La TVA appliquée au sport
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
L’ACTUALITE TVA L’ACTUALITE TVA Xavier Oberson La TVA appliquée au sport De nombreuses questions subsistent Dès la mise en œuvre de la TVA, en n’ont pas forcément été approfondies nements organisés permettant l’exer- 1995, le domaine du sport a posé de jusqu’ici. cice d’un sport [5]. Il s’ensuit que les re- nombreux problèmes [1]. Dans ce con- cettes provenant de la simple utilisation texte, les organisations sportives met- Il est donc intéressant d’analyser plus d’installations sportives (entrée aux pa- tent sur pied des compétitions, sources avant comment la LTVA appréhende tinoires, skilift, place de golf) [6], sans d’importants chiffres d’affaires prove- le secteur sportif, à la lumière de ces dé- qu’une véritable manifestation spor- nant, soit des sportifs participants veloppements récents. Il s’agira de dé- tive n’ait lieu, ne tombent pas sous (droits d’inscription), soit du public crire dans quelle mesure les opérations cette disposition. (billets d’entrée), soit de tiers (publicité, sportives – définies largement – sont ou droits de retransmission). De nom- non soumises à la TVA (2), puis à Il convient de distinguer également le breuses entreprises commerciales par- quelles conditions les divers interve- prix payé par le public de celui payé par ticipent en outre étroitement, directe- nants sont assujettis à la TVA (3). Le les sportifs eux-mêmes en tant que par- ment ou indirectement, au sport de cas échéant, la délimitation du droit à la ticipants. compétition, en tant que sponsors, con- déduction de l’impôt préalable pourra sultants, représentants, agents, voire en être examinée (4). L’OTVA excluait déjà du champ de gérant des droits de retransmission l’impôt les contre-prestations à des télévision. manifestations sportives (art. 14 ch. 12 OTVA) (p. ex. droits d’entrée à des 2. L’objet de la TVA matches de football ou de hockey) [7]. 1. Introduction Cette règle était toutefois limitée à la 2.1 Les opérations hors champ rémunération exigée des personnes as- Le traitement TVA de ces formes va- sistant à la manifestation. En d’autres 2.1.1 Les manifestations sportives riées de rémunérations n’est donc termes, seule la participation passive à pas évident. On constate que la nature Selon l’article 18 ch. 15 LTVA, les une manifestation était visée (public). disparate des intervenants ne facilite contre-prestations demandées pour les guère les choses. A côté des amateurs, manifestions sportives, y compris celles La LTVA a élargi l’exonération (impro- on rencontre des sportifs salariés ou in- qui sont exigées des participants (no- prement dite) aux contre-prestations dépendants, parfois regroupés dans tamment finances d’inscription), et les exigées des participants eux-mêmes. Il des équipes ou des associations. Les prestations accessoires incluses sont s’agit tout d’abord des taxes ou des fi- clubs, généralement organisés sous la hors champ de l’impôt. La loi ne vise nances d’inscription payées par les forme juridique de l’association [2] ont précisément que les manifestations sportifs pour participer activement à même tendance à adopter celle de la («Anlass») sportives, à savoir les évé- une manifestation sportive [8]. Les li- société anonyme, dans le cadre du sport cences que le sportif doit obtenir au- professionnel [3]. près des fédérations compétentes pour participer à une compétition suivent le Dans ce domaine précis, la réglementa- même sort [9]. L’exonération vise aussi tion péchait par divers défauts de jeu- les prestations accessoires incluses dans nesse. L’ordonnance régissant la taxe le prix de la participation du sportif, par sur la valeur ajoutée (OTVA) conte- exemple le transport, la subsistance nait en effet peu de règles favorables pendant la compétition, le massage ou au sport. Cette situation a donné lieu même la médaille [10]. Les prestations au lancement d’une initiative popu- accessoires doivent toutefois avoir un laire [4]. Toutefois, l’entrée en vigueur, lien direct avec la manifestation. A dé- le 1er janvier 2001, de la loi fédérale sur faut, cette prestation est imposable, in- la TVA (LTVA) a apporté de nom- dépendamment du fait qu’elle soit fac- breuses améliorations, raison pour la- turée séparément ou incluse dans le quelle l’initiative a alors été retirée. Les prix [11]. Par exemple, selon la pratique problèmes n’ont pas pour autant dis- de l’AFC, le droit à un repas après la paru complètement, ainsi que nous al- Xavier Oberson, Professeur de droit fiscal compétition ou la possibilité de faire lons le voir. De plus, de nombreux ar- à l’Université de Genève, avocat, juge à la une excursion gratuite en bateau est rêts ont été rendus entre-temps dans ce Commission fédérale de recours en matière considéré comme une prestation sup- de contributions, Genève domaine, ce qui permet de mettre en xoberson@oberson.ch plémentaire, sans rapport avec la fi- exergue des questions nouvelles qui nance d’inscription et donc imposable. 790 L’Expert-comptable suisse 9/03
L’ACTUALITE TVA Xavier Oberson, La TVA appliquée au sport En outre, sont également hors champ est par contre inapplicable aux presta- chiffre 11 (formation), 13 (cotisations) les droits d’organisation (taxes, droits tions (cotisations) versées à des entités et 15 (manifestations) (art. 26 al. 1 ou redevances) que l’organisateur doit poursuivant des buts lucratifs. Un «Fit- lettre a LTVA). Dans ces hypothèses, verser à une association sportive qui ac- ness Club» ne saurait ainsi bénéficier l’option est alors possible, même si le corde le droit d’organiser une manifes- de ce régime [18]. destinataire n’est pas assujetti. En tation [12]. Cela vise notamment les li- outre, l’option est également possible cences versées par une association à Les prestations supplémentaires ver- pour la location d’installations spor- une fédération internationale pour par- sées par certains membres contre une tives, mais à la condition supplémen- ticiper à un championnat du monde en prestation spécifique liée au versement taire qu’elle soit fournie à des assujettis Suisse. sont par contre imposables, faute de (art. 26 al. 1 lettre b LTVA). pouvoir être qualifiées de cotisation (rémunérations pour un conseil juri- Pour les manifestations sportives, l’op- 2.1.2 La location d’installations dique fourni par l’association) [19]. tion en faveur de l’imposition peut sportives s’avérer particulièrement avantageuse. En principe, la location et l’affermage En effet, l’organisateur de la manifes- 2.1.4 L’enseignement du sport de machines et de dispositifs fixés à tation va certes devoir soumettre à la demeure et faisant partie intégrante Les cours de sport, à l’instar de toutes TVA les contre-prestations reçues dans d’une installation (congélateurs, places les prestations de formation, sont éga- ce contexte (y compris les droits de par- d’amarrage) sont imposables [13]. De lement exclus du champ de la TVA ticipations), mais au taux réduit de telles installations se rencontrent éga- lement dans le domaine du sport. Le parlement a toutefois introduit une nouvelle exception, qui n’était prévue ni par l’OTVA ni dans le projet de «Les cotisations des clubs sportifs sont hors champ LTVA [14], en précisant que la location d’installations sportives est hors champ pour autant qu’elles soient fixées statutairement ou (art. 18 ch. 21 lettre d a contrario selon les statuts, à fixer par l’assemblée générale.» LTVA). Cette règle vise typiquement la loca- tion de halles de gymnastique, de stades (art. 18 ch. 11 LTVA). Ce régime, 2,4% (art. 36 al. 1 lettre c LTVA). Cette de football, de piscines ou de patinoire. simple en apparence, peut donner lieu possibilité est d’autant plus intéres- En pratique, elle suppose que le loca- en pratique à de délicats problèmes sante que l’organisateur, dans cette taire ait le droit exclusif d’utiliser l’ins- de qualification car l’animation ou l’ac- éventualité, pourra récupérer l’impôt tallation. Il n’en va pas ainsi lorsque compagnement de personnes pour préalable sur les prestations taxées, la l’utilisateur paie un simple droit pour l’exercice d’un sport est par contre im- plupart du temps à un taux de 7,6%. utiliser l’installation (entrée à une pis- posable [20]. Il conviendra donc de dé- Toutefois, la récupération de l’impôt cine, «green fees», abonnement de ski- terminer si la part prépondérante de préalable ne sera généralement pas to- lift) [15]. Dans ce cas, les recettes per- l’activité consiste à former des sportifs tale car, souvent, l’organisateur va re- çues constituent des chiffres d’affaires (cours de tennis, de voile ou de ski) ou cevoir des prestations qui réduisent imposables. à accompagner des personnes dans le le droit à la récupération (subvention, cadre de l’exercice d’un sport (randon- dons) ou effectuer parallèlement des née en montagne, «rafting»). opérations qui excluent ce droit. 2.1.3 Les cotisations des membres Les cotisations des clubs sportifs sont Outre les manifestations sportives, hors champ pour autant qu’elles soient 2.2 L’option en faveur l’option en vue de l’assujettissement fixées statutairement ou selon les sta- de l’imposition des prestations des opérations sportives hors champ tuts, à fixer par l’assemblée générale hors champ provoque en général la TVA au taux (art. 18 ch. 13 LTVA) [16]. Cette règle ordinaire de 7,6% (art. 36 al. 1 lettre b ne s’applique que pour autant que Toutes les prestations exclues du LTVA a contrario). (i) l’association n’ait pas de but lucratif, champ de la TVA ne sont pas impo- (ii) le montant de la cotisation soit iden- sables, mais elles n’ouvrent en principe En cas d’option, la localisation s’effec- tique pour tous les membres, ou par ca- pas le droit à récupération de l’impôt tue suivant la nature juridique de la tégorie de membres, (iii) la cotisation préalable (art. 17 LTVA). prestation concernée. Ainsi, à notre est perçue pour atteindre les objectifs sens, l’option en faveur de l’imposition communs aux membres [17]. Une asso- La LTVA permet désormais l’option des manifestations sportives est régie ciation sportive peut ainsi – moyennant pour l’imposition de certaines presta- par l’article 14 al. 2 LTVA. Pour les co- cotisations statutaires – offrir à ses tions mises hors champ (art. 26 LTVA). tisations, en revanche, la localisation est membres le droit d’utiliser les installa- S’agissant du domaine sportif, il en va régie par le principe général de l’ar- tions (club de tennis). Cette disposition ainsi des opérations visées à l’article 18 ticle 14 al. 1 LTVA. L’Expert-comptable suisse 9/03 791
L’ACTUALITE TVA Xavier Oberson, La TVA appliquée au sport 2.3 Les opérations imposables compris l’organisateur – exerce son ac- neris aux termes duquel une partie, le tivité (art. 14 al. 2 lettre d LTVA). En sponsorisé, autorise l’autre partie, le 2.3.1 Les prestations sportives revanche, les cessions, rachats ou prêts sponsor, à s’associer à lui de différentes Le législateur a maintenu le principe de joueurs, en tant que services imma- manières, en échange d’une prestation général de l’imposition des prestations tériels, sont localisés au siège du pre- de soutien [28]. Le soutien s’effectue du sport professionnel (à but lucratif). neur de service (art. 14 al. 3 lettre a sous forme d’une prestation en espèces Contrairement aux performances des LTVA). Partant, si l’entreprise cession- ou en nature. Le sponsorisé manifeste artistes, les prestations sportives four- naire a son siège à l’étranger, la presta- à l’extérieur le soutien du sponsor sous nies par des sociétés sportives ou des tion est localisée à l’étranger et donc les formes les plus diverses. Parmi les sportifs sont imposables, à moins d’être non soumise [25]. L’entreprise cédante obligations du sponsorisé, on mention- expressément hors champ de l’impôt. Cette situation ne heurte pas le prin- cipe de l’égalité de traitement. Les per- formances des artistes appartiennent «Sous l’angle de la TVA, les prestations de au domaine culturel qui, en tant que tel, est hors champ de l’impôt. Pour le sponsoring effectuées par le sponsorisé, sont Tribunal fédéral, cette différence est généralement qualifiées d’opérations publicitaires.» par ailleurs justifiée car «au contraire des artistes, les sportifs ne sont pas des créateurs de culture» [21]. en Suisse peut tout de même récupérer nera celle d’afficher le nom ou le logo Sont ainsi imposables toutes les re- l’impôt préalable (art. 38 al. 3 LTVA). du sponsor (sur le lieu de la manifes- cettes provenant de prestations de A l’inverse, le prêt d’un joueur d’une tation, l’équipement de sportif, voi- services sportifs sur territoire suisse entreprise étrangère en faveur d’une tures, voiles, etc.), d’utiliser l’habille- (primes d’engagement et d’arrivée, ré- entreprise suisse doit être considéré ment, le matériel ou les services du munérations reçues de l’organisateur comme une acquisition de services sponsor, voire de participer à des évé- de la compétition) [22]. provenant de l’étranger, imposable nements [29]. par le destinataire (art. 10 lettre a et 24 De même, les transferts, rachats de LTVA). Contestée, cette solution a été Sous l’angle de la TVA, les prestations contrats et prêts de sportifs sont des confirmée par le Tribunal fédéral, sous de sponsoring effectuées par le spon- cessions de droits immatériels valant l’angle de l’OTVA [26]. sorisé sont généralement qualifiées prestations de services – au sens de l’ar- d’opérations publicitaires [30]. Elles ticle 7 al. 2 lettre a LTVA – imposables sont donc traitées comme telles, y com- 2.3.2 Les prestations publicitaires au taux normal [23]. Lors d’un échange pris en ce qui concerne les règles de lo- (y compris le sponsoring) de joueurs, il y a contre-prestation ré- calisation (art. 14 al. 3 lettre b LTVA). ciproque. En pratique, en général, l’as- – En général La grande difficulté dans ce domaine sociation (ou l’entreprise) sportive est de délimiter le sponsoring (impo- Toutes les prestations publicitaires concernée s’engage non seulement à sable) du simple mécénat (don) qui, en fournies par les sportifs ou les organi- payer aux sportifs des primes, voire des l’absence de caractère onéreux, n’est sateurs de manifestation sont impo- prix, mais prend en outre en charge pas soumis à la TVA. sables. Cette règle s’applique notam- leurs frais de voyage, nourriture et lo- ment à la vente d’espaces publicitaires, gement. Le remboursement de ces Dans un arrêt de principe qui concer- aux annonces publicitaires (journaux, frais, en lien de causalité avec la pres- nait un festival de musique – mais dont programmes, rapports) et à toutes les tation fournie, fait également partie les considérants peuvent très bien être publicités lors de manifestations, d’em- de la contre-prestation imposable. On transposés au secteur sportif – le Tribu- placements dédiés au sport (stades, pa- avance parfois l’argument selon lequel nal fédéral a jugé que le sponsor tend à tinoires) ou sur les équipements et ma- les mutations et transferts définitifs de intervenir pour améliorer sa position tériels sportifs (tenues de sport, sacs, joueurs constituent – du moins dans sur le marché et donner de lui une véhicules) [27]. l’esprit de certains dirigeants sportifs – image positive. Dans ces conditions, il y des dommages-intérêts destinés à ré- a en principe service publicitaire im- En tant que services immatériels, tou- parer le préjudice provoqué par le dé- posable [31]. tes les prestations publicitaires sont part d’un joueur (avant l’échéance du localisées au siège du bénéficiaire, in- contrat) [24]. C’est oublier que la valo- Cette règle n’est toutefois valable que dépendamment du lieu de la manifes- risation des contrats de joueur repré- pour autant qu’il existe un véritable tation ou de l’emplacement de la publi- sente à n’en pas douter une source im- échange de prestations entre le sponso- cité (art. 14 al. 3 lettre b LTVA). portante – et souvent délibérée – de risé (fournisseur du service publici- chiffres d’affaires pour un club. taire) et le sponsor. Il en va ainsi, no- – Le sponsoring tamment, lorsque l’organisme payeur En général, les activités sportives sont Le contrat de sponsoring (parrainage est une société commerciale et que le localisées à l’endroit où le sportif – y en droit français) est un contrat sui ge- bénéficiaire du versement cite la rai- 792 L’Expert-comptable suisse 9/03
L’ACTUALITE TVA Xavier Oberson, La TVA appliquée au sport son sociale de celle-ci dans son pro- déral, ne se fixe pas de limite particu- sportives, titulaires de ces droits [39]. gramme [32]. Dans ce contexte, toutes lière. Une fois la qualification de spon- La doctrine distingue dans ce contexte les manifestations extérieures fournies soring retenue, l’ensemble de la presta- les droits (i) primaires, qui portent sur par le sponsorisé, en échange du sou- tion fournie est imposable. Aucune part la retransmission en direct (ii) secon- tien financier ou en nature, visant à sous forme de don n’est notamment re- daires, qui visent l’enregistrement en faire connaître l’association avec le tenue. Le Tribunal fédéral a confirmé vue d’une rediffusion ultérieure et (iii) sponsor sont dès lors imposables (affi- cette solution dès lors que, selon lui, les tertiaires, à savoir les droits de vente chage, publicité sur des vêtements). prestations de sponsoring ne se limitent les vidéos ou CD-Rom de la manifesta- pas à de la publicité mais visent in- tion [40]. En revanche, si le sponsor est une per- directement au même résultat en don- sonne physique, il n’y a sponsoring im- nant une image positive de l’entre- Toutes ces recettes sont imposables au posable que si le nom de la personne prise [35]. L’entreprise, dans la règle, taux normal, en tant que services pro- venant de la cession ou la concession de droits immatériels (art. 14 al. 2 lettre a LTVA). Elles sont localisées au siège «Dans le cas de ‹sponsoring› de certaines du destinataire de la cession, indépen- damment du lieu de diffusion ou d’or- entreprises et surtout de personnes physiques, ganisation (art. 14 al. 3 lettre a LTVA). une réelle part de mécénat coexiste souvent En conséquence, si l’acquéreur de ces droits est domicilié à l’étranger, ces avec un parrainage de type publicitaire.» prestations ne sont pas imposables en Suisse. Le fournisseur peut toutefois ré- cupérer l’impôt préalable afférant à ces donatrice est mentionné avec son ac- peut de surcroît déduire ces presta- prestations (art. 38 al. 3 LTVA). tivité professionnelle ou économique, tions, en tant que frais d’acquisition du étant entendu que la simple mention de revenu [36]. Pour les prestations en na- 2.3.4 Autres prestations son nom sur un rapport officiel n’est ture, on retient le prix que le sponsor pas suffisante [33]. De plus, il n’y a pas aurait facturé à un tiers indépendant Le domaine du sport est le théâtre de sponsoring imposable pour les presta- pour des prestations de même nature nombreuses autres prestations poten- tions fournies par des associations et («arm’s length principle») [37]. tiellement soumises à la TVA. fondations à but d’utilité publique, puisque la fourniture de tels dons est Cette réglementation nous paraît trop On précisera tout d’abord que la loca- justement leur objectif [34]. Cette règle sévère [38]. Dans le cas de «sponsor- tion d’installations non sportives (ter- se justifie d’autant plus que l’institution ing» de certaines entreprises et surtout rain, parc, salle de congrès), même à but d’utilité publique ne poursuit pas de personnes physiques, une réelle part pour les besoins d’une manifestation un but économique et, dès lors, ne peut de mécénat coexiste souvent avec un sportive, est imposable [41]. Il en va de recevoir de contre-prestation impo- parrainage de type publicitaire. On ne même des droits d’entrée payés pour sable puisqu’elle n’entend pas offrir de voit pas pourquoi l’ensemble de la utiliser une installation sportive (utili- prestations (livraison ou services) sur le prestation serait alors imposable, no- sation d’un fitness) [42]. Ces presta- marché. tamment lorsque la valeur de l’avan- tions sont d’ailleurs localisées à l’en- tage publicitaire offert par le sponso- droit où le bien mis en location ou uti- Le régime actuel est compréhensible, si risé peut être raisonnablement délimi- lisé se trouve (art. 13 LTVA). l’on songe que l’entreprise vise en réa- tée. Cette situation est d’autant plus lité à améliorer son image aux yeux du rigoureuse que, fréquemment, le spon- De plus, la vente d’articles et de vête- public et utilise ainsi le sportif ou l’as- sor n’est pas en mesure de récupérer ments sportifs constitue une livraison sociation bénéficiaire comme un vec- pleinement la TVA frappant la presta- de biens imposables au taux normal. teur publicitaire. De plus, dans la me- tion qualifiée de publicitaire. Il en va Cette règle vise notamment le «mer- sure où le sponsor est assujetti, la TVA ainsi notamment lorsque le sponsor chandising», à savoir la vente d’objets facturée par le bénéficiaire du sponsor (banque ou assurance) exerce une ac- de sport ou de souvenirs avec mention est récupérable en tant qu’impôt préa- tivité qui n’est que partiellement sou- des logos des marques ou des sportifs lable (art. 38 LTVA). On notera cepen- mise à la TVA (prorata). Dans tous ces concernés [43]. dant que si le sponsorisé reçoit égale- cas, le risque existe que la charge de la ment des dons non imposables, l’impôt TVA réduise en fait d’autant le mon- préalable doit être réduit proportion- tant versé au sponsorisé. 2.4 Les problèmes liés nellement (art. 38 al. 4 LTVA). à la représentation 2.3.3 Les droits de transmission La détermination du montant de la La TVA est régie par un régime très contre-prestation imposable pour le La cession des droits de transmission et strict en matière de représentation. sponsorisé est plus problématique. La de diffusion constitue une des recettes L’existence d’un tel rapport n’est re- pratique, confirmée par le Tribunal fé- les plus importantes des organisations connue qu’à la condition que le repré- L’Expert-comptable suisse 9/03 793
L’ACTUALITE TVA Xavier Oberson, La TVA appliquée au sport sentant qui effectue des livraisons ou l’article 21 LTVA. Tel n’est pas le cas, service immatériel – au sens de l’ar- des prestations de service agisse ex- bien évidemment, de l’exercice d’un ticle 14 al. 3 LTVA – à l’attention d’une pressément au nom et pour le compte sport en tant que hobby qui ne consti- personne (physique ou morale) domi- du représenté (art. 11 LTVA). A dé- tue pas encore une activité indépen- ciliée en Suisse. Il en va ainsi, par faut, notamment en cas de représenta- dante au sens de cette disposition. En exemple, des sommes payées par un tion indirecte, il y a livraison, ou service, outre, les personnes morales de droit club suisse à une entreprise sportive aussi bien entre le représenté et le re- présentant qu’entre le représentant et le tiers (art. 11 al. 2 LTVA). Ce ré- gime s’applique strictement en pra- tique et les exigences de preuve sont «En tant qu’assujettie, l’entreprise concernée sévères [44]. dispose du droit de déduire l’impôt préalable Cette réglementation a toutefois posé grevant les prestations imposables qu’elle a affectées divers problèmes en matière sportive. à des activités ouvrant ce droit.» Le Tribunal fédéral a notamment dû examiner le cas d’associations sporti- ves assujetties à la TVA qui organisent des courses (notamment d’équitation). privé (notamment associations spor- étrangère pour l’acquisition, le rachat L’association, en tant que représentant tives ou sociétés de capitaux), de même ou le prêt d’un sportif [48]. Il s’agit en indirect, facture l’organisateur de la que les groupements de personnes qui effet de la contre-prestation versée par course pour les services rendus par les effectuent des opérations sous une rai- une personne en Suisse en échange de fonctionnaires durant le déroulement son sociale commune sont également la fourniture d’un service immatériel de la compétition (arbitrage, vétéri- assujettis (art. 21 al. 2 LTVA). fourni par une entreprise étrangère [49]. naires, direction de course, etc.). Pour On peut, au passage, mentionner d’au- notre Haute Cour, le texte clair de la La LTVA a introduit toutefois une ex- tres exemples fréquents, comme les loi confirme que l’association doit être ception pour les sociétés sportives qui prestations publicitaires offertes par considérée comme redevable de la ne sont pas assujetties pour autant que des entreprises étrangères à des sportifs TVA sur les sommes reçues par l’orga- (i) elles soient sans but lucratif, (ii) gé- domiciliés en Suisse ou l’acquisition de nisateur, même si elle destine en réalité rées de façon bénévole et (iii) que droits de transmission auprès du titu- ces montants aux fonctionnaires [45]. leur chiffre d’affaires ne dépasse pas laire établis à l’étranger. Dans un autre arrêt rendu le même CHF 150 000 (art. 25 al. 1 lettre d jour, le Tribunal fédéral a précisé que la LTVA). L’intention du législateur est même règle s’appliquait notamment essentiellement de favoriser le bénévo- aux primes de course («Preisgelder») lat dans le domaine social et sportif. 4. Le droit à la déduction ou de départ («Startgelder») versées à Dès lors, les sociétés sportives gérées de l’impôt préalable une association sportive, représentante de façon professionnelle ne bénéficient indirecte, des bénéficiaires sportifs de pas de l’exemption, car celle-ci est des- 4.1 En général ces primes [46]. tinée à favoriser les petits clubs sportifs qui contribuent à l’animation de la vie En tant qu’assujettie, l’entreprise con- Il n’y a rien à redire à ces arrêts qui ne associative des différentes régions du cernée dispose du droit de déduire l’im- font que concrétiser le texte clair de la pays [47]. pôt préalable grevant les prestations loi. Le résultat peut paraître surprenant imposables qu’elle a affectées à des ac- mais, encore une fois, le représentant tivités ouvrant ce droit (art. 29 LTVA). indirect est réputé effectuer une pres- 3.2 Acquisition de services En matière sportive, cette règle soulève tation propre, même s’il agit pour le provenant de l’étranger des difficultés, dès lors que l’organisme compte d’un tiers (représenté). Pour concerné effectue souvent en parallèle éviter cette conséquence, il suffit de On sait que le droit suisse prévoit un cas des activités hors champ de l’impôt – faire apparaître indiscutablement l’exis- particulier d’assujettissement en cas sans avoir exercé d’option – ce qui ré- tence du rapport de représentation. d’acquisition de prestations de service duit d’autant son droit à déduction. en provenance d’entreprises ayant leur siège à l’étranger (art. 24 LTVA). Dans ce contexte, la limitation du droit Est assujetti quiconque acquiert, aux de déduire l’impôt préalable peut éga- 3. L’assujettissement conditions de l’article 10 LTVA, pour lement être affectée par des subven- plus de CHF 10 000 de prestations de tions ou des dons qui réduisent propor- 3.1 En général service d’entreprises à l’étranger. tionnellement l’impôt préalable (art. 38 al. 8 LTVA). Cette règle peut avoir des Les personnes physiques qui prati- Cette règle s’applique typiquement effets particulièrement pénalisants en quent le sport de façon professionnelle dans le domaine sportif, chaque fois matière sportive. En effet, si l’on inter- seront assujetties aux conditions de qu’une entreprise étrangère fournit un prète la LTVA à la lumière de la juris- 794 L’Expert-comptable suisse 9/03
L’ACTUALITE TVA Xavier Oberson, La TVA appliquée au sport prudence du Tribunal fédéral – rendue 4.2 La méthode simplifiée breuses questions délicates et les dis- certes sous l’OTVA –, il apparaît que la «unité de la prestation» tinctions subtiles ne manquent pas. Les distinction, reconnue en droit commu- principaux pièges concernent avant nautaire, entre «vraies» et «fausses» Dans le domaine sportif en particulier, tout l’ampleur de la contre-prestation subventions n’a pas été reprise par le le calcul précis du montant de la ré- imposable en cas de sponsoring et les droit suisse [50]. De ce point de vue, duction de l’impôt préalable en cas de nombreuses limitations au droit de dé- toutes les subventions, même celles qui double affectation est souvent pro- duire l’impôt préalable grevant les opé- peuvent être considérées comme la blématique et entraîne des charges rations des entreprises sportives assu- contre-partie d’une opération vont en- importantes. L’AFC a mis au point jetties. L’imposition des acquisitions de traîner une réduction de l’impôt préa- différentes méthodes forfaitaires qui services en provenance de l’étranger a lable. A notre sens, il conviendrait de permettent de simplifier ces démar- également donné lieu à quelques sur- réexaminer cette conséquence. Le ches [53]. A notre connaissance, une prises, notamment en cas de transfert texte de l’article 38 al. 8 LTVA mérite- des plus utilisées est la méthode «unité ou de prêt de sportifs venant de clubs rait certainement d’être précisé sur ce de la prestation». Grossièrement résu- professionnels étrangers. point, en concrétisant la notion de mée, cette méthode consiste générale- «subvention». ment à ne pas attribuer les prestations acquises à l’une ou l’autre des activités A cela s’ajoute que seules les activités (soumises ou hors champ) exercées par visées à l’article 38 al. 2 LTVA, soit gé- l’assujetti, mais à se fonder sur une clé Notes néralement des opérations imposables, de répartition annuelle [54]. 1 Voir Bühlmann J., Mehrwertsteuer und Sport, L’Expert-comptable suisse 1995, p. 452 ss. 2 Voir Baddeley M., L’association sportive face au droit: Les limites de son autonomie, Bâle 1994. «On précisera tout d’abord que la location 3 Zen-Ruffinen, P.-M., Droit du sport, Zurich 2002, p. 48. d’installations non sportives (terrain, parc, 4 Initiative populaire du 23 mai 1996 «contre salle de congrès) même pour les besoins d’une une imposition injuste dans le sport et le do- maine social». manifestation sportive est imposable.» 5 Sur la notion d’activité sportive et de mani- festation, voir en outre AFC, Notice no 20, Questions particulières concernant le do- maine du sport, 610.545-20, ch. 2.1 et 2.2. On y apprend que les jeux de quille, le bowling, ouvrent la déduction. Dans ce contexte, les jeux de fléchettes et le billard sont désor- 5. Conclusion mais considérés comme des activités spor- la jurisprudence a été confrontée à une tives. En revanche, les excursions guidées en société anonyme sportive qui détient – La LTVA est nettement plus favorable montagne ne sont par contre pas des mani- en son propre nom – les droits sur les au sport que l’ancien régime. Parmi les festations sportives, hors-champ de l’impôt. joueurs, tout en les mettant gratuite- principales améliorations, on notera: 6 AFC, Instructions 2001 sur la TVA (ci-après Instructions) ch. 624. ment à la disposition de l’association 7 Décision de la Commission fédérale de re- (club). Ce faisant, la société anonyme – la mise hors champ de l’impôt, lors de cours en matière de contributions du 14 avril perd le droit de récupérer l’impôt préa- manifestations sportives, des contre- 1999, JAAC 63.93. lable grevant le paiement de ces droits prestations exigées des participants 8 Instructions 623. car elle n’utilise pas cette prestation à eux-mêmes; 9 AFC, Brochure no 23 (Sport), 610-540-23 (ci- des fins imposables [51]. – la mise hors champ de l’impôt de la après Brochure no 23), ch. 15.2. location d’installations sportives; 10 Instructions 623. Dans une autre affaire, encore plus sub- – la nouvelle réglementation, fonda- 11 Brochure no 23, ch. 12.1. tile, le Tribunal fédéral a dû examiner le mentalement «euro-compatible», des 12 Brochure no 23, ch. 12.3. cas d’une utilisation mixte d’opérations règles de localisation des services 13 Voir Instructions, ch. 672. grevées de TVA. L’association sportive sportifs; 14 Voir article 17 ch. 18, lettre d, du projet de loi fédérale sur la taxe sur la valeur ajoutée (rap- avait acquis des droits de transfert sur – la possibilité d’opter (avec en plus port Dettling), du 28 août 1996, FF 1996, des joueurs. Or ceux-ci sont utilisés à application du taux réduit) pour di- p. 201. la fois pour des opérations imposables verses prestations sportives hors- 15 Instructions, ch. 624; Brochure no 23, ch. et pour des prestations hors champ de champ (notamment les manifesta- 17.2.2. l’impôt (notamment manifestations tions); 16 Sur ce dernier point, l’OTVA était plus stricte car les cotisations devaient obligatoirement sportives en public). Comme le but – l’exemption des associations spor- figurer dans les statuts, voir aussi décision de principal du recourant était le service tives sans but lucratif gérées bénévo- la Commission fédérale de recours en matière dans le cadre de manifestations hors lement (avec un chiffre d’affaires in- de contributions du 14 avril 1999, StR 2000, p. 188 (Fédération X.). champ de l’impôt, l’impôt préalable lié férieur à CHF 250 000). 17 Instructions, ch. 614. à l’ensemble de la contre-prestation 18 Camenzind A./Honauer N./Vallender K. payée pour l’acquisition des droits de Pour autant, l’application de la TVA au A., Handbuch zum Mehrwertsteuergesetz transfert n’a pas pu être déduit [52]. domaine sportif pose encore de nom- (MWSTG), Berne 2000, ch. 622. L’Expert-comptable suisse 9/03 795
L’ACTUALITE TVA Xavier Oberson, La TVA appliquée au sport 19 Instructions, ch. 614. 33 Brochure no 22 (Culture) ch. 11.2. Bâle/Genève/Munich 2000, n. 12 ss ad art. 11 34 ATF du 13 février 2002, Fondation A. RDAF LTVA. 20 Brochure no 23, ch. 18.2. 2002 II 156, consid. 6 (festival de musique). 45 ATF du 13 janvier 2003, 2A 272/2002, con- 21 ATF du 9 novembre 2001, RDAF 2002 II 355. sid. 3. 35 Ce principe, posé dans l’arrêt du 13 février 22 Brochure no 23, ch. 14.3.1.1. 2002, Fondation A. RDAF 2002 II 156, con- 46 ATF du 13 janvier 2003, 2A 273/2002, con- 23 Brochure no 23, ch. 14.1. sid. 6b. a été confirmé depuis; voir ATF du sid. 3. 23 décembre 2002, Association FC X. (2A. 24 Voir Bertrand J., Le sport professionnel et 175/2002) (club de football), consid. 3.3. et 47 BO/CN 1999, p. 5, intervention Berberat. la fiscalité, L’Actualité Fiduciaire n° 736, dé- ATF du 8 janvier 2003, O. Zürich AG (2A. 48 Brochure no 23, ch. 14.1; voir aussi supra cembre 1990, p. 11 qui remet en question cette 43/2002) (opéra), consid. 3.3.1. II.C.1. façon de voir. 36 Id. 49 ATF du 9 avril 2002, RDAF 2002 II 347. 25 On précisera que des strictes conditions de forme sont applicables (factures). 37 Brochure no 22, ch. 11.2. (lettre b). 50 ATF 126 II 456. Cette conséquence est certes 38 On notera dans ce contexte la motion du controversée en doctrine, voir par exemple, 26 ATF du 9 avril 2002, RDAF 2002 II 347. Oberson X., Droit fiscal suisse, Bâle 2001, § 16 Conseiller national Mörgeli du 3 mars 2003 27 Brochure no 23, ch. 12.6-8. qui demande une exonération plus vaste des no 300; River J.-M./Rochat A, La taxe sur la dons faits à des institutions culturelles, ainsi valeur ajoutée, Fribourg 2000, p. 139; Baum- 28 Zen-Ruffinen, op. cit. (note 3) p. 315; Peter gartner I., Die Entgeltlichkeit bei der schwei- H., Le sponsoring sportif, in: Groupe interfa- que l’initiative parlementaire du Conseiller d’Etat Schiesser qui propose un régime fiscal zerischen Mehrwertsteuer, StR 1996, p. 255ss. cultaire des sciences du sport, Chapitres choi- sis du droit du sport, Genève 1993 p. 125ss. plus attractif des fondations. 51 ATF du 23 décembre 2002, 2A. 174/2002, 39 Zen-Ruffinen, op. cit. (note 3), p. 348. consid. 3. 29 Zen-Ruffinen, op. cit. (note 3), p. 321. 40 Zen-Ruffinen, op. cit. (note 3), p. 348. 52 ATF du 23 décembre 2002, 2A. 175/2002, 30 Russi A., Sponsoring und MWST, L’expert- consid. 5. comptable suisse 6–7/99, p. 633. 41 Brochure no 23, ch. 17.2. 53 Brochure no 23, ch. 9.3. 31 ATF du 13 février 2002, RDAF 2002 II 156. 42 Brochure no 23, ch. 17.2.2. 54 Pour plus de détails, voir AFC, Brochure no 6; 32 ATF du 8 janvier 2003, RDAF 2002 II, p. 156; 43 Brochure no 23, ch. 12.11. Réduction de la déduction de l’impôt préa- voir aussi AFC, Brochure no 22 (Culture) ch. 44 Instructions ch. 193 ss; pour plus de détails, lable en cas de double affectation, 610.530-06, 11.2. voir notamment Glauser P.-M., in: mwst.com, ch. 6. 796 L’Expert-comptable suisse 9/03
Vous pouvez aussi lire