MÉMOIRE POUR UNE LLO MODERNISÉE : dans le sillon de la réforme des langues officielles au Canada Mai 2021
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MÉMOIRE POUR UNE LLO MODERNISÉE : dans le sillon de la réforme des langues officielles au Canada Mai 2021 450, rue Rideau, bureau 405 Ottawa (Ontario) K1N 5Z4 613-241-8770 fccf.ca
Introduction Les langues officielles au Canada se trouvent à un moment charnière. La Loi sur les langues officielles, qui vise l’égalité réelle de statut et d’usage du français et de l’anglais, est indispensable à la protection des langues officielles au pays, à la promotion des communautés de langues officielles et, conséquemment, au développement durable de notre francophonie en milieu minoritaire. Il n’est question de rien moins que de renouveler un projet de société sur des bases nouvelles, plus inclusives de la diversité canadienne. Les communautés francophones en situation minoritaire (CFSM) de la francophonie canadienne et acadienne mesurent toute l’importance des intentions de cette réforme pour son écosystème fragile. Les choix que l’on s’apprête à faire du côté des langues officielles seront déterminants pour le rayonnement de la langue et de la culture française en Amérique du Nord et dans le monde. Ces décisions seront aussi cruciales en vue d’assurer la protection, le développement et l’épanouissement des CFSM. Qui plus est, ces changements devraient permettre le rayonnement de la diversité des expressions culturelles, en plus d’assurer leur mise en valeur et l’accès à celles-ci. Le 19 février 2021, la ministre du Développement économique et des Langues officielles, Mélanie Joly, a déposé le document de réforme Français et anglais : vers une égalité réelle des langues officielles au Canada. Plus de cinquante ans après l’adoption de la Loi sur les langues officielles (LLO), ce document de réforme fait une avancée déterminante dans la formulation des enjeux et problématiques propres aux communautés de langue officielle en situation minoritaire (CLOSM) au pays, dont les communautés francophones et acadienne. Saluant cette démarche, la Fédération culturelle canadienne-française (FCCF) s’est attelée à l’analyse du texte avec sa double lentille de mandat, d’un côté en arts et culture, de l’autre en francophonie canadienne et acadienne. Bon nombre des mesures proposées nous apparaissent favorables tant pour l'écosystème artistique et culturel que pour la francophonie canadienne dans son ensemble. Forte de cette analyse, la FCCF entend contribuer à la réflexion et au travail en cours au sein de l’appareil gouvernemental afin de faire cheminer les intentions structurantes de la modernisation. Elle s’intéresse d’abord à la dimension artistique et culturelle du dossier, tout en souhaitant participer au renouveau du projet de société plus large que suppose l’objet de la réforme. La Fédération culturelle canadienne-française vise cinq objectifs principaux qui doivent impérativement se retrouver dans la prochaine mouture de la Loi. • Garantir le dynamisme pérenne de la langue française afin de soutenir le projet culturel qu’elle sous- tend. • Assurer l’accès à la culture aux communautés francophones en situation minoritaire. • Reconnaître le rôle clé que jouent les institutions des communautés de langues officielles, particulièrement en milieu minoritaire, quant à leur protection, leur promotion et leur pérennité. • Dans la partie VII, préciser le rôle du gouvernement dans l’appui aux institutions canadiennes qui assurent la protection, la promotion et la pérennité des communautés de langue officielle en situation minoritaire en œuvrant dans des secteurs clés pour la vitalité de ces dernières, notamment la culture, l’éducation, l’immigration, la santé et la justice. • Dans la partie VII, souligner l’importance de CBC/Radio-Canada, qui joue un rôle central en matière de protection et de promotion des communautés de langue officielle puisqu’elle assure l’accès aux cultures de ces collectivités. Le présent document se veut un résumé des principes et des modifications essentielles pour une Loi modernisée qui inclut la culture. Il se fonde entre autres sur les affirmations suivantes, auxquelles nous faisons écho ici compte tenu de leur importance et de leur pertinence au regard des questions que soulèvent les intentions du processus. Nous croyons qu’il est important de réaffirmer les liens inhérents entre les principes directeurs de la Charte et les objectifs de la Loi sur les langues officielles. 450, rue Rideau, bureau 405, Ottawa (Ontario) K1N 5Z4 613-241-8770 fccf.ca 2
PREMIÈRE PARTIE : Les principes • La Loi sur les Langues officielles (LLO) est de nature quasi constitutionnelle, tel que statué par les plus hauts tribunaux du pays. La majorité des juges de la Cour suprême se sont entendus dans l’arrêt R. c Beaulac, [1999] 1 RCS 768, para. 788 à 792 : « [sur le fait que] la LLO doit recevoir une interprétation généreuse, et que les droits qu'elle reconnaît entraînent des obligations correspondantes de la part de l'État »1 ; • La Loi sur les Langues officielles (LLO) constitue un prolongement de la Charte et, cela étant, les droits et obligations inscrites dans cette loi sont des émanations des principes directeurs de la Charte en matière de bilinguisme. Elle exprime « certains objectifs fondamentaux de notre société » et qui doivent être interprétées « de manière à promouvoir les considérations de politique générale qui (les) sous‑tendent.2 » • Le paragraphe 16(3) de la Charte est plus qu’une mesure protectrice, car il traduit également « une recherche de l’égalité concrète » entre le français et l’anglais. Cette aspiration « revêt de l’importance pour interpréter la loi3 ». • Il n’y a présentement pas d’égalité réelle entre les institutions culturelles francophones en milieu minoritaire et celles de la majorité en termes de visibilité, d’accès au marché, de financement, etc. Ce faisant, toute mesure visant à favoriser l’épanouissement des institutions culturelles de langues officielles minoritaires doit aussi viser l’égalité concrète entre les cultures de langues officielles. La Charte et la LLO doivent être lues de façon téléologique : leur but est de préserver et promouvoir les communautés de langues officielles du Canada. • Considérant qu’il est largement reconnu que la culture est indissociable de la langue4 ; • Le droit de jouir d’une culture minoritaire et de la développer est reconnu dans la Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses ou linguistiques5, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies en 1992, déclaration signée par le Canada. • Le Canada est signataire de la Convention de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles et le premier État à la ratifier.6 Les objectifs de cet accord sont de : créer les conditions permettant aux cultures de s’épanouir et interagir librement de manière à s’enrichir mutuellement ; et de reconnaître la nature spécifique des activités, des biens et des services culturels comme étant porteurs d’identités, de valeurs et de sens et ne devant pas être traités comme ayant exclusivement une valeur commerciale7 ; 1 Les racines constitutionnelles de cette loi de même que son rôle primordial en matière de bilinguisme justifient une telle interprétation. Voir Lavigne c Canada (Commissariat aux langues officielles), 2002 CSC 53, [2002] 2 RCS 773 au para. 23. Voir également : Thibodeau c Air Canada, 2014 CSC 67, [2014] 3 RCS 340, para. 12. 2 R. c. Beaulac, 1999 1 R.C.S. 768, https://scc-csc.lexum.com/scc-csc/scc-csc/fr/item/1700/index.do 3 Lalonde c Ontario, 2001 CanLII 21164 (ON CA), para 92 se référant à Jones c. Procureur général du Nouveau-Brunswick, [1975] 2 R.C.S. 182. 4 Mahe c Alberta (1990) 1 RCS 342. 5 Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques Adoptée par l'Assemblée générale dans sa résolution 47/135 du 18 décembre 1992. 6 UNESCO. Diversité des expressions culturelles, Parties, https://fr.unesco.org/creativity/convention/parties. 7 QUÉBEC. Ministère des Relations internationales et de la Francophonie. La Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l’UNESCO, https://www.mrif.gouv.qc.ca/fr/relations-du-quebec/organisations-et-forums/representation-unesco/diversite-culturelle. 450, rue Rideau, bureau 405, Ottawa (Ontario) K1N 5Z4 613-241-8770 fccf.ca 3
• Pour rejoindre la conversation citoyenne et politique qui a présentement cours au Canada sur les questions de diversité et d’inclusion et qui soulève également le défi de la protection et du rayonnement de la diversité des expressions culturelles francophones au Canada ; • Un des piliers du Plan d’action pour les langues officielles – 2018-2023 : Investir dans notre avenir8 du gouvernement en matière de langues officielles priorise les investissements en culture, et cela est appelé à être reconduit dans un prochain plan d’action ; • Compte tenu du constat politique récent sur la situation particulière du français en Amérique du Nord, exemplifié par le choix des termes dans le discours du Trône (8 millions de francophones dans un océan de plus de 360 millions de Canadiennes et Canadiens principalement anglophones)9 ; • Sachant l’inexorable tendance mondiale à l’hégémonie linguistique dans l’univers numérique et le besoin d’agir de manière décisive et urgente pour protéger, soutenir, renforcer, promouvoir et faire rayonner la culture francophone ici comme ailleurs ; • Le fait que les arts et la culture sont au cœur du projet que sous-tend la LLO à l’égard des communautés de langue officielle en situation minoritaire et que ce secteur est un moteur essentiel à la vitalité sociale et économique des communautés francophones en situation minoritaire ; • Le fait que pour assurer la survie, le développement et la pérennité de l’écosystème artistique, il faut assurer la capacité des citoyennes et citoyens canadiens d’y contribuer. Il faut veiller à ce que la population puisse créer, diffuser et consommer des produits artistiques et culturels en français, y participer et y accéder, et ce, partout au Canada ; et • Reconnaissant le rôle critique et essentiel que joue la culture pour nos communautés de langue française en situation minoritaire, la capacité de « vivre en français » étant directement tributaire de la vitalité artistique et culturelle de ces milieux. L’effritement ou l’érosion du secteur artistique et culturel en francophonie canadienne revêt un double enjeu : celui de la viabilité de ses organisations, mais également celui de la viabilité d’une collectivité qui vit sa culture en français. C’est sur la base de l’importance de cette série d’affirmations que la FCCF avance ici des idées et des recommandations susceptibles d’avoir des effets structurants pour le secteur des arts et de la culture, comme pour l’ensemble de nos milieux en francophonie canadienne et acadienne. Ces recommandations sont au cœur des conversations que nous avons amorcées et que nous entretenons avec les élus et élues des divers partis politiques, les membres de comités parlementaires en langues officielles, des gestionnaires et fonctionnaires responsables de politiques et de programmes, et avec toutes les parties prenantes engagées envers la mise en œuvre de la réforme des langues officielles et la modernisation de la Loi. 8 Plan d’action pour les langues officielles – 2018-2023 : Investir dans notre avenir, https://www.canada.ca/fr/patrimoine-canadien/services/langues- officielles-bilinguisme/plan-action-langues-officielles/2018-2023.html 9 Discours du Trône, Un Canada plus fort et plus résilient, p.32, 23 septembre 2020. 450, rue Rideau, bureau 405, Ottawa (Ontario) K1N 5Z4 613-241-8770 fccf.ca 4
DEUXIÈME PARTIE : Les modifications essentielles pour une loi modernisée qui inclut la culture Il est impératif, à notre avis, d’intégrer au texte de la Loi le caractère indissociable de la culture et de la langue. Cette inclusion vise le développement durable de nos communautés, conformément à l’engagement du gouvernement dans la Partie VII de sa Loi sur les langues officielles. 1. DANS LE PRÉAMBULE : Que le gouvernement veille à ce que le préambule de la LLO reconnaisse l’indissociable lien entre culture et langue, un élément indispensable à la protection, la promotion et la pérennité du français dans nos CFSM. Les deux aspects sont indivisibles : une culture sans langue forte est impossible et vice-versa. Une telle attestation forme l’armature nécessaire au soutien de nos institutions locales et régionales ainsi qu’à la capacité de nos réseaux associatifs d’assurer la mise en œuvre d’actions en continu sur le terrain. Selon nous, cela illustre aussi la nécessité d’encadrer son intention dans l’élaboration d’une politique publique d’appui à notre développement durable. Le préambule de la LLO doit impérativement faire référence au lien indissociable entre la langue et la culture en tant que principe structurant du projet de société que constitue la dualité linguistique canadienne. Mis à part son objectif d’égalité réelle des deux langues officielles, la LLO engage l’État à appuyer l’essor et l’épanouissement des CFSM. Cette visée, qui concerne le développement culturel durable ou pérenne, est d’importance capitale et doit être reflétée dans les principes fondateurs de cette loi. Sept propositions du document de réforme font état de modifications au regard du préambule. Cependant, aucune d’entre elles ne porte spécifiquement sur la question de la culture, ce qui nous amène à nous positionner sur la place fondamentale que celle-ci devrait occuper dans cette section. La culture est essentielle à la vitalité d’une communauté de langue distincte, laquelle ne saurait survivre seulement si l’usage de la langue était préservé. La Fédération culturelle estime donc que la meilleure formulation de ce principe est issue du rapport de la Commission sur le bilinguisme et le biculturalisme, telle que citée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Mahe c Alberta, [1990] 1 RCS 342 : « La langue est en outre la clé du progrès culturel. Certes, langue et culture ne sont pas synonymes, mais le dynamisme de la première est indispensable à la préservation intégrale de la seconde. » Alors que la citation originale fait seulement référence à la « préservation intégrale », la Fédération culturelle considère que cette notion doit être élargie. Il n’est pas uniquement question de « préserver » la langue, autrement dit de la muséifier, mais de garantir son dynamisme continuel. C’est pourquoi nous proposons d’ajouter « promotion durable » en référence au « développement culturel durable ». Le mot « promotion » est préféré à « développement », car, d'une part, ce mot est déjà utilisé dans le vocabulaire des droits linguistiques (article 16.1 de la Charte, par exemple), et d’autre part parce que la promotion est le rôle propre au gouvernement. Dans une optique d’autodétermination, la Fédération considère que c’est la communauté elle-même qui devrait prendre en charge son « développement » avec l’appui de l’État qui assume la « promotion ». Ainsi, la FCCF avance la formulation du libellé suivant, qui doit s’ajouter au préambule d’une LLO modernisée : « Attendu que la langue est la clé du progrès culturel et que le dynamisme de la première est indispensable à la préservation intégrale et la promotion durable de la seconde. » 450, rue Rideau, bureau 405, Ottawa (Ontario) K1N 5Z4 613-241-8770 fccf.ca 5
Le préambule d’une loi n’a pas de force normative en tant que tel dans la mesure où il n’énonce pas d’obligations précises, mais des principes qui contextualisent l’interprétation que l’on doit faire de la loi. En matière constitutionnelle ou quasi constitutionnelle toutefois, les préambules revêtent une très grande importance puisque les principes qu’ils énoncent servent à encadrer la « vision » de l’État sur une question donnée. C’est dans cet esprit que la FCCF propose l’ajout suivant aux principes formulés dans une LLO modernisée : « Attendu que l’accès à la langue et à la culture est essentiel à leur protection, leur promotion et leur pérennité. » Quant au besoin de s’entendre sur ce que signifie l’accès pour la francophonie canadienne et acadienne, cela mériterait d’être mieux défini dans le cadre d’une politique publique qui, selon nous, doit viser un développement culturel durable. La notion d’une minorité ayant un accès équitable et égal à l’arsenal des moyens que lui procure l’État pour se développer de manière constante, s’épanouir et rayonner ici et ailleurs au monde est capitale et doit être considérée sous tous ses angles pratiques. Il s’agit d’une notion complexe, probablement à géométrie variable, que l’on parle du point de vue d’une communauté de langue officielle particulière (minoritaire par opposition à majoritaire) ou du point de vue de l’institution. Nous trouvons néanmoins qu’il est crucial d’enchâsser l’importance du concept de l’accès à même le préambule de la Loi pour ensuite le répercuter dans les parties que cela concerne, entre autres les Parties IV et VII. Finalement, le préambule doit clairement indiquer que les institutions des communautés de langue officielle au Canada, particulièrement celles en milieu minoritaire francophone, jouent un rôle vital pour leur protection, leur promotion et leur développement durable (voire leur pérennité). Il s’agit également d’un des principes directeurs du document de réforme qui, parmi ses propositions législatives, avance que le gouvernement doit : « Prendre l’engagement d’appuyer les secteurs clés pour la vitalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire (par exemple l’immigration, le continuum en éducation, la gestion scolaire via les commissions et conseils scolaires, la santé, la culture, la justice et les autres services) et de protéger et de favoriser la présence d’institutions fortes pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire en collaboration avec les gouvernements provinciaux et territoriaux. »10 En ce sens, il deviendra important de définir, soit à même la Loi ou à l’intérieur d’une politique publique conséquente, ce que constitue une institution des communautés de langues officielles. De notre point de vue, il est essentiel que les organismes du réseau associatif de la francophonie canadienne et acadienne soient inclus d’une manière appropriée dans la définition législative d’institutions. Ils sont une extension concrète des capacités et moyens de celles-ci sur le terrain, au sein même des communautés. La FCCF et l’ensemble des organismes représentant les différents secteurs de développement de la francophonie y exercent une fonction primordiale, tant du côté de la mise en œuvre de programmes que de la cueillette en continu des données probantes. Ce sont des piliers fondamentaux qui sont à même de contribuer à l’évaluation des impacts et de la mesure du rendement des actions et des investissements des gouvernements et des institutions. 10Mélanie Joly, ministre du Développement économique et des Langues officielles. Français et anglais : vers une égalité réelle des langues officielles au Canada,19 février 2021, p.17. 450, rue Rideau, bureau 405, Ottawa (Ontario) K1N 5Z4 613-241-8770 fccf.ca 6
Ainsi, il faut ajouter au préambule une affirmation sur la responsabilité fondamentale des institutions publiques, tant fédérales que régionales et locales, dans le développement durable de la francophonie canadienne et acadienne. Selon nous, le libellé suivant rend service à cet objectif : « Attendu que les institutions des communautés de langues officielles, particulièrement en milieu minoritaire, jouent un rôle clé dans leur protection, leur promotion et leur pérennité. » La réforme proposée par la ministre responsable des Langues officielles confirme l’importance de ce que nous soulevons : « Les tribunaux canadiens ont reconnu, notamment dans l’affaire Montfort iv, l’importance de maintenir des institutions fortes pour protéger la langue et la culture des communautés minoritaires. Comme l’a affirmé la Cour d’appel de l’Ontario : “… les institutions d’une minorité linguistique sont essentielles à la survie et à la vitalité de cette collectivité, non seulement pour ses fonctions pratiques, mais également pour l’affirmation et l’expression de l’identité culturelle et du sentiment d’appartenance.” Une communauté de langue officielle en situation minoritaire ne peut être forte que si ses institutions le sont. »11 2. DANS LA PARTIE VII : Que le gouvernement veille à renforcer les objectifs de la partie VII de la LLO, en précisant son rôle de leadership central quant à l’appui aux institutions fédérales canadiennes qui assurent la protection, la promotion et le développement durable des communautés francophones en situation minoritaire. En tant qu’unique voix politique de la francophonie canadienne et acadienne en matière d’arts et de culture, la FCCF considères essentiel qu'il soit spécifié explicitement dans le langage de la partie VII de la LLO que le gouvernement appuie les organismes, notamment les institutions publiques et communautaires, qui s'affairent à la protection, à la promotion et au développement durable des CLOSM. Un tel amendement viendrait à notre avis cimenter le rôle capital que joue l’État dans l’appui aux institutions canadiennes qui œuvrent dans des secteurs clés pour la vitalité des CLOSM, nommément ceux de la culture, de l’immigration, de l’éducation, de la santé, de la justice et autres. Au-delà des grandes institutions canadiennes, cela doit s’étendre aux organisations francophones et bilingues qui opèrent sur les plans régional et local et qui, par leur mandat, contribuent directement à favoriser la croissance et l'épanouissement de nos CFSM. La Fédération insiste pour préciser que le terme « appui », avancé avec le libellé suivant, ne se limite pas ici strictement à l’appui financier, mais doit prendre diverses formes. L’encadrement sera néanmoins plus important, voire contraignant, en vertu de la modernisation de la Loi et des visées de sa partie VII notamment. Dans la perspective d’un développement durable qui engage la multiplicité des parties prenantes mobilisées autour d’une même vision, le réseau associatif culturel et communautaire francophone doit être reconnu pour son expertise et ses capacités de mise en œuvre sur le terrain. « Le gouvernement appuie les organismes, notamment les institutions publiques et communautaires, qui œuvrent à la protection, la promotion et la pérennité des communautés de langue officielle en situation minoritaire. » 11Mélanie Joly, ministre du Développement économique et des Langues officielles. Français et anglais : vers une égalité réelle des langues officielles au Canada, 19 février 2021, p.16. 450, rue Rideau, bureau 405, Ottawa (Ontario) K1N 5Z4 613-241-8770 fccf.ca 7
La consécration des institutions publiques et communautaires à même la Loi actualisée s'inscrit encore une fois dans la poursuite de l'héritage laissé par l'arrêt Montfort. En effet, dans la décision rendue, les juges ont conclu que : « Nous sommes d’accord que Montfort a un rôle institutionnel plus large que la prestation des services de soins de santé […] le rôle institutionnel plus large de Montfort comprend notamment celui de maintenir la langue française, de transmettre la culture francophone et de favoriser la solidarité au sein de la minorité franco-ontarienne. […] vitale pour la minorité francophone de l'Ontario sur les plans linguistique, culturel et éducatif. [La disparition de l’hôpital Montfort en tant qu’institution culturelle francophone] serait contraire au principe […] de respect et de protection des minorités. »12 La cour confirme ainsi que les institutions publiques ont une responsabilité plus grande que la simple prestation de services, elles répondent à un principe constitutionnel de respect et de protection des minorités. Inscrire ce principe dans une Loi actualisée, en veillant à élargir celui-ci aux institutions communautaires qui jouent ce rôle de premier plan, permettrait de soutenir adéquatement cette proposition dans l’avenir. Il serait ensuite impossible que cela puisse être dilué au gré des idéologies et des pouvoirs politiques qui pourraient se succéder. La Cour suprême a reconnu dans l’arrêt Mahé, et plus récemment dans les arrêts Rose-des-Vents et CSFCB, les établissements scolaires sont des institutions fondamentales pour la transmission de la langue et de la culture en milieu minoritaire. Cette transmission vise évidemment la pérennité des communautés de langues officielles en situation minoritaire. Or, la culture ainsi transmise doit avoir un contenu et les établissements scolaires ne sont pas les seuls créateurs de ce contenu. Les institutions culturelles en tous genres sont les créateurs de cette culture vivante et actuelle qui est transmise par les établissements scolaires. Pour que les établissements scolaires puissent mener à bien leur mission de transmettre la culture, il est essentiel qu’il existe un accès aux institutions qui sont créatrices de contenu culturel. De plus, dans l’arrêt Beaulac13, la Cour suprême a reconnu que les droits linguistiques impliquaient des obligations positives pour l’État, à savoir de mettre en place les structures administratives, et de financer ces structures, de sorte que l’exercice du droit linguistique soit effectif. Dans cette optique, le droit d’une communauté à préserver sa langue et sa culture serait illusoire si elle n’avait pas accès à sa langue et à sa culture. Pour exercer les droits prévus par la Charte et la LLO, il est impératif que les ressortissants de communautés officielles aient accès tant aux langues qu’aux cultures officielles. La Fédération culturelle canadienne-française juge qu’il est nécessaire d'amender la partie VII de la LLO pour enchâsser la fonction centrale de CBC/Radio-Canada en matière de protection et de promotion des communautés de langue officielle, puisqu’elle assure l’accès à leurs cultures. Elle fait ainsi écho à la proposition du gouvernement dans sa réforme, qui veut refléter le fait que CBC/Radio-Canada est une institution phare : « (…) de par ses activités, CBC/Radio-Canada participe à la promotion des deux langues officielles au Canada en mettant en œuvre des mesures qui favorisent l’épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire, soutiennent leur développement et y contribuent, et privilégient la pleine reconnaissance et l’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne. Conformément à son mandat, énoncé dans la Loi sur la radiodiffusion, la programmation de CBC/Radio-Canada doit être offerte en français et en anglais de manière à refléter la position et les besoins particuliers des deux collectivités de langue officielle, y compris ceux des minorités de l’une ou l’autre langue. »14 12 Lalonde c Ontario (Commission de restructuration des services de santé), 1999 CanLII 19910 (ON SCDC), https://canlii.ca/t/g1grn 13 R. c. Beaulac, 1999 1 R.C.S. 768, https://scc-csc.lexum.com/scc-csc/scc-csc/fr/item/1700/index.do 14 Mélanie Joly, ministre du Développement économique et des Langues officielles. Français et anglais : vers une égalité réelle des langues officielles au Canada,19 février 2021, p.14. 450, rue Rideau, bureau 405, Ottawa (Ontario) K1N 5Z4 613-241-8770 fccf.ca 8
La FCCF est sans équivoque, Radio-Canada n’est rien de moins qu’une institution forgeuse d'identité francophone. Son mandat et son apport au développement culturel durable des communautés francophones en situation minoritaire sont de caractère vital et ne peuvent être envisagés dans une logique de marché. Sa mission à notre sujet se décante mal dans un contexte d’industries, mais prend tout son sens dans la logique du rôle essentiel des institutions canadiennes à notre endroit. S’acquitter des responsabilités institutionnelles envers nos communautés exige de faire progresser notre compréhension commune des besoins et des aspirations de nos auditoires partout au pays et de définir une mesure plus efficace des impacts de la programmation et des autres services offerts par Radio-Canada.15 C’est en ce sens que la FCCF estime nécessaire d’inclure le libellé suivant à la Partie VII de la Loi pour en tenir compte : « En tant qu’institution phare du bilinguisme canadien, la CBC/Radio-Canada contribue à la protection, la promotion et la pérennité des communautés de langues officielles en assurant le reflet de leurs expressions culturelles et l’accès à la diversité de celles-ci. » Conclusion Ce mémoire se veut une représentation de la réflexion en cours au sein de la Fédération culturelle canadienne- française, qui vise à contribuer au processus de modernisation de la Loi sur les langues officielles entrepris par l’appareil politique. Il relève l’importance d’inclure le concept de la culture et l’accès à celle-ci à même la Loi. Il positionne aussi d’autres éléments prioritaires au regard de l’appui à la vitalité et à la pérennité de la francophonie canadienne et acadienne. La FCCF est d’avis que le gouvernement devra mettre au point de nouveaux instruments en soutien à la mise en œuvre des intentions de la réforme. Si la LLO est un prolongement des garanties de la Charte en matière de langues officielles, la Loi doit reconnaître à titre de principes les liens logiques qui existent entre les droits linguistiques et culturels, l’exercice de ces droits, et les droits corollaires qui rendent cet exercice possible, à savoir le droit à des institutions et le droit d’accès à ces institutions. Les droits garantis par la Charte et la LLO n’existent pas dans l’abstrait. Fondamentalement, la FCCF ne demande pas la reconnaissance de droits nouveaux, mais la reconnaissance que l’exercice des droits linguistiques existants est tributaire d’une écologie institutionnelle qui a la culture pour centre de gravité. Comme l’a fait remarquer la ministre Joly lors de son entretien avec les Boursiers Ricard le 5 mai dernier, le gouvernement fédéral doit nécessairement jouer le rôle de leader en matière de langues officielles car les langues officielles demeurent et demeureront toujours un enjeu d’unité nationale. La Fédération culturelle canadienne- française est mobilisée par la volonté de contribuer de façon constructive à l’inclusion de la culture dans une loi sur les langues officielles modernisée dans une perspective de solutions structurantes aux enjeux de notre développement durable et dans une approche de collaboration horizontale et multisectorielle. 450, rue Rideau, bureau 405, Ottawa (Ontario) K1N 5Z4 613-241-8770 fccf.ca 9
Membres de la FCCF signataires de ce mémoire Alliance culturelle de l'Ontario Alliance nationale de l'industrie musicale Alliance des producteurs francophones du Canada Association acadienne des artistes professionnel.le.s du Nouveau-Brunswick Association culturelle de la Francophonie manitobaine Association des groupes en arts visuels francophones Association des théâtres francophones du Canada Association franco-yukonnaise Centre culturel franco-manitobain Conseil culturel et artistique francophone de la Colombie-Britannique Conseil culturel fransaskois Conseil provincial des sociétés culturelles Fédération culturelle acadienne de la Nouvelle-Écosse Fédération culturelle de l'Île-du-Prince-Édouard Fédération des francophones de Terre-Neuve et Labrador Fédération franco-ténoise Front des réalisateurs indépendants du Canada Regroupement artistique francophone de l'Alberta Regroupement des éditeurs franco-canadiens Réseau atlantique de diffusion des arts de la scène Réseau des grands espaces Réseau national des galas de la chanson Réseau Ontario 450, rue Rideau, bureau 405, Ottawa (Ontario) K1N 5Z4 613-241-8770 fccf.ca 10
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