N 397 - janvier 2021 - Cinémas Studio
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N°397 — janvier 2021
LA NUÉE
un film de Just Philippot
France - 2020 - 1h41
cinémas Studio — 2 rue des Ursulines — 37000 Tours — www.studiocine.comS OM M A IRE ÉDI TO
02 ÉDITO
Le point au 1er janvier
04 LECTURE
Soit dit en passant
Les contes des mille
et un Rohmer
06 AUTOUR DES FILMS
Josep Le point au
1er janvier
Un pays qui se tient sage
Adieu les cons
Michel-Ange
39 INFOS PRATIQUES
40 FILM DU MOIS Il faut bien l’avouer, lorsque le 24 novembre der-
La Nuée nier le président de la République a annoncé un
assouplissement du confinement à partir du 15
décembre, ce qui pour les Studio voulait dire
la réouverture des salles, nous y avons cru…
Naïvement ? Avec enthousiasme ? En tout cas,
l’équipe de programmation s’est lancée dans la
tâche, les projections des films ont été négociées
avec les distributeurs, une grille mise en place pour
fin décembre mais également pour janvier… avec
un énorme travail autour des horaires pour respec-
ter au mieux les consignes sanitaires. L’équipe de
rédaction a rédigé des fiches, des Carnets de jan-
vier ont été élaborés… Pour finalement apprendre
que l’assouplissement concernait non pas la
culture (sans doute par trop inessentielle) mais abonnés et de mettre les Carnets de janvier 2021 pourra être repoussé. Sans savoir de quoi le prin-
les commerces… Fallait-il se bercer d’illusions sur notre site. Encore une fois, hélas, sans pou- temps à venir sera également fait…
concernant la « revoyure » du 7 janvier ? voir les compléter avec les éventuelles projections En ces temps d’incertitude, nous tenons mal-
Les professionnels de la culture ont pro- du mois de janvier. Sans savoir par exemple si le gré tout à vous souhaiter la meilleure année 2021
testé, leur colère portée par des acteurs/actrices 28e festival Désir… Désirs pourra avoir lieu ou non possible… en espérant vous revoir au plus vite dans
connu(e)s, des actions symboliques ont eu lieu aux dates prévues (du 20 au 23 janvier) ou s'il nos salles.
(comme le rallumage des salles le 15 décembre),
des recours devant le Conseil d’État ont été por- — L’équipe des Studio
tés par les représentants du monde du cinéma,
du théâtre, de la musique vivante. En vain. Le 23
décembre, le Conseil d’État a validé la prolonga-
LES ÉDITIONS DU STUDIO DE TOURS tion de la fermeture des lieux culturels décidée
Abonnement(s) mode d’emploi
2 RUE DES URSULINES, 37000 TOURS par le gouvernement. Le bras de fer engagé par
MENSUEL / PRIX DU NUMÉRO 2 €
ISSN 0299 - 0342 / CPPAP N° 0224 K 84305 le monde du cinéma notamment, contre cette
ÉQUIPE DE RÉDACTION : SYLVIE BORDET, décision « qui révolte le monde de la culture et ne Depuis des années, les cinémas Studio proposent des réductions sur le prix d’entrée de leurs
ISABELLE GODEAU, JEAN-FRANÇOIS PELLE,
correspond ni à la réalité sanitaire des cinémas, salles aux spectateurs abonnés à la revue mensuelle Les Carnets (deux spécificités de notre
DOMINIQUE PLUMECOCQ, ÉRIC RAMBEAU,
ROSELYNE SAVARD, MARCELLE SCHOTTE, ANDRÉ WEILL, ni aux besoins culturels et de divertissement des complexe indépendant). Vous avez le choix entre abonnement aux Carnets imprimés ou
AVEC LA PARTICIPATION DE LA COMMISSION JEUNE
Français », n'a donc pas porté ses fruits. abonnement à la revue numérique. Lors du renouvellement de votre carte, il vous faudra choisir
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(TOURS). ÉQUIPE DE RÉALISATION : ÉRIC BESNIER, et/ou votre postale afin que nous soyons en mesure de vous faire parvenir les Carnets.
ROSELYNE GUÉRINEAU - DIRECTEUR : PHILIPPE LECOCQ.
moyen de garder contact avec vous, spectateurs
IMPRIMÉ PAR PRÉSENCE GRAPHIQUE, MONTS (37). des Studio, nous avons décidé d'envoyer à nos
02 Les Carnets du Studio N°397 — janvier 2021 03LECT U RE Soit dit en passant
Les contes des mille et un Rohmer
Pages et images Loin d’être austère le livre est
truffé d’anecdotes savoureuses
qui nous racontent, entre
autres, l’épopée des films
Confinement oblige, la lecture plaidoyer plein d’amertume. laideur, sa scolarité de cancre, du Losange, comment le
a chez beaucoup d’entre nous S’il permet de rappeler que le ses escapades à Manhattan, sa réalisateur fut viré des Cahiers
pallié le manque d’images cinéaste new-yorkais a été deux découverte de la culture pop, du du Cinéma, ses querelles avec
sur grand écran. C’est ainsi fois innocenté des accusations jazz, des comédies musicales, Bresson, Rivette et Godard,
que deux de mes réalisateurs d’attouchements sur sa fille des musées où il entrait pour se chacun qualifiant l’autre de
préférés m’ont accompagnée adoptive, on peut regretter réchauffer, sa fascination pour cinéaste bourgeois ! Soupe au
pendant cette période. les 100 pages de portrait au la magie, son amour du monde lait, intransigeant, allergique
vitriol de Mia Farrow et le du spectacle et des comics. à toute compromission,
Le livre de Woody Allen, luxe de détails donnés pour On regrettera les longues détestant être dérangé,
Soit dit en passant, paru sur se disculper. Heureusement énumérations – pour n’oublier Rohmer pouvait envoyer sur
fond de scandale à grand qu’avant de nous livrer sa personne ? – qui finissent par les roses sans ménagement
renfort de suspense orchestré version des faits il sait nous lasser et les trop nombreuses aussi bien Jérôme Seydoux
par les médias – sortira ? sortira faire sourire en nous racontant digressions qui font qu’on a ou Pierre Lescure que
pas ? – déroule la vie de son son enfance à Brooklyn entre parfois du mal à s’y retrouver. Nathalie Bloch-Lainé,
auteur sur 540 pages, mais on un père pas toujours honnête J’aurais aimé trouver au fil prêts à le financer, ou
en retiendra surtout un long et une mère aimante d’une rare des pages plus de précisions Roland Dumas alors ministre,
sur son métier de réalisateur, venu le voir en admirateur.
ses choix esthétiques et ses « Contes des mille et un pratique, son travail en amont,
partis pris de mise en scène Rohmer », le livre que sa posture sur les tournages, Quant aux rapports entre
mais nous n’en saurons pas Françoise Etchegaray consacre les incroyables économies l’auteure et son sujet,
plus que : « Engager de grands au cinéaste de la Nouvelle de moyens qu’il imposait et s’ils mêlent complicité et
acteurs et les laisser tranquilles, vague, est on ne peut plus qui se révélaient sources de admiration, ils n’empêchent
tel a toujours été mon grand éloigné de celui de Woody créativité : équipes réduites, pas la lucidité et le franc-parler,
secret pour la mise en scène… Allen. Il faut dire qu’autant décors a minima conçus avec un parfois avec une certaine
Je sais bien qu'il faut enlever le le premier a fait de lui le soin infini… On découvre son insolence, de l’auteure, qui
cache protégeant l'objectif de centre de son œuvre, autant obstination et ses exigences, sa n’hésite pas à évoquer avec un
la caméra avant de filmer, mais le deuxième a vécu dans une formidable ouverture au monde égal bonheur l’autoritarisme de
là s'arrêtent mes connaissances discrétion improbable, allant qui l’entourait, sa curiosité Rohmer ou sa grande humanité.
techniques. » Rien qui nous jusqu’à utiliser un pseudo jamais assouvie, son intérêt Le témoignage est aussi
permette d’appréhender un et se travestir (moustache pour les nouvelles technologies : passionnant qu’émouvant…
peu de la magie d’une œuvre postiche et grosses lunettes) qui sait que Rohmer fut J’aime imaginer, comme le
à nulle autre pareille. Le reste, lors de ses rares apparitions un pionnier du tournage révèlent ces Contes des mille
on le savait déjà : le personnage publiques. Pendant plus de en numérique ? Françoise et un Rohmer, ce personnage
manque d’empathie, est trente ans Françoise Etchegaray Etchegaray nous fournit des clés ombrageux, infatigable
d’un égocentrisme inouï, – productrice, assistante, pour pénétrer dans l’univers marcheur qui n’a jamais
un misanthrope « incapable régisseuse, figurante… – a été harmonieux de ses films, au conduit, déployer sa grande
d’aimer ou de faire confiance »… sa plus proche collaboratrice. point de donner l’envie de voir carcasse pour arpenter Paris en
mais qui d’autre est capable Plus qu’un hommage au et revoir encore les œuvres d’un tous sens… C’est au cimetière
entre deux gags ou réflexion réalisateur disparu il y a réalisateur aussi réputé que mal du Montparnasse, bien caché
désopilantes d’une autocritique juste 10 ans, son livre nous aimé et incompris de beaucoup entre deux rangées de tombes,
aussi négative ? renseigne avec précision sur sa de spectateurs. qu’il s’est arrêté. — SB
04 Les Carnets du Studio N°397 — janvier 2021 05AU T OU R D ES F ILMS — À P ROP OS Josep
J'entends des voix
Josep \ un film d'Aurel
En quelques années ce qui n’était qu’un art et la qualité plastique, que les personnages et les
de pure distraction destiné essentiellement au décors soient en pâte à modeler ou dessinés, en
jeune public est devenu un art majeur, à tous images numériques ou selon des techniques plus
les sens du terme, capable de raconter avec une traditionnelles.
puissance singulière aussi bien les traumatismes Josep ne déroge pas à la règle. Comme on le
de la guerre du Liban (Valse avec Bachir) que le notait ici le mois dernier, c’est d’abord un film
parcours d’une jeune fille déracinée (Persépolis), visuellement splendide, avec la riche complémen-
la vie dans un orphelinat (Ma Vie de courgette), tarité de deux univers graphiques : celui d’Aurel,
l’échange épistolaire entre une fillette obèse et le réalisateur, et celui de Josep Bartoli dans la
© SOPHIE DULAC DISTRIBUTION
un vieillard autiste (Mary et Max), l’épopée d’une série de dessins vifs et cruels sur les conditions
main coupée qui veut retrouver son être (J’ai perdu de vie épouvantables dans les camps de concen-
mon corps) ou l’Afghanistan sous les Talibans (Les tration sur les plages de Rivesaltes, inventés par
Hirondelles de Kaboul). Une constante pour des la police française afin de parquer les rouges qui
films aussi différents : la force de l’histoire racontée traversaient la frontière pour fuir la répression
franquiste. Si je connaissais la honteuse existence des acteurs. Le grain de la voix de Sergi1 (je me
de ces camps (notamment grâce au roman d’An- permets de l’appeler par son prénom) est une
drès Trapiello Les Carnets de Justo García), je ne des grandes réussites de ce film bouleversant…
connaissais pas Bartoli et j’ai été ébloui par ses sans oublier tout le travail sonore, les bruits, la
dessins. musique de Silvia Perez Cruz qui donne sa voix à
Dès les scènes d’ouverture j’ai été également Frida Kahlo, superbe apparition. Le film se referme
frappé par les voix : celle de Valérie Lemercier qui d’ailleurs avec cette voix qui chante douloureuse-
joue la mère, impatiente, excédée, agaçante, celle ment Gallo rojo, gallo negro. — DP
fatiguée de Gérard Hernandez le grand-père, la
bonhomie de Bruno Solo le gendarme… mais celle
qui semble irremplaçable, c’est la voix de Sergi
López qui joue le rôle-titre : je ne vois pas quel Quand chante le coq noir,
autre acteur aurait pu incarner ce personnage, C’en est fini de l’espoir,
sautant d’une langue à l’autre, français, castillan, Si le coq rouge chantait,
© SOPHIE DULAC DISTRIBUTION
catalan… et la faisant frémir de la riche huma- Coq noir, c’est toi qui déchanterais.
nité qu’on lui connait. Est-ce qu’un grand acteur
n’est pas d’abord une grande voix ? Au théâtre
sans aucun doute mais également au cinéma,
1. Et me sont revenus en mémoire les premières apparitions
même si le corps de l’acteur, pouvant être filmé de ce latin lover atypique, chez Manuel Poirier (Marion, Western…),
de très près, y est très présent. Le film d’anima- chez Dominik Moll (Harry, un ami qui vous veut du bien),
tion, en ce sens, sublime l’interprétation vocale chez Catherine Corsini (La Nouvelle Êve, Partir)…
06 Les Carnets du Studio N°397 — janvier 2021 07AU T OU R D ES F ILMS Souvenirs
Sur l’écran blanc
Vincent Gallo la chanson The Rhythm of the Night de Corona.
Billy Brown est un personnage pathétique Une très belle performance chorégraphiée par
au visage torturé. Il sort de prison et erre, seul, Bernardo Montet. Tout au long de ce film très beau
de mes souvenirs
dans une Amérique malade et froide. Personne et complètement déroutant, on assiste à un ballet
n’est venu l’attendre. Comment s’identifier à cet visuellement superbe où l’émotion naît non pas du
récit mais du rythme et de la plastique.
Autant en emporte
le vent (1939).
…défilent des acteurs dont le jeu m’a particulièrement touchée Adam Driver
Paterson est chauffeur de bus dans la ville de
Paterson. Les jours s’écoulent avec les mêmes
rituels mais avec d’infimes variations. Paterson
Clark Gable plus grand opéra du monde, où se produiront son est aussi poète. Il écrit chaque jour, pendant ses
Rhett Butler est le premier homme qui a brisé idole Enrico Caruso et Sarah Bernhardt. Très ambi- pauses, afin de s’évader de ce qui est réglé et peu
mon cœur d’adolescente, prise dans le tourbil- tieux, l’homme à la folie totalement excentrique passionnant. Il décrit les tout petits riens, la vie
lon d’une histoire romantique, passionnante et entend civiliser les tribus indiennes en leur fai- ordinaire, banale et douce, la routine en somme.
vibrante. L’homme est plein de charme, séduisant, sant écouter la musique. Dans son éternel costume Rien de spectaculaire. Sa vie avance sans faire de
souriant, cynique aussi. Il déclare son amour, s’en blanc, grimpé sur le toit du bateau, il lance son bruit. Il est confiant, explore les petits bonheurs
éloigne, revient, repart dans un phonographe. Penché sur l’appareil, il écoute la homme à première vue sans cœur qui kidnappe derrière les mots et nous offre des images poé-
chassé-croisé où l’amour fou et voix aimée. Il se redresse ensuite, tourne sur lui- une jeune femme ? Cet homme au caractère hor- tiques. Même les vies les plus minuscules sont
le désarroi se côtoient. Rhett a même surveillant les abords du bateau, la jungle rible, infernal, insupportable. Vont s’enchaîner
de la classe. Son interpréta- environnante. La beauté de ce chant fera-t-elle des séquences dramatiques, d’autres drôles, enfin Paterson (2016).
tion est fabuleuse, au point de taire la fureur de la jungle ? Kinski est impression- des moments tendres et positifs. Petit à petit nous
faire vivre la passion qu’il vit, nant, hallucinant, dans ce film qui donne envie de allons découvrir son passé, l’atrocité de sa vie.
au point de faire flancher les réaliser ses rêves. Finalement nous allons inéluctablement nous
cœurs. attacher à celui qui n’avait absolument rien d’atta-
chant. Vincent Gallo est un acteur époustouflant,
Autant en emporte Jean Rochefort profond, touchant. Il incarne admirablement ce
le vent (1939). Antoine, petit enfant personnage violent, taciturne et mal dans sa peau.
devenu grand, vit enfin Il est l’acteur principal du film mais aussi le réa-
son rêve le plus fou : deve- lisateur, le scénariste, le costumier, le musicien.
Klaus Kinski nir le mari de la coiffeuse. prétextes à faire jaillir des miracles de beauté. La
Brian Sweeney Fitzgerald, dit Fitz, est un Constamment dans son poésie de Paterson nous séduit. Adam Driver est
homme haut en couleurs. Il navigue sur le fleuve salon, il prend plaisir à Denis Lavant drôle, léger, lunaire. Son personnage nous incite
Pachitea, au cœur de la forêt amazonienne. Son observer Mathilde, ravis- Nous sommes à Djibouti, lieu d’entraînement à croire que toute vie peut être un poème… — MS
bateau à vapeur file dans une jungle hostile où le sante et sensuelle. Il la de la légion étrangère, là où règnent sécheresse et
danger est omniprésent. Son rêve : construire le charme, la touche, l’adore. Le Mari de
chaleur. La caméra est posée sur des corps mascu-
Il vit un amour absolu
entre les flacons de sham-
la coiffeuse (1990). lins musclés et luisants, sur les gestes et les visages.
Elle les magnifie dans une mise en scène sophis- FILMOGRAPHIE
poing et les clients dont il tiquée. Elle en capte la beauté. Difficile d’arracher Autant en emporte le vent de Victor Fleming,
s’occupe. Il les amuse également en branchant son son regard tant on est fasciné, jusqu’à une scène George Cukor et SamWood (1939).
magnétophone et en se dandinant sur des airs de finale superbe où Fitzcarraldo de Werner Herzog (1982).
musique orientale. Jean Rochefort est lumineux et Beau travail (2000). Galoup apparaît, soli- Le Mari de la coiffeuse de Patrice Leconte (1990).
aérien. Nul autre acteur ne peut vous faire croire taire. Sur la piste d’un Buffalo ‘66 de Vincent Gallo (1999).
à une histoire aussi fantaisiste où la poésie l’em- night-club il entame Beau travail de Claire Denis (2000).
Fitzcarraldo (1982). porte sur la logique. Un sujet bien étrange mais une danse très phy- Paterson de Jim Jarmusch (2016).
traité avec tendresse. sique, déchaînée, sur
08 Les Carnets du Studio N°397 — janvier 2021 09AU T OU R D ES F ILMS — À P ROP OS Un pays qui se tient sage
Voir en grand
Un pays qui se tient sage \ un film de David Dufresne
Ce sont des images qui ont tourné en boucle sur de ce qui se passe au cœur des manifestations et
les réseaux sociaux (auxquels je n’ai pas accès) mais pouvoir contester la façon dont les forces de l’ordre
également, ad nauseam, sur les chaînes en continu « gèrent » celles-ci. Mais, sur les réseaux sociaux, dif-
(que je fréquente parfois), samedi après samedi ficile de dépasser l’émotion, la colère. Sur les chaînes
pendant le mouvement des Gilets Jaunes. En choi- en continu ce flot d’images était accompagné des
sissant de les projeter sur grand écran, le journaliste commentaires des « éditocrates » qui voulaient nous
David Dufresne – qui avait préalablement accueilli convaincre que les Gilets Jaunes sont tous violents,
© LE BUREAU – JOUR2FÊTE – 2020
les vidéos de violences policières sur son fil Twitter racistes, homophobes, fascistoïdes. Après des mois
Allo, place Beauvau, travail qui a reçu le Grand Prix de recherche, D. Dufresne a réussi à sourcer, crédi-
du journalisme en 2019 et a été repris par l’ONU, le ter, dater, payer 95 % des images du film : « Ces gens
Conseil et le Parlement européen) – savait qu’elles ont témoigné, sans eux ce film n’aurait pu exister. À
allaient changer de nature : « Cette transposition per- la fin il leur est dédié. D’une certaine façon ils réa-
met à chacun de se rendre compte que ces images lisent le rêve de Dziga Vertov : une caméra derrière
valent bien plus que le petit écran de son téléphone. chaque citoyen. »
Bien plus que l’immédiateté. Bien plus que le buzz.
Projetées sur grand écran, elles acquièrent une force Du dialogue
de contre-récit, de cinéma direct, brut, engagé. » Le réalisateur met en place un dispositif de dis- tristement célèbre : des dizaines de lycéens sont age-
tanciation efficace : les images sont projetées sur « Môme ! On ne dit pas nouillés, les mains sur la tête. Totalement sûr de son
La caméra est une arme grand écran à deux interlocuteurs anonymes qui les sergents de ville, bon droit, le gendarme ironise : « Voilà une classe
On le répète souvent : l’histoire est écrite par les débattent de ces images. Ne pas savoir d’où ils on dit les cognes ! » qui se tient sage ». Des images dignes d’une dicta-
vainqueurs. Avec l’invention des smartphones, les parlent (on ne saura qu’au générique final qu’ils sont VICTOR HUGO - LES MISÉRABLES 1862 ture d’Amérique du sud ou de troupes coloniales en
manifestants ont en main une arme pour témoigner sociologue, écrivain, policier, avocat, syndicaliste, Afrique. Cette impunité, cette violence illégitime et
historien, plombier, chauffeur…) oblige le specta- presque jamais punie, devrait faire s’interroger tout
teur à les écouter sans a priori (même si on arrive du soleil, le film de G. Perret et F. Ruffin, pour qu’un citoyen français sur ses forces de l’ordre. Quelques
très vite à reconnaître les policiers, pour lesquels il portrait des militants des ronds-points échappe jours plus tard la vision du dessin animé d’Aurel inti-
n’y a jamais aucune violence policière). « Le binôme aux clichés médiatiques ? Plusieurs intervenants tulé Josep et les documentaires de Pascal Blanchard
n’est pas une coquetterie, c’est le moteur du film : on du film de Dufresne s’interrogent sur le monopole Décolonisations : du sang et des larmes (sur France 2)
peut être en désaccord mais dialoguons. Un policier de la violence physique revendiquée par l’État. Cette nous rappelait que les violences policières ne datent
face à une historienne, qu’est-ce que ça crée comme violence est-elle toujours légitime ? « À quel ordre pas d’aujourd’hui : Vel’d’Hiv, camp de Rivesaltes,
conversation ? » obéissent les forces de l’ordre ? » s’interroge une massacre du 7 octobre 1961 à Paris, celui de Pointe-
historienne. À quel ordre s’assujettissent les jour- à-Pitre en mai 1967…
L’opinion, ça se travaille nalistes ? Qui possède les journaux, les télévisions ? À l'heure où les images se déversent en flots
© LE BUREAU – JOUR2FÊTE – 2020
Pourquoi ces images reprennent-elles vie sur le Avec quelle idéologie formate-t-on le cerveau des irrépressibles sur des écrans de plus en plus petits,
grand écran alors qu’il y a eu 150 blessés, une quin- élèves journalistes ? il semble important de réaffirmer, à l’occasion de
zaine d’éborgnés, des mains arrachées ? Pourquoi la sortie du film de D. Dufresne, l’importance du
n’ont-elles pas su nourrir une émission télévisuelle Se tenir sage grand écran, esthétiquement bien sûr, mais égale-
à une heure de grande écoute ? On se posait la même Le titre du film, magnifique, fait référence au ment politiquement. — DP
question globalement à propos du mouvement des commentaire d’un gendarme dans une vidéo, fil-
Gilets Jaunes. Pourquoi a-t-il fallu attendre J’veux mée par lui-même à Mantes-la-Jolie et devenue Les citations du réalisateur sont tirées du dossier de presse.
10 Les Carnets du Studio N°397 — janvier 2021 11A U T OU R D ES F ILMS — COU RT S LET T RAGES Adieu les cons
Adieu les cons
France • 2020 • 1h27
Un film d'Albert Dupontel
Avec Virginie Efira, Albert Dupontel,
Nicolas Marié
Altruiste
On pourrait trouver Albert Dupontel
© JÉRÔME PRÉBOIS – ADCB FILMS
envahissant : scénariste, dialoguiste,
metteur en scène, acteur omniprésent
accaparant le premier plan dans s’en fiche : Dupontel est toujours aussi
quasiment toutes les scènes… Mauvais perché, le ton burlesque et décalé, et on La politesse du désespoir
procès : rares sont les réalisateurs-acteurs y prend un grand plaisir jusqu’à la fin. En cavale En allégeant la forme de son cinéma
qui s’attachent à faire autant briller Pourtant, cette fois, la chute est radicale Contrairement aux apparences, cette (réalisation, interprétation…) A. Dupontel
leurs partenaires, on pense notamment et pessimiste ; il manque la petite note cavale sans issue entre un suicidaire et prouve qu’il n’a plus besoin d’en faire
aux actrices, toujours épatantes, mais positive qui mettait un point final aux une femme condamnée par la maladie, trop pour retenir l’attention et générer de
aussi à ses fidèles Philippe Uchan et autres films du réalisateur. Il n’y croit fait rire et remonte le moral. Et comme l’émotion. Ce (relatif) apaisement vient
Nicolas Marié, dont on se demande bien plus ? — SB Albert Dupontel sait créer de beaux rôles même au contraire nourrir le fond de son
pourquoi on ne les voit pas plus souvent féminins, c'est aussi un nouvel écrin pour propos et lui permet d’atteindre parfois
chez d’autres cinéastes, et dans de grands Solidaires ou solitaires Virginie Efira dont la carrière prend, film la grâce d’un Chaplin ou d’un Keaton en
rôles, tant dans ses films ils crèvent Entre deux confinements deux comédies après film, un incroyable essor. — JF nous faisant à la fois rire et pleurer ! — IG
l’écran. — AW ont su attirer les foules, basées toutes
les deux sur un trio d’authentiques bras On ne se refait pas ! Ça ose tout ?
Désespéré ? cassés : Effacer l’historique avec Gardin – Quand un Dupontel sort (un film de Moins foutraque que ses premiers films
On retrouve dans ce film survitaminé Masiero – Podalydès et Adieu les cons avec Dupontel !), j’y vais les yeux fermés mais aussi moins boursouflé que Au
les thèmes que le réalisateur n’a jamais Dupontel – Efira – Marié et des péripéties (manière de dire !). Encore une fois, revoir là-haut, Adieu les cons fait éclater
cessé de décliner avec autant de rocambolesques de lutte contre le pouvoir dissimulée derrière la noirceur, la férocité de rire pour mieux émouvoir (à moins
dérision que de tendresse : la quête de à la recherche de la mémoire perdue. des maux de notre société devenue qu’il n’émeuve pour mieux faire rire ?).
la paternité / maternité, la malchance, Entre les deux une vraie différence de ton : inhumaine, aliénante, opprimante Il paraît que « les cons ça ose tout » et que
l’amour et la mort sur fond d’injustice. dans le premier le refrain pourrait être (et j’en passe), se révèle une immense c’est à ça qu’on les reconnaît… Dupontel
Encore une fois l’histoire, qui met en « Tous ensemble » alors que le second, tendresse, ici pour le trio de marginaux prouve encore une fois que ce dicton
scène des losers, enchaîne une série de assez paranoïaque, serait sûrement Suze, JB et M. Blin. Dupontel ne se refait audiardesque est on ne peut plus faux :
coïncidences invraisemblables. Mais on « Seuls contre tous » ! — DP pas au cours des années ! — MS il ose tout… et cela n’a rien de con ! — ER
12 Les Carnets du Studio N°397 — janvier 2021 13AU T OU R D ES F ILMS — IN T ERFÉREN CES Michel-Ange
Adieu les cons
Pile et face toute modestie, de décrire
sans complaisance la fange et
Il serait dommage cependant
d’en rester là et de se tenir
de montrer que sur cette fange quitte de l’autre versant
peuvent pousser des fleurs ? du film, du discours plus
Un vrai casse-tête que ce Une beauté plus humaniste discret mais beaucoup plus
Michel-Ange (Il Peccato) de qu’esthétique en quelque angoissant qui double en sous-
Konchalovsky : l’esthétisation sorte… Ce ne serait déjà main l’attachante comédie
de la laideur et de la misère pas si mal. dramatique. Le fil conducteur
peut-elle vraiment – dans les de l’action, véritable talisman
deux sens du terme : est-ce Quitte et double magique qui fait s’enchaîner
possible ? est-ce légitime ? – Alors que le film de les péripéties, est une simple
donner un beau film ? Le titre, Konchalovsky est clairement tablette, grâce à laquelle le
associant l’ange et le péché bâti sur un jeu d’oppositions – protagoniste principal, éternel
dans une formule à la riche ange et péché, laideur et loser mais gentil attendrissant,
ambivalence, pose d’emblée beauté, bassesse et génie, tient tête aux méchants, aux
le problème. Les rues sont misère et luxe (des nobles et « cons ». Doué d’une infaillible
sales, les eaux usées pleuvent des dignitaires ecclésiastiques) compétence informatique, que
des fenêtres, des haillons etc. – celui d’Albert Dupontel ce soit devant une imposante
déchirés couvrent à peine est beaucoup plus subtil installation pleine de boutons,
les corps crasseux et fatigués, dans sa façon d’opposer de curseurs et d’écrans, ou Nous le voyons donc craquer
la maladie et la mort rôdent. deux pôles, l’un positif, devant sa toute petite tablette des dossiers officiels, s’immiscer
Le personnage éponyme l’autre négatif. On retrouve qui l’accompagnera tout au dans des vies privées, bloquer
est en parfait accord avec ici toutes les qualités long de ses pérégrinations, ou dérégler des ascenseurs,
ce triste tableau d’une cinématographiques qui font notre sympathique héros déclencher des dispositifs
© UFO DISTRIBUTION
société affrontant l’âpreté, de ses films un plaisir toujours surmontera tous les obstacles. anti-incendie, déverrouiller
le dénuement, la violence : renouvelé : des dialogues
vivant comme un gueux, piquants, profonds, jamais
Michel-Ange est en plus secs ni bavards ; des idées de
un homme cupide, avare, mise en images originales,
brutal, incapable de surprise par le sculpteur en Mais, justement, celui-ci souvent audacieuses, d’une
terminer ce qu’il entreprend, train de forniquer bruyamment, peut-il être qualifié de beau ? virtuosité sans tape-à-l’œil ;
un opportuniste sans parole. sera transfigurée en l’éthérée Appauvries par le format de une alliance unique de
Vierge Marie de la Pietà de la l’image et leur réduction à la drôlerie et d’émotion ; des
Un plan rapide fait coexister basilique Saint-Pierre de Rome. bidimensionnalité de l’écran, rôles parfaitement écrits et
dans la même image, dans la Du misérable et du sordide les sculptures de l’artiste sont une direction d’acteurs qui
même réalité, le cadavre d’un il extrait une quintessence de de fait très peu montrées, se leur fait donner le meilleur.
pendu et la statue de son célèbre beauté intemporelle. Le plafond révélant par là même presque Bref ce qu’on appelle un style :
David : Michel-Ange le va-nu- de la Chapelle Sixtine, la Pietà, hors-sujet. Sur un plan pas simplement la production
pieds caractériel, le velléitaire, le David ou le Moïse, quel qu’ait purement cinématographique drolatique d’un zozo
© JÉRÔME PRÉBOIS – ADCB FILMS
le parjure, au milieu et en dépit été l’état de la société qui les le film se contente d’une un peu cynique, d’un bon
de toutes les petitesses, de a vus naître, quelles qu’aient facture très classique, avec faiseur, mais un univers
toutes les calamités du monde pu être les bassesses de leur une image impeccablement personnel immédiatement
réel, est un génie capable, créateur, sont des chefs d’œuvre léchée mais pas plus que dans reconnaissable, en un
en les sublimant, de créer de absolus. Tel est l’art de Michel- n’importe quelle reconstitution mot une œuvre au sens
la beauté. La jeune Maria, Ange et c’est bien ce que montre d’époque. Sa véritable beauté le plus noble du terme.
conspuée comme prostituée, le film. ne serait-elle pas plutôt, en Voilà pour le positif.
14 Les Carnets du Studio N°397 — janvier 2021 15AU T OU R D ES F ILMS — IN T ERFÉREN CES Michel-Ange AU TOUR DES FI LMS — À PROPOS Adieu les cons
Adieu les cons
Dupontel
vomit les tièdes
Adieu les cons \ un film d'Albert Dupontel
Le cinéma d’Albert Dupontel n’est pas fait pour
les frileux : il faut apprécier les sensations fortes,
© UFO DISTRIBUTION
les contrastes violents, accepter d’être entraîné
dans un maelström d’émotions et ainsi pouvoir
accéder à des profondeurs insoupçonnées…
Sauter dans le vide ou se faire sauter la cervelle...
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la serrure électronique d’une Le constat est d’autant plus d’autant plus frémir que, À la énième sommation des policiers, la femme
voiture, pirater des données cauchemardesque qu’il dissimulée ici sous de sort de son abri. Comme elle, nous sommes aveu-
protégées, créer une panique et est insidieux : ce n’est pas louables intentions, elle peut glés par les faisceaux lumineux braqués sur la
faire évacuer tout un immeuble. un méchant aux mauvais aisément passer inaperçue, voiture derrière laquelle elle se dissimulait. Nous
Autant de gags comiques desseins qui incarne ce ce qui montre bien que le la suivons dans sa progression lente mais déter-
mais tellement effrayants si terrifiant pouvoir, mais un mal est profond, assimilé minée. Un revolver, le canon pointé vers le sol, est
on y songe ! Un seul homme, aimable hurluberlu agissant dès à présent, peut-être, visible dans sa main gauche. On connaît Suze (l’ex-
disposant d’une simple tablette pour la bonne cause. Mais comme chose normale : cellente Virginie Efira) : elle a son idée, c’est sûr,
et doté des connaissances que serait-ce (que sera-ce ?) plus rien ne peut protéger mais il est évident que de cette arme, elle n’en fera dossier d’adoption de son fils auprès d’un agent
nécessaires, peut tenir à sa aux mains d’un criminel, l’humain de l’invasion pas usage. Une certitude que les forces de l’ordre administratif dénué d’empathie – « donner c’est
merci n’importe quel individu, d’un groupe de fanatiques, numérique, du règne du n’ont aucune raison de partager. Suze sait que ses donner, reprendre c’est voler… – que Suze va faire
n’importe quel organisme, d’une multinationale, big data. Perte d’identité jours sont comptés à cause de cette fichue laque la connaissance de J.B. : dans le bureau d’à côté,
une ville entière, tout un pays d’un gouvernement ? et de liberté, le processus dont elle a consciencieusement bombardé la che- celui-ci a savamment élaboré tout un système pour
peut-être. La dénonciation fait ainsi semble inarrêtable : velure de ses clientes pendant des années, alors, mettre fin à ses jours et enregistrer cette mise à
symboliquement le héros partir pour partir, elle ne veut pas attendre comme mort pour sa hiérarchie. Mais cet as de la techno-
lui-même, J.B., n’est déjà chantait Barbara, d’autant qu’elle a atteint l’ob- logie va échouer dans son stratagème, déclencher
plus qu’anonymes initiales, jectif qu’elle s’était assigné tant qu’il lui restait un un véritable cataclysme et devenir l’ennemi public
comme un simple matricule. peu de souffle : revoir le fils qu’on l’avait forcée à numéro 1. Si cette situation le dépasse totalement,
abandonner quand elle avait quinze ans et faire elle devient pour Suze le seul moyen de retrouver
Michel-Ange (Il Peccato) ce qui était en son pouvoir pour qu’il soit heu- son fils, car elle détient l’enregistrement qui atteste
et Adieu les cons ne reux. Cette mission, elle a pu l’accomplir grâce à que c’était à ses propres jours que J.B. voulait atten-
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se contentent pas de deux alliés improbables : un génie de l’informa- ter. La folle cavale s’enclenche pour aboutir à la
nous faire tuer le temps tique, J.B. (Albert Dupontel), solitaire et suicidaire confrontation crépusculaire décrite plus haut :
l’espace d’une projection. depuis qu’il a appris son limogeage au bénéfice Suze qui, après avoir subi sa vie, armée a décidé
Chacun à sa manière nous d’une plus jeune recrue qu’il devra former, et un de choisir sa fin. Et puis soudain elle n’est, enfin,
ramène à la complexité du archiviste, Monsieur Blin (Nicolas Marié) qui a plus seule : J.B. est auprès d’elle. Et c’est main dans
monde, à l’ambivalence perdu la vue suite à une erreur de la police. C’est la main qu’ils vont faire le grand saut. Regarder la
de toute chose.— AW en tentant de retrouver une trace quelconque du mort en face, debout : Adieu les cons !
16 Les Carnets du Studio N°397 — janvier 2021 17A U T OU R D ES F ILMS — À P ROP OS Adieu les cons I NFOS PRATI QUES
Bienvenue dans le premier Bibliothèque
Sud-Ouest de P. Uchan dans tous ses films, Bernie, cinéma Art & Essai d’Europe, Horaires d’ouverture :
Le Créateur, Enfermés dehors, Le Vilain, 9 mois avec 7 salles et chaque Lundi, mercredi, jeudi, vendredi et samedi :
ferme et Au revoir là-haut, tandis que le (d)éton- semaine plus de 20 films 15h30 à 19h30. Fermeture pendant
nant N. Marié aura uniquement été absent de ce de tous les horizons en les vacances scolaires et jours fériés.
dernier et P. Vuillermoz des trois films ayant suc- V.O. sous-titrée !
cédé au Créateur. Ces trois-là, (mais pouvait-il Cafétéria
en être autrement ?) ne sont pas des comédiens Les cinémas Studio
lisses : même dans une scène courte, ils marquent sont membres
© JÉRÔME PRÉBOIS – ADCB FILMS
les esprits, font vivre leur personnage, lui donnent de ces associations
professionnelles :
une épaisseur, un caractère, que ce soit un maire
dépassé, un avocat bégayant ou un inspecteur
incorruptible… Ils sont les héritiers de ceux que EUROPA CINÉMA La cafétéria
Raymond Chirat et Olivier Barrot ont défini comme
Regroupement est fermée
des salles pour en janvier
Les Excentriques du cinéma français (1929-1958), la promotion du
les Julien Carette, Pierre Larquey ou Jean Tissier ! cinéma européen.
En se créant une bande, A. Dupontel renoue Gérée par l’association d’insertion AIR,
Si chez Dupontel, l’humour est souvent noir, également avec une façon de travailler qu’affec- AFCAE la cafétéria des Studio vous accueille à partir
grinçant, comme chez Chaplin ou Keaton le tionnaient Renoir, Carné, Pagnol ou Clouzot. Cette Association française du mardi 25 août : du lundi au jeudi de 12h/21h ;
burlesque est une forme de politesse. Ce film-ci troupe de cinéma comporte d’autres personnali- des cinémas d’art et le vendredi de 12h/21h45 ; le samedi de
essai.
ne déroge pas à la règle, mais il se distingue de ses tés excentriques : Terry Gilliam, Yolande Moreau, 15h30/21h45 et le dimanche de 15h30/21h.
prédécesseurs par le fait que le Grand-Guignol, Philippe Duquesne, également membres des ACOR Nos horaires changent mais nous
cette fois, ne fait pas l’économie de l’émotion, Deschiens, Dominique Bettenfeld, Jackie Berroyer Association des confectionnerons toujours nos belles tartes
elle est même totalement assumée : nous sommes ou Bouli Lanners… que l’on retrouve également cinémas de l’Ouest salées, nos verrines sucrées, notre succulent
profondément touchés par ce trio de bras cassés, chez J.-P. Jeunet et/ou chez Delépine/Kervern ! pour la recherche flan libanais et notre fameux cheese cake !
de fracassés par la vie, Bonnie et Clyde malgré Réalisateurs pour lesquels Albert Dupontel a (membre co-fondateur). Au plaisir de vous servir ! Tél. : 02 47 20 85 77.
eux. La dernière séquence est bouleversante, été comédien : dans cette histoire de familles, la
tout en ayant de la gueule, du panache ! Suze et boucle est bien bouclée ! — IG GNCR
Groupement national
Abonnements
JB peuvent désormais rejoindre le Valhalla ciné- des cinémas de
Valable 1 an, l’abonnement permet de
matographique de ceux et celles qui ont décidé de bénéficier d’un plein tarif à 5,50 ¤ au lieu de
© GETTY IMAGES
recherche.
se faire sauter le caisson ou de sauter dans le vide 9,50 ¤, tous les jours et à toutes les séances.
comme Ferdinand/Belmondo dans Pierrot le Fou ACC Abonnement amorti en moins de 5 séances !
de Godard, Thelma et Louise (Geena Davis et Association des Informations à l’accueil des Studio ou auprès
Susan Sarandon) dans le film du même nom de cinémas du Centre de votre correspondant.
Ridley Scott, ou Paul (Michel Houellebecq) dans (membre co-fondateur).
Near Death Experience de Kervern et Delépine. Réabonnez-vous !
Bouquet final aux allures d’ultime bras d’honneur Votre abonnement est valable 1 an,
à la face du monde ! Adieu les cons. à partir du jour où vous le prenez.
La date d’expiration de la carte est inscrite
Un air de famille sur votre ticket d’entrée.
En 1992, au générique du premier film Pour vous réabonner :
d’A. Dupontel, un court-métrage intitulé Désiré, • À l’accueil des Studio. Ne pas oublier
on pouvait découvrir les noms de Philippe Uchan, Cinémas Studio d’apporter sa carte (elle est rechargeable).
Nicolas Marié et Michel Vuillermoz. Vingt- 2 rue des Ursulines • Auprès de votre correspondant ou de votre
huit ans plus tard ces trois-là sont à l’affiche 37000 Tours CE (avec mon ancienne carte).
d’Adieu les cons, le septième long-métrage du www.studiocine.com • Par internet, (excepté en cas de changement
réalisateur. Entre temps, A. Dupontel aura régu- de statut, ou tarif réduit à 10 euros).
lièrement fait appel à eux pour donner vie à son Règlement : carte bancaire, chèques, espèces,
univers singulier : on aura entendu l’accent du suivez-nous ! PRIX DE L’APF 1998 chèques vacances.
18 Les Carnets du Studio N°397 — janvier 2021 19© THE JOKERS / CAPRICCI
film du mois
La Nuée France • 2020 • 1h41, un film de Just Philippot
avec Suliane Brahim, Sofian Khammes, Marie Narbonne
Virginie élève seule ses deux enfants. Pour sauver par J. Genevray et F. Victor. Une histoire qui se
sa ferme de la faillite, elle décide de développer nourrit dans un premier temps de réalisme, avant
l’élevage de sauterelles comestibles. Peu à peu cet d'aborder des zones bien plus étranges, avec une
élevage devient son obsession et elle est obligée maîtrise assez confondante dans la gradation de
d’augmenter sa production, son rendement, la l'épouvante. La Nuée, à travers sa dimension fan-
taille de l’exploitation pour répondre aux besoins tastique, parle du grand déséquilibre qui affecte le
de sa famille… même si, foncièrement, ils attendent monde et l’agriculture en particulier.
surtout d’elle de l’attention et de l’amour. Face à
l’hostilité des paysans du coin et de ses enfants qui Une fable universelle
ne la reconnaissent plus, Virginie plonge dans une « La Nuée, c’est un grand écart entre Petit Paysan et
spirale dangereuse… Alien… C’est un film qui s’est préparé comme un
film spectaculaire sans jamais oublier les person-
Un parcours jusqu’à Tours nages qui devaient nous raconter cette histoire. Ce
Né en 1982 dans la région parisienne, Just Philippot n’est pas la dimension fantastique du projet qui
a obtenu un master de cinéma à Paris huit ans m’a plu mais davantage la capacité de Jérôme et de
avant de se tourner vers la réalisation et l’écriture. Franck à évoquer le drame de notre époque. Je n’ai
À son arrivée à Tours il a beaucoup travaillé dans jamais senti une histoire au service du genre, d’ef-
l’éducation à l’image avec des jeunes tout en réa- fets ou je ne sais quoi. Le film nous raconte qu’en
lisant Souffles (2015), un drame social préacheté jouant avec la nature, les conséquences sont désas-
par Arte puis un documentaire, Gildas a quelque treuses. C’est une fable universelle contemporaine :
chose à vous dire, sur son frère polyhandicapé. En produire moins cher, vendre en plus grande quan-
2018 il réalise un court-métrage remarqué intitulé tité, peu importent les sacrifices, peu importent
Acide, qui aborde avec succès le genre fantastique. les conséquences… » expliquait le réalisateur.
Comme il nous l’a expliqué lors de l’avant-première Labellisé Semaine de la critique Cannes 2020, ce
d’octobre, il n’a pas écrit La Nuée, son premier film totalement maîtrisé et bouleversant, avec l’im-
long-métrage, ce qui est très rare : le producteur pressionnante actrice Sulaine Brahim (de la Comédie
T. Lounas lui a proposé de réaliser le scénario écrit française) ne laissera personne indifférent ! — DP
Retrouvez une vidéo de l’avant-première
sur studiocine.com dans la rubrique
“Événements/Ça s’est passé aux Studio”.
www.studiocine.com
Les Carnets du Studio N° 397 — 2 rue des Ursulines 37000 ToursVous pouvez aussi lire