GUIDE DE DÉPISTAGE DE L'INFECTION À VIH DANS LA RÉGION DU MAGHREB - PLATEFORME COALITION PLUS - Initiative 5%

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PLATEFORME COALITION PLUS
MENA

GUIDE DE DÉPISTAGE
DE L’INFECTION À VIH
DANS LA RÉGION
DU MAGHREB
COALITION PLUS bénéficie du soutien de l’Initiative 5%, mis en oeuvre par Expertise France et pilotée
par le Ministère français de l’Europe et des Affaires Etrangères. Le contenu de ce référentiel relève de
la seule responsabilité de COALITION PLUS et ne reflète pas nécessairement les points de vue et
opinions d’Expertise France, du Ministère français de l’Europe et des Affaires Etrangères ou du Fonds
mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et la paludisme.
PLATEFORME COALITION PLUS
        MENA

GUIDE DE DÉPISTAGE
DE L’INFECTION À VIH
DANS LA RÉGION
DU MAGHREB
MARS 2018
PLATEFORME COALITION PLUS
          MENA

Portée par l’Association de Lutte Contre le Sida (ALCS), la Plateforme Coalition PLUS
MENA (PF MENA) regroupe quatre associations : l’APCS (Algérie), l’ATL-MST Sida (Tunisie),
SOS Pairs Educateurs (Mauritanie) et l’ALCS (Maroc). Elle est gérée de façon concertée
par un comité de pilotage constitué de la directrice générale de l’ALCS et des prési-
dents des quatre associations, sous l’égide d’une charte de gouvernance. Des experts
communautaires sont régulièrement mobilisés selon les besoins identifés. En développant
les capacités d’acteurs-trices associatifs-ves partageant le même contexte épidé-
miologique et socioculturel et en créant des synergies régionales, la PF MENA joue un
rôle important de levier de la lutte contre le sida dans la région. En effet, ses activités
ciblées sur les populations clés et le partage de bonnes pratiques permettent d’améliorer
l’impact sur l’épidémie.
Préface

Le dépistage est un des points faibles des réponses nationales au VIH et constitue un
obstacle aux cibles ambitieuses «90-90-90» de la stratégie mondiale d’accélération de
la riposte au VIH que quasiment tous les pays de la région du Maghreb ont adopté. En
effet, les différents exercices des cascades programmatiques disponibles dans la région
montrent que le taux d’attrition le plus important se situe au niveau du dépistage et on
estime à près de la moitié – voire plus dans certains pays – le nombre de personnes vi-
vant avec le VIH qui ignorent leur statut sérologique. Et si les pays de la région partagent,
globalement, la même typologie de l’épidémie de l’infection à VIH (épidémie peu active
en population générale mais concentrée parmi les populations clés que sont surtout les
usagers de drogue par voie intraveineuse, les hommes ayant des rapports sexuels avec
les hommes et les professionnel(le)s du sexe), il n’en reste pas moins qu’ils disposent de
politiques de dépistage qui ne sont pas toutes au même niveau de performance et de
ciblage.
Ce constat sans appel a été acté par les acteurs de la Plateforme Coalition PLUS MENA,
hébergée par l’ALCS dans le cadre du programme « TRANSFERT », qui a alors décidé de
faire du dépistage du VIH une priorité de son plan d’action.
C’est dans ce cadre que s’inscrit cet excellent guide du Pr. Mohamed Chakroun, médecin
tunisien et activiste de la lutte contre le sida de longue date, qui a une excellente
connaissance du terrain et des enjeux du dépistage de par sa longue expérience.
L’objectif de ce guide est de mettre à disposition des parties prenantes (associations
impliquées dans le dépistage du VIH, médecins, décideurs politiques, etc.) un référentiel
commun qui regroupe tous les aspects du conseil et test VIH, depuis les concepts de
base jusqu’aux recommandations de mise en place, un guide conforme aux récentes
lignes directrices concernant les services de conseil et test VIH publiées par l’Organisation
Mondiale de la Santé.
Ce guide comporte, tout d’abord, une analyse fine et critique des politiques de dépistages
et de l’épidémiologie de l’infection à VIH dans les pays de la région permettant de mieux
saisir les enjeux en place, les difficultés et les atouts de chacun des 4 pays ainsi que les
contextes d’intervention. Une deuxième partie est consacrée aux bonnes pratiques du
dépistage du VIH, telles que reconnues internationalement. Une troisième partie est
réservée à l’assurance-qualité et au suivi et évaluation, éléments indispensables à toute
action réussie. Enfin, on peut aussi trouver une revue exhaustive des textes et des
pratiques du dépistage dans les pays de la région.
Dans le contexte mondial actuel centré autour de la prévention combinée, l’harmonisation
des stratégies de dépistage et le ciblage des populations clés ne peuvent qu’impacter
positivement la riposte au VIH dans les pays de la région.
Aussi, j’aimerais remercier chaleureusement le Pr. Chakroun pour son excellent travail et
sa minutie dans la préparation de ce guide, ainsi que les membres du comité de lecture
qui l’ont enrichi de leurs remarques. Mes remerciements vont également à notre bailleur,
l’Agence Française pour le Développement, qui l’a rendu possible, et à AIDES, le partenaire
historique, ainsi qu’aux responsables de la Plateforme Coalition PLUS MENA.
M. Karkouri
Président de l’ALCS

                                                                                                        GUIDE DE
                                                                                                      DÉPISTAGE
                                                                                                  DE L’INFECTION
                                                                                                      À VIH DANS
                                                                                                       LA RÉGION
                                                                                                   DU MAGHREB      5
Consultant

                                  Pr. Mohamed Chakroun.
                                  Chef de service des maladies infectieuses.
                                  CHU Fattouma Bourguiba. Monastir – Tunisie.
                                  Email : chakrounm@outlook.com
                                  mhdchakroun@gmail.com

                                  Comité de lecture

                     Algérie      Pr. Aziz Tadjeddine                Président de l’APCS. Professeur. Chef de service
                                                                     d’épidémiologie et médecine préventive EHS
                                                                     Canastel. Université d’Oran 1.
                                  Pr Razik Fatiha                    Vice présidente de l’APCS. Professeur. Chef de
                                                                     service de maladies infectieuses EHS ELkettar.
                                                                     Université d’Alger.
                                  Dr Djamila Ouabdesselem            Vice présidente de l’APCS. Maître assistante
                                                                     d’épidémiologie et médecine préventive. EHS
                                                                     Canastel. Université d’Oran.
                     Maroc        Pr Mehdi Karkouri                  Président de l’ALCS
                                  Dr Lahoucine Ouarsas               Responsable du département des programmes
                                                                     de l’ALCS
                     Mauritanie   Dr Amel Dadah                      Sociologue consultante collaboratrice à SOS
                                                                     Pairs Educateur (personne ressource VIH/ suivi
                                                                     et évaluation)
                                  Dr Zahra Fall Malick               Virologue, experte en VIH/SIDA, formatrice
                                                                     nationale en stratégies de dépistage du VIH
                                  Mr Sy Djibril                      Président de l’association SOS Pairs Educateur
                                                                     (Personnes ressource en Santé/VIH/ développe-
                                                                     ment communautaire)
                                  Mme Aminata Al Housseinou Diouh Economiste, assistante de projet à SOS Pairs
                                                                  Educateurs
                                  Mr Himine Ould Sidi Ould Maibess   Animateur de projet à SOS Pairs Educateurs
                                                                     (Personnes ressource en Santé/VIH/ développe-
                                                                     ment communautaire)
                                  Mr Mohamed Ali Ould Bilal          Coordinateur de projet a SOS Pairs Educateur
                                                                     (Personnes ressource en Santé/VIH/ développe-
                                                                     ment communautaire)
                                  Mme Hawsa Ndiaye                   Superviseur de relais communautaire
                                                                     (pairs éducateurs) à SOS Pairs Educateurs
                     Tunisie      Mr Mohamed Bilel Mahjoubi          Directeur exécutif à l’ATL-MST-SIDA Tunis
                                  Mr Issam Gritli                    Chargé de programme des populations clés
                                                                     à l’ATL-MST-SIDA Tunis
                                  Mme Aida Mokrani                   Chargée de programme DROSOS
                                                                     à l’ATL-MST-SIDA Tunis

    GUIDE DE
    DÉPISTAGE
    DE L’INFECTION
    À VIH DANS
    LA RÉGION
6   DU MAGHREB
Sommaire

Préface                                                                          5
Comité de lecture                                                                6
Sommaire                                                                         7
Abréviations & Acronymes                                                         8

I- Introduction                                                                  9

II- Populations clés                                                            10

III- Enjeux épidémiologiques                                                    12
 1- Contexte épidémiologique                                                    12
 2- Place des populations clés et vulnérables                                   12

IV- Etat des lieux de l’offre et des pratiques du dépistage                     14
 1- Dépistage obligatoire                                                       15
 2- Dépistage à l’initiative du soignant                                        16
 3- Dépistage volontaire                                                        18
 4- Opportunités manquées du dépistage                                          21

V- Principaux obstacles à l’accès au dépistage                                  22

VI- Bonnes pratiques du dépistage pour les populations clés et vulnérables      24
1- Comment améliorer l’offre et l’accès au dépistage ?                          25
2- Qui tester ?                                                                 27
3- Quand tester ?                                                               27
4- Comment tester ?                                                             28
5- Que faire après le test ?                                                    30
6- Comment adapter l’offre du dépistage aux populations clés et vulnérables ?   35
7- Notification des partenaires                                                 37
VII- Auto-dépistage du VIH                                                      39
1- Approches                                                                    39
2- Principes                                                                    40
3- Réalisation du test                                                          40
4- Interprétation du résultat                                                   40
5- Performances du test                                                          41
6- Intérêts et limites                                                           41
7- Stratégie de mise en œuvre                                                   42

VIII- Indicateurs de suivi-évaluation                                           43

IX- Procédures d’assurance qualité                                              44

X- Conclusion                                                                   45

XI- Références                                                                  46

XII- Annexes                                                                    47

                                                                                               GUIDE DE
                                                                                             DÉPISTAGE
                                                                                         DE L’INFECTION
                                                                                             À VIH DANS
                                                                                              LA RÉGION
                                                                                          DU MAGHREB      7
Abréviations & Acronymes

                     ATVIH     Autotest VIH

                     CCDAG     Centre de conseil et de dépistage anonyme et gratuit

                     CDV       Centre de dépistage volontaire

                     CPN       Consultation prénatale

                     CSB       Centre de santé de base

                     CTV       Conseils et test VIH

                     HSH       Hommes ayant des rapports sexuels avec les hommes

                     HVB       Hépatite virale B

                     HVC       Hépatite virale C

                     IST       Infection sexuellement transmissibles

                     OMS       Organisation mondiale de la santé

                     ONUSIDA   Programme commun des Nations Unies sur le VIH/SIDA

                     ONG       Organisation non gouvernementale

                     PEP       Prophylaxie post-exposition

                     PrEP      Prophylaxie pré-exposition

                     PS        Professionnelle du sexe

                     PSN       Plan stratégique national

                     PTME      Prévention de la transmission mère-enfant du VIH

                     PVVIH     Personne vivant avec le VIH

                     TB        Tuberculose

                     TDR       Test de dépistage rapide

    GUIDE DE
    DÉPISTAGE
    DE L’INFECTION
    À VIH DANS
    LA RÉGION
8   DU MAGHREB
Introduction I

Compte tenu de sa longue phase asymptomatique, l’infection par le VIH peut être révélée
grâce au dépistage par des tests sérologiques conventionnels, des tests de dépistage
rapide (TDR) ou des autotests VIH (ATVIH).
L’utilisation des tests sérologiques conventionnels, basés la méthode ELISA, a coïncidé
pendant longtemps avec l’indisponibilité d’antirétroviraux efficaces, ce qui a limité l’intérêt
du dépistage à la seule sécurisation des produits sanguins et des dons d’organes.
Avec l’avènement de la trithérapie antirétrovirale et le développement du concept de
prévention combinée, la connaissance du statut sérologique est devenue essentielle
aussi bien au niveau individuel, pour l’amélioration de la santé et de l’espérance de vie
des personnes vivant avec le VIH (PVVIH), que collectif, pour la réduction de la transmission
du virus. Ainsi, le dépistage est devenu la principale voie d’accès aux soins et aux services
de prévention, comme le confirme la stratégie d’accélération de la riposte au VIH de
l’ONUSIDA connue par les objectifs « 90-90-90 ». Le premier objectif de cette stratégie
vise à améliorer l’accès au dépistage du VIH et à diagnostiquer 90% des PVVIH d’ici à
2020 [1].
Au cours de la dernière décennie, la généralisation des TDR a permit non seulement
d’élargir l’offre et de simplifier l’acte mais aussi de le rendre moins contraignant avec une
réalisation possible par un agent communautaire et en dehors des structures de soins.
Toutefois, malgré l’accélération du dépistage à l’échelle mondiale, les estimations
actuelles montrent que seuls 70 % des PVVIH connaissent leur statut sérologique. En
plus, la couverture du dépistage du VIH, de la prévention et du traitement reste faible
dans certains groupes de la population, particulièrement les hommes (30%), les HSH
ainsi que les adolescentes et les jeunes dans certaines régions. Ceci laisse penser que
les modèles actuels ne permettent pas d’atteindre les populations les plus exposées au
risque de l’infection par le VIH.
Ainsi, optimiser l’impact du dépistage, revient à cibler les populations clés et vulnérables,
à offrir un dépistage simple et accessible dans un environnement favorable et à développer
des approches innovantes plus efficientes telles que le « dépistage communautaire
» visant à atteindre les populations clés dans leurs milieux ainsi que la notification du
partenaire et l’autotest qui permet de doubler le recours au test VIH, particulièrement
chez ceux qui ont des difficultés d’accès au dépistage dans les structures de santé.
Dans tous les cas, le dépistage de l’infection par le VIH ne peut avoir un haut impact que
s’il dispose de liens efficaces et robustes avec les services de soins et de prévention.

                                                                                                                GUIDE DE
                                                                                                              DÉPISTAGE
                                                                                                          DE L’INFECTION
                                                                                                              À VIH DANS
                                                                                                               LA RÉGION
                                                                                                           DU MAGHREB      9
II Populations clés

                                      La dénomination « clés », est utilisée au         catégorie de population clé mais peuvent
                                      double sens de la dynamique de la trans-          s’intégrer, par intermittence ou de manière
                                      mission du VIH et de la réponse à l’épidémie.     passagère, dans une autre catégorie comme
                                      En effet, la contribution des populations clés    dans le cas d’un homme usager de drogue
                                      est fort aussi bien dans la transmission du       par voie intraveineuse pratiquant occasion-
                                      virus que dans le contrôle de l’épidémie.         nellement le travail du sexe ou celui d’une
                                      Plusieurs définitions du terme « populations      travailleuse du sexe consommant la drogue
                                      clés » sont proposées. Celle du Fonds             par voie intraveineuse. Dans la population
                                      mondial est très large : « groupes forte-         des UDI, il faut également prendre en
                                      ment touchés par l’impact épidémio-               considération le genre, les femmes sont
                                      logique d’une maladie, ayant également            plus exposées au VIH car elles pratiquent
                                      un accès moindre aux services et appar-           fréquemment le travail du sexe et sont
                                      tenant à des populations criminalisées            confrontées doublement à la stigmatisation
                                      ou marginalisées » [3].                           et aux contraintes juridiques.
                                      L’ONUSIDA recommande la terminologie              Les populations vulnérables sont des groupes
                                      « populations clés à plus forts risques »         de personnes qui sont particulièrement
                                      et distingue :                                    exposées à l’infection par le VIH dans cer-
                                      • les populations clés qui correspondent à des   taines situations ou contextes, comme les
                                         groupes hautement exposés à l’infection        adolescents, les orphelins, les enfants des
Dans la conception de l’ONUSIDA,                                                        rues, les personnes handicapées et les
les « populations clés à plus forts      par le VIH du fait de certains éléments
                                         objectifs de vulnérabilité sociale,            travailleurs migrants et mobiles. Ces po-
risques » sont principalement :                                                         pulations ne sont pas affectées par le VIH
                                      • des populations vulnérables qui peuvent
                                         être soumises à une pression sociétale         de manière uniforme dans tous les pays et
     les usagers de drogues par                                                         les épidémies mais méritent d’être prises
     voie intraveineuse (UDI),           ou des circonstances sociales qui les
                                         rendent plus vulnérables à l’infection par     en considération dans les stratégies de
                                         le VIH [4].                                    prévention [5].
     les hommes qui ont                                                                 La terminologie et le concept de « populations
     des relations sexuelles          L’OMS définit les populations clés comme
                                      des « groupes qui, en raison de com-              clés » et de « populations vulnérables »
     avec des hommes (HSH),                                                             varient sensiblement dans les pays de la
                                      portements à haut risque spécifiques,
                                      présentent un risque accru d’infection            région [6-9] (tableau 1). Selon les derniers
     les professionnelles du sexe                                                       Plans Stratégiques Nationaux (PSN), on
     (PS) et leurs clients,           par le VIH, quel que soit le type d’épi-
                                      démie ou le contexte local. En outre,             distingue :
                                      ils ont souvent des problèmes sociaux             • Les populations clés qui incluent surtout
     ainsi que les prisonniers.                                                            les UDI, les HSH et les PS. Contrairement
                                      et juridiques liés à leurs comportements
                                      qui augmentent leur vulnérabilité au                 aux autres pays, la Mauritanie considère,
                                      VIH» [5].                                            dans son PSN 2015-2018, les prisonniers
                                                                                           comme une population clé [9].
                                      Il faut souligner que certaines personnes         • Les populations vulnérables qui incluent
L’OMS distingue 5 groupes de popu-
                                      n’appartiennent pas définitivement à une             surtout les prisonniers, les adolescents
lations clés :
                                                                                           et jeunes de 15-24 ans des deux genres,
                                                                                           les migrants et populations mobiles
     les UDI,
                                                                                           (camionneurs, routiers, ouvrières saison-
                                                                                           nières, marins-pêcheurs).
     les HSH,

     les PS,

     les prisonniers

     et les personnes transgenres.

     GUIDE DE
     DÉPISTAGE
     DE L’INFECTION
     À VIH DANS
     LA RÉGION
10   DU MAGHREB
II

Tableau 1. Les groupes représentatifs des populations clés et des populations vulnérables
dans les pays de la Coalition PLUS MENA [6-9].

                                                      ALGÉRIE                     MAROC               MAURITANIE       TUNISIE

Populations clés

UDI

HSH

PS1

Prisonniers

Populations vulnérables
                                                               2
Prisonniers

Adolescents et jeunes
des deux sexes

Migrants

Populations mobiles
(camionneurs, routiers,
saisonniers, marins-pêcheurs etc.)

Marins/Pêcheurs

Porteurs d’IST

Hommes en uniforme

1- Femmes professionnelles de sexe. 2- Prisonniers potentiellement à risque.

  Dans la suite de ce guide, nous retenons            de transmission du VIH et/ou des fac-
  comme populations clés les UDI, HSH,                teurs de vulnérabilité. De ce fait, il serait
  PS, les migrants et les prisonniers.                pertinent de les considérer comme
  Ces derniers, bien que issues de la                 une population clé.
  population générale, constituent une                Les populations fragilisées par cer-
  population très hétérogène incluant                 taines circonstances sociales seront
  un nombre significatif de personnes                 considérées comme des populations
  ayant des comportements à haut risque               vulnérables.
                                                                                                                         GUIDE DE
                                                                                                                       DÉPISTAGE
                                                                                                                   DE L’INFECTION
                                                                                                                       À VIH DANS
                                                                                                                        LA RÉGION
                                                                                                                    DU MAGHREB      11
III Enjeux épidémiologiques

                                     1- Contexte épidémiologique

                                     La prévalence de l’infection à VIH dans la              les pays de la région, on peut distinguer 3
                                     population générale est faible < 1% dans                niveaux différents de prévalence [6-9] :
                                     les pays de la Coalition PLUS MENA. Dans

                                                 Niveau                            Niveau                            Niveau
                                               très faible                     intermédiaire                       plus élevé
                                             inférieur à 0,1%             de l’ordre de 0,1% à 0,3%             supérieure à 0,3% :

                                                   TUNISIE                     ALGÉRIE            MAROC               MAURITANIE

                                                 (0,015%)                                (0,1%)                   (0,48%, selon
                                                                                                                 les projections
                                                                                                               du spectrum 2014).

                                     Dans ces pays, l’épidémie VIH/sida présente             • Hétérogène au plan géographique avec
                                     plusieurs similitudes. Il s’agit d’une épidémie :          des disparités régionales au sein d’un
                                     • Peu active avec une faible prévalence.                  même pays.
                                     • Stable au sein de la population générale             • « Cachée » avec un pourcentage encore
                                        en Algérie au Maroc et en Tunisie, carac-               élevé de personnes ne connaissant pas
                                        térisée par une transmission sexuelle                   leur statut sérologique.
                                        prédominante. Il faut souligner que pour             • Concentrée au sein des populations clés et
                                        la Mauritanie la prévalence de l’infection              vulnérables chez lesquelles la séropré-
                                        à VIH, après une augmentation entre 1988                valence est nettement plus élevée [6-9].
                                        et 2000, connait à présent une stabilité.

                                     2- Place des populations clés et vulnérables

                                     Compte tenu du caractère concentré de                   A l’échelle mondiale, l’OMS estime qu’entre
                                     l’épidémie dans les pays de la Coalition PLUS           40% à 50% des nouvelles infections à VIH
La notion de prévalence permet
                                     MENA, les populations clés jouent un rôle               contractées par des adultes concerne-
également d’avancer une définition
                                     important dans la dynamique de la trans-                raient des personnes faisant parties des
plus pragmatique et simple des
                                     mission du VIH avec des séroprévalences                 populations clés [10]. Dans les pays de la
populations clés :
                                     atteignant 10 à 100 fois celle de la popula-            région, entre 24% et 67% des nouvelles
« Populations vulnérables pour les
                                     tion générale (tableau 2). La notion de                 infections proviennent de personnes ap-
lesquelles la prévalence observée
                                     prévalence permet également d’avancer                   partenant aux populations clés [8, 11]. Les
de l’infection à VIH est nettement
                                     une définition plus pragmatique et simple               populations vulnérables qui semblent être
supérieure à la prévalence de la
                                     des populations clés : « Populations vul-               moins affectées n’ont pas fait l’objet
population générale et l’accès aux
                                     nérables pour les lesquelles la prévalence              d’enquêtes régulières de séroprévalence
soins est plus difficile ».
                                     observée de l’infection à VIH est nettement             (tableau 2).
                                     supérieure à la prévalence de la popula-
                                     tion générale et l’accès aux soins est plus
                                     difficile ».

     GUIDE DE
     DÉPISTAGE
     DE L’INFECTION
     À VIH DANS
     LA RÉGION
12   DU MAGHREB
III

Tableau 2. Prévalence de l’infection à VIH au sein des populations clés et vulnérables
[6-9, 12, 13].

Séroprévalence (Année)

                                                         ALGÉRIE                         MAROC                         MAURITANIE       TUNISIE

Populations clés

UDI                                                         4,3 %                          7,9 %   ND1                                     3,9 %
                                                           (2016)3                        (2016)
                                                                                                 3
                                                                                                                                          (2014)

HSH                                                         4,3 %                          5,7 %   ND2                                     9,1 %
                                                           (2016)3                        (2016)3		                                       (2014)

PS                                                          5,2 %                          1,3 %                           4%            0,94 %
                                                           (2016)3                        (2016)3                        (2016)3         (2014)

Prisonniers ND                                                                             0,5 %                          2,9 %            ND
		                                                                                        (2016)3                        (2014)3

Populations vulnérables

Porteurs d’IST ND ND                                                                                                       9%              ND
			                                                                                                                      (2007)

Populations mobiles                                        0,83 %                         0,3-1 %                         1,17 %           ND
(camionneurs, routiers, etc.)                              (2008)                         (2013)                         (2014)

Migrants ND                                                                                4,5%                            ND              ND
		                                                                                        (2013)

1- Donnée non disponible.
2- La séroprévalence n’est pas connue, le taux de séropositivité à partir d’un faible effectif est de 44,4% en 2014.
3- Source : http://www.unaids.org/fr/regionscountries/countries/

                                                                                                                                          GUIDE DE
                                                                                                                                        DÉPISTAGE
                                                                                                                                    DE L’INFECTION
                                                                                                                                        À VIH DANS
                                                                                                                                         LA RÉGION
                                                                                                                                     DU MAGHREB      13
IV État des lieux de l’offre
    et des pratiques du dépistage

                                            Le dépistage de l’infection par le VIH est,   Les trois types de dépistage disponibles
                                            actuellement, un acte obligatoire ou indi-    (obligatoire, à l’initiative du soignant et
                                            viduel volontaire à l’initiative de toute     volontaire) sont diversement proposés
                                            personne souhaitant connaître son statut      dans les pays de la région (Algorithme 1).
                                            sérologique dans le cadre ou non d’une        Algorithme 1. Les différents types de
                                            situation d’exposition à un risque.           dépistage de l’infection à VIH.

                                            Algorithme 1. Les différents types de dépistage de l’infection à VIH.

                                                 Dépistage de l’infection à VIH

                Obligatoire                         A l’initiative du soignant                           Volontaire

        Don de sang et d’organes                   Consultation prénatale.                     Centre de santé, CCDAG, CDV.
                                                  Consultation prénuptiale.                         CTV événementiel.
                                                  En présence d’IST, TB, etc.                      CTV communautaire.
                                              En présence de signes évocateurs                     Milieu de détention.
                                                      d’infection à VIH.

                                            Tableau 3. Les pratiques du dépistage VIH dans les pays de la plateforme Coalition PLUS
                                            MENA.

                                            ALGÉRIE                   MAROC                MAURITANIE                  TUNISIE

Réglementation pour le test VIH

La réglementation du test

Le consentement

La confidentialité du résultat

Le test accompagné du counselling

Promotion de l’utilisation du test rapide

Règlementation du dépistage obligatoire

     GUIDE DE
     DÉPISTAGE
     DE L’INFECTION
     À VIH DANS
     LA RÉGION
14   DU MAGHREB
IV

1- Dépistage obligatoire

Le seul dépistage à caractère obligatoire,          Contre le caractère volontaire du dépistage,
universellement accepté, est celui régle-           le test VIH est obligatoire pour les recrues
menté par des circulaires ou des textes de          de l’armée et de la police en Algérie, et
lois dans le cadre de la sécurisation des           seulement pour les recrues de l’armée au
produits sanguins, des transplantations             Maroc. En Tunisie, les recrues de l’armée
d’organes et des greffes de tissus contre           sont soumises à un don de sang au cours
les maladies transmissibles (IST, hépatites         duquel le test VIH est réalisé suivant la
virales et infections à VIH).                       réglementation en vigueur des dons de
Il est pratiqué systématiquement chez les           sang .
donneurs de sang, d’organes et de tissus.           Pour les prisons, le test VIH n’est obligatoire
Il est également pratiqué chez les donneurs         qu’en Algérie. En Tunisie, il est réalisé pé-
de sperme dans le cadre de la procréation           riodiquement sous formes de campagnes
médicale assistée.Il faut noter que les             de dépistage et de sensibilisation dans
donneurs de sang sont volontaires et sont           quelques institutions.
assurés de la confidentialité des résultats         En Algérie, le PSN 2013-2015 prévoit la
des tests réalisés.                                 promotion du dépistage volontaire chez
Ce type de dépistage a été instauré, dans           les hommes en uniforme déjà en service,
les pays de la région, dès les premières            chez les prisonniers et les migrants [7].
années de l’épidémie, chez les donneurs             En Mauritanie, bien qu’il soit obligatoire, il
de sang et d’organes en vue de sécuriser            n’y a pas de données officielles concer-
les transfusions des dérivés sanguins et            nant le dépistage pour les militaires et les
les dons d’organes.                                 hommes en uniformes. En milieu carcéral,
                                                    le dépistage est pratiqué dans le cadre
                                                    d’enquêtes [9].

Tableau 4. Le dépistage obligatoire de l’infection à VIH.

                                                    ALGÉRIE                          MAROC             MAURITANIE              TUNISIE

Dons de sang et d’organes

Date d’instauration                                     1991                          1988                  1988                  1988

Tests associés                                   Sérologie de la               Sérologie de la          Sérologie de la      Sérologie de la
                                               syphilis, VHB1, VHC2          syphilis, VHB, VHC       syphilis, VHB, VHC   syphilis, VHB, VHC

                       				                                                                                                 A l’occasion de
Recrutement
				        de l’armée                                                                                                       don de sang

Recrutement d’hommes en uniforme
(gendarmerie et police)
                                                                                                                                         3
Maisons d’arrêt et orphelinats

1- VHB : Virus de l’hépatite virale B.
2- Virus de l’hépatite virale C.
3- Dépistage volontaire et appliqué dans quelques prisons sous forme de campagnes.                                               GUIDE DE
                                                                                                                               DÉPISTAGE
                                                                                                                           DE L’INFECTION
                                                                                                                               À VIH DANS
                                                                                                                                LA RÉGION
                                                                                                                            DU MAGHREB       15
IV

                                         2- Dépistage à l’initiative du soignant

                                         Il est proposé à l’initiative du soignant en       sonnes présentant des symptômes cliniques
                                         présence de situations cliniques particulières     évocateurs. Le tableau 5 résume les pra-
                                         ciblant la femme enceinte, le nouveau-né           tiques de ce type dépistage dans les pays
                                         exposé au VIH, certaines co-infections (IST,       de la région.
                                         tuberculose, hépatites virales) et les per-

                                         Tableau 5. Le dépistage à l’initiative du soignant de l’infection à VIH.

                                         ALGÉRIE                   MAROC                    MAURITANIE                TUNISIE

                                        Proposition              Proposition                 Proposition             Proposition
 Test VIH en prénatal
                                       systématique             systématique                systématique            systématique

 Diagnostic précoce de l’infection
 à VIH chez les nouveau-nés            Recommandé              Recommandé                   Recommandé              Recommandé
 de mères vivant avec le VIH

                                        Proposition              Proposition              Recommandé mais            Proposition
 Test VIH en cas de tuberculose
                                       systématique             systématique               non documenté            systématique

                                         Proposition
                                                             Recommandé mais              Recommandé mais       Recommandé mais
 Test VIH en cas d’IST               systématique mais
                                                              non documenté                non documenté         non documenté
                                      non documenté

                                                                                                                   Recommandé
                                         Proposition                                                                en présence
 Test VIH en cas d’hépatites                                     Proposition
                                     systématique mais                                          Non                de facteurs de
 virales B et C                                                 systématique
                                      non documentée                                                              risque mais non
                                                                                                                     documenté

 Test VIH en présence                Recommandé mais         Recommandé mais         Recommandé mais non        Recommandé mais
 e manifestations cliniques           non documenté           non documenté               documenté              non documenté

                                         Proposition
                                                                                                                Recommandé mais
 Test VIH en prénuptial              systématique mais               ND                         Non
                                                                                                                 non documenté
                                      non documentée

 Test VIH pour les partenaires           Proposition
                                                             Recommandé mais         Recommandé mais non        Recommandé mais
 séronégatifs des couples            systématique mais
                                                              non documenté               documenté              non documenté
 séro-différents                      non documentée

ND : Donnée non disponible.

     GUIDE DE
     DÉPISTAGE
     DE L’INFECTION
     À VIH DANS
     LA RÉGION
16   DU MAGHREB
IV

Les pratiques du dépistage à l’initiative du    Le soignant peut être amené à proposer
soignant sont très variables à l’échelle des    un test VIH dans certaines circonstances
pays de la région. Le dépistage en prénatal     non mentionnées dans les recueils de
pour les femmes enceintes et le diagnostic      données nationales, telles que :
précoce de l’infection chez l’enfant, faisant   • Les personnes victimes de viol dans le but
partie des interventions clés de la PTME,          d’instaurer une prophylaxie post-exposi-
sont les plus respectés. Le dépistage en           tion.
prénuptial n’est pas réglementé et reste
                                                • Les partenaires séronégatifs d’une PVVIH.
très peu documenté. En Tunisie, il est for-
tement recommandé mais encore faible-           • Les partenaires ou clients des popula-
ment prescrit, il a représenté 3% des tests        tions clés.
VIH dans les CCDAG en 2010 et 13% en            • La procréation médicale assistée.
2016 [6, 11]. En Mauritanie, le dépistage en    • La consultation de santé sexuelle et re-
prénuptial est conseillé par quelques ONG,         productive en présence de facteurs de
mais non recommandé dans le cadre                  risque de l’infection à VIH.
d’une stratégie nationale, il est volontaire,
réalisé en toute confidentialité et après un
consentement éclairé [14].                        Ainsi, l’évaluation des pratiques du
Le dépistage du VIH en cas de tuberculose         dépistage à l’initiative du soignant
est proposé en Algérie, Maroc et Tunisie          montre que :
mais peu documenté. En Tunisie, il est ré-        • En dehors du dépistage prénatal, le
glementé par la circulaire 104/2010 du               test VIH reste très peu documenté.
31 Décembre 2010 qui recommande de                • Plusieurs opportunités sont man-
demander le test VIH en présence d’un cas            quées pour atteindre les popula-
de tuberculose selon une approche non                tions clés et vulnérables à travers
précisée. Selon les données Tunisiennes              le dépistage du VIH en présence
disponibles, il n’est appliqué que dans              d’IST, d’hépatites virales B et C et
seulement 25% des tuberculeux testés en              de tuberculose.
2013 donnant un taux de positivité de
0,48% [11]. En Mauritanie, la séropréva-          • Le test VIH pour les partenaires
lence chez les tuberculeux est plus élevée           séronégatifs des couples séro-
de l’ordre de 4,8% en 2008 [12, 14].                 différents est non documenté et
                                                     celui des partenaires ou clients des
Le dépistage du VIH en cas d’IST est re-             populations clés est négligé.
commandé dans tous les pays de la région
mais reste non documenté. La seule donnée         • Le test VIH en prénuptial est non
disponible sur le dépistage chez les consul-         réglementé et rarement proposé.
tants pour IST provient de la Mauritanie
dans le cadre d’une enquête réalisée en
2007 montrant des séroprévalences du
VIH et de la syphilis, respectivement de 9%
et 10% [15].
Le dépistage du VIH en cas d’hépatites
virales B et C est recommandé au Maroc
et en Tunisie sans être documenté.
En cas de manifestations cliniques évoca-
trices de l’infection à VIH, le dépistage est
recommandé dans tous les pays mais
reste non documenté. Ce dépistage est
essentiellement à visée diagnostique, sa
contribution dans la détection de nouvelles
infections n’est pas connue, sa principale
faiblesse est le diagnostic à un stade tardif
de l’infection à VIH.

                                                                                                      GUIDE DE
                                                                                                    DÉPISTAGE
                                                                                                DE L’INFECTION
                                                                                                    À VIH DANS
                                                                                                     LA RÉGION
                                                                                                 DU MAGHREB      17
IV

                      3- Dépistage volontaire

                      La disponibilité d’antirétroviraux efficaces     En Tunisie, l’offre du dépistage anonyme
                      fait du dépistage volontaire une activité        et gratuit est disponible, depuis 2009, dans
                      incontournable des PSN de lutte contre le        25 CCDAG implantés dans 19 gouvernorats.
                      VIH/sida. Il permet de détecter les nouvelles    L’activité du dépistage est variable d’un
                      infections à un stade précoce avec une           centre à l’autre, avec une faible attractivité
                      orientation rapide vers un service de prise      pour les populations clés (< 10% des clients).
                      en charge en vue d’initier rapidement un         Au cours de la période 2012-2016, le nombre
                      traitement et de maintenir aux soins. La         de tests VIH réalisés annuellement dans
                      suppression virale durable ainsi obtenue a       les CCDAG variait entre 7525 et 13262 avec
                      un double intérêt, individuel par l’amélio-      un taux de positivité progressivement
                      ration de la survie des PVVIH avec une           croissant allant de 0,29% en 2012 à 0,69%
                      meilleure qualité de vie, et collectif par la    en 2016 [6] (tableau 6).
                      réduction significative de la transmission       Au Maroc, le dépistage volontaire au niveau
                      sexuelle du VIH.                                 des centres d’ONG était instauré dès 1992
                      Le dépistage volontaire est offert de façon      avec une introduction des tests rapides en
                      anonyme et gratuite. Le dispositif actuel        2004. L’offre du dépistage au niveau des
                      du dépistage est basé, selon les pays, sur       centres de santé était disponible dès 2008
                      des centres intégrés aux structures de santé,    et s’est renforcée en 2012 pour atteindre
                      des centres autonomes appartenant au             plus de 1200 centres en 2016. Le nombre
                      secteur public, des centres implantés au         de tests réalisés est passé de 60000 tests
                      sein des ONG ou issus du partenariat entre       à plus de 600000 tests entre 2011 et 2016.
                      secteur public et ONG. Le test est réalisé       Ainsi, au cours de l’année 2016, 605.746 tests
                      par un personnel médical ou paramédical          VIH ont été réalisés au Maroc dont 155.000
                      formé, utilisant le TDR et encadré par des       pour les femmes enceintes et 16.000 pour
                      informations pré-test et un counselling          les patients atteints de tuberculose. La
                      post-test.                                       proportion des PVVIH estimés connaissant
                      En Algérie, l’offre de dépistage existe dans     leur statut VIH est passée de 22% en 2011
                      60 centres de dépistage intégrés aux struc-      à 63% en 2016.
                      tures de santé de proximité des wilayas          Les normes actuelles exigent la confirmation
                      avec des activités en nette progressive.         du résultat du test rapide par un ELISA et/
                      En 2012, 661 personnes sur 48296 étaient         ou un Western Blot avec des algorithmes
                      dépistées séropositives ce qui correspond        de diagnostic complexes et différents d’un
                      à un taux de positivité de 1,36 %. Il est à      pays à un autre. Ces normes imposent aux
                      signaler qu’en plus du test VIH, sont propo-     clients un temps supplémentaire pour
                      sés les tests de dépistage pour la syphilis      obtenir le résultat final (en moyenne de
                      et les hépatites virales B et C.                 quelques semaines) avec au moins un
                      En Mauritanie, les structures primaires of-      déplacement au laboratoire de référence
                      frant le dépistage sont au nombre de 17 en       et un risque non négligeable de non récu-
                      2013 réparties dans les 13 capitales régio-      pération du résultat et de perte de vue.
                      nales, l’ensemble des structures tertiaires      Lorsque le diagnostic de l’infection à VIH
                      et les cliniques privées offrent le dépistage,   est confirmé, l’orientation de la PVVIH vers
                      même si ce dernier n’est pas toujours accom-     les centres de soins pose encore beau-
                      pagné de counselling. De plus, au moins 4        coup de difficultés en raison, d’une part,
                      ONG nationales mènent ponctuellement,            des problèmes de coordination entre les
                      selon des calendriers variables, des cam-        centres de dépistage et les services de prise
                      pagnes mobiles de dépistage dans les             en charge et, d’autre part, de l’absence
                      wilayas prioritaires. Au cours de l’année        d’un mécanisme de référence clairement
                      2012, 2932 personnes ont été volontairement      établi. Les actions d’accompagnement des
                      dépistées, ce chiffre est largement en deçà      PVVIH vers les centres de soins, menées
                      de la cible annuelle du PSN et représente        par quelques ONG nationales grâce aux
                      14,7% de l’objectif du dépistage fixé à          éducateurs pairs, restent des initiatives
                      20000 tests VIH par an.                          isolées.

     GUIDE DE
     DÉPISTAGE
     DE L’INFECTION
     À VIH DANS
     LA RÉGION
18   DU MAGHREB
IV

Tableau 6. Le dépistage volontaire de l’infection à VIH.

                                                       ALGÉRIE                        MAROC                      MAURITANIE         TUNISIE

 Nombre de centres de dépistage                                                 56 CIDAG et 1200
                                                            60                                                             17           25
 volontaire (2013)                                                              centres de santé

 Nombre de tests réalisés                                48296                         605746                          2932           13262
 (Année)                                                 (2012)                         (2016)                        (2012)          (2015)

                                                     38,48 millions               35,28 millions1                3,796 millions   11,27 millions1
 Population pays (Année)
                                                         (2012)                       (2016)                         (2012)           (2015)

 Nombre de tests/1000 habitants                            1,25                          17,16                         0,08            1,18

 Séroprévalence VIH à partir des
                                                          1,36%                        0,95%2                                         0,69%
 clients testés aux centres de                                                                                             ND
                                                          (2012)                       (2012)                                         (2016)
 dépistage volontaire

 Dépistage VIH associé à celui
 des hépatites B et C

 Dépistage mobile                                        1 unité                      9 unités                         Non           1 unité

1- Source : Banque mondiale.
2-Chiffre de l’ALCS qui, en 2016, a réalisé a elle seule plus de 90% de l’ensemble des tests pratiqués par tous les ONG.

Le dépistage basé sur les unités mobiles                 clés vers d’autres villes et d’autres ONG et
qui permet d’atteindre plus facilement les               de l’intégrer dans la nouvelle politique de
populations clés n’est pas encore bien                   dépistage du VIH du Maroc. En Algérie, un
développé dans les pays de la région et                  dispositif de dépistage communautaire
reste, officiellement, limité au Maroc. Une              était développé en 2015 avec la mobilisation
unité de dépistage mobile était mise en                  de 65 pairs-éducateurs HSH dans 5 régions
place en Algérie en 2014 par l’APCS [16]                 [16]. En Tunisie, le dépistage communautaire
et une autre en Tunisie par l’ATL-MST SIDA-              n’est pas encore officiellement recommandé.
Tunis en 2016.                                           Toutefois, une expérience a été initiée
De même, le dépistage communautaire                      depuis 2011 à l’ATL-MST SIDA-Tunis en
n’est pas encore bien développé dans les                 partenariat avec un CCDAG. Il faut aussi
pays de la région. Il faut souligner l’expé-             noter que quelques centres d’accueil à
rience pilote marocaine de dépistage                     bas seuil offrent ce service aux UDI depuis
communautaire mise en place par l’ALCS                   2014. Pour l’année 2016, le bilan des activités
en 2014 dans 4 villes (Agadir, Casablanca,               du dépistage communautaire dans les dif-
Marrakech et Rabat) pour les PS, les HSH                 férents centres de l’ATL-MST SIDA montre
et les migrants. Durant la période allant de             un taux de positivité des tests VIH de
Mars à Octobre 2015, 8392 tests VIH étaient              0,04% (32/808) inférieur à celui noté dans
réalisés avec un taux de positivité de 1,5%              les CCDAG. Au cours du mois de Mai 2017,
et une confirmation d’entrée à la prise en               l’ATL-MST SIDA-Tunis avait organisé une
charge pour 94% des cas confirmés. Après                 campagne de dépistage communautaire
évaluation de cette expérience, le PNLS                  ciblant surtout les populations clés (HSH,
au Maroc a décidé d’étendre le dépistage                 UDI et PS) dans 9 régions à travers 19 sites.
                                                                                                                                        GUIDE DE
communautaire auprès des populations                                                                                                  DÉPISTAGE
                                                                                                                                  DE L’INFECTION
                                                                                                                                      À VIH DANS
                                                                                                                                       LA RÉGION
                                                                                                                                   DU MAGHREB       19
IV

                                          Cette campagne avait permit de tester          L’insuffisance du dépistage dans la région
                                          3403 personnes dont 2664 (78,3%) appar-        est reflétée par la fréquence encore élevée
                                          tenaient aux populations clés, le taux         des personnes qui ignorent leur statut,
                                          global de positivité du test VIH était de      estimée en 2016 à 37% au Maroc et 42% en
                                          4,2% (5,3% dans les populations clés ver-      Tunisie, ainsi que le pourcentage élevé de
                                          sus 0% dans la population générale) avec       PVVIH notifiées à un stade avancé de l’in-
                                          une positivité 3 fois plus élevée pour les     fection, environ 30% des PVVIH en Tunisie
                                          HSH (7,5%) que les UDI (2,7%) et les PS        et au Maroc [6, 8, 11]. Par ailleurs, les don-
                                          (2,8%) [17]. Toutefois, le nombre de per-      nées tunisiennes émanant des systèmes
                                          sonnes orientées vers la prise en charge       de modélisation « Mot-2011 » et « Spectrum
                                          parmi celles dépistées positives n’était pas   2013 », estiment que 80 à 97% des nou-
                                          précisé.                                       velles infections à VIH devraient provenir
                                                                                         des populations clés, alors que pour l’an-
                                                                                         née 2012, 24% seulement des cas notifiés
                                                                                         étaient issus des populations clés [11]. De
                                            Ainsi, la situation du dépistage volon-      plus, au cours des années 2014-2016, les
                                            taire dans les pays de la plateforme         populations clés représentaient moins de
                                            MENA est marquée par plusieurs               5% des clients des CCDAG en Tunisie [6].
                                            insuffisances tant quantitatives             Ainsi, les personnes les plus exposées au
                                            que qualitatives avec :                      risque d’infection à VIH ne bénéficient pas
                                            • Une activité variable des centres         des services de santé dont elles ont besoin.
                                               de dépistage et un nombre de tests        Dans le contexte épidémiologique actuel
                                               annuels très insuffisant, inférieur       des pays de la région, il serait plus rentable
                                               à 10 tests/1000 habitants.                de mettre en place une stratégie de dépis-
                                            •
                                             Des opportunités manquées de                tage ciblé permettant de diversifier l’offre et
                                             dépistage : certificat prénuptial,          de multiplier les opportunités du test VIH
                                             IST, tuberculose, etc.                      et, surtout, de les orienter vers les popula-
                                            •
                                             Un dépistage volontaire peu at-             tions clés et les populations vulnérables.
                                             tractif et souvent non ciblé sur les
                                             populations clés.
                                            • Une absence du dépistage mobile
Dans le contexte épidémiologique
                                               et communautaire en dehors des
actuel des pays de la région, il serait
                                               expériences marocaine et tuni-
plus rentable de mettre en place
                                               sienne.
une stratégie de dépistage ciblé
permettant de diversifier l’offre et de     • Un faible lien entre les différents
multiplier les opportunités du test VIH        acteurs : complexité du circuit et
et, surtout, de les orienter vers les          de l’algorithme de confirmation
populations clés et les populations            d’un TDR positif, faiblesse du
vulnérables.                                   système de référence vers les
                                               services de prise en charge.
                                            • Une faiblesse du système de suivi-
                                               évaluation : collecte des informa-
                                               tions, qualité des données (fréquence
                                               élevée de données manquantes),
                                               analyse des données.

     GUIDE DE
     DÉPISTAGE
     DE L’INFECTION
     À VIH DANS
     LA RÉGION
20   DU MAGHREB
IV

4- Opportunités manquées du dépistage

Malgré l’élargissement de l’offre du dépis-   séborrhéique, zona, prurigo) ou constitu-
tage volontaire, plusieurs opportunités       tionnels (fièvre inexpliquée > 1 mois, diar-
manquées persistent, particulièrement dans    rhée inexpliquée > 1 mois, perte de poids >
les structures de santé, du fait de l’échec   10%) reste encore faible en dehors des
des soignants à identifier les personnes à    services hospitaliers prenant en charge
risque de VIH (risque non mentionné par le    les PVVIH. Malgré les recommandations
patient et non demandé par le soignant)       nationales dans certains pays, le dépistage
ou les symptômes liés à l’infection VIH.      chez les tuberculeux, en présence d’IST et
L’échec des soignants à identifier les per-   d’hépatites virales n’a pas encore atteint
sonnes à risque de VIH explique l’insuffi-    un niveau élevé.
sance du dépistage chez les populations
clés dans les structures de soins. La pro-
position du dépistage en présence de signes
cutanéo-muqueux évocateurs (candidose
buccale, leucoplasie chevelue, dermite

                                                                                                   GUIDE DE
                                                                                                 DÉPISTAGE
                                                                                             DE L’INFECTION
                                                                                                 À VIH DANS
                                                                                                  LA RÉGION
                                                                                              DU MAGHREB      21
V Principaux obstacles
   à l’accès au dépistage

                      Les personnes appartenant aux populations          Concernant les populations en contexte de
                      clés continuent à être profondément ex-            vulnérabilité, les données émanant du Maroc
                      posées à une problématique socio-juridique         et de la Mauritanie montrent le très faible
                      (rejet social, stigmatisation, discrimination,     accès au dépistage des routiers et migrants.
                      pénalisation, privation des droits élémen-         L’étude bio-comportementale mauritanienne
                      taires) qui les rend plus vulnérables et limite    de 2014 a montré que les routiers et les
                      leur accès au dépistage. Dans les pays de          pêcheurs sont de plus en plus exposés au
                      la région, les PS, les HSH et les UDI sont         VIH. En effet, les rapports avec d’autres
                      socialement marginalisés, souvent crimi-           Hommes ont été notés chez 5,4% des rou-
                      nalisés et victimes de diverses violations         tiers et chez 3,8% des pêcheurs avec une
                      des droits de l’Homme, ce qui les rend plus        augmentation significative entre 2007 et
                      vulnérables au VIH [18]. Les jeunes issus          2014 [12]. En plus, une augmentation si-
                      des populations-clés sont également de plus        gnificative de la prévalence de la syphilis est
                      en plus marginalisés, du fait de législations      notée depuis 2007 atteignant 8,5 à 9% [12].
                      et des politiques liées à l’âge qui réduisent
                      leur capacité d’accéder aux services de
                      santé surtout en matière de VIH.
                      Les données régionales concernant l’accès
                      des populations clés au dépistage et à la
                      prévention confirment ces difficultés. Dans
                      le cadre de l’évaluation des activités de
                      prévention de proximité sur une période de
                      4 mois au cours de l’année 2014, le pro-
                      gramme de renforcement de l’accès à la
                      prévention, au traitement et aux soins liés
                      au VIH auprès des PS dans une ville de
                      l’ouest algérien a montré que seulement
                      2,5 % (33/264) des PS étaient atteintes
                      par les services de prévention du VIH. Par
                      ailleurs, la fréquence des personnes appar-
                      tenant aux populations clés ayant bénéficié
                      d’un test VIH au cours des 12 derniers mois
                      avec une connaissance du statut sérolo-
                      gique reste très faible et varie globalement
                      de 9,7% à 39,9% (tableau 7). Les études
                      bio-comportementales réalisées au cours
                      dernières années (2010-2014) en Algérie,
                      au Maroc et en Tunisie confirment le faible
                      accès au dépistage des populations clés
                      [6, 8]. Malgré le faible effectif des HSH et des
                      PS inclus, l’étude bio-comportementale
                      mauritanienne conduite en 2014 montre la
                      même tendance [12]. Il s’ensuit des difficultés
                      de référence aux centres de prise en charge
                      et une faible couverture en traitement
                      antirétroviral.

     GUIDE DE
     DÉPISTAGE
     DE L’INFECTION
     À VIH DANS
     LA RÉGION
22   DU MAGHREB
V

Tableau 7. Proportion des personnes testées et ayant reçu le résultat du test au cours
des 12 derniers mois.

                                                    ALGÉRIE                      MAROC                MAURITANIE                  TUNISIE

 Populations clés
                                                                                   9,7 %                                           18,2 %
 UDI                                                    ND1                                                ND
                                                                                  (2010)                                           (2014)
                                                                                   31 %                  30,3 %
 HSH                                                    ND2                                                                     39,9 % (2014)
                                                                                  (2010)                 (2014)
                                                      29,5 %                      25,5 %                 26,5 %                    23,2 %
 PS
                                                      (2014)                      (2011)                 (2014)                    (2014)
 Prisonniers                                            ND                          ND                     ND                        ND

 Populations vulnérables

 Porteurs d’IST                                         ND                          ND                     ND                        ND
                                                                                  29,6 %
 Routiers                                               ND                                                 ND                        ND
                                                                                  (2013)
                                                                                  28,4 %
 Migrants                                               ND                                                 ND                        ND
                                                                                  (2013)

1- Non déterminé.
2- L’enquête séro-comportementale a montré que 12,6% des HSH ont bénéficié d’un test VIH [13].

Ces obstacles et difficultés alimentent la
tendance régionale qui montre globalement               Encadré 1 : Les obstacles et barrières à l’accès au dépistage volontaire.
une stabilisation de l’incidence de l’infection         • Crainte d’un jugement négatif sur les pratiques sexuelles ou les comportements
à VIH dans la population générale contre                   à risque.
une augmentation dans les populations clés.             • Crainte d’un jugement négatif sur des demandes répétées de dépistage.
Ils expliquent aussi la persistance d’une               • Peur de la pratique du test et de son résultat sur la vie sexuelle et sociale.
faible couverture régionale du traitement               • Faible niveau d’information et d’indication des centres.
antirétroviral (
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