Rapport 2012 sur les progrès en Afrique - Emploi, Justice, Equité Les opportunités à saisir en période de bouleversements - allAfrica.com
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Emploi, Justice, Equité Les opportunités à saisir en période de bouleversements économiques, politiques et sociaux Rapport 2012 sur les progrès en Afrique
Rapport 2012 sur les progrès en Afrique Emploi, Justice, Equité: Les opportunités à saisir en période de bouleversements économiques, politiques et sociaux A propos de l’Africa Progress Panel Remerciements L’Africa Progress Panel (APP) est un groupe de dix personnalités éminentes issues du secteur privé et public, qui se mobilisent Caroline Kende-Robb (Africa Progress Panel), Kevin Watkins (Brookings Institution), Peter da Costa (Africa Progress Panel) et en faveur de problèmes mondiaux importants pour l’Afrique et le monde. Monsieur Kofi Annan, ancien Secrétaire général des Richard Manning (Université d’Oxford) ont été en charge de la préparation du rapport et des recherches s’y rapportant. Nations unies et Prix Nobel de la paix, préside l’APP et est étroitement impliqué dans son travail quotidien. L’Africa Progress Panel voudrait remercier les auteurs-contributeurs suivants : Nicholas Cheeseman (Université d’Oxford), L’unique pouvoir de mobilisation du Panel lui permet de se concentrer sur les questions complexes qui ont un impact réel, telles Hubert Danso (Africa Investor), Shanta Devarajan (Banque mondiale), Roberto Foa (Université d’Harvard), Charles Lwanga- que la gouvernance mondiale, la paix et la sécurité, le changement climatique, la sécurité alimentaire, le développement Ntale (Development Initiatives), Alexandre Marc (Banque mondiale), Stephen N’Degwa (Banque mondiale), Emmanuel économique durable et les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Tandis que ces problèmes ont des Nnadozie (CENUA), Jurgen Reitmaier (Consultant), Changyong Rhee (Banque asiatique de développement), Guido Schmidt- conséquences immédiates pour l’Afrique, leurs solutions nécessitent le rassemblement d’un large éventail d’acteurs en Traub (CDC Climat Asset Management). Afrique et en dehors du continent. L’Africa Progress Panel voudrait aussi remercier les personnes suivantes pour leurs précieuses contributions : N’Dri Assié- L’ expérience des membres du Panel leur donne une formidable capacité d’accès à toutes les sections de la société. Ils sont Lumumba (Université de Cornell), Nina Behrman (éditrice), Richard Carey (Coprésident fondateur, Groupe d’étude Chine- bien placés pour influencer les changements qui nécessitent l’engagement de multiples acteurs. L’objectif principal du Panel CAD), Paul Collier (Université d’Oxford), Jim Cust (Université d’Oxford), Nathalie Delapalme (Fondation Mo Ibrahim), Alan est de plaider en faveur d’une responsabilité partagée entre les dirigeants africains et leurs partenaires internationaux pour Doss (Fondation Kofi Annan), Jamie Drummond (ONE), Magnus Ericsson (Raw Material Group), Louise Fox (Banque Mondiale), garantir un développement durable et équitable en Afrique. Benedikt Franke (Université de Cambridge), Patricia Geli (Banque Mondiale), Barbara Goedde (Fondation Kofi Annan), Alan Hinman (Task Force for Global Health), Andrew Johnston (éditeur), Elsie Kanza (Forum économique mondial), Karuti Kanyinga (South Consulting), Michael Keating (Nations unies), Christoph Lakner (Université d’Oxford), Franklyn Lisk (Université de Warwick), Carlos Lopes (UNITAR), Strive Masiyiwa (Econet), Festus Mogae (Ancien Président de Botswana et Coalition for Dialogue on Africa), Michael Möller (Consultant), Esther Mwaura (Grassroots Organizations Operating Together in Sisterhood), l’Archevèque Ndungane (African Monitor), Aloysius Ordu (Banque Mondiale), Patrick Osakwe (CNUCED), Sarah Papineau (PNUD), Judith Randel (Development Initiatives), Alastair Robb (Département du développement international du Royaume- Uni - DFID), Valentine Rugwabiza (Organisation mondiale du commerce), Elisabeth Sandor (OCDE), Tesfai Tecle (Alliance pour une révolution verte en Afrique – AGRA), Carolyn Turk (Banque mondiale), Alyson Warhurst (Maplecroft) et Jiajun Xu (Université d’Oxford). L’APP souhaite également remercier la Fondation Bill & Melinda Gates, la Coopération Allemande pour le développement (GIZ) et le Département du développement international du Royaume-Uni (DFID) pour leur généreux soutien. Kofi Annan Michel Camdessus Peter Eigen Bob Geldof Graça Machel Secrétariat Caroline Kende-Robb, Directrice exécutive Violaine Beix Kibrom Mehari Olusegun Obasanjo Linah Mohohlo Robert Rubin Tidjane Thiam Muhammad Yunus Jared Bloch Temitayo Omotola Alinka Brutsch Carolina Rodriguez Peter da Costa Zelalem Teferra A propos du Rapport sur les progrès en Afrique Conception et mise en forme L’Africa Progress Report est la publication phare de l’Africa Progress Panel. Elle a pour objet de fournir une vue d’ensemble des progrès que l’Afrique a réalisés au cours de l’année qui précède. Le rapport s’appuie sur les meilleures recherches et analyses disponibles sur l’Afrique et les utilise d’une manière originale et provocatrice. A travers le rapport, le Panel recommande Le design de la couverture est inspiré du motif trouvé sur le parchemin magique éthiopien de une série de choix politiques et d’actions à l’attention des décideurs africains - car ce sont eux qui portent la responsabilité Wälättä-Gabriel, datant du 19ième siècle. Les parchemins magiques sont une forme traditionnelle de l’art talismanique et première du progrès en Afrique – et des partenaires internationaux et organisations de la société civile impliqués. figuratif de la Corne de l’Afrique. Les infographies ont été réalisées par Carolina Rodriguez en collaboration avec Blossom Communications (Milan). Imprimé par Paper Forms à Lausanne, en Suisse, sur du papier recyclé. Ce rapport peut être reproduit librement, en tout ou partie, à condition que la source d’origine soit indiquée. 2 3
Rapport 2012 sur les progrès en Afrique Emploi, Justice, Equité: Les opportunités à saisir en période de bouleversements économiques, politiques et sociaux table des matières Avant-Propos par Kofi Annan 6 PARTIE IV : La double crise de l’accès à l’éducation et de la qualité de l’enseignement 73 1. Bilan des progrès en matière d’éducation 75 Introduction 8 Les inégalités bloquent les progrès 75 Un bilan mitigé 8 Acquis d’apprentissage: un bilan médiocre 77 Une demande croissante d’équité et de justice 9 Lacunes dans les compétences de la jeunesse africaine 77 Les inégalités d’éducation dans une perspective internationale 78 PARTIE I: L’essor de l’Afrique - certains Africains bénéficie de cet essor, d’autres non 13 2. Un programme pour remédier à la crise de l’éducation en Afrique 79 1. Croissance économique : la promotion en première ligue 14 Les premières années 79 2. Embellie sur le front de la pauvreté assombrie par les inégalités 16 Accès et apprentissage: tenir la promesse des OMD 79 3. Recherche d’emploi: le défi 20 Convergence entre éducation, développement de compétences et emploi 80 En dépit de la croissance, le marché de l’emploi reste informel 20 3. Le rôle déterminant des donateurs 81 4. Disparités iniques: un frein à l’atteinte des OMD 22 Pauvreté et inégalité 22 PARTIE V : Comment mobiliser et gérer les financements pour le développement 83 Faible progression sur le plan de la faim 23 1. Les ressources domestiques, clé de la pérennité de la croissance 84 Education et santé – les progrès et les disparités comptent 24 2. Susciter un climat propice aux investissements directs étrangers 88 5. Le point de vue du verre “à moitié vide” 25 Améliorer l’environnement des affaires 88 6. Tirer parti du partenariat mondial 29 Encourager les investissements hors du secteur des ressources naturelles 89 3. Perspectives du financement concessionnel 90 PARTIE II : Cinq tendances globales qui façonnent l’Afrique 31 Évolution de l’aide accordée par les donateurs traditionnels 90 1. Démographie et géographie humaine: se préparer à la hausse du nombre des jeunes 32 L’aide des économies émergentes 91 Le pouvoir de la démographie 32 4. Économies africaines en croissance et accès aux prêts à conditions moins favorables 92 L’urbanisation refaçonne la géographie humaine 33 5. Les gouvernements et les donateurs publics doivent mieux gérer l’aide officielle 94 2. La sécurité alimentaire globale: plus de gens sur une planète qui se réchauffe 37 L’agriculture mondiale – une nouvelle ère de pénurie 37 PARTIE VI : Recommandations and conclusions 95 Sur la ligne de front – La sécurité alimentaire africaine 39 1. Recommandations 96 Le grand accaparement des terres africaines 40 2. Conclusion 102 3. Des mouvements tectoniques dans les domaines économique et politique l’ascension des puissances émergentes 44 ANNEXES 105 Gérer l’intégration avec les marchés émergents 46 1. Acronymes 106 Intégrer les financements chinois dans des objectifs de développement 48 2. Liste des encadrés 107 Créer les conditions générales pour la croissance 49 3. Liste des figures 107 4. Science, technologie et innovation: stimuler la croissance et le développement 51 4. Notes 108 Vers un programme africain pour la science, la technologie et l’innovation 51 Les TIC continuent à dépasser les attentes 52 5. La marée montante de l’action citoyenne 54 Des protestations sociales mondiales 54 La participation des citoyens au renforcement de la gouvernance démocratique 54 PARTIE III: Une gouvernance pour un avenir meilleur 59 1. L’acceptation des règles de la démocratie multipartite 60 Enseignements tirés des élections truquées 60 2. Le nouveau visage de l’instabilité et des conflits en Afrique 64 Échapper au conflit 66 3. Améliorer la gouvernance de l’activité économique 67 4. La gestion des ressources naturelles pour le bien public 69 4 5
Rapport 2012 sur les progrès en Afrique Emploi, Justice, Equité: Les opportunités à saisir en période de bouleversements économiques, politiques et sociaux AVANT-PROPOS PAR KOFI ANNAN On ne le dira jamais assez, mais dans l’ensemble, les progrès d’un “coup de collier” en direction des objectifs. Ces plans d’administration, les dirigeants africains ne réussiront pas tout sont trop lents et trop inégaux ; trop d’Africains sont pris d’action devraient inclure des dispositions visant à réduire seuls. Ils doivent pouvoir compter sur l’engagement soutenu au piège de la spirale descendante de la pauvreté, de les inégalités en matière de survie des enfants, de santé de la communauté internationale et la réalisation de ses l’insécurité et de la marginalisation ; trop peu d’individus maternelle et d’éducation. Étant donné le rôle essentiel de nombreuses promesses restées en suspens. À une époque où bénéficient de la tendance à la croissance sur le continent l’éduction dans la réduction de la pauvreté et la création de nombreux bailleurs de fonds considèrent leur assistance et de son importance géostratégique grandissante ; une d’emplois, nous exhortons les gouvernements à respecter au développement comme un poste budgétaire dont ils trop grande part des ressources africaines considérables leur promesse de garantir l’éducation pour tous d’ici 2015 – peuvent se passer, les leaders africains doivent rappeler à reste entre les mains de quelques élites et, de plus en plus et à se recentrer sur la réussite scolaire. Nous prions aussi les leurs partenaires qu’il y a une valeur intrinsèque à considérer souvent, entre les mains d’investisseurs étrangers, sans gouvernements de s’efforcer d’inclure les femmes et les jeunes cette assistance comme un investissement en faveur d’un engendrer d’avantages tangibles pour la population. filles dans l’éducation, une mesure essentielle si l’on veut créer avenir commun. Les donateurs doivent également honorer Lorsque l’on passe les nations en revue, on a trop tendance des sociétés plus justes, plus prospères et plus équitables. les promesses de soutien qu’ils ont souscrites en 2005 et y à se préoccuper de stabilité politique et de croissance donner suite. économique aux dépens du développement social, de La sécurité alimentaire et la nutrition constituent également l’État de droit et du respect des droits humains. des problèmes criants. Nous ne devons plus jamais être les Bien évidemment, l’autonomisation des Africains dans leurs témoins d’une tragédie humaine comme celle qui s’est sociétés et leurs économies n’est qu’un côté de la médaille. A l’Africa Progress Panel, nous sommes convaincus qu’il est déroulée dans la Corne de l’Afrique. Il est grand temps que les L’autonomisation de l’Afrique dans la société et l’économie temps de reconsidérer le chemin du développement en gouvernements africains et la communauté internationale mondiales en est le revers, un revers apparemment pas Afrique. Toutes les inégalités ne sont pas injustes, mais les se mettent d’accord pour ériger des remparts plus robustes moins exigeant. En dépit des assurances réitérées affirmant Les rapports annuels commencent souvent par le même degrés d’inégalité dans une bonne partie de l’Afrique sont contre le fléau de l’Afrique. Il est capital d’augmenter la le contraire, le continent demeure aussi marginalisé dans constat : l’année écoulée a été particulièrement riche en injustifiés et profondément injustes. Les disparités de revenus productivité des petits agriculteurs. C’est pourquoi nous le monde que bon nombre de ses citoyens dans leur événements ; la formule a rarement été plus appropriée extrêmes ralentissent le rythme de la réduction de la pauvreté appelons les gouvernements à ramener ces agriculteurs propre pays. Le continent reste fortement sous-représenté que cette année. Nous avons été les témoins de et entravent le développement généralisé de la croissance de la périphérie vers le centre des stratégies nationales en au sein des institutions internationales et pris au piège bouleversements dans toute l’Afrique et dans le monde économique. À la base, la disparité des chances de réussite faveur de la croissance et de la réduction de la pauvreté. de règles iniques qu’il n’a pas la capacité de modifier. entier. Nous avons assisté à la progression des révolutions, dans la vie – du point de vue de la santé, de l’éducation Le changement climatique représente une grave menace Malheureusement, le G20 n’a pas réussi à établir une vision à la chute des régimes autocratiques, et à la naissance et de la participation à la société – empêchent des millions pour l’agriculture africaine. Pour faire front à cette menace, qui contribue au développement de l’Afrique, ni à offrir aux de nouvelles démocraties. Nous avons retenu notre d’Africains de réaliser leur potentiel, ralentissant au passage nous avons besoin de la coopération internationale. Il est nations les plus pauvres de la région une place à la table de souffle tandis que les pays et les monnaies échappaient le progrès socio-économique. Les inégalités croissantes et le impératif que les gouvernements des pays du Nord agissent négociation. Ce ne sont pourtant pas les leaders qualifiés de justesse à l’effondrement et que la dette colossale double problème de la marginalisation et de la privation des rapidement pour financer l’adaptation au changement qui manquent en Afrique. menaçait d’étrangler l’économie mondiale. Une fois de droits remettent en question les perspectives du continent et climatique, notamment parce que plus on investit tôt dans plus, le monde tel que nous le connaissions a changé du sapent les fondements mêmes de son récent succès. l’infrastructure, la gestion de l’eau et la conservation des Aussi bien en Afrique que sur le plan international, nous tout au tout au fil des mois. sols, plus on obtiendra un rendement élevé. Toute stratégie devons nous centrer davantage sur l’équité, la démocratie, La justice et l’équité ne sont certes pas des concepts efficace concernant la sécurité alimentaire et la nutrition l’État de droit et le respect des droits humains, car il ne peut En 2011, le “Printemps arabe”, allié à la montée de nouveaux. On les entend ici dans leur acception la plus doit comporter des dispositions assorties de filets de sécurité y avoir de sécurité à long terme sans développement, ni de nouveaux mouvements sociaux dans le monde entier, a pris large. Au triangle des emplois, de la justice et de l’équité, aussi bien sur le plan national, grâce aux programmes de développement à long terme sans sécurité, or la sécurité et tout le monde par surprise. Le dénominateur commun entre il faut ajouter le rôle de l’autonomisation et de l’égalité protection sociale, qu’international, grâce à un système de le développement doivent tous deux s’ancrer dans le droit ces mouvements, c’est le sentiment partagé de frustration des chances, indispensables au progrès et donc points réponse humanitaire plus efficace. et le respect des droits humains. Les événements de l’année et de colère devant l’impassibilité des gouvernements et de ralliement particulièrement puissants pour les initiatives dernière ont mis ce message en évidence, message que les le manque d’emplois, de justice et d’équité. J’ai toujours politiques nationales et l’assistance internationale au Dans le présent rapport, nous mettons en exergue quelques- citoyens d’Afrique et du monde ont bien compris. affirmé qu’il fallait trois conditions indissociables pour développement. Si l’on met l’accent sur les emplois, c’est unes des tendances mondiales qui façonneront l’Afrique de qu’une société fonctionne et prospère : le développement parce que c’est grâce à leur moyen de subsistance que demain. Il est fort probable que le monde évolue en direction L’avenir est incertain, mais ce qui apparaît de plus en plus socio-économique, la paix et la sécurité, et l’État de droit et les gens parviennent au progrès social, pour eux-mêmes d’une augmentation du prix des denrées alimentaires. Cette comme une évidence, c’est que l’Afrique est en passe de le respect des droits de l’homme. Dans les pays balayés par et pour les autres, et parce que la nécessité de créer des perspective a notamment entraîné un “accaparement devenir une destination de choix pour les investissements, le “Printemps arabe”, cela fait longtemps que la troisième emplois pour les jeunes du continent, dont la population se des terres” en Afrique. Les investissements étrangers dans un pôle potentiel de la croissance mondiale, et un lieu condition a pratiquement disparu. développe rapidement, apparaît comme l’un des défis les l’agriculture productive peuvent s’avérer extrêmement d’innovation et de créativité intenses. Si nous donnons plus pertinents que devront relever les décideurs en Afrique. bénéfiques, mais les gouvernements doivent rester vigilants une réponse courageuse et juste, les sociétés africaines, À la grande surprise de certains, l’Afrique, bon an mal an, Ne pas réussir à créer des emplois et des opportunités pour et se prémunir contre toute activité spéculative et tout risque surfant sur la vague des nombreuses réussites du continent, a tenu bon pendant toute la crise. La plupart de ses 54 des jeunes de plus en plus nombreux, urbanisés et éduqués, de déplacement des petits cultivateurs africains. Étant deviendront plus prospères, plus justes et plus équitables. pays a résisté aux tempêtes financières et économiques aura de graves conséquences. Et si l’on met l’accent sur donné que le pôle de la croissance économique mondiale Telle est la récompense que nous partagerons tous, où que récurrentes et a emprunté le chemin de la reprise de la justice et l’équité, c’est parce qu’aux yeux de centaines se déplace vers l’Est, l’Afrique a beaucoup à gagner du nous soyons. façon impressionnante. Certains ont réussi à se faire une de millions d’Africains, ce sont deux éléments qui font resserrement des liens commerciaux avec la Chine et place parmi les éléments les plus performants de la ligue cruellement défaut dans leur vie. d’autres marchés émergents. Les gouvernements doivent de la croissance économique. Des progrès encourageants absolument mettre en place des politiques commerciales et ont également été enregistrés sur le front de certains des d’investissements qui servent d’incitations à participer à des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). De C’est sur cette toile de fond que nous présentons quelques domaines de production à plus haute valeur ajoutée. nombreux pays ont engrangé des bénéfices sur le plan de propositions de changement dans notre rapport. Avec l’éducation, de la survie des enfants et de la lutte contre 2015 comme date butoir pour les OMD, date dont nous les maladies mortelles comme le VIH/SIDA et le paludisme. nous rapprochons à grands pas, nous exhortons tous les En dépit de la multiplication des ressources nationales Pour autant, il n’y a pas de quoi se reposer sur ses lauriers. gouvernements d’Afrique à établir un plan d’action en vue et de l’amélioration des systèmes de gouvernance et Kofi A. Annan 6 7
Rapport 2012 sur les progrès en Afrique Emploi, Justice, Equité: Les opportunités à saisir en période de bouleversements économiques, politiques et sociaux INTRODUCTION L es commentaires à propos de l’Afrique sont souvent l’objet de sautes d’humeur extrêmes, oscillant entre épisodes de pessimismes et élans d’euphorie. Il y a douze les nouvelles technologies qui leur permettent d’accéder à l’information, d’élargir leurs horizons et de se mettre en contact entre eux et avec le monde extérieur. Il y a bien eu Une demande croissante d’équité et de justice les accaparements de terres. Le dénominateur commun entre tous ces mouvements, c’est un sentiment partagé de frustration à propos de gouvernements passifs, de ans, The Economist a tiré un trait sur l’Afrique, la taxant quelques revers et épisodes de violence politique, mais la l’inégalité et de l’injustice. de “continent sans espoir”.1 Cette évaluation n’avait rien d’atypique. Après une décennie de croissance démocratie est bel et bien en train de prendre racines. Et les normes relatives à la gouvernance s’améliorent. N ous vivons dans un monde de transformations rapides et imprévisibles. Les changements dans la démographie et dans la géographie humaine façonnent des sociétés L’Afrique n’est pas à l’abri des courants économiques économique au ralenti et de développement humain et politiques qui sont en train de changer le visage de encore plus lent que dans les années 1990, rares étaient les Le bilan n’est cependant pas sans nuages. Certains pays nouvelles, en Afrique aussi bien qu’ailleurs. Le changement la mondialisation. Ses dirigeants doivent trouver leur observateurs qui entrevoyaient un avenir brillant. Comme africains s’enrichissent, mais des pans entiers de la société climatique, allié à d’autres pressions, reconfigure les place dans l’architecture mondiale de la gouvernance les choses changent... L’année dernière, The Economist sont laissés pour compte. À l’issue d’une décennie de marchés agricoles. La puissance économique gravite économique d’un monde multipolaire. La démographie publiait un tout autre titre à la une: “L’Afrique se lève, croissance soutenue, près de la moitié des Africains vivent d’Ouest en Est, et du Nord au Sud. Le rythme de l’innovation et la géographie humaine de l’Afrique sont elles-mêmes un continent plein d’espoir” (“Africa rising: the hopeful toujours avec moins de 1,25 dollar par jour8. Ces clivages technologique s’accélère, et le visage de la protestation en train de changer. Si l’on ne parvient pas à créer des continent”).2 D’après le titre d’un rapport abondamment dans la richesse sont de plus en plus visibles. Le modèle sociale se transforme. emplois et des opportunités pour une population croissante cité, l’Afrique est aujourd’hui devenue le continent des actuel de percolation de la croissance confine trop de et de plus en plus urbanisée de jeunes éduqués, on “lions de l’économie en mouvement,”3 voie royale vers gens dans la pauvreté, trop d’enfants dans la faim et Les révolutions arabes de 2011 ont pris le monde par court à la catastrophe, sur le plan social, économique et la prospérité. L’attention des commentateurs, pour citer trop de jeunes dans le chômage. Les gouvernements surprise, et les mouvements sociaux ont défié et fait politique. Alors qu’ils ont très peu contribué au dangereux quelques autres rapports, est désormais braquée sur “la ne parviennent pas à transformer la vague croissante basculer les chefs d’État autocratiques de toute l’Afrique changement climatique, les cultivateurs africains doivent classe moyenne croissante,”4 de l’Afrique, son “marché de richesse en opportunités pour leurs citoyens les plus du Nord, du Moyen-Orient et de la péninsule arabique. faire face à quelques-uns des risques les plus graves qui de consommation dynamique”5 et “les opportunités de marginalisés. L’accès inégal à la santé, à l’éducation, En Europe et aux États-Unis, la crise financière a engendré y sont associés. Et le Printemps arabe n’est pas passé croissance pour les investisseurs”.6 à l’eau et aux installations sanitaires creuse encore les de nouvelles formes de contestation sociale. En Inde, inaperçu auprès de la jeunesse africaine. Les circonstances inégalités. Les petites exploitations agricoles n’ont pas un mouvement social de masse réclame des mesures ne sont peut-être pas les mêmes, mais les jeunes Africains se Le pessimisme extrême qui entourait l’Afrique il y a dix eu leur place dans la croissance ; des populations rurales de lutte contre la corruption. Les villageois d’une région préoccupent aussi des emplois, de la justice et de l’égalité– ans n’était pas justifié. Pas plus que la vague actuelle restent enlisées dans la pauvreté et la vulnérabilité. reculée du Sud de la Chine sont parvenus à se mobiliser et si les gouvernements font la sourde oreille, c’est à leurs d’optimisme borné. On a certes enregistré de réels contre les responsables autocrates chargés de superviser risques et périls. bénéfices, mais les gouvernements et leurs partenaires Les inégalités profondes, persistantes et durables qui de développement feraient mieux de s’atteler aux points transparaissent dans toute l’Afrique ne sont pas sans faibles, ainsi qu’aux atouts, et aux données les plus conséquences. Elles affaiblissent les liens de confiance et récentes – et d’évaluer les risques et les opportunités qui de solidarité qui constituent le tissu social. À long terme, nous attendent. elles sapent la croissance économique, la productivité et le développement des marchés, elles affaiblissent la confiance dans les gouvernements et les institutions, et Un bilan mitigé elles donnent à de nombreux Africains le sentiment que leurs sociétés sont fondamentalement injustes et leurs L es économies africaines continuent de croître plus gouvernements irresponsables. La croissance économique rapidement que n’importe quelles autres – et deux fois ne suffit pas à elle toute seule. plus vite que dans les années 1990.7 L’amélioration de la gestion économique a contribué à l’explosion de la Dans le rapport de cette année, nous nous penchons sur croissance. Les exportations sont florissantes, et les marchés trois des ingrédients les plus indispensables pour transformer d’exportation se sont diversifiés. L’investissement étranger une reprise économique prometteuse en relance soutenue direct a été multiplié par six au cours de la dernière et en un développement humain durable : emplois, décennie. Les entrepreneurs sont apparus comme un justice et équité. Nous mettons en exergue les emplois vecteur dynamique de changement, suscitant l’innovation car les moyens de subsistance des individus jouent un rôle et la transformation des modèles commerciaux obsolètes. fondamental dans leurs chances de réussite – et parce Une classe moyenne est en train de voir le jour, dont on que l’Afrique doit de toute urgence créer des emplois pour exagère souvent la dimension. Pour la première fois depuis ses jeunes, de plus en plus nombreux. Nous mettons en plus d’une génération, le nombre de personnes vivant dans exergue la justice et l’équité, car elles sont manifestement la pauvreté a chuté. Moins d’enfants meurent avant leur absentes de la vie de millions d’Africains, ce qui empêche cinquième anniversaire, et ils sont plus nombreux à aller la croissance actuelle de produire des effets durables sur à l’école. Les Africains, jeunes et moins jeunes, adoptent la société. 8 9
Figure 1 : AFRIQUE : RÉUSSITES ET DIFFICULTÉS 50 % de l’ensemble des exportations de marchandises. Les données concernant les exportations Le PI B africain connaît une L’IDE est également Les pays africains arrivent en Les mouvements ill icites de Croissance de la productivité du Les pays riches en ressources placements dans des titres de participation et de créance, à l’exclusion des placements de * L’investissement de portefeuille est un type d’investissement international incluant les DIFFICULTÉS ÉCONOMIQUES croissance régulière* en augmentation en Afrique tête de liste des économies à capitaux ont des conséquences travail*en Afrique sont trop fortement Exportateurs de pétrole : pays où les exportations de combustibles représentent au moins représentaient au moins 50 % de l’ensemble des exportations de marchandises en 2005. forte croissance négatives sur le développement subsaharienne par structure dépendants des flux de Exportateurs de minerai et de métal : pays où les exportations de minerai et de métal * Productivité du travail : correspond au PIB sur la base du PPA 2005 (USD) par salarié. 6 60 proviennent des Indicateurs du développement en Afrique de la Banque mondiale. Croissance annuelle moyenne du PIB, % économique d’exportation 1992-2009 recettes volatiles 1.8 50 RÉUSSITE ÉCONOMIQUE 2001-2010 2011-2015 8% 20 120 5 40 Angola 11,1 Chine 9,5 4% Chine 10,5 Inde 8,2 trillion USD milliards de dollars US 4 30 16 90 Prix du pétrole (USD par baril) 20 Birmanie 10,3 Éthiopie 8,1 are estimated to have been lost 0% % PIB type investissement direct ou avoirs de réserve. 3 Niger 8,9 Mozambique 7,7 8 60 10 to illicit flows Éthiopie 8,4 Tanzanie 7,2 0 -4% 2 Kazakhstan 8,2 Vietnam 7,2 DE 1970 A 2008 4 30 -10 Tchad 7,9 Congo 7,0 Les mouvements illicites de capitaux créent un -8% -20 Mozambique 7,9 Ghana 7,0 système financier occulte qui « amenuise les 1992 1996 2000 2004 2008 2007 2008 2010 Années 1970 Années 1980 Années 1990 Années 2000 2011-15 0 0 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 réserves en devises, augmente l’inflation, réduit Exportateurs de minerai et de métal 1996 2000 2004 2008 2012 Cambodge 7,7 Zambie 6,9 Pays d’Asie Pays d’Afrique l’assiette fiscale, décourage les Exportateurs de pétrole * À l’exclusion des pays de moins de 10 millions d’habitants, de l’Irak et Autre IDE Portefeuille* Total Rwanda 7,6 Nigeria 6,8 investisseurs et porte atteinte au libre-échange. » Resource taxes Oil price de l’Afghanistan Autres pays d’Afrique subsaharienne Source : The Economist, 2011 (Données FMI). Source : FMI, 2011. Source : The Economist, 2011 (Données FMI). Source : Global Financial Integrity, 2009. Source : ILO, 2011. Source : Perspectives économiques en Afrique 2012 LA PAUVRETÉ RÉGRESSE UN PLUS GRAND NOMBRE LE TAUX D’INCIDENCE DU VIH EST Taux de survie par année scolaire Les moyennes nationales cachent La mortalité maternell e reste D’ENFANTS VONT À L’ÉCOLE EN FORTE BAISSE (école primaire) en 2008 des inégalités frappantes trop élevée Taux de pauvreté (pourcentage de la population vivant avec moins 50% 3000 La durée moyenne de l’enseignement scolaire 22 100 Risque de décès maternel sur la durée de la vie * suivi par un enfant nigérian est de près de 7 ans. 82 * Le taux de mortalité maternelle et le risque de décès maternel sur la durée 40% 2400 dans Les (20 %) plus riches vont à l’école pendant près de la vie ont été arrondis selon le principe suivant : 1 000, arrondi à 100. Les chiffres liés aux PIB par habitant (dollars US) d’Afrique de 10 ans (comme à Cuba ou en Bolivie), tandis décès maternels ont été arrondis comme suit : 10 000, d’1 USD par jour) Taux de réussite scolaire 30% 1800 l’enseignement primaire en 1999 Le taux d’incidence 60 de 4 ans d’enseignement scolaire, un chiffre plus arrondi à 1 000. RÉUSSITE SOCIALE du VIH a dimin ué proche de la moyenne nationale du Tchad. Les écarts entre zone urbaine et zone rurale et entre Tchad et Somalie 1 sur 14 20% 1200 de plus de 40 25% garçons et filles sont également frappants. Libéria 1 sur 20 124 10% 600 20 nombre moyen Afrique du Sud 1 sur 100 d’années d’études GARÇONS FILLES 0% 0 0 ZONE URBAINE 6.5 11 6 9.5 AFRIQUE 1 sur 36 millions d’enfants fréquentant 1 2 3 4 5 6 1980 1987 1994 2001 2008 Grade l’enseignement primaire en 2007 ZONE RURALE 4 10 2.5 9 ASIE 1 sur 230 PIB par habitant (PPA) Taux de Mali Niger Éthiopie pauvreté DE 2001 A 2009 Zambie Mozambique les plus pauvres 20 % EUROPE 1 sur 4 200 Source : Pinkovskiy, MIT, Sala-i-Martin, Université de Columbia et Les plus riches 20 % NBER, 2010. Source : UNESCO, 2010. Source : ONUSIDA 2010 Source : UNESCO, 2011. Source : UNESCO, 2010. Source : OMS, Banque mondiale, Unicef et FNUAP (2010) et The Lancet (2011). la démocratie se généralise la gouvernance est globalement la participation des femmes à Mais les processus électoraux La bonne gouvernance est Il reste encore un long chemin le nombred’élections est en en voie d’amélioration la vie politique augmente restent également délicats. entravée par la corruption. à parcourir pour atteindre augmentation l’égalité des sexes au niveau 70 30 La participation des femmes à la vie Entre 19 et 25 % des élections en Afrique Tous les pays d’Afrique subsaharienne, à juridique et politique DIFFICULTÉS POLITIQUES 66 politique augmente : sont affectées par des violences. l’exception du Botswana, du Cap-Vert, de la Les pays sortant d’une période de conflit 25 62 61 60 république de Maurice et du Rwanda (qui obtiennent de meilleurs résultats en matière de 15 19-25% protection juridique et constitutionnelle de la 2 Le Rwanda 57 57 présente un IPC supérieur à 5) se situent dans RÉUSSITE POLITIQUE Number of presidential elections 20 54 54 est le leader mondial la moitié inférieure du tableau de l’indice de participation des femmes à la vie politique. 53 53 en termes de participation Pays ne 51 50 des femmes à la vie perception de la corruption pour 2011. Pays sortant sortant pas d’une période 49 48 femmes présidents 10 d’une période de conflit de conflit 15 48 parlementaire 9 14% 27% Représentation des femmes au 2 7.5 parlement 40 10 A new generation of young La constitution comprend une clause 61% 93% s’opposant à toute discrimination fondée Indice IPC african women with 5 sur le sexe Lauréats 5 33 2000 2002 2004 2006 2008 2010 30 poweris rising du Prix Nobel de la Paix 2.5 10% 21% La constitution mentionne les violences envers les femmes 0 Sont africains Initiative budgétaire favorisant l’égalité 2010 2011 Ghana Sénégal Egypt 39% 50% entre les sexes 0 Kenya Mali Gabon Source des données : Guide des élections de l’IFES et site Internet de l’EISA. Source : APP Source: USIP, 2010. Source : Transparency International, 2011. Source : Site Internet ONU Femmes Sierra Leone Source : Index Mo Ibrahim, 2010. Source : APP : données fournies par le FMI, Perspectives économiques en Afrique, Social Indicators, la Banque mondiale et Transparency International 10 11
Rapport 2012 sur les progrès en Afrique PART I L’ESSOR DE L’AFRIQUE – CERTAINS AFRICAINS BENEFICIE DE CET ESSOR, D’AUTRES NON En 2012, l’Afrique a pour la première fois l’occasion de tracer la voie de la croissance économique durable et de la prospérité partagée, et de faire une percée dans la réduction de la pauvreté. Il ne sera cependant pas possible d’emprunter cette voie sans mettre en place des mesures draconiennes et des changements radicaux pour rendre la croissance plus équitable. 12
Rapport 2012 sur les progrès en Afrique Emploi, Justice, Equité: Les opportunités à saisir en période de bouleversements économiques, politiques et sociaux 1. Croissance (Figure 2). Quelques-unes des économies qui connaissent la croissance la plus rapide du monde se trouvent en Encadré 1 : Afrique sub-saharienne : une croissance soutenue mais économique Afrique (Figure 3). Dans la région, sept personnes sur dix vivent dans des pays qui présentent des taux de irrégulière la promotion en croissance économique moyens de plus de 4 pour cent depuis une décennie. De 2005 à 2009, l’Éthiopie Le panorama économique de l’Afrique sub-saharienne est très contrasté. En dépit des effets de la sécheresse et de première ligue a enregistré une croissance supérieure à celle de la la famine de 2011, le taux de croissance de l’Afrique de l’Est s’est situé à 5,8 pour cent en 2011, grâce notamment à Chine, et l’Ouganda a surpassé l’Inde9. En 1996, 13 pays l’augmentation des investissements publics dans l’infrastructure (Éthiopie et Tanzanie), à la production minière (Tanzanie), présentaient des taux d’inflation supérieurs à 20 pour cent à l’investissement étranger dans l’énergie (Ouganda) et à la production agricole (Éthiopie). D ans la ligue mondiale de la croissance économique, l’Afrique est passée de la dernière à la première division. Suite à la récession de 2008, la reprise qui a ; depuis le milieu des années 2000, il n’y en a pas eu plus de deux. Cette croissance et cette reprise s’expliquent en partie par l’embellie politique. L’encadré n°1 présente les En Afrique de l’Ouest, la croissance économique s’est essoufflée, passant de 6,9 pour cent en 2010 à 5,6 pour cent en 2011. Ce ralentissement est dû en grande partie au fait que l’économie de la Côte d’Ivoire a subi une contraction de succédé à la crise économique mondiale s’est poursuivie perspectives de croissance économique par région. 0,4 pour cent à la suite des violences post-électorales et de l’effondrement des exportations et du secteur financier, mais un solide processus de reprise a débuté dès la normalisation de la situation politique. La diminution de la production de pétrole au Nigeria a également contribué à ce ralentissement. L’accélération de la croissance au Ghana (12,2 pour cent), stimulée par le début de l’exploitation commerciale du pétrole et une croissance robuste dans l’agriculture, le secteur minier et les services, a rééquilibré le panorama régional. Figure 2 : Taux de croissance du PIB africain, 2000–2013 L’Afrique centrale a continué de déployer une activité économique énergique, en dépit du déclin de la croissance moyenne du PIB de 5,2 pour cent en 2010 à 4,2 pour cent en 2011. La croissance a été soutenue grâce à l’investissement public dans l’infrastructure, la forte performance du secteur des services, et l’augmentation des exportations de bois de 8 construction. La performance générale a camouflé la performance sans éclat du Tchad, où la production de pétrole a diminué en raison de l’agitation sociale, et où les transferts de fonds des migrants ont chuté, étant donné que de 7,0 nombreux Tchadiens de Libye ont perdu leur emploi lorsque le conflit a éclaté. Pourcentage de croissance du PIB 6 5 En Afrique australe, la production a augmenté de 3,8 pour cent en 2011, contre 3,5 pour cent en 2010, avec des fluctuations importantes. L’Afrique du Sud s’est lentement rétablie, avec une croissance de 3,1 pour cent en 2011, Source : Banque mondiale, Africa’s Pulse, 2012 4 soit une légère augmentation par rapport aux 2,8 pour cent de 2010. Le retour des dépenses de consommation, 3 alimenté à son tour par la baisse du loyer du crédit et de l’inflation, a soutenu la performance. De nombreux autres pays ont cependant bénéficié d’une croissance solide. Le Botswana, le Mozambique et la Zambie ont affiché des taux 2 de croissance supérieurs à 6 pour cent, de pair avec l’augmentation de la production minière et la forte demande 1 mondiale de minerais (ainsi qu’une récolte exceptionnelle en Zambie). L’augmentation de la production pétrolière et de l’investissement en Angola, ainsi que l’embellie politique et économique au Zimbabwe, ont stimulé la croissance dans 0 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 les deux pays, à plus de 4 pour cent. Afrique subsaharienne Moyenne d’avant-crise Afrique subsaharienne (sauf Afrique du Sud) Les perspectives économiques de l’Afrique restent intérieurs de produits de consommation se développent aussi, prometteuses. En Afrique sub-saharienne, la croissance et le secteur privé en Afrique est un moteur de plus en plus Figure 3 : Économies africaines ayant la plus forte croissance en 2011 devrait remonter à 5,3 pour cent en 2012 et à 5,6 pour cent puissant de la croissance. en 201310, grâce à la fermeté de la demande à l’exportation, à l’augmentation du prix des produits de base, à la vigueur La diversification des exportations a également joué un 16 de la demande intérieure, et à l’augmentation des dépenses rôle essentiel dans l’augmentation de la croissance. Avant publiques dans l’infrastructure. l’an 2000, le sort de l’Afrique était indissociable de celui de 14 l’Europe et des États-Unis. Ces marchés revêtent toujours une 12 Il n’y a pas que les chiffres généraux qui sont impressionnants. importance capitale. Mais le rapprochement avec le Brésil, Le PIB par habitant est également en augmentation. La la Russie, l’Inde et la Chine – les BRIC – ainsi qu’avec les pays Taux de croissance 10 croissance est plus diversifiée, plus résiliente – et dans certains du Golfe et la Turquie, ont dans un premier temps contribué 8 pays, moins dépendante des exportations de produits de à mettre l’Afrique partiellement à l’abri de la récession de Source : Banque mondiale, Africa’s Pulse, 2012 base. Les recettes provenant des ressources naturelles ne l’économie mondiale, puis à lancer la reprise. L’effet “BRIC” a 6 représentent pas plus d’un tiers de la croissance de l’Afrique au surtout opéré par le biais du commerce (voir Partie II, Section 4 cours de la dernière décennie. Tandis que la flambée des prix 3). Mais les liens économiques vont au-delà du commerce. des produits de base a sans aucun doute contribué à la reprise L’investissement étranger direct consenti par la Chine en 2 de l’Afrique, et que les conditions économiques régionales Afrique s’est rapidement accéléré au cours de la dernière 0 se sont nettement améliorées en 2010 et 2011, les marches décennie. Ghana Chine Congo Éthiopie Inde Rwanda Ghana Mozambique Nigeria Rép. dém. du Congo Angola Botswana Russie Zimbabwe Tanzanie Brésil 14 15
Rapport 2012 sur les progrès en Afrique Emploi, Justice, Equité: Les opportunités à saisir en période de bouleversements économiques, politiques et sociaux 2. Embellie sur le front Certains des pays jouissant de la plus forte croissance économique ont connu des fortunes diverses avec la Encadré 2 : Lente émergence de la classe moyenne en Afrique de la pauvreté réduction de la pauvreté. Au Mozambique par exemple, les données tirées d’un sondage auprès des ménages ne Comme peut le confirmer une visite, aussi brève soit-elle, dans n’importe quelle grande ville africaine, les secteurs de la assombrie par les inégalités révèlent aucune diminution de la pauvreté nationale de 2002 à 2008, et dans les régions centrales, on a même vente au détail et du marché du logement haut de gamme sont en plein essor. D’après la Banque mondiale, la croissance constaté une augmentation marquée de la pauvreté13. La économique “engendre une classe moyenne africaine émergente de centaines de millions de consommateurs.”16 Selon Tanzanie a connu l’une des croissances les plus rapides au la Banque africaine de développement, un tiers des Africains appartient déjà à la classe moyenne. De grandes sociétés L a reprise économique s’est accompagnée d’une accélération du mouvement en direction de la plupart des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). monde. Pourtant, de 2000 à 2007, la pauvreté en termes de revenu n’a baissé que de 35 à 33 pour cent, selon de conseil, comme McKinsey et Accenture, se sont également réjouies de l’avènement des marchés de consommation pour la classe moyenne en Afrique17. l’étude du budget des ménages. En tenant compte de L’Afrique a amorcé le virage de la réduction de la pauvreté. Il serait prématuré de tirer de telles conclusions. Après une décennie de forte croissance, près de la moitié des Africains la démographie, cela représente 1 million de Tanzaniens Entre 1999 et 2008, la dernière année pour laquelle des vivent toujours en deçà du seuil de pauvreté, avec moins de 1,25 dollar par jour. Trente autres pour cent – soit 246 millions supplémentaires vivant en dessous du seuil de pauvreté. informations sont disponibles, la part des Africains vivant de personnes – vivent dans la zone grise de la pauvreté, avec entre 1,25 dollar et 2,50 dollar par jour. Seuls 4 pour cent La croissance économique a réduit la pauvreté en Afrique, avec moins de 1,25 dollar par jour a chuté de 58 à 48 pour des Africains ont un revenu supérieur à 10 dollars par jour (Figure 4). En d’autres termes, la vaste majorité de ce que les mais pas autant qu’on aurait pu le prévoir, les pauvres en cent. Encore plus encourageant, le rythme de résorption observateurs décrivent comme la classe moyenne africaine, soit vient de dépasser le seuil de 1,25 dollar, soit vit dans la Afrique ne recevant qu’une part infime du gâteau de la de la pauvreté semble s’être accéléré. Selon les dernières zone gravitationnelle de la zone de pauvreté. nouvelle prospérité. estimations de la Banque mondiale, le nombre de pauvres dans la région sub-saharienne a diminué d’environ neuf La Brookings Institution propose une autre analyse. Sur la base d’une fourchette de 10 à 100 dollars par jour pour Les plus grandes disparités en termes de richesse se millions entre 2005 et 200811. déterminer l’appartenance à une “classe moyenne globale,”18 Brookings conclut que l’Afrique ne représente que 2 trouvent en Afrique. L’une des mesures de l’inégalité les plus répandues, l’indice Gini, recueille les informations pour cent de la classe moyenne mondiale, et 1 pour cent du pouvoir d’achat. D’autres indicateurs sociaux se sont aussi améliorés. Par relatives à la concentration des recettes ou dépenses rapport à la situation il y a dix ans, les enfants d’Afrique des ménages (plus l’indice est élevé, plus l’inégalité est courent moins le risque de mourir avant leur cinquième anniversaire, les femmes risquent moins de mourir des marquée). En Chine, où les leaders politiques ont fait Figure 4 : Une classe moyenne africaine bien modeste* savoir que les inégalités croissantes constituaient une complications de leur grossesse ou de leur accouchement, menace pour la stabilité sociale et pour la croissance et davantage d’enfants vont à l’école. Le taux moyen future, l’indice Gini est de 42. Vingt-quatre pays d’Afrique Nombre de personnes appartenant à la classe moyenne (en millions) annuel de réduction de la mortalité des moins de cinq ans présentent des résultats d’inégalité supérieurs à ceux de la s’est accéléré, et a doublé entre 1990–2000 et 2000–201012. Chine. Au Mozambique, au Kenya et en Zambie, l’indice Sur la base de ce taux de réduction de la pauvreté, six des Gini oscille entre 45 et 55, tandis qu’au Botswana et en 14 pays les plus performants du monde – dont l’Éthiopie, le Afrique du Sud, il dépasse 6014. * Classe moyenne définie Ghana, le Malawi et le Niger – se trouvent en Afrique. Le sur la base d’une parité de nombre d’enfants non scolarisés a chuté de 13 millions. 2012 pouvoir d’achat (PPA) de 10 Les 20 pour cent les plus pauvres de l’Afrique sub- à 100 USD saharienne encaissent 6 pour cent ou moins du revenu Afrique subsaharienne La situation générale sur le front de la pauvreté n’est national ; et les 40 pour cent les plus pauvres touchent cependant pas allée de pair avec la croissance économique généralement moins de 15 pour cent (Figure 4). Dans de MENA de l’Afrique. Il reste encore 386 millions d’Africains qui luttent nombreux pays, la croissance économique a tendance à Amérique centrale et Amérique renforcer ces inégalités. Selon une évaluation récente de du Sud pour survivre avec moins de 1,25 dollar par jour, et l’Afrique 2002 Source : Brookings Institution. représente une part croissante de la pauvreté dans le monde. la pauvreté au Lesotho, qui présentait l’un des niveaux les Amérique du Nord Au début de l’essor de sa croissance en 1999, l’Afrique plus élevés au monde en termes d’inégalité de revenus, Asie-Pacifique représentait 21 pour cent de la pauvreté dans le monde. En “Le taux de pauvreté élevé ne s’explique pas par la 2008, cette part avait atteint 29 pour cent. Et même si l’on a lenteur de la croissance économique, mais par le taux Europe beaucoup parlé de l’essor de la classe moyenne africaine, élevé d’inégalité.”15 Ce verdict est encore plus vrai en 0 500 1 000 1 500 2 000 2 500 cette catégorie reste limitée (Encadré 2). Afrique. 16 17
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