Maupassant, un météore dans le ciel littéraire de l'époque - Sven Kellner - Publibook

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Sven Kellner

      Maupassant,
un météore dans le ciel
 littéraire de l’époque

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 Cet ouvrage a fait l’objet d’une première publication aux Éditions Publibook en 2012
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« La langue française est une eau pure que les écrivains
        n´ont jamais pu et ne pourront jamais troubler. »
                                          Guy de Maupassant

« J´ai vu de l´eau, du soleil, des nuages et des roches – et
j´ai pensé simplement comme on pense quand le flot vous
                 berce, vous engourdit et vous promène. »
                                          Guy de Maupassant

              « Que voulez-vous qu´on dise de ce conteur
                                sinon qu´il est parfait. »
                                               Jules Lemaître
Avertissement

   Si Maupassant est connu en premier lieu pour être un
excellent narrateur, il faut en même temps signaler ses
qualités de chroniqueur ayant écrit des centaines de chro-
niques dont une cinquantaine a été recueillie en volume.
Ce sont là des textes qui forment un réservoir quasiment
inexhaustible grâce auxquels il est plus facile non seule-
ment d´établir le climat social et politique de l´époque
mais aussi de mettre en valeur les rapports qu´il y a entre
les contes et les romans d´un côté et les chroniques de
l´autre, celles-ci ayant fourni matière aux nombreux contes
et aux romans de l´écrivain.
   Il est à remarquer qu´il est assez difficile d´éviter des
inexactitudes dans la datation des œuvres de Maupassant
présentée ici sous toutes réserves. C´est que l´écrivain ré-
utilise souvent le même sujet pour diverses publications.
Ainsi, une chronique ou un conte qui a déjà été publié
dans un quotidien, séparément, peut apparaître quelque
temps plus tard dans une revue pour finalement être repris
en recueil ou en volume. A cette confusion s´ajoutent les
nombreuses rééditions ainsi que les éditions partielles de
ses écrits.

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Chapitre 1.
   L’ascendance de Guy de Maupassant

   Guy de Maupassant qui, tout comme Gustave Flaubert,
son maître vénéré, proclamait sans cesse « l´inutilité de
tout » a pendant sa courte vie connu un succès éclatant
avec une rapidité comparable à un phénomène météorique.
   En effet, Maupassant a traversé le ciel littéraire comme
un météore ou, comme il disait lui-même : « Je suis entré
dans la littérature comme un météore : j´en sortirai par un
coup de foudre. »

    Guy de Maupassant est né le 5 août 1850, peut-être à
Fécamp, lieu de naissance qui a longtemps posé des pro-
blèmes en ce sens que certains biographes ont plutôt
penché pour le château de Miromesnil de même que la
nièce de Flaubert, Mme Caroline Frankline-Grout, née Ha-
mard, qui avait confié à l´écrivain et biographe Pierre
Borel : « Guy de Maupassant est né au château de Miro-
mesnil. Nos deux familles étaient très liées à mon oncle
qui avait toujours eu pour Laure de Maupassant une pro-
fonde affection. »
    Quoi qu´il en soit, Fécamp ou le château de Miromes-
nil, Guy est baptisé l´année suivante à Tourville-sur-
Arques avec pour parrain, Jules de Maupassant, son grand-
père paternel et pour marraine, Victoire Le Poittevin, sa
grand-mère maternelle.
    Quelques années plus tard, en 1854, la famille quitte
Fécamp pour aller s´installer au château de Grainville-
Ymauville, dans l´arrondissement du Havre, où est né, en
1856, le frère de Guy, Hervé.

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Cinq ans plus tard, la famille Maupassant s´installe à
Passy, rue du Marché, à Paris, où le père de Guy, Gustave,
a trouvé un emploi d´agent de change dans une banque.
C´est en octobre 1859 que Guy entre au lycée Impérial
Napoléon, aujourd´hui lycée Henri IV.

Gustave de Maupassant, père de Guy
   Le père de Guy, Gustave de Maupassant, né le 28 no-
vembre 1821 et mort le 24 janvier 1899 à Sainte-Maxime,
est le fils de Louis-Pierre-Jules Maupassant, dit « le grand-
père Jules », employé de finances et né à Paris en 1795.
   Jules, un adversaire acharné de l Empire, est le fils d´un
Maupassant de Valmont. C´est d´ailleurs le nom du chef-
lieu, situé à une douzaine de kilomètres de Fécamp, que
Guy a pris pour pseudonyme au début se sa carrière litté-
raire en signant quelques nouvelles Guy de Valmont.
   D´après des témoins, Gustave de Maupassant, au nez
fin et sensuel, aux sourcils bien dessinés et aux cheveux
bandés sur les tempes, est un vrai dandy, toujours très élé-
gant qui tape dans l´oeil des femmes de l´époque et
notamment dans l´oeil de celle qu´il épouse en 1846,
Laure Le Poittevin.
   Or, ce bel homme charmant qui fréquente les salles de
jeu jusqu´à l´excès, ne cessera jamais de courir les fem-
mes.
   En fait, c´est un véritable collectionneur du sexe oppo-
sé, ce qui sera désastreux pour le futur ménage. C´est du
reste déjà à Grainville qu´il a eu plusieurs aventures avec
des servantes, chose qui l´éloigne de plus en plus de sa
femme.

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Laure Le Poittevin, mère de Guy
   Laure Le Poittevin, dont la famille est étroitement liée à
celle de Flaubert, est la soeur du poète Alfred Le Poittevin,
ami intime de Flaubert qui ne s´est jamais consolé de la
disparition précoce de son ami qu´il appelait son « alter
ego » et sa « conscience littéraire ».
   Laure qui, comme son mari, d´ailleurs, est du même
âge que Flaubert, donc née en 1821, et avec qui elle par-
tage le goût pour la littérature, est une femme très
intelligente, cultivée et sensible aux arts. Elle possède des
connaissances poussées des langues classiques ainsi que
de l´anglais et de l´italien.
   En plus de ses dons pour le récit et l´écriture, elle a un
goût prononcé pour le fantastique, le macabre et l´au-delà.
   Elle exerce une profonde influence sur son fils en diri-
geant ses lectures qui le mettent très tôt en contact avec les
classiques, tel Shakespeare.
   Elle ne cesse de lui donner des conseils à ce sujet de-
puis l´enfance jusqu´à l´âge adulte de romancier établi.
   Guy, à son tour, va par la suite confier à sa mère tous
ses projets littéraires, romans, contes, pièces de théâtre…
C´est aussi en elle qu´il trouve une critique judicieuse et
pertinente ; elle qui, la première, l´a donc formé et orienté
dans les domaines de la littérature.

   Laure est une mère qui reste toujours très près de ses
deux fils, reportant sur eux toute sa tendresse et son affec-
tion maternelles. Mais elle est aussi une femme désaxée,
affolée, souffrant de terribles migraines avec des troubles
de la vue qui la forcent à s´enfermer dans l´obscurité : « la
lumière la faisant crier de douleur », écrit Flaubert à Mme
des Genettes.
   En fait, autour de la fixité d´un regard perçant flotte une
aura d´hystérie. C´est pour remédier à ses ennuis de santé
que cette droguée dépendante prend énormément de nar-
cotiques.

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Parlant plus tard de son ex-femme, Gustave de Mau-
passant raconte : « Mme de Maupassant est arrivée à tel
paroxysme de fureur qu´à la moindre chose elle a des atta-
ques terribles qui lui font un mal énorme. Sa tête
déménageait et elle était inabordable… Elle a avalé deux
flacons de laudanum… »
   Et l´année avant la mort de son fils Guy, elle reconnaît
elle-même qu´elle est dépendante de stupéfiants.
   « Je suis vieille et très malade et les narcotiques que je
bois à pleins verres achèvent d´user ma pensée », déclare-
t-elle en 1892.

   Laure avait, paraît-il, essayé de se suicider deux fois,
manquant de mettre fin à ses jours, la seconde fois en
1877, en s´étranglant dans sa longue chevelure. En fait,
c´est sans aucun doute elle qui a transmis à ses enfants non
seulement un tempérament excessivement nerveux frisant
l´angoisse mais également d´autres tares héréditaires.
   En 1888, Guy écrit à son père : « Ma mère est toujours
malade, agitée et en proie à de terribles crises de suffoca-
tion. »
   Laure de Maupassant est morte à Nice le 8 décembre
1904.

Hervé, frère cadet de Guy
   Le deuxième fils du couple Maupassant, Hervé, est né,
comme nous l´avons vu, au Grainville-Ymanville en 1856.
Ce château, loué par la famille, est très fidèlement décrit
dans le premier grand roman de Guy, Une Vie.
   Hervé, également atteint de troubles mentaux, fait son
service militaire dans la cavalerie, puis il devient sous-
officier, ce qui fait qu´il pourra fournir des renseignements
utiles à son frère Guy, entre autres, pour le roman Bel-

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Ami. Hervé, qui n´est pas un intellectuel, s´installe à Anti-
bes où il dirige un établissement horticole.
   Que le terrain familial ne soit pas sain se fait sentir de
plus en plus avec le temps. Outre les troubles nerveux,
hérités de sa mère Laure, la santé d´Hervé va s´aggravant.
   Dans une lettre de février 1888, à son père, Guy ex-
prime la situation délicate de son frère Hervé : « Hervé
écrit des lettres affolées, désespérées et incohérentes qui
font perdre la tête à ma mère. Je vis dans un milieu de scè-
nes terribles de chagrin. »
   Un mois plus tard, Guy écrit de nouveau à son père, lui
disant qu´Hervé, très instable, commet souvent des « sotti-
ses » et qu´il doit se retirer à la campagne pour changer de
milieu.
   Or, Hervé finit par sombrer dans la folie. « La tête
d´Hervé s´égare complètement à tout propos. Hier, il s´est
mis à scier du bois au milieu du dîner ; il n´a cessé
qu´épuisé de fatigue – ma mère l´a ignoré », écrit Guy à
son père en 1889.
   C´est pourquoi Guy doit l´amener pour une consulta-
tion psychiatrique à Montpellier. « J´ai conduit hier Hervé
dans un asile d´aliénés de Montpellier plein de fous sordi-
des et affreux… J´irai l´y reprendre demain », écrit-il en
1889 de Cannes à son père qui habite Paris.
   L´année suivante, Guy écrit à son ami Léon Fontaine à
propos d´Hervé : « Mon frère a une fièvre pernicieuse
avec accidents méringes. »
   Il confie de même à Octave Mirbeau qu´il est auprès de
malades qu´il aime mais qui ne lui laissent guère d´espoir,
en pensant aussi aux ennuis de santé de sa mère.
   Au début d´août 1889, Guy prévient son père qu´il va
l´aider à faire interner Hervé à l´asile psychiatrique de
Lyon-Bron.
   Quand Guy a dû partir, laissant ainsi Hervé seul, ce
dernier s´est mis à crier.

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« Il m´a déchiré le coeur tellement que je n´ai jamais
souffert ainsi… et quand on lui a refusé de
m´accompagner à la gare, il s´est mis à gémir d´une façon
si affreuse que je n´ai pu me retenir de pleurer en regar-
dant ce condamné à mort que la Nature tue », écrit Guy à
la comtesse Potocka le soir même.
   Mais au moment du départ de Guy, Hervé crie que le
véritable fou de la famille n´est pas lui mais son frère Guy.
   A la même époque, Guy rassure dans une lettre son
père qui suite à un train de vie dépensier – femmes légè-
res, salles de jeu, affaires manquées etc. – n´a plus
beaucoup de ressources pour subvenir aux frais du traite-
ment à l´asile de son fils Hervé.
   « Je fais à Hervé une pension qui payera complètement
l´asile où il entre en traitement au prix de 250 francs par
mois pour la 2e classe. J´assure ma mère de quoi vivre… je
ne laisse pas mourir la jeune femme d´Hervé et leur fille
Simone. »
   C´est en novembre, 1889, que meurt Hervé à la clinique
de Lyon-Bron pour ensuite être enterré non loin de là au
cimetière d´une petite église de campagne où se trouve sa
tombe de marmor noir sur laquelle sont écrits en lettres
d´or son nom et son âge, tout ayant d´abord été réglé par
l´écrivain avec la concession à perpétuité de la tombe.

La séparation des parents
   Les querelles incessantes et parfois très violentes des
parents du jeune Guy – il paraît que le mari battait sa
femme même sous les yeux de leurs enfants – montraient
donc une mésentente totale entre les deux conjoints.
   Gustave, l´infatigable coureur de femmes, ne cessait
donc de courtiser les servantes de la famille et même les
amies de son épouse.

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