ADAPTATION AUX CHANGEMENTS CLIMATIQUES DES POPULATIONS RURALES DU SUD-OUEST DE MADAGASCAR - Diagnostic et Perspectives
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ADAPTATION AUX CHANGEMENTS CLIMATIQUES DES POPULATIONS RURALES DU SUD-OUEST DE MADAGASCAR Diagnostic et Perspectives Caroline BROUDIC (c.broudic@geoecoalternatives) Tsiory RAZAFINDRIANILANA Février 2020
Avant-propos Ce rapport a été produit par le bureau d’études GEOECO Alternatives dans le cadre du projet Confluences/HIAKE mis en œuvre à Madagascar par Action contre la Faim (ACF) et son partenaire Action Socio-sanitaire et Organisation Secours (ASOS). Le projet Confluences est financé par l’Agence française de développement (Afd) et a pour objectif global de Contribuer à la sécurité nutritionnelle dans 5 pays d’Afrique en améliorant la prise en charge des victimes de la sous nutrition, en développant des actions préventives et en proposant des politiques publiques adéquates. Les auteur-e-s de ce rapport tiennent à remercier les équipes d’ACF et d’ASOS pour leur disponibilité, la facilitation logistique et les discussions tout au long de la phase de collecte des informations. Des remerciements particuliers sont adressés à Bara Asah Razafindramalika pour son appui à la traduction au cours des entretiens de groupe (focus group) et à Bonaventure. Les consultant-e-s remercient également toutes les personnes interrogées dans le cadre de cette étude. Les opinions exprimées dans ce rapport sont celles des deux consultant-e-s, et ne reflètent pas nécessairement celles d’Action contre la Faim. La publication de ce document ne signifie pas qu’ACF appuie les opinions contenues dans ce rapport. 2
SOMMAIRE Avant-propos ......................................................................................................................................... 2 ACRONYMES ....................................................................................................................................... 4 RESUME ................................................................................................................................................ 5 1. GOUVERNANCE ET PLANIFICATION TERRITORIALE................................................ 11 1.1. Le cadre institutionnel ........................................................................................................ 11 1.1.1. Les stratégies et politiques en matière de climat ...................................................... 11 1.1.2. Le schéma de gouvernance ......................................................................................... 13 1.2. Les changements climatiques dans la planification territoriale ...................................... 15 1.3. La production et diffusion des données et connaissances climatiques ............................ 16 2. TENDANCES CLIMATIQUES................................................................................................. 18 2.1. Terminologie ........................................................................................................................ 18 2.2. Perceptions des tendances climatiques par les populations rurales ................................ 19 2.2.1. Perceptions de la variation de la précipitation ......................................................... 19 2.2.2. Perceptions de la variation de la température .......................................................... 20 2.2.3. Perceptions des changements sur les vents et passages de cyclone ......................... 20 2.3. Données climatiques pour la région Atsimo Andrefana .................................................. 21 2.3.1. Tendances et projections relatives aux précipitations .............................................. 22 2.3.2. Tendances et projections des températures .............................................................. 26 2.3.3. Tendances et projections des vents et des cyclones .................................................. 30 3. IMPACTS DES CHANGEMENTS CLIMATIQUES ............................................................. 32 3.1. Sur les écosystèmes .............................................................................................................. 32 3.2. Sur les moyens d’existence .................................................................................................. 34 4. MESURES ET CAPACITES D’ADAPTATION FACE AUX TENDANCES CLIMATIQUES .................................................................................................................................. 36 4.1. Au niveau des secteurs d’activités (agriculture, pêche, élevage) ..................................... 36 4.2. Au niveau communautaire.................................................................................................. 40 4.3. Au niveau institutionnel ...................................................................................................... 41 4.4. Au niveau des acteurs du développement ......................................................................... 43 5. CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS .......................................................................... 44 3
ACRONYMES ACF Action contre la Faim Afd Agence française de Développement AIC Agriculture Intelligente face au Climat ASOS Action Socio-sanitaire et Organisation Secours BNCCC Bureau National des Changements Climatiques, du Carbone BNGRC Bureau National de Gestion des Risques et des Catastrophes CCNUCC Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques CIRAD Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement CNCC Comité National sur le Changement Climatique COBA Communauté de Base CPDN Contribution Prévue Déterminée au Niveau National CPGU Cellule de Prévention et de Gestion des Urgences CTAS Centre Technique Agro-écologique du Sud DGM Direction Générale de la Météorologie ESSA Ecole Supérieure des Sciences Agronomiques GES Gaz à Effet de Serre GIEC Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat GIZ Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit GSDM Groupement Semis Direct Madagascar GTCC Groupe Thématique sur le Changement Climatique IRD Institut de Recherche pour le Développement LOAT Loi d’Orientation de l’Aménagement du Territoire MAEP Ministère de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche MEDD Ministère de l’Environnement et du Développement Durable MEEF Ministère de l’Environnement, de l’Ecologie et des Forêts ONE Office National pour l’Environnement PANA Programme d’Action National d’Adaptation au changement climatique PAN/LCD Plan d’Action National de Lutte Contre la Désertification et la Dégradation des terres PCD Plan Communal de Développement PNA Plan National d’Adaptation PNGRC Politique Nationale de Gestion des Risques et Catastrophes PNLCC Politique Nationale de Lutte contre le Changement Climatique PRD Plan Régional de Développement REDD+ Réduction des Emissions causées par le Déboisement et la Dégradation des forêts SAC Schéma d’Aménagement Communal SNGRC Stratégie Nationale de Gestion des Risques et Catastrophes SRAT Schéma Régional d’Aménagement du Territoire TFNAC Task Force Nationale en Agriculture de Conservation TGRN Transfert de Gestion des Ressources naturelles WWF World Wildlife Fund 4
RESUME CONTEXTE 1. Madagascar est l’un des pays au monde les plus vulnérables aux changements climatiques et aux évènements météorologiques extrêmes tels que cyclones, inondations et sécheresses. Le Grand Sud du pays est, depuis au moins deux décennies, affecté par des épisodes de sécheresse sévère dont l’intensité s’est aggravée en 2015 avec le phénomène El Niðo. La dépendance des populations du Grand Sud à l’agriculture pluviale et à l’élevage extensif les rend fortement tributaires des variabilités climatiques. GOUVERNANCE ET PLANIFICATION TERRITORIALE 2. Madagascar a ratifié la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) en 1998, le Protocole de Kyoto en 2003 et l’Accord de Paris en 2016. L’Etat malagasy s’est alors doté de documents, d’institutions et d’instruments financiers conformément à ses engagements internationaux en matière de climat. Le nouveau Plan National d’Adaptation (PNA), dont le processus d’élaboration a été lancé en 2016 à l’issue de la Conférence de Parties organisée à Paris (COP21), est en cours de validation. Le document construit en y associant les différents ministères et à partir de consultations au niveau national et régional auprès de la société civile et du secteur privé identifie les axes prioritaires d’adaptation au changement climatique à Madagascar pour les dix prochaines années. 3. Le Bureau National des Changements Climatiques, du Carbone et de la REDD+ (BN- CCCREDD+)1 est la structure en charge d’élaborer la politique nationale dans le domaine de la lutte contre les changements climatiques et d’assurer la coordination de toutes activités relatives à ces enjeux. Il est en-cela le point focal au niveau national et international en matière de changement climatique. Il est rattaché au Ministère de l’Environnement et du Développement Durable (MEDD). 4. La Direction Générale de la Météorologie (DGM) est la seule officiellement habilitée à produire les données sur les prévisions météorologiques et sur le climat. Si la DGM a bénéficié ces dernières années d’un renforcement institutionnel et matériel, des contraintes budgétaires restreignent toujours le maillage des stations (une par région) et des services météorologiques (seules six régions en sont dotées). Des partenariats avec des organisations internationales permettent toutefois d’améliorer la couverture à travers l’installation de stations automatiques additionnelles. Un enjeu fondamental est de pouvoir garantir l’exploitation des données par la DGM autant pour des prévisions saisonnières que pour des modélisations climatiques, ce qui implique des données calibrées et régulières sur un temps long. 5. Des groupes formels ou informels de concertation, d’échanges ou de plaidoyer sur les enjeux climatiques existent à Madagascar depuis plusieurs années. Ils réunissent des structures étatiques, des organisations internationales, des acteurs de la société civile et du secteur privé. Ils contribuent à l’amélioration des connaissances de cette problématique et à sa prise en compte à travers des 1 Le BN-CCCREDD+ est le fruit de la récente fusion entre le Bureau National des Changements Climatiques (BNCC) et du Bureau National de Coordination REDD+ (BNC-REDD+). 5
politiques spécifiques ou dans les politiques sectorielles. Ils participent également à renforcer l’engagement de Madagascar dans les conventions internationales sur les changements climatiques (COP). 6. Malgré un nombre important de documents de qualité et un dispositif institutionnel structuré, Madagascar peine pourtant à mettre en œuvre ses stratégies et politiques en matière de climat. Les freins à l’application de ces textes sont multiples et se traduisent notamment par des difficultés 1/ d’appropriation au niveau central et a fortiori au niveau local des orientations stratégiques ; 2/ de déclinaison opérationnelle des stratégies et politiques ; 3/ de mobilisation des ressources nécessaires pour la mise en œuvre opérationnelle ; 4/ de circulation des informations en matière de politiques et de connaissances climatiques. 7. L’un des constats majeurs de cette étude porte sur le manque abyssal d’informations au niveau des communes (tous acteurs confondus) sur le phénomène des changements climatiques, sur les politiques nationales dans le domaine et même sur les prévisions météorologiques. Ce déficit de connaissances a des conséquences préjudiciables sur les capacités d’adaptation des collectivités locales et des populations. Informer sur les questions climatiques est donc un enjeu central pour que des mesures adaptées puissent être prises au niveau institutionnel, collectif et individuel. 8. Au regard des perspectives annoncées par les scientifiques pour les années et décennies à venir, il est crucial d’intégrer les changements climatiques dans les planifications territoriales. Cette nécessité est d’autant plus aigue dans le cas du sud-ouest de Madagascar que les impacts des variabilités climatiques se font déjà durement ressentir sur les moyens d’existence des populations et sur les ressources naturelles. Il est souvent admis par ailleurs que le niveau local, et notamment les communes, constitue l’échelle la plus adaptée pour concrétiser la prise en compte de ces enjeux en prenant des mesures d’adaptation pour le territoire. TENDANCES CLIMATIQUES 9. Les perturbations climatiques sont perceptibles dans la région d’Atsimo Andrefana depuis plusieurs années. Les changements les plus marquants au regard des moyens d’existence de la population concernent plus particulièrement la diminution et l’imprévisibilité des précipitations, les variations dans l’intensité et la direction des vents et l’augmentation des températures ressenties. D’après les populations locales, ces changements ont été observés vers l’année 2000 mais se sont intensifiés depuis une dizaine d’années. Les incidences directes se manifestent par des sècheresses intenses et récurrentes dans toute la région. 10. Les données pluviométriques de la station de Tuléar reflètent une très forte variabilité au cours de la saison culturale, c’est-à-dire entre octobre et mars. Elles expriment par ailleurs une tendance à la baisse sur la période 2005 à 2015. Les données pluviométriques confirment les perceptions des populations quant à la forte irrégularité inter-annuelle des précipitations pendant la saison des pluies, c’est-à-dire pendant la période culturale. 11. La température moyenne de l’air de la région Sud de Madagascar a régulièrement augmenté depuis les années 50. Ce réchauffement se manifeste surtout par l’augmentation des températures extrêmes, notamment les minimales (DGM, 2008). Pour les cinq dernières années, les températures 6
moyennes annuelles varient fortement, mais le pic a été enregistré entre l’année 2017 et 2018 avec une température moyenne atteignant plus de 27°C. IMPACTS DES CHANGEMENTS CLIMATIQUES 12. La déforestation est unanimement identifiée comme étant la principale métamorphose subie par les paysages au cours de ces dernières décennies. S’il n’est pas possible dans le cadre de cette étude d’établir un lien avec le phénomène global des changements climatiques, les causes anthropiques de cette déforestation sont clairement établies. Les forêts considérées comme une réserve de terres agricoles ou de pâturage sont en effet fortement dégradées par un système de production extensif accentué par la pression démographique et l’insuffisance des pluies. 13. Le système productif traditionnel repose sur des pratiques fortement extensives, ce qui était viable sur le plan économique, social et environnemental tant que la densité de population demeurait extrêmement faible. Les effets conjugués des changements climatiques, de l’accroissement démographique (que certains villageois qualifient d’explosion démographique) et de la déforestation massive compromettent aujourd’hui ce modèle. 14. Depuis une bonne décennie, le décalage de la saison des pluies et les faux départs perturbent le calendrier cultural, ce qui affecterait les rendements et la production. Les semis se font en effet traditionnellement aux premières pluies, ce qui correspondait auparavant au mois d’octobre. Ils sont à présent retardés jusque parfois au mois de décembre, ce qui ne laisse pas suffisamment de temps aux cultures pour arriver à pleine maturité. 15. L’élevage dans la région Mahafaly tient une place extrêmement importante sur le plan aussi bien économique que symbolique. Le cheptel de zébus est une épargne autant qu’une marque de prestige et de pouvoir. Il n’est pas surprenant dans une société aussi patriarcale qu’il soit le domaine réservé des hommes. S’il est impossible sans recensement d’estimer la diminution du cheptel, les entretiens concordent tous pour témoigner de sa chute drastique. 16. Le problème de la disparition de nombreuses espèces ainsi que de la diminution des captures tant en quantité qu’en taille de poisson a été évoqué par les pêcheurs. Si les perturbations climatiques agissent certainement sur les stocks de poisson en modifiant par exemple les courants, il est difficile ici de faire la part des choses entre ce facteur climatique et la surpêche. MESURES ET CAPACITES D’ADAPTATION FACE AUX TENDANCES CLIMATIQUES 17. Les mesures d’adaptation des pratiques agricoles aux changements climatiques sont limitées. Certaines mesures d’adaptation des pratiques agricoles contribueraient même à l’accentuation du phénomène. En effet, le déficit de pluie incite les paysans non seulement à accroitre la superficie cultivée en défrichant de nouvelles parcelles, mais aussi à davantage développer l’itinérance tant pour les cultures que pour la transhumance du bétail. 18. Certaines cultures exigeantes en eau comme le maïs ou l’arachide sont progressivement abandonnées. Des organisations internationales ont introduit le maraîchage auprès de groupes composés essentiellement de femmes. Le maraîchage est une alternative pour une diversification alimentaire et constitue un complément de revenus. Il est également considéré par certains acteurs 7
du développement comme une option pour réduire le défrichement associé à la production de charbon, la vente de bois ou encore l’agriculture sur brûlis. 19. Bien que prônées par les organisations internationales, les pratiques du maraîchage sont peu en phase avec les principes de l’agro-écologie. Or, si certains procédés sont difficiles à appliquer à l’agriculture extensive, ils sont plus simples à mettre en œuvre sur de petites parcelles. 20. L’agro-écologie est basée sur la rencontre entre savoirs traditionnels, connaissances scientifiques et expérimentations. Elle implique donc un partage horizontal des connaissances au contraire de la diffusion de paquets techniques par des techniciens vulgarisateurs. Elle est spécifique non seulement à chaque écosystème mais aussi aux spécificités culturelles, sociales et économiques des populations concernées. 21. Un certain nombre d’études et articles scientifiques parviennent à démontrer que l’agro-écologie est une option appropriée pour renforcer l’adaptation et la résilience de l’agriculture face au changement climatique et même, à plus grande échelle, contribuer à son atténuation. 22. La gestion communautaire des ressources naturelles figure parmi l’une des stratégies adoptées par les populations locales pour enrayer la dégradation forestière au niveau de la région. Cette approche s’appuie sur la gestion locale sécurisée des ressources ou Gelose et est régie par la loi 96- 025. Elle est fondée sur un accord tripartite entre les Communauté de Base (COBA), les communes (maires et conseils communaux) et les services techniques de l’Etat (chargées des forêts, des ressources pastorales ou halieutiques). 23. Les communes reçoivent très peu d’appui de l’Etat central que ce soit en termes de subventions ou d’informations. Les représentants des collectivités territoriales sont généralement peu sensibilisés aux enjeux des changements climatiques et n’ont ni les ressources ni les outils pour y faire face. Ils n’ont pas non plus les moyens de faire respecter la loi en matière de défrichement et se retrouvent souvent comme simples observateurs d’une métamorphose des paysages du territoire sous leur juridiction. Ils n’ont pas non plus accès aux informations ou données météorologiques et climatiques. 8
CONTEXTE DE L’ETUDE Madagascar est l’un des pays au monde les plus vulnérables aux changements climatiques et aux phénomènes météorologiques extrêmes tels que cyclones, inondations et sécheresses [Banque mondiale, 2019]2. L’indice global des risques classait Madagascar au 39e rang sur 180 pays en 20193, moins du fait de son exposition qu’en raison de sa vulnérabilité aux risques naturels (cf Schéma 1)4. Schéma 1 : Concept de l’évaluation des risques naturels (World Risk Report 2019) Entre 1961 et 2017, les cyclones ont ainsi provoqué la mort de 1 193 personnes et affecté directement ou indirectement 4 millions de personnes (DGM, 2019), tandis que les sécheresses récurrentes dans le Grand Sud du pays depuis au moins deux décennies ont des conséquences préoccupantes sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle des populations rurales. L’intensité de la sécheresse est aggravée depuis 2015 par le phénomène El Niño, tandis que ses conséquences le sont par une combinaison de facteurs : déclin socio-économique sans précédent, détérioration des services sociaux de base, enclavement historique, démographie galopante, exploitation déséquilibrée des ressources naturelles (eau, sol), etc. Ces éléments contribuent à l’aggravation de la vulnérabilité des populations du Grand Sud aux crises politiques et aux aléas climatiques5. Les indicateurs mesurant les conditions de vie des populations situent le Grand Sud en-deçà des moyennes nationales pour la majorité des critères (pauvreté, sécurité alimentaire, nutrition, scolarisation, etc). En 2019, une enquête SMART conduite par ACF révélait des taux de malnutrition aiguë et chronique atteignant même des niveaux jugés critiques dans certains districts6. Le système de surveillance nutritionnelle en place dans le sud de Madagascar confirme ces résultats préoccupants pour les districts d’Ampanihy et d’Amboasary. 2 World Bank (2019). Madagascar Disaster Risk Management Development Policy Financing with a catastrophe deferred drawdown option, 85p. 3 Ruhr Universität Bochum (2019). World Risk Report 2019, 71p. 4 Le dernier rapport de GermanWatch (2019) présentait Madagascar comme étant le 7e pays le plus affecté par des évènements climatiques extrêmes en 2017. Ce classement est toutefois à relativiser car il est la conséquence du passage du cyclone Enawo considéré comme le plus violent des dix dernières années. 5 Stratégie de développement intégré du Grand Sud (2017 ?), 116p. 6 ACF (2019). Enquête nutritionnelle SMART 2019. 9
Carte 1 : Dépistage de la malnutrition globale, modérée et sévère (Source : Cluster Nutrition, Ministère de la Santé) Cette situation pourrait se dégrader dans les années et décennies à venir si les prévisions climatiques se concrétisent. D’après une modélisation récente de la Direction Générale de la Météorologie (DGM), les températures pourraient augmenter de 1,3 à 1,6°C et les précipitations diminuer7 à Madagascar d’ici 20508. La dépendance des populations du Grand Sud à l’agriculture pluviale et à l’élevage extensif les rend fortement tributaires des variabilités climatiques. Or, la pression sur les écosystèmes forestiers pour notamment mettre en culture de nouvelles parcelles (tavy) ou pour conquérir des espaces de transhumance pour le bétail participe également, à une échelle locale, aux dérèglements climatiques. C’est dans ce contexte que s’inscrit la présente étude dont l’objectif général était de Déterminer les mécanismes d’adaptation développés par les populations pour satisfaire leurs moyens d’existence face au changement climatique. Ce travail s’est construit autour de quatre questions de recherche : 1/ la gouvernance des enjeux climatiques au niveau central et local ; 2/ l’analyse des 7 Mais pour les précipitations, le Sud-ouest ne serait pas concerné par la baisse. 8 DGM (2019). Les tendances climatiques et les futurs changements climatiques à Madagascar, 22p. 10
tendances climatiques à travers les perceptions des populations rurales de la région de l’Atsimo Andrefana et les données scientifiques ; 3/ les impacts de la variabilité climatique sur les écosystèmes et les moyens d’existence ; 4/ les mesures d’adaptation des populations rurales et des différents acteurs. La méthodologie de l’étude, présentée en annexe 2, s’est articulée autour de ces quatre questions de recherche. 1. GOUVERNANCE ET PLANIFICATION TERRITORIALE Ce chapitre se justifie par la nécessité de replacer les enjeux locaux (sud-ouest) dans une perspective plus globale, notamment au regard des politiques et stratégies de l'Etat malgache sur les changements climatiques. Il aborde également la prise en compte de ces questions par les collectivités territoriales et les services déconcentrés de l'Etat. Les deux stratégies complémentaires face aux changements climatiques sont l’Atténuation et l’Adaptation ainsi définies par le GIEC (2001) : ATTENUATION ADAPTATION L’Atténuation désigne les actions visant à L’Adaptation est l’ajustement des systèmes limiter l’ampleur du changement climatique en naturels ou humains pour répondre à des limitant ou réduisant les émissions directes et changements climatiques actuels ou attendus (ou indirectes des émissions de gaz à effet de serre. à leurs effets), pour en modérer les conséquences négatives et tirer profit des opportunités. Le cadre institutionnel au niveau international est construit autour de ces deux piliers et la politique de l’Etat malagasy qui en découle s’inscrit dans cette même trajectoire. 1.1. Le cadre institutionnel 1.1.1. Les stratégies et politiques en matière de climat Il existe à Madagascar un nombre conséquent de documents de politiques et stratégies en matière de changement climatique, d’analyse de vulnérabilité géographique ou sectorielle ou encore de guides méthodologiques. Si ces documents sont généralement de qualité et fournissent des informations précieuses, il n’est pas toujours évident d’en comprendre les articulations et surtout les déclinaisons opérationnelles. Ce constat est particulièrement valable dans les régions éloignées du centre du pouvoir. Il n’est pas non plus inutile de souligner que la vision présidentielle traduite par l’ « Initiative Emergence Madagascar » est peu en ligne avec les engagements internationaux et nationaux du pays en matière de climat. Le thème des ressources naturelles n’est abordé qu’à travers le secteur minier et la préservation de la biodiversité y est associée au tourisme tandis que la sécurité alimentaire est un objectif à atteindre « grâce à une industrie agro-alimentaire forte » basée sur l’irrigation et les semences de riz améliorées. 11
LES ENGAGEMENTS AU NIVEAU INTERNATIONAL Madagascar a ratifié la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) en 1998, le Protocole de Kyoto en 2003 et l’Accord de Paris en 2016. L’Etat malagasy s’est ensuite doté de documents, d’institutions et d’instruments financiers conformément à ses engagements internationaux en matière de climat. Les pays signataires de la Convention sont tenus de soumettre une Communication Nationale tous les quatre ans, afin de présenter un inventaire des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) et des mesures prises en matière de changement climatique. A ce jour, trois Communications Nationales ont été élaborées par le gouvernement malagasy dans le cadre de ses obligations vis-à-vis de la CCNUCC (2003, 2010 et 2017). La Contribution Prévue Déterminée au Niveau National (CPDN, 2015) est le document qui matérialise l’engagement des pays signataires des Accords de Paris (COP21) à la réduction de GES. En 2009, Madagascar s’est engagée dans des actions d’atténuation des GES au titre de la REDD+ (Réduction des Emissions causées par le Déboisement et la Dégradation des forêts). Une stratégie nationale REDD+ adoptée par le décret n°2018-500 du 30 mai 2018 prévoit ainsi « une réduction de 14% des émissions de GES du secteur forestier, à travers un accroissement du couvert forestier et une maitrise de la déforestation et de la dégradation des forêts ». Une Politique Nationale de Lutte contre le Changement Climatique (PNLCC) a été élaborée par le Ministère de l’Environnement et des Forêts en 2011 tandis que le Programme d’Action National d’Adaptation au changement climatique (PANA) était adopté dès 2006. Ce dernier s’articulait autour de quinze projets pilotes. Le nouveau Plan National d’Adaptation (PNA), dont le processus d’élaboration a été lancé en 2016 à l’issue de la Conférence de Parties organisée à Paris (COP21), est en cours de validation. Le document construit en y associant les différents ministères et à partir de consultations au niveau national et régional auprès de la société civile et du secteur privé identifie les axes prioritaires d’adaptation au changement climatique à Madagascar pour les dix prochaines années. LES STRATEGIES ET POLITIQUES AU NIVEAU NATIONAL La prise en compte des risques climatiques s’est concrétisée pour la première fois par l’adoption de la Politique Nationale de Gestion des Risques et Catastrophes (PNGRC) et de la Stratégie SNGRC élaborée en 2003. Une nouvelle version de ces documents a été adoptée en 2016 La Politique Nationale de Lutte contre le Changement Climatique est censée servir de référentiel pour l’intégration du changement climatique dans les politiques sectorielles. Le Ministère de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche (MAEP) a ainsi élaboré en 2012 sa première Stratégie Nationale face au changement climatique (2012-2025). Ce document n’a toutefois jamais été traduit en plan d’actions. Le Ministère envisage de développer, en étroite collaboration avec la FAO, une stratégie de mise à l’échelle de l’Agriculture Intelligente face au Climat (AIC). Le développement de cette approche s’appuierait sur la mise en place d’une Task force au niveau national et régional qui se substituerait à la Task Force Nationale en Agriculture de Conservation (TFNAC) créée en 2010. Des discussions avec les représentants du Ministère au niveau central et décentralisé, il a semblé que la réponse du secteur au changement climatique était fortement axée sur des réponses techniques du type système irrigué et semences améliorées et que les investissements étaient principalement orientés vers les cultures rizicoles. Il existe au sein du MAEP un Service Environnement, Climat et Réponses aux Urgences. 12
Si la plupart des secteurs ont, depuis 2011, pris en compte ces enjeux climatiques dans leurs documents de politique sectorielle, seule la Santé dispose d’une analyse formelle sur la vulnérabilité du secteur au changement climatique [P. Lantosoa, 2019]. Le Plan d’Action National de Lutte Contre la Désertification et la Dégradation des terres (PAN/LCD) intègre une large partie des districts de Betioky et d’Ampanihy parmi les zones prioritaires. Carte 2 : Zones prioritaires pour les actions de lutte contre la désertification et la dégradation des terres (2011) 1.1.2. Le schéma de gouvernance Le Bureau National des Changements Climatiques, du Carbone et de la REDD+ (BN- CCCREDD+)9 est la structure en charge d’élaborer la politique nationale dans le domaine de la lutte contre les changements climatiques et d’assurer la coordination de toutes activités relatives à ces enjeux. Il est en-cela le point focal au niveau national et international en matière de changement climatique. Il est rattaché au Ministère de l’Environnement et du Développement Durable (MEDD). Un Comité National sur le Changement Climatique à Madagascar (CNCC) a été créé par le décret n°2014-1588 afin de renforcer la mise en œuvre de la PLNCC. C’est une structure de partage d’informations et d’expériences en matière de changement climatique, rattachée au ministère de l’environnement. C’est également une structure de concertation et de dialogue en matière de 9 Le BN-CCCREDD+ est le fruit de la récente fusion entre le Bureau National des Changements Climatiques (BNCC) et du Bureau National de Coordination REDD+ (BNC-REDD+). 13
changement climatique qui réunit les ministères, la société civile et le secteur privé. [MEEFM, 2019]10. Les changements climatiques étant un facteur aggravant les risques de catastrophes, ils font également partie du mandat du Bureau National de Gestion des Risques et des Catastrophes (BNGRC) qui est rattaché au Ministère de l’Intérieur. Son action porte surtout sur la protection civile en réponse à des catastrophes telles que les cyclones. La Cellule de Prévention et de Gestion des Urgences (CPGU) est née en 2006 de la volonté de la Banque Mondiale d’une intégration du changement climatique et des risques de catastrophes. Elle est rattachée à la Primature. Elle assure un rôle stratégique tandis que le BNGRC intervient à un niveau opérationnel, même si la frontière entre le stratégique et l’opérationnel est parfois floue [Lantosoa, 2019]. Le CPGU non seulement reprend des responsabilités normalement assumées par le BNGRC, mais semble également empiéter sur les prérogatives du BN-CCCREDD+ : « Cette Cellule de prévention et de gestion des urgences (CPGU) a, depuis sa création, fait de l’adaptation aux changements climatiques une problématisation concurrente de l’adaptation aux changements climatiques à celle proposée par le PANA. »11. Le Groupe Thématique sur le Changement Climatique (GTCC), créé en 2009, est une plateforme informelle regroupant des acteurs issus aussi bien de la société civile que des ministères ou encore des organisations internationales. Il est à noter que le Ministère de l’environnement ne participe pas aux activités du GTCC, considérant peut-être que cette plateforme est en concurrence avec le CNCC. Actuellement co-présidé par WWF, il se réunit une fois par mois. Il participe à la préparation des documents-cadre et aux évènements du type COP. Il joue un rôle de plaidoyer sur les questions relatives aux changements climatiques. Leçon apprise : Un cadre institutionnel sans réelle opérationnalisation Malgré un nombre important de documents de qualité et un dispositif institutionnel structuré, Madagascar peine à mettre en œuvre ses politiques et stratégies en matière de climat. Les freins à l’application des textes sont explicités dans le Plan National d’Adaptation (2019) : « Manque de déclinaison des documents de cadrage des politiques au niveau sectoriel se traduisant par des manques d’appropriation et d’intégration, lacunes en terme de renforcement des capacités nationales (techniques, institutions sectorielles, de mobilisation des ressources et d’absorption des financements ; manque de maîtrise des divers dispositifs internationaux en termes d’opportunité de financements, de transfert de technologies et de recherches relative à la lutte contre les changements climatiques ; tutelle du BN-CCCREDD+ sous un ministère sectoriel qui ne rend pas forcément facile la reconnaissance de son rôle de ‘coordinateur’ aux yeux des autres ministères. ». Il en résulte un problème d’appropriation de ces différents documents de cadrage par les décideurs qui se traduit par la faiblesse de la mise en œuvre. Pour en savoir plus : 10 MEEFM (2019). Pour un processus de Plan National d’Adaptation (PNA) qui réponde aux questions de genre à Madagascar. 11 Vertigo (2015). Enjeux politiques de l’adaptation aux changements climatiques dans les projets de gestion intégrée des zones côtières de Madagascar. Auteurs : Jessica Onitsoa Andriamasinoro et Bruno Sarrasin. 14
CPGU (2019). Effectuer un diagnostic sur les politiques publiques et capacités institutionnelles en matière de résilience climatique et gestion des risques et des catastrophes à Madagascar. Auteure : RAMAROJAONA Lantosoa Patricia 1.2. Les changements climatiques dans la planification territoriale La décentralisation est inscrite pour la première fois dans la Constitution de la IIIe République (1992) et est promulguée par la Loi n°93-005 du 26 janvier 1994. Bien que la politique de décentralisation ait été réaffirmée dans la Constitution de la IVe République (2010), les résultats ne sont pas tangibles. Les collectivités territoriales du sud-ouest de Madagascar ont peu de ressources matérielles et financières. L’aménagement du territoire fait pourtant partie des domaines de compétences des régions et des communes. Le Schéma Régional d’Aménagement du Territoire (SRAT) est un outil d’orientation à long terme (vingt ans) rendu obligatoire pour les régions par la Loi Organique d’Aménagement du Territoire (LOAT) de 2014. Un projet d’arrêté interministériel a par ailleurs été élaboré en 2019 pour établir les modalités d’intégration de la résilience climatique dans les Schémas Régionaux d’Aménagement du Territoire (SRAT) et dans les Plans Régionaux de Développement (PRD) qui en découlent. Cet arrêté permettra d’officialiser un guide méthodologique standardisé énumérant les étapes obligatoires à l’élaboration d’un SRAT intégrant les changements climatiques. Un guide méthodologique d’Intégration de l’adaptation et de la résilience climatique dans les SRAT et les PRD a été diffusé en septembre 2019 sous l’égide de la Cellule de Prévention et de Gestion des Urgences (CPGU), elle-même rattachée à la Primature. Les communes sont également dotées d’outils de planification territoriale : le Schéma d’Aménagement Communal (SAC) pour une période de 15 ans et sa déclinaison opérationnelle, le Plan Communal de Développement (PCD). La Loi d’Orientation de l’Aménagement du Territoire (LOAT 2015-051) stipule que « Les schémas intercommunal et communal d’aménagement du territoire constituent des cadres de référence dans lequel doivent s’intégrer toutes les politiques et actions de développement s’exécutant aux échelons intercommunal et communal » - [Article 48]. Un guide et des directives pour l’intégration de l’adaptation au changement climatique dans le Schéma d’Aménagement Communal (SAC) ont été publiés en février 2019 par l’Office National pour l’Environnement (ONE). Pourtant dans la région de l’Atsimo Andrefana, en-dehors des communes soutenues par la GIZ et le PNUD, elles ont au mieux des outils de planification territoriale largement obsolètes. Un guide méthodologique intitulé « Madagascar – Adaptation au changement climatique dans la planification urbaine » a par ailleurs été élaboré en 2019 avec le concours de l’Union européenne, de l’Agence Française de Développement et de la Coopération suisse. Leçon apprise : L’expérience de la GIZ en matière de planification territoriale Le SRAT de la région Atsimo Andrefana a été élaboré avec l’appui de la GIZ et validé officiellement par le Chef de région en octobre 2018. Le Plan Régional de Développement (PRD) qui est le document de mise en œuvre du SRAT pour des périodes de cinq ans a également été validé et présenté à tous les partenaires par le Chef de région en septembre 2019. La GIZ a par ailleurs accompagné l’élaboration de SAC dans quinze communes dans la région Atsimo Andrefana (sur un objectif de 17)12. Elle a pour cela formé une équipe technique comprenant un cartographe et transféré les compétences à la délégation du Ministère de l’Aménagement du Territoire à Tulear. Les SAC tel 12 A noter que le PNUD accompagne également l’élaboration de SAC dans huit communes de la région, mais il n’a pas été possible de les rencontrer pour en discuter. 15
qu’élaborés par la GIZ s’apparentent à des monographies communales et contiennent en-cela une quantité d’informations descriptives sur le territoire concerné. Quelques données sur les tendances climatiques sont également inclues dans le document. Les informations exhaustives contenues dans les SAC contribuent à la connaissance et compréhension de chacune des communes et constituent en-cela des documents incontestablement utiles à la planification. Quelques réserves peuvent toutefois être avancées sur le produit final. En effet, en l’état (plus de 200 pages en français), il semble difficile d’envisager son appropriation par les élus et a fortiori par la population locale. Pour cela, il faudrait un document beaucoup plus synthétique, dynamique et visuel construit sur la base de cartes, schémas, dessins, photographies et non l’inverse (où les cartes viennent illustrer un texte). Dans la mesure où l’élaboration d’un SAC est censée être participative et inclusive, le document devrait également refléter les perceptions des populations, la vision qu’elles se font à un temps t de leur territoire et de son évolution passée et à venir. Des outils tels que la cartographie subjective pourrait être utilisée pour ne pas seulement présenter la commune sur la base de données réelles, mais aussi à travers les impressions des personnes qui y vivent. Par ailleurs, les tendances climatiques sont présentées comme une information parmi d’autres et non comme un phénomène pouvant profondément influencer le territoire et ses habitants. Le schéma communal étant un outil d’orientation pour une période de quinze ans, il pourrait être utile de mieux intégrer les enjeux climatiques pour planifier des mesures d’adaptation et éventuellement, d’atténuation. 1.3. La production et diffusion des données et connaissances climatiques Au niveau central : La Direction Générale de la Météorologie (DGM) est sous la tutelle du Ministère des Transports, du Tourisme et de la Météorologie. Elle est structurée autour de trois grands pôles : 1/ l’exploitation météorologique en charge des prévisions à court terme ; 2/ la Recherche&Développement hydrométéorologique ; 3/ la Météorologie appliquée laquelle est dotée d’une unité « Climatologie et Changement climatique ». La DGM est la seule officiellement habilitée à produire les données sur les prévisions météorologiques et sur le climat. Elle s’appuie sur les relevés des 21 stations synoptiques installées dans chacune des régions de Madagascar. Les données sont collectées toutes les trois à six heures auprès des observateurs, ou le cas échéant auprès des stations météorologiques, pour traitement au niveau central. Elles permettent d’élaborer des analyses climatiques et d’établir des prévisions saisonnières. Les données et résultats sont partagés sur l’interface Maproom hébergée sur le site de la DGM en accès libre. La DGM développe avec le Ministère de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche (MAEP) des calendriers culturaux mensuels à l’échelle régionale13 pour cinq spéculations (maïs, riz…) et publie des bulletins météorologiques. Le Service de Météorologie Opérationnelle collabore également avec la Cellule de Prévention et Gestion des Urgences (CPGU) pour la diffusion des alertes météorologiques. 13 Echelle qui correspond au maillage des stations météorologiques de la DGM. Les calendriers culturaux peuvent ensuite être élaborés à l’échelle du district à partir d’une modélisation présentée dans le point « Au niveau régional et local). 16
Si la DGM a bénéficié ces dernières années d’un renforcement institutionnel et matériel, des contraintes budgétaires restreignent toujours le maillage des stations (une par région) et des services météorologiques (seules six régions en sont dotées). Des partenariats avec des organisations internationales (PNUD, GIZ) permettent toutefois d’améliorer la couverture à travers l’installation de stations automatiques additionnelles. D’autres organisations installent leurs propres stations ou pluviomètres, mais 1/ elles n’en informent pas toujours la DGM ; 2/ les stations ne sont pas systématiquement paramétrées par la DGM et les données ne peuvent donc pas être intégrées au système d’exploitation ; 3/ elles sont au service d’un projet et ne perdurent généralement pas au-delà du temps de financement ; 4/ la remontée des données est irrégulière. Ces constats imposent de s’interroger sur la nature de l’ancrage institutionnel de ces équipements au niveau local, tant pour en assurer la pérennité au-delà du temps de projet que pour en garantir la sécurisation (particulièrement pour les stations automatiques équipées de panneaux solaires). Un enjeu fondamental est surtout de pouvoir garantir l’exploitation des données par la DGM autant pour des prévisions saisonnières que pour des modélisations climatiques, ce qui implique des données calibrées et régulières sur un temps long. Au niveau régional et local : La production des données : La région de l’Atsimo Andrefana dispose d’un service météorologique basé à Tuléar, équipé d’une seule station automatisée dont les données ne seraient représentatives que dans un rayon de 60 kilomètres. Celle-ci étant de surcroît installée en zone littorale, les observations qui y sont faites ne sont pas extrapolables à l’ensemble du territoire. Les prévisions météorologiques et les tendances climatiques pour la région reposent donc sur une modélisation à partir d’images satellitaires et des données collectées avant les années 60 (c’est-à-dire avant la déforestation massive et les perturbations climatiques de ces dernières décennies). Les informations disponibles pour les districts de Betioky et Ampanihy ne reflètent donc qu’imparfaitement les tendances climatiques de ce territoire et de ses spécificités géographiques (relief, écosystèmes, littoral/intérieur). Pour compléter le dispositif et en collaboration avec le service météorologique, la GIZ prévoit d’installer avant janvier/février 2020 des stations automatisées dans cinq communes de la région dont Bezaha, Betioky et Ampanihy. Par ailleurs, ACF a mis en place un Observatoire hydrogéologique dans la cuvette d’Ankazomanga (district de Betioky) composé de six capteurs piézométriques et d’une station météorologique. Le but de ce projet est d’identifier les relations possibles entre changements climatiques, variations des nappes, usage de l’eau, production végétale, nutrition et état sanitaire. Il permet également d’assurer un suivi des eaux souterraines afin d’alimenter le mécanisme d’alerte sur les risques de sécheresse, en produisant notamment un bulletin tous les trois mois. Ce système de suivi est assuré en collaboration avec le Bureau National de Gestion des Risques et des Catastrophes (BNGRC), la Direction Régionale de l’Energie, de l’Eau et des Hydrocarbures (DREEH) de l’Atsimo Andrefana et le service météorologique de Tuléar. La diffusion des prévisions météorologiques auprès des collectivités territoriales et a fortiori auprès des populations est extrêmement limitée. Les représentants des mairies des districts de Betioky et Ampanihy ne disposent d’aucune information même en cas d’alerte cyclonique ou de prévision d’un épisode de sécheresse. Un représentant d’une commune littorale indiquait n’être informé des menaces cycloniques ou autres aléas climatiques que par la télévision (« par ceux qui ont un abonnement à Canal+, car nous ne recevons pas ici la TV nationale »), la radio ou par les collecteurs en provenance 17
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