Prendre le foot au sérieux - Dossier - Savoir/agir
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Dossier Dossier Prendre le foot au sérieux c e dossier « Football » est constitué d’une série d’articles, retravail- lés, qui ont d’abord été écrits par Stéphane Beaud les auteurs à l’occasion d’un blog au moment de la coupe du monde au Bré- sil (le Mondial) au mois de juin/juillet 2014. Ce Blog1 s’appelait La coupe du monde saisie par les sciences sociales jours, pour les tenants et défenseurs et sur la toile a été plus connu sous le de la « vraie » légitimité culturelle, une nom de son premier texte : « Prendre le « faute de goût ». Or contre tous les foot au sérieux ». Si nous avons accepté tenants les plus orthodoxes de la légiti- cette offre, c’est qu’elle a semblé consti- mité culturelle, il faut dire et redire que tuer une opportunité pour produire et les pratiquants et amateurs de foot- rassembler des articles qui pouvaient ball « n’ont pas plus de raisons que les éclairer ce phénomène social de grande autres agents sociaux d’être considérés ampleur que constitue aujourd’hui (et traités) comme des idiots culturels, la coupe du monde2 . Il s’agissait aussi incapables de distance critique sur leur d’un (petit) combat mené, avec d’autres, pratique, sur le monde qui les entoure dans le monde des sciences sociales où et que leur engouement emprisonnerait le « foot » reste un objet peu légitime. dans l’illusion »3 . Il nous semble même Oser parler football de manière sérieuse, que les sciences sociales doivent s’em- voire académique, c’est presque tou- parer plus que jamais de cet objet pour rétablir un peu plus d’objectivité dans le traitement de l’actualité sportive et 1. Au départ, une sollicitation du Nouvel Observateur et plus précisément d’Éric surtout pour contester ou contrer les Aeschimann (responsable des pages Débats) et discours et commentaires des journa- Paul Quinio (responsable du Nouvelobs.com, listes ou consultants qui, sous couvert version en ligne de l’hebdomadaire). de neutralité sportive, ont par exemple 2. Nous avions, avec Julien Sorez (historien), animé en 2013/14 un séminaire à l’EHESS effectué, dans les semaines et mois qui qui s’appelait « Le football et le fait national » au cours duquel des spécialistes du sujet, 3. Christian Bromberger, « De quoi parlent les historiens comme sociologues, avaient rendu sports ? », Terrain, numéro 25 - Des sports compte de la spécificité en longue période d’un (septembre 1995), [En ligne], http ://terrain. certain nombre d’équipes nationales. revues.org/2837, savoir/agir 9
Dossier Prendre le foot au sérieux ont suivi la grève des Bleus en Afrique les choses sérieuses, les revers de la du Sud 4 , un véritable « travail idéolo- médaille que ces passe-temps frivoles gique » visant à disqualifier et stigma- ou passionnés auraient précisément tiser les joueurs de banlieue, contestant pour but de dissimuler5». de fait le poids et la place des « Noirs » Ceci dit, et pour éviter tout malen- et des « Arabes » dans le football pro- tendu, rappelons qu’il ne nous a pas fessionnel français d’aujourd’hui. échappé que le football moderne est devenu un sport mondialisé qui épouse aujourd’hui les pires travers de l’ul- « Foot business », « opium tralibéralisme, qu’il en est l’une des du peuple »… Mais encore ?... pointes avancées. Le tableau est à ce Ce qui, en France, a largement bloqué titre impressionnant et, si l’on peut la réflexion sur le football comme dire, accablant : émergence à partir de pratique sociale et, dans une certaine l’arrêt Bosman – en 1995, de la Cour mesure, freiné l’adoption d’un regard de justice européenne, (qui supprime des sciences sociales sur ce sport, c’est les quotas de joueurs étrangers dans la prégnance, dans le camp des « forces les équipes des grands championnats progressistes » (comme on disait européens) – d’un marché mondial du naguère) de l’idée selon laquelle le foot- football dominé par les grands clubs ball jouerait d’abord et avant tout le rôle européens qui se conduisent comme d’« opium du peuple » comme la religion des oligopoles (ces clubs ayant été ache- du temps de Marx. Il amuse le peuple ou tés dans la dernière décennie par des les masses et, de ce fait, les distrait des magnats de l’industrie ou de la finance, véritables enjeux économiques, sociaux à la fortune parfois acquise dans des et politiques du pays. Christian Brom- conditions douteuses), achat/vente berger, anthropologue, à qui l’on doit des joueurs comme des marchandises, des travaux fondateurs sur le football, a montant astronomique des transferts insisté à juste titre sur le fait que l’étude des match winners du foot au prix d’un des sports se heurte à toute une longue endettement colossal des clubs phares tradition philosophique qui rappelle de la Ligue des Champions, pillage « de façon insistante, que les activités permanent des meilleurs joueurs des ludiques ont pour fonction première de clubs des pays du Sud (au sens très large divertir de l’essentiel, non pas de l’expri- du terme) par les richissimes clubs du mer, encore moins de le révéler. Ces pra- Nord et parallèlement destruction du tiques et ces spectacles détourneraient niveau et de l’intérêt des champion- ceux qui s’y adonnent ou y assistent nats nationaux qui existaient dans des d’une vision claire de leur condition et, pays (comme le Brésil ou l’Argentine, partant, seraient de bien piètres instru- devenus orphelins de grands matches ments pour saisir le fonctionnement réel et de grands exploits), envolée des prix des sociétés et des cultures, sinon pour des places en Europe et pacification à désigner a contrario les vrais problèmes, marche forcée des stades au détriment de leur assise populaire et des sup- 4. Stéphane Beaud (avec Philippe Guimard), porters les plus fervents, sans oublier Traîtres à la nation ? Un autre regard sur la grève des Bleus en Afrique du Sud, La Découverte, 2011. 5. Christian Bromberger, ibid.. 10 savoir/agir
Dossier Prendre le foot au sérieux les effets les plus sombres du règne de l’espace public un regard armé par les l’argent dans le football contemporain : sciences sociales, c’est-à-dire lesté du essor des paris sportifs au niveau mon- poids de l’enquête, qu’elle soit his- dial, trucage des matchs et corruption torique (mais misère des archives du des joueurs, incitation forte au dopage football…), statistique (mais misère des des joueurs (les soupçons font plus que statistiques disponibles en la matière…) planer sur les équipes effectuant un ou ethnographique (mais difficultés pressing intense et continu pendant de mettre sur ce sujet peu sérieux des tout le match), etc. étudiants en sciences sociales épris de Bref, ces transformations du foot- sérieux et/ou de sujets plus nobles…). ball professionnel à l’échelle mondiale Ne sous-estimons pas toutefois l’am- ne peuvent qu’alimenter à bon droit pleur de la résistance à la sociologie sur une sociologie critique du football6 , un tel sujet, n’oublions pas que le fait dénonçant la fonction idéologique de même de vouloir adopter ce type de ce sport, symbole par excellence de regard, distancié et objectivant, sur le « manipulation des masses ». Il suffit football, suscite des réactions passion- de constater la place démesurée que nées/passionnelles du côté des « Anti- peut prendre le foot dans les journaux Foot ». Pour l’illustrer, on peut lire les télévisés des chaînes françaises. Ainsi premières réactions, fort véhémentes, il n’est guère contestable que l’énorme des lecteurs du Blog. Certes cet échan- couverture médiatique de ce sport fait tillon est biaisé : ce sont les lecteurs écran au traitement des « vrais » pro- « enragés » par ce qu’ils ont lu (ou plus blèmes sociaux (chômage, pauvreté, vraisemblablement parcouru…) qui se inégalités, etc.). Cette vision critique jettent immédiatement sur leur souris (« de gauche ») du football est bien sûr pour exprimer publiquement leur à prendre en considération tant il est colère. Court florilège : « Pourquoi fau- aujourd’hui de plus en plus pris dans drait-il prendre le football au sérieux ? les rets de ce qu’on a coutume d’appeler C’est un sujet totalement futile, jus- le « foot business », qui revêt bien des tement ! », « Le foot, y’en a ras le bol. aspects indéfendables. J’ai chronométré. Des fois, dans les La question qui subsiste est la sui- informations, c’est le sujet qui dure le vante : faut-il pour autant abandonner plus longtemps, développé jusqu’à plus le football aux seuls « footeux », tout soif (…) En plus “sciences sociales” est entiers livrés à leur passion et sans toujours au pluriel. Il y en a plusieurs ? aucun recul critique ? Nous considé- Autant que de courants ? Tout ceci est rons, au contraire, que c’est justement attristant. D’ailleurs pourquoi appeler du fait même de son « impact dans la cela de la science ? » . société » – pour le dire vite et mal – Plus intéressante pour notre propos qu’il faut s’efforcer de diffuser dans est la réaction, par courriel, d’un jeune collègue statisticien - pour le coup, une 6. Cf. les travaux de Jean-Marie Brohm, de la « science dure » - après lecture du pre- revue Quel Corps ?, Marc Perelman et le thème mier texte qui s’intitulait « de la dif- de la peste émotionnelle qui ravit à bon compte ficulté de prendre le foot au sérieux ». tous ceux que le football révulse (Le football, une peste émotionnelle, coll. Folio actuel, Il écrit ceci : « Très intéressant. Ton Gallimard, 2006)… article me renvoie à mon propre savoir/agir 11
Dossier Prendre le foot au sérieux ethnocentrisme : sans détester ce sport, En premier lieu, les coupes du j’y suis assez largement indifférent. De monde ont longtemps été des moments manière générale, j’ai du mal à m’in- où se révélaient des équipes nationales, téresser au sport, mais le foot (avec s’expérimentaient des tactiques, se for- le tennis d’ailleurs, à l’autre bout du geaient des styles de jeu nationaux. Bref spectre) fait partie de ceux qui m’inté- un observatoire du work in progress ressent le moins... J’ai eu une brève his- footballistique pour les entraîneurs du toire d’amour avec la boxe (notamment monde entier. En second lieu, la coupe des années 1950-60-70). Par contre, la du monde permet une mise en scène des sociologie du sport m’intéresse beau- affrontements entre équipes nationales, coup ! C’est marrant comme les goûts entre nations et entre style de jeu des et les dégoûts sont chevillés en nous. différents pays. En troisième lieu, pour On a beau l’étudier, on est tout autant les enfants du monde entier qui n’ont pris dans ces mécanismes ». La ques- pas les moyens de voyager, elle consti- tion qui est bien posée, à travers ces tue à travers la « petite lucarne », une jugements sociaux sur le football, est fenêtre incomparable sur ces mondes celle de l’intériorisation puissante des lointains et exotiques (qu’ils soient du normes et de l’emprise de la légitimité Nord ou du Sud, de l’Orient ou de culturelle dans les milieux dits « culti- l’Occident), offrant en outre une péda- vés ». Comme le disait déjà Bourdieu gogie en acte de la géographie mondiale dans La Distinction à propos de l’ana- (localisation des pays, couleurs des lyse des pratiques culturelles, «Le bon drapeaux, caractéristiques physiques goût, c’est le dégoût du goût des autres». dominantes des joueurs, etc.) qui peut être une entrée en or pour les ensei- gnants d’histoire-géographie. Com- Le Mondial : un affrontement mimé bien de jeunes ont découvert à la télé- des nations vision le Mondial de 1970 au Mexique Le Mondial tous les quatre ans est – le premier retransmis en couleur et, un grand événement télévisé, regardé d’après les spécialistes, sans conteste le et commenté par plus d’un milliard plus beau de l’histoire avec une équipe de téléspectateurs sur la terre. Il fait brésilienne, et Pelé, au sommet de son ainsi l’objet de luttes acharnées et de art ? Combien d’entre eux se sont alors lobbyings intenses au moment de la pris de passion pour ce pays, ont voulu désignation, par la Fédération interna- en découvrir la culture, percer le mys- tionale, du pays organisateur (Russie tère de cet amalgame sportif extraordi- de Poutine en 2018, Qatar des émirs nairement réussi, qui avait à voir avec du pétrole en 2022 avec matchs sous cette équipe composée à parts égales air conditionné ?...). Et il sert aussi de de Noirs, de métis et de Blancs dans ce caisse de résonance aux luttes sociales pays où l’abolition de l’esclavage (1888) et politiques des pays concernés, n’était pas si éloigné dans le temps7. comme au Brésil en 2013. Laissons ici toutefois de côté cette question géopo- 7. Cf. Afranio Garcia et Sergio Leite Lopes, litique (bien sûr essentielle) pour nous « Noir, brésilien et footballeur : de la poudre de riz à la légende Pelé » http ://tempsreel. concentrer sur la spécificité de cette nouvelobs.com/coupe-du-monde-le-foot-c-est- compétition, le Mondial, dans ce sport. du-serieux/20140617.OBS0705/noir-bresilien- 12 savoir/agir
Dossier Prendre le foot au sérieux Par ailleurs, à travers les matchs fait bien sentir comment l’hostilité aux opposant des équipes des cinq conti- Allemands a pu alors renaître, l’alcool nents, la coupe du monde peut annon- aidant et la défaite improbable surve- cer – ou révéler – des grands tournants nant, l’espace de ce moment précis et géopolitiques comme l’émergence du dramatique de l’agression non sanc- football africain (Cameroun, quart de tionnée par l’arbitre anglais du défen- finaliste en 1990, la revanche des pays seur français, Battiston, par le gardien du Sud sur ceux du Nord : l’Algérie allemand, Schumacher : « Maintenant, qui bat en phase de poule l’Allemagne, nous étions là, trois copains, à faire future finaliste à la coupe du Monde de remonter à la surface quelques haines 1982), l’émergence au plus haut niveau bien senties à l’égard de cette Répu- des nations asiatiques dans le concert blique fédérale allemande. On mélan- des nations footballistiques (La Corée geait le sport et la politique. On avait du Sud lors de la coupe du monde de un bon coup dans le nez. Ces noms 2002). Le Mondial est alors, comme le un peu rudes (des joueurs allemands) carnaval, un moment où les « dominés » ne nous inspiraient pas confiance : peuvent provisoirement (en poules plus Breitner, Dremmler, Hrubesch, Litt- qu’en phase finale) inverser l’ordre des barski, Rummenigge. Ils étaient les choses et se payer une revanche sur les représentants d’un pouvoir que nous nations qui les dominent économique- méprisions. Héritiers de bourreaux ment, culturellement et politiquement. nazis qui avaient repris le boulot en Le rôle des journalistes sportifs est douceur ». essentiel dans leur manière d’inter- Bien sûr, on pourrait commenter sur préter et de mettre en mots le spec- un mode effrayé ces mots ou les com- tacle sportif. En effet, à sa manière, portements - dits « tribaux » - de sup- la coupe du monde peut faire l’objet porters perdant un temps la raison et se d’une grande dramaturgie, reproduire livrant à des comportements déviants. ou mimer des affrontements « histo- Il est même de bon ton aujourd’hui riques » ou politiques entre nations. Par d’ironiser, dans les milieux réfrac- exemple, lors de la coupe du monde de taires aux sports populaires, sur le 1982, en Espagne, c’est le fameux match nationalisme ou le patriotisme qui se de Séville, France-Allemagne, avec une donnent à voir lors des Mondiaux de défaite de la France aux penalties (après football avec ces phénomènes de sup- avoir mené 3-1 à dix minutes de la fin) porters des équipes nationales et leur qui a eu paradoxalement un goût de folklore apparemment désuet (dégui- victoire nationale. Pierre-Louis Basse sement, maquillages, chants). Or Nor- évoque la manière dont il a vécu inten- bert Elias nous a mis en garde contre sément ce match avec ses copains, une ces excès interprétatifs en rappelant soirée de canicule et d’orage, dans un la fonction sociale du sport moderne pavillon de Juvisy-sur-Orge8 . Surtout il depuis son avènement dans l’Angle- terre industrielle du vingtième siècle : et-footballeur-de-la-poudre-de-riz-a-la- « Le plaisir de la lutte et de l’agressivité legende-pele.html trouve un exutoire socialement admis 8. Pierre-Louis Basse, « Alain Giresse 99e minute », Mes seuls buts dans ma vie, Nil dans la compétition sportive. Cela éditions, 2014 apparaît surtout dans le côté spectacle, savoir/agir 13
Dossier Prendre le foot au sérieux dans l’attitude de rêve éveillé des spec- leurs joueurs du pays, les plus titrés et tateurs d’un combat de boxe qui s’iden- reconnus, les mieux payés et, bien sûr, tifient à ces quelques rares personnes les plus sollicités par les médias. Par auxquelles on a accordé le droit limité exemple, l’équipe de France est aussi et strictement codifié de donner libre une institution dont l’histoire pèse cours à leur agressivité. Cette décharge fortement sur ses membres, davantage des pulsions par le spectacle ou par encore depuis les succès lors du Mon- l’écoute (en suivant un match à la radio) dial de 1998 et l’Euro 2000. est un trait particulièrement caractéris- L’unité d’une équipe nationale de tique de la société civilisée9 ». football est toujours plus difficile à construire que celle d’une équipe de club, surtout aujourd’hui dans le Qu’est ce qu’une équipe nationale contexte d’internationalisation crois- dans le foot mondialisé ? sante et précoce des carrières de foot- La coupe du monde fait se rencontrer balleurs. Les meilleurs joueurs (fran- depuis 1930 des équipes nationales. Il çais, brésiliens, argentins, africains…) faut bien voir que l’équipe nationale de partent aujourd’hui dès le début de football (mais cela vaut aussi pour tous leur carrière dans les championnats les autres sports collectifs) n’est pas une plus prestigieux (désormais anglais équipe comme les autres. Certes, ce sont et espagnol)10 . L’internationalisation les meilleurs joueurs du pays qui y sont croissante des carrières de footballeurs « sélectionnés », l’entraîneur a d’ailleurs et la domination économique du cham- pris ce nom de « sélectionneur » pour pionnat anglais qui attire les meilleurs désigner sa fonction principale : il lui joueurs étrangers (du monde entier) appartient de choisir parmi beaucoup compliquent désormais considérable- de prétendants ceux qu’il considère ment le travail de fabrication d’une comme étant les 23 meilleurs joueurs identité pour les équipes nationales des du pays concerné. Par ailleurs, le mode grands pays de football11. d’existence des équipes nationales dif- Le défi qui est aujourd’hui lancé fère fort des équipes de clubs profes- aux équipes nationales n’est donc sionnels. À part les années de coupe pas mince : comment construire une du monde, les joueurs (dits « interna- « équipe » composée d’une majorité tionaux ») ne s’y retrouvent qu’à inter- d’expatriés du football (Brésil, Argen- valles éloignés (six ou huit semaines tine…) ? L’équipe de France est parti- dans l’année), ont en règle générale peu l’habitude de jouer ensemble. Par ail- 10. Cf. le chapitre 1 de Stéphane Beaud (avec Philippe Guimard), Affreux, riches et leurs, il leur faut dépasser les rivalités méchants ? Un autre regard sur les Bleus, La entretenues dans leurs clubs ou cham- Découverte, 2014. pionnats respectifs. Les « anciens » y 11. Arsène Wenger, entraîneur de l’équipe évoluent avec un prestige encore plus cosmopolite d’Arsenal (Londres) déclare après le Mondial de 2010 : « Autre constat. Le affirmé qu’en club : ce sont les meil- mal que les sélections ont à vivre ensemble désormais. Pff ! !… J’ai des joueurs (à Arsenal) 9. Norbert Elias, La civilisation des mœurs (1939, un peu dans toutes les équipes (nationales) et traduction en France, 1969, Presses Pocket. Voir les échos que j’ai me disent : “Il y a un nouveau surtout, Norbert Elias et Éric Dunning, Sport problème, c’est comment passer quarante jours et civilisation, Fayard, 1989. ensemble”… ». (L’Équipe Mag, 10 juillet 2010). 14 savoir/agir
Dossier Prendre le foot au sérieux culièrement atteinte par ce syndrome du fait même du caractère structurelle- ment exportateur du football français. Par exemple, on ne comprend rien à la grève du bus des Français à Knysna si on ne l’inscrit pas dans ce cadre (treize Bleus sur les vingt-trois évo- luaient à l’étranger). Autre problème important qui complique la donne des sélectionneurs des équipes nationales : les joueurs arrivent éprouvés physi- quement après une longue saison et certains d’entre eux peuvent être inci- tés par leur employeur principal (leur club qui les rémunère très fortement), via leur entraîneur, à s’économiser et surtout à ne pas se blesser. Lors du der- nier Mondial, le journal L’Équipe avait exhumé un savoureux texto de l’entraî- neur mythique de Manchester United, Sir Alex Ferguson, adressé à son joueur coréen (Park) avant un match de coupe du monde de la Corée du Sud : « Bon match ! Surtout ne te blesse pas ! » n savoir/agir 15
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