Les cycles électoraux au Canada: une question d'ordre? - Mémoire Véronique Boucher-Lafleur Maîtrise en science politique - avec mémoire

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Les cycles électoraux au Canada: une question d'ordre?

                             Mémoire

                    Véronique Boucher-Lafleur

            Maîtrise en science politique - avec mémoire
                         Maître ès arts (M.A.)

                          Québec, Canada

                 © Véronique Boucher-Lafleur, 2021
Les cycles électoraux au Canada : une question
                   d’ordre?

                        Mémoire

              Véronique Boucher-Lafleur

                   Sous la direction de :

         Marc-André Bodet, directeur de recherche
Résumé

Ce mémoire a pour objectif d’étudier les cycles électoraux au Canada. Le cadre théorique
mobilisé pour cette recherche s’appuie sur deux théories de ce champ d’étude soit la théorie
des élections de premier et de deuxième ordre ainsi que la théorie du contrepoids électoral
(« electoral balancing »). Dans un système politique à multi-niveaux, ces deux théories
postulent que les résultats électoraux des différents paliers électoraux sont en fait reliés entre
eux. D’après ces théories, les élections nationales auraient plus d’importance pour les
électeurs, ce pourquoi les résultats d’une élection régionale seraient en fait déterminés par
des facteurs provenant à l’arène politique nationale. Au Canada, cela implique que les
résultats d’une élection provinciale seraient alors influencés par l’élection fédérale
précédente. Pour étudier ce phénomène, l’ensemble des résultats électoraux des élections
générales fédérales et provinciales de 1988 jusqu’à aujourd’hui ont été compilé dans une base
de données. Des régressions linéaires et polynomiales ont ensuite été réalisées en prenant les
résultats fédéraux comme variable explicative et les résultats provinciaux comme variable
expliquée dans un premier temps, puis en étudiant la relation inverse. Les résultats électoraux
ont été divisés par province puis en cinq familles de partis politiques : libérale, conservatrice,
travailliste, écologiste et régionaliste. Les résultats de cette recherche varient selon la
province considérée : les élections fédérales ont parfois plus d’influence sur l’élection
provinciale suivante dans certains cas alors que dans d’autres il s’agit de la relation inverse
qui prévaut. Ce mémoire conclut également qu’il y a une dynamique de balancement entre
le vote fédéral et provincial dans certaines provinces, mais il n’y a aucune tendance générale
qui se dégage à l’échelle du Canada. Cette recherche apporte une contribution significative à
la littérature sur les cycles électoraux au Canada.

                                                ii
Abstract

This research project is studying electoral cycles in Canada. Two main theories from this
field of research are mobilized in this paper. The first one is the theory of first and second
order election and the second is the theory of electoral balancing. In a multi-level electoral
system, these two theories suggest that electoral results from different electoral levels are
related to each other. These theories assumed that national elections are more important to
voters. Therefore, regional electoral results are explained by factors coming from the national
electoral level. In Canada, this theory implies that provincial electoral results are influenced
by the previous federal election. To study this phenomenon, all provincial and federal
electoral results from 1988 until today were coded into a dataset. A first set of linear and
polynomial regressions was performed using federal electoral results as the independent
variable and provincial electoral results as the dependent variable. Then, another set of
regressions was performed but to study the opposite relation. Electoral results were split by
province and into five families of political parties: liberal, conservative, labor, ecologist, and
regionalist. Results vary between provinces: federal elections have more influence on
provincial results in some provinces while the opposite relation is more important in others.
This paper also concludes that there is a dynamic of electoral balancing between federal and
provincial results in certain provinces, but that no general tendency can be seen across
Canada. This research project is a significant contribution to the literature on electoral cycles
in Canada.

                                                iii
Table des matières
Résumé ................................................................................................................................... ii
Abstract .................................................................................................................................. iii
Table des matières ................................................................................................................. iv
Liste des tableaux ................................................................................................................... v
Liste des graphiques .............................................................................................................. vi
Liste des figures .................................................................................................................... vii
Remerciements .................................................................................................................... viii
Introduction ............................................................................................................................ 1
Chapitre 1 Revue de littérature ............................................................................................... 3
   1.1 Les cycles électoraux .................................................................................................... 4
   1.2 La théorie du contrepoids électoral ............................................................................. 10
   1.3 Élection de premier et de deuxième ordre .................................................................. 15
Chapitre 2 Devis de recherche .............................................................................................. 21
   2.1 Hypothèses et questions de recherche ........................................................................ 21
   2.2 Méthodologie .............................................................................................................. 22
   2.3 Données ...................................................................................................................... 25
Chapitre 3 Résultats .............................................................................................................. 32
Chapitre 4 Discussion ........................................................................................................... 47
Conclusion ............................................................................................................................ 54
Bibliographie ........................................................................................................................ 56
Annexe A : Classification des partis politiques fédéraux et provinciaux au Canada ........... 61

                                                                      iv
Liste des tableaux
Tableau 1 Résultats des régressions linéaires et polynomiales dans chaque province
canadienne entre une élection fédérale (e) et l’élection provinciale suivante (e+1) ........... 33
Tableau 2 Résultats des régressions linéaires et polynomiales dans chaque province
canadienne entre une élection fédérale (e) et l’élection provinciale suivante (e+1) lorsque le
pourcentage de vote recueilli par une famille de partis fédéraux est supérieur à 10% ........ 34
Tableau 3 Résultats des régressions linéaires et polynomiales dans chaque province
canadienne entre une élection provinciale (e) et l’élection fédérale suivante (e+1) ........... 35
Tableau 4 Résultats des régressions linéaires et polynomiales dans chaque province
canadienne entre une élection provinciale (e) et l’élection fédérale suivante (e+1) lorsque le
pourcentage de vote recueilli par une famille de partis provinciaux est supérieur à 10% .. 36
Tableau 5 Synthèse des résultats des tableaux 1 à 4............................................................ 38
Tableau 6 Statistiques descriptives des appuis (% du vote) des familles de partis dans chaque
province canadienne ............................................................................................................ 40
Tableau 7 Distribution de fréquences de la somme des scores standardisés des résultats
électoraux fédéraux (e) et provinciaux (e+1) ...................................................................... 43
Tableau 8 Distribution de fréquences de la somme des scores standardisés des résultats
électoraux provinciaux (e) et fédéraux (e+1) ...................................................................... 44

                                                                v
Liste des graphiques
Graphique 1 Distribution des scores standardisés des résultats électoraux par province entre
une élection fédérale (e) et l’élection provinciale suivante (e+1) ....................................... 45

Graphique 2 Distribution des scores standardisés des résultats électoraux par province entre
une élection provinciale (e) et l’élection fédérale suivante (e+1) ....................................... 46

                                                     vi
Liste des figures
Figure 1 Le cycle électoral .................................................................................................... 5

Figure 2 Équation mathématique pour calculer la somme des scores standardisés entre une
élection fédérale (e) et l’élection provinciale suivante (e + 1) ............................................ 24

Figure 3 Équation mathématique pour calculer la somme des scores standardisés entre une
élection provinciale (e) et l’élection fédérale suivante (e + 1) ............................................ 24

Figure 4 Équation mathématique pour calculer la somme des scores standardisés entre une
élection fédérale (e) et l’élection provinciale suivante (e + 1) ............................................ 43

Figure 5 Équation mathématique pour calculer la somme des scores standardisés entre une
élection provinciale (e) et l’élection fédérale suivante (e + 1) ............................................ 43

                                                               vii
Remerciements

La réalisation de ce mémoire a été possible entre autres grâce à plusieurs personnes qui m’ont
appuyé dans mon cheminement.

Tout d’abord, j’aimerais remercier les professeurs du Département de science politique qui
m’ont accompagné ces dernières années. Plus particulièrement, je remercie mon directeur de
mémoire, Marc André Bodet, pour ses conseils, son encadrement et sa disponibilité qui ont
contribué à ma réussite. Ses suggestions m’ont grandement aidé à améliorer mon projet de
recherche et à persévérer à travers la rédaction de mon mémoire. J’aimerais également
remercier Marie Brossier pour m’avoir donné ma première expérience de recherche
scientifique.

Je remercie mon amie Frédérique qui a été une source de réconfort inestimable durant mes
hauts et mes bas. Merci d’avoir été présente lorsque j’avais besoin de parler ou simplement
de prendre une bière au Fou.

J’aimerais remercier mes parents, Richard et Diane, qui m’ont toujours encouragé dans mes
études et dans mes nombreux projets, et ma sœur Anne-Marie, qui est mon modèle depuis
que je suis petite.

Finalement, j’aimerais remercier Alphonse pour son soutien affectif inconditionnel et mon
partenaire, Gaétan, qui trouve toujours les bons mots pour m’encourager. Merci de croire en
moi et de me faire à manger.

                                             viii
Introduction
       Le Canada est une fédération comprenant dix provinces et trois territoires. On y
retrouve un ensemble d’élections tel que les élections fédérales, provinciales, territoriales et
municipales. Chaque palier de gouvernement est responsable de son propre système électoral
entre autres pour déterminer le moment de la tenue des élections, le mode de scrutin et
l’administration des campagnes électorales. Chaque province a alors son propre cycle
électoral qui est plus ou moins rapproché du cycle électoral fédéral. Lors des élections
fédérales, les électeurs sont sollicités pour voter à différents moments dans le cycle électoral
provincial (Fabre, 2010) et vice-versa. Toutefois, les élections ne sont pas concurrentes,
c’est-à-dire que les élections fédérales et provinciales se tiennent toujours à des moments
distincts. De plus, les élections provinciales se tiennent également à des moments séparés les
unes des autres (Fabre, 2010). En raison de l’absence de simultanéité dans la tenue des
élections, les élections provinciales et fédérales semblent a priori être déconnectées les unes
des autres. Ce sentiment est renforcé d’une part par les systèmes de partis politiques distincts
de chaque province et d’autre part, par la décentralisation observée au sein de la fédération
canadienne. Du côté des partis politiques, ces derniers ne sont pas les mêmes à travers les
paliers électoraux et à travers les provinces canadiennes. En effet, les partis politiques
partagent parfois le même nom mais sans avoir de liens institutionnels et organisationnels
entre eux. C’est pourquoi le Canada contient en fait 11 systèmes de partis : le système de
partis fédéral et les systèmes de partis de chaque province.

       La question des cycles électoraux dans des systèmes politiques à multi-niveaux, tel
que le Canada, soulève de nombreux questionnements quant aux relations existantes entre
les élections des différents paliers électoraux. Plusieurs auteurs ont ainsi développé divers
cadres théoriques pour expliquer entre autres l’effet de la simultanéité des élections sur les
résultats électoraux, la congruence du vote à travers les arènes électorales et la similarité des
systèmes de partis politiques. Parmi ces théories, on retrouve la théorie des élections de
premier et de deuxième ordre et la théorie du contrepoids électoral. Ces deux théories
expliquent les résultats électoraux de certaines élections avec des facteurs provenant d’un
autre palier électoral. La théorie des élections de premier et de deuxième ordre postule qu’il
existe une hiérarchie entre les différentes élections quant à l’importance accordée à celles-ci

                                               1
par les électeurs (Reif et Schmitt, 1980). Les élections le plus importantes et déterminantes
pour les électeurs sont des élections de premier ordre tandis que les autres types élections
sont des élections de deuxième ordre (Reif et Schmitt, 1980). Quant à la théorie du
contrepoids électoral ou plutôt du « electoral balancing », celle-ci prédit que les électeurs
choisissent de diviser leur vote entre des partis politiques différents à travers les arènes
électorales afin de modérer les politiques (Underhill, 1955; Erikson et Filipov, 2001).
Quoique la théorie du contrepoids électoral a d’abord été développée au Canada, la plupart
de la littérature sur ce sujet concerne des pays tels que les États-Unis ou l’Allemagne. De
plus, peu d’auteurs se sont risqués à appliquer la théorie des élections de premier et de
deuxième ordre au cadre canadien étant donné l’incongruence entre les systèmes de partis
politiques. De ce fait, ce mémoire tentera de clarifier la question des cycles électoraux en lien
avec ces deux théories. Plus précisément, ce mémoire tentera de répondre à la question
suivante : les élections au Canada suivent-elles davantage le modèle des élections de premier
et de deuxième ordre ou celui du contrepoids électoral ?

       Ce mémoire a pour objectif principal d’étudier la question des cycles électoraux au
Canada. Pour ce faire, les théories des élections de premier et de deuxième ordre (Cutler,
2008) et la théorie du « balancing » (Erikson et Filipov, 2001) seront mobilisées. Cette
recherche a pour but de déterminer s’il est possible de considérer que les élections fédérales
sont des élections de premier ordre et les élections provinciales des élections de deuxième
ordre ou à l’inverse, si ce sont plutôt les élections provinciales qui exhibent des
caractéristiques d’élections de premier ordre. Mis à part cet objectif de validation théorique,
cette recherche étudiera également les interactions entre les élections provinciales et fédérales
à savoir si une élection fédérale peut influencer le résultat d’une élection provinciale et à
l’inverse, si une élection provinciale peut avoir un impact sur une élection fédérale. Il s’agit
ici d’étudier la relation entre les différents niveaux électoraux afin de déterminer si les
résultats électoraux sont corrélés entre eux. De plus, ce mémoire permettra d’étudier
l’alignement partisan des électeurs entre les élections fédérales et provinciales. Ce mémoire
permettra ainsi d’apporter une contribution à la littérature sur les cycles électoraux, les
élections de premier et de deuxième ordre et la théorie du contrepoids électoral au Canada.

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Chapitre 1 Revue de littérature
La littérature disponible sur la question des cycles électoraux est très abondante. De
nombreux auteurs se sont penchés sur cette question et ont élaboré divers cadres théoriques
en lien avec cette question. Toutefois, il est possible d’identifier trois champs de recherche
majeurs liés à l’étude des cycles électoraux. Tout d’abord, un premier courant de recherche
de ce champ d’étude concerne les « political business cycle », une théorie du choix rationnel
stipulant qu’en vue de se faire réélire, les politiciens chercheront à créer volontairement des
cycles économiques concordant avec les cycles électoraux (Nordhaus, 1975; Reid, 1998;
Petry et al, 1999). Les gouvernements vont alors tenter d’influencer à la baisse des variables
macroéconomiques telles que le taux de chômage et le taux d’inflation, pour favoriser leur
réélection. Puisque les électeurs sont réputés comme étant rationnels, ces derniers sont
appelés à évaluer la performance du gouvernement sortant lors d’une élection en utilisant
entre autres le taux de chômage et d’inflation comme indicateurs. Les électeurs
récompenseront donc un gouvernement ayant réussi à maintenir un taux d’inflation et un taux
de chômage plus bas. À l’approche d’une élection, les gouvernements ont intérêt à effectuer
un ensemble de manipulations économiques visant à faire baisser ces deux indicateurs afin
de se faire réélire (Nordhaus, 1975). Si les électeurs perçoivent positivement le bilan
économique d’un gouvernement sortant, les électeurs auront davantage tendance à voter pour
sa réélection (Happy, 1992 ; Hansford et Gomez, 2015). Étant donné l’importance de cette
théorie pour l’étude des cycles électoraux, on retrouve de nombreuses études portant sur le
cas du Canada (Petry et al, 1999 ; Happy, 1992 ; Johnston, 1999 ; Serletis et Afxentiou,
1998).

         Un deuxième courant d’étude porte sur la théorie du contrepoids électoral ou du
« balancing » selon laquelle les électeurs utiliseraient leur vote lors d’une élection régionale
pour équilibrer le pouvoir du gouvernement central (Underhill, 1955; Erikson et Filipov,
2001). Finalement, on retrouve aussi la théorie des élections de premier et de deuxième ordre
qui stipule que certaines élections sont plus importantes et décisives pour les électeurs que
d’autres, d’où pourquoi il est possible de hiérarchiser les élections entre elles (Reif et Schmitt,
1980). Le Canada étant un pays fédéral, il apparait pertinent d’utiliser ces deux théories
comme cadre de ce mémoire afin d’étudier les interactions et les relations existantes entre les

                                                3
paliers électoraux, d’autant plus que peu d’études sont disponibles sur le Canada. Ces deux
théories seront davantage décrites dans les prochaines sections.

       De nombreuses études ont ainsi été menées dans les dernières années dans le but de
déterminer si les comportements électoraux des électeurs et ceux des gouvernements seraient
cycliques et suivraient un schéma relativement régulier et prévisible. Cependant, la majorité
des études s’intéressent sur les cas des États-Unis et de l’Europe. Les études existantes sur
les cycles électoraux au Canada se concentrent principalement sur la théorie des « political
business cycle » et peu d’études ont été effectuées pour vérifier la valeur explicative des
autres théories en lien avec les cycles électoraux. Cette recherche vise à venir combler en
partie ce vide au sein de la littérature scientifique sur ce sujet au Canada. Pour ce faire, la
question des cycles électoraux au Canada sera abordée en relation avec les théories du
« balancing » et des élections de premier et de deuxième ordre. Cette étude pourra d’une part
actualiser certains constats présents dans la littérature des cycles électoraux et d’autre part
enrichir la littérature sur le cas canadien.

1.1 Les cycles électoraux
       Au sein d’un cycle électoral, le gouvernement et les électeurs sont réputés pour avoir
des comportements déterminés, ce qui permet de modéliser la relation entre la durée du
mandat et les actions du gouvernement ou encore la popularité de celui-ci. Dans les
démocraties parlementaires, certains auteurs ont remarqué que l’appui accordé aux partis
formant le gouvernement et aux partis d’opposition ne suivent pas le même cycle (Müller et
Louwerse, 2018; Jeffery et Hough, 2001). Selon Jeffery et Hough (2001), la relation entre
l’appui accordé au gouvernement dans les sondages d’opinion publique et le moment du
mandat peut se représenter sous la forme d’une courbe comportant 3 phases, tel que présenté
par la Figure 1 ci-dessous.

                                               4
Figure 1 Le cycle électoral

Source: JEFFERY, Charlie et Daniel HOUGH. « The Electoral Cycle and Multi-Level
Voting in Germany. » German Politics, 10(2), p. 76.

       Tout d’abord, les partis formant le gouvernement subissent une baisse de leurs appuis
électoraux au début de leur mandat. Cette baisse se poursuit jusqu’au mi-mandat lorsque les
partis gouvernementaux ont leur plus faible niveau d’appui. Par la suite, l’appui au
gouvernement remonte à l’approche de la nouvelle élection mais sans jamais dépasser leur
niveau de popularité initial du début de leur mandat (Müller et Louwerse, 2018). Pour ce qui
est des partis d’opposition, ces derniers voient plutôt leurs appuis augmenter jusqu’au mi-
mandat puis leurs appuis vont redescendre lorsque la nouvelle élection est proche (Müller et
Louwerse, 2018). Ce cycle serait d’ailleurs plus prononcé lorsque l’exécutif détient le
pouvoir de dissoudre la législature et lorsque le gouvernement est formé d’un seul parti
comme dans plusieurs systèmes parlementaires dont le Canada (Müller et Louwerse, 2018).
Pour ce qui est du cas canadien, les gouvernements de coalition sont quasiment inexistants
dans l’histoire du pays puisque les partis préfèrent former des gouvernements minoritaires
homogènes plutôt que de former un gouvernement de coalition au besoin. C’est ainsi que
l’on recense un seul cas de coalition au sein de l’exécutif fédéral au 20 e siècle avec le

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gouvernement d’unité nationale du premier ministre Robert Borden en 1917 (Massicotte,
2013) tandis qu’au niveau des provinces, on compte seulement sept gouvernements de
coalition depuis le début de la fédération canadienne (Migneault, 2010). Au sein des
provinces, on utilise également la formule d’un gouvernement minoritaire homogène
lorsqu’aucun parti n’a récolté une majorité de sièges à l’assemblée. En situation minoritaire,
les gouvernements préfèrent ainsi effectuer un mandat plus court en déclenchant une élection
plus tôt et à un moment qui leur est favorable afin de pouvoir récolter une majorité
parlementaire (Leduc, 2009). Toutefois, le gouvernement majoritaire monopartisan demeure
la configuration la plus courante de gouvernement dans l’histoire du Canada (Migneault,
2010). Jusqu’à tout récemment, les premiers ministres provinciaux et fédéraux détenaient le
pouvoir de déclencher une élection que ce soit en situation de gouvernement majoritaire ou
minoritaire. Les premiers ministres pouvaient utiliser leur pouvoir de dissolution de façon
opportuniste afin de maximiser leurs chances de réélection, ce qui renforce la dynamique de
cycle électoral exposée par Müller et Lowerse (2018). Néanmoins, ce pouvoir est maintenant
encadré par des lois qui ont rendus les élections à date fixe dans l’ensemble des législatures
entre 2002 à 2012 à l’exception de la Nouvelle-Écosse. Les premiers ministres peuvent
désormais choisir le moment de déclenchement d’une élection seulement en situation de
gouvernement minoritaire lorsque ce dernier perd la confiance de la chambre.

       La temporalité est ainsi un facteur important à considérer dans l’étude des cycles
électoraux dans les systèmes politiques à multi-niveaux. À cet égard, la synchronicité ou non
des élections régionales et nationales peut avoir un impact sur le comportement des électeurs
et sur la façon dont ils perçoivent les différentes arènes politiques. D’une part, la simultanéité
des élections nationales et régionales a un impact sur les taux de participation électorale
(Schakel et Dandoy, 2014). En effet, la participation électorale est plus élevée lorsque les
élections ont lieu simultanément tandis qu’un effet de fatigue est plutôt observé chez les
électeurs lorsqu’une élection a lieu immédiatement après une autre. Or, en concurrence de
cet effet de fatigue, la proximité entre deux élections pourrait également augmenter le taux
de participation lors de la seconde élection (Schakel et Dandoy, 2014; Franklin, 1996). Le
moment à lequel est tenu une élection a un impact soit positif ou négatif sur son taux de
participation dans les systèmes politiques à multi-niveaux. Étant donné la nature fédérale du

                                                6
Canada, il est donc pertinent de s’attarder à la question de la temporalité des élections
fédérales et provinciales afin d’étudier la question des cycles électoraux.

       Par la suite, la question de la temporalité a également été étudiée en lien avec les
résultats électoraux. Dans une étude portant sur la simultanéité des élections régionales et
fédérales dans neuf pays que sont l’Allemagne, la Belgique, le Canada, l’Italie, l’Espagne,
l’Australie, l’Autriche et le Royaume-Uni, Fabre (2010) observe que la simultanéité verticale
est très rare au sein de ces neuf démocraties parlementaires. Lorsqu’une élection fédérale se
déroule en même temps qu’une élection régionale, il s’agit du fruit du hasard plutôt qu’une
norme électorale (Fabre, 2010). Toutefois, il est beaucoup plus fréquent de retrouver une
simultanéité dans la tenue des élections régionales, ce qui contribue à la nationalisation des
élections régionales (Fabre, 2010). Pour ce qui est du Canada, sur un total de 222 élections
répertoriées, seulement quatre cas de simultanéité horizontale ont été observé tandis qu’il n’y
a aucun cas de concurrence verticale entre 1945 et 2008 (Fabre, 2010). Par ailleurs, les
provinces détiennent un ensemble de prérogatives quant à leur calendrier et leurs règles
électorales. Depuis 1993, on constate également d’importantes disparités dans les résultats
électoraux entre les élections fédérales et provinciales dû à la fragmentation régionale du vote
aux élections fédérales (Carty et al, 2000 dans Fabre, 2010). Cette fragmentation du vote est
également amplifiée dû au fait que les partis politiques fédéraux et les partis provinciaux ont
leur propre organisation même s’ils partagent parfois la même bannière (Fabre, 2010). De ce
fait, dans les neuf pays étudiés, il n’y aurait que l’Australie et le Canada qui ont des élections
régionales déconnectées des élections fédérales (Fabre, 2010). Lorsqu’il y a simultanéité
dans la tenue des élections, cela contribue à ce que les électeurs votent à une élection selon
des considérations liées à une autre élection, d’où le phénomène de nationalisation des
élections que l’auteure soulève. Dans le cadre du Canada, lorsqu’une élection fédérale est
rapprochée temporellement d’une élection provinciale, les électeurs ont tendance à voter à
l’élection provinciale selon des considérations se rapportant à l’autre pallier de gouvernement
et vice versa. Or, la théorie concurrente stipule plutôt que puisque la tenue d’élections
coïncide rarement, les élections canadiennes sont aussi considérées comme des évènements
séparés (Wolinetz et Carty, 2006; Cutler, 2008), sans qu’il n’y ait un effet de nationalisation
ou de contamination entre les arènes électorales. Il y a donc un certain flou théorique dans la

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littérature sur le cas canadien quant aux interactions entre les paliers électoraux et sur
l’impact de la temporalité sur les résultats électoraux et la participation électorale, d’où la
pertinence d’étudier cet objet de recherche.

       La littérature sur les cycles électoraux a été développée et étudiée davantage aux États-
Unis pour comprendre les dynamiques entre dans les élections présidentielles et législatives
ainsi qu’en Europe pour étudier les pays quasi-fédéraux ou fédéraux et les élections du
Parlement européen. La présence de cycles électoraux a entre autres été confirmée aux États-
Unis quant aux élections de mi-mandat au Congrès (Tufte, 1975; Stimson, 1976; Lau, 1985;
Erikson, 1988, Alesina, 1996), en Allemagne quant aux élections du Bundestag et du
Bundesrat (Dinkel, 1977; Jeffery et Hough, 2001; Kern et Hainmueller, 2006; Anderson et
Ward, 1996) et lors des élections européennes (Reif et Schmitt, 1980; Reif, 1984; Hix et
Marsh, 2011). Dans le cas américain, les électeurs qui désapprouvent la performance du
président auraient tendance à sanctionner le parti présidentiel lors des élections législatives
de mi-mandat créant ainsi un phénomène de « split ticket » (Lau, 1985). Cette dynamique de
« split ticket » serait d’ailleurs à son plus fort au mi-mandat qu’à n’importe quel autre
moment du cycle électoral. Dû à la simultanéité des élections aux États-Unis entre les
élections nationales, régionales et parfois même locales, ce comportement électoral
s’observerait dans les résultats électoraux des différents paliers électoraux. Plutôt que de
voter pour un seul parti aux élections nationales, régionales et locales, plusieurs électeurs
préfèrent voter pour des candidats provenant de différents partis politiques (Alesina et
Rosenthal, 1996). En Allemagne, les relations entre les élections nationales et les élections
régionales démontrent également des dynamiques partisanes de « split ticket » comme dans
le cas américain. À cet égard, les élections dans les länder sont souvent utilisées par les
électeurs pour exprimer leur insatisfaction envers le gouvernement fédéral (Dinkel, 1977).
D’ailleurs, les échecs des partis formant la coalition gouvernementale fédérale seraient plus
forts lors des élections régionales se déroulant au mi-mandat. Les élections régionales en
Allemagne sont donc utilisées par les électeurs comme un mécanisme pour contrebalancer le
pouvoir central (Kern et Hainmueller, 2006). Certains auteurs vont même jusqu’à considérer
que les élections régionales allemandes agiraient comme un baromètre ou un référendum
pour mesurer l’opinion des électeurs face au gouvernement fédéral (Anderson et Ward,

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1996). De surcroît, cette nationalisation des élections régionales en Allemagne est amplifiée
du fait que la chambre haute, le Bundesrat, est composé de membres élus dans les législatures
régionales. Même si on recense peu de cas de concurrence verticale dans la tenue des
élections nationales et régionales, les élections régionales sont fortement influencées par les
enjeux fédéraux. La simultanéité entre les élections des länder renforce cette logique de
nationalisation et de « split ticket » (Fabre, 2010).

       Cette dynamique de cycle électoral se retrouve également dans les régimes
parlementaires tels que le Canada, l’Australie et le Royaume-Uni lors des élections partielles
(Norris et Feigert, 1989). Dans ces pays, les partis formant le gouvernement central ont
tendance à perdre des sièges et des votes lors des élections partielles au profit de l’opposition
et de plus petits partis. Toutefois, cet effet est encore plus prononcé dans les systèmes de
représentation proportionnelle que dans les systèmes majoritaires (Matland et Studlar, 2004).
Même si le Canada utilise un système de représentation majoritaire, le taux de défaites
gouvernementales aux élections partielles est significativement plus élevé que l’ensemble
des 25 pays étudiés par Matland et Studlar (2004) dans leur étude comparative. Le Canada
démontre une dynamique particulière quant aux élections partielles (Loewen et Bastien,
2010; Blais-Lacombe et Bodet, 2017). Lors d’une élection partielle, les électeurs canadiens
votent davantage en fonction de l’opinion publique nationale plutôt que d’après des
considérations régionalisées. De plus, les élections partielles sont une occasion pour les
électeurs d’exprimer leur insatisfaction à l’égard des grands partis en choisissant des
candidats indépendants ou des candidats provenant de plus petits partis (Loewen et Bastien,
2010; Blais-Lacombe et Bodet, 2017). Étant donné la rareté de la simultanéité des élections
autant verticale qu’horizontale au Canada (Fabre, 2010), les élections partielles agiraient
comme élection baromètre au même titre que les élections de mi-mandat aux États-Unis et
en Allemagne.

       Contrairement à ce qui est observé par certaines études sur le rôle des élections
partielles au Canada, d’autres auteurs soutiennent plutôt qu’il n’y a aucun lien entre les
résultats électoraux d’une élection provinciale et ceux d’une élection fédérale (Wolinetz et
Carty, 2006). En ce sens, une élection provinciale ou fédérale constitue une arène politique

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indépendante de celle de l’autre palier gouvernemental. En effet, dû à l’incongruence des
systèmes de partis, la compétition électorale dans une province demeurerait complètement
étanche de celle d’une élection fédérale (Thorlakson, 2006). Le manque de liens
organisationnels entre plusieurs partis politiques provinciaux et fédéraux et l’inconsistance
de l’identification partisane des électeurs entre les paliers électoraux expliqueraient ce
phénomène (Wolinetz et Carty, 2006). D’ailleurs, cette situation d’incongruence dans les
systèmes partisans n’est pas propre au Canada mais se retrouve généralement dans d’autres
fédérations décentralisées telles que les États-Unis et la Suisse (Thorlakson, 2002). Les
conclusions de l’étude de Blake (1985) sur le système de partis politiques en Colombie-
Britannique abondent également dans ce sens. Ainsi, la compétition aux élections
provinciales et celle aux élections fédérales a souvent été décrite comme étant deux mondes
séparés, sans qu’il n’y ait aucun lien entre les paliers électoraux. Pour cette raison, il n’y
aurait donc pas de cycles électoraux au Canada (Wolinetz et Carty, 2006 ; Blake, 1985 ;
Cutler, 2008).

1.2 La théorie du contrepoids électoral
       La théorie du « balancing » ou du contrepoids électoral est un champ de recherche
ayant été un peu moins exploré dans l’étude des cycles électoraux. Cette théorie postule
d’abord que le comportement électoral des électeurs est rationnel et qu’ils utilisent leur droit
de vote comme un instrument pour obtenir des politiques plus modérées et centristes. De ce
fait, cette théorie est bâtie sur le modèle spatial des électeurs de Downs (1957) qui stipule
que les électeurs préfèrent toujours des politiques qui sont le plus près possible de leurs
positions idéales. Dans un système fédéral, ce modèle prédit que les électeurs utiliseront les
élections fédérales pour équilibrer le résultat d’une élection régionale, ce qui produirait des
résultats partisans divergents à travers les différentes arènes électorales (Johnston et Cutler,
2003). Il s’agit donc d’une forme de vote stratégique provenant d’un processus volontaire et
conscient des électeurs (Underhill, 1955). De plus, cette théorie prédit des situations de
« divided government » lorsque les élections des différents paliers électoraux ne sont pas
concurrentes (Burden et Helmke, 2009). Cette théorie trouve ses racines dès 1955 dans un
ouvrage de Frank Underhill traitant de la démocratie et des partis politiques au Canada. En

                                              10
étudiant la prédominance du Parti libéral du Canada en politique fédérale, Underhill constate
que les électeurs ont développé un processus mental par lequel ils vont tenter d’équilibrer
«[the] monopolistic power of the liberal government at Ottawa by setting up the effective
countervailing power not in Ottawa, but in the provincial capitals » (Underhill, 1955 : 32).
Cette volonté de balancer le pouvoir du gouvernement fédéral expliquerait pourquoi certains
électeurs votent pour le Parti libéral du Canada aux élections fédérales mais votent pour un
parti d’une autre bannière politique lors d’une élection provinciale. Wrong (1957) remarque
également la tendance des électeurs à appuyer des partis politiques différents à travers les
différents paliers électoraux afin de contrer le pouvoir du gouvernement central. Ainsi, au
lieu d’élire une opposition fédérale plus forte, les électeurs utilisent les élections provinciales
pour contrer le gouvernement fédéral. Lorsque les Libéraux sont au pouvoir à Ottawa, les
électeurs vont avoir tendance à voter pour un parti différent dans les élections provinciales
(Wrong, 1957 : 254). C’est ainsi que Scarrow (1960) nomme ce phénomène « alternating
party choice ». Ce constat de Wrong fût d’ailleurs confirmé quelques années plus tard dans
une étude de Perlin et Peppin visant à expliquer les variations du support aux partis politiques
entre les élections provinciales et fédérales (1971). Selon eux, les électeurs qui changent leurs
préférences politiques entre les élections le font entre autres afin de balancer le pouvoir
fédéral. De plus, les auteurs observent également que ce même groupe d’électeurs a une
identité partisane plus flexible ce qui explique pourquoi électeurs sont plus enclins à changer
de partis entre les élections fédérales mais aussi entre une élection fédérale et une élection
provinciale. (Perlin et Peppin, 1971).

       Toutefois, cette dynamique de contrepoids vertical entre le pouvoir central et les
pouvoirs régionaux serait présente seulement lorsque les élections sont tenues à des moments
différents du cycle électoral dans les systèmes politiques à multi-niveaux (Kedar, 2006;
Burden et Helmke, 2009). En effet, les électeurs étant motivés non seulement par la proximité
idéologique qu’ils partagent avec les partis politiques mais également par les politiques
publiques qui seront promulguées, les électeurs vont utiliser les élections régionales pour
modérer les politiques du gouvernement national et vice-versa. Or, lorsque les élections
régionales et nationales se déroulent simultanément, les calculs des électeurs sont marqués
par de l’incertitude car les résultats du vote sont connus au même moment. Le phénomène

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de contrepoids est donc seulement possible lorsque les élections régionales et nationales se
déroulent à des moments différents étant donné que les résultats de l’élection précédente est
connue au moment du vote pour l’élection suivante (Kedar, 2006). La temporalité des
élections est donc très importance à considérer pour étudier la théorie du balancement
électoral. Pour ce qui est du Canada, les élections fédérales et provinciales sont toujours à
des moments différents ce qui rend l’étude de cette théorie pertinente.

       Malgré le fait que cette théorie a d’abord été élaborée pour décrire le cas canadien tel
qu’exposé précédemment, la majorité de la littérature sur ce sujet étudie plutôt les États-Unis
et l’Allemagne. Aux États-Unis, Alesina et Rosenthal (1996) ont développé un modèle qui
postule que la composition des législatures a un effet sur le choix des politiques. Ainsi, ils
prédisent que les électeurs américains ne voteront pas pour le même parti politique aux
élections présidentielles et législatives afin de modérer les politiques publiques. Par
conséquent, ce modèle prédit une situation de « split ticket » où le pouvoir exécutif et le
pouvoir législatif seront répartis entre des partis différents. Finalement, leur modèle prédit
que le parti présidentiel perdra des appuis électoraux lors des élections législatives de mi-
mandat (Alesina et Rosenthal, 1996). Dû à l’incertitude entourant une élection présidentielle
ou législative, les électeurs auront parfois tendance à modifier leurs préférences électorales
afin d’obtenir des politiques plus modérées :
      Given their policy preferences, some voters will have made a ‘mistake’ when
      voting for Congress. Expecting to get a Democratic president, for example, they
      might have voted for a Republican House candidate in order to balance the
      president with a more conservative Congress. Surprised by the Republican
      capturing the White House, these voters are now confronted with policy
      outcomes that are much more conservative than those they hoped for. Two years
      later, at the point of congressional midterm elections, these voters will have an
      incentive to switch their vote to the Democrats in order to balance the president
      with a more liberal Congress. (Kern et Hainmueller, 2006: 129).

       Une dynamique de contrepoids horizontal est également possible dans les systèmes
présidentiels entre la présidence et les institutions législatives (Kedar, 2006). Ce phénomène
du « split ticket » dans les institutions fédérales a d’ailleurs été confirmé non seulement dans
le contexte américain (Lau, 1985; Erikson, 1988; Alesina et Rosenthal, 1996) mais également
des pays européens tels que l’Allemagne (Dinkel, 1977; Gaines et Crombez, 2004; Kedar,

                                                12
2006; Kern et Hainmueller, 2006) et la Belgique (De Winter, 2006). En Allemagne, la nature
des institutions politiques fédérales favoriserait les comportements de « balancing ». La
composition de la chambre haute, le Bundesrat, étant formée de délégations provenant des
gouvernements des différents länder, est reliée aux résultats électoraux des länder (Hough et
Jeffery, 2006). Ces liens entre les paliers électoraux sont d’autant plus forts que les électeurs
utilisent les élections régionales pour donner leur opinion sur la performance des coalitions
gouvernementales fédérales (Hough et Jeffery, 2006). Les électeurs allemands ont donc des
incitatifs supplémentaires adopter un comportement de balancement électoral. C’est ainsi que
Kedar (2006) confirme que les élections en Allemagne suivent le modèle du contrepoids
électoral pour l’ensemble des cycles électoraux entre 1965 et 2002 à l’exception de l’élection
de 1969 : les partis gouvernementaux ayant récolté de bons résultats dans une région lors
d’une élection fédérale vont subir une baisse de leurs appuis lors de l’élection régionale
subséquente.

       Suite à Underhill (1955), Wrong (1957), Scarrow (1960) et Perlin et Peppin (1971),
peu d’auteurs ont utilisé la théorie du contrepoids électoral pour expliquer les résultats
électoraux provinciaux et fédéraux au Canada. Parmi ces rares tentatives, Erikson et Filippov
(2001) ont développé un modèle pour appliquer cette théorie en contexte canadien. Les
auteurs arrivent à la conclusion que le parti formant le gouvernement fédéral subit des pertes
électorales supplémentaires lors d’une élection provinciale (Erikson et Filippov, 2001). Pour
arriver à cette conclusion, Erikson et Filippov utilisent le pourcentage de vote reçu par le
Parti libéral du Canada comme variable dépendante étant donné que chaque province a son
équivalent dans son propre système de partis et qu’il s’agit également du parti ayant remporté
le plus souvent les élections fédérales dans la période étudiée soit de 1949 à 1997. En somme,
d’après leur étude, il est possible d’affirmer que les électeurs canadiens répartissent leurs
appuis électoraux entre des partis politiques différents lors d’une élection fédérale et d’une
élection provinciale. Cependant, son étude prend en considération seulement le vote pour les
partis libéraux. D’autres études sont donc requises pour vérifier si le constat d’Erikson et
Filippov tient également pour les Conservateurs qui ont formé régulièrement des
gouvernements fédéraux entre 1984 et aujourd’hui et pour les autres partis politiques
fédéraux qui n’ont pas eu accès à la représentation gouvernementale.

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