternité. Je voudrais ami que tu me dises : raconte-moi, raconte-moi encore … Ce que j’ai vu mon ami dépasse tout entendement. Je n’y étais pourtant pas, au cœur des ténèbres. Je n’y étais pourtant pas, quand les machettes ont chanté. Je n’y étais pas quand les regards ont brûlé. J’ai juste marché sur de la poussière de mort, sur des ossements qui tombaient des étagères. Le premier jour, je t’ai entendu chanter avec les autres : « Ne leur dis pas, ne leur raconte pas ! ». Je n’ai pas posé la moindre question. J’ai attendu que tu me prennes par la main. Que tu m’emmènes là où le récit a commencé. Les collines. Les milles collines. Comment ai-je cru un seul instant que telle poussière resterait sans saupoudrer nos mémoires présentes et aveugler nos raisons ? Nègre toujours sera nègre. 5
Voyez mon visage, - trop noir encore, trop noir toujours, hirsute sur vide en mémoire farcie de cadavres. Nègre à me plaindre, je me repens. A trop pleurs pluie d’insulte, je me repens. Sur douleur, la honte est à foison, j’ai honte, je me repens. Siècle de non repentance et de non retour au passé, mon retour, je me le baise à mort et je souris. Comme les putes, je suis responsable de mon malheur, femmes violées, je ris, n’en tenez pas compte, c’est juste pour l’exhiber mon sourire banania et la dent que j’ai contre personne, les races n’existent pas, nous sommes tous les mêmes êtres humains, même droits, mêmes prérogatives, mêmes victimes, mêmes bourreaux … Je suis comme vous. Voyez mon visage - trop noir encore, trop noir toujours, hirsute sur vide en mémoire forcie de nos cadavrés. Ecrire 3. Je vous dis un monde … Nous naissons dans le noir, vivons le temps d’une couleur, retournerons dans le noir, dans le silence qui nous a créés. Seul nous semble compter le temps où furent suspendus les ténèbres et l’incompréhension, le reste se dilue dans la douleur des vivants. Alors que nous ne rêvons que d’illusion, que de douceur et de légèreté. Les mots sont complices de la mémoire, creusent gouffre, s’y précipitent et vous y entraînent. Et folie garder pour dérision salvatrice de ce réel bien trop sombre … 6
Les cauchemars du Gecko dates et distribution Texte Création - 2009 Raharimanana commande d’écriture notoire / de l’étranger(s) 27 avril au 12 mai 2009 – Résidence Centre national de Création et de Diffusion culturelles mise en scène de Châteauvallon Thierry Bedard 28 et 29 mai 2009 – Présentation d’Atelier création musicale Festival Extra / Bonlieu scène nationale d’Annecy Rija Randrianivosoa 2-3 juillet 2009 - avant première scénographie Bonlieu scène nationale d’Annecy Marc Lainé du 20 au 25 juillet 2009 / 18h (off le 23) Réalisation sonore Festival d’Avignon / Gymnase Aubanel Jean Pascal Lamand d’après les reportages effectués à Tananarive / Madagascar Tournée – 2009 / 2010 création lumières (en cours) Jean Louis Aichhorn Assistante à la mise en scène 15 au 17 décembre 2009 Tünde Deak Bonlieu scène nationale / Annecy avec février 2010 Rodolphe Blanchet, Mame Fama Ly, Mélanie Menu Théâtre Quartiers d’Ivry, Centre Dramatique National du Moustapha Mohamed Mouctari, Phil Darwin Nianga, Val de Marne et Véronique Sacri et Rija Randrianivosoa 23 et 24 mars 2010 Journal : Agence Thérèse Troika Théâtre de L’Union, Centre Dramatique National / Limoges Production déléguée : Bonlieu Scène nationale Annecy 30 mars 2010 Production : notoire / de l’étranger(s) – Paris Théâtre de la Passerelle, scène nationale / Gap Coproduction : Festival d’Avignon 7 au 9 avril 2010 Théâtre de l’Union, Centre Dramatique National du La Croix Rousse, scène nationale / Lyon Limousin – Limoges Scène nationale 61 – Alençon Centre national de Création et de Diffusion culturelles de Châteauvallon Options 2010 : dates à confirmer Avec le soutien de la Région Ile de France et du Fonds SACD - Scène nationale 61 – Alençon avec le soutien pour l’ensemble du cycle de l’étranger(s) du Centre Dramatique National Orléans / Loiret / Centre - Centre national de Création et de Diffusion culturelles de Châteauvallon avec la complicité du Centre Culturel Albert Camus, Tananarive, Madagascar Spectacle répété au Centre national de Création et de Diffusion culturelles de Châteauvallon et à Bonlieu scène nationale..Décor réalisé par les ateliers du Théâtre de Théâtre de l’Union, Centre Dramatique National du Limousin notoire est conventionnée par la Drac Ile de France. Thierry Bedard – notoire est artiste associé à Bonlieu Scène nationale d'Annecy dans le cadre du centre d'art et de création 7
Groupe de rebelles pendant une “soumission” aux autorités françaises à Ambodiriana en septembre 1947. Agence Nationale d’Information Taratra “Anta”. Madagascar. 47 de Raharimanana mise en scène Thierry Bedard à la mémoire des insurgés du 29 mars 1947, Madagascar Création Centre Culturel Albert Camus, Tananarive, Madagascar 19 et 20 septembre 2008
47 note d'intention “ Pour commencer, on dira que les faits ont réellement existé, que les sagaies ont volé, que les balles ont sifflé, que les cadavres ont jonché la terre. Rire. Des rires en masque de douleur. Des rires sur l’absurdité de ces lignes cherchant à comprendre pourquoi je devrais me justifier pour revendiquer ma mémoire. (…) De quoi parlons-nous en fait ? De 1947, mars 1947 et de tout ce qui s’ensuivit. Insurrection contre la colonisation française. L’oppression pendant près de deux ans. Je parlais comme d’une évidence : le chiffre même de 47 sonne douloureux sur la Grande Île, la fin d’un monde, la perte et la défaite, le silence lourd d’une période qui n’en finit pas de nous ronger, de nous hanter … ” Raharimanana dans un court texte incisif revient sur une période de l’Histoire, entre Madagascar et la France. C’est un document, publié∗, qui “nous interroge sur les rapports entre colonisés et colonisateur, entre pouvoir actuel et passé, sur le silence de part et d’autre, sur l’écriture de l’histoire par le Nord et la nécessité d’interroger cette histoire par le Sud.” Et ce très grand écrivain raconte une “histoire” poignante, chargée d’une incroyable émotion. C’est l’introduction dans ce texte de témoignages qui m’a donné, dès la première lecture, la nécessité de mettre en scène ce texte, et avec un partage des voix. Avec la langue française. Avec la langue malgache, avec le “son” malgache, celui que j’ai aimé dès un premier voyage dans la Grande Île rouge. A l'écoute des voix enregistrées de quelques témoins âgés de la répression, une répression sanglante de quelques dizaines de milliers de morts. De la même manière que la publication originale propose des photographies inédites de ce massacre colonial, tirées du Fonds Charles Ravoajanahary, la scénographie révèle des images de guerre oubliées, éditées sous forme de journaux distribués au public, commentés avec force, comme un acte mémoriel obligé. 47 à Tananarive L’Histoire racontée de cette manière par un artiste - le “je” est assumé -, a une dimension universelle. L’idée est bien de porter un spectacle au-delà des strictes frontières de nos deux pays d’origine, mais il est juste de créer cette leçon d’histoire à Madagascar, au Centre Culturel Albert Camus à Tananarive, ce qui nous importe l’un et l’autre, comme pour assumer ensemble notre pensée - je n’ose dire : notre révolte … Thierry Bedard. mars 08 ∗ Madagascar 1947, essai et photographies du Fonds Charles Ravoajanahary Vents d’ailleurs /Tsipika 2007 9
47 Extrait du texte personnage 2 : Quand la mémoire est faille, la douleur est précipice. Cette faille ineffaçable, les cravaches sur le corps quand le colon oblige à travailler, le fusil sur un proche quand celui-ci refuse d’obéir, la peur au ventre quand le casque colonial tangue au loin, quand la peau blanche se détache parmi celles noires tellement déshumanisées, quand se fait entendre la langue française et que fuse instantanément la seule réponse qui vaille : personnage 1 : « Oui Monsieur » Si l’on nous dit que nous avons mémorisé cette insurrection sur le mode du fantasme et de l’horreur, nous répondons : « Oui, Monsieur ! » personnage 2 : Que garder alors des témoignages des rebelles et des survivants ? Sont-ils dignes de foi ? Des témoignages portés par l’émotion. Des témoignages portés par l’indignation. Des témoignages où souvent il est impossible de distinguer la réalité de la légende. Dans ce cas, ne sont-ils classés purement et simplement dans les rumeurs, les fantasmes ou même l’ignorance ? Ignorance des rebelles qui sont pour la plupart des simples paysans, des analphabètes ? Est-on prêt à entendre leurs paroles ? Et de plus, on sait que les voix des victimes ne sont pas audibles, non pas parce qu’ils ne veulent pas parler mais parce qu’on ne veut pas les écouter, ce qu’ils racontent dépasse tellement l’entendement qu’on ne peut pas, on ne veut pas y croire. personnage 1 : Je me remémore cet homme, racontant ce que lui aurait vécu dans les environs de Manakara, sud-est de l’île, foyer de sanglants affrontements avec les Français : en malgache traduit en français « Tu ne me croiras jamais Zokibe5, mais je hurlais en attaquant cette concession. Leur maison brûlait mais leurs fusils tonnaient toujours – il y en avait trois, nous attendions que le feu les pousse dehors. Et ce qui devait arriver arriva, ils ne purent plus tenir. Ils sortirent en tirant dans toutes les directions. Et nous, nous nous sommes rués vers eux. Je me suis retrouvé face à une femme, j’ai vu un gros ventre, je n’ai pas réfléchi davantage, j’ai abattu ma machette et ai planté ma sagaie, j’ai continué à courir avec ma machette pour chercher un autre adversaire. Mais je n’ai trouvé personne d’autre, j’étais trop proche du feu, je suis revenu sur mes pas, et là Zokibe, je n’oublierai jamais, je n’oublierai jamais – que Zanahary me pardonne, que les ancêtres épargnent mes enfants, mais ma faute est impardonnable, on ne peut pas faire ça à un être humain… Ma sagaie était plantée dans le cou de la femme, et tout à côté, tout à côté, près d’elle était son bébé, sorti de son ventre ouvert, ouvert par ma machette, un bébé qui cherchait à respirer, à pleurer, sanglant, baigné de l’eau et du sang de sa mère, d’autres fusils sont arrivés à ce moment-là, ce n’étaient pas les nôtres, une balle a touché l’enfant par terre. J’ai fui. Je ne sais plus comment j’ai fait. Je ne m’en rappelle même pas. Je me suis retrouvé chez moi. Je n’ai plus combattu. J’ai refusé de rejoindre la forêt. Mes compagnons ont tué mon neveu en représailles. Le fils de ma sœur, fils du ventre de ma sœur. Ma sœur, fille du ventre de ma mère. Je n’ai plus rien raconté depuis. Je ne raconte plus rien. Les mots sortent aussi de nos ventres. Et aujourd’hui, ma propre sagaie est plantée dans mon cou.» en français : Il m’a semblé que le monde s’était écroulé. 1947 donc. Tant de choses qui ne sont pas dites, tant de confusion ! personnage 2 : La défaite est consommée lorsque la victime doit rendre compte de sa propre mort, lorsqu’elle doit justifier sa résistance –barbare, inhumaine, face à son bourreau. Oui, que reprocher au bourreau quand la victime se défend jusqu’à la barbarie ? On dira : « De part et d’autre, il y eut des exactions » … Les torts sont-ils réellement partagés ? personnage 1 : Et cette honte dans laquelle la colonisation nous a versés … La honte d’avoir du survivre comme des bêtes, la honte d’avoir assisté à la décomposition de nos sociétés, la honte ... 5 Littéralement grand frère. 10
47 distribution et dates tournée Texte Raharimanana 17 juillet 2009 d’après Madagascar 1947, essai et photographies du Festival Contre-courant CCAS / Avignon / 22h Fonds Charles Ravoajanahary. saison 09/10 Vents d’ailleurs /Tsipika 2007. (en cours) novembre 2009 mise en scène Journées Théâtrales de Carthage, Tunis Thierry Bedard 26 novembre 2009 Théâtre de l’Université Paul Valéry, Montpellier (au sein avec d’un colloque sur le néocolonialisme) Romain Lagarde Sylvian Tilahimena 18 et 19 mars 2010 Centre Culturel de La Courneuve / La Courneuve création sonore en partenariat avec le Théâtre Gérard Philipe / Saint- Jean Pascal Lamand Denis d’après des conversations enregistrées pendant les reportages réalisés à Madagascar au printemps 2008. 20 mars 2010 Théâtre Aragon / Tremblay en partenariat avec le Théâtre Gérard Philipe / Saint- lumières Denis Jean Louis Aichhorn 24 au 29 mars 2010 Production Théâtre Gérard Philipe / Saint-Denis notoire/de l’étranger(s) - Paris. Création – automne 2008 Centre culturel Albert Camus, Ambassade de France – Tananarive Madagascar. 19 et 20 septembre 2008 Centre Culturel Albert Camus / Tananarive, Culturesfrance Madagascar 26 et 27 septembre 2008 notoire est conventionnée par la Drac Ile de France. Festival Les Francophonies en Limousin, Limoges 14 octobre 2008 Thierry Bedard – notoire est artiste associé à La Halle aux Grains, scène nationale, Blois Bonlieu Scène nationale d'Annecy dans le cadre du centre d'art et de création 21 octobre 2008 Théâtre de Cavaillon, scène nationale, Cavaillon 5 et 6 novembre 2008 Bonlieu scène nationale, Annecy Tournée Océan Indien, Afrique Australe Annulée spectacle interdit à la diffusion dans les Centres culturels français par le ministère des Affaires étrangères (voir blog) http://notoire47.canalblog.com/archives/raharimanana/ index.html 11
Kabosy © Pierrot Men Excuses et dires liminaires de Za de Raharimanana mise en voix de Thierry Bedard Création 10 décembre 2008 Bonlieu Scène nationale Annecy dans le cadre du temps fort « Slam / Paroles / Urgences à dire » Reprise 29 mai 2009 Festival Extra 09 / Bonlieu Scène nationale Annecy 12
Excuses et dires liminaires de Za Note d’intention “ Quelque part au milieu de l’océan, une terre, une île, des rues, des décharges, des plaines immenses et oubliées où se déroulent des tragédies. Quelque part sur une terre où dominent les puissants. Entre le présent et le passé, la mémoire et l’actualité, un temps brouillé où rien ne distingue les faits passés des faits présents. Face à eux : Za, personnage démesuré à la recherche du corps de son fils emporté dans un ruisseau encombré de détritus, le « fleuve de cellophane ». Sa femme est folle, lui-même a connu la prison, la torture. Il invective, demande pardon, s’humilie, s’esclaffe, chante, récite des poèmes : Za, gorgé de barbarie, est réduit à la seule liberté qui lui reste, une liberté immense qu’il brandit dans son désespoir, celle du langage, celle du rire. ” Quatrième de couverture. Za. Editions Philippe Rey Za est le nom d’un personnage invraisemblable - za signifie moi en malgache - qui raconte à la première personne son histoire. Une histoire dantesque, un enfer situé à Madagascar, mais rencontré dans toutes les capitales du Sud, où la populace survit contre l’arbitraire du pouvoir et fait face à une misère inacceptable. Za zozote - l’on comprendra que ses tortionnaires lui ont cassé toutes les dents -, mais il ne fait pas que zozoter ! Les péripéties du héros - héros, du moins, pendant des émeutes réprimées dans le sang - sont tragiques, car la vie et la mort se côtoient sans cesse, mais sont aussi d’une incroyable drôlerie, en particulier lorsqu’elles sont liées aux perversités occidentales … Et les aventures de Za se vivent dans un monde halluciné, où le personnage combat ses propres cauchemars, inoubliables. Ecoutez les Excuses et dires liminaires de Za, mises en voix (!) avec fureur, avec le rythme du 6/8, proche du Salegy, avec une des musiques de transe de Madagascar, la musique qui m’a assommée chaque nuit passée à Tananarive … Et écoutez cette langue exceptionnelle, d’une certaine manière, “inqualifiable”, un autre “voyage au bout de la nuit” - une nuit malgache rouge du sang de la latérite. Enfin, écoutez Jean Luc Raharimanana citer un autre révolté, Kateb Yacine : “La langue française reste un butin de guerre ! A quoi bon un butin de guerre, si l'on doit le jeter ou le restituer à son propriétaire dès la fin des hostilités ?". Vol sublime à exhiber, fait de l’histoire, une langue française re-sculptée, dépolie et débarrassée des impostures coloniales dont on l’a parée, greffée d’esquilles et d’éclats, en mémoire du rire qu’elle a opposé à ceux qui voulaient se servir d’elle pour asservir, rire du vol sublime, retour à la voix, retour au corps, éternels supports de la langue, la langue dans toute sa pureté, celle où elle se délivre de l’oppresseur. * Thierry Bedard 13
Excuses et dires liminaires de Za Extrait du texte “ Eskuza-moi. Za m’eskuze. A vous déranzément n’est pas mon vouloir, défouloir de zens malaizés, mélanzés dans la tête, mélanzés dans la mélasse démoniacale et folique. Eskuza-moi. Za m’eskuze. Si ma parole à vous de travers danse vertize nauzéabond, tango maloya, zouk collé serré, zetez-la s’al vous plaît, zatez-la ma pérole, évidez-la de ses tripes, cœur, bile et rancœur, zetez la ma parole mais ne zetez pas ma personne, triste parsonne des tristes trop piqués, triste parsonne des à fric à bingo, bongo, grotesque elfade qui s’egaie dans les congolaises, longue langue foursue sur les mangues mûres de la vie. Eskuza-moi. Za m’eskuze. Za plus bas que terre. Za lèce la terre sous vos pieds plantée. Za moins que rien. Za vous prend la parole ô pécé ô pécé, huitième pécé : orgueil de la gorze qui s’ignore vain tambour, mère des échos qui se fracassent sur la souperbe indifférence de nos maîtres qui savent, savent la suave poussance de la force, poussance contre nous acculés, pressés, broyés, savent la vassale laceté à nous rivée à zamais, savent ils savent. Za m’askuze. Za vous prend la parole : pécé ô pécé, huitième pécé, parole prise et raclée dans vos gorzes, parole prise et ciée sur votre langue, za vous prend les mots et Za ne sait qu’en faire : mots émerzeant et razant, mots z’en peuple de démocratie, mots z’en gros et détails, moultitude de mots en progrès équitable – équitable ô ma tequilla, bois en de mon boisson eh vinasseur fini ! Za vous prend les mots, pardon, pardon. Za a pas le droit, pas le droit à la parole. Gros pécé, tabou zusqu’au bout des bouts. (...) ” 14
Excuses et dires liminaires de Za dates et distribution Texte : Raharimanana d’après Za (éditions Philippe Rey, 2008) Tournée (en cours) Mise en voix : Thierry Bedard 29 mai 2009 Bonlieu Scène nationale Annecy Avec Rodolphe Blanchet Festival EXTRA, Bonlieu /scène nationale Musique : Tao Ravao d’Annecy Production : 24 et 25 juillet 2009 / 00h notoire/de l’étranger(s) - Paris Festival d’Avignon / 25ème heure Bonlieu Scène nationale Annecy Création Durée : 45’ 10 décembre 2008 Bonlieu Scène nationale Annecy dans le cadre du temps fort « Slam / Paroles / Urgences 15
Raharimanana Raharimanana, né en 1967 à Antananarivo, est de ces écrivains hantés par la mémoire. Pour avoir vécu dans un pays traversé par la violence et la pauvreté, s’être exilé en France avant de retourner en 2002 dans un enfer désormais total où son père est arrêté et torturé par le nouveau pouvoir, Raharimanana ne peut qu’être marqué à vif par une géographie magique/maléfique, l’histoire et la mythologie malgaches, l’histoire et la tradition familiales. D’où des pièces de théâtre, des contes musicaux et des récits, qui font écho à la mémoire d’un peuple comme à sa littérature orale, d’où la direction d’ouvrages engagés, d’où une écriture incantatoire et onirique nourrie d’apologues. Sources : libr-critique (Fabrice Thumerel) Parutions : Za, roman, Philippe Rey, 2008 Madagascar 1947, essai, Vents d’ailleurs, 2007, réédition 2008. Le prophète et le président, théâtre, Ndzé éditions, 2008. L'Arbre anthropophage, récit, Joëlle Losfeld, 2004. Nour, 1947, roman, Le Serpent à plumes, 2001. Rêves sous le linceul, nouvelles, Le Serpent à plumes, 1998. Lucarne. Nouvelles, Le Serpent à plumes, 1996. Direction d’ouvrage Dernières nouvelles de la Françafrique, Vents d’ailleurs, 2003 Dernières nouvelles de la Colonisation, Vents d’ailleurs, 2006. Collectif L’Afrique répond à Sarkozy, essai, Philippe Rey, 2008 Enfances, nouvelles, Ndze édition, 2006, poche Pocket, 2008. Théâtre / Créations: Les cauchemars du gecko, mise en scène de Thierry Bedard (Création Festival d’Avignon 2009). 47, mise en scène de Thierry Bedard. Création Centre culturel Albert Camus, Tananarive Madagascar, 2008. Excuses et dires liminaires de Za, mise en scène de Thierry Bedard. Création Bonlieu, Scène nationale, Annecy, 2008. La femme, la dinde, les deux compères et la bouteille, farce, mise en scène de Robin Frédéric, théâtre des bambous, Saint Benoît, La Réunion, 2004. Le puits, en production avec la Maison du Geste et de l’Image, le TILF et le Théâtre de la Villette, (Paris, Tours, Limoges, 1997). Publié chez Actes Sud Papier, 1997. Le prophète et le président, mise en espace par le TILF (Avignon, 1995). Mise en onde sur R.F.I. (1993). Mise en scène de Vincent Mambatchaka, Bangui, 1993. Mise en scène de l’auteur, Théâtre des Déchargeurs, Paris, mai/juin 2005. 16
Thierry Bedard / notoire Thierry Bedard travaille depuis 1989, entre autres activités, à notoire, sur un « cahier des charges », qui l’incite à œuvrer essentiellement sur des auteurs du vingtième siècle, et à présenter les travaux - spectacles « grand public », recherche, spectacles d’intervention, spectacles jeune public - sous forme de cycles thématiques : Cycle "Pathologies verbales" (en hommage à Littré) sur l’ordre du discours, autour de textes de Leiris, Foucault, Caillois, Kassner, Blecher, Bierce, Parain, Paulhan, Daumal. (de 89 à 92) Cycle "Minima Moralia", sur la violence sociétaire, autour de textes de Broch, Ramuz, Gide, Le Clézio, Cipolla. (de 93 à 95) Cycle "Argument du menteur", sur la violence politique, autour de textes de Danilo Kîs. En autres : Les lions mécaniques et Encyclopédie des morts. (de 96 à 99) Cycle "La Bibliothèque Censurée", en soutien et en hommage au Parlement International des Écrivains - qui au-delà d’une politique de solidarité active envers les écrivains persécutés dans le monde entier, grâce au réseau des Villes Refuges, était un lieu de questionnement sur la place de la littérature et de la fiction dans le monde. La Bibliothèque Censurée autour de textes de Brodsky, Tabucchi, Nadas, Manganelli, Pomerantsev ; le Cours de narratologie à l’usage des juges et des censeurs (2002) de Christian Salmon et En enfer (2003) d’après Reza Baraheni ; ainsi que de multiples formes d’intervention sur des textes de Rushdie, Paz, Vargas Llosa … (de 00 à 03) Cycle "Eloge de l’analphabétisme", en direction du public universitaire et scolaire. (de 01 à 07, en cours) Cycle "Regards Premiers", muséal, deux commandes du Ministère de l’Éducation Nationale/ Cndp, L’homme et l’animal fantastique, Les arts de l’Océanie (de 03 à 04). Cycle autour de l'œuvre de Reza Baraheni, le Parlement International des Écrivains à été dissous au printemps 2003, mais notoire a poursuivit sa collaboration avec Reza Baraheni, auteur iranien, et a présenté au Festival d’Avignon 04, une deuxième version du spectacle En enfer et trois « leçons de poétique », QesKes 1 / 2 / 3, et a commandé et crée Exilith en janvier 06 ( Lilith, publié chez Fayard 07). Cycle "de l’étranger(s)". En 2005, notoire s’est engagé dans un nouveau cycle de recherche lié aux écritures du monde. Un cycle où est énoncé l’ordre (et le désordre !) du monde : sous forme d’histoires, d’essais, de correspondances, de rencontres et d’expositions … Epilogue des noyés de Alain Kamal Martial (2005). Epilogue d'une trottoire de Alain Kamal Martial (2007) en tournée pour la saison 2008/2009. Un Musée des Langues (2006) spectacle jeune public présenté dans deux énormes containers à bateaux (en tournée jusqu’à la saison 2009/2010). 47 de Raharimanana (création 2008) en tournée pour la saison 2009/2010. Excuses et dires liminaires de Za de Raharimanana (performance décembre 2008). notoire travaille actuellement à la création pour juillet 2009 au Festival d’Avignon d’une commande d’un texte passée à Jean-Luc Raharimanana, Les cauchemars du Gecko. Thierry Bedard – notoire est artiste associé à Bonlieu Scène nationale d'Annecy dans le cadre du centre d'art et de création. 17
contacts Thierry Bedard metteur en scène 06 08 03 51 29 notoire@wanadoo.fr Tünde Deak assistante mise en scène 06.12.72.48.95 notoiretd@orange.fr Marie Cassal production 06 89 98 29 73 mariecassal@bonlieu-annecy.com notoiremc@wanadoo.fr 18
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