Radio, Journaux & Co - Instruments de Paix Expériences de terrain de 2002 à 2008
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Service International Chrétien pour la Paix Radio, Journaux & Co. Instruments de Paix Expériences de terrain de 2002 à 2008 1
Sommaire Travail médiatique impactant les conflits en Afrique Editorial: Nous nous faisons entendre!.....................................................3 Pourquoi encourager un travail médiatique impactant les conflits en Afrique?..............................................................................4 Le journalisme qui encourage la paix contre le journalisme qui appelle à la violence............................................................................7 Quand deux personnes se disputent … une troisième peut les aider! ...................................................................8 Modèle d’escalade des conflits selon Glasl...............................................9 Sept thèses sur le journalisme de paix....................................................10 Tchad Le Tchad: un pays de conflits et de violences.........................................11 Le dialogue permet de résoudre les problèmes – Interview avec Madjioudou Laoundam Laoumaï, coordinateur du programme MEC au Tchad......................................................................13 Évaluation du travail auprès de stations de radio dans le cadre du programme MEC...................................................................15 En visite chez les producteurs de radio...................................................21 La parole est comme une pierre – Interview avec Lazare Djekourninga Kaoutar, Directeur de FM Liberté, N’Djaména ...............................................................................................23 Radio FM Liberté......................................................................................24 La radio transmet des messages, il mobilise et il sensibilise les populations – Interview avec Dournar Jem Kam Kam, director de Radio Rurale du Tchad..........................................................25 Radio Rurale ............................................................................................26 La seule solution, c‘est d‘être solidaire – Interview avec Tchanguiz Vathankha, rédakteur en chef de Radio Brakoss.................27 Radio Brakoss...........................................................................................28 En visite chez les auditeurs......................................................................30 Niger Bases de la gestion de conflits pour les journalistes .............................33 Mali Journalistes au conclave pour apprendre le travail en situation de conflit..............................................................................40 République Démocratique du Congo Radio Maendeleo.....................................................................................45 Nous avons été censurés et nous espérons que cela ne se reproduira plus – Interview avec Kizito Mushizi, directeur de la Radio Maendeleo............................................................................46 Annexe Table des matières....................................................................................49 DVD...........................................................................................................51 2
Editorial Nous nous faisons entendre! Les sociétés dont il est ici question d’instrument de propagande à des ac- sont des sociétés agricoles. La majo- teurs belliqueux, comme dans le Sud- rité des gens de ces zones en gran- Kivu, en République Démocratique du de partie rurales vivent de la culture Congo. et de l’élevage et sont analphabètes. Comment atteindre ces groupes pré- EIRENE s’est posé la question de sa- cis dans ces vastes pays du Sahel, sur- voir comment soutenir au mieux le tout quand ils se déplacent toute une travail des acteurs locaux dans ce ty- partie de l’année, comme c’est le cas pe de contextes. Notre vision du chan- des éleveurs souvent nomades? Com- gement social va bien au delà de la ment faire entendre les voix appelant simple durée d’un projet. De par no- à la gestion non violente de conflits? tre travail avec les radios ou le cinéma, Comment sensibiliser les populations nous ne cherchons pas uniquement d’Afrique Centrale et de l’Ouest aux à sensibiliser mais aussi à nous inves- Claudia Frank (à gauche), intervenan- causes de ces conflits de plus en plus tir à long terme pour l’amélioration te d‘EIRENE-Afrique, et Lucy Shondin- violents pour les ressources naturel- de cadres légaux, comme par exem- ga, coordinatrice de l‘AFIP, une organisa- les et minérales. Les organisations par- ple au Tchad dans le domaine de la tion de femmes du Sud-Kivu, où la plus ré- tenaires d’EIRENE au Niger, au Mali, gestion des ressources. Au Tchad jus- cente coopération entre radios commen- au Tchad et en RDC ont fourni diver- tement, mais aussi au Niger, ce type ça en 2008. ses réponses à ces questions. Les tra- d’interventions externes joue un rô- ditions orales, l’isolement des zones le décisif et indispensable dans le sou- d’interventions et l’accès limité à l’in- tien des processus de décentralisation. formation ont poussé EIRENE et ses or- Dans des situations critiques, telles ganisations partenaires à accorder une qu’au cours des combats au Tchad dé- plus grande importance aux médias but février 2008, une coopération en dans la conception du projet. Nous te- toute confiance et l’existence de ré- nons par cette publication à vous pré- seaux formels et informels permettent de ses recherches sur l‘usage de la ra- senter quelques exemples montrant d’aider rapidement et de protéger nos dio dans le conflit opposant les éle- dans quelle mesure la diversité des collègues des menaces auxquelles ils veurs nomades aux cultivateurs séden- médias peut être mise au service de la font face. taires. Les interviews des acteurs de gestion non violente de conflits. la radio dans divers pays illustrent par Les coopérations présentées ici ont ailleurs fort bien les conditions politi- Toutes les initiatives présentées ci- lieu dans le cadre du „Service Civil ques et économiques ambiantes. après se sont servies de la radio com- pour la Paix“, elle sont le fruit du tra- me d’un moyen de communication et vail des équipes de projet nationa- Nous espérons vous donner un aperçu ont analysé le rôle des médias dans la les et des experts du service. Il faut intéressant de cet aspect du Service Ci- dégradation des conflits. Les person- tout particulièrement citer Madjiou- vil de Paix qu‘est le travail médiatique nes impliquées ont souvent personnel- dou Laoundam Laoumaï, Ingo Möller alternatif, ainsi que des possibilités lement fait les frais du lien étroit en- (coordination du programme MEC), qu‘il offre afin de sensibiliser un grand tre les médias et la gestion de conflits Raphaël Yimga Tatchi (PADET) et nombre de personnes et de contribuer et ont couru de grands risques. Mal- Knud Schneider (GENOVICO Mali). au débat démocratique. Les journalis- gré les aspects similaires évoqués plus Martin Zint, journaliste et formateur tes, les radios et équipes de projets at- haut, les situations dans lesquelles les journalistique, est l‘un des initiateurs tendent vos réactions. Faites- vous en- organisations locales ont fait un usage de ces groupes de travail que forment tendre! stratégique de la radio varient beau- EIRENE et ses partenaires et a, au fil coup selon le lieu et les régions. Au des années, accompagné les forma- En vous souhaitant une lecture aussi Niger, on diffuse principalement de tions et fourni du matériel aux radio. plaisante qu‘intéressante, l’information de base à une popula- tion majoritairement analphabète. Il s‘est rendu au Tchad en janvier 2008 Dans le Sud du Tchad, les radios ser- afin d‘évaluer les effets du travail avec vent plus de plate-forme au débat po- nos collègues sur place. Vous trouve- Claudia Frank litique. Enfin elle peuvent aussi servir rez dans cette brochure les résultats intervenante Afrique, EIRENE 3
Travail médiatique impactant les conflits Pourquoi encourager un travail média- tique impactant les conflits en Afrique? La communication est à la base mê- Une grande partie du public perçoit bres et indépendants de quoi? Afin me de toute forme de gestion de les médias comme un outil au servi- de remplir leur fonction de contrôle conflit mais elle n’est pas la seu- ce du pouvoir. Le fait que les médias au sein du système démocratique, ils le prémisse à un usage pacifiste des puissent aussi être un instrument de doivent être indépendants des grou- médias. Les médias peuvent avoir un libération semble en revanche être pes d’intérêts et des pouvoirs publics. pouvoir considérable et ils sont un moins pris en compte. Bertold Brecht La pression de ce côté est souvent très outil classique d’influence pour la so- avait, dès les premières années suivant forte, comme le montre l’exemple al- ciété civile. Rudolf Augstein, fonda- l’apparition la radio, réalisé quel po- lemand. Dans l’Allemagne de l’Ouest teur de l’hebdomadaire Der Spiegel, tentiel avait ce médium: de l’Après Guerre, les puissances al- a qualifié les médias de «fusil d’as- liées mirent le contrôle de l’audiovi- saut de la démocratie». Mais Winston «La radio pourrait être le moyen de suel entre les mains de la société civile Churchill n’a-t-il pas dit qu’il valait communication le plus formidable de et les groupes d’intérêts ont désormais «mieux s’insulter que de se tirer des- la vie publique si elle savait seulement leurs représentants dans les conseils de sus»? Si la paix doit être un état du- faire parler les auditeurs en plus de les supervision audiovisuelle qui contrô- rable, les processus mis en place pour faire écouter, si elle pouvait ne pas les lent toujours le service public. Les jour- y parvenir doivent être non violents. isoler mais les mettre en relation les nalistes des chaînes et émetteurs pu- C’est là l’un des principes fondamen- uns avec les autres.» écrivait Brecht en blics ont la sécurité de l’emploi et sont taux du travail d’EIRENE. Celui qui 1930. généreusement rémunérés mais cela veut la paix doit l’obtenir par le biais met au jour un facteur d’influence des de moyens pacifiques. Sans recourir Le Mahatma Gandhi l’avait également plus décisifs: les facteurs économiques. à l’usage de la violence. Et les médias compris. L’apôtre légendaire de la Dans la presse écrite, traditionnelle- peuvent y contribuer. non-violence avait d’ailleurs un passé ment financée par la publicité, on a méconnu de journaliste et d’éditeur. su clairement séparer la rédaction des Il a su mettre ses expériences dans ce enjeux économiques et l’indépendan- Les médias de masse et la violen- domaine au service du combat paci- ce de la rédaction est souvent explici- ce vont souvent de paire. Les médias fique pour l’indépendance de l’Inde. tement protégée par des statuts. Les La Marche du Sel, dont les destinatai- journalistes doivent être libres de tou- res étaient à Londres et non sur les cô- te contrainte économique. Le Mahat- tes de l’Océan Indien, était une mise ma Gandhi allait jusqu’à dire qu’on ne «Les guerres prenant en scène médiatique des plus profes- devrait pas pouvoir gagner sa vie en sionnelle. étant journaliste. naissance dans Les médias sont aussi qualifiés de qua- Le contrôle social est un facteur d’in- l’esprit des hommes, trième pouvoir dans le système démo- fluence souvent sous- estimé. Afin c’est dans l’esprit des cratique. Des médias libres et indé- pendants peuvent garantir la transpa- d’éviter trop de réglementations lé- gales dans la profession, les fédéra- hommes que doivent rence des processus politiques. Ils per- mettent la «bonne gouvernance» s’ils tions ont élaboré des directives et des normes journalistiques dont ils sur- être élevées les favorisent l’«Accountability», le fait de veillent eux mêmes l’application. Les devoir rendre des comptes. Les médias journalistes ont une responsabilité qui défenses de la paix» peuvent également jouer un rôle par- s’oriente à certaines valeurs; l’une de ticulièrement décisif dans les démo- ces valeurs est le respect des Droits de Assemblée constitutive de l’UNESCO 1945 craties défaillantes et servir de levier à l’Homme – même si ce concept illus- l’application des revendications de la tre précisément le fait que des valeurs société civile. En effet, les affaires dou- puissent varier d’une culture à l’autre. sont souvent montrés du doigt comme teuses se gardent souvent d’être expo- Dans les cultures islamiques, au Tchad, étant responsables de l’abrutissement sées au grand jour. au Niger et au Mali, pays auxquels général, de produire des légumes dé- nous avons à faire ici, les droits de politisés. Mais les médias peuvent aus- Que signifie exactement ce concept de l’Homme sont souvent perçus comme si avoir un effet mobilisateur. médias «libres et indépendants»? Li- un concept purement occidental. 4
La radio aux couleurs de la vie – cela donne de l‘espoir! Le travail du journaliste est produit ce rédactionnelle. Cela peut se faire te structurel défavorable. C’est pour- au sein un réseau d’influences socia- grâce à des statuts de rédaction mais quoi le journaliste et la question de les et économiques et les journalis- les acteurs de la société civile peuvent l’utilisation de cet espace individuel au tes évoluent dans un contexte de nor- également créer leur propre structures service d’une information qui sensibi- mes culturelles et sociales. La littératu- de communication. Le quotidien ber- lise aux conflits sont au premier plan re spécialisée fait la différence entre linois Tageszeitung, organisé en so- des trainings de journalisme de paix l’importance des acteurs et celle d’un ciété coopérative, en est un exemple, proposés par EIRENE. A cela s’ajoutent système précis, cependant ces deux ainsi que la fondation suisse Hirondel- des compétences dans le domaine de aspects sont décisifs pour la création le ou l’organisation Search for Com- la gestion constructive de conflits et journalistique. mon Ground. une conception de la profession qui intègre et reconnaît les valeurs et les La couverture médiatique impactant Toutefois, l’existence d’un espace li- responsabilités du journaliste. Le jour- les conflits requiert certaines structu- bre et de responsabilités individuels nalisme impactant les conflits n’est en res qui puissent garantir l’indépendan- est aussi possible au sein d’un contex- aucun cas un refus de la dispute. Au contraire, un bon journaliste se doit d’être agressif. Il se doit de dépasser Hommes de médias – Médiateurs les bornes, ou du moins de voir plus loin et d’explorer des choses nouvelles, Les médias peuvent volontairement servir de canal de communication en- à condition qu’il le fasse sans recourir tre les parties d’un conflit: Un exemple: ce matin, un modérateur spéciale- à la violence. ment qualifié est au micro d’une radio très écoutée à Durban, en Afrique du Sud. Il a une formation de médiateur et parle de la «Guerre des taxis». Le changement et les bouleverse- Des combats entre des compagnies de taxis font de nombreuses victimes ments nécessitent souvent le dépas- en Afrique du Sud. Avec un peu de chance des chamailleurs vont appe- ler. C’est du moins ce qu’il leur demande de faire pendant qu’il décrit la si- sement de résistances et les conflits tuation. Et pour cause: un chauffeur appelle et se plaint amèrement de la qui en résultent libèrent des éner- concurrence. Peu après, un chauffeur d’une autre compagnie est à l’appa- gies considérables. De même, les pro- reil et présente sa vision des choses. Le modérateur cherche des point com- cessus de paix peuvent passer par des muns et essaie d’aborder certaines vues stéréotypées et autres idées ar- phases qui paraissent tout sauf paisi- rêtées. Sa modération ne se limite pas au problème et à ses conséquences bles. Les journalistes de paix disposent violentes mais évoque avant tout les possibilités de solutions communes. de connaissances issues de la gestion Chaque parti est ainsi incité à réfléchir, ce qui peut aider à gérer le conflit de conflit et sont entraînés de maniè- de manière non violente. re à ne pas rendre plus grave ce qui Dans une culture comme la notre, marquée par la violence, la couvertu- l’est déjà suffisamment. Au contraire, re médiatique d’un conflit, afin d’en réduire la violence, requiert certaines ils interviennent de façon constructi- compétences, notamment en matière de technique d’interview, de recher- che ou de modération. Contrairement à un usage répandu, il ne s’agit pas ve dans les conflits en phase d’embra- dans ce contexte de dramatiser les conflits et de réduire leurs effets à une sement. Un journaliste de paix peut présentation de quotas. Il faut par exemple concentrer les pour-parlers non tout à fait analyser un conflit comme sur les problèmes mais sur les solutions. Ces éléments issus de la médiation un journaliste économique analyse- de conflit peuvent être acquis par des journalistes sous forme de qualifica- rait les cours de la bourse. Les connais- tion supplémentaire. sances dans ce domaines existent. Elles 5
Travail médiatique impactant les conflits ont été développées au cours des der- gestion de conflit, capacités com- gues et moyennes, ont longtemps do- nières décennies sur la base des acquis municatives), miné, ils ont désormais tendance à de l’étude de conflits et ont déjà été ●M aîtrise des formes de présenta- être ratttrapés voir même remplacés mises en pratique à diverses occasions. tion journalistiques et conscience de par des émetteurs FM, qui permettent Une culture marquée par la violen- leur importance dans un contexte une meilleure réception avec des ap- ce nécessite une approche des conflits conflictuel pareils plus simples. Du fait de leur fai- constructive, il faut apprendre à se dis- ●C réativité ble portée, leurs auditeurs se concen- puter de manière constructive. Pour ●P rotection personnelle (technique trent dans les nœuds urbains, surtout qu’une paix soit durable, les processus et plus particulièrement sociale). si ces émetteurs sont à but lucratif. En mis en place pour y parvenir doivent marge de cela, une multitude de radio impérativement être non violents. Ce- Dans le cadre du programme, les jour- rurales ou de radio associatives se sont lui qui veut la paix doit l’obtenir par le nalistes sont sensibilisé(e)s aux ques- établies dans les pays ouest- africains biais de moyens pacifiques. Les médias tions de la gestion de conflit ainsi qu’à (entre autres Niger et Mali). Équipés peuvent y contribuer de façon signi- la dimension éthique et à la respon- des moyens les plus simples, ils offrent ficative. Les professionnels de la paix sabilité sociale de leur profession. Le des programmes informatifs et éduca- sont de plus en plus qualifiés, il en va paysage médiatique des états d’Afri- tifs. Ils jouent dans certaines région un de même dans les médias. que de l’Ouest, tels que le Tchad, est rôle important dans l’essor de la so- marqué par une diffusion limitée ciété civile et du discours démocrati- Comment encourager une d’imprimés (analphabétisme, manque que. On trouve aussi un type de radios information qui sensibilise de réseaux de diffusion) et une fai- dites «radio de la haine», qui exacer- aux conflits? ble diffusion de la télévision (raisons bent les ressentiments et contribuent économiques, faible portée des émet- à l’aggravation des tensions. L’expé- Il faut identifier les compétences né- teurs terrestres; seules les chaînes des rience a montré que savoir à quelle ca- cessaires et les critères d’une pratique sociétés modernes de consommation tégorie attribuer les différents émet- journalistique encourageant la paix. sont accessibles par satellite). D’autant teurs ne relève pas uniquement d’une Ces critères peuvent être déduit d’un plus grande est l’importance de la ra- question de responsables mais sou- modèle dans lequel Johan Galtung dio, média largement accessible et qui vent d’une question de compétence oppose des aspects du travail journa- de plus s’inscrit dans la lignée des for- journalistique. listique encourageant la violence à mes de communication orales tradi- ceux qui favorisent la paix . Les com- tionnelles. Une série B contre la guerre! pétences à encourager sont les suivan- tes: L’offre de programmes radio sur le Il existe parallèlement aux aspects continent africain s’est métamorpho- journalistiques un large éventail de ● Transmission des connaissances élé- sée au cours des dix dernières années. formes non journalistiques d’utili- mentaires d’une approche construc- Si les émetteurs nationaux et interna- sation des médias à des fins de pré- tive des conflits (analyse de conflit, tionaux, qui émettent en ondes lon- vention de la violence qui pourraient contribuer à une gestion constructive des conflits. L’ONG américaine Search for Common Ground utilise en parti- culier des médias tels que des séries té- lévisées, des émissions de radio ou des vidéoclips afin d’intervenir dans des conflits déjà entamés. En effet, les sé- ries de début de soirée ne doivent pas obligatoirement reproduire et renfor- cer des clichés dominants: En Macédoi- ne, la série pour jeunes «Nashe malo» a fortement poussé jeunes et adoles- cents à repenser leur relation avec les jeunes issus de groupes ethniques dif- férents et a ainsi pu contribuer à ré- duire les tensions. Les clips vidéo ou de radio, notamment s’ils incluent des protagonistes célèbres, peuvent éga- lement avoir un effet dé-escalatoire et Une «photo de famille» fait partie de chaque séminaire – pour que le souvenir demeure – ouvrir des voies de réconciliation. Moundou, 2000 6
Le journalisme qui encourage la paix con- tre le journalisme qui appelle à la violence 1. Visant la paix/ la confrontation 1. Visant la guerre/ la violence Analyse les causes du conflits, ses objectifs et ses Se concentre sur les manifestations du conflit, la polémique conséquences, orientation vers une solution et la victoire. Bilan nul gagnant- gagnant Temps, espace, causes et conséquences vus à échelle Point de vue restreint, causes et conséquences sont réduites plus large, prise en compte du contexte culturel et à la manifestation actuelle du conflit: „Qui a lancé la historique première pierre?“ Rend les conflits plus transparents Rend la guerre incompréhensible et confidentielle. Laisse la parole à l‘autre, compréhension et tolérance Nous/ les autres, propagande, seule „notre“ parole compte. Présente le conflit/ la guerre comme un problème, Présente l‘autre comme un problème, se concentre sur les cherche des solutions succès de guerre. Ne touche pas à l‘intégrité de l‘autre, peu importe les Bestialise l‘autre, peu importe les armes qu‘il emploie. armes qu‘il emploie. Pro- actif, prévention avant la montée du conflit Réactif: couverture médiatique uniquement après l‘apparition de violences. Se concentrent sur les suites invisibles du conflit Se concentrent sur les conséquences visibles du conflits (traumatisme et fanatisme, destruction des structures) (nombre de victimes, pertes matérielles) 2. Vérité 2. Propagande Présente les mensonges de chaque parti Ne présente que les mensonges de l‘adversaire Lève le voile sur les mensonges de tous Ne lève le voile que sur les mensonge de l‘adversaire 3. S‘adresse à la population 3. S‘adresse aux élites Montre la souffrance générale; femmes, enfants, donne Ne montre que „notre“ souffrance, est la voix des hommes la parole à ceux qui ne l‘ont pas aptes de l‘élite Nomme tous les malfaiteurs Nomme les malfaiteurs parmi les autres. Met l‘accent sur les acteurs pacifiants au sein de la Met l‘accent sur les faiseurs de paix au sein de l‘élite population 4. Visant une solution 4. Visant la victoire Paix = fin des violences, créativité Paix = victoire et cessez-le-feu Pointe sur des initiatives de paix afin d‘écourter la guerre Tait toute initiative de paix tant que la victoire n‘est pas en vue Se concentre sur les structures et la culture- sur une Se concentre sur les accords, les institutions- sur une société société pacifique. de contrôle. Travail a posteriori: Solutions, reconstruction, Travail a posteriori: repartir en guerre dès les premiers réconciliation signes alarmants Johan Galtung, low road – high road Dans Track two, Écrits trimestriels du „Centre for conflict resolution and the media peace centre“, c/o UCT, Private Bag, 7701 Rondebosch, Afrique du sud, traduction: Geoffrey Vasseur 7
Travail médiatique impactant les conflits Quand deux personnes se disputent... Il était une fois deux frère et sœur, Ju- s’exclame: „Attends, j’ai besoin de cet- l’orange“. „C’est ce qu’on va voir“ dit lia et Sven. Un beau jour ils se croisent te orange!“. „Tu parles! C’est mon Julia et tente de prendre l’orange à dans la cuisine de leur maison quand orange maintenant“. „Mais maman Sven.“ Tu veux te disputer?“ demande Sven prend la dernière orange sur le l’a achetée exprès pour moi!“ répond Sven, „c’est quand tu veux“. Et la cha- plateau de fruits. Julia le voit faire et Julia. „Cause toujours, je me prends maille commence. Sven garde l’orange bien en main et Julia essaie de la récu- pérer. Tout cela n’est pas bon du tout pour l’orange dont le jus goutte dé- Matrice de gestion de conflit jà sur le sol. Y = 100 % de satisfaction des intérêts Accent mis sur les gains: Chaque ...une troi- parti tire un bénéfice Cas extrê- me: situation gagnant gagnant, taux de satisfaction des intérêts sième peut de 100 % pour les deux partis. les aider! C’est là que leur mère arrive. Elles sé- Compromis classique: pare les belliqueux et met l’orange, satisfaction égale des qui a déjà bien souffert, en sécurité. intérêts de chacun Elle demande ensuite à Sven et Julia, l’un après l’autre, ce qu’ils voulaient faire avec cette orange. Sven dit qu’il Bilan nul: l’un gagne ce que voulait en faire un jus. Julia veut faire l’autre perd.Cas extrême: «Op- un gâteau et aurait besoin de la pelu- tion zéro» pour les deux partis. re. Une fois la situation clarifiée, Sven presse son jus et donne la pulpe ainsi que la pelure à sa sœur. Leurs besoins respectifs sont entièrement satisfaits. X = 100 % de satisfaction des intérêts Évaluation: On a pu aboutir à une si- tuation classique gagnant-gagnant. Grâce à l’intervention d’une instance neutre, on a pu évoluer d’une proba- ble défaite des deux côtés (Sven aurait sans doute préféré jeter l’orange par la fenêtre plutôt que de la laisser à sa sœur, Julia aurait fini par l’écraser et Accent mi sur les pertes: L’un par répandre tout le jus par terre) à anéanti l’autre par une forte une situation dans laquelle tous deux mobilisation sont satisfaits. Cas extrême: situation per- dant-perdant: ensemble dans le précipice Le tir à la corde est l‘exemple classique du bilan nul: ce qu‘un pays gagne, l‘autre le perd. 8
Modèle d’escalade des conflits selon Glasl L‘objectif de ce qu‘on appelle souvent la prévention de conflit n‘est pas d‘empêcher les conflit, mais d‘en éviter l‘escalade violente. Les conflits sont des éléments essentiel de la vie sociale. Menés de manière constructive, ils peuvent être porteurs d‘évolutions bénéfiques, à la seule condition qu‘il n‘y ait pas recours à la violence physique. Friedrich Glasl, expert en com- munication, a identifié neuf étapes d‘escalade dans un conflit. C‘est à partir de la troisième étape au plus tard, une fois que le dialogue est rompu, que les médias peuvent jouer un rôle décisif dans le ralentissement de l‘escalade. 1. Durcissement Les opinions se durcissent et deviennent des positions. Apparition de perceptions erronées de l’autre, les rôles se figent dans une situation de conflit. Néanmoins les deux partis pensent que les malentendus peuvent être clarifiés par voie argumentative. 2. Polémique, Débats: Il reste des objectifs communs mais les intérêts de chacun commence à entrer en collision. On redoute de possibles conséquences néfastes d’une déviation de la position initiale. Chacun essaie de s’affirmer face à l’autre. Des comportements font surface qui n’ont déjà plus rien à voir avec le problème initial. Il y a toujours un intérêt à maintenir la relation, mais les gestes tactiques se multiplient. 3. De la parole aux actes: Le propre point de vue n’est plus remis en question, c’est l’autre qui doit être convaincu, on lui ôte le droit de répliquer. Les pour-parlers sont abandonnés. Des actes doivent dissuader et provoquent par là même des réactions opposées. 4. Images et coalitions: Les actes de défiance se multiplient, il s’agit désormais de victoire ou de défaite, il faut assurer sa propre survie. On répand une image négative et généralisée de l’ennemi que même l’expé- rience passée ne peut rectifier. Les agissements respectifs ne font que confirmer cette image. 5. Perte de dignité: On essaie de décrédibiliser l’autre face à l’opinion publique afin d’affirmer sa propre exis- tence. Le contact direct est hors de question, dégoût et répugnance face à l’ennemi. 6. Stratégies de menace: Les partis du conflits empêchent à l’autre toute possibilité de retrait; logiques et ac- tes de violences se multiplient. Le comportement de l’adversaire est perçu comme agressif et le propre comportement est vu comme une réaction logique. Les actes irrationnels se multiplient, il s’agit d’avoir le parti opposé et l’ensemble de la situa- tion sous contrôle absolu. 7. Coups destructifs ponctuels: L’ennemi doit être affaibli par des coups destructifs, il faut garantir sa propre survie face à ses attaques. Chacun s’attend au pire, il faut empêcher l’autre de nuire. Il faut imposer ses propres objectifs, quel qu’en soit le prix. 8. Destruction: Les attaques destructrices visent désormais les structures vitales de l’adversaire qui doit être isolé de ses alliés. Montée subite du niveau d’agression, l’objectif est d’affaiblir au plus l’ennemi tout en évitant de mettre sa propre survie en danger. 9. Chute conjointe dans le précipice: Tous les moyens disponibles sont utilisés. Chacun accepte sa pro- pre destruction comme étant le prix à payer pour la destruction de l’autre. L’objectif impératif est l’anéantissement total de l’ad- versaire. Source: Friedrich Glasl, «Konfliktmanagement», tome 2, Berne / Stuttgart, 2002, septième édition, pp. 216 9
Travail médiatique impactant les conflits Sept thèses sur le journalisme de paix PECOJON – The Peace and Conflict Journa- tion le rôle du journaliste au sein d’un Le journalisme de paix doit être lism Network, PECOJON-Papers, 12 / 2006 conflit et de la société. transparent. [Nadine Bilke] Le journalisme de paix doit avoir Les journalistes ne sont pas des ro- Le journalisme de paix est un un impact sur les conflits. bots de nature neutre et impartiale. journalisme responsable. Leurs valeurs, leur point de vue sub- Le journalisme doit avoir une appro- jectif et les conditions dans lesquelles Les journalistes ont une responsabilité che de base emphatique afin de pou- ils produisent influencent leur travail. vis à vis des gens dont et pour lesquels voir comprendre et assimiler les dif- La mise au jour de ces influences est ils parlent. La recherche journalisti- férents points de vue des personnes un gage de transparence pour le pu- que et la couverture médiatique d’un concernées. Pour une analyse préci- blic alors en mesure de se faire un avis conflit sont une intervention qui peut se, le journalisme de paix requiert un sur les informations, les articles et les faire varier les positions et le cours des savoir théorique dans le domaine des points de vue diffusés. choses. Le journalisme de paix assume conflits, il doit disposer de connais- cette responsabilité. Il remet en ques- sances fondées à la fois du conflit en Le journalisme de paix est un question et des journalisme de qualité. bases théoriques de l’étude de Acuité, transparence et responsabili- conflit. Seul ceux té: le journalisme de paix respecte ain- qui sont familiers si les règles de la profession. Il a une des stratégies de attitude professionnelle de médiation gestion et des et prend au sérieux la tâche de créer possibles issues les conditions propices à la formation d’une crise sont d’une opinion dans les sociétés démo- en mesure d’en cratiques. juger, d’en com- prendre et d’en Le journalisme de paix requiert analyser correcte- certaines conditions préalables. ment les négocia- tions. Le concurrence et la commerciali- sation mettent les journalistes sous Le journalisme pression. Afin de pouvoir travailler de paix indépendamment des partis d’un doit être indé- conflits, afin d’avoir suffisamment de pendant. temps et d’espace pour une recher- che détaillée et une présentation di- Le journalisme versifiée, ils ont besoin d’être cou- ne peut être par- verts par leur entreprise, leur rédac- tial ni vénal, sans tion et leurs lecteurs. quoi les journa- listes perdraient Le journalisme de paix reste leur crédibili- un défi. té. Être attentif à toutes les voix, Mais même si les conditions de tra- à toutes les pri- vail ne sont pas toujours optimales, les ses de positions, journalistes ont une certaine marge de telle est la tâche manœuvre: ce sont les journalistes qui essentielle. Si le décident s’il faut donner la parole à débat public se un Hardliner ou une à une voix récon- concentre sur un ciliatrice, s’il faut publier un rapport Cette publicité pour la série «Hard Talk» de seul parti ou sur une simple solution proposant une solution non violente la BBC est parue dans le journal «Die Zeit» militaire, le journaliste se doit de for- ou présenter la guerre comme un scé- le 14/09/06. muler des alternatives non violentes. nario inévitable. 10
Tchad Le Tchad: un pays de conflits et de violences Un point de contrôle dans le Sud du le pays. Les petits producteurs de co- temps, les fermiers et les éleveurs Tchad profond, les gendarmes font si- ton, à l’image de l’ensemble de la po- échangeait du lait contre des légumes, gne et laissent rapidement passer le pulation rurale, sont largement pri- aujourd’hui il y a trop de bétail et plus véhicule tout-terrain qui s’était appro- vés de droits, alors que les éleveurs assez de champs» explique le doyen ché en hâte. Les soldats hagards à l’ar- et propriétaires de bétail sont sou- d’un village. Les altercations entre des rière ont des uniformes dépenaillés, vent issus des clans et des puissantes éleveurs nomades et des cultivateurs leur armes pendent sur les bords du familles du Nord. «C’était un ordre sédentaires font souvent des blessés, pick- up. Seuls les initiés peuvent di- du colonel» clament souvent les ber- voire même des morts. re s’il s’agit de forces de sécurité régu- gers quand un troupeau a traversé un lières ou de rebelles. Le reste des voya- champ de coton en dehors des pério- Ces relations ont toujours été conflic- geurs reprend son souffle une fois que des appropriées et détruit une récolte. tuelles et il y a toujours eu concurren- les combattants continuent leur route. Avec une telle protection les plaintes ce face aux ressources manquantes tel- C’étaient apparemment des „forces de et les poursuites auprès des autorités les que les pâtures et plus particulière- sécurité“ régulières. sont souvent perdues d’avances. Finis ment l’eau, mais la coexistence de ces les temps de la symbiose où les bœufs groupes a été profondément pertur- Amassés dans un minibus, nous atten- se nourrissaient dans les champs ré- bée au cours des dernières décennies. dons à notre tour patiemment l’auto- coltés et les fertilisaient pour les pro- La désertification du Sahel, la forte risation de passer. Nous sommes pres- chaines semences. «Dans le bon vieux production agricole destinée à l’export sés, à N’djaména, des rebelles armés attaquent déjà le palais présiden- tiel. Par chance, les combats ont lieu 600 kilomètres plus loin derrière nous. „Tout ça pour l’argent du pétrole“ se plaint une voyageuse. Sa famille l’a envoyée vers les sud avec son enfant. Ici c’est encore calme. Mais les voyageurs se font du soucis. Des combats sanglants tels que dans la capitale Ndjaména (les 2 et 3 février 2008) pourraient aussi éclater ici. La main mise absolue du pouvoir se res- sent particulièrement dans le Sud du pays. Et pour cause, cette région qui abrite les rares richesses de ce pays très pauvre est appelée le «Tchad uti- le». Jusqu’alors on avait du coton et du bétail. Depuis peu on y extrait aussi du pétrole. D’ici à 2015, les Etas- Unis veulent faire parvenir 25 % de leurs importations de pétrole de cette ré- gion. Les producteurs agricoles tradi- tionnels doivent désormais se partager ces espaces réduits avec des oléoducs et des derricks, ce qui s’avère compli- qué. D’autant plus que la culture du co- ton et l’élevage ne font pas très bon ménage, un autre aspect des problè- Le travail de bergère est difficile – mais au moins, au Tchad, ce n‘est pas un domaine mes de répartition des pouvoirs dans réservé aux hommes. 11
Tchad (coton), l’exploitation du pétrole et C’est là qu’intervient le programme significative de la situation là où des les tensions politiques ont aggravé les MEC (voir encadré). L’objectif du pro- comités ont été mis en place, même conflits liés à la répartition des ressour- jet est un règlement constructif de ces si les violences n’ont pas toujours pu ces. Les cultivateurs ne voient pas les conflits répétitifs. Pour se faire, des être évitées. représentants des collectivités comme comités d’ententes composés de re- des instances neutres qui pourraient présentants d’éleveurs et de cultiva- Le programme est accompagné d’un régler ces conflits. En effet, nombre teurs, de chefs traditionnels et d’em- volet de formation et d’un travail de de fonctionnaires et de militaires sont ployés des administrations locales ont lobby auprès des acteurs politiques. propriétaires de bétail et ont, de fait, été créés dans certaines régions du Des émissions régulières de radios ré- parti pris. Par ailleurs le pays a été lit- Tchad. La création d’un réseau de co- gionales en langues locales viennent téralement submergé d’armes à feu. mités d’entente qui puissent assu- soutenir la démarche de MEC. Des Des forces de sécurités, publiques com- rer la médiation en cas de conflits fi- projets de développement qui peu- me privées, font usage de ces armes gurait jusqu’alors au centre du pro- vent aider à réduire les tensions sont afin d’imposer leur intérêts face à la jet. Les membres de ces comités, ain- subventionnés parallèlement. Il s’agit population civile, créant ainsi un cli- si que d’autres acteurs, ont été initiés par exemple de mesures agricoles tel- mat de violence permanent. sur place aux méthodes de la gestion les que l’assainissement des points de conflits. Ils sont ainsi incités à cher- d’eau, le clôturage des surfaces culti- cher des solutions et des mécanismes vées, la construction de puits etc...Des appropriés à l’application de ces mé- mesures de court terme visant la qua- Le projet MEC thodes. Une première évaluation a ré- lification de journalistes de radio loca- vélé que le concept des comités d’en- les sont également prévus par le pro- MEC – Médiation entre Éleveurs tente a porté ses fruits. On a effecti- gramme, ainsi que le soutien financier et Cultivateurs vement pu observer une amélioration de radios partenaires choisies. L’objectif du projet est le règle- ment constructif des conflits en- tre cultivateurs sédentaires et éleveurs nomades. Ils rivalisent Le Service Civil pour la Paix – souvent face aux faibles ressour- Qu’est-ce que c’est? ces en eau et en surface de pâ- tures. Cela mène souvent à des Le Service Civil pour la Paix est un service volontaire pour toute personne altercations violentes. Le projet disposition d’une forte expérience humaine et professionnelle. Selon la vo- soutient la création de comités lonté de partenaires locaux, ces personnes peuvent aider par leur soutien et d’entente, composés à part éga- leur médiation à réduire les tensions et à établir des structures qui favorise- les de représentants des éleveurs ront une paix durable. Pour se faire, ces employés qualifiés travaillent pour et des cultivateurs, et qui se réu- une période limitée auprès d’une organisation locale ou mènent des forma- nissent quand des problèmes se tions et des séminaires de multiplicateurs dans les régions concernées. Le manifestent. Service Civil Pour la Paix est un effort conjoint d’organisations gouverne- mentales et non gouvernementales afin d’éviter les violences et de faciliter Le problème va être alors discu- la compréhension mutuelle. L’objectif principal du SCPP est le soutien d’or- té et, si possible, résolu. La so- ganisations locales qui tentent d’éviter l’escalade de conflits armés dans des lution est mise sur papier et si- régions de crise (prévention de conflit), qui contribuent à renforcer le rè- gnée par les partis du conflit. Si glement pacifique de conflits (réduction de la violence), qui contribuent à l’on ne parvient pas à résoudre maintenir une paix durable par la création de structures appropriées en pha- le problème, le cas est transmis se post-conflictuelle (suivi post-conflictuel). aux autorités locales puis, en cas d’échec, à la justice. L’expérience Rétablir les formes traditionnelles de médiation a montré que la plupart des cas ● Formation en gestion non violente de conflits peuvent être réglé à l’échelle des ● Création d’institutions de règlement de conflits comités. ● soutien logistique, conseil et «bons services» ● réintégration de réfugiés Le programme MEC est mené par ● Préparation à la réconciliation en favorisant l’acquisition d’expériences EIRENE en coopération avec l’As- communes. sociation des Chefs Traditionnels ● Soutien de projets de reconversion et d’organismes de la société civile. du Tchad (ACTT), l’Association de Médiation Entre les Cultivateurs Les projets du Service Civil pour la Paix sont ménés par les organismes mem- et les Éleveurs (AMECET). C’est bres du KonsortiumZFD dans plus de 40 pays. Pour plus d‘informations sur un projet du Service Civil pour la le Service Civil de Paix, voir: www.eirene.org, www.forumZFD.de, Paix (voir encadré). www.ziviler-friedensdienst.org 12
Le dialogue permet de résoudre les problèmes Interview avec Madjioudou Laoun- que la collecte des éléments d’infor- de se rendre en reportage et même dam Laoumaï, coordinateur du pro- mation leur permette de sensibiliser les moyens de production leur man- gramme MEC au Tchad. encore mieux les populations. Mais il que énormément. Le petit appui fi- y a une chose qui nous préconisons nancier que nous leur apportons vrai- Quel rôle joue la radio dans le pro- aussi: puisque que ces radios sont des ment ne règle pas le problème. Néan- gramme MEC? radios locales, nous faisons en sor- moins, leur enthousiasme comble cer- te qu’il y ait un échange des émis- taines de ces lacunes. Parfois aussi ils Nous sommes un pays de tradition sions entre elle, de ces émissions rela- ont des problèmes avec les responsa- orale dans lequel le pourcentage d’al- tives au conflit éleveurs cultivateurs. bles administratifs et militaires locaux. phabétisation est assez bas, à plus de Parce que il y a des spécificités selon Dans ce genre de conflits, il y a des 70 % dans les milieux ruraux. La ra- les régions d’accord, mais c’est pour gens qui dénoncent certains agisse- dio est un moyen de communication que les gens voient comment les gens ments de certains responsables admi- de masse qui est très écouté par les font pour régler ces questions ailleurs, nistratifs, sécurité et autres. Cela crée populations. Les populations rurales comment ils les perçoivent et ainsi de aussi des problèmes aux producteurs trouvent même dans la radio une cer- suite. Donc nous permettons et en- des radios partenaires. Il y en a qui on taine magie et sont captées par cela, courageons vivement un échange des été amenés devant la juridiction pour ils aiment bien écouter. Et nous avons émissions entre ces radios là. ce qu’ils ont dit dans le cadre des ces choisi ce moyen-là pour permettre émissions. Heureusement que leur est une sensibilisation de masse des po- Est-ce que les producteurs saisissent très limité car ce sont des procès qui pulations rurales qui sont impliquées ces possibilités ou est-ce qu’ils sont traînent longtemps. dans le conflit éleveurs / cultivateurs. hésitants? Est-ce que des réactions d’auditeurs Comment utilisez-vous la radio Les producteurs sont très enthou- arrivent à votre niveau? concrètement? siastes. Ils trouvent que c’est un tra- vail passionnant. Le seul regret que A notre niveau non. Mais dans les Nous avons un accord de coopéra- je peux formuler est que les moyens évaluations que nous faisons avec tion avec des radios qui leur permet de réaliser des magazines en français ainsi que dans les langues qu’on par- le chez les cultivateurs et les éleveurs. Il s’agit de magazines, de micro- pro- grammes de sensibilisation, de piè- ces de théâtre pour que les gens soit mieux pénétrés par notre philoso- phie d’action et qu’ils adhèrent à cet- te philosophie d’action. Ce n’est pas nous qui réalisons tout, Mais nous donnons les possibilités aux produc- teurs de ces radios d’aller vers les ac- teurs impliqués dans les conflits entre éleveurs et cultivateurs et de collecter les éléments qui leur permettent de faire connaître les différents aspects du problème, les causes et les consé- quences du conflit en nous basant sur les acteurs eux même. Donc voila un peu comment nous travaillons avec ces radios là. Il arrive aussi que nous sortions avec ces radios sur le terrain Les collaborateurs d‘EIRENE Madjioudou Laoundam Laoumaï, Brigitte Topionadji et lors de nos activités de manière à ce Martin Zint lors de l‘ouverture d‘un séminaire pour journalistes à N‘Djamena en 2005. 13
Tchad dio a fait mention. Ils sont allés sur place les écouter et ils ont créé des clubs d’écoute qui permettent à ces communautés de s’échanger après avoir écouter les émissions. C’est ce- la qui correspond à ça que nous vou- lons qu’il y ait de fait un dialogue qui leur permette de résoudre le problè- me. Autre exemple: la radio terre nou- velle à Bongor, qui ré-émet dans une autre zone sur Pala, s’est rendue sur place pour la réalisation des émissions du programme MEC. À la fin de la col- lecte d’informations, ils ont organi- sé un match de football opposant éle- veurs et cultivateurs avec des sommes peut-être pas très importantes pour vous ici en Europe mais de l’ordre de 200.000 Francs de mise, partagé entre le vainqueur et le vaincu. Et ce match Les tables rondes sont des éléments essentiels des séminaires sur la gestion des conflits. a été parait-il très apprécié et par les éleveurs, et par les cultivateurs qui ont participé de bon cœur. Et tout le les radios partenaires, nous encoura- sons que beaucoup de gens écoutent monde a fini par partager non seule- geons le feedback, qui permet de sa- ces émissions. Malheureusement c’est ment l’argent des deux équipes mais voir comment les populations réa- la peur de réagir ou le manque de également le Coca-Cola. Ces sont des gissent. En fait, les populations n’ont moyens de réagir qui leur fait défaut relations décontractées et ça contri- que très peu de moyens de réagir. et nous ne pouvons donc pas mesu- bue énormément au rapprochement Mais il y a des radios qui reçoivent rer l’ampleur de l’écoute de ces émis- de ces deux communautés qui avaient des écrits et des demandes de rediffu- sions là. une perception hostile l’une de l’autre sion de telle et telle émission qui nous et qui s’évitaient même avant. sont relaté par les radios partenaires. Vous pouvez peut-être citer un exem- Cela dit, leurs nombre n’est pas suf- ple concret dans la radio a joué un rô- Comment mettre plus en valeurs en- fisant et nous avons suggéré aux ra- le constructif dans un conflit? core les atouts de la radio dans votre dios partenaires de susciter plus de projet? réaction de la part de la population. Oui, c’est surtout dans la région de Malheureusement là aussi les popula- Moïssala. Radio Brakoss a assez sou- Il y a nécessité de recyclage des pro- tions ont un peu peur de parler ouver- vent des émissions ou on va in- ducteurs de ces radios. Beaucoup sont tement de leurs problèmes devant les terviewer les populations. Il sem- formés dans le cadre du program- autorités. Ils hésitent, c’est une ques- ble que dans un village cohabité par me MEC, mais beaucoup sont aus- tion de culture. des éleveurs et des cultivateurs il y si partis à cause des conditions socia- ait eu des problèmes dont cette ra- les qu’offrent ces radios là. Et il y a Vous avez quand même l’impression des jeunes producteurs qui arrivent, d’être écouté, soit des éleveurs, soit qui ont de l’enthousiasme, c’est vrai, des cultivateurs? mais qui manquent de formation. Et je crois qu’il leur faut de la formation. Oui, surtout dans les émissions fai- Un autre volet, un volet très lourd, est tes dans les langues comprises par les celui de l’équipement. L’équipement auditeurs. Malheureusement l’audi- est très important pour ces radios-là. mètre ne nous permet de pas savoir C’est pour la production pas pour la quels sont ceux combien écoutent et diffusion, ce n’est pas notre occupa- combien n’écoutent pas ni quelle est tion. Des appareils qu’on peut ache- la population qui écoute réellement. ter bon marché ici en Europe, font dé- Comme c’est un problème qui concer- faut à ces radio là ou sont en trop pe- ne ces populations – là et dont la ré- tit nombre pour le besoin d’exploita- solution leur tien à cœur, nous suppo- tion de ces radios. 14
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