Guide de pratique NUMÉRO 35 - Maladie thrombo-embolique veineuse CHEST 2016
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Guide de pratique NUMÉRO 35 P.12 MALADIE THROMBO-EMBOLIQUE VEINEUSE CHEST 2016 TRADUCTION ET COMMENTAIRES F. Couturaud A. Elias JP. Galanaud G. Le Gal G. Pernod www.portailvasculaire.fr La Lettre du Médecin Vasculaire n°35 - Juin 2016
Maladie trombo-embolique veineuse CHEST 2016 Traduction et Commentaires Kearon C, Akl EA, Ornelas J, Blaivas A, Jimenez D, Bounameaux H, Huisman M, King CS, Morris TA, Sood N, Stevens SM, Vintch JR, Wells P, Woller SC, Moores L. Antithrombotic Therapy for VTE Disease : CHEST Guideline and Expert Panel Report. Chest. 2016 Feb;149(2):315-52 Francis COUTURAUD ¹ (francis.couturaud@chu-brest.fr) Antoine ELIAS ² (antoine.elias@free.fr) Jean-Philippe GALANAUD ³ (jpgalanaud@gmail.com) Grégoire LE GAL 4 (gregoire.legal@gmail.com) Gilles PERNOD 5 (GPernod@chu-grenoble.fr) PREAMBULE que de suivre une recommandation donnée aura plus d’effets bénéfiques que d’effets indésirables. Outre le Grégoire Le Gal : Tel le guide Michelin pour les niveau des preuves disponibles (essais cliniques, …), gastronomes ou celui du routard pour les voyageurs, l’importance de l’écart entre risques et bénéfices, la chaque nouvelle édition du guide de pratique variabilité dans les valeurs et préférences des patients, clinique de l’ACCP ne manque pas de soulever et les implications médico-économiques sont aussi passions, incompréhensions voire polémiques chez prises en compte. La lettre A, B ou C qui accompagne les médecins impliqués dans la prise en charge des le grade reflète la qualité des données disponibles. patients atteints de thrombose. Ceci s’explique sans Le tableau ci-dessous résume la signification et doute en grande partie par notre tendance à mettre l’implication des différents grades. au même niveau toutes les recommandations qui y Enfin, il ne faut pas vouloir faire dire à ce guide plus figurent. Il faut toutefois souligner que le terme “Guide qu’il ne peut en dire : les auteurs rappellent que tout de pratique” serait sans doute plus approprié que ce qui n’est pas 1A indique qu’une autre interprétation “Recommandations” pour traduire “Clinical practice des données disponibles ou une autre pratique clinique guidelines”. Il y a finalement dans ce texte plus de peuvent être raisonnables et appropriées, et que même “suggestions” (grade 2) que de “recommandations” les recommandations de grade 1A ne s’appliqueront (grade 1). Il faut aussi rappeler que le grade n’est pas à tous les patients en toutes circonstances. Il n’y a pas exclusivement basé sur le niveau de preuve des du reste aucune recommandation 1A dans le chapitre données disponibles. Il est un jugement sur le fait présenté ici. La Lettre du Médecin Vasculaire n°35 - Juin 2016 12 - 13
1A Bénéfices clairement S’applique à la plupart des patients Il est très improbable que supérieurs aux risques dans la plupart des cas des études futures changent la confiance ou vice versa dans l’estimation de l’effet 1B Bénéfices clairement S’applique à la plupart des patients Il est très improbable que supérieurs aux risques dans la plupart des cas des études futures changent la confiance ou vice versa dans l’estimation de l’effet 1C Bénéfices clairement S’applique à la plupart des patients Des études de plus grande qualité supérieurs aux risques dans de nombreux cas auront probablement un impact ou vice versa important sur l’estimation de l’effet 2A Rapport bénéfice La meilleure conduite à tenir pourrait varier Il est très improbable que de futures études risque étroit en fonction des circonstances, des valeurs changent la confiance dans l’estimation du patient ou de la société de l’effet 2B Rapport bénéfice La meilleure conduite à tenir pourrait varier Des études de plus grande qualité pourraient risque étroit en fonction des circonstances, des valeurs avoir un impact important sur la confiance du patient ou de la société dans l’estimation de l’effet 2C Incertitude sur D’autres alternatives pourraient être Des études de plus grande qualité auront l’estimation des bénéfices tout aussi raisonnables. probablement un impact important sur et risques l’estimation de l’effet A : Plusieurs essais sans limitations importantes, ou données d’études d’observation exceptionnellement fortes B : Essais avec d’importantes limitations, ou données d’études d’observation très fortes C : Données concernant un élément majeur de la balance bénéfice risque issues d’essais ou d’études d’observation avec importantes limitations, ou données indirectes seulement. CHOIX ET DUREE DU TRAITEMENT les anticoagulants. Les AOD sont proposés en 1ère ANTICOAGULANT intention, mais avec un grade faible. Pour le cancer, les HBPM restent toujours de 1ère Francis Couturaud : les quelques modifications du intention, mais le grade accordé est faible. Cela tient dernier ACCP sont importantes avec quelques points au fait que les données reposent essentiellement sur clefs même si le grade de recommandation est une seule étude (CLOT). faible : (1) le positionnement des AOD en première intention pour les 3 premiers mois de traitement ; (2) 4. Chez les patients ayant une TVP des MI ou une EP la possibilité de prolonger le traitement avec l’AOD qui sont sous anticoagulants, nous suggérons qu’il utilisé initialement n’est pas nécessaire de changer de traitement après les 3 premiers mois (grade 2C). 1. Chez les patients ayant une TVP des MI ou une EP sans cancer, nous suggérons (3 premiers mois) le Francis Couturaud : cette recommandation est faible dabigatran, le rivaroxaban, l’apixaban ou l’edoxaban et ne tient pas compte de la dose de traitement. Si le plutôt que les anti-vitamines K (grade 2B). patient est sous AVK initialement, il reste donc sous AVK avec un objectif d’INR compris entre 2 et 3 ; si le 2. Chez les patients ayant une TVP des MI ou une EP patient est sous rivaroxaban, il reste à 20 mg. sans cancer, non traités par un AOD, nous suggérons En revanche, un patient sous apixaban initialement les AVK plutôt que les HBPM (grade 2C). (5 mg deux fois par jour) va réduire, au-delà de 3 à 6 mois, à 2,5 mg deux fois par jour : ce changement de 3. Chez les patients ayant une TVP des MI ou une dose est basé sur une seule étude, l’étude “AMPLIFY- EP avec cancer, nous suggérons (3 premiers mois) EXTENSION” qui s’adressait à des patients ayant un les HBPM plutôt que les AVK, le dabigatran, le risque modéré à faible de récidiver : certes 80% des rivaroxaban, l’apixaban ou l’edoxaban (tous grade 2C). patients avaient des épisodes non provoqués, souvent non sévères, quasiment pas d’épisodes thrombo- Gilles Pernod : le choix est donné à l’utilisation de tous emboliques initiaux récidivants ou associés à des www.portailvasculaire.fr La Lettre du Médecin Vasculaire n°35 - Juin 2016
facteurs persistants. En outre, les patients ayant une une évaluation des bénéfices risques annuelle doit thrombophilie biologique n’étaient pas inclus. être réalisée, susceptible de conduire à un arrêt de Les principaux résultats de cette étude est que le traitement en cas, par exemple, de risque hémorragique rapport bénéfice-risque est favorable en prolongeant devenu élevé. Ces patients, souvent âgés, sont aussi l’apixaban à 2,5 mg deux fois par jour par rapport à haut risque de développer d’autres pathologies au placebo et le rapport bénéfice-risque est à peine nécessitant un avis spécialisé sur le maniement des en faveur du bras apixaban 5 mg deux fois par jour traitements (notamment péri-opératoire). comparé au placebo. En revanche, aucune différence n’est observée dans le groupe demi-dose et le 8. Chez les patients ayant une TVP non provoquée groupe pleine dose en termes de récidives thrombo- des MI (distale isolée ou proximale) ou une EP, nous emboliques et d’hémorragies (or l’étude n’a pas été recommandons un traitement anticoagulant d’une calibrée pour cette démonstration). durée de 3 mois plutôt qu’un traitement plus court En d’autres termes, pour des patients à haut risque (grade 1B) et nous recommandons un traitement de de récidive ou de récidive sévère (ex : embolie 3 mois plutôt qu’un traitement limité plus long (6, 12 pulmonaire non provoquée à risque intermédiaire ou 24 mois) (grade 1B). élevé, récidivante ou associée à un facteur de risque persistant tel qu’une maladie inflammatoire), il n’a pas 9. Chez les patients avec un 1er épisode de MTEV non été démontré qu’une demi-dose d’apixaban était aussi provoqué (TVP proximale des MI ou EP) et qui ont un efficace et plus sûre qu’une dose pleine. risque hémorragique faible ou modéré, nous suggérons un traitement prolongé plutôt qu’un traitement 5. Chez les patients ayant une TVP proximale des de 3 mois (grade 2B) ; pour les patients qui ont un MI ou une EP provoquée par une chirurgie, nous risque hémorragique élevé, nous recommandons un recommandons un traitement anticoagulant d’une traitement de 3 mois plutôt qu’un traitement prolongé durée de 3 mois plutôt qu’un traitement plus court (grade 1B). (grade 1B) ou qu’un traitement limité plus long (6, 12 Un dosage des D-dimères réalisé un mois après l’arrêt ou 24 mois) (grade 1B) ou qu’un traitement prolongé du traitement anticoagulant peut influencer la décision (grade 1B). de poursuivre ou d’arrêter le traitement. Pas de date d’arrêt planifiée pour le traitement prolongé. Francis Couturaud : la remarque sur les D-dimères 6. Chez les patients ayant une TVP proximale des MI ou est très imprécise car aucun groupe de patient une EP provoquée par un facteur de risque transitoire potentiellement éligible à un dosage de D-dimères non chirurgical, nous recommandons un traitement n’est défini. Un des résultats importants est que des anticoagulant d’une durée de 3 mois plutôt qu’un D-dimères négatifs (dosés un mois après l’arrêt de traitement plus court (grade 1B) ou qu’un traitement traitement anticoagulant) ne permettent pas, à eux limité plus long (6, 12 ou 24 mois) (grade 1B). seuls, d’identifier des patients à faible risque de Nous suggérons un traitement de 3 mois plutôt qu’un récidive thrombo-embolique chez qui le traitement traitement prolongé en cas de risque hémorragique pourrait être stoppé (incidence annuelle d’une faible ou modéré (grade 2B), et nous recommandons un récidive de 4,5 à 11% dans les essais prospectifs). traitement de 3 mois plutôt qu’un traitement prolongé Si les D-dimères sont positifs, cela n’apporte rien en cas de risque hémorragique élevé (grade 1B). car les patients ayant une MTEV non provoquée sont En cas de traitement prolongé, l’indication doit en être candidats à un traitement anticoagulant prolongé réévaluée périodiquement (annuellement). non limité et le seul paramètre susceptible de contre- indiquer un traitement au-delà de 3 mois est le Francis Couturaud : un point important est ce que l’on risque hémorragique. Ainsi, le dosage des D-dimères entend par MTEV provoquée, les facteurs provoquants n’apporte pas d’information utile. majeurs sont constitués par la chirurgie (facteur transitoire majeur) et les facteurs provoquants non 10. Chez les patients avec un 2ème épisode de MTEV majeurs sont non chirurgicaux (estrogènes, grossesse, non provoqué (TVP proximale des MI ou EP) et qui ont traumatisme des membres inférieurs, trajet en avion un risque hémorragique faible, nous recommandons de plus de 8 heures). En l’absence de ces facteurs un traitement prolongé plutôt qu’un traitement de 3 et en l’absence de cancer, la MTEV est considérée mois (grade 1B) ; pour les patients qui ont un risque comme non provoquée. Ainsi, des facteurs comme hémorragique modéré, nous suggérons traitement l’immobilisation prolongée en médecine ne sont plus prolongé plutôt qu’un traitement de 3 mois (grade considérés comme provoquants. Enfin, la remarque en 2B); pour les patients qui ont un risque hémorragique italique est importante : quand bien même le patient élevé, nous suggérons un traitement de 3 mois plutôt demeure sous traitement anticoagulant au long cours, qu’un traitement prolongé (grade 2B). La Lettre du Médecin Vasculaire n°35 - Juin 2016 14 - 15
Score de KEARON Age > 65 ans Age > 75 ans Antécédent d’hémorragie Cancer Cancer métastatique Insuffisance rénale Insuffisance hépatique Thrombocytopénie Antécédent d’AVC Diabète Anémie Antiagrégants plaquettaires Contrôle anticoagulation de mauvaise qualité Comorbidités, incapacité fonctionnelle Chirurgie récente Chutes fréquentes Alcool Risque hémorragique absolu estimé (%) Faible (0 FDR) déré (1 FDR) Elevé (≥ 2 FRD) Anticoagulation 0 à 3 mois Risque de base 0.6 1.2 4.8 Risque majoré 1.0 2.0 8 Risque total 1.6 3.2 12.8 Anticoagulation > 3 mois Risque de base 0.3 0.6 ≥ 2.5 Risque majoré 0.5 1.0 ≥ 4.0 Risque total 0.8 1.6 ≥ 6.5 www.portailvasculaire.fr La Lettre du Médecin Vasculaire n°35 - Juin 2016
Francis Couturaud : pour les recommandations 5 à Gilles Pernod : tout dans la nuance (recommandons 10, le message est finalement le suivant, conforté / suggérons), mais une affaire de bon sens adapté au par les résultats de plusieurs essais thérapeutiques cas par cas. randomisés ayant comparé différentes durées de traitement anticoagulant : seulement deux options 12. Chez les patients ayant une TVP non provoquée des sont possibles, soit on traite court (3 mois), soit on MI ou une EP qui ont arrêté le traitement anticoagulant traite sans programmation de date d’interruption et n’ont pas de contre-indication à l’aspirine, nous (durée non limitée). Il n’y a pas de place pour des suggérons l’aspirine plutôt que l’absence d’aspirine durées intermédiaires de 6, 12 ou 24 mois, y compris pour prévenir la récidive de MTEV (grade 2C). dans la MTEV non provoquée. Une des nuances, non écrite, qui peut être apportée est sur la durée initiale Gilles Pernod : l’utilisation de l’aspirine dans la prise de 3 mois : qu’il s’agisse de la MTEV provoquée, en charge thérapeutique de la MTEV n’avait jusque-là ou de la MTEV non provoquée que l’on ne traiterait pas été envisagée. Entre temps, 2 essais randomisés ont pas sur une durée non limitée, le choix entre 3 ou 6 évalué l’intérêt de l’aspirine en prévention secondaire mois subsiste. D’une part, dans la méta-analyse de de la récidive de MTEV après un premier épisode Boutitie et collaborateurs*, il existe une tendance à idiopathique traité 6 à 18 mois. Les résultats sont assez un bénéfice sur le taux de récidive sur les 6 premiers inconsistants sur la récidive en elle-même mais amènent mois qui suivent l’arrêt de traitement dans le groupe des réflexions sur le contrôle du risque cardiovasculaire traité 6 mois comparé à 3 mois, mais cette tendance global. Ceci explique le caractère subliminal du disparaît à 2 ans de suivi. D’autre part, il est admis commentaire donné à cette suggestion : “Du fait que que dans le cadre d’une MTEV sévère initialement les effets attendus de l’aspirine sur la récidive sont (EP à risque intermédiaire élevé voire à haut risque ; moins importants que ceux des anticoagulants, nous thrombose veineuse ilio-cave), un traitement minimal ne considérons pas l’aspirine comme une alternative de 6 mois est probablement préférable (mais il n’y a crédible aux traitements anticoagulant”. En clair, si la pas de support scientifique). prescription s’intéresse à la réduction de la récidive de MTEV, elle doit porter sur des anticoagulants. S’agissant du risque hémorragique, il est important de rappeler qu’aucun score n’a été validé chez les patients ayant une MTEV ; les seuls scores disponibles PRISE EN CHARGE DES TVP DISTALES ont été validés dans la fibrillation auriculaire et le score proposé par l’ACCP n’a jamais été validé. Jean-Philippe Galanaud : dans ses dernières recom- Les conséquences sont importantes car le risque mandations, non modifiées par rapport à 2012, l’ACCP hémorragique est quantifié selon cette proposition aborde la problématique à la fois du diagnostic et de score et détermine la durée de traitement dans la de la prise en charge thérapeutique des TVP distales MTEV non provoquée isolées des membres inférieurs (sans TVP proximale ou embolie pulmonaire associée). 11. Chez les patients ayant une TVP des MI ou une EP avec cancer, et qui n’ont pas un risque hémorragique 13. Chez les patients avec une TVP distale isolée sans élevé, nous recommandons un traitement prolongé symptômes sévères ou facteurs de risque d’extension, plutôt qu’un traitement de 3 mois (grade 1B) ; pour nous suggérons une surveillance écho-Doppler pendant les patients qui ont un risque hémorragique élevé, 2 semaines plutôt qu’un traitement anticoagulant (grade nous suggérons un traitement prolongé plutôt qu’un 2C), avec symptômes sévères ou facteurs de risque traitement de 3 mois (grade 2B). d’extension, nous suggérons un traitement anticoagulant plutôt qu’une surveillance écho-Doppler (grade 2C). Facteurs de risque d’extension D-Dimères positifs (particulièrement si élevés sans autre explication) Thrombose extensive (> 5 cm de longueur, plusieurs veines atteintes, > 7 mm de diamètre) Thrombose proche des veines proximales Absence de facteur déclenchant transitoire Cancer actif Antécédent de MTEV Patient hospitalisé La Lettre du Médecin Vasculaire n°35 - Juin 2016 16 - 17
Jean-Philippe Galanaud : prise en charge diagnostique. d’extension à savoir une TVP près du réseau proximal, En cas de suspicion de TVP, deux attitudes diagnos- un cancer actif, un antécédent de maladie veineuse tiques sont proposées : thromboembolique, être hospitalisé ou avoir un - Echo-Doppler (ED) veineux proximal des membres dosage des D-Dimères supérieur au seuil, une TVP inférieurs à la recherche d’une TVP proximale et qui extensive (> 5cm de long, atteinte veineuse multiple, ne détecte donc pas les TVP distales, même si l’ED diamètre sous compression de plus de 7mm), absence proximal explore en pratique le tronc tibio-péronier. de facteur de risque transitoire (Grade 2C). Chez les patients ayant un ED proximal négatif et une haute probabilité clinique ou un dosage des D-Dimères Il est important de noter que : supérieur au seuil, il est recommandé de répéter l’ED à - un haut risque hémorragique incitera à surveiller une semaine afin de dépister une éventuelle extension plutôt qu’à traiter. proximale d’une TVP distale. - dans ces recommandations, les TVP musculaires - Echo-Doppler veineux complet des membres ne sont pas formellement identifiées comme des TVP inférieurs permettant un diagnostic positif des TVP mais comme des thromboses à plus faible risque. distales isolées. 7. Chez les patients ayant une TVP distale isolée des Quelle stratégie adopter ? MI provoquée par une chirurgie ou par un facteur de L’ACCP préconise l’ED Proximal car il estime que le risque transitoire non chirurgical, nous suggérons risque de faux positif et de traiter davantage de TVP un traitement anticoagulant d’une durée de 3 mois avec la stratégie ED complet n’est pas en faveur de plutôt qu’un traitement plus court (grade 2C), nous l’utilisation d’un tel examen. Cette suggestion n’est recommandons un traitement de 3 mois plutôt qu’un bien sûr pas transposable à la pratique française. traitement limité plus long (6, 12 ou 24 mois) (grade 1B), et nous recommandons un traitement de 3 mois 14. Chez les patients avec une TVP distale isolée et plutôt qu’un traitement prolongé (grade 1B). traités par anticoagulants, le traitement est le même que celui d’une TVP proximale (grade 1B). 8. Chez les patients ayant une TVP non provoquée des MI (distale isolée ou proximale) ou une EP, nous 15. Chez les patients avec une TVP distale isolée qui recommandons un traitement anticoagulant d’une bénéficient d’une surveillance écho-Doppler, nous ne durée de 3 mois plutôt qu’un traitement plus court recommandons pas de traitement anticoagulant si le (grade 1B) et nous recommandons un traitement de thrombus ne s’étend pas (grade 1B), nous suggérons un 3 mois plutôt qu’un traitement limité plus long (6, 12 traitement anticoagulant si le thrombus s’étend mais ou 24 mois) (grade 1B). reste infra-poplité (grade 2C), et nous recommandons un traitement anticoagulant si le thrombus s’étend en Jean-Philippe Galanaud : choix et duree du traitement proximalité (grade 1B). anticoagulant. Il est recommandé d’utiliser le même type de traitement anticoagulant (molécule, dose) Jean-Philippe Galanaud : prise en charge théra- qu’en cas de TVP proximale (Grade 1B). peutique. En cas de diagnostic de TVP distale isolée, La durée de traitement suggérée est de 3 mois que la 2 attitudes thérapeutiques sont possibles : TVP soit idiopathique ou secondaire à un facteur de - Surveillance échographique à la recherche d’une risque transitoire. Un traitement au-delà de 3 mois en extension de la TVP distale. Cette attitude est cas de TVP idiopathique n’est pas proposé et en cas de suggérée chez les patients peu symptomatiques TVP dans un contexte de cancer, le caractère distal de et sans facteurs de risque d’extension (Grade 2C). la TVP fait partie des éléments décisionnels en faveur Il n’existe pas de protocole clairement défini de de l’interruption du traitement anticoagulant. surveillance et l’ACCP suggère 2 écho-Doppler à 1 et 2 semaines. En l’absence d’extension, il Au total les recommandations, inchangées par rapport est recommandé de ne pas traiter (Grade 1B) aux précédentes, sont intéressantes car elles proposent ; en présence d’une extension proximale il est au clinicien un large choix de solutions de prise en recommandé de traiter par anticoagulation curative charge. Cependant, la plupart de ces propositions ne (i.e. TVP Proximale) (Grade 1B) et en présence d’une sont pas adaptées à notre pratique quotidienne (i.e. extension distale, au sein du mollet, l’indication à ED proximal…) et il ne faut pas perdre de vue que un traitement anticoagulant est suggérée (Grade 2C). la plupart des patients avec TVP distale présentent - Traitement anticoagulant systématique. Cette en pratique au moins un critère d’extension selon les attitude thérapeutique est suggérée chez les critères ACCP pouvant/devant justifier de la mise en patients symptomatiques et avec facteurs de risque route d’un traitement anticoagulant. www.portailvasculaire.fr La Lettre du Médecin Vasculaire n°35 - Juin 2016
THROMBOLYSE / FILTRE CAVE / COMPRESSION diagnostiques : le diagnostic d’un plus grand nombre ELASTIQUE d’EP sous-segmentaires avec les technologies de scanner les plus récentes ne s’est pas accompagné 16. Chez les patients avec une TVP aigüe des MI, nous d’une amélioration de la sécurité des stratégies suggérons un traitement anticoagulant seul plutôt diagnostiques. Autrement dit, ces EP n’étaient pas qu’une thrombolyse dirigée par cathéter (grade 2C). (ou moins souvent) diagnostiquées, sans que cela ne La décision peut être également fonction de la porte préjudice au patient. préférence des patients. Gilles Pernod : Ceci dit, quasiment aucune équipe Les auteurs accompagnent cette suggestion de interventionnelle n’utilise actuellement la thrombolyse nombreuses précautions : écho-Doppler veineux dirigée par cathéter. des membres inférieurs bilatéral pour s’assurer de l’absence de TVP associée, écho-Doppler des 17. Chez les patients avec une TVP aigüe des MI ou membres supérieurs chez les patients avec symptômes EP traités par anticoagulants, nous recommandons de évocateurs ou cathéter veineux central. Ils proposent ne pas poser de filtre cave (grade 1B). aussi de répéter l’écho-Doppler à une semaine pour détecter une éventuelle thrombose évolutive, en 18. Chez les patients avec une TVP aigüe des MI, rappelant que cette attitude permet de gérer de façon nous suggérons de ne pas utiliser de façon habituelle sécuritaire les patients avec suspicion d’EP chez qui de compression élastique pour prévenir un syndrome la scintigraphie de ventilation-perfusion s’avère non post-thrombotique (grade 2B). conclusive ; importance de discuter avec le radiologue Recommandation ciblée sur la prévention du SPT et non pour vérifier la qualité du scanner, le nombre des pas sur le traitement des symptômes. défauts de remplissage, l’absence d’embolie plus proximale ; prendre en compte les facteurs de risque, mais aussi les comorbidités et la “réserve” PRISE EN CHARGE DE L’EMBOLIE PULMONAIRE cardio-pulmonaire. Enfin, la décision ne peut se faire qu’après discussion avec le patient, et en l’absence 19. Chez les patients avec une EP sous-segmentaire de traitement, les patients doivent connaître les signes (sans extension plus proximale) et sans TVP proximale à surveiller. des MI*, avec un faible risque de récidive thrombo- embolique, nous suggérons une surveillance clinique Le sujet reste controversé, et les données disponibles plutôt qu’un traitement anticoagulant (grade 2C) ; vraiment limitées. A noter qu’une étude de cohorte avec un risque élevé de récidive thrombo-embolique, prospective dans laquelle les patients avec EP nous suggérons un traitement anticoagulant plutôt sous-segmentaires et sans TVP sont surveillés sans qu’une surveillance clinique (grade 2C). traitement anticoagulant est actuellement en cours en * Absence de TVP proximale vérifiée par écho-Doppler. France et dans d’autres pays**, et devrait apporter de La surveillance clinique peut être complétée d‘une précieuses informations sur ce sujet. surveillance écho-Doppler des veines proximales des MI. 20. Chez les patients avec une EP à faible risque de Facteurs de risque de récidive : mortalité et pour lesquels l’environnement à domicile - Patients hospitalisés ou à mobilité réduite est favorable, nous suggérons un traitement à domicile - Cancer actif ou après une courte hospitalisation plutôt qu’une prise - Absence de facteur de risque réversible (chirurgie récente) en charge standard (sortie après 5 jours de traitement) (grade 2B). Grégoire Le Gal : cette suggestion de ne pas traiter systématiquement par anticoagulants les patients Grégoire Le Gal : les données disponibles sont ici plus avec une EP sous segmentaire isolée repose surtout nombreuses, deux essais randomisés et de nombreuses sur des preuves indirectes. Aucun essai randomisé études d’observation se sont intéressées au sujet. n’est disponible. Les auteurs soulignent le plus grand Les auteurs suggèrent que le traitement à domicile est risque de faux positifs du scanner au niveau sous faisable chez les patients stables, ne nécessitant pas segmentaire, et suggèrent qu’il est probable qu’un d’oxygène ou de traitements intraveineux (antalgiques, embole de petite taille ait pour origine un thrombus héparine IV en cas d’insuffisance rénale, etc.), qui se de petite taille, dont le risque de récidive ou de sentent prêts à être traités à domicile, chez qui on complication est probablement plus faible. s’attend à une bonne observance thérapeutique, avec une bonne réserve cardio-pulmonaire, et sans contre- On pourrait aussi citer des arguments issus des études indication au traitement anticoagulant. La Lettre du Médecin Vasculaire n°35 - Juin 2016 18 - 19
Les auteurs citent le score PESI comme pouvant aider d’une thrombolyse, nous recommandons les mêmes à la décision, mais sans considérer un seuil précis au- intensité et durée de traitement anticoagulant que chez delà duquel les patients devraient être hospitalisés. les patients qui ne sont pas thrombolysés (grade 1B). Sans recommander son évaluation systématique, ils reconnaissent que la présence d’une dysfonction ventriculaire droite ou de marqueurs cardiaques positifs RECIDIVE DE MTEV SOUS TRAITEMENT devraient décourager un traitement ambulatoire. 29. Chez les patients qui présentent une récidive de 21. Chez les patients avec EP aigüe associée à une MTEV sous traitement par AVK (INR dans la zone hypotension (PAS < 90 mmHg) qui n’ont pas de thérapeutique) ou sous dabigatran, rivaroxaban, risque hémorragique élevé, nous suggérons une apixaban ou edoxaban (patients supposés être thrombolyse systémique plutôt que l’absence de compliants), nous suggérons de switcher vers les HBPM traitement (grade 2B) au moins temporairement* (grade 2C). * Habituellement, pour au moins 1 mois. 22. Chez la plupart des patients avec EP aigüe sans hypotension, nous recommandons de ne pas réaliser 30. Chez les patients qui présentent une récidive de de thrombolyse systémique (grade 1B). MTEV sous traitement HBPM au long cours (patients supposés être compliants), nous suggérons d’augmenter 23. Chez des patients sélectionnés avec EP aigüe les doses d’HBPM d’un quart à un tiers (grade 2C). qui présentent une altération cardio-pulmonaire La récidive de MTEV sous traitement anticoagulant est sous traitement anticoagulant mais qui n’ont pas inhabituelle et doit conduire à vérifier le diagnostic d’hypotension et qui ont un faible risque hémorragique, de récidive, évaluer la compliance au traitement nous suggérons une thrombolyse systémique plutôt anticoagulant, envisager un cancer. que l’absence de traitement (grade 2C). Antoine Elias : Les recommandations ici sont des 24. Chez les patients avec EP aigüe traitée par une suggestions car elles sont basées sur de faibles agent thrombolytique, nous suggérons une thrombolyse niveaux de preuve en l’absence d’études randomisées systémique plutôt qu’une thrombolyse dirigée par ou prospectives sur le traitement anticoagulant cathéter (grade 2C). dans cette situation. Le traitement est orienté en fonction de l’origine de la récidive de la maladie 25. Chez les patients avec EP aigüe associée à thromboembolique veineuse (MTEV). Deux catégories une hypotension et qui ont un risque hémorragique de facteurs de risque sont rapportées : facteurs liés élevé, dont la thrombolyse systémique a échoué, au traitement et ceux liés au patient. qui présentent un état de choc avec probabilité de décès avant que la thrombolyse ne soit efficace, et Facteurs liés au traitement : si les ressources nécessaires sont disponibles, nous Le risque de récidive est majeur à la phase initiale suggérons une thrombectomie percutanée mécanique du traitement. Une récidive précoce relèvera d’un plutôt que l’absence d’intervention (grade 2C). traitement anticoagulant plus “intensif” durant le premier mois (par exemple passage des AVK aux 26. Chez des patients sélectionnés avec Hypertension HBPM, ou augmentation des doses d’HBPM). Pour Pulmonaire Thromboembolique Chronique (HPTC) l’adaptation du traitement il est important de savoir diagnostiqués par une équipe experte dans le domaine quels sont les facteurs associés à la récidive : les de la thromboendartériectomie pulmonaire, nous HBPM étaient-ils utilisés ? le patient était-il observant suggérons une thromboendartériectomie pulmonaire ? le traitement par AVK était-il “sous-dosé” ? le plutôt que l’absence de geste (grade 2C). traitement anticoagulant était-il correctement prescrit ? existait-il une association médicamenteuse avec un anticoagulant oral direct (AOD) qui aurait pu faire TVP DES MEMBRES SUPERIEURS diminuer son effet ? la posologie de l’anticoagulant a-t-elle été diminuée ? existe-t-il une thrombopénie 27. Chez les patients avec TVP aigüe des MS qui héparino-induite (TIH) sous HBPM (non citée dans atteint la veine axillaire ou les veines plus proximales, cette partie du texte) ? nous suggérons un traitement anticoagulant seul plutôt Facteurs liés au patient : qu’une thrombolyse (grade 2C). le cancer actif est la cause la plus importante de récidive et doit être recherché. Les autres causes 28. Chez les patients avec TVP des MS qui bénéficient possibles sont : le syndrome des antiphospholipides www.portailvasculaire.fr La Lettre du Médecin Vasculaire n°35 - Juin 2016
(hypercoagulabilité, ou sous-dosage en AVK en raison de preuve élevé, le remplacement des anticoagulants de fausse augmentation de l’INR liée à la présence oraux (AVK, AOD) par HBPM ou l’augmentation de d’anticoagulants circulants de type lupique), la posologie de l’HBPM de 25-33% reste une option l’œstrogénothérapie ou la chimiothérapie pour cancer. intéressante car la plus “évidente” pour le moment. Prise en charge : Des preuves de qualité modérée font préférer les 1 Département de médecine interne et pneumologie, HBPM aux AVK chez les patients ayant une MTEV et Hôpital de la Cavale Blanche. CHRU de Brest. un cancer. Dès lors, en cas de récidive inexpliquée, il 2 Hôpital Sainte Musse. CH Toulon. La Seyne sur Mer est suggéré de faire un relais par HBPM pleine dose 3 Service de Médecine Vasculaire. CHRU de si le patient était sous AVK ou AOD, ou d’augmenter Montpellier. la dose d’HBPM de 25% si le patient était sous 4 Service de thrombose, Département de médecine, HBPM. Si nécessaire, un passage à deux injections L’Hôpital d’Ottawa, Ottawa, Canada sous-cutanées par jour (au lieu d’une seule injection) 5 Service de Médecine Vasculaire. CHU Grenoble permettra de délivrer des doses importantes d’HBPM. Alpes. Commentaires : *Boutitie F, Pinede L, Schulman S, Agnelli G, Le diagnostic de récidive doit être confirmé. La Raskob G, Julian J, Hirsh J, Kearon C. Influence présence de récidive va conduire à une modification du of preceding length of anticoagulant treatment and traitement anticoagulant. Le patient ayant une récidive initial presentation of venous thromboembolism on a un risque hémorragique plus important en raison de risk of recurrence after stopping treatment: analysis l’intensification du traitement pendant un mois, de la of individual participants’ data from seven trials. BMJ. durée du traitement qui sera étendue et du contexte 2011, May 24;342:d3036. clinique (cancer parfois). **Ndlr : “A Study to Evaluate the Safety of Withholding Le diagnostic de récidive de TVP ou d’EP est cependant Anticoagulation in Patients With Subsegmental PE un diagnostic difficile. En résumé, il doit être basé Who Have a Negative Serial Bilateral Lower Extremity sur des critères permettant de mettre en évidence Ultrasound (SSPE)”. ClinicalTrials.gov Identifier : une augmentation de la masse du thrombus ou son NCT01455818 extension à un autre segment veineux ou artériel pulmonaire. En raison de la persistance de séquelles, il est parfois difficile de faire la distinction entre un thrombus ancien et un thrombus récent. Des projets d’études sont en cours pour améliorer la performance des tests d’imagerie. En cas de récidive, il faut tenter d’identifier la cause. La présence de récidive doit faire rechercher un facteur de risque lié au traitement (type d’anticoagulant, posologie, intensité, modification de son effet pour différentes raisons, TIH, observance) ou lié au patient (cancer, SAPL, traitement par œstrogène ou chimiothérapie). La vérification de l’observance (compliance) du traitement est difficile. Il faut corriger les facteurs de risque modifiables (liés au traitement). Il faut adapter le traitement anticoagulant. Nous ne disposons que d’études observationnelles rétrospectives pour la gestion de la récidive de MTEV avec les anticoagulants et d’études de qualité modérée pour le traitement de la récidive chez un patient cancéreux qui font préférer les HBPM aux AVK. Pas de résultat d’études comparant HBPM et AOD chez le patient cancéreux mais uniquement des études en cours. Par défaut d’études de niveau La Lettre du Médecin Vasculaire n°35 - Juin 2016 20 - 21
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