5 questions autour du rachat de Motorola par Lenovo
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5 questions autour du rachat de Motorola par Lenovo Analyse : Le rachat surprise du fabricant de smartphones par le géant chinois est une opération coûteuse mais logique pour Google. Du côté de Lenovo, ce sont les portes du marché américain qui s'ouvrent en grand. Par Olivier Chicheportiche | Jeudi 30 Janvier 2014 7Réactions C'est la première grosse opération de l'année dans les télécoms : Google a surpris son monde en annonçant céder Motorola à Lenovo. En tout, le groupe chinois débourse 2,91 milliards de dollars pour reprendre la marque américaine, dont 650 millions en cash, 750 millions en actions et le solde, 1,5 milliard, payables dans trois ans. Au-delà de la surprise suscitée par cette annonce, il s'agit bien d'un mouvement stratégique pour Google qui se débarrasse d'un fabricant qui n'a jamais réussi à remonter
la pente dans les smartphones tout en conservant son magnifique portefeuille de brevets. C'est aussi une bonne affaire pour Lenovo, qui poursuit sa transformation et sa croissance géographique en prenant des positions aux Etats-Unis. Explications. 1 - Un constat d'échec pour Google ? En partie. Lorsque Google s'offre Motorola pendant l'été 2012 pour la somme colossale de 12,4 milliards de dollars , le fabricant de smartphones est déjà en grande difficulté avec moins de 3% de parts de marché. Ancien numéro deux mondial, Motorola a comme Nokia raté le virage des smartphones. Malgré quelques timides tentatives, avec le Moto X et le Moto G, le groupe sous la houlette de Google n'a jamais pu jouer dans la cour des grands (et n'a d'ailleurs jamais vraiment cherché à le faire) et revendique aujourd'hui une part de marché autour des 1%. Il n'y avait donc pas matière à lutter : "Lenovo a l'expertise et les capacités pour faire de Motorola un acteur majeur de l'écosystème Android", a ainsi commenté le directeur général de Google, Larry Page, dans un communiqué. Et de poursuivre : "Le marché des smartphones est super concurrentiel et pour réussir, il vaut mieux s'y mettre à fond. C'est pourquoi je pense que Lenovo, qui a une activité de smartphones en forte croissance et qui est le numéro un mondial des PC, s'occupera mieux de Motorola." Il faut aussi rappeler que Google perdait la coquette somme de 200 à 300 millions de dollars chaque trimestre avec sa division. De toutes façons, les mobiles de Motorola n'ont jamais intéressé Google et le moteur ne s'en est jamais caché...
2 -Google conserve-t-il l'essentiel ? Oui. En 2012 déjà, au moment du rachat, Google explique : "Notre acquisition de Motorola va dynamiser la concurrence en renforçant le portefeuille de brevets de Google, ce qui nous permettra de mieux protéger Android des menaces anticoncurrentielles de Microsoft, Apple et d’autres compagnies". Google avait à l'époque dénoncé le consortium qui s’était formé contre lui à l’occasion du rachat des brevets Nortel. Armé de ces brevets, Google peut mieux défendre Android dans les procès en cours qui visent directement l’OS (cf. procès Oracle) et les fabricants de terminaux (HTC, Samsung…). Le géant de la recherche conserve donc la très grande majorité des 25 000 brevets de Motorola, la plupart historiques (les premiers ont été déposés dans les années 1970) et essentiels. Et c'est pour Google l'essentiel. Objectif : "continuer à les utiliser pour défendre l'écosystème d'Android", explique-t-il. 3 - Google perd-il gros ? On peut le croire. Acheté plus de 12 milliards de dollars puis revendu à moins de 3 milliards, la perte sèche paraît sévère. Mais Google ne s'en tire pas si mal. On l'a dit, il y a le porte-feuille de brevets conservé par Google. "Est-ce que les brevets valent 7 milliards ? Je ne le sais pas, mais c'est une question importante", s'interroge néanmoins Ramon Llamas, analyste chez IDC interrogé par l'AFP. Par ailleurs, Google s'est séparé en décembre 2012 d'une partie de Motorola, à savoir l’activité boitiers TV de sa filiale cédée à Arris, un fournisseur d’infrastructures télécoms
pour 2,3 milliards de dollars , dont 2,05 milliards en cash (le reste en actions). Bref, le moteur a finalement récupéré 5,2 milliards de dollars environ de son acquisition. 4 - Quels bénéfices pour Lenovo ? Ils sont multiples. Dans le mobile, Lenovo est un acteur émergent mais en forte croissance notamment en Chine où sa part atteint 12,7%. Il a ainsi livré 45,5 millions d'unités en 2013 contre 23,7 millions un an plus tôt. Dans les smartphones, sa part de marché est de 4,9%. Rappelons qu'il est le numéro un mondial des PC. Avec Motorola (absent du Top 5 mondial), Lenovo va bien évidemment monter dans la hiérarchie mais il s'ouvre surtout les portes du marché américain où il est peu présent. A la différence de Motorola, acteur historique du marché US (notamment pour Android), qui y conserve des positions fortes et des relations étroites avec les opérateurs. Yang Yuanqing, patron de Lenovo, a ainsi souligné que l'acquisition offrait "l'occasion de devenir immédiatement un acteur solide au niveau mondial dans le secteur en forte croissance des smartphones". Lenovo s'offre également une marque forte, connue dans le monde entier et légitime. Ce "brand asset", comme disent les financiers américains est un actif de taille. On peut également évoquer une expertise forte des ingénieurs Motorola qui devrait aider Lenovo à consolider sa croissance dans les smartphones et le haut débit mobile. Avec sa force de frappe industrielle, Lenovo pourrait rendre Motorola plus flexible, plus proche des attentes du marché. Comme il l'a fait avec les PC d'IBM avec le résultat que l'on connaît.
Ce rachat est également une nouvelle étape dans la transformation du groupe qui entend dominer quatre marchés : PC, mobile, entreprise et Cloud . Cette transformation a débuté par le rachat des PC d'IBM en 2006 puis de son activité serveurs x86 il y a quelques jours, pour 2,3 milliards de dollars. Lenovo justifie cette réorganisation par une volonté stratégique de développer l’entreprise en-dehors de son activité traditionnelle de constructeur d’ordinateurs. Une évolution que les principaux fabricants, dont IBM, ont tous suivie, avec plus ou moins de succès. 5 - Les Américains vont-ils laisser faire ? La question est sensible. Curieusement, le rachat des serveurs d'IBM par le chinois n'a pas suscité une émotion particulière à Washington pourtant si prompt à dénoncer l'entrisme des géants chinois au pays de l'Oncle Sam. Reste à savoir si cette nouvelle acquisition passera aussi bien, Motorola est un fleuron historique de l'industrie américaine et il est au centre de domaines sensibles. L'opération devra de toutes façons être validée par l'Etat fédéral qui pourrait poser ses conditions. Une tentative de rachat de BlackBerry par Lenovo avait ainsi été bloquée par les autorités canadiennes.
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