Pour un cadre européen de développement de MaaS servant l'intérêt général et la mobilité du quotidien

La page est créée Fanny Albert
 
CONTINUER À LIRE
Pour un cadre européen de développement de MaaS servant l'intérêt général et la mobilité du quotidien
Note d’accompagnement de la réponse de l’UTP à la consultation sur la révision
de la directive 2010/40/UE

Paris, le 02 février 2021

 Pour un cadre européen de développement
   de MaaS servant l’intérêt général et la
           mobilité du quotidien

La révision prochaine de la directive « ITS » 2010/40/UE accompagne le développement
de la mobilité servicielle en Europe. En accord avec les objectifs du Green Deal, il est
essentiel que ces nouveaux services contribuent à la décarbonation des transports, ainsi
qu’à la lutte contre la pollution et la congestion urbaines. Les MaaS doivent donc
promouvoir les alternatives à l’usage individuel de la voiture, en ciblant prioritairement
la mobilité du quotidien – 95% des voyageurs européens – et les publics les plus
dépendants de leur véhicule - habitants des périphéries des agglomérations.
Pour l’UTP, ces défis ne peuvent être relevés sans les autorités publiques organisatrices
de la mobilité, garantes de l’intérêt général et de l’articulation des politiques publiques
sur leurs territoires. Dans le cadre toujours pertinent du règlement OSP, ces autorités ont
toute légitimité à déployer leurs propres MaaS, leviers de promotion de leurs politiques
de mobilité, dans le respect des règles concurrentielles.
L’UTP considère que la récente Loi d’Orientation des Mobilités française établit un cadre
équilibré pour le développement des MaaS dans lequel chaque acteur peut proposer ce
nouveau service dans un esprit de complémentarité dès lors que les objectifs poursuivis
ne sont pas nécessairement les mêmes.
Pour un cadre européen de développement de MaaS servant l'intérêt général et la mobilité du quotidien
Note d’accompagnement de la réponse de l’UTP                            02/02/2021
                 à la consultation sur la révision de la directive 2010/UE/40

Le règlement OSP de 2007 demeure le cadre juridique pertinent
Avant tout, l’UTP souhaite rappeler l’importance de ce cadre fondateur, selon lequel les
autorités organisatrices de la mobilité définissent les obligations de service public sur leur
territoire. Ces obligations font l’objet du versement d’une compensation financière par l’AO au
bénéfice de l’opérateur et/ou d’un droit exclusif sur son territoire pour la durée de la convention.
Dans le contexte du développement des MaaS, le règlement OSP demeure le cadre pertinent et
ne saurait exclure du champ des obligations de service public la distribution de titres. En effet,
la politique de distribution est la relation entre une entité publique compétente, le transporteur
et ses usagers ; elle est en cela la matérialisation du principe constitutionnel de libre
administration des collectivités territoriales et du principe de subsidiarité inscrit dans les traités
de l’Union.

Les acteurs du transport public ont toute légitimité à déployer un MaaS au
service de l’intérêt général
La compétence d’organisation de la mobilité fonde la légitimité des autorités publiques à
déployer un MaaS au service de l’intérêt général. Elles définissent et articulent les politiques
publiques adaptées à leurs territoires, démocratiquement déterminées. Les MaaS représentent
un levier d’action puissant pour mettre en œuvre, piloter et optimiser ces politiques. A ce titre
Elles peuvent répondre aux enjeux de gouvernance qui accompagnent l’émergence des MaaS
locaux – notamment, l’exploitation éthique des données d’usage collectées par les systèmes
numériques (traces GPS, etc.), dans l’objectif d’améliorer les services, et non de vendre des
profils à des annonceurs ou d’inciter à des déplacements pour des finalités commerciales.
En particulier, un algorithme n’étant jamais « neutre » mais conçu pour optimiser une certaine
fonction, le calculateur d’itinéraire contrôlé par l’acteur public garantit l’objectif de mise en
œuvre des politiques publiques - et non, par exemple, de maximiser les revenus d’une
plateforme. Face à une même requête, les résultats peuvent en effet différer selon les stratégies
de résolution implémentées dans le calculateur - privilégier les combinaisons modales
priorisées par l’autorité publique, ou tout aussi bien, passer devant un grand magasin. Par
ailleurs, à cet algorithme « traditionnel », peuvent s’ajouter des traitements d’apprentissage
automatisé à partir de l’enregistrement passif des données de l’utilisateur (liée à son
déplacement, mais également d’autres activités numériques si le calculateur d’itinéraire est
intégré à d’autres applications), engendrant des biais qui peuvent ne plus être intelligibles par
l’utilisateur et répondre aux purs intérêts économiques de la plateforme.
Enfin, il faut souligner que toutes les solutions MaaS en Europe ont été développées en
partenariat avec une collectivité et ses transporteurs locaux - à Mulhouse, à Vienne, à Helsinki
ou à Stockholm.
Les opérateurs de transport conventionnés, présents aux côtés des autorités publiques au service
de l’intérêt général depuis de longues années, ont développé des compétences d’intégration de
mobilité, de maîtrise des offres de services et d’expertise des enjeux de mobilité locaux qui leur
permettent aussi de proposer des MaaS particulièrement adaptés aux besoins du territoire sur
lesquels ils exercent leur activité.

                                                                                         Page 2 sur 4
Note d’accompagnement de la réponse de l’UTP                         02/02/2021
                à la consultation sur la révision de la directive 2010/UE/40

Comme pour les MaaS exploités par les autorités publiques, les MaaS des opérateurs
conventionnés se fondent sur l’offre publique, colonne vertébrale d’un système de mobilité
durable, au service des clients et en cohérence avec les politiques publiques.

La création de MaaS par une autorité organisatrice ou un opérateur de
transport public ne saurait s’apparenter à une pratique anticoncurrentielle
Le droit de la concurrence européen et national n’empêche nullement les autorités publiques et
les opérateurs de transport public de diversifier leur activité, et à ce titre de développer de
nouvelles activités concurrentielles.
Seuls les comportements et les conditions dans lesquelles ils développent ces activités sont
observés par le droit de la concurrence pour vérifier qu’il n’en résulte pas de distorsion de
concurrence.
L’UTP souligne que l’autorité de la concurrence Française (ADLC) observe une jurisprudence
constante à cet égard. Les opérateurs historiques en situation de monopole ou les autorités
publiques peuvent développer de nouveaux services sur le marché concurrentiel sous réserve
que ce soit dans des conditions de marché identiques aux autres opérateurs.
Parallèlement à l’exercice de leurs compétences exclusives, les autorités organisatrices de la
mobilité et les opérateurs de transport public ont donc bien la possibilité de développer un
MaaS, dans la mesure où les règles de la concurrence sont observées.
S’agissant des autorités organisatrices, il importe ainsi de distinguer deux rôles et activités
différentes : d’une part, des activités d’administration, de gouvernance transparente et de
définition d’une politique publique; d’autre part, une activité d’opérateurs économiques
développant une solution commerciale de MaaS.
Ainsi, le droit de la concurrence sans autre modification protège l’ensemble des opérateurs du
marché d’un abus de position dominante d’un autre opérateur. Le cadre normatif de l’Union
Européenne ne saurait exclure des opérateurs en raison de leur statut et de la nature de leur
mission sans porter atteinte de manière excessive à l’égal accès au marché et donc distordre la
concurrence.

Le cadre français permet d’articuler de façon équilibrée la promotion de
l’innovation et le respect des politiques publiques
L’UTP considère que la loi d’Orientation des Mobilités du 24 décembre 2019, faisant suite à
une large concertation entre les acteurs, constitue un cadre équilibré.
L’obligation de mise à disposition des données de mobilité, qui couvre l’ensemble des annexes
du règlement (UE) 2017/1926 (données statiques et dynamiques), en affirme et précise les
principes :
      Réciprocité : tous les services et modes sont concernés ;
      Proportionnalité : seules les données existantes doivent être mises à disposition ;
      Possibilité de compensation financière : gratuité de la mise à disposition des données
       jusqu’à un certain seuil de requêtes pour les données dynamiques (pour le transport
       public régulier, jusqu’à un rafraîchissement des données toutes les deux minutes) ;
                                                                                     Page 3 sur 4
Note d’accompagnement de la réponse de l’UTP                       02/02/2021
                à la consultation sur la révision de la directive 2010/UE/40

      Échelonnement du calendrier de mise à disposition ;
      Droit aux licences de réutilisation des données dans les conditions prévues par le
       règlement précité. En France, producteurs et réutilisateurs de données ont élaboré en
       commun une licence ad’hoc visant à à établir un cadre de confiance propice au
       développement de services innovants dans le respect de l’intérêt général.
Cet équilibre se retrouve dans les dispositions relatives aux MaaS.
Ces dernières permettent en effet à toute personne – opérateur privé, opérateur de transport
conventionné et autorité organisatrice – de développer un « service numérique multimodal »
(MaaS).
Par ailleurs, à compter du 1er juillet 2021, la loi octroie aux services numériques multimodaux
un accès de droit aux systèmes numériques de vente des services de mobilité (locale et
régionale), en intégrant une série de garde-fous :
      Réciprocité public/privé : si les MaaS privés peuvent accéder à la vente des billets du
       transport public, les autorités publiques ont aussi le droit d’organiser des MaaS et de
       vendre les billets des services de mobilité privés.
      Complétude de l’offre publique : si un MaaS vend une des catégories de services de
       l’autorité publique (services réguliers, transport à la demande, mobilités actives,
       mobilités partagées, stationnement), il doit proposer l’ensemble des services de cette
       catégorie.
      Critères non discriminatoires pour la sélection et le classement des solutions de
       déplacement : les critères de sélection devront être appliqués de façon non
       discriminatoire à tous les services dont le service numérique multimodal propose la
       vente. Ils prennent en compte les caractéristiques des solutions de déplacement, dont le
       prix, et ne se fondent sur aucun autre élément directement ou indirectement lié à un
       accord commercial entre le fournisseur du service numérique multimodal et les
       gestionnaires des services dont le service numérique multimodal assure la vente.
      Communication de certaines données au gestionnaire de services ou à la collectivité
       compétente (permettant la connaissance statistique des déplacements, le service après-
       vente, la lutte contre la fraude…) afin de limiter le risque de désintermédiation.

En outre, la loi ouvre aux autorités publiques et aux gestionnaires d’infrastructures un accès
aux données des véhicules connectés et des assistants de déplacements aux fins de connaissance
de la mobilité. Il s’agit là d’une autre source précieuse de données permettant aux autorités
publiques d’adapter leurs politiques de mobilité afin d’améliorer leur efficacité.

Pour le développement de MaaS au service des engagements climatiques, qui doivent
s’enraciner dans les politiques publiques des territoires, l’UTP appelle de ses vœux un
cadre européen inspiré des dispositions de la loi française.

                                                                                   Page 4 sur 4
Vous pouvez aussi lire