VENTILATION NON-INVASIVE POST-EXTUBATION ?
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Sevrage de la ventilation 469 VENTILATION NON-INVASIVE POST-EXTUBATION? C. Girault, Service de Réanimation Médicale, Hôpital Charles Nicolle, Centre Hospita- lier Universitaire, 76031 Rouen, France. INTRODUCTION Afin d’éviter le recours à la ventilation mécanique endotrachéale (VM) et les com- plications de l’intubation, la ventilation non invasive (VNI) s’est largement développée depuis plus de 10 ans. Elle constitue une technique d’assistance ventilatoire d’effica- cité actuellement reconnue dans la prise en charge initiale de différentes formes d’insuffisance respiratoire aiguë (IRA), en particulier dans l’insuffisance respiratoire chronique (IRC) par bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) [1]. A l’avenir, la VNI pourrait représenter, avec les mêmes objectifs, une approche tout aussi intéres- sante pour réduire la durée d’intubation et faciliter le sevrage de la VM, prévenir la réintubation en cas d’IRA post-extubation, voire améliorer la prise en charge de certains patients à risques postopératoires. Ce sont ces trois applications potentielles qui seront envisagées ici sous l’appellation de «VNI post-extubation». 1. ARGUMENTS PHYSIOLOGIQUES DU RECOURS A LA VNI POST- EXTUBATION 1.1. SEVRAGE DE LA VM ET IRA POST-EXTUBATION Le sevrage proprement dit, ou «déventilation », se caractérise par le passage progressif de la VM à la ventilation spontanée (VS) et doit être clairement distingué de l’extubation [2], même si le succès du sevrage doit normalement répondre à ces deux conditions. Les difficultés de sevrage observées dans certaines circonstances (augmen- tation de la demande ventilatoire, de la charge élastique ou résistive du poumon) et selon le terrain (BPCO, affections neurologiques, chirurgie, etc…) résultent le plus souvent d’un déséquilibre entre la capacité des muscles respiratoires à générer des échan- ges gazeux efficaces et la charge ventilatoire qui leur est imposée conduisant alors à une altération de leurs performances. L’augmentation de la charge de travail respira- toire qui en résulte sera le plus souvent responsable de l’échec du sevrage se traduisant par une altération du mode ventilatoire (augmentation de la fréquence respiratoire et diminution du volume courant) et des échanges gazeux avec fréquemment hypoventi- lation alvéolaire [3].
470 MAPAR 2002 Paradoxalement, si la notion de «fatigue musculaire» n’a jamais été formellement objectivée cliniquement en cas d’échec du sevrage, il n’en reste pas moins qu’une VM inutilement prolongée pourrait générer une atrophie diaphragmatique. La surcharge d’effort inspiratoire peut encore s’avérer accrue au décours de l’extubation en raison de l’augmentation des résistances des voies aériennes supérieures, rendant parfois diffici- lement prévisible la réussite de l’extubation [4]. L’échec du sevrage peut enfin être lié à la survenue brutale d’une dysfonction ventriculaire gauche lors du passage en VS [5] ou, chez les patients chirurgicaux, de complications postopératoires mettant en jeu, directement ou indirectement, la fonction diaphragmatique [6]. La VNI pourrait donc permettre de «précipiter» l’extubation pour raccourcir la durée d’intubation ou de palier aux difficultés de sevrage, voire aux échecs de l’extuba- tion. Ceci a pu être suggéré par les effets physiologiques de la VNI observés au cours de l’IRA hypercapnique (réduction du travail respiratoire, amélioration du mode venti- latoire et des échanges gazeux) [1]. Un récent travail a d’ailleurs démontré que l’aide inspiratoire (AI) administrée de façon non invasive était tout aussi efficace que l’AI invasive sur ces paramètres physiologiques, mais que la VNI était mieux tolérée et pouvait générer un effort inspiratoire plus efficace chez des patients BPCO extubés précocément [7]. La VNI semble donc pouvoir répondre aux objectifs physiologiques de la VM, même chez des patients ne tolérant pas complètement la VS. 1.2. PATIENTS A RISQUES POSTOPERATOIRES La survenue de complications respiratoires postopératoires précoces ou tardives, observées dans plus de 4 % des actes chirurgicaux, peut-être liée à la conjonction d’un ou plusieurs des facteurs suivants : le type et l’extension de la chirurgie (thoracique, abdominale haute, etc.), le type et la durée de l’anesthésie (générale, locorégionale), l’état clinique et la fonction respiratoire préopératoires, en particulier l’existence ou non de co-morbidités (obésité, insuffisance cardiaque, IRC, syndrome d’apnées du som- meil), et la survenue de complications inhérentes à l’acte chirurgical (atélectasies, pneumopathie, sepsis, etc…) [6]. Tenant compte des altérations possibles de la fonc- tion pulmonaire postopératoire (Tableau I) et des arguments physiologiques développés précédemment, la VNI appliquée préventivement en postopératoire pourrait, en théo- rie, prévenir ou améliorer selon plusieurs mécanismes le déficit fonctionnel restrictif qui résulte le plus souvent de l’acte opératoire : diminution du travail respiratoire, amé- lioration du mode et de la mécanique ventilatoires, amélioration des échanges gazeux par redistribution des rapports ventilation-perfusion et augmentation du recrutement alvéolaire. Tableau I Altérations possibles de la fonction pulmonaire postopératoire. Dépression ventilatoire Augmentation des résistances des voies aériennes Augmentation de la PEP intrinsèque / hyperinflation dynamique Réduction de la compliance thoraco-pulmonaire Augmentation du travail respiratoire Collapsus des voies aériennes supérieures Collapsus trachéo-bronchiques Atélectasies Pneumopathie Œdème alvéolaire
Sevrage de la ventilation 471 2. ARGUMENTS CLINIQUES DU RECOURS A LA VNI POST-EXTUBATION 2.1. SEVRAGE DE LA VM ET IRA POST-EXTUBATION La VM est associée à la survenue de multiples complications, en particulier infec- tieuses nosocomiales, dont l’incidence augmente avec la durée de l’intubation. La réduction de la durée de VM doit donc constituer l’une des préoccupations quotidien- nes du médecin réanimateur. La durée de VM va non seulement dépendre du terrain et de la pathologie aiguë sous-jacente mais aussi de la conduite du sevrage et des autres procédures associées par le clinicien. De plus, la prédiction de l’issue du sevrage et de l’extubation peut s’avérer difficile malgré les nombreux critères dont nous disposons. Ainsi, près de 25 % des patients ventilés mécaniquement en réanimation peuvent présenter des difficultés de sevrage [8, 9]. Ce sevrage difficile, fonction de la pathologie sous-jacente (IRC, patho- logie cardiovasculaire ou neurologique, chirurgie thoracique ou abdominale haute), peut concerner près de 40 % des patients BPCO [10] et représenter jusqu’à 41 % de la durée totale de VM [11]. Quel que soit le terrain, la durée de VM semble pouvoir actuelle- ment être réduite, d’une part en fonction de la technique de sevrage utilisée et de ses modalités d’application [8, 9], d’autre part par l’application de protocoles standardisés, non seulement pour le sevrage ventilatoire [12] mais aussi pour les modalités de séda- tion [13] et de désédation [14]. A l’opposé, un sevrage difficile, des difficultés d’extubation mal appréhendées ou une extubation trop précoce exposent au risque de réintubation grevée d’une mortalité non négligeable (30 à 40 %) qui apparaît étroite- ment liée au délai de réintubation [15]. Le risque d’auto-extubation, volontaire ou accidentelle, chez 3 à 16 % des patients intubé-ventilés de réanimation peut également nécessiter une réintubation dans 37 % des cas, mais la non-réintubation observée dans 63 % des cas restants traduit aussi certainement un retard d’appréciation du sevrage et de l’extubation, et donc une prolongation inutile de la VM [16]. Enfin chez les patients chirurgicaux, il peut apparaître vital d’éviter une intubation prolongée ou une réintuba- tion en particulier au décours d’une chirurgie thoracique [17]. L’ensemble de ces éléments, directement ou indirectement liées à la VM, consti- tuent autant de facteurs à prendre en compte pour améliorer le pronostic clinique des patients et l’impact médico-économique de la VM dans les services de réanimation. Si le principal objectif de la VNI est d’assurer une ventilation alvéolaire et une oxygéna- tion efficaces en l’absence de tout dispositif endotrachéal, ce bénéfice clinique est maintenant reconnu dans la prise en charge initiale de l’IRA notamment hypercapni- que [1]. Dans cette indication, la VNI permet effectivement non seulement d’améliorer les échanges gazeux, mais également d’éviter l’intubation dans 60 à 70 % des cas, de réduire les complications et la durée de VM, et de diminuer la durée d’hospitalisation chez des patients BPCO sélectionnés [1]. Il apparaît également de mieux en mieux établi qu’une stratégie de ventilation incluant la VNI, lorsqu’elle est efficace, permet non seulement de réduire l’incidence des pneumopathies mais aussi celle des autres infections nosocomiales ainsi que la mortalité des patients [18]. En dehors de l’IRA des BPCO, l’efficacité clinique de la VNI a également été démontrée au cours de l’œdème aigu pulmonaire (OAP) cardiogénique dans sa forme hypercapnique, mais reste encore discutée dans la prise en charge des IRA hypoxémiques pures [1]. Dans ces conditions, il peut apparaître pertinent et potentiellement bénéfique sur un plan médico-économique de proposer le recours à la VNI, non plus à la phase initiale de l’IRA, mais au moment du sevrage lorsque la VM s’est imposée afin de réduire la durée d’intubation tout en délivrant une assistance ventilatoire efficace, ou afin de pré- venir ou d’éviter la réintubation en cas d’IRA post-extubation.
472 MAPAR 2002 2.2. PATIENTS A RISQUES POSTOPERATOIRES Le rationnel clinique du recours à la VNI chez certains patients en période post- opératoire relève des arguments cliniques développés plus haut quant aux risques de l’intubation prolongée ou de la réintubation, et à l’efficacité clinique de la VNI dans les différentes formes d’IRA. Il convient également de tenir compte des différents facteurs susceptibles d’interférer sur la sévérité de l’altération de la fonction pulmonaire post- opératoire (Tableau I), à savoir le type de chirurgie, le type d’anesthésie, le terrain et les complications postopératoires. Un argument supplémentaire chez ce type de patients pourrait être représenté par le fait qu’une oxygénation péri-opératoire suboptimale (FiO2 = 80 %) permettrait de réduire l’incidence des infections du site opératoire com- parativement à une oxygénation subnormale (FiO2 = 30 %) [19]. Néanmoins, l’impact clinique réel d’une telle stratégie associée à la VNI reste à démontrer. Enfin, il faut certainement distinguer chez ces patients, d’une part l’intérêt de la VNI appliquée en préventif afin de prévenir la survenue postopératoire d’une IRA, ce qui est considéré ici, et d’autre part l’utilisation de la VNI en curatif pour traiter une IRA postopératoire déjà installée. 3. RESULTATS DE LA VNI POST-EXTUBATION 3.1. VNI ET SEVRAGE/EXTUBATION DE LA VM Les premiers travaux publiés, rétrospectifs ou prospectifs non contrôlés, ont permis de démontrer la faisabilité et l’intérêt clinique de la VNI pour faciliter l’extubation ou la décanulation de la VM prolongée, principalement en cas d’échec du sevrage avec les techniques conventionnelles chez des patients IRC (Tableau II) [20-22]. Des résultats favorables ont aussi été rapportés par la simple application au masque d’une CPAP après l’extubation ou la décanulation de patients IRC [23,24]. Tableau II Utilisation de la VNI au cours du sevrage de la ventilation mécanique. Etudes non Patients Succès Sortie Mortalité contrôlées (réf) n BPCO du sevrage à domicile Udwadia [20] 22 9 20 (91 %) 18 (82 %) 2 (9 %) Laïer-Groeneveld [21] 35 16 33 (94 %) 30 (86 %) 2 (6 %) Restrick [22] 14 8 13 (93 %) 2 (14 %) 1 (7 %) La VNI n’a été que plus récemment évaluée comme technique systématique d’extu- bation et de sevrage de la VM chez des patients IRC. Dans une étude prospective randomisée multicentrique, Nava et col. [25] ont comparé l’extubation précoce après 48 heures de VM relayée par la VNI en AI au sevrage conventionnel invasif en AI chez des patients BPCO intubés-ventilés pour IRA hypercapnique et ayant échoué à une épreuve de sevrage en VS sur tube en T (VS/T) de 2 heures. Les principaux résultats sont résumés dans la figure 1 et le tableau III. Nous avons mené une étude prospective monocentrique similaire chez 33 patients IRC de causes diverses (BPCO, IRC restric- tive ou mixte) [26]. Nos principaux résultats sont représentés dans la Figure 2 et le Tableau IV. Ils confirment ceux de Nava et col. [25], à savoir que le sevrage en VNI permet d’extuber plus précocement les patients IRC sans augmenter le risque d’échecs ou de complications du sevrage ni aggraver le pronostic à moyen terme, comparative- ment au sevrage invasif en AI. Par contre dans notre étude, si la VNI permettait de réduire la durée quotidienne d’assistance ventilatoire (Figure 2b), elle ne diminuait pas
Sevrage de la ventilation 473 la durée totale de VM impartie au sevrage, ni les durées de séjour (Tableau IV). Cette discordance de résultats pourrait s’expliquer par la façon d’appliquer les deux techni- ques de sevrage, par les différences de modalités de sortie des services, le type d’IRC sous-jacente et par le nombre de patients inclus dans chacune des études. De plus, nos patients étaient susceptibles d’être plus difficiles à sevrer car, pour être inclus, ils de- vaient échouer à l’épreuve de VS/T mais répondre à des critères simples de sevrage, ce qui peut correspondre à une population particulière de patients IRC difficiles à sevrer [26]. 1,0 groupe VNI-AI n = 25 0,9 groupe VMI-AI n = 25 de la ventilation mécanique (%) Patients n’ayant pu être sevrés 0,7 0,6 0,5 0,4 0,3 0,2 0,1 0,0 0 3010 40 20 50 60 Temps (j) Figure 1 : Probabilité d’échec du sevrage chez 50 patients BPCO selon la technique invasive (VMI) ou non invasive (VNI) utilisée. Ligne verticale (21 jours) définissant l’insevrabilité (d’après Nava S. et col. [25]). Tableau III Principaux résultats du sevrage invasif (VM) et non invasif (VNI) chez 50 patients BPCO difficiles à sevrer (d’après Nava S. et col. [25]). Groupe VNI-AI Groupe VM-AI Paramètres p n = 25 n = 25 Durée totale de VM (j) 10,2 ± 6,8 16,6 ± 11,8 0,021 Durée de séjour en réanimation 15,1 ± 5,4 24,0 ± 13,7 0,005 Pneumopathies nosocomiales 0 7 (28 %) - Succès à 2 mois 22 (88 %) 17 (68 %) 0,002 Mortalité à 2 mois 2 (8 %) 7 (28 %) 0,009 BPCO : bronchopneumopathie chronique obstructive ; VNI : ventilation non invasive ; VMI : ventilation mécanique invasive (intubation) ; VM : ventilation mécanique (VMI et VNI) ; AI : aide inspiratoire En dehors de toute IRC, Gregoretti et col. [27] ont montré, dans une étude clinique prospective non contrôlée, que la VNI permettait d’extuber précocément avec succès 13/22 (56 %) patients polytraumatisés ne répondant pas aux critères standard de sevra- ge. Une étude physiologique prospective a récemment démontré l’efficacité de la VNI, utilisant la CPAP (5 cmH2O) ou l’AI (15 cmH2O), sur l’amélioration des échanges ga- zeux et du mode ventilatoire, sur la réduction du shunt intra-pulmonaire et du travail respiratoire sans effet hémodynamique délétère, chez 15 patients non BPCO extubés
474 MAPAR 2002 précocément en IRA, après une VM prolongée supérieure à 3 jours [28]. L’efficacité physiologique tendait à être supérieure en AI qu’en CPAP et seulement 2 patients ont dû être réintubés dans les 48 heures (taux de succès du sevrage de 87 %). Il faut remar- quer que ce travail concernait 11 patients transplantés dont 8 en IRA hypoxémique au décours d’une transplantation pour fibrose pulmonaire. Sa particularité résidait égale- ment dans le choix des critères d’extubation précoce (Vt ≥ 3 mL.kg-1, f ≤ 40.mn-1, f/Vt ≤ 190 cycles.min-1.L-1 et Pimax ≥ -20 cmH2O), beaucoup plus larges que ceux ha- bituellement retenus [8, 9], laissant supposer, qu’en l’absence de VNI, l’extubation aurait probablement été un échec. Il existe donc des arguments pour préconiser l’utilisation de la VNI afin de «préci- piter» l’extubation et faciliter le sevrage de la VM, en particulier chez les patients BPCO. Dans ce cadre, la littérature suggère que la VNI pourrait être utilisée soit comme tech- nique systématique de sevrage, soit seulement en cas de difficultés de sevrage avec les techniques conventionnelles. a Probalilité d’être maintenu intubé 1 groupe VMI n = 16 groupe VNI n = 17 0,8 p = 0,004 0,6 0,4 0,2 0 0 2,5 5 7,5 10 12,5 15 17,5 20 22,5 Temps (jours) b 28 d’assistance ventilatoire (heures) 26 24 ** Durée quotidienne 22 20 ** 18 16 ** ** 14 * 12 groupe VMI n = 16 groupe VNI n = 17 10 * p = 0,005 ** p = 0,0001 8 J2 J3 J4 J5 J1 Temps (jours) Figure 2 : Probabilité d’être maintenu intubé (a) et durée quotidienne d’assistance ventilatoire (b) selon la technique de sevrage, invasive (VMI) ou non invasive (VNI), utilisée chez 33 patients insuffisants respiratoires chroniques (d’après Girault C. et col. [26]).
Sevrage de la ventilation 475 Tableau IV Principaux résultats du sevrage invasif (VMI) et non invasif (VNI) chez 33 patients insuffisants respiratoires chroniques difficiles à sevrer (d’après Girault C. et col. [26]). Groupe VNI-AI Groupe VM-AI Paramètres p n = 16 n = 17 Durée totale de VM (j) 7,7 ± 3,8 4,6 ± 1,8 0,004 Taux de succès du sevrage 12 (75 %) 13 (76,5 %) ns Durée totale de VM liée au sevrage (j)* 3,5 ± 1,4 11,5 ± 5,2 0,0001 Complications 9 (56,3 %) 6 (35,3 %) ns Durée de séjour en réanimation (j) 14,06 ± 7,5 12,4 ± 6,8 ns Durée d'hospitalisation (j) 27,7 ± 13,1 27,1 ± 14,3 ns Mortalité intra-hospitalière 2 0 ns Survie à 3 mois 14 (87,5 %) 17 (100 %) ns BPCO : bronchopneumopathie chronique obstructive ; VNI : ventilation non invasive ; VMI : ventilation mécanique invasive (intubation) ; VM : ventilation mécanique (VMI et VNI) ; AI : aide inspiratoire ; VAC : ventilation assistée-contrôlée ; *chez les patients sevrés avec succès. En pratique, l’incidence d’utilisation de la VNI dans cette indication du sevrage ventilatoire s’avère mal connue. Dans notre expérience, elle concernait 20 (14 %) des 143 VNI pratiquées sur 2 ans chez 124 patients [29]. 3.2. VNI ET IRA POST-EXTUBATION Afin d’optimiser la phase post-extubation, la VNI pourrait aussi trouver une place intéressante en cas d’échec de l’extubation pour éviter la réintubation et ses conséquen- ces sur la morbidité et la mortalité des patients [15], qu’il s’agisse de patients médicaux ou chirurgicaux. Parmi les premiers travaux publiés sur la VNI, nombreux sont ceux qui ont utilisé la VNI, non pas pour faciliter le sevrage de la VM, mais pour éviter la réintubation dans les suites plus ou moins immédiates d’une extubation [1]. Dans une étude cas-témoins, Hilbert et col. [30] ont plus récemment montré que la VNI permettait d’éviter la réintu- bation chez 24 des 30 patients BPCO (80 %) présentant une IRA hypercapnique dans les 72 heures post-extubation, alors que 20 des 30 patients (66 %) du groupe contrôle historique traités médicalement était réintubés. Ces auteurs rapportaient également un effet bénéfique de la VNI dans cette indication sur la durée de VM (6 ± 4 vs 11 ± 8 jours) et la durée de séjour en réanimation (8 ± 4 vs 14 ± 8 jours) imparties à l’épisode d’IRA post-extubation, mais sans différence de mortalité intra-hospitalière. Munshi et col. [31] ont substitué avec succès la VNI à l’oxygénothérapie nasale postopératoire chez 52 patients traumatisés sur 72 ayant présenté une hypoxémie (SaO 2 < 88 % ou PaO2 < 50 mmHg) dans les 24 heures post-extubation. Il n’est cependant pas clair de savoir dans ce travail combien de ces patients hypoxémiques auraient pu être améliorés par une simple oxygénothérapie. Une autre étude prospective non contrôlée a très ré- cemment montré que la CPAP permettait aussi d’améliorer rapidement l’oxygénation et d’éviter la réintubation chez 20 patients postopératoires (chirurgie abdominale et/ou thoracique) présentant une IRA hypoxémique sévère plus de 24 heures après une extu- bation programmée [32]. Par contre, Jiang et col. [33], randomisant des patients extubés non sélectionnés entre VNI et traitement conventionnel, ont rapporté un taux de réintu- bation tendant à être plus important dans le groupe VNI, suggérant qu’une utilisation
476 MAPAR 2002 intempestive de la VNI dans cette situation, chez des patients qui n’en ont pas besoin, peut être hasardeuse. Plus récemment, la VNI a été utilisée spécifiquement en cas d’IRA au décours d’une chirurgie thoracique, chirurgie pour laquelle la réintubation expose à une surmortalité très importante [17]. Rocco et col. [34] ont ainsi montré, dans une étude observationnelle prospective, que la VNI permettait d’éviter la réintubation chez 18 sur 21 patients (86 %) ayant bénéficier d’une double transplantation pulmonaire, le plus souvent pour mucoviscidose. Chez les patients répondeurs, la VNI améliorait l’oxy- génation et l’acidose respiratoire, les complications étaient moindres et la mortalité nulle. Jusqu’à maintenant, une seule étude prospective randomisée, menée par Auriant et col. [35], a démontré une réduction significative de la réintubation et de la mortalité sous l’effet de la VNI utilisant l’AI associée a une PEPe comparativement au traitement médical standard en cas de survenue d’une IRA hypoxémique post-extubation au décours d’une chirurgie pulmonaire lourde (Tableau V). Tableau V Principaux résultats de la VNI appliquée à l’insuffisance respiratoire aiguë post-extubation au décours d’une chirurgie de résection pulmonaire (d’après Auriant I. et col. [35]). Groupe Groupe Critères d'évaluation Traitement standard VNI p (n = 24) (n = 24) Intubation 12 (50 %) 5 (20,8 %) 0,035 Durée de séjour en réanimation (j) 14 ± 11,1 16,6 ± 23,6 0,52 Durée d'hospitalisation (j) 22,8 ± 10,7 27,1 ± 19,5 0,61 Mortalité intra-hospitalière 9 (37,5 %) 3 (12,5 %) 0,045 Mortalité à 4 mois 9 (37,5 %) 3 (12,5 %) 0,045 Si d’autres études cliniques prospectives contrôlées s’avèrent nécessaires, l’ensem- ble de ces résultats suggèrent néanmoins fortement l’intérêt de la VNI en cas d’IRA post-extubation. Les patients BPCO et certains patients postopératoires, en particulier de chirurgie thoracique, apparaissent les plus susceptibles d’en bénéficier. 3.3. VNI ET PATIENTS A RISQUES POSTOPERATOIRES La VNI appliquée en prévention de la survenue postopératoire d’une IRA ou pour favoriser la récupération de la fonction pulmonaire chez des patients à risques post- opératoires (IRC, obèses, coronariens…) doit être distinguée du recours à la VNI appliquée une fois que l’IRA postopératoire s’est développée que nous avons détaillé précédemment. Plusieurs travaux prospectifs contrôlés, utilisant différents modes de VNI (princi- palement CPAP et/ou BiPAP), ont été menés chez des patients à risques postopératoires, relevant de différents types de chirurgie. Il ressort de ces études que, comparativement au traitement conventionnel incluant le plus souvent la kinésithérapie respiratoire, on peut espérer une amélioration du syndrome restrictif et des atélectasies postopératoires au décours de la chirurgie abdominale, une amélioration de la fonction pulmonaire, des échanges gazeux et une prévention de l’œdème pulmonaire après chirurgie aorto- coronarienne, une amélioration de l’oxygénation pulmonaire sans effet hémodynami- que délétère ni majoration des fuites pleurales après chirurgie pulmonaire ou rachidienne [1].
Sevrage de la ventilation 477 Ces études, essentiellement physiologiques, montrent finalement que la VNI peut permettre d’améliorer les échanges gazeux et la fonction pulmonaire postopératoire sans effets délétères notables chez certains patients à risques. L’impact clinique (réintu- bation, morbidité, mortalité, coût des soins) d’une telle utilisation préventive de la VNI reste néanmoins encore à démontrer. 4. ASPECTS PRATIQUES PARTICULIERS DE LA VNI POST-EXTUBATION L’utilisation de la VNI au décours de l’extubation peut revêtir certains aspects pra- tiques particuliers, notamment lorsqu’elle est appliquée à l’extubation et au sevrage de la VM. Comme toute procédure de sevrage, l’extubation relayée par la VNI ne peut être envisagée que lorsque l’étiologie de l’IRA est en partie contrôlée et que les conditions extra-respiratoires sont satisfaisantes. Les patients sélectionnés doivent être capables de comprendre la technique et être suffisamment coopérants. Une toux et une dégluti- tion efficaces doivent être conservées pour préserver tout risque d’encombrement bronchique, et les patients initialement ou potentiellement difficiles à intuber doivent être exclus. La VNI ne pouvant être appliquée en continu de façon prolongée, les patients doivent disposer d’une certaine autonomie respiratoire, de l’ordre de 10 à 15 min lors de l’épreuve de sevrage en VS/T [20]. Après échec de cette épreuve, l’extubation relayée par la VNI pourra avoir lieu après une durée minimale de reventilation de 30 min dans le mode préalablement choisi sous VM [25, 26]. Ensuite, la VNI peut être le plus souvent appliquée rapidement de façon discontinue. Chez les patients chirurgicaux, cette stratégie doit tenir compte de la nécessité d’y associer une analgésie postopératoire et du fait qu’une IRA postopératoire peut traduire une complication chirurgicale nécessitant une réintervention. De plus, selon le niveau de pression appliquée et le type de chirurgie, la VNI pourrait favoriser l’insufflation digestive et l’inhalation. Chez les patients à risques, l’application préventive de la VNI en postopératoire pourrait également bénéficier d’une habituation à la VNI en pré-opé- ratoire. Enfin, l’utilisation de la VNI post-extubation, a fortiori dans le cadre du sevrage ventilatoire, implique très certainement de bien maîtriser la technique et de pouvoir réintuber le patient à tout moment. Elle ne peut donc se concevoir qu’au sein d’un service adapté, disposant d’une équipe entraînée et de moyens de surveillance adaptés. CONCLUSION L’avènement et le bénéfice clinique de la VNI en termes de morbidité et de morta- lité dans la prise en charge initiale de l’IRA ont conduit à proposer cette technique comme stratégie thérapeutique innovante au décours de l’intubation et dans les suites de l’extubation. Actuellement, il existe une certaine évidence pour extuber précocé- ment sous VNI et faciliter le sevrage de patients IRC sélectionnés, et des arguments de plus en plus tangibles pour recourir à la VNI en cas d’IRA post-extubation chez ces mêmes patients ou en postopératoire de chirurgie thoracique. L’application préventive de la VNI au décours d’une chirurgie chez des patients à risques postopératoires ne relève pour le moment que d’arguments physiologiques. D’autres études cliniques s’avè- rent encore nécessaires pour conforter ou confirmer l’ensemble de ces résultats très prometteurs, déterminer les patients les plus susceptibles d’en bénéficier et évaluer l’impact économique d’une telle stratégie non invasive en post-extubation.
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