Vitamine C et risque lithiasique
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◆ ARTICLE DE REVUE Progrès en Urologie (2003), 13, 1290-1294 Vitamine C et risque lithiasique Olivier TRAXER (1), Margaret Sue PEARLE (2), Bernard GATTEGNO (1), Philippe THIBAULT (1) (1) Service d’Urologie, Hôpital Tenon, Paris, France, (2) Department of Urology and Center for Mineral Metabolism and Clinical Research, The University of Texas Southwestern Medical Center, Dallas, Texas, USA RESUME La popularité de la vitamine C est liée à Linus Pauling qui, dans les années 70, a recommandé son utilisation pour la prévention de la grippe. Depuis, la prise de vitamine C s’est généralisée et elle est largement utilisée dans diverses pathologies. L’acide ascorbique (vitamine C) a été impliqué comme facteur de risque de la lithiase oxalo-calcique en raison de sa conversion enzymatique en oxalate. Cette responsabilité lithogène n’a cependant jamais été clairement éta- blie. Les études évaluant l’effet de l’acide ascorbique sur la lithogénèse ont produit des résultats contradictoires. L’acide ascorbique a également été largement utilisé comme acidifiant des urines pour le traitement des infec- tions urinaires chroniques ou récidivantes. Là encore, les données de la littérature sont contradictoires. Le but de cet article a été de faire le point sur les effets de l’acide ascorbique sur la lithogénèse et le pH urinai- res à partir d’une revue de la littérature. Mots clés : Acide ascorbique, vitamine C, lithiase rénale, calcul, oxalate. La lithiase rénale est une pathologie fréquente, récidivante et en ascorbique sur la lithogénèse et le pH urinaire à partir d’une revue constante expansion. Dans les pays industrialisés, elle affecte 5 à de la littérature. 10% de la population et est composée d’oxalate de calcium dans 80% des cas. En France, elle touche 8 à 10% de la population et ETAT DES CONNAISSANCES récidive dans environ 60% des cas. En 1993 aux Etats-Unis, la lithiase rénale était responsable de 0,9% des hospitalisations avec Historique une durée moyenne de séjour de 3 jours et un coût de 1,83 milliards de dollars [1, 43]. En France, la colique néphrétique aiguë est Le nombre d’articles originaux de recherche ou de revue concer- responsable de 1% des consultations dans les services d’accueil et nant l’acide ascorbique (vitamine C) est écrasant. Historiquement, d’urgences et 80% des coliques néphrétiques sont d’origine lithia- l’acide ascorbique a été utilisé comme acidifiant des urines chez les sique [60]. La morbidité liée à la lithiase rénale est considérable en patients porteurs de sondes urinaires à demeure ou souffrant d’in- raison des épisodes d’obstruction, d’infections ou d’hématurie. fections urinaires à répétition [6, 36, 59]. L’acidification des urines potentialise l’action de certains antiseptiques urinaires. Ainsi, la Si la lithotritie extra-corporelle et l’endo-urologie ont révolutionné Méthénamine (Mictasol®, Uraseptine Rogier®, Uromil®) est le traitement des calculs, l’exploration biologique et la prévention convertie de façon importante en milieu acide en formaldéhyde des récidives ne doivent pas pour autant être négligées. La compré- (métabolite actif de la Méthénamine) [36]. hension des mécanismes de formation de la lithiase urinaire est donc essentielle pour la prise en charge médicale des patients afin Cependant, les études évaluant l’acidification des urines par l’acide de réduire l’incidence, la morbidité et le coût de la lithiase rénale ascorbique ont produit des résultats contradictoires. McDONALD et [38]. Les principaux facteurs de risque de la lithiase oxalo-calcique MURPHY ont mis en évidence un effet acidifiant des urines après sont connus. Il s’agit de l’hyperoxalurie, l’hypercalciurie, l’hyperu- prise orale quotidienne de 2,5 g de vitamine C [31, 34, 35]. A l’op- raturie, l’hypocitraturie, le pH urinaire bas et le faible volume des posé, WALL et TISELIUS n’ont pas noté de modification du pH uri- urines [11]. naire après prise orale d’acide ascorbique [56]. L’acide ascorbique a été impliqué dans la formation des calculs La popularité de la vitamine C est en grande partie liée à Linus PAU- oxalo-calciques en raison de sa conversion en oxalate. Cependant, LING qui, dans les années 70, a recommandé son utilisation pour la les études évaluant l’effet de l’acide ascorbique sur la lithogénèse prévention de la grippe [20, 40, 41]. Depuis, la prise de vitamine C ont produit des résultats contradictoires [6, 7, 39, 51]. L’acide s’est généralisée et elle est largement utilisée pour des pathologies ascorbique a été également largement utilisé comme acidifiant des Manuscrit reçu : juillet 2003, accepté : octobre 2003 urines pour le traitement des infections urinaires chroniques ou Adresse pour correspondance : Dr. O. Traxer, Service d’Urologie, Hôpital Tenon, 4, rue récidivantes [3, 36, 59]. Là encore, les données de la littérature sont de la Chine, 75020 Paris. contradictoires. e-mail : olivier.traxer@tnn.ap-hop-paris.fr Ref : TRAXER O., PEARLE M.S., GATTEGNO B., THIBAULT P., Prog. Urol., 2003, 13, Le but de cet article a été de faire le point sur les effets de l’acide 1290-1294 . 1290
O. Traxer et coll., Progrès en Urologie (2003), 13, 1290-1294 aussi diverses que le diabète, l’asthme, la cataracte, les maladies 1100µmol/j). Cependant, une grande partie de l’oxalate est com- cardio-vasculaires ou cancéreuses et depuis peu dans les phénomè- plexée par le calcium dans l’intestin grêle puis excrété dans les nes de vieillissement en raison de son rôle anti-oxydant [15,16]. selles sous forme d’oxalate de calcium. Ainsi, l’absorption Ainsi, et particulièrement aux Etats-Unis, la consommation de vita- digestive d’oxalate n’excède pas 10 à 20% des apports alimen- mine C dépasse régulièrement de 10 à 20 fois les apports journaliers taires [30, 58]. HECKERS a montré que la concentration urinaire recommandés (60 mg/jour). d’oxalate pouvait augmenter de plus de 50% en cas d’alimenta- tion riche en oxalate [19]. Cependant, la majeure partie de l’oxa- En raison de cet excès de consommation d’acide ascorbique et de sa conversion en oxalate, plusieurs auteurs se sont interrogés sur un late urinaire est d’origine endogène correspondant au produit du possible effet lithogène de la vitamine C [21, 33, 47-49]. Là enco- métabolisme de l’acide glycoxylique et de l’acide ascorbique. re, les résultats se sont révélés contradictoires [17]. Les controver- L’acide glycoxylique dérive lui-même du métabolisme de la gly- ses viennent principalement de la difficulté à doser l’oxalate en pré- cine, de l’acide glycolique, de la sérine et représente environ 50 sence d’ascorbate et de sa possible conversion in vitro en oxalate [4, à 70% de l’oxalate urinaire. L’acide ascorbique est à l’origine 10, 42]. d’environ 35 à 55% (10 à 20 mg) de l’oxalate urinaire. Enfin, une part mineure est liée au métabolisme du tryptophane, de la De nombreuses études ont rapporté une élévation de l’oxalate uri- phénylalanine, de la tyrosine, de l’acide aspartique et des puri- naire chez des sujets sains après prise d’acide ascorbique, alors que nes. d’autres n’ont pas noté de modifications. Les résultats ont été tout aussi contradictoires pour les patients lithiasiques [9, 17]. Les techniques récentes de mesure de l’oxalurie (par chromatogra- phie) ont montré que les anciens procédés étaient inappropriés Pharmacocinétique de l’acide ascorbique parce qu’ils favorisaient la conversion in vitro de la vitamine C uri- naire en oxalate. Parallèlement, le stockage des urines sur milieu L’absorption de la vitamine C se fait dans le tube digestif par l’in- alcalin augmente artificiellement l’oxalurie par conversion in vitro termédiaire d’un transporteur actif sodium-dépendant . Ce procédé de l’acide ascorbique en oxalate. FITURI a ainsi montré que le est saturable et la capacité d’absorption est atteinte après une dose chauffage des échantillons d’urine contenant de l’acide ascorbique unique de 3 grammes [4, 22-24]. La pharmacocinétique de l’acide augmentait de façon artificielle l’oxalurie de 298 +/- 120 à 434 +/- ascorbique suit une distribution non linéaire, l’absorption gastro- 260 µmol [14]. De la même façon, HUGHES a montré chez 39 sujets intestinale et la réabsorption tubulaire rénale étant deux procédés volontaires sains que l’utilisation d’une méthode de mesure colori- saturables. En utilisant de l’acide ascorbique marqué au carbone 14, HORNING a montré qu’avec une prise unique de 1, 2, 3, 4 et 5 g métrique nécessitant de chauffer les échantillons d’urine augmen- d’acide ascorbique la proportion d’acide ascorbique excrété dans tait par un facteur 2 la concentration d’oxalate urinaire en compa- les urines diminuait de 75% pour une dose absorbée de 1g, à 20% raison avec une méthode de mesure enzymatique sans chauffage, et pour une dose absorbée de 5 g [24]. Une autre étude a montré que ceci qu’elle que soit la prise d’acide ascorbique (1, 3, 6 ou 9g par le taux d’acide ascorbique urinaire diminuait de 57% pour une jour). Les mêmes auteurs ont également montré que pour ces prise de 2 fois 500 mg à 19% pour une prise de 3 fois 2 g par jour mêmes doses, la majeure partie était excrétée dans les urines sous [25]. Selon l’étude de MÉLÉTHIL, la clearance rénale de l’acide forme inchangée [25]. Par ailleurs, SCHMITT a montré que l’excré- ascorbique serait directement dépendante de la concentration plas- tion d’oxalate urinaire retournait à son niveau de base au plus tard matique [32]. En raison d’un processus saturable pour la réabsorp- un jour après arrêt de la prise orale d’acide ascorbique [46]. La tion tubulaire, la proportion d’acide ascorbique retrouvé dans les mesure de la concentration d’oxalate urinaire après prise de 2 g de urines diminue de 73,2 +/- 25,7% pour un apport de 500 mg/j à vitamine C dans des urines fraîches ou après stockage pendant 90 35,8 +/- 12% pour un apport de 2 g de vitamine C. Une étude jours a montré qu’une grande partie de l’oxalate urinaire se formait récente a montré que pour obtenir un taux d’acide ascorbique uri- in vitro au moment du stockage. Qui plus est, cette conversion in naire détectable il fallait consommer des doses supérieure à 500 mg vitro est d’autant plus importante que le stockage se fait à tempé- toutes les 12 heures [27]. L’acide ascorbique retrouvé dans les uri- rature ambiante et en milieu alcalin. nes correspond à la part non métabolisée mais l’acide ascorbique Cette conversion in vitro de l’acide ascorbique urinaire en oxalate, peut également être excrété au niveau urinaire sous la forme d’oxa- au moment des procédures de stockage et de mesure, souligne l’im- late et pour une moindre part au niveau respiratoire sous la forme portance de la préparation des échantillons urinaires avant mesure de CO2. Au niveau urinaire, le rapport entre oxalate et acide ascor- de l’oxalate urinaire. Malheureusement la majeure partie des publi- bique décroît avec l’augmentation de la concentration urinaire d’a- cations ne spécifie pas les conditions et la durée de stockage des cide ascorbique. Ceci explique que le processus de transformation échantillons urinaires. de l’acide ascorbique en oxalate est également un processus limité [53]. Par ailleurs, les comprimés d’acide ascorbique utilisés dans toutes ces études ne sont pas toujours constitués d’acide ascorbique pur. Origines et mesure de l’oxalate urinaire La présence d’excipients, présents dans les comprimés du commer- Classiquement, l’adulte sain excrète dans ses urines entre 15 et ce, a pu également modifier les résultats. Là encore, la majorité des 40 mg/j d’oxalate (170 à 450 µmol/j) sous régime alimentaire publications ne spécifie pas la nature exacte des comprimés utilisés. équilibré. Les patients atteints d’hyperoxalurie primaire peuvent Ces différences méthodologiques peuvent expliquer à elles-seules excréter des quantités très importantes d’oxalate pouvant dépas- et en grande partie les résultats contradictoires rapportés dans la lit- ser 100 mg par jour (supérieur à 1100 µmol/j). Une partie de térature. l’oxalate urinaire est d’origine alimentaire. Les aliments riches en oxalate sont nombreux et variés (cacao, thé, épinards, rhubar- Désormais, on sait que la mesure de l’oxalate urinaire en présence d’a- be, bettes, poivre …). L’apport moyen en oxalate dans un régi- cide ascorbique doit s’effectuer sur des urines collectées en milieu acide me alimentaire équilibré varie entre 80 et 100 mg (890 à et immédiatement réfrigérées pour permettre de bloquer la conversion non-enzymatique (in vitro) de l’acide ascorbique en oxalate. 1291
O. Traxer et coll., Progrès en Urologie (2003), 13, 1290-1294 DONNEES CLINIQUES pas mis en évidence d’augmentation du risque lithogène lié à la prise d’acide ascorbique. Il a par ailleurs montré que les sujets Acide ascorbique et lithogénèse lithiasiques, par comparaison aux sujets sains, n’avaient pas d’ap- Les résultats des études cliniques évaluant la responsabilité de l’a- ports plus importants en vitamine C [12-13]. En 2002, RODGERS a cide ascorbique dans la lithogénèse oxalo-calcique sont contradic- publié les résultats d’une étude évaluant les effets de 5 régimes ali- toires. mentaires différents sur la lithogénèse urinaire chez deux groupes de sujets sains de race noire et de race blanche. Un des cinq régi- Chez le sujet sain mes était enrichi en vitamine C (2 grammes par jour). Les auteurs Les études les plus anciennes ont rapporté une augmentation de n’ont pas noté de modification de l’oxalurie pour les deux groupes l’oxalurie. Lamden a mis en évidence une augmentation de 45 de sujets en rapport avec la prise d’acide ascorbique [45]. Deux cri- mg/jour du taux d’oxalate urinaire après prise orale de 8 g/jour de tiques majeures peuvent cependant être faites : les auteurs ont éva- vitamine C [28]. TAKENOUCHI a confirmé ces résultats, de même lué uniquement des sujets sains sans antécédents lithiasiques, et ils que TAKIGUCHI (3 g/jour) [12, 52]. En 1973, BRIGGS a rapporté une n’ont pas contrôlé de façon stricte les apports alimentaires. augmentation de 622 µmol/jour du taux d’oxalate urinaire après Finalement, deux très récentes études sont venues une fois de plus prise orale de 4 g/jour de vitamine C [5]. KALLNER et HATCH ont eux contredire les données de la littérature en affirmant que l’acide aussi rapporté une augmentation de l’oxalurie en rapport avec des ascorbique était un facteur de risque pour la lithiase oxalo-calcique prises importantes de vitamine C (respectivement 5 et 4 g/jour) [18, [2, 54]. 26]. Si la prise d’acide ascorbique a pu être en partie responsable de l’augmentation de l’oxalurie, elle n’est pas suffisante pour expli- BAXMANN a évalué l’effet de l’acide ascorbique sur la lithogénèse quer de telles augmentations, particulièrement pour l’observation et le pH urinaire chez 47 sujets lithiasiques et 20 sujets sains. 23 de BRIGGS [5]. C’est précisément dans ces études que les conditions sujets lithiasiques et 20 sujets sains ont reçu 1 gramme de vitamine de mesure de l’oxalurie et de stockage des échantillons d’urine font C/jour pendant 3 jours et les 24 autres sujets lithiasiques ont reçu 2 défaut. Il semble donc que la conversion in vitro d’acide ascorbique grammes/jour pendant 3 jours. Les auteurs ont observé une aug- en oxalate soit le principal facteur de ces modifications. mentation significative de l’oxalurie chez les patients lithiasiques et les sujets sains qu’elle que soit la dose d’acide ascorbique absorbée. Les études les plus récentes contrôlant la conversion in vitro de l’a- Ils ont également montré qu’il existait une augmentation significa- cide ascorbique n’ont pas retrouvé de modification de l’oxalurie ou tive du risque lithiasique par calcul de l’index de Tiselius. Enfin, dans de faibles proportions. Ainsi, LEVINE a montré qu’il existait aucune modification du risque lithiasique n’a été observée pour les une augmentation de l’oxalurie de 300 à 440 µmol/j après une prise deux groupes de patients et pour les deux dosages d’acide ascor- de 1 gramme d’acide ascorbique chez le sujet sain. Les auteurs ont bique. Bien que les apports alimentaires n’aient pas été contrôlés de utilisé une méthode prévenant la conversion in vitro de l’acide manière stricte, les résultats de cette étude sont en accord avec ceux ascorbique en oxalate. Même si une oxalurie de 440 µmol/j reste de TRAXER [2, 54]. dans les normes, l’augmentation a été statistiquement significative [29]. A l’inverse, les études de SCHMIDT, HUGHES et FITURI n’ont pas Cette seconde étude a été menée sur un groupe de sujets sains et un noté de modification de l’oxalurie après prise quotidienne de 2 ou 4 groupe de sujets lithiasiques et a évalué les effets de l’acide ascor- grammes d’acide ascorbique [14, 25, 46]. Finalement, la Troisième bique sur la lithogénèse et le pH urinaire. Douze sujets volontaires Conférence de Consensus sur la Vitamine C concluait en 1987 qu’il sains et douze sujets aux antécédents de calculs oxalo-calciques ont “semblait raisonnable d’affirmer que la prise orale de doses impor- participé à cette étude. Il s’agissait d’une étude randomisée en dou- tantes de vitamine C ne constituait pas un facteur de risque pour la ble aveugle comprenant une phase thérapeutique de 7 jours (admi- lithiase oxalo-calcique chez la majorité des sujets sains” [44]. nistration d’acide ascorbique pur) et une phase contrôle de 7 jours (placebo) séparées par une période d’inactivité de 7 à 21 jours. Chez le sujet lithiasique Durant la phase thérapeutique (acide ascorbique), les sujets ont reçu Les résultats des études chez les sujets lithiasiques sont encore chaque jour 2 grammes d’acide ascorbique. Durant la phase contrô- moins précis. le (placebo), ils ont reçu un placebo d’aspect identique aux compri- més d’acide ascorbique. L’alimentation et les boissons ont été iden- En 1978, SMITH a rapporté une augmentation importante de l’oxa- tiques et contrôlées durant les 2 phases de l’étude (“cage métabo- lurie chez 5 sujets lithiasiques après prise de 4 g/jour d’acide ascor- lique”). Les urines de 24 heures ont été collectées les deux derniers bique [50]. Là encore, cette augmentation semble avoir été liée à la jours de chaque phase pour les études biochimiques et physico-chi- méthode de mesure qui aurait favorisé la conversion non-enzyma- miques (J5-J6 et J6-J7). Chaque collection d’urines s’est effectuée tique de l'acide ascorbique en oxalate. En 1985, PENDSE a observé pour moitié sur milieu acide (10 ml HCl) pour prévenir la conver- une augmentation significative de l’oxalurie chez des patients sion in vitro de l’acide ascorbique en oxalate et pour moitié sur lithiasiques après prise de 6 g/jour de vitamine C en ayant contrôlé milieu huileux (30 ml) pour mesure du pH, du chlore et de l’acide la conversion in vitro de l’acide ascorbique en oxalate [42]. urique. Chaque collection a été immédiatement réfrigérée pour pré- venir la conversion in vitro de l’acide ascorbique en oxalate. Un En 1986, CHALMERS a proposé une théorie séduisante pour expli- bilan sanguin a été réalisé la veille (J0) et le matin des 2 derniers quer les modifications de l’oxalurie chez les sujets lithiasiques. Il a jours de chaque phase (J6-J7). montré que l’hyper-oxalurie des sujets lithiasiques après prise orale de vitamine C, était liée à une hyper-absorption intestinale d’oxala- Aucune anomalie n’a été notée sur les bilans sanguins réalisés à J0, te provenant de la conversion in situ de l’acide ascorbique en oxa- J6 et J7 pour tous les sujets et pour les 2 phases de l’étude. Pour late [8]. URIVETZKY a confirmé les résultats de CHALMERS [55]. Les chaque sujet, aucune différence significative n’a été observée entre études les plus récentes n’ont pas rapporté de modification de l’oxa- les 2 phases de l’étude pour l’ensemble des paramètres sanguins. lurie chez les sujets lithiasiques après prise orale de vitamine C [7, L’augmentation de l’oxalurie a été significative pour les deux grou- 12, 13, 57]. Ainsi, les études prospectives récentes de CURHAN n’ont pes de sujets : augmentation de 20% pour les sujets sains et de 33% 1292
O. Traxer et coll., Progrès en Urologie (2003), 13, 1290-1294 pour les sujets lithiasiques. De la même manière, le taux de satura- REFERENCES tion relative des urines en oxalate de calcium a significativement 1. ASPLIN J.R., FAVUS M.J., COE F.L. : Nephrolithiasis. In : The Kidney, edi- augmenté pour les deux groupes de sujets. La signification clinique ted by Brenner B.M., fifth edition, Philadelphia : W.B. Saunders Co., 1966 ; d’une telle augmentation n’a pas été évaluée et à partir des résultats 1893-1935. de cette étude, seule une augmentation du risque lithogène peut être 2. BAXMANN A.C., DE O.G MENDOGA C, HEILBERG IP. : Effect of vita- évoquée. Enfin, les sujets sains et lithiasiques ont répondu de la min C supplements on urinary oxalate and pH in calcium stone-forming même façon à la prise d’acide ascorbique. En effet, l’augmentation patients. Kidney Int., 2003 ; 63 : 1066-1071. du risque lithogène n’a pas été plus importante pour les sujets lithia- 3. BARTON C.H., STERLING M.L., THOMAS R., VAZIRI N.D., BYRNE C., RYAN G. : Ineffectiveness of intravenous ascorbic acid as an acidifying siques [54]. agent in man. Arch. Intern. Med., 1981 ; 141 : 211-212. Acide ascorbique et pH urinaire 4. BODE A.M. : Metabolism of vitamin C in health and disease. Advances in Pharmacology, 1997 ; 38 : 21-35. MC DONALD et MURPHY ont mis en évidence un effet acidifiant des 5. BRIGGS M.H., GARCIA-WEBB P., DAVIES P. : Urinary oxalate and vita- urines après prise orale quotidienne de 2.5 g de vitamine C [31, 34, min-C supplements. Lancet, 1973 ; 2 : 201. 35]. A l’opposé, WALL et TISELIUS n’ont pas noté de modification du 6. CASTELLO T., GIRONA L., GOMEZ M.R., MENA-MUR A., GARCIA L. pH urinaire [56]. : The possible value of ascorbic acid as a prophylactic agent for urinary tract infection. Spinal Cord., 1996 ; 34 : 592-593. Les deux récentes études sur l’effet de l’acide ascorbique chez le 7. CHALMERS A.H., COWLEY D.M., BROWN J.M. : A possible etiological sujet sain et le sujet lithiasique ont confirmé les travaux les plus role for ascorbate in calculi formation. Clin. Chem., 1986, 32, 333-336. récents. A savoir, l’absence d’acidification des urines pour une prise 8. CHALMERS A.H., COWLEY D.M., MCWHINNEY B.C. : Stability of de 1 à 2 grammes par jour d’acide ascorbique [2, 54]. Toutefois, ces ascorbate in urine : relevance to analyses for ascorbate and oxalate. Clin. Chem., 1985 ; 31 : 1703-1705. études ne permettent pas de conclure sur l’effet de doses plus 9. COSTELLO J. : Ascorbic acid overdosing : A risk factor calcium oxalate importantes. Il faut cependant se souvenir que l’absorption intesti- nephrolithiasis. J. Urol., 1993 ; 149 : 1146. nale de vitamine C est un processus actif saturé pour une prise orale 10. CRAWFORD G.A., MAHONY J.F., GYORY A.Z. : Measurement of urina- unique de 3 grammes [27]. ry oxalate in the presence of ascorbic acid. Clin. Chim. Acta., 1985 ; 147 : 51-57. IMPLICATIONS THERAPEUTIQUES 11. CURHAN G.C. : Epidemiologic evidence for the role of oxalate in idiopa- thic nephrolithiasis. J. Urol., 1999 ; 13 : 629-631. Pour les patients aux antécédents de calculs oxalo-calciques les 12. CURHAN G.C., WILLET W.C., RIMM E.B., STAMPFER M.J. : A pro- données de la littérature permettent d’affirmer qu’ils doivent limi- spective study of the intake of vitamins C and B6, and the risk of kidney sto- nes in men. J. Urol., 1996 ; 155 : 1847-1851. ter leurs apports quotidiens en vitamine C sans dépasser une dose 13. CURHAN G.C., WILLET W.C., SPEIZER F.E., STAMPFER M.J. : Intake quotidienne que l’on peut fixer à 500 mg. D’une façon encore plus of vitamins B6 and C and the risk of kidney stones in women. J. Am. Soc. stricte, il est possible de recommander aux patients lithiasiques de Nephrol., 1999 ; 10 : 840-845. ne pas dépasser les apports quotidiens nécessaires de 60 mg [37]. 14. FITURI N., ALLAWI M., BENTLEY M., COSTELLO J. : Urinary and plas- En pratique, cette dose d’acide ascorbique est apportée par 2 verres ma oxalate during in gestion of pure ascorbic acid : A reevaluation. Eur. de jus d’orange (1 litre de jus d’orange contenant 350 mg de vita- Urol. 1983 ; 9 : 312-315. mine C).[22]. 15. FREI B., ENGLAND L., AMES B.N. : Ascorbate is an outstanding antioxi- dant in human blood plasma. Proc. Natl. Acad. Sci., 1989 ; 86 : 6377-6381. Pour les sujets sains, il ne semble pas licite de préconiser une limi- 16. GERSHOFF S.N. : Vitamin C (Ascorbic Acid) : new roles, new require- tation d’apport en vitamine C. ments ? Nutr. Rev., 1993 ; 51 : 313-326. 17. GERSTER M. : No contribution of ascorbic acid to renal calcium. Ann. Nutr. Enfin, l’utilisation de l’acide ascorbique à la dose de 2g/jour est Metabolism, 1997 ; 41 : 269-282. inefficace pour acidifier les urines. Son utilisation dans cette indi- 18. HATCH M., MULGREW S., BOURKE E., KEOGH B., COSTELLO J. : cation n’est donc pas recommandée. Effect of megadoses of ascorbic acid on serum and urinary oxalate. Eur. Urol. 1980 ; 6 : 166-169. CONCLUSION 19. HECKERS H, WAGNER I, SCHMELZ E, TRENKEL A. : Zur diätetischen Therapie und Prävention von Calcium-oxalat-Nierensteinen. Ernährung- sumschau, 1993 ; 40 : 416-420. L’acide ascorbique (vitamine C) a été impliqué comme facteur de 20. HEMILA H. : Vitamin C supplementation and common cold symptoms : risque de la lithiase oxalo-calcique en raison de sa conversion enzy- problems with inaccurate reviews. Nutrition, 1996 ; 12 : 804-809. matique en oxalate. Cette responsabilité lithogène n’a jamais été 21. HERBERT V. : Risk of oxalate stones from large doses of vitamin C. N. clairement établie, de même que son effet acidifiant des urines. Engl. J. Med., 1978 ; 298 : 856. Les données les plus récentes de la littérature ont montré que la 22. HORNIG D. : Metabolism of ascorbic acid. World Rev. Nutr. Diet., 1975 ; prise quotidienne de 1 à 2 grammes d’acide ascorbique augmentait 23 : 225-258. de façon significative l’oxalurie chez les sujets sains et lithiasiques 23. HORNIG D. : Distribution of ascorbic acid, metabolites and analogues in man and animals. Ann. NY Acad. Sci., 1975 ; 258 : 103-118. et de façon significative les taux de saturation relative des urines en 24. HORNIG D., VUILLEUMIER J.P., HARTMANN D. : Absorption of large, oxalate de calcium. L’ensemble de ces résultats confirme que l’a- single, oral intakes of ascorbic acid. Int. J. Vitam. Nutr. Res., 1980 ; 50 : 309- cide ascorbique est un facteur de risque pour la lithiase oxalo-cal- 314. cique, même si la signification clinique d’un tel risque n’a pas été 25. HUGHES C., DUTTON S., TRUSWELL A.S. : High intakes of ascorbic évaluée. A l’inverse, aucun effet de l’acide ascorbique sur le pH acid and urinary oxalate. J. Hum. Nut., 1981 ; 35 : 274-280. urinaire n’a été mis en évidence aux doses de 1 à 2 grammes par 26. 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