Poule en porcelaine du Japon montée en bronze doré

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Poule en porcelaine du Japon montée en bronze doré
Poule en porcelaine du Japon montée en bronze doré
Poule en porcelaine du Japon montée en bronze doré
Description

Poule : porcelaine « ancienne du Japon » décor Imari, période Edo (fin du
XVIIe - début du XVIIIe siècle).
Production des fours d’Arita (île de Kyushu).
Socle : laiton obtenu par cémentation, doré au mercure et finement ciselé
(traces d’argent détectées dans l’or).
Epoque Louis XV (circa 1740-1750).
Hauteur 28,5 cm.
Largeur 18,5 cm.

Cette poule en porcelaine du Japon présente un décor à fond blanc. La
crête, les ailes et la queue du volatile ont reçu un décor bleu et rouge, le
décor des ailes, de la queue, des yeux et du bec ayant été rehaussé de
poudre d’or dans un bon état de conservation. L’animal s’appuie sur un
tertre polychrome simulant des rochers parsemés de feuillages. La
porcelaine est enchâssée dans une riche et rare terrasse en laiton doré
offrant un fin décor rocaille ajouré et composé en courbes et en contre-
courbes enrichies d’un décor floral. Comme c’était l’usage pour les pièces
que qualité, on a adjoint au cul de la monture une plaque, qui dissimule
l’intérieur de la porcelaine.

Provenance

Importante collection suisse

Sotheby’s Londres, vente du 1 novembre 2010, lot 418.

Etat de conservation

La porcelaine est intacte et les rehauts d’or sont remarquablement
conservés.
Poule en porcelaine du Japon montée en bronze doré
La monture avait été enrichie au XIXe siècle d’un candélabre à trois
branches qui a été supprimé et qui remplaçait probablement un
candélabre antérieur à deux branches dont le départ de la monture a été
conservé. Il a été décidé de supprimer le candélabre ajouté
postérieurement, compte tenu de la mauvaise qualité de sa fonte et de sa
ciselure. Aucune restitution n’a été opérée, faute de savoir ce qu’il y avait
à l’origine.

              Etat de la poule au moment de son acquisition en 2010

Les travaux de suppression du candélabre à trois branches, d’obturation à
la grenaille et de raccord de la dorure au mercure ont été réalisés par
Messieurs Daniel Donniou et Sylvain Scheurer de l’Atelier du Faubourg. La
consultation des factures figure dans le lien ci-après :
https://1drv.ms/b/s!AvniKlDG6qmLlGgrWd4kEMfubVUz?e=rtpq5W

Porcelaines du Japon comparables

Un coq et une poule, actuellement conservés au musée Fitzwilliam de
Cambridge sont illustrés dans le catalogue de l’exposition organisée avec
le concours du British Museum Porcelain for Palaces, the fashion for Japon
in Europe 1650-1750, 6 Juillet - 4 août 1990 (p. 188, n° 177).
Poule en porcelaine du Japon montée en bronze doré
Une paire de poules similaires a été vendue chez Christie’s New-York, le
25 novembre 2003, lot 420 (adjugée 20.315$).

          Paire de coqs blanc en porcelaine du Japon, fours d’Arita,
          montés en candélabre époque Louis XV Christie’s Londres
           6 décembre 2007 (lot 29 adjugé 50. 900 £ frais compris)
Poule en porcelaine du Japon montée en bronze doré
Historique de l’exportation des porcelaines émaillées japonaises à
décor Imari vers l’Europe et leur commercialisation par les
marchands-merciers parisiens (1680-1800)

Les comptoirs de la Compagnie des Indes ont contribué à importer en
Europe, aux XVIIe et XVIIIe siècles, des porcelaines de la Chine et du Japon
pour orner de précieux cabinets qui font la fierté de leurs riches
propriétaires. Dès cette époque, les connaisseurs, notamment les experts
dans les catalogues de ventes, notent une préférence marquée pour les «
porcelaines anciennes du Japon », qui sont considérées comme les plus
belles et les plus finies. Elles sont de ce fait les plus recherchées.

Le style Imari provient de la ville portuaire d’Imari d’où cette production
était expédiée dans tout le Japon et à Nagasaki où se trouvait le comptoir
hollandais de la compagnie des Indes. Il se caractérise par la qualité de sa
pâte mais surtout par la richesse de son décor qui ne laisse que peu de
place au vide. Le bleu sombre profond sous couverte, est largement
employé avec le rouge-orangé sur couverte, parfois complété de touches
de vert, de rose et de jaune. Il est en général rehaussé d’or avec un effet
d’une grande somptuosité. Les motifs représentés, extrêmement variés,
végétaux, animaux, ornementaux, etc… appartiennent au répertoire
japonais et dont la production fut adaptée au marché européen.

Les plus grands collectionneurs du XVIIIe siècle (princes, nobles, et
financiers) conquis par la mode des chinoiseries, s’arrachent à grand prix,
ces porcelaines du Japon souvent montées par l’intermédiaire de
marchands-merciers (Duvaux, De La Hoguette, Poirier etc.).

L’examen des catalogues des grandes ventes du XVIIIe siècle mentionne à
différentes reprises, des porcelaines anciennes du Japon montées avec des
garnitures de bronze doré dont des coqs.

Augustin Blondel de Gagny, est l’un des plus fameux collectionneurs du
XVIIIe siècle. Né en 1695, à Lyon, fils d’un conseiller du roi, il fait fortune
au début du XVIIIe siècle, puis occupe le poste de Trésorier de la Caisse
des Amortissements, et œuvre au service du roi dans l’administration des
Menus Plaisirs. Il consacre les revenus considérables dont il dispose à la
constitution d’une éblouissante collection de tableaux, de sculptures et
d’objets d’art qu’il expose dans son hôtel de la place Vendôme et au
château de Garges-lès-Gonesse (Val d’Oise).
« Le cabinet de M. Blondel de Gagny, place Louis le Grand, communément
dite de Vendôme, est un des premiers et des plus curieux de Paris tant
pour le choix des peintures, sculptures & dessins, que pour d’autres
ouvrages extrêmement beaux , comme […] [les] porcelaines anciennes
des plus parfaites, & presque toutes du genre qu’on appelle première
sorte, dont les montures semblent disputer de prix avec les pièces qu’elles
accompagnent » rapporte Hébert dans son célèbre Dictionnaire historique
et pittoresque de Paris (1766, vol. I, p. 36).
Poule en porcelaine du Japon montée en bronze doré
En 1776, sa vente après décès fait grand bruit. Parmi les chefs d’œuvres
de Poussin, et de Boucher pour la peinture, de Boulle, pour le mobilier, se
trouvent de magnifiques porcelaines montées dont des crabes, des lapins
et des coqs, ces derniers achetés par son fils, Blondel d’Azincourt :

Louis François Armand de Vignerot du Plessis, duc de Fronsac puis
maréchal-duc de Richelieu, pair de France (ci-dessous), est né à Paris en
1696. Arrière-petit-neveu du cardinal de Richelieu, le maréchal-duc est
plus célèbre pour sa vaillance, sur les champs-de-bataille (Fontenoy en
1745, Minorque en 1756) et auprès des femmes (jusqu’à la fille du Régent,
Mlle de Valois), que pour l’incroyable collection de porcelaines montées
qu’il rassembla dans ses propriétés parisiennes.

Proche de Louis XV, il occupe le poste de Premier Gentilhomme de la
Chambre du Roi dès 1743. A ce poste, il régit les spectacles organisés
pour la famille royale, notamment pour le mariage du Dauphin (1745),
sans manquer de s’occuper personnellement du confort des actrices et
des cantatrices. En 1748 il est nommé maréchal de France, et gouverneur
de
Poule en porcelaine du Japon montée en bronze doré
Guyenne en 1755.
En 1788 à son décès, les appartements de l’hôtel de Richelieu, rue Neuve-
Saint-Augustin, renfermaient quelques coqs de porcelaine qui furent
vendus aux enchères :

ESTREE (Paul d’), Le Maréchal de Richelieu (1696-1788), d’après les
mémoires contemporains et les documents inédits, Paris, Emile-Paul
frères, 1914.

Six ans plus tôt, la vente de la collection du duc d’Aumont eut un grand
retentissement. Aux côtés des colonnes et les vases de marbre et de
granit richement montés en bronze doré par Pierre Gouthière, se trouvait
la collection de porcelaines montées du duc, constituées d’achat de pièces
anciennes et de vases qu’il fit monter dans les années 1770. Quelques lots
de la collection furent achetés par Louis XVI et par Marie-Antoinette pour
meubler Versailles (cassolette montée en bronze doré désormais à la
Wallace Collection, Londres) et pour enrichir le futur Museum du Louvre
(paire de vases lisbets en porcelaine de la Chine fond céladon montés en
aiguières, musée du Louvre).
Louis Marie Victor Augustin, 5e duc d’Aumont, longtemps appelé duc de
Villequier, s‘illustra lui aussi par une brillante carrière militaire. Il est
nommé lieutenant-général en 1748. La même année il est nommé
gouverneur de Compiègne avant d’obtenir le gouvernement du boulonnais
en 1751. Pair de France, il fut, comme Richelieu, premier gentilhomme de
la Chambre dès 1723 et vécut dans la faveur du roi.

Au crépuscule de sa vie, son hôtel situé rue Saint-Florentin, sur la place de
la Concorde, était empli de curiosités et objets d’art : meubles, laques,
bronzes, marbres, porcelaines... Sept mois après sa mort, son fils Louis-
Marie Guy fit vendre ces collections.

Dans le catalogue de cette vente de référence on note la présence de
quelques coqs en porcelaine, probablement montés dans la première
moitié du XVIIIe siècle.
Poule en porcelaine du Japon montée en bronze doré
DAVILLIER (Charles), Le cabinet du duc d’Aumont et les Amateurs de son
temps, Paris, 1870.

Louis Jean Gaignat (1697-1768) laissa une très belle collection à sa mort.
Secrétaire du roi dès 1738, il occupa la charge de receveur des
consignations de la Chambre des requêtes du Palais dès 1741. Ses
revenus tout à fait considérables contribuèrent à accroître une fortune
personnelle déjà bien établie.
Veuf en premières noces, il se remaria en 1739. Mais le sort s’acharna et
emporta très tôt sa seconde épouse, puis sa fille unique en 1749. Il quitta
alors la maison de la rue Saint-Nicaise, associée à trop de malheurs, pour
s’installer dans l’hôtel de la Ferté, rue de Richelieu.
Poule en porcelaine du Japon montée en bronze doré
Selon Grimm, c’est suite à ces deuils que Gaignat consacra son temps et
ses revenus à l’accroissement de ses collections de tableaux, d’objets
d’art, et de livres. Sa collection était si célèbre qu’en 1768, avant la vente
aux enchères, l’impératrice de Russie Catherine la Grande proposa de
racheter pour 240 000 livres au minimum le cabinet du défunt (hors les
livres) !
La vente, dont l’expert était le célèbre marchand-mercier Simon Philippe
Poirier, rapporta 208 000 livres. Y figuraient :

DACIER (Emile), « Notes et Documents. Le Testament et les Scellés d’un
collectionneur au XVIIIe siècle : Louis-Jean Gaignat », in Bulletin de la
Société d’Histoire de l’Art Français, 1920, p. 109-133.

D’autres coqs montés en bronze doré ont figuré à la vente de Doucet de
Bandeville, conseiller honoraire au Parlement de Paris, en 1791 (ci-
dessous à droite) ou encore à la vente Mlle Clairon, de la Comédie-
Française, en 1773 (ci-dessous à gauche).

On le constate à la lecture des catalogues de ventes et des inventaires
après décès du XVIIIe siècle, les poules, seules ou en paire avec un coq,
montées de surcroît, sont bien plus rares que les coqs et la recherche
Poule en porcelaine du Japon montée en bronze doré
contribue à souligner le caractère exceptionnel de notre poule dont la
qualité de la monture est à la hauteur de la rareté de l’objet.
Pour le moment la seule mention que nous ayons relevée d’un coq et
d’une poule montés se trouve dans le catalogue de la vente du cabinet de
M. Benard le 26 mai 1774 à Paris. Encore s’agit-il de porcelaine de Saxe
sans doute copiée sur les modèles importés d’Extrême-Orient.

Bibliographie
Porcelain for Palaces, the fashion for Japon in Europe 1650-1750, 6 Juillet - 4 août
1990 (p. 188, n° 177).

‘Le goût pour les porcelaines de la Chine et du Japon à Paris au XVII et au XVIIIe
siècle’ par Stéphane Castelluccio, Edition Monelle Hayot, 2013.
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