Organisation et évolution des jeux olympiques d'été depuis 1976

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J.-L. CHAPPELET - IDHEAP (institut de hautes études en administration publique), 91, route de la
Maladière CH-1022 Chavannes, Lausanne.

                        Organisation et évolution des jeux
                          olympiques d'été depuis 1976

Les Jeux olympiques fêtent en 1996 leur .centenaire. Leur longue et riche histoire. a souvent été
racontée avec plus ou moins d'exactitude. Elle semble progresser, d'olympiade en olympiade, à un
rythme régulier. En fait, elle a subi de nombreux à coups. Des périodes peuvent être distinguées
parallèlement à l'histoire du XXe siècle. Les quinze dernières années marquent incontestablement un
tournant très important pour l'histoire olympique, une « révolution » pour reprendre le titré, du livre de
Miller (1993). Elles correspondent à la présidence du Comité international olympique (CIO) par un
industriel et, homme politique espagnol, Juan Antonio Samaranch, élu à ce poste à la veille des Jeux
de Moscou, en juillet 1980.
Pour mieux, prendre conscience de l'importance de cette évolution, il convient d'observer des
indicateurs de l'organisation et du déroulement des Jeux d'été sur les vingt dernières années, soit
depuis 1976. L'objet de cet article est de rassembler, structurer et comparer quelques-uns de ces
indicateurs qui sont souvent difficiles à obtenir après coup. Des tendances pourront alors être mises
en évidence. Car c'est à travers une perspective historique que peuvent se comprendre les Jeux
olympiques et non en citant quelques faits épars, même s'ils paraissent remarquables.
Quand on veut comparer les Jeux olympiques à l'aide d'indicateurs, se posent immédiatement deux
questions : celle de l'angle d'observation et celle du choix des indicateurs.
Observer de façon diachronique les Jeux olympiques, ne fut-ce que ceux d'été, pourrait être
considéré, au premier abord, comme une entreprise vaine. En effet, les Jeux se déroulant tous les
quatre ans dans des villes et des pays forts différents, ils restent essentiellement incomparables.
Quel rapport peut-il exister entre les Jeux de Moscou, organisés en 1980 dans un pays communiste
européen étatisé, entre temps disparu, et les Jeux d'Atlanta, se déroulant seize ans plus tard dans
une Amérique capitaliste quasiment sans participation des collectivités publiques ? Sauf,
évidemment, d'appartenir à une chaîne centenaire de rencontres multisports quadriennales.
La comparaison des différentes éditions des Jeux n'a de sens que pour ceux qui s'intéressent à
l'évolution globale du phénomène olympique. C'est le cas de ses historiens et de ses sociologues,
mais aussi, d'un point de vue managérial et organisationnel, de ceux qui organisent les Jeux COJO
(Comités organisateurs) actuels et futurs - ou qui supervisent leur organisation depuis un siècle,
c'est-à-dire le CIO et, plus généralement, les autres organismes qui collaborent au mouvement
olympique: FI (Fédérations internationales sportives) et CNO (Comités nationaux olympiques). Ces
acteurs olympiques ont des stratégies qui influencent (et qui sont influencées par) l'évolution des
Jeux, qu'il convient donc de comprendre dans ses grandes lignes.
Même si les Jeux affectent l'histoire du sport et parfois aussi l'histoire tout court, le but de cet article
n'est pas d'étudier leur impact socio-économique, politique ou autre. Finalement ceci n'a de sens que
pour une édition donnée, dans un contexte et un territoire local, régional et/ou national précis
(Gouguet & Nys, 1993). Il existe d'ailleurs depuis quelques olympiades de telles études, même si
souvent elles se limitent à l'impact économique (par exemple Brunet, 1993). Pour les Jeux de
Barcelone, on pourra se référer à l'ouvrage publié sous la direction de Moragas et Botella (1995) qui
couvre, en plus de l'économique, les aspects politique, social, culturel, médiatique, technologique,
urbanistique, écologique, etc. ; et pour les Jeux de Séoul à Kim et al., (1989).
Le but de cet article est plutôt de dégager quelques tendances lourdes de l'organisation des Jeux
d'été et d'esquisser ainsi quelques pistes de recherche pour l'avenir. Son premier objectif est de
fournir des données fiables et vérifiées. Les informations ici mises à disposition sont, en effet,
relativement difficiles à obtenir et rarement homogénéisées. Cette difficulté fait qu'une vision globale
des multiples facettes des Jeux est rare. L'intention est ici de donner un panorama d'ensemble de
l'organisation des Jeux au moment de leur centenaire: une vision générale d'un phénomène mondial.
Vient ensuite la question du choix des indicateurs à retenir. Il fallait, d'une part, qu'ils soient
significatifs sur les six dernières éditions des Jeux et donc traduisent un trait relativement permanent
et synthétique de leur organisation ou déroulement.
D'autre part, il ne s'agissait pas de retenir des indicateurs peut-être fort intéressants, mais
impossibles ou très difficiles à obtenir a posteriori à partir de sources fiables. Il ne fallait aussi choisir
que des indicateurs assez généraux pour ne pas dépasser le cadre de cet article. Presque tous les
indicateurs retenus sont numériques, un tiers environ sont financiers. Ils ont, pour l'essentiel, une
dominante gestionnaire et quantitative. Des analyses plus qualitatives sont possibles et souhaitables,
telle celle consacrée, par exemple, aux cérémonies olympiques par le CEOE (Centre d'Estudis
Olimpics i de l'Esport) de l'Université autonome de Barcelone (Chappelet, 1996). De même, pour une
appréciation de l'image graphique des Jeux au fil du siècle, et tout particulièrement sur les vingt
dernières années, on pourra consulter l'ouvrage de Wei Yew (l 996).
Après une brève présentation des sites successifs des Jeux de 1976 à 1996 (tableau 1), les
indicateurs choisis sont présentés sous forme de tableaux comparatifs accompagnés de brèves
analyses. Chacun des thèmes ainsi abordés dans cet article a fait ou pourrait faire l'objet d'études
beaucoup plus détaillées, par exemple le programme (Gueorguiev, 1995). Les indicateurs retenus
sont les suivants, répartis en quatre domaines :

Domaine participatif

- les sites des JO 1976-1996 (tableau 1) -participation et résultats des pays (tableau 2)
- médailles des pays hôtes (tableau 3)

Domaine sportif

- programme olympique (tableau 4)
- records battus et cas de dopage (tableau 5)

Domaine organisationnel

- installations olympiques (tableau 6)
- personnes accréditées (tableau 7)
- spectateurs (tableau 8)

Domaine financier

- droits de télévision (tableaux 9)
- partenaires commerciaux (tableau 10)
- recettes assurées par le public (tableau 11)
- budget du COJO (tableau 12).

Les données recueillies ont été prises aux meilleures sources disponibles, à savoir les rapports
officiels publiés par les COJO successifs (COJO 1978, 1981, 1985, 1989, 1993). Il faut toutefois
reconnaître que ces sources sont parfois muettes, incomplètes ou carrément inexactes sur certains
points. Des correctifs ont été apportés en fonction d'autres sources, citées au fur et à mesure,
notamment Brunet (1993) et de Moragas, Rivenburgh & Larson, (1995). Même si le plus grand effort
a été fait pour fournir des chiffres exacts, ceux-ci ne doivent pas être pris à l'unité près, mais comme
des ordres de grandeur Les tendances constatées demeurent. L'article étant écrit avant les Jeux
d'Atlanta, certaines données concernant ces Jeux manquent ou devront être confirmées. Elles sont
extraites de ACOG (1995).

DOMAINE PARTICIPATIF

a) Sites des Jeux Olympiques
1976-1996

Sur la période considérée (1976-1996), les Jeux olympiques d'été se sont déroulés une fois sur deux
en Amérique du Nord. La prépondérance des sites européens (12 sur 17 éditions des Jeux de 1896 à
1972) semble donc bien terminée, notamment du fait de l'émergence de la région Asie-Pacifique
avec Séoul et Sydney, ville à laquelle le CIO a attribué les Jeux de l'an 2000.
Onze villes briguent les Jeux de 2004 : Athènes, Buenos-Aires, Istanbul, Le Cap, Leningrad, Lille,
San Juan de Porto Rico, Rio de Janeiro, Rome, Séville et Stockholm. Vu la forte concurrence et la
présence d'une ville d'Afrique et de deux d'Amérique du Sud (continents auxquels les Jeux n'ont
jamais été attribués), les premiers Jeux du troisième millénaire pourraient ainsi à nouveau échapper
à l'Europe qui présente cinq candidatures.
Par, ailleurs, comme le montre le tableau 1, le nombre de villes candidates aux Jeux d'été (comme à
ceux d'hiver) ne cesse d'augmenter. Ceci est dû, en partie, à la disparition des boycotts (cf. tableau
2) et au bénéfice dégagé par les Jeux de Los Angeles qui efface le désastre financier de Montréal (cf.
tableau 12). A cause du grand nombre de candidatures, le CIO a dû mettre en place tout un
processus de contrôle pour éviter les excès de prosélytisme de certaines villes. Une présélection a
été instituée pour les Jeux d'hiver de 2002 et sera à nouveau utilisée pour 2004.
b) Participation et résultats des pays

Après les boycotts massifs de Montréal et de Moscou, ainsi que ceux beaucoup plus légers de Los
Angeles et Séoul, la participation des pays représentés par les équipes de leurs CNO est en
augmentation constante (cf tableau 2). Elle devrai t même atteindre le maximum possible à Atlanta,
puisque les 197 CNO reconnus par le CIO ont accepté son invitation. Cela est dû, d'une part, à la fin
de la guerre froide et, d'autre part, à la prise en charge financière de la participation d'une équipe de
4 athlètes et de 2 officiels par CNO. Ce financement est assuré grâce à une partie des droits de
télévision et de commercialisation qui reviennent aux CNO et qui sont gérés par la Solidarité
olympique, un organisme dépendant du CIO (cf. autre article dans ce numéro).
Le pourcentage de CNO (dont les athlètes sont) médaillés, en baisse depuis plusieurs olympiades,
s'est sensiblement redressé en 1992 et devrait s'améliorer encore à Atlanta avec J'éclatement de
l'URSS en une douzaine de CNO. La tendance identifiée par Landry (1993) ne se poursuit donc pas,
comme le montre la figure 1.
Malgré la chute du mur de Berlin en 1989 et la disparition de l'URSS et de la RDA, les Etats-Unis,
l'Allemagne (RDA et/ou RFA) et l'(ex-)URSS sont toujours les trois pays les plus médaillés sauf, bien
sûr, en cas d'absence pour cause de boycott. Les trois places suivantes sont beaucoup plus
disputées.
c) Médailles des pays hôtes

L'effet « J.O. » sur les résultats des athlètes du pays hôte est net, comme le montre le tableau 3. A
l'exception partielle du Canada à Montréal, les pays qui accueillent les Jeux obtiennent plus de
médailles qu'à leur accoutumée. Au-delà de l'effet psychologique de concourir dans son propre pays,
cela est dû à des programmes spéciaux désormais systématiquement mis sur pied durant l'olympiade
préparatoire par les gouvernements des pays concernés. Le CIO considère comme important cet
indicateur des résultats nationaux car il est un bon baromètre de l'athmosphère sur place des Jeux.

DOMAINE SPORTIF

Du point de vue sportif, la période étudiée est marquée par deux évolutions importantes : 1 )
l'augmentation régulière du nombre de sports, de disciplines et d'épreuves (aboutissant à une
médaille d'or); 2) la féminisation du programme olympique.
Comme on peut le constater à la lecture du tableau 4, le nombre de sports olympiques reste stable
jusqu'en 1984, ceci du fait de la volonté de Lord Killanin (président du CIO de 1972 à 1980) de ne
pas surcharger le programme des Jeux. Les seuls ajouts sont ceux de disciplines féminines
rattachées à une fédération déjà olympique comme la natation ou la gymnastique. A partir de 1988,
mais en fait la décision a été prise en 1981 au début de la présidence Samaranch, le tennis de table
et le tennis sont ajoutés. (Il s'agit d'un retour pour le tennis qui était présent de 1896 à 1924.) Un
rythme d'ajout de deux sports par olympiade s'installe (le golf proposé par les organisateurs d'Atlanta
n'a finallement pas été retenu). Il se confirme avec Sydney, où figureront pour la première fois
officiellement le taekwondo et le triathlon. Aucun sport ne disparaît malgré certaines velléités du CIO.
Les sports faisant l'objet de démonstrations sont abandonnés car le programme olympique est
désormais lourd (28 sports à Sydney, soit un quart de plus qu'à Los Angeles). Plusieurs d'entre eux
ont d'ailleurs, entre temps, rejoint les Jeux (Gueorguiev, 1995).
On constate également que l'a participation des athlètes femmes ne cesse d'augmenter (cf. figure 2).
A Atlanta, elles peuvent s'aligner dans près de 40% des épreuves (contre 34% à Montréal). Le
nombre d'équipes féminines dans les tournois s'accroît également. Les épreuves dites mixtes, où les
femmes peuvent concourir contre des hommes, comme en équitation ou en tir, tendent à disparaître.
Seules la boxe, l'haltérophilie, la lutte et le pentathlon moderne restent uniquement masculins, si on
considère que le softball est l'équivalent féminin du base-ball.
Toutefois, une trentaine de CNO, notamment de pays islamiques, n'envoient aucune femme aux
Jeux.
Comme l'indique le tableau 5, le nombre des records du monde battus reste autour de la trentaine, à
l'exception de Los Angeles où tous les pays de l'Est étaient absents (sauf la Roumanie). Cela signifie
néanmoins une petite baisse du niveau des compétitions (dans les 5 sports à record) du fait de la
légère augmentation du nombre d'épreuves où des records peuvent être battus. Les records
olympiques deviennent aussi plus difficiles à établir.
Le nombre de cas de dopage détectés est à la baisse sur la période étudiée. On ne sait s'il, faut en
conclure à la diminution du dopage, à la sophistication des produits dopants, ou à la ruse des
athlètes dopés. Le chiffre d'Atlanta sera intéressant à observer compte tenu de la mise en place de
tests hors compétitions dans de nombreux pays, sauf aux Etats-Unis. (Le résultat nul de Moscou est
imputable à la non inscription de la testostérone sur la liste des produits interdits, a-t-on appris
depuis).
DOMAINE ORGANISATIONNEL

Le tableau 6 résume le nombre d'installations, de compétition nécessaires aux Jeux. Au fil des
olympiades, ce nombre augmente régulièrement avec celui des sports et disciplines au programme.
Le nombre de sites distants de plus de 100 kms de la ville olympique (notamment pour l'aviron, le
canoë, le football et la voile) - croît également. Il devient de plus en plus difficile de concentrer les
Jeux dans une seule agglomération. Il faut aussi beaucoup construire et/ou rénover. Avec ses quinze
mille lits, le village olympique est devenu une petite ville, un tiers plus grande qu'il y a vingt ans. Los
Angeles, qui loua pour l'essentiel des installations existantes, reste une exception. Seuls furent, en
effet, construits au frais de sponsors une piscine, un vélodrome et un stand de tir. Les villages
olympiques furent aménagés sur deux campus universitaires existants (UCLA et USC).
Le tableau 7 indique le nombre de personnes accréditées aux Jeux pour certaines catégories. Il ne
prend pas en compte les milliers de personnels accrédités du COJO ou des sponsors. On constate,
entre 1976 et 1992, les augmentations progressives suivantes:
- Officiels du CIO, des FI et des CNO :                                        + 131%
- Juges et arbitres                                                            + 91%
- Equipes des CNO
(athlètes + accompagnateurs)                                                    +79%
- Presse écrite et photographes                                                 +52%
-Personnel radio-télévision                                                    +44%,
- Personnel de sécurité :                                                       +22%
Il est à noter que le déroulement des Jeux repose de plus en plus sur du personnel non rétribué,
dénommé « volontaires », une idée américaine introduite en masse à partir de 1984, mais déjà
utilisée aux Jeux d'hiver de 1980 à Lake Placid. Au total, les Jeux d'Atlanta nécessiteront pendant
trois semaines plus de 88 000 personnes salariées ou non pour fonctionner (Greising, 1996).

Pour des raisons logistiques, le CIO a décidé de limiter, à partir de 1992, les équipes des CNO à un
total théorique de 15 000 personnes (10 000 athlètes et 5 000 accompagnateurs). A cet effet, des
quotas de participation ont été imposés à tous les sports olympiques. Certains sont drastiques tel
celui du pentathlon moderne, limité à 32 hommes, et de la natation synchronisée, limitée à 80
femmes, à Atlanta. Toutefois, le nombre de CNO augmente et tous peuvent envoyer aux Jeux une
équipe minimale aux frais de la Solidarité olympique. Cette limitation de la taille des équipes sera
donc difficile à tenir et suscite des protestations de la part des petits CNO. La limite fixée a d'ailleurs
été nettement dépassée en 1992.
Aux personnes accréditées, qui sont toutes plus ou moins présentes dans la ville olympique, viennent
s'ajouter les spectateurs recensés par le tableau 8. Les Jeux durant 16 jours (17 à Atlanta), on obtient
une moyenne journalière de 200 000 à 650 000 spectateurs, auxquels viennent s'ajouter les curieux.
Des pointes supérieures sont enregistrées pendant les trois fins de semaines sur lesquelles se
déroulent les Jeux. Selon la taille de la ville olympique, de tels afflux de visiteurs peuvent submerger
ses infrastructures. Il sera intéressant de voir si les Jeux d'Atlanta arrivent à attirer et à supporter
environ le double de spectateurs que ceux de Los Angeles, qui détiennent le record actuel dans une
ville beaucoup plus grande. Il est à noter que, depuis Séoul, de plus en plus de spectateurs sont les
invités des sponsors qui négocient des billets dans le cadre de leurs contrats de parrainage.
Par ailleurs, l'époque de la construction de très grands stades olympiques semble révolue, tout au
moins en Europe puisque Sydney planifie Lin stade de 110 000 places ,pour l'an 2000. Les Jeux se
regardent désormais surtout à la télévision et auraient attiré une audience cumulée de 10,4 milliards
de téléspectateurs pour Séoul et de 16,6 milliards pour Barcelone (CIO, 1995). En outre, le relais de
la flamme olympique dure de plus en plus longtemps (de 5 jours pour Montréal à 84 jours pour
Atlanta) et touche donc un nombre toujours plus important de personnes.

DOMAINE FINANCIER

Le tableau 9 fournit le total des sommes versées par les chaînes de télévision ou unions de
radiodiffusion pour retransmettre les Jeux dans leurs zones géographiques respectives. Ces
sommes, connues sous l'appellation englobante de «droits de télévision», comprennent des frais
pour les « services techniques » fournis aux télédiffuseurs et des droits de retransmission proprement
dits. Sur ces droits, environ les deux tiers sont revenus aux COJO depuis 1972. Le troisième tiers
(33%) étant partagé également entre le CIO, les CNO et les FI dont le sport figure au programme.
Cette tierce part du Mouvement olympique passera à 40% pour 1996 et 2000. A partir de 2004, le
CIO a décidé qu'elle sera de 51 %.
Les droits de télévision ont subi une forte augmentation à partir de 1984. Comme le montre la figure
3, leur taux de croissance reste impressionnant et dépasse très nettement L'inflation des pays qui
pourraient être utilisés comme base (pays organisateurs ou Suisse, siège du CIO). Le CIO a même
déjà vendu des droits pour des Jeux non encore tenus ou attribués. Ils dépasseront ainsi 1,1 milliard
de dollars à Sydney en l'an 2000.
La figure 4 montre que les droits européens payés, depuis 1960, par l'UER (Union européenne de
radiodiffusion, qui regroupe aussi les pays du Maghreb et, depuis 1992, les pays de l'Est) ont
considérablement augmenté en valeur absolue. lis restent néanmoins environ à la moitié des droits
Pour les Etats-Unis qui, à partir de 1996, retrouvent un taux de croissance supérieur. La proportion
des droits américains par rapport au total des droits de télévision baisse toutefois de 72 à 49 % sur
les vingt dernières années.
On peut désigner par « droits de commercialisation » l'ensemble des sommes perçues par le COJO
au titre de la vente à des entreprises du droit d'utiliser l'emblème des Jeux pour promouvoir leurs
produits ou services (sponsors et fournisseurs) ou pour le reproduire sur des objets de toutes sortes
dont la vente produit des royalties pour le COJO (détenteurs de licences). Le tableau 10 montre
l'augmentation très importante de ces droits de commercialisation touchés par les COJO,
parallèlement à une certaine limitation, à partir de 1984, du nombre d'entreprises concernées (facteur
de raréfaction). (Les chiffres pour Moscou proviennent du rapport officiel, mais sont cités sous toute
réserve, notamment le montant des royalties provenant de licenciés !).
Cette limitation des partenaires commerciaux s'accompagne toutefois d'une utilisation accrue et
exagérée des droits par ceux qui les détiennent. Ceci est particulièrement net aux Etats-Unis,
notamment à travers la publicité télévisée de plus en plus massive durant les émissions olympiques
qui font l'objet d'exclusivité par catégorie de produits (telecast sponsor). Ainsi près de 40% du temps
de retransmission de la cérémonie d'ouverture des Jeux de Barcelone sur NBC (National
Broadcasting Corporation) fut consacré à des spots publicitaires (Moragas et al, 1995, chapitre 10).
A partir de 1988, apparaissent des sponsors olympiques mondiaux réunis dans le programme TOP
(The Olympic Programme Une dizaine de multinationales (dont, depuis le début, Coca Cola, Kodak',
Panasonic Time et Visa) contribuent successivement à un total d'environ US$ 100 millions (pour la
période 1985-1988), 175 millions (pour 1989-1992) et 300 millions (pour 1993-1996). Pour cette
dernière période, les revenus TOP sont partagés entre les COJO d'Atlanta (36%) et de Lillehammer
(14%), le CNO américain (20%), les autres CNO (20%) et le CIO (l 0%) (CIO, 1994).
Comme le montre la figure 5, les droits commerciaux (sponsors, fournisseurs et licenciés) atteignent
progressivement le total des droits de télévision (si on fait abstraction de l'aberration de Moscou). On
peut même affirmer qu'ils les ont dépassés du point de vu du COJO, car celui-ci en reçoit une bien
plus grande partie que des droits de télévision. Le CIO ne perçoit, en effet, que 5% des contrats
commerciaux hors TOP et cela seulement depuis 1992.
Aux droits commerciaux viennent s'ajouter, comme autres sources importantes de recettes pour les
COJO, les sommes spayées principalement par des particuliers sous forme de billets pour les
compétitions, de billets de loteries et de monnaies olympiques à valeur numismatique (et,
marginalement, de timbres commémoratifs).

Comme on le constate avec le tableau 11, aucune tendance générale ne se dégage à propos de
l'évolution de ces revenus nus qui dépendent fortement des habitudes et lois locales. Par exemple,
une loterie ne put être organisée à Los Angeles, contrairement aux autres villes olympiques depuis
Tokyo, en 1964. Par contre, les très bons résultats en billetterie des organisateurs américains sont
dus à la grande capacité des arènes sportives aux Etats-Unis et à des

billets relativement chers : US$ 3 à 95 à Los Angeles ; US$ 6 à 250 à Atlanta (prix encore plus élevés
pour les cérémonies). Un phénomène similaire a été constaté pour la Coupe du monde de football en
1994. Les recettes provenant de la numismatique sont en déclin notamment du fait de la chute des
cours de l'or et de l'argent.
Le département du marketing du CIO calcule que l'ensemble des recettes (y compris les droits de
télévision) générées par les Jeux d'hiver et d'été sur la période 1993-1996 dépassera US$ 3 milliards
(contre 1,8 milliard pour la période 1989-1992) (CIO, 1996). Environ 6 à 7 % de ces sommes
reviennent finalement au CIO.
Aux recettes commerciales des COJO précisées ci-dessus, viennent encore s'ajouter d'importantes
subventions publiques (sauf aux Etats-Unis) ainsi que des recettes indirectes comme des intérêts
financiers ou les produits de ventes de matériel après les Jeux. Le total des recettes est indiqué au
tableau 12, ainsi que le total des dépenses assumées par les COJO. On constate ainsi que les
budgets des COJO sont bénéficiaires à des degrés divers depuis 1984.
Il convient toutefois de remarquer que le tableau 12 ne reflète pas le coût total des Jeux d'été, en
particulier les dépenses directement assumées par le gouvernement national ou régional (sécurité,
douanes, infrastructures de transport et de télécommunication, etc.). Il ne comprend pas non plus la
plus grande partie des investissements liés à 1 a construction des installations olympiques (sauf pour
les jeux organisés en Amérique du Nord). A Séoul et à Barcelone, ces dépenses en capital ont été
considérables et assumées essentiellement par les collectivités publiques (Brunet, 1993). La majeure
partie de l'important bénéfice de Séoul a d'ailleurs été affecté à leur remboursement partie (COJO,
1989). Dans ces deux derniers cas, pas plus qu'aux Jeux d'hiver, on ne peut donc dire que «les Jeux
payent les Jeux», selon la célèbre expression d'un co-président du COJO d'Albertville (Andreff,
1991).
Dans l'attente du bilan comptable définitif d'Atlanta, le seul véritable bénéfice financier réalisé jusqu'à
présent est celui de Los Angeles. Le CIO a par contre déjà reproché aux organisateurs d'Atlanta de
financer la construction de plusieurs arènes olympiques entièrement sur le budget du COJO, sans
subvention des villes ou écoles qui en hériteront quasiment gratuitement. La ville d'Atlanta et l'état de
Géorgie ne contribuent pas au budget des Jeux et facturent même certaines de leurs prestations au
COJO (police, ordures, etc.). Ils financent ,toutefois quelques projets plus ou moins en relation avec
les Jeux (rénovation de l'aéroport pour la ville, construction de résidences universitaires pour l'état,
etc.). Par contre, l'état fédéral américain estime sa participation sur cinq ans à US$ 248 millions,
notamment pour les transports (105 millions), la sécurité (70 millions), les sites (12 millions) et les
télécommunications. Au total, les collectivités publiques contribueraient pour plus de US$ 810
millions à la tenue des Jeux (Harris, 1996). Cette somme reste très inférieure aux dépenses du
secteur public coréen pour 1988 ou espagnol pour 1992 qui se chiffrent en milliards (Brunet,
1993,69).

CONCLUSION

La période olympique qui commence avec l'élection de Juan Antonio Samaranch à la présidence du
CIO, en 1980, et dont les premiers Jeux d'été sont ceux de Los Angeles en 1984, est marquée par
des évolutions majeures.
Les boycotts politiques s'atténuent jusqu'à disparaître (à Barcelone) et on assiste à une poussée
concomitante des candidatures à l'organisation des Jeux. Le programme olympique (sports et
épreuves) augmente d'environ un quart pour s'ouvrir à des sports, pour la plupart d'origine non
européenne, et à quelques disciplines très récentes (VTT, Beach Volley). Il se féminise fortement.
Parallèlement, du point de vue économique, des bénéfices de fonctionnement apparaissent grâce à
un décuplement des droits de télévision et à une explosion des revenus du parrainage sans
augmentation sensible du nombre de sponsors. De plus, les sources de financement se diversifient et
ne sont plus limitées aux droits de télévision. Par contre, du point de vue organisationnel, les Jeux
d'été deviennent délicats à mettre sur pied. Les installations sportives à aménager et les personnes à
recevoir (participants divers et spectateurs) sont de plus en plus nombreuses. Les Jeux ne peuvent
plus être organisés que dans de très grandes agglomérations.
Ces changements importants se combinent en une spirale du succès qui fait écho à
la devise olympique (citius, altius, fortius) qui semble prôner un développement sans
limite. Après la période 1894-1912 qui marque des débuts difficiles pour l'olympisme
la période 1920-1940 qui voit la naissance du symbolisme olympique, la période
1948-1980 qui fait des Jeux d'été Lin forum mondial fortement politisé (Chappelet,
199 1, chapitre 3), la, période 198411996 couronne le premier siècle des Jeux
modernes sous des auspices politiques et économiques beaucoup plus favorables
que ceux que le C10 pouvait observer en 1980. Mais les Jeux nécessitent de plus en
plus de constructions et de moyens matériels; ils doivent accueillir de plus en plus de
personnes et d'épreuves sportives. Ils sont menacés par le gigantisme. Désormais,
le défi olympique est écologique au sens large. C'est ce qu'a compris la ville de
Sydney qui a fait de J'environnement le thème de sa campagne victorieuse pour les
Jeux de l'an 2000. C'est aussi ce qu'a compris le CIO en se dotant, en 1995, d'une
commission pour l'environnement. Il s'agirait d'établir un équilibre entre économie et
écologie. Car des indicateurs continuellement à la hausse ne sont peut être pas le
meilleur indice du succès de l'olympisme dans un monde qui vise le développement
durable.
BIBLIOGRAPHIE

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Andreff W. (Ed.), Les effets d'entraînement des Jeux olympiques d'Albertville,
Retombées socio-économiques et innovations dans le domaine du sport en Région
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Brunet F., Economie des Jeux olympiques de Barcelone 1992, Musée olympique,
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Chappelet J-L., Le Système olympique, Presses universitaires, Grenoble, 199 1.

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