Les défis de l'attraction et de la rétention des jeunes dans la fonction publique québécoise Lise Chrétien, Ph. D - Guy Arcand, D. Sc. Geneviève ...

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Les défis de l'attraction et de la rétention des jeunes dans la fonction publique québécoise Lise Chrétien, Ph. D - Guy Arcand, D. Sc. Geneviève ...
Les défis de l’attraction et
de la rétention des jeunes
dans la fonction publique
québécoise

Lise Chrétien, Ph. D.

Guy Arcand, D. Sc.
Geneviève Tellier, Ph. D.
Co-chercheurs
Les défis de l’attraction et de la rétention des jeunes
         dans la fonction publique québécoise

 Étude réalisée pour le Centre d’expertise en gestion des ressources humaines
                       Secrétariat du Conseil du trésor
                          Gouvernement du Québec

                              Étude dirigée par

                        Lise Chrétien, Ph. D.

                               Décembre 2010
Les défis de l’attraction et de la rétention des jeunes dans la fonction publique québécoise

Rapport de recherche

Chercheure principale
Lise Chrétien, Ph. D.
Professeure agrégée au Département de management de l’Université Laval

Cochercheurs
Guy Arcand, D. Sc.
Professeur agrégé au Département des sciences de la gestion de l’UQTR
Geneviève Tellier, Ph. D.
Professeure agrégée à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa

Décembre 2010

Cette recherche qui s’insère dans les travaux du Centre d’expertise en gestion des ressources
humaines du Secrétariat du Conseil du trésor a été produite grâce à sa participation financière.

Le Centre d’expertise en gestion des ressources humaines

La mission du Centre d’expertise est de conduire, à la demande du Secrétariat du Conseil du
trésor (SCT), des recherches diagnostiques et prospectives, en plus d’élaborer des outils et des
modèles de gestion en ressources humaines. Les travaux du Centre doivent également
permettre au SCT de dégager une vision prospective par rapport à différentes problématiques
liées à la gestion des ressources humaines, afin d’éclairer les orientations gouvernementales en
la matière.

Les opinions exprimées dans ce document sont celles de l’équipe de recherche et ne reflètent
pas nécessairement celles du Ministre.

Dans le présent document, le genre masculin est utilisé sans aucune discrimination et
uniquement dans le but d’alléger le texte.

La reproduction partielle de ce document est autorisée à la condition que la source soit
mentionnée.

Pour de plus amples renseignements concernant ce document, vous pouvez vous adresser à la
Direction du développement des personnes et des organisations du Sous-secrétariat au
personnel de la fonction publique par téléphone au numéro (418) 643-1994 ou par courriel
[centre.expertise.grh@sct.gouv.qc.ca].

Révision linguistique : Direction des communications (SCT)
Graphisme et mise en page : Direction des communications (SCT)

Dépôt légal – 3e trimestre 2010
Bibliothèque nationale du Québec
Bibliothèque nationale du Canada

ISBN 978-2-550-60557-7
Résumé

        Depuis quelques années, nous assistons à une transformation marquée du
marché du travail québécois, largement attribuable au vieillissement de la population
active. Ce phénomène a bien sûr un impact important sur le bassin de main-d’œuvre
disponible. Profitant de leur positionnement favorable sur le marché du travail, les
jeunes travailleurs comptent faire preuve d’une plus grande mobilité afin de mieux
satisfaire leurs aspirations professionnelles. À la demande du Secrétariat du Conseil du
trésor du gouvernement du Québec, une enquête a été réalisée auprès des jeunes
fonctionnaires travaillant au service de l’État et des étudiantes et étudiants universitaires
québécois. Le mandat consistait à déterminer les facteurs susceptibles d’améliorer
l’attraction et la rétention des jeunes dans la fonction publique québécoise. L’étude est
basée sur le modèle proposé par Garand (2004), qui se compose de cinq dimensions :
l’engagement à la carrière, l’engagement organisationnel, l’implication au travail,
l’implication à l’emploi et la satisfaction au travail. Pour recueillir les données, nous
avons eu recours à un questionnaire numérique transmis aux personnes répondant aux
caractéristiques définissant les deux groupes étudiés. Après avoir colligé les réponses,
une première analyse des résultats nous a permis de discerner des thèmes
prédominants. Pour approfondir la connaissance de ces thèmes et en cerner toutes les
nuances, une série d’entrevues a été réalisée auprès de gestionnaires expérimentés de
la fonction publique. De plus, les étudiants, les jeunes fonctionnaires et les
gestionnaires ont eu le loisir d’échanger sur ces sujets en participant à trois groupes de
discussion. L’enquête nous a permis : 1) de mieux connaître les valeurs partagées par
les travailleurs issus de la jeune génération; 2) de prendre connaissance des aspirations
de ces derniers relativement au marché du travail; et 3) d’évaluer la perception des
forces et des faiblesses de la fonction publique québécoise en matière d’attraction et de
rétention de la jeune main-d’œuvre dans un contexte de forte compétition pour une
main-d’œuvre compétente.
Avant-propos

       Une étude de cette envergure fait évidemment appel à de nombreux acteurs. Je
remercie monsieur Alain Mailloux, alors professionnel au Secrétariat du Conseil du
trésor, qui a coordonné cette recherche au cours de sa première année de réalisation,
madame Jocelyne Tremblay, directrice du développement de la main-d'œuvre du
Secrétariat du Conseil du trésor, ainsi que les membres du comité clientèle du
Secrétariat du Conseil du trésor qui ont contribué à la création des outils qui ont servi à
recueillir les données auprès des jeunes fonctionnaires et des étudiantes et étudiants
universitaires.

       Je ne peux passer sous silence la contribution des jeunes fonctionnaires et des
étudiants et étudiantes universitaires qui nous ont consacré un temps précieux pour
répondre aux questionnaires. J’adresse également mes plus sincères remerciements
aux gestionnaires qui ont libéré plusieurs heures de leur journée de travail pour discuter
des résultats préliminaires de la recherche. Je tiens à remercier les responsables des
services de placement des universités, qui ont participé à l’étude en nous ouvrant les
portes de leur établissement. Pour le volet théorique de cette étude, je remercie
monsieur Éric Martel, étudiant au doctorat à la Faculté des sciences de l’administration
de l’Université Laval, qui a travaillé à l’élaboration des questionnaires. Je remercie aussi
tout particulièrement madame Marie-Ève Lécine, professionnelle de recherche à
l’Université Laval, ainsi que monsieur Jocelyn Raymond, étudiant à la maîtrise à
l’Université du Québec à Trois-Rivières, qui ont participé à la collecte des données et à
la rédaction du rapport.

        Je termine avec le souhait que les résultats de cette recherche contribuent à
l’attraction et à la fidélisation d’une main-d’œuvre compétente et spécialisée à la
fonction publique québécoise.

Lise Chrétien, Ph. D.
Professeure agrégée
Département de management
Faculté des sciences de l’administration
Université Laval

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Table des matières

1.    INTRODUCTION                                             1

2.    CONTEXTE, PROBLÉMATIQUE ET OBJECTIFS                     4

2.1   Contexte et problématique                                4

2.2   Objectifs                                               10

3.    MÉTHODOLOGIE                                            11

3.1   Cadre conceptuel                                        11

3.2   Populations à l’étude et instruments de collecte        17

3.3   Méthodes d’analyse des données                          19

4.    RÉSULTATS DE LA RECHERCHE                               22

4.1   Les jeunes fonctionnaires                               22

4.2   Les étudiants universitaires                            37

4.3   Les groupes de discussion                               45

4.4   Les entrevues avec les gestionnaires                    48

5.    CONCLUSION                                              52

6.    BIBLIOGRAPHIE                                           55

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Liste des tableaux

Figure 1 – Modèle de Garand (2004) .............................................................................................12
Tableau 1 – Intention de quitter la fonction publique, selon le statut d’emploi.............................23
Tableau 2 – Intention de quitter la fonction publique, selon les caractéristiques
sociodémographiques .....................................................................................................................25
Tableau 3 – Intention de quitter la fonction publique, selon le groupe d’âge et le sexe................26
Tableau 4 – Intention de quitter la fonction publique, selon les facteurs psychologiques, en %,
ensemble des répondants ................................................................................................................28
Tableau 5 – Répartition des réponses, selon les facteurs psychologiques, employés occupant un
poste régulier ..................................................................................................................................29
Tableau 6 – Répartition des réponses, selon les facteurs psychologiques, employés occupant un
poste occasionnel............................................................................................................................30
Tableau 7 – Implication à l’emploi selon le sexe...........................................................................31
Tableau 8 – Implication au travail selon le sexe ............................................................................32
Tableau 9 – La satisfaction envers les pratiques de gestion des ressources humaines, en %,
ensemble des répondants ................................................................................................................33
Tableau 10 – La satisfaction envers les pratiques de gestion des ressources humaines, en %,
employés permanents .....................................................................................................................35
Tableau 11 – La satisfaction envers les pratiques de gestion des ressources humaines, en %,
employés occasionnels ...................................................................................................................36
Tableau 12 – Les valeurs des étudiants universitaires ...................................................................38
Tableau 13 – Les valeurs des étudiants universitaires selon le sexe..............................................38
Tableau 14 – Choix de l’organisation ............................................................................................39
Tableau 15 – Employeur ciblé .......................................................................................................40
Tableau 16 – Employeur ciblé selon le sexe ..................................................................................40
Tableau 17 – Raisons pour choisir un employeur ..........................................................................41
Tableau 18 – Perception de la fonction publique québécoise ........................................................42
Tableau 19 – Perception de la fonction publique québécoise selon le sexe...................................43
Tableau 20 – Facteurs d’attraction des jeunes dans la fonction publique......................................46
Tableau 21 – Facteurs nuisibles à l’attraction des jeunes dans la fonction publique.....................47
Tableau 22 – Suggestions pour améliorer la rétention dans la fonction publique québécoise.......48

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Liste des figures

Figure 1 – Modèle de Garand (2004)   ..........................................12

                                                                      Page v
1. Introduction

        Depuis plus de vingt ans, la mondialisation des marchés, avec ses effets sur les
entreprises, est au cœur des préoccupations en management, et plus particulièrement
en gestion des ressources humaines. Bien que ce phénomène ait un impact majeur sur
le marché du travail, il ne faut pas négliger un autre phénomène qui influe fortement sur
la gestion des organisations et, dans le cas qui nous intéresse, de la fonction publique. Il
s’agit, en fait, de la transformation des bassins de main-d’œuvre disponibles. Selon
l’Organisation internationale du travail (2007), de nombreux pays sont interpellés par un
manque notable de main-d’œuvre. Cette pénurie découle principalement d’une mutation
démographique sans précédent marquée par le vieillissement de la population.
         Le phénomène de vieillissement qui caractérise aussi le marché du travail est
relativement récent au Québec, surtout au regard des expériences observées dans
plusieurs pays d’Europe; la France, notamment, a connu l’enclenchement de ce
phénomène de mutation à partir de 1963, alors qu’il a fallu attendre le milieu des années
1990 avant d’en percevoir les effets au Québec. Par contre, il faut noter que le
vieillissement de la population québécoise s’effectue à un rythme beaucoup plus
accéléré. Il est estimé que le Québec atteindra un taux de vieillissement comparable à
celui de la France en seulement 30 ans alors que, pour cette dernière, il aura fallu une
période couvrant plus de 70 ans (Audet, 2004).
        Le phénomène récent du vieillissement de la population, associé à la baisse de la
natalité et à la diminution de la population active1, a sans doute contribué à en retarder
la prise de conscience ainsi que la réflexion sur les conséquences découlant de cette
situation pour l’avenir social et économique du Québec. Cela explique que,
contrairement à ce qu’on constate en France et en Europe en général, les études sur
les valeurs des jeunes Québécois relativement à leur emploi sont rarissimes.
Cependant, une prise de conscience s’est amorcée, notamment à propos des défis que
poseront l’attraction et la rétention de la main-d’œuvre dans le secteur privé. Selon un
sondage réalisé par la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante en 2002,
73 % des PME québécoises prévoient faire face à des problèmes de recrutement liés à
une pénurie de main-d’œuvre qualifiée. La plupart des grandes entreprises privées
seront aussi confrontées à cette pénurie de main-d’œuvre qualifiée dans la plupart des
secteurs de l’activité économique.
      Le secteur public a lui aussi commencé sa réflexion. Ainsi, la fonction publique
fédérale a mené en 1997 une vaste enquête, intitulée La relève, ayant pour objectif de
déterminer des éléments de réponse aux questions que posent l’attraction de la jeune
main-d’œuvre dans la fonction publique fédérale et sa rétention. Depuis lors, le
gouvernement fédéral (Commission de la fonction publique du Canada, 2002) a

1. Même si les projections démographiques publiées par l’Institut de la statistique du Québec et
Statistique Canada prévoient une augmentation de la natalité de l’immigration à même de freiner le déclin
démographique d’ici 2056, plusieurs économistes prévoient une diminution de la population active, qui
varierait entre 0,1 % et 0,4 % entre 2014 et 2021. (La Presse canadienne, 23 juillet 2009, disponible au
http://www.ledevoir.com/2009/07/23/260051.html).
plusieurs fois sondé ses employés à propos de la qualité de leur milieu de travail et de
leur emploi (en 1999, 2002 et 2005, et un autre sondage est attendu cette année).
Depuis, plusieurs gouvernements provinciaux tels que ceux du Manitoba, de la
Saskatchewan et de la Colombie-Britannique ont aussi interrogé leurs employés afin
d’avoir une image claire de la situation dans leur fonction publique à cet égard. Sans
cibler précisément les jeunes adultes, ces enquêtes ont permis de mettre au jour
plusieurs facteurs liés à la satisfaction au travail.
       Tout comme les entreprises privées et les autres organisations, l’appareil
gouvernemental québécois subira fortement les effets du vieillissement de la population
au cours des prochaines années. Si l’État désire continuer à compter sur une main-
d’œuvre qualifiée et expérimentée, il se doit donc de relever ce défi avec brio. Compte
tenu de la composition de la fonction publique québécoise, un sérieux problème de
relève s’annonce dans un avenir rapproché : les employés âgés de moins de 35 ans ne
comptent actuellement que pour 15,7 % de son effectif (Secrétariat du Conseil du trésor,
2009).
        Le gouvernement du Québec a commencé à s’en préoccuper. Son « Plan de
modernisation de l’État québécois » (Secrétariat du Conseil du trésor 2004) a mis en
place les premiers jalons d’un programme visant à ce que la fonction publique
québécoise devienne un employeur de choix. Les ressources humaines sont au cœur
de cette réforme, car elles constituent un facteur essentiel dans l’atteinte d’une plus
grande efficacité de l’État. De plus, certaines caractéristiques sont exigées des futurs
employés de l’État, dont, notamment, une polyvalence accrue, des compétences
diversifiées et la mobilité autant à l’intérieur des équipes de travail qu’entre les
ministères et organismes (MO). En outre, il est prévu dans le plan de modernisation de
l’État québécois de permettre aux employés de perfectionner leurs compétences et de
leur offrir des perspectives de carrière intéressantes. La reconnaissance et la
valorisation des travailleurs font également partie des objectifs de ce plan d’action. Par
ailleurs, l’harmonisation de la vie personnelle et professionnelle étant une valeur
associée à la nouvelle génération, le plan propose également des aménagements du
temps de travail. Cependant, pour intéresser les jeunes travailleurs à venir s’intégrer
aux équipes composant la fonction publique québécoise, il est essentiel que l’État
s’assure d’être en mesure de répondre adéquatement aux besoins et aux aspirations de
la nouvelle génération.
       Pour ce faire, le mandat confié par le Secrétariat du Conseil du trésor du
gouvernement du Québec consistait à déterminer et à expliquer les facteurs d’attraction
et de rétention qui incitent les jeunes à travailler au sein de la fonction publique
québécoise. La collecte des données a été réalisée à l’aide de deux questionnaires
auprès de jeunes fonctionnaires (moins de 35 ans au 30 septembre 2007) et d’étudiants
universitaires. Ces premières données ont ensuite été complétées et affinées par dix
entrevues individuelles avec des directeurs des ressources humaines et des
gestionnaires expérimentés et par les travaux de trois groupes de discussion regroupant
des jeunes fonctionnaires, des universitaires et des gestionnaires.

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Le présent rapport situe d’abord plus précisément la problématique dans son
contexte pour ensuite mettre en lumière les objectifs de cette enquête. Après une revue
de littérature détaillée qui s’attarde à tous les éléments pertinents à cette problématique
(chapitre 3), nous présentons la méthodologie de recherche au chapitre 4. Dans les
deux chapitres suivants, nous analysons les résultats obtenus au cours de l’enquête
(chapitre 5) pour poursuivre avec une série de recommandations visant à améliorer
l’attraction de jeune personnel et sa rétention dans la fonction publique québécoise
(chapitre 6).

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2. Contexte, problématique et objectifs

       Présentons d’abord le contexte qui a donné lieu à la problématique d’attraction et
de rétention des jeunes dans la fonction publique québécoise ainsi que les objectifs de
recherche qui seront poursuivis.
   2.1    Contexte et problématique
      Depuis plus de vingt ans, la mondialisation des marchés et ses effets sur les
entreprises sont des sujets qui préoccupent les intervenantes et les intervenants de la
vie économique québécoise. Les progrès technologiques, les modifications des
comportements sociaux, les changements démographiques et les conditions
économiques sont autant de phénomènes ayant des impacts majeurs sur l’économie de
la province. Ils s’avèrent être aussi des « agents provocateurs », des véhicules de
changements fondamentaux qui se répercutent sur le marché du travail. Pour mieux
adapter la gestion des entreprises privées et celle de la fonction publique à cette
nouvelle réalité, il faut aussi considérer un phénomène plus ténu qui influe tout de
même de façon importante sur leurs activités : la transformation des ressources
humaines.
         En raison des effets découlant de changements démographiques caractérisés,
entre autres, par le vieillissement de la population et le faible taux de natalité au
Québec, la gestion des ressources humaines fait face à de nouveaux défis. La nouvelle
donne de la main-d’œuvre rend de plus en plus difficile le recrutement, en nombre
suffisant, de candidates et de candidats de qualité. Il est tout aussi ardu pour les
employeurs de garder ceux-ci à leur service, de bien répondre à leurs attentes et de
gérer efficacement les écarts qui existent entre les diverses générations au sein du
personnel. Pour bien se préparer à relever ces nouveaux défis, il importe donc de
s’attarder quelque peu sur chacun des phénomènes qui ont refaçonné le marché du
travail.
Vieillissement de la population et déclin démographique
       Dans la plupart des pays occidentaux, les représentants de la génération du
baby-boom, nés entre 1946 et 1964, s’approchent peu à peu de l’âge de la retraite. Le
départ de la vie professionnelle active de ces personnes qui ont dominé le marché du
travail durant de nombreuses années enclenchera une série de transformations
profondes du bassin de la main-d’œuvre. Ces départs à la retraite seront aggravés par
le déclin démographique et l’effondrement progressif du taux de natalité. Tous les
secteurs de l’économie feront face à la sortie de cette génération de la vie active, et la
fonction publique n’échappera pas à la règle. En comparaison avec plusieurs pays
d’Europe, le vieillissement de la population est un phénomène relativement récent au
Québec : la mutation de la société québécoise a véritablement débuté en 1996 (Audet,
2004), plus de trente ans après que le processus eut été enclenché en 1963 en France.
Par contre, le phénomène se déroule ici à un rythme très rapide. On estime d’ailleurs
que le Québec atteindra en trente ans un taux de vieillissement comparable à celui que
la France a vécu sur une période de soixante-dix ans.

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Statistique Canada indique dans le recensement de 2006 que le nombre de
Canadiens âgés de 65 ans ou plus a augmenté de 11,5 % au cours des 5 dernières
années; pour la même période, la valeur de la tranche de la population regroupant les
enfants de moins de 15 ans a subi une diminution de 2,5 %. Le nombre de personnes
âgées de 55 à 64 ans – pour beaucoup, des travailleurs près de la retraite – n’a jamais
été aussi important au Canada, atteignant près de 3,7 millions d’individus, ce qui
équivaut à 15,3 % de la population active – une hausse d’environ 4 % par rapport à la
donnée de 2001. De plus, il est à prévoir que le nombre de personnes composant cette
dernière catégorie d’âge croîtra davantage au cours des prochaines années et qu’il
représentera dès 2016 plus de 20 % de la population d’âge actif, c’est-à-dire que plus
de 1 travailleur potentiel sur 5 sera alors âgé de 55 à 64 ans.
        Le ratio établi entre les individus sur le point de faire leur entrée sur le marché du
travail (les 15-24 ans) et ceux près de cesser leurs activités professionnelles (les 55-
64 ans) donne en 2006 une valeur de 1,1; cela signifie qu’il y a un peu plus d’une
personne prête à entrer sur le marché du travail pour chaque travailleur en âge de
quitter son emploi et de prendre sa retraite. En 1976, ce ratio était de 2,3.
        Au Québec, le constat est le même. Selon les projections de l’Institut de la
statistique du Québec (2009), les personnes de 65 ans et plus représentent, en 2006,
14 % de la population du Québec. Cette proportion devrait doubler pour atteindre 28 %
en 2056. De fait, les moins de 19 ans verront leur part connaître une faible baisse
(passant de 22,6 % à 19,5 % pour la même période) et les personnes en âge de
travailler (20-64 ans) devraient, pour leur part, connaître une diminution de leur poids
(de 63,4 % à 52,5 %). En prenant un autre repère, celui de l’âge médian (indicateur qui
divise la population en deux portions égales), le constat reste inchangé. Selon l’Institut
de la statistique du Québec (2009), en 1986, l’âge médian de la population du Québec
était de 31,8 ans; il est ensuite passé à 40,5 ans en 2006 et devrait s’élever à 46,4 ans
en 2056.
       Selon le scénario de croissance moyenne des projections démographiques, il est
prévu qu’il y aura au Canada, d’ici une dizaine d’années, un nombre insuffisant de
nouveaux travailleurs et travailleuses2. En effet, Statistique Canada prévoit que, d’ici
2016, le nombre de nouveaux travailleurs ne sera pas suffisamment élevé pour
remplacer ceux qui prendront leur retraite, créant ainsi les conditions propices à
d’importantes pénuries de main-d’œuvre au cours de la prochaine décennie. De
surcroît, la participation des jeunes au marché du travail semble également avoir chuté :
demeurant à l’école plus longtemps qu’avant, ils rejoignent les rangs de la population
active à un âge un peu plus avancé que leurs prédécesseurs (Clarke, 2001), ce qui
entraîne un changement fondamental dans la transition des jeunes vers le marché de
l’emploi.
       L’apparition récente de cette mutation démographique du tissu social québécois
explique sans doute pourquoi les chercheurs d’ici commencent à réfléchir à ce
phénomène et à ses conséquences possibles sur l’avenir social et économique du
Québec. Jusqu’à présent, et contrairement à ce que l’on constate en France et dans
plusieurs autres pays européens, les études sur les valeurs des jeunes Québécois

2. Nous utiliserons dorénavant la forme masculine afin de ne pas trop alourdir le texte.

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relativement à leur emploi sont rarissimes. Une prise de conscience s’amorce toutefois,
entre autres à propos des défis que poseront l’attraction et la rétention de la main-
d’œuvre dans le secteur privé. Selon un sondage réalisé en 2002 par la Fédération
canadienne de l’entreprise indépendante, 73 % des PME québécoises prévoient faire
face prochainement à des problèmes de recrutement liés à une pénurie de main-
d’œuvre qualifiée. De nombreux employeurs estiment qu’il est primordial de s’engager
aujourd’hui dans une planification à long terme non seulement afin de bien combler les
besoins actuels en matière de main-d’œuvre, mais également pour anticiper avec
justesse les besoins futurs (Conference Board du Canada, 2000).
        Devant ces faits, le constat suivant s’impose. Lorsqu’il s’agira de tenter d’attirer et
de retenir les jeunes travailleurs compétents, la rareté de la main-d’œuvre va de plus en
plus créer une vive concurrence entre les employeurs. Cette concurrence accrue se
traduit aujourd’hui par un accroissement des mesures incitatives comme des primes à la
signature du contrat de travail, des salaires élevés, des options d’achat d’actions, des
primes d’intéressement, etc. Pour éviter d’éprouver de nombreuses difficultés de gestion
des ressources humaines, il est essentiel que la fonction publique québécoise prenne
connaissance des valeurs que les jeunes diplômés et les jeunes adultes associent au
travail et à leurs projets de carrière. En tant qu’employeur, la fonction publique
québécoise subira fortement, tout comme les entreprises privées et les autres
organisations, les effets du vieillissement de la population au cours des prochaines
années. Il est estimé que, d’ici dix ans, 26 000 fonctionnaires (soit 40 % du personnel de
la fonction publique et 60 % des cadres) auront pris leur retraite (Secrétariat du Conseil
du trésor, 2004). En ce qui a trait aux professionnels et aux enseignants, c’est 38 % de
l’effectif qui devra être remplacé. Compte tenu que les employés âgés de moins de
35 ans ne comptent que pour 15,7 % de l’effectif de la fonction publique québécoise,
tout porte donc à croire que, dans un avenir rapproché, cette dernière fera face à un
sérieux problème de relève. En effet, il est prévu que, d’ici 2019, la fonction publique
québécoise embauchera 15 000 nouveaux employés3, ce qui représente un défi de
taille. Si l’État québécois désire continuer à compter sur une main-d’œuvre de qualité,
expérimentée et qualifiée, il se doit d’être bien préparé à relever ce défi. Afin de contrer
avec succès la concurrence dans les processus d’attraction et de rétention des jeunes
diplômés, l’État devra chercher à mieux comprendre les valeurs que les jeunes adultes
associent au travail, à leur carrière et à la vie personnelle. Forte de cette meilleure
compréhension des attentes de la nouvelle génération de travailleurs, il sera plus facile
à la fonction publique québécoise d’adapter en conséquence ses pratiques de gestion
des ressources humaines et de proposer à son personnel des conditions de travail qui
répondront mieux à ses besoins.

3. Message de Mme Monique Gagnon-Tremblay, 2009. Disponible à l’adresse suivante :
http://www.carrieres.gouv.qc.ca/decouvrir-la-fonction-publique/vue-densemble/message-de-mme-
monique-gagnon-tremblay-presidente-du-conseil-du-tresor-et-ministre-responsable-de-ladministration-
gouvernementale/index.html

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Nouvelle génération au travail
        Cette génération de jeunes travailleurs entre sur le marché du travail en ayant
une vision du milieu différente de celle de ses aînés, notamment en matière de valeurs,
d’attentes et de demandes. Selon une étude publiée en 2002 par Ressources humaines
et Développement des compétences Canada (RHDCC), il existe un écart grandissant
entre les valeurs professionnelles et les valeurs de vie des jeunes qui arrivent sur le
marché du travail et celles partagées par leurs gestionnaires et leurs superviseurs.
L’étude de RHDCC indique d’ailleurs que cet écart soulève des questions importantes
quant à la façon dont les employeurs conçoivent les emplois et recrutent les nouveaux
effectifs.
       Outre le fait qu’ils utilisent davantage et avec plus de facilité les technologies
hautement sophistiquées, les jeunes de la génération Y, nés entre 1977 et 1997, se
distinguent de leurs aînés en partageant des valeurs communes dans lesquelles on
trouve un plus grand désir de coopération et de participation, ce qui peut dénoter une
envie de se réaliser et d’apporter une contribution significative à leur environnement
immédiat (Ouimet, 1990). Tout en recherchant une plus grande souplesse dans les
horaires de travail, ils aspirent aussi à la possibilité d’avoir une carrière internationale et
ils souhaitent bénéficier de promotions rapides (Society of Management Accountants of
Canada, 1999). Toutefois, même si la majorité des études montrent que le travail
occupe une grande place dans la vie des jeunes, l’importance que ces derniers
confèrent à cette valeur est beaucoup moindre qu’elle ne l’était pour les générations
précédentes au moment des grandes mutations du travail des années 80 (Galland et
Roudet, 2001). Cela s’explique par le fait que le système de valeurs de la génération Y
repose davantage sur les droits que sur les responsabilités et le devoir. Tout comme la
majorité des jeunes de par le monde, les Québécois mettent la famille à l’avant-plan de
leurs préoccupations. En effet, selon une enquête internationale qui s’intéresse aux
valeurs prônées par les jeunes de différentes régions du monde (Inglehart, Basanez et
Moreno, 1998), il ressort que la famille demeure la valeur qui a le plus d’importance à
leurs yeux. Cette nouvelle main-d’œuvre aime donc bouger pour les bonnes raisons; un
jeune travailleur n’hésitera pas à changer d’horizon et à quitter un emploi pour un autre,
surtout s’il considère qu’il obtiendra ainsi un meilleur équilibre entre vie professionnelle
et vie personnelle.
       Jusqu’où les jeunes diplômés sont-ils prêts à aller pour trouver satisfaction et
épanouissement sur le marché du travail? Le sentiment d’appartenance à l’organisation
pourrait-il compenser certaines déceptions subies dans le travail? Quelles sont les
valeurs et les attentes que l’employeur peut favoriser pour être au diapason de cette
nouvelle génération? Pour avoir des germes de réponse à ces questions, il faut donc,
d’une part, chercher à mieux comprendre les valeurs que les jeunes adultes associent
au travail et à leur vie personnelle et professionnelle. D’autre part, il est nécessaire de
découvrir les caractéristiques qu’ils recherchent dans le milieu de travail et chez
l’employeur. Enfin, même si la génération Y ne s’annonce pas plus difficile à gérer que
les précédentes, il est nécessaire d’adapter le style de gestion traditionnel et les
pratiques courantes en matière de gestion des ressources humaines (Eisner, 2005) afin
de satisfaire les attentes de ces jeunes travailleurs sur des sujets comme les conditions
de travail, l’évaluation des compétences et le système de rémunération. Afin de mieux

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répondre à la nouvelle génération de la main-d’œuvre, il est donc primordial que la
fonction publique effectue un travail de réflexion sur ces questions déterminantes pour
le futur.
Choc des générations
        Aujourd’hui, une première dans l’histoire du travail se produit sous nos yeux :
quatre générations se côtoient sur le marché de l’emploi. Chacune d’elles véhicule ses
propres valeurs, sa vision de l’autorité, son approche particulière du travail, une
perception différente quant à l’importance de la communication et des attentes qui
varient quant au leadership et à l’environnement de travail (Allen, 2004). Ce choc des
générations engendre ainsi une nouvelle réalité sur le marché du travail, à savoir un
besoin évident d’harmonisation des rapports intergénérationnels; les écarts entre ces
groupes se traduisent surtout dans les relations interpersonnelles, dans leurs façons de
travailler et dans la compréhension des valeurs, des besoins et des attentes de chaque
génération. Selon Audet (2004), on doit gérer à différents niveaux le pont entre les
générations. Tout d’abord, dans l’optique du partage des connaissances, il faut en
favoriser la transmission et le renouvellement afin d’éviter « l’amnésie
organisationnelle ». La capitalisation des savoirs passe notamment par l’inventaire des
connaissances et du savoir-faire et par l’identification des personnes et des réseaux
(formels et informels) qui sont détenteurs de ces savoirs. Il faut ensuite en faire
l’évaluation pour déterminer avec justesse leur importance stratégique respective. La
conception d’outils de capitalisation des savoirs, de partage et de renouvellement des
connaissances constitue une approche efficace dans la bonification de la gestion de la
relève. Les gestionnaires, par ailleurs, jouent un rôle primordial dans la construction de
l’expérience de travail des jeunes employés et dans les relations qu’ils entretiennent
avec leurs collègues plus âgés. Ils doivent donc adapter leur style de gestion aux
différentes générations et fournir une formation en tenant compte du mode
d’apprentissage de chacune d’entre elles. Pour parer au surgissement d’éventuels
conflits entre les diverses générations composant leurs effectifs, il est aussi crucial qu’ils
mettent en œuvre des pratiques informelles de transfert et d’entraide, notamment en
revoyant le rôle du chef d’équipe. L’adaptation des pratiques de gestion des ressources
humaines ainsi que la transformation du rôle des gestionnaires et des syndicats aideront
à relever les défis qui découlent des nouveaux rapports intergénérationnels. Il est
important enfin de déterminer les conditions et les facteurs clés de succès afin
d’améliorer la capacité de la fonction publique à attirer et à maintenir en poste de jeunes
travailleurs. Elle sera ainsi mieux préparée à relever le défi de la gestion
intergénérationnelle (Pelchat et al., 2003).
Différences entre le privé et le public
       Une enquête effectuée en 2001 par Les Associés de recherche EKOS inc.
souligne que les divers paliers de la fonction publique (fédéral, provincial et municipal)
souffrent de l’image négative qu’ils projettent dans la population. Ces instances
apparaissent aux yeux des jeunes comme des lieux de travail contraignants où la
routine est reine, qui laissent peu de place à l’épanouissement professionnel de
l’employé. À l’inverse, ils perçoivent les entreprises du secteur privé comme des
endroits où ils pourront révéler leurs aptitudes et perfectionner leurs compétences en se
mesurant à de nombreux défis intellectuels; les grandes occasions d’avancement et les

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systèmes de récompenses pécuniaires (formes de reconnaissance) sont aussi très
appréciés.
Plan de modernisation de l’État québécois
        Ainsi, après des années de rationalisation, de recrutement limité, de gels
salariaux et de compétitivité accrue de la part des autres secteurs de la société, la
fonction publique québécoise a besoin d’élaborer de nouvelles façons d’attirer les
éventuels employés de qualité. L’aptitude à attirer ces personnes de qualité revêt une
importance cruciale pour assurer la compétitivité de la province. Le Secrétariat du
Conseil du trésor, en énonçant le « Plan de modernisation de l’État québécois » (2004),
a mis en place les premiers jalons d’un programme visant à ce que la fonction publique
québécoise devienne un employeur de choix. Les ressources humaines sont au cœur
de cette réforme. Elles deviendront un facteur essentiel dans l’atteinte d’une plus grande
efficacité de l’État. Ce rapport énonce aussi les caractéristiques recherchées chez les
futurs employés du secteur public, dont, entre autres, la détention de compétences
diversifiées, une polyvalence accrue et une grande mobilité autant à l’intérieur des
équipes de travail qu’entre les différents ministères ou organismes. De plus, le
Secrétariat du Conseil du trésor reconnaît quatre principales valeurs organisationnelles,
à savoir le sens de l’État, l’importance de la personne, l’innovation et l’action. Ce plan de
gestion des ressources humaines place le travailleur, comme être humain, au premier
plan de la stratégie. Tout en poursuivant le renouvellement de l’effectif, on veut
permettre aux employés de perfectionner leurs compétences, assurer le transfert des
connaissances et de l’expertise, reconnaître et valoriser la contribution du personnel et,
enfin, offrir des perspectives de carrière intéressantes. En outre, elle a mis sur pied le
Centre québécois du leadership dont les responsabilités sont dorénavant assumées par
le Centre de leadership et de développement des compétences (CLDC). En ce qui a
trait à la gestion des ressources humaines, la redéfinition de la prestation des services
et l’amélioration du système d’information de gestion font également partie des objectifs
de ce plan.
        Par ailleurs, un volet de ce programme s’adresse précisément aux jeunes
travailleurs. Étant donné que l’obtention d’un bon équilibre dans la place accordée
respectivement au travail et à la famille est une valeur essentielle pour la nouvelle
génération, le plan propose de faciliter les aménagements du temps de travail; il offre
aussi aux employés la possibilité de se prévaloir de différents congés. Enfin, si la
fonction publique québécoise souhaite relever avec succès les défis qui se présenteront
à elle dans le futur, elle devra compter sur une planification adéquate des ses effectifs
pour bien définir ses besoins et ses ressources et pour mettre en place une structure
d’emploi souple et adaptée. Ces réformes, associées au renouvellement du cadre
normatif (actualisation des valeurs, du processus de dotation des emplois et du statut de
fonctionnaire), devraient permettre à la fonction publique québécoise de faire face aux
nouvelles réalités du marché du travail et, par le fait même, de se positionner
favorablement aux yeux des jeunes travailleurs en tant qu’employeur de choix.
      Mais ces mesures seront-elles suffisantes? Sont-elles bien ciblées? Sont-elles
simplement le reflet des préjugés que nous avons à l’égard de cette génération?
Compte tenu que la fonction publique aura plus de 15 000 postes à pourvoir au cours
des prochaines années, il est essentiel de faire une étude qui permettra de connaître

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avec exactitude les actions que la fonction publique québécoise doit accomplir pour
s’assurer de répondre à ses besoins pressants d’une main-d’œuvre de qualité. Après
l’embauche, il faudra aussi tout faire pour retenir cette nouvelle main-d’œuvre afin
d’atteindre les objectifs de performance fixés par le Secrétariat du Conseil du trésor.
   2.2    Objectifs
       Cette recherche a pour objectif principal de mettre en lumière les éléments qui
permettront au Secrétariat du Conseil du trésor de concevoir une stratégie visant à
positionner la fonction publique comme un employeur de choix. Pour y parvenir, une
enquête a été effectuée auprès de jeunes adultes afin de prendre connaissance des
facteurs qui les attirent et de ceux qui les retiennent chez un employeur et, plus
particulièrement, dans la fonction publique québécoise. En effet, nous avons porté une
attention spéciale à la perception qu’ont les jeunes Québécois du travail effectué au
service de l’État. Si certaines études empiriques précisent déjà quelques facteurs
d’attraction et de rétention chez les jeunes, aucune d’entre elles n’a été menée auprès
de la fonction publique du Québec. C’est pourquoi il est pertinent de réaliser cette étude
pour mieux reconnaître les valeurs privilégiées par les jeunes adultes de la société
québécoise.
       Après avoir déterminé et analysé ces facteurs, il sera possible pour la fonction
publique québécoise de mettre au point une stratégie de gestion des ressources
humaines qui l’aidera à se positionner favorablement sur le marché de l’emploi. La
fonction publique pourra donc être considérée comme un employeur de choix, c’est-à-
dire un employeur qui répond aux besoins et aux aspirations des travailleurs et, ainsi,
maintient au sein de ses effectifs une augmentation de la mobilisation et de la
satisfaction au travail. Pour y parvenir, nous avons tenté de trouver des réponses aux
questions de recherche suivantes :
          -   Quels sont les facteurs d’attraction et de rétention des jeunes adultes dans
              la fonction publique québécoise?
          -   Quelles sont les caractéristiques du travail que les jeunes adultes
              recherchent auprès d’un employeur?
          -   Quelles sont les valeurs et les aspirations relatives au travail privilégiées
              par les jeunes adultes et les étudiants universitaires québécois?
          -   En comparaison avec le secteur privé, quels intérêts les étudiants
              universitaires démontrent-ils quant à une carrière possible dans la fonction
              publique québécoise?

        Nous espérons que, à la suite de la lecture de ce rapport, vous trouverez des
réponses satisfaisantes à ces quelques interrogations. Ainsi, la fonction publique
québécoise possédera les outils nécessaires pour faire face aux défis que devra relever
la gestion des ressources humaines dans un marché de l’emploi maintenant caractérisé
à la fois par la diminution d’une main-d’œuvre qualifiée et par l’arrivée massive de
travailleurs appartenant à la génération Y.

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3. Méthodologie

    Au chapitre 2, nous avons noté la transformation du marché du travail québécois,
largement attribuable au vieillissement constant de la population active. Ce phénomène
a bien sûr un impact important sur le bassin de main-d’œuvre disponible, dont le
rétrécissement se fait déjà sentir. Tout porte à croire que la fonction publique
québécoise subira fortement les effets de ce vieillissement et qu’elle fera face dans un
avenir rapproché à un sérieux problème de relève. L’État est à la recherche de futurs
employés hautement qualifiés, d’une grande polyvalence, compte tenu de leurs
compétences diversifiées, et pouvant faire preuve de mobilité autant à l’intérieur des
équipes de travail qu’entre les ministères.
       Cette recherche ayant pour objectif principal de mettre en lumière les éléments
qui permettront au Secrétariat du Conseil du trésor de concevoir une stratégie visant à
positionner la fonction publique québécoise comme un employeur de choix, il est
primordial de déterminer les actions qui lui permettront de répondre adéquatement aux
besoins et aux aspirations de la nouvelle génération. Le Secrétariat du Conseil du trésor
du gouvernement du Québec souhaitait approfondir cet axe de réflexion auprès de deux
bassins de main-d’œuvre distincts. Le mandat consistait donc à : 1) indiquer les facteurs
qui incitent les jeunes adultes travaillant actuellement pour la fonction publique
québécoise à y rester ou, inversement, ce qui les amène à vouloir quitter leur emploi; et
2) préciser les valeurs et les attentes des étudiantes et étudiants universitaires qui
représentent une partie importante de la population cible du recrutement de la fonction
publique.
   3.1    Cadre conceptuel
       Nous savons que les pratiques de gestion des ressources humaines ne suffisent
pas à elles seules à expliquer la décision des employés de rester dans une organisation
ou de la quitter. Des caractéristiques sociodémographiques déterminent aussi ce choix.
Pour satisfaire les besoins de la fonction publique québécoise, cette étude nécessite un
cadre théorique qui met en relation autant les pratiques de gestion des ressources
humaines que l’ensemble des aspects qui influent sur la perception des individus quant
à leur milieu de travail ainsi que leurs préférences individuelles.
       Les caractéristiques psychologiques sont des dimensions importantes qui
permettent d’expliquer certaines attitudes des salariés envers leur travail (Brown, 1996;
Chang, 1999; Igbaria et Guimaraes, 1999). Les individus ont des attentes relativement à
leur emploi, et leurs comportements dépendent de la concordance entre ces attentes et
leur perception de la réalité.
       Plusieurs études ont d’ailleurs indiqué que les attentes des travailleurs envers un
emploi agissent sur diverses dimensions : l’implication au travail, l’implication à l’emploi,
l’engagement à la carrière, l’engagement organisationnel et la satisfaction au travail.
Bien que liées entre elles, ces cinq dimensions nous renvoient à des aspects distincts
de la vie professionnelle (Aryee et Tan, 1992; Garand, 2004). Ces concepts prennent en
considération le fait que les individus font vraiment une distinction entre leur emploi, leur
organisation, leur profession et le travail. Il convient donc ici de définir plus en détail ces

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