Les jeunes loups de La Nuit - Yves-Gérard Benoît - Érudit

 
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Les jeunes loups de La Nuit - Yves-Gérard Benoît - Érudit
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Liaison

Les jeunes loups de La Nuit
Yves-Gérard Benoît

Montréal
Number 67, May 1992

URI: https://id.erudit.org/iderudit/42715ac

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Publisher(s)
Les Éditions l'Interligne

ISSN
0227-227X (print)
1923-2381 (digital)

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Benoît, Y.-G. (1992). Les jeunes loups de La Nuit. Liaison, (67), 5–7.

Tous droits réservés © Les Éditions l'Interligne, 1992                   This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit
                                                                         (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be
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Les jeunes loups de La Nuit - Yves-Gérard Benoît - Érudit
Le vendredi 6 mars 1992. Émission d'in-       d'être renversées. Ils entonnent en coeur
formation régionale de CBON-Sudbury.           Viens nous voir, le célèbre chant devenu
Table ronde de la nostalgie. Robert           complainte rock 'n' roll grâce à l'énergie
Dickson, Paulette Gagnon et Réjean            débridée du groupe Brasse Camarade.
Grenier : où est passée l'âme de La Nuit      La salle est hot. Le public, comme dans
sur l'étang ? Ils étaient tous là lors des    le bon vieux temps, vient de partout en
premières Nuits. Événement créé dans          Ontario et ça fait un bon moment que le
l'effervescence de la contre-culture          party est commencé ! Sachant qu'ils
franco-ontarienne. Festival des arts où       n'auront pas accès au bar, plusieurs ont
tout était permis. Avant l'intervention de    déjà une bonne dose d'énergie électri-
la technologie et de la diffusion en direct   que dans les veines et crient leur joie
qui allait rendre le tout chronométré,        d'être là. Ils n'ont plus les cheveux longs
prédigéré. Plus de place à l'improvisation.   et le joint facile, mais ils sont de leur        Nathalie Dicaire
Le spontané                                                                époque : ils
relégué aux                                                                aiment le rock
oubliettes.                                                                électrique, la      Josée Gauvreau

 A écouter ces
                       LES JEUNES                                          bonne bière, les
                                                                           jeans serrés et      Josée Lajoie
                                                                           déchirés là où il

                       LOUPS
 monuments de
 la culture, on se                                                         faut.
 prend à rêver
 d'immuabilité.                                                      Pour un vieux
                                                                                               Carine Karkour
 Ce serait donc
 beau si on avait      DE LA NUIT                                    comme   moi (!),
                                                                     le spectacle est
 pu arrêter le                                                       plus dans la
temps. Si on                                                         salle que sur la
avait pu cesser         PAR Y V E S G E R A R D B E N O I T          scène. À voir              Yves Doyon
de vieillir. On                                                      autant        de
aurait encore                                                        beaux garçons
aujourd'hui les cheveux longs et le goût et de belles filles, pétants d'énergie et de
                                                                                                Sylvain Fleury
de la musique psychédélique. On lirait joie de vivre, je ne peux que conclure
des poèmes romantiques et politiques que l'âme de La Nuit sur l'étang existe                   Marc Girouard
en se projetant sur le corps des diapos bel et bien, malgré les gadgets, les écrans
colorées à la main. Marcel Aymar chan- vidéos, les caméras et les chronomè-
terait l'hymne franco-ontarien et on rêve- tres. Ce sont eux, dans la salle et sur
 rait qu'à jamais le temps s'arrête. Que scène, les jeunes loups de La Nuit.
toujours dure La Nuit.
                                           Pour ceux qui préfèrent l'ambiance des
 Me parviennent les effluves du hash discothèques à celle des salles parois-
qu'on fumait à pleine pipée comme un siales, ce soir, ils sont servis. La Nuit sur
calumet. Communion de l'esprit collectif l'étang tient plus du spectacle rock que
qui s'embrasait aux rythmes des chan- du rassemblement nationaliste. Mais si
sons endiablées de Robert Paquette. Je j'ai habituellement horreurdes drapeaux,
n'y étais pas. Je ne fais pas partie de la celui qui flotte, déployé par les jeunes
génération des pionniers. Trêve de nos- trépignant près de la scène, parle d'une
talgie. La plupart des spectateurs de fierté qui se communique. Les Franco-
cette année n'étaient pas encore nés Ontariens ont bien changé. Ils n'ont pas
quand André Paiement a lâché, en 1971, vieilli. Gare aux brebis égarées !
son cri du coeur : Moé, j'viens du Nord,
 'stie !                                   Il n'y a pas que des loups à La Nuit sur
                                           l'étang. Après le chant d'ouverture, trois
Le samedi 7 mars 1992. Grand Théâtre louves envahissent la scène, présen-
de Sudbury : 1 200 jeunes gens se tées par le M.C. radio-canadien, Serge
préparent à célébrer «leur» Nuit sur Olivier : Nathalie Dicaire, Josée Lajoie et
l'étang. Entourés par les caméras de Josée Gauvreau. La salle vire au jaune
télévision qui craignent à tous moments et au rouge. La lune est pleine et les

                                                                                                   LIAISON, mai 1992   5
Les jeunes loups de La Nuit - Yves-Gérard Benoît - Érudit
rythmes de la séduction ont du punch et       mer de corps devant nous. Les vieux
                                 des nuances. La scène est envahie par         copains qu'on retrouve. Les yeux vifs et
                                 une vitalité qui rappelle que les femmes      les longues embrassades. La bière coule
                                 amènent un souffle nouveau sur la scène       à flot. Un seul regret : le volume est
                                 franco-ontarienne. Pour un temps, La          tellement fort qu'on peut à peine se
                                 Nuit sur l'étang oublie d'être macho !        parler. L'âme de La Nuit, c'était aussi les
                                                                               conversations à bâtons rompus dans la
                                 Elles sont jeunes et elles savent où elles    caf de l'auditorium Fraser. La soirée
                                 vont. Leur musique est musclée, fran-         n'est décidément plus sous le signe de la
                                 che, efficace. Le mariage des voix est        parole. La musique envahit tout. Par-
                                 impressionnant et leur approche directe       tout.
                                 touche le public.
                                                                               Plusieurs artistes se succèdent sur
                                 Cette année, La Nuit appartient aux grou-     scène : Nuit, Libéros, Rodéo Drive. Rien
                                 pes. Pour briser l'isolement, on choisit de   de far out. Le volume est tellement fort
                                 travailler ensemble. Ça rappelle drôle-       qu'on perd les mots. Les chansons pour-
                                 ment les débuts de la chanson franco-         raient être en anglais qu'on ne le saurait
                                                                                            pas. En attendant que Carine
                                                                                            Karkour monte sur scène, je
                                                                                            retourne au bar. J'y aperçois
                                                                                            Josée Gauvreau. Comment
                                                                                            se sent-on lorsqu'on ouvre
                                                                                            La Nuit sur l'étang, la veille
                                                                                            de la Journée internationale
                                                                                            des femmes ? «C'est tout un
                                                                                            honneur. Personnellement,
                                                                                            c'est ma première Nuit. Je
                                                                                            n'y suis jamais venue comme
                                                                                            spectatrice. Je m'étais jurée
                                                                                            qu'à ma première Nuit, je
                                                                                            serais sur scène. On est
                                                                                            super contentes. Chanter à
                                                                                            trois, c'est triplement tripant.
                                                                                            C'est le premier spectacle
                                                                                            qu'on donne ensemble.
                                                                                            Toute une première ! Le
                                                                                            public est tellement géné-
                Josée Lajoie,    ontarienne. Serait-ce là que se trouve        reux. C'est différent des concours où tu
              Nathalie Dicaire   l'âme de La Nuit ? Les trois femmes qui       te sens isolée et scrutée. C'est le public
          et Josée Gauvreau      inaugurent la soirée ont commencé leur        de La Nuit qui fait le show. On avait peur
                                 carrière solo. Elles sont toutes trois pas-   à cause des problèmes de sonorisation,
                                 sées par le Concours Ontario pop ou le        mais on sent que notre show a passé la
                                 Festival de Granby. Comme pour les            rampe. Ça fait du bien».
                                 autresauteurs-compositeurs-interprètes,
                                 au lendemain des concours, rien n'est         Un vent chaud souffle sur le Grand
                                 facile. En unissant leurs talents, elles      Théâtre. Carine Karkour. Cette jeune
                                 catapultent leur amour du métier au fir-      chanteuse originaire du Liban en est
                                 mament de La Nuit.                            à sa première apparition à La Nuit sur
                                                                               l'étang. Elle se sent bien et ça se sent.
                                 Après les éclairs dans la voix du trio        Elle est directe avec son public. Elle
                                 incandescent, après les oreilles enva-        nous amène ailleurs. Ses mélodies sont
                                 hies de batterie et de synthé, je me laisse   enivrantes. On se prend à rêver au soleil
                                 couler vers le bar. Accueilli par les gars    du Moyen-Orient. Sa voix est forte et
                                 de Brasse Camarade qui se frottent à          sinueuse; on a vraiment l'impression
                                 leurs instruments. Guitare, basse et bat-     d'être en présence d'une très grande
                                 terie. Les pulsations s'accélèrent. Une       chanteuse qui sait ce qu'elle veut. Elle

6 LIAISON, mai 1992
sait s'entourer. Les musiciens et les cho-      auraient pu se faire enterrer par les hur-
ristes qui l'accompagnent sont excel-           lements du public, mais voilà que la
lents. Le saxophone se marie à sa voix          magie s'opère. Avec humour etfraîcheur,
chaude. Les rythmes lascifs nous enva-          Speedbois ravit le public. C'est vraiment
hissent.                                        la surprise de la soirée. Les trois snoros
                                                - Yves Doyon, Marc Girouard, Sylvain
 Ce qui me touche dans le spectacle de          Fleury - élucubrent sur des thèmes de la
 Carine Karkour, ce n'est pas tellement         vie quotidienne et s'amusent décidément
 l'exotisme. C'est plutôt de sentir une         beaucoup. Des mots sans conséquence
 démarche très personnelle chez l'artiste.      habitent une musique qui tranche avec le
 «Je chante sérieusement depuis 16 ans.         reste de La Nuit. On retrouve les racines
Je n'imaginerais pas ma vie autrement.          folk et rigodon, le son acoustique qui
 Si je pouvais chanter tous les jours...        permet soudain d'entendre les voix, d'en-
 C'est une drogue. Une passion. C'est ma        tendre le texte des chansons.
 première Nuit. D'ailleurs, je pensais que
 ça se passait vraiment sur un étang... Ma      Auteur des textes et chanteur, Yves
carrière démarre. J'ai un disque compact         Doyon a une telle présence sur scène
 (avec Ontario Pop) qui sort bientôt. A La      qu'on arrive mal à croire qu'il sagit seule-
 Nuit, j'ai gagné le prix de Radio-Canada       ment de sa troisième prestation avec le
qui va me permettre d'avoir un vidéo            groupe. Formé par hasard lors d'une
 pour la promotion de mes spectacles. Je        soirée «scène ouverte» à l'Université
vais aussi tourner sur scène et, qui sait,      d'Ottawa, Speedbois prend ses mem-
signer avec une compagnie de disque.            bres par surprise. Aucun d'eux
J'espère passer aux semi-finales de             ne s'attendait à se retrouver si
 l'Empire des futures stars au Club Soda.       rapidement sur la plus presti-
Tout ce que je fais est important. J'aime       gieuse scène de l'Ontario fran-
qu'un show soit tight. J'aime qu'il y ait       çais. «Tout va tellement vite.
une communication avec le public. Un            Quand on nous a remis le prix de
feeling. Tu sais, il n'y a rien de facile. Je   l'APCM pour la meilleure chan-
ne vais pas m'arrêter, même si je dois          son, je n'en revenais pas. Et
frapper dix fois à la même porte. J'ai en-      quand on nous a ensuite remis
vie de faire ce métier-là. C'est ma vie».       le prix CBON (d'une valeur de
                                                3 000 $) pour l'enregistrement
 Plusieurs artistes reprocheront à La Nuit      d'un démo, j'ai dû demander à
sur l'étang les limites que leur impose la      l'animateur de m'expliquer ce
diffusion en direct. Ils reconnaissent par      qu'on gagnait. On n'avait même
ailleurs l'importante contribution de           pas pris la peine de s'informer».
 Radio-Canada au spectacle. Le réseau
ontarien de la société d'État contribue à       À voir Speedbois sur scène, on
la visibilité des artistes et les prix remis    retrouve l'esprit initial de La Nuit.
encore cette année (le prix CBON et le          La scène appartient aux jeunes.
prix Radio-Canada) vont permettre aux           C'est leur univers qui se trans-
récipiendaires de s'outiller afin d'affron-     porte sur scène et qui fait swinger
ter les milieux professionnels. Le public,      le public. C'est le délire dans la
par ailleurs, ne prise guère que l'horaire      salle. Les jeunes d'un peu partout en          Carine Karkour
du spectacle ne permette pas de rappel          Ontario se sont reconnus dans ce groupe
et c'est le groupe Speedbois qui a la           à l'énergie débridée. Des jeunes qui rê-       Yves Doyon
tâche ingrate de suivre la prestation           vent de prendre leur place au soleil. De       et Marc Girouard
électrisante (et hystérique) du cousin          conquérir le monde.
québécois Jean Leloup.
                                                Speedbois, Karkour et le trio Dicaire-
Pas facile pour ses trois jeunes snoros         Gauvreau-Lajoie sont certainement les
de rivaliser avec les sons tonitruants de       éléments les plus convaicants de la vita-
l'illustre clown qui les a précédés. Avec       lité qui anime le jeune milieu artistique.
leur guitare, harmonica, batterie et basse      Ils donnent un sens à La Nuit, qui célèbre
électrique (touchée avec l'archet), ils         l'an prochain son vingtième anniversaire.

                                                                                                       LIAISON, mai 1992   7
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