Harry Potter et les chrétiens : pourquoi tant de haine ? - Reforme.net
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Publié le 26 mai 2020(Mise à jour le 15/07) Par Louis Fraysse Harry Potter et les chrétiens : pourquoi tant de haine ? Depuis la parution du premier tome de Harry Potter, en 1997, la saga littéraire et cinématographique a subi les foudres de certains milieux chrétiens. Ce jeudi 15 juillet 2021, TF1 proposera le troisième opus de la saga Harry Potter, Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban. En mai 2020, TF1 avait diffusé Harry Potter et les reliques de la mort : 1ère partie, le septième et dernier volet de l’œuvre sortie de l’imagination de la Britannique J. K. Rowling. Le succès populaire était au rendez-vous. Mardi 19 mai 2020, Le Prince de sang-mêlé, sixième épisode de la série, a réuni plus de six millions de personnes devant leur écran, soit près de 30 % de part d’audience. Depuis la parution en 1997 de Harry Potter à l’école des sorciers, la saga fait dans la démesure. Si la Bible est considérée comme le livre le plus écoulé de tous les temps, Harry Potter est la série littéraire la plus vendue de l’Histoire. Plus de 500 millions de copies ont été vendues à ce jour.
Autodafés publics Ce succès planétaire n’est sans doute pas étranger à la défiance avec laquelle certains chrétiens ont accueilli les aventures du jeune sorcier. Cette défiance a parfois pris un tour radical. Des exemplaires de Harry Potter ont ainsi été brûlés en public par un prêtre catholique polonais ou une Église évangélique américaine. Tout anecdotiques qu’ils soient, ces autodafés ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Pour de nombreux chrétiens, principalement au sein du monde évangélique mais aussi chez les catholiques, Harry Potter est dangereux. Quelles en sont les raisons ? Mensonge et désobéissance Un premier argument tient à la moralité de l’œuvre. En désobéissant à sa famille adoptive et en bafouant les règles érigées par Dumbledore, le directeur de l’école de sorcellerie Poudlard, pour sauver ses amis, Harry Potter donnerait un bien mauvais exemple aux enfants. Il encouragerait ces derniers à mentir et à désobéir à l’autorité, deux choses que la Bible réprouve. “La morale et l’éthique dans les contes fantastiques de Rowling sont au mieux flous, au pire ouvertement contraires à la Bible”, avance ainsi l’auteur évangélique américain Richard Abanes dans son livre Harry Potter et la Bible : le danger derrière la magie. Non seulement Harry Potter est accusé de désobéir à ses professeurs, mais il est en outre rarement puni pour cela. Richard Abanes ajoute : “au lieu de suivre une mesure objective du bien et du mal (par exemple les règles de Poudlard), Harry laisse ses propres intérêts et rationalisations subjectives déterminer ses actions.” Harry Potter, en somme, serait un bien piètre modèle pour la jeunesse. L’omniprésence de la magie Cette ligne de critique, somme toute assez classique, ne constitue cependant pas le cœur des attaques chrétiennes contre Harry Potter. Ce qui dérange le plus, dans l’œuvre de J. K. Rowling, c’est l’omniprésence de la magie. “Les évangéliques s’opposent à Harry Potter pour les mêmes raisons qu’ils s’opposaient à Donjon et Dragons (célèbre jeu de rôle sur table, ndlr) dans les années 1970 : l’idée que donner une image positive de la sorcellerie et de la
magie risque de faire basculer les jeunes dans l’occulte, rapporte, joint par courriel, Christopher Douglas, professeur de littérature à l’université de Victoria au Canada. Ces évangéliques vivent dans un monde hanté par les démons, où des forces surnaturelles maléfiques tentent d’inciter les humains à interagir avec Satan. Ils arguent que Harry Potter et Donjon et Dragons initient de jeunes lecteurs et joueurs à des influences démoniaques qu’ils ne comprennent pas.” Aux États-Unis, l’influente organisation évangélique Focus on the Family a rapidement fait part de ses réserves au sujet des aventures du jeune sorcier. “Satan est bel et bien vivant, et l’attrait pour l’occulte est un danger croissant dans la société actuelle”, lit-on ainsi sur le site du mouvement, en réponse à une question portant sur Harry Potter. Focus on the Family continue : “C’est pourquoi il est si crucial de mettre en garde les jeunes au sujet des mouvements modernes comme la Wicca. Les jeunes filles, en particulier, sont attirées par la Wicca en quantités record. En tant que chrétiens, nous nous devons d’oser proclamer la vérité de Dieu quant aux périls de la sorcellerie et du satanisme.” Un pouvoir éloigné de Dieu Un article de Plugged in, la publication culturelle de Focus on the Family, établit une distinction essentielle pour comprendre la perspective évangélique. Le “culturel” est à distinguer du “spirituel”. Plugged in écrit : “Sur un plan culturel, Rowling peut être félicitée pour sa volonté d’éloigner les jeunes admirateurs de Harry Potter du prétendu côté obscur, mais dans une perspective spirituelle, il est évident qu’il n’y a pas de côté obscur et de côté clair en matière de sorcellerie : tout est noir comme le péché.” L’occulte, précise plus loin l’auteur, n’est pas qu’une vue de l’esprit. Il est “très réel”. Dans les cercles néocharismatiques, on retrouve aussi semblable méfiance. La lecture de Harry Potter serait une pente glissante vers l’occulte. En 2001, la pasteure américaine Cindy Jacobs s’était ainsi penchée sur la question pour Charisma Magazine, l’une des principales publications pentecôtistes et charismatiques des États-Unis. “Harry découvre qu’il peut utiliser ses pouvoirs magiques pour faire le bien ou le mal. L’attrait de Harry Potter s’explique largement par l’idée de pouvoir personnel, mais c’est un pouvoir personnel éloigné de Dieu. C’est une grave tromperie, contre laquelle 1 Timothée 4,1 nous met en garde.”
Harry Potter contre Le Monde de Narnia Cindy Jacobs poursuit : “Il fut un temps où ceux qui lisaient des ouvrages occultes étaient considérés comme déviants, mais ce n’est plus le cas. Harry Potter et ce type de livres sont des portes d’entrée sur l’occulte qui exposent les lecteurs à la sorcellerie, aux sortilèges et à un pouvoir spirituel éloigné de Dieu. Ce qui commence par la littérature de fantasy mène à des potions et à des sortilèges bien réels. Ces livres sont un boulevard pour devenir un pratiquant de la magie.” Pour le sociologue Philippe Gonzalez, maître d’enseignement et de recherche à l’université de Lausanne, la réaction à Harry Potter en dit long sur les convictions partagées par de nombreux évangéliques. “Le refus d’un rapport métaphorique à la réalité me paraît significatif, avance-t-il. Ces évangéliques doivent en effet traiter Harry Potter avec “réalisme”, afin de garantir la réalité du monde surnaturel qu’ils transposent de la Bible à leur quotidien. La seule littérature fantastique qui ne pose pas de problème serait Le Monde de Narnia ou Le Seigneur des anneaux. Ces deux œuvres sont lues comme des “contes présentant le salut” de façon à peine voilée – ce qui est assez juste pour Narnia, mais réducteur pour la trilogie de Tolkien.” La réalité du monde invisible Voilà pourquoi la réaction à Harry Potter est aussi “viscérale”, continue Philippe Gonzalez. Elle touche fondamentalement à la réalité du monde invisible. “Pour le dire de manière succincte, ces évangéliques sont dérangés par le rapport à l’imaginaire, à moins que celui-ci ne soit enrôlé dans la promotion de leur compréhension du message chrétien.” Harry Potter serait-il donc un héros antichrétien ? L’avis est loin d’être partagé par tous les chrétiens, y compris au sein du monde évangélique. Certains voient même dans le jeune sorcier une figure christique… À suivre : Harry Potter, une figure christique ?
Et chez les catholiques ? La citation, à l’époque, avait créé quelques remous. Dans un courrier de mars 2003, le cardinal Ratzinger, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, répondait à la sociologue catholique allemande Gabriele Kuby, très critique de l’œuvre de J. K. Rowling. Le futur Benoît XVI écrivait : “Vous avez raison d’éclairer les gens sur Harry Potter, parce que ce sont des séductions subtiles qui agissent sans qu’on s’en aperçoivent, et pour cela falsifient la vie chrétienne dans l’âme (des enfants) avant qu’elle ait pu croître correctement.” Dans le même ordre d’idées, Gabriele Amorth, alors exorciste du diocèse de Rome, déclarait lui que “Derrière Harry Potter se cache la signature du prince des ténèbres, le diable”. Mais en 2009, l’Osservatore Romano, le journal du Vatican, tempérait cette défiance en faisant l’éloge de Harry Potter et le prince de sang- mêlé, sixième épisode de la saga. Ce film, notait le journal, atteint le “bon équilibre” en traçant “une ligne de démarcation claire entre ceux qui œuvrent pour le bien et ceux qui font le mal”. Publié le 24 juillet 2019(Mise à jour le 26/07) Par Ousmane Yansané
Faut-il regarder les films d’horreur ? De la saga d’Annabelle à La Nonne en passant par Ça, les films d’horreur ont fait carton plein chez les téléspectateurs. Quelle vision du mal véhiculent-ils ? L’analyse d’Alexandre Antoine, pasteur des Assemblées de Dieu (ADD) et professeur-assistant d’histoire de l’Église à la Faculté Libre de Théologie Evangélique. La violence même fictive a des conséquences Je ne pense pas qu’il soit bon de regarder des films d’horreur. Il est certain que les images violentes affectent le spectateur au niveau émotionnel ou de la banalisation de la violence. L’âme, l’esprit, les émotions et le corps ne font qu’un. De manière générale, un film qui dégouline de sang marque les consciences et notre équilibre intérieur. Ce type de cinéma cherche à faire du spectacle en s’appuyant sur le sentiment de peur chez les gens. Hors, dans ce domaine, on cherchera toujours à aller plus loin pour vivre une émotion plus forte. Cette recherche inassouvie conduit le spectateur à toujours plus d’horreurs et de contenus malsains. Les limites de l’acceptable sont sans cesse repoussées. Si des films auparavant se refusaient à évoquer certains interdits clairs (le tribalisme, l’inceste, l’infanticide…). Aujourd’hui, c’est plutôt la complaisance qui fait loi. Le fond de commerce de films classés dans le genre “horreur ou épouvante”, est basé sur la violence, comme Saw. Contraire aux valeurs du christianisme Aujourd’hui, on assiste même à une forme d’esthétisation de la violence. La problématique dans le cinéma de l’horreur est liée à son caractère ultra-violent et à l’angoisse que les réalisateurs cherchent à créer chez les téléspectateurs. Ces
sentiments sont loin d’être positifs. C’est tout le contraire du christianisme. Le but de l’Évangile n’est pas de développer des sentiments de peur, mais bien d’offrir de la paix, de la joie et de l’amour. Les films d’horreur décrédibilisent l’existence du surnaturel De plus, en Occident, c’est l’esprit cartésien qui l’emporte. Nos contemporains ont tendance à nier toute réalité autre que le matériel. Aucun monde spirituel n’existerait. Les histoires de fantômes ne seraient là que pour faire peur. Pourtant, à mon avis, ces phénomènes existent. Et la mention “inspiré de faits réels” ne devrait pas être qu’un argument commercial, mais bien nous alerter. Même si notre culture occidentale nie la réalité de l’existence d’entités spirituelles mauvaises, la Bible offre un tout autre regard. Ces réalités sont tournées en fiction par le cinéma. Finalement, il enlève toute forme de crédibilité aux phénomènes liés au diable, à la possession et à l’exorcisme. Tout le monde se rassure en sortant de la salle obscure en se répétant que tout cela n’est qu’une histoire. Mais ces faits peuvent être bien réels même si en France, on en parle pas ou peu. Dans d’autres sociétés, la réalité du monde spirituel n’a pas été oubliée. Cela est flagrant qu’en j’en parle par exemple à mes amis d’origine africaine. Dans leur contexte à eux, ces phénomènes sont à prendre au sérieux. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour nous ? À chacun ses limites Le cinéma est une forme de reflet de la société. Cette société n’est pas influencée par des valeurs évangéliques, bien au contraire. On ne peut donc attendre d’elle qu’elle place des limites sur ce qui est acceptable ou non. La question du coup que chaque chrétien est appelé à se poser est celle de sa propre limite face à son exigence éthique. À partir de quel moment ce que je regarde n’est plus en accord avec les valeurs que je défends ? Propos recueillis par Ousmane Yansané
Publié le 15 février 2019(Mise à jour le 15/02) Par Rédaction Réforme Les protestants et la question du Mal Si Dieu est bon, pourquoi consent-il au Mal sur Terre ? Une sélection d’articles de Réforme sur ce sujet. [cl_row][cl_column][edgtf_post_layout_one number_of_posts=”30″ category_id=”0″ author_id=”0″ sort=”latest” thumb_image_size=”original” display_pagination=”no” post_in=”6832,5561,43934,45120,51213,25767,24888,4847,7456,11652,11623,1 1594,8922,28578″][/cl_column][/cl_row]
Publié le 5 juillet 2017(Mise à jour le 5/07) Par Antoine Nouis Les enjeux de la mémoire – l’édito d’Antoine Nouis Le pasteur Antoine Nouis réagit au décès de Simone Veil. Dans un livre de dialogue entre Élie Wiesel et Jorge Semprun, les deux écrivains évoquent la mort du dernier survivant des camps avec la conscience qu’à ce moment de l’Histoire une page se tournera. Simone Veil n’est pas la dernière mais, en France, c’était la plus connue des survivants. Dans l’Israël ancien, les défunts survivaient dans la mémoire de leurs descendants. Si bien que lorsque la dernière personne qui avait connu un ancêtre disparaissait, cela correspondait à une seconde mort. Ce qui était vrai des vivants l’est de l’Histoire. À l’occasion de la mort de Simone Veil, nous devons entretenir la mémoire de cette page obscure du siècle dernier. Alors que par notre nature, nous avons du mal à voir ce qui fait mal à voir, la mémoire est un impératif. Dans les geôles où l’on enferme des résistants, les oppresseurs essayent d’affaiblir leurs prisonniers en leur faisant croire qu’ils sont seuls, que tout le monde les a oubliés. Les associations de défense des droits de l’homme informent pour protéger, elles résistent en cultivant la mémoire. Le mal existe et le mal absolu existe absolument. La culture ne protège pas puisque la Shoah a été mise en application dans un pays de haute civilisation. Pour évoquer l’ennemi de Dieu et de l’humain, la Bible évoque la symbolique diabolique qui nous rappelle qu’il y a une intelligence du mal.
Face au mal absolu, on ne négocie pas, on pose un interdit. Les réécritures de l’Histoire, les discours de haine, les idéologies qui induisent le rejet d’une partie de la population sont illicites pour les mêmes raisons qu’il est interdit de rouler à 200 kilomètres/heure sur une autoroute. Saint Augustin disait que le diable est un chien méchant qui aboie très fort, mais qui est attaché à une chaîne, et qui ne mord que ceux qui se jettent dans sa gueule. L’impératif que nous impose la mémoire est de veiller à ce qu’il reste solidement attaché. Publié le 1 mars 2017(Mise à jour le 8/03) Par Alain Arnoux Matthieu 4,1-11 : Au désert, la confrontation entre Jésus et le diable Pour le pasteur Alain Arnoux, le diable ne s’attaque pas aux tièdes, mais aux plus convaincus, à ceux qui sont tentés d’imposer le Royaume. La mission de Jésus commence par une période loin des hommes. Au désert, Jésus se prépare à aller à la rencontre des hommes par ce que je suppose être une retraite spirituelle, dans le jeûne, la méditation et la prière. Avant de rencontrer les hommes, leurs attentes, leurs cris et leurs contestations, il vit un temps de rencontre intense avec Dieu. Le problème, c’est que le diable s’invite dans la rencontre, s’immisce dans la communion. Peut-être parce que, dans la
communion spirituelle la plus authentique avec Dieu, les hommes, leurs attentes, leurs cris, leurs contestations sont toujours présents, même au fond du désert. Et avec eux la question de la manière et des moyens d’y répondre. Ce qui fait de toute communion vraie avec Dieu un combat, qui recommencera à chaque rencontre avec les hommes, amis ou ennemis, souffrants ou arrogants. Non, le diable n’a pas l’aspect repoussant et effrayant que lui ont donné les peintres du Moyen Âge. Comment pourrait-il tenter si c’était le cas ? Oui, sans doute, il peut prendre le visage monstrueux des dictateurs et des régimes totalitaires qui sèment la haine et la mort, qui broient les esprits et les corps et détruisent les âmes, mais toujours, au départ, avec un idéal capable d’exalter une partie de l’humanité… contre l’autre. Dans ces tempêtes-là, il se révèle clairement comme l’Ennemi, et celui qui veut détruire ce que le Dieu d’Israël et le Christ ont donné au monde. Pourtant, même là, des chrétiens, pas forcément médiocres, se sont laissé séduire, emballer, c’est-à-dire ficeler, par les trois propositions que le diable fait ici à Jésus : résoudre tous les problèmes du monde (les pierres changées en pains), prouver sa foi en faisant du spectaculaire, réussir à n’importe quel prix. Bref, changer le monde et les hommes en mettant les forces de l’Esprit au service d’un messianisme terrestre. Efficacité, rapidité, pragmatisme, pouvoir et prestige. Avec les versets bibliques appropriés. Ce que Jésus a toujours refusé, jusqu’à la croix. Ce récit n’est pas là seulement pour nous dire le choix de Jésus et nous expliquer son comportement. Il nous concerne. Ce sont peut-être les chrétiens les plus ardents, ceux qui ont une vie spirituelle intense, ceux qui ont le plus à cœur de voir l’Évangile faire bouger les gens et les choses, qui sont les plus exposés à succomber à ces ambitions, car le « diable » ne s’attaque pas trop aux tièdes. À cause des souffrances et des injustices de ce monde, et de la lourdeur de tout ce qui empêche d’y remédier. À cause de la lourdeur des esprits humains. À cause de la lenteur de la venue du Règne. Pour prouver la pertinence de leurs convictions. Or nous n’avons rien à prouver. Pour nous comme pour Jésus il y a, jusque sur la croix, la parole donnée à son baptême : « Celui-ci est mon fils bien-aimé, celui qu’il m’a plu de choisir. » Et dans toutes les mises en doute, dans tous les combats incertains et dans tous les services fastidieux, cela doit nous suffire.
L’Évangile du dimanche Alors Jésus fut emmené par l’Esprit au désert, pour être mis à l’épreuve par le diable. Après avoir jeûné quarante jours et quarante nuits, il eut faim. Le tentateur vint lui dire : Si tu es Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent des pains. Il répondit : Il est écrit : L’être humain ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. Le diable l’emmena dans la Ville sainte, le plaça sur le haut du temple et lui dit : Si tu es Fils de Dieu, jette-toi en bas, car il est écrit : Il donnera à ses anges des ordres à ton sujet, et ils te porteront sur leurs mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre. Jésus lui dit : Il est aussi écrit : Tu ne provoqueras pas le Seigneur, ton Dieu. Le diable l’emmena encore sur une montagne très haute, lui montra tous les royaumes du monde et leur gloire, et lui dit : Je te donnerai tout cela si tu tombes à mes pieds pour te prosterner devant moi. Jésus lui dit : Va-t’en, Satan ! Car il est écrit : C’est devant le Seigneur, ton Dieu, que tu te prosterneras, et c’est à lui seul que tu rendras un culte. Alors le diable le laissa, et des anges vinrent le servir. Publié le 26 juin 2008(Mise à jour le 14/02) Par redaction
T comme… tentation Accumulation, pouvoir, séduction : ces tentations qu’a connues Jésus au désert sont toujours les nôtres aujourd’hui. Lorsque Jésus est baptisé, une voix se fait entendre qui le désigne comme le fils bien-aimé du père. L’épisode qui suit est intimement lié au baptême, c’est le récit de la tentation au désert qui est la marque de sa messianité. L’évangile de Luc raconte que Jésus a été tenté pendant quarante jours par le diable. Le mot diable signifie le diviseur, celui qui veut séparer le Fils de son Père, le Christ de sa mission. Pour nous, le diable est cette parole qui nous appelle à renoncer à notre vocation pour être sûr de ne pas passer à côté des chimères de notre monde. Les trois tentations de Jésus évoquent trois puissances qui sont encore à l’œuvre dans notre temps. La première est celle du matérialisme : « Transforme ces pierres en pain ! » C’est la tentation de la consommation et de l’accumulation. La deuxième tentation est celle du pouvoir : « Je t’offre la domination sur toutes les nations. » C’est la tentation de la puissance. La troisième tentation est celle de la fascination : « Jette-toi du haut du temple afin que des anges te portent et que tous t’admirent. » C’est la tentation de la séduction. Dans le vocabulaire biblique, ces trois tentations sont des puissances ou des autorités. Pour la richesse, le pouvoir ou la séduction, nous avons vu des hommes renoncer à leurs valeurs les plus chères et trahir leurs idéaux les plus nobles. Si ces autorités sont présentées comme étant diaboliques, c’est qu’elles exercent sur nous un pouvoir, c’est pourquoi nous sommes invités à les affronter sur le lieu de notre spiritualité. Les hommes qui sont les plus indiqués pour parler de ces tentations sont les Pères du désert qui ont mené des combats terribles contre le diable. Dans leurs propos, nous trouvons quelques enseignements sur la façon dont pouvons, à notre tour, mener le combat de la foi. Antidotes La première démarche consiste à nommer la tentation. Nous sommes invités à énoncer les tentations qui nous menacent, particulièrement dans les domaines de
notre rapport à l’argent, au pouvoir et à la séduction. Un Père du désert a fait la comparaison suivante : « Lorsqu’on cache les yeux d’un bœuf ou d’un âne, on peut le faire marcher en rond pour entraîner la roue d’un moulin. Mais si on laisse son regard dévoilé, il refuse de tourner autour de la meule. Il en est de même du démon. S’il se débrouille pour obscurcir regard de l’homme, il l’entraîne dans tous les péchés du monde. Mais si les yeux de l’homme restent ouverts, il peut facilement échapper aux pièges qui lui sont tendus. » Le deuxième temps consiste à refuser toute compromission avec le tentateur, et à être d’autant plus -fermes que nous sommes séduits. Les pères qui vivaient dans des cellules individuelles ont utilisé l’image suivante : « Si un serpent cherche à entrer dans ta cellule, lorsque seule la tête paraît, il n’est pas difficile de l’écraser avec ton talon ; mais si tu as laissé entrer le serpent tout entier, le combat sera redoutable. » Le troisième temps nous invite à cultiver les antidotes à ces autorités que nous trouvons dans les trois vœux monastiques de la pauvreté, de l’obéissance et de la chasteté que nous pouvons interpréter dans le cadre de notre condition laïque. Contre la tentation de la richesse, nous sommes invités à vivre le partage et la sobriété. Contre la tentation du pouvoir, nous pouvons nous inscrire dans l’obéissance à un évangile de service. Et contre la tentation de la séduction, nous sommes appelés à mettre de la pudeur et de la discrétion dans la relation avec nos prochains. Les tentations de Bouddha Le Bouddha a aussi rencontré trois tentations alors qu’il était assis sous l’arbre de l’illumination. Ce furent les tentations du désir, de la peur et du conformisme. Le Seigneur du désir fit apparaître devant lui trois jolies filles qui s’appelaient Désir, Accomplissement et Regrets. Le Bouddha, qui s’était libéré de tout attachement à la sensualité, demeura paisible et serein. Le Seigneur du désir fit place au Seigneur de la mort qui dirigea contre le Bouddha une armée de monstres, mais le sage avait découvert en lui le calme parfait et les projectiles qu’on lui lançait se transformèrent en fleurs.
Arriva ensuite le Seigneur du devoir social qui lui dit : « As-tu lu les gazettes du jour ? Ne sais-tu pas les tâches qui t’attendent ? » Mais le Bouddha resta impassible. Parce qu’il était resté indifférent à ces trois tentation, une voix est descendue du ciel pour dire : « Celui-ci est mon fils bien-aimé que nul ne peut contester. »
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