GUIDE DE DÉPISTAGE DE L'INFECTION À VIH DANS LA RÉGION DU MAGHREB - PLATEFORME COALITION PLUS - Initiative 5%
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PLATEFORME COALITION PLUS MENA GUIDE DE DÉPISTAGE DE L’INFECTION À VIH DANS LA RÉGION DU MAGHREB
COALITION PLUS bénéficie du soutien de l’Initiative 5%, mis en oeuvre par Expertise France et pilotée par le Ministère français de l’Europe et des Affaires Etrangères. Le contenu de ce référentiel relève de la seule responsabilité de COALITION PLUS et ne reflète pas nécessairement les points de vue et opinions d’Expertise France, du Ministère français de l’Europe et des Affaires Etrangères ou du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et la paludisme.
PLATEFORME COALITION PLUS MENA GUIDE DE DÉPISTAGE DE L’INFECTION À VIH DANS LA RÉGION DU MAGHREB MARS 2018
PLATEFORME COALITION PLUS MENA Portée par l’Association de Lutte Contre le Sida (ALCS), la Plateforme Coalition PLUS MENA (PF MENA) regroupe quatre associations : l’APCS (Algérie), l’ATL-MST Sida (Tunisie), SOS Pairs Educateurs (Mauritanie) et l’ALCS (Maroc). Elle est gérée de façon concertée par un comité de pilotage constitué de la directrice générale de l’ALCS et des prési- dents des quatre associations, sous l’égide d’une charte de gouvernance. Des experts communautaires sont régulièrement mobilisés selon les besoins identifés. En développant les capacités d’acteurs-trices associatifs-ves partageant le même contexte épidé- miologique et socioculturel et en créant des synergies régionales, la PF MENA joue un rôle important de levier de la lutte contre le sida dans la région. En effet, ses activités ciblées sur les populations clés et le partage de bonnes pratiques permettent d’améliorer l’impact sur l’épidémie.
Préface Le dépistage est un des points faibles des réponses nationales au VIH et constitue un obstacle aux cibles ambitieuses «90-90-90» de la stratégie mondiale d’accélération de la riposte au VIH que quasiment tous les pays de la région du Maghreb ont adopté. En effet, les différents exercices des cascades programmatiques disponibles dans la région montrent que le taux d’attrition le plus important se situe au niveau du dépistage et on estime à près de la moitié – voire plus dans certains pays – le nombre de personnes vi- vant avec le VIH qui ignorent leur statut sérologique. Et si les pays de la région partagent, globalement, la même typologie de l’épidémie de l’infection à VIH (épidémie peu active en population générale mais concentrée parmi les populations clés que sont surtout les usagers de drogue par voie intraveineuse, les hommes ayant des rapports sexuels avec les hommes et les professionnel(le)s du sexe), il n’en reste pas moins qu’ils disposent de politiques de dépistage qui ne sont pas toutes au même niveau de performance et de ciblage. Ce constat sans appel a été acté par les acteurs de la Plateforme Coalition PLUS MENA, hébergée par l’ALCS dans le cadre du programme « TRANSFERT », qui a alors décidé de faire du dépistage du VIH une priorité de son plan d’action. C’est dans ce cadre que s’inscrit cet excellent guide du Pr. Mohamed Chakroun, médecin tunisien et activiste de la lutte contre le sida de longue date, qui a une excellente connaissance du terrain et des enjeux du dépistage de par sa longue expérience. L’objectif de ce guide est de mettre à disposition des parties prenantes (associations impliquées dans le dépistage du VIH, médecins, décideurs politiques, etc.) un référentiel commun qui regroupe tous les aspects du conseil et test VIH, depuis les concepts de base jusqu’aux recommandations de mise en place, un guide conforme aux récentes lignes directrices concernant les services de conseil et test VIH publiées par l’Organisation Mondiale de la Santé. Ce guide comporte, tout d’abord, une analyse fine et critique des politiques de dépistages et de l’épidémiologie de l’infection à VIH dans les pays de la région permettant de mieux saisir les enjeux en place, les difficultés et les atouts de chacun des 4 pays ainsi que les contextes d’intervention. Une deuxième partie est consacrée aux bonnes pratiques du dépistage du VIH, telles que reconnues internationalement. Une troisième partie est réservée à l’assurance-qualité et au suivi et évaluation, éléments indispensables à toute action réussie. Enfin, on peut aussi trouver une revue exhaustive des textes et des pratiques du dépistage dans les pays de la région. Dans le contexte mondial actuel centré autour de la prévention combinée, l’harmonisation des stratégies de dépistage et le ciblage des populations clés ne peuvent qu’impacter positivement la riposte au VIH dans les pays de la région. Aussi, j’aimerais remercier chaleureusement le Pr. Chakroun pour son excellent travail et sa minutie dans la préparation de ce guide, ainsi que les membres du comité de lecture qui l’ont enrichi de leurs remarques. Mes remerciements vont également à notre bailleur, l’Agence Française pour le Développement, qui l’a rendu possible, et à AIDES, le partenaire historique, ainsi qu’aux responsables de la Plateforme Coalition PLUS MENA. M. Karkouri Président de l’ALCS GUIDE DE DÉPISTAGE DE L’INFECTION À VIH DANS LA RÉGION DU MAGHREB 5
Consultant Pr. Mohamed Chakroun. Chef de service des maladies infectieuses. CHU Fattouma Bourguiba. Monastir – Tunisie. Email : chakrounm@outlook.com mhdchakroun@gmail.com Comité de lecture Algérie Pr. Aziz Tadjeddine Président de l’APCS. Professeur. Chef de service d’épidémiologie et médecine préventive EHS Canastel. Université d’Oran 1. Pr Razik Fatiha Vice présidente de l’APCS. Professeur. Chef de service de maladies infectieuses EHS ELkettar. Université d’Alger. Dr Djamila Ouabdesselem Vice présidente de l’APCS. Maître assistante d’épidémiologie et médecine préventive. EHS Canastel. Université d’Oran. Maroc Pr Mehdi Karkouri Président de l’ALCS Dr Lahoucine Ouarsas Responsable du département des programmes de l’ALCS Mauritanie Dr Amel Dadah Sociologue consultante collaboratrice à SOS Pairs Educateur (personne ressource VIH/ suivi et évaluation) Dr Zahra Fall Malick Virologue, experte en VIH/SIDA, formatrice nationale en stratégies de dépistage du VIH Mr Sy Djibril Président de l’association SOS Pairs Educateur (Personnes ressource en Santé/VIH/ développe- ment communautaire) Mme Aminata Al Housseinou Diouh Economiste, assistante de projet à SOS Pairs Educateurs Mr Himine Ould Sidi Ould Maibess Animateur de projet à SOS Pairs Educateurs (Personnes ressource en Santé/VIH/ développe- ment communautaire) Mr Mohamed Ali Ould Bilal Coordinateur de projet a SOS Pairs Educateur (Personnes ressource en Santé/VIH/ développe- ment communautaire) Mme Hawsa Ndiaye Superviseur de relais communautaire (pairs éducateurs) à SOS Pairs Educateurs Tunisie Mr Mohamed Bilel Mahjoubi Directeur exécutif à l’ATL-MST-SIDA Tunis Mr Issam Gritli Chargé de programme des populations clés à l’ATL-MST-SIDA Tunis Mme Aida Mokrani Chargée de programme DROSOS à l’ATL-MST-SIDA Tunis GUIDE DE DÉPISTAGE DE L’INFECTION À VIH DANS LA RÉGION 6 DU MAGHREB
Sommaire Préface 5 Comité de lecture 6 Sommaire 7 Abréviations & Acronymes 8 I- Introduction 9 II- Populations clés 10 III- Enjeux épidémiologiques 12 1- Contexte épidémiologique 12 2- Place des populations clés et vulnérables 12 IV- Etat des lieux de l’offre et des pratiques du dépistage 14 1- Dépistage obligatoire 15 2- Dépistage à l’initiative du soignant 16 3- Dépistage volontaire 18 4- Opportunités manquées du dépistage 21 V- Principaux obstacles à l’accès au dépistage 22 VI- Bonnes pratiques du dépistage pour les populations clés et vulnérables 24 1- Comment améliorer l’offre et l’accès au dépistage ? 25 2- Qui tester ? 27 3- Quand tester ? 27 4- Comment tester ? 28 5- Que faire après le test ? 30 6- Comment adapter l’offre du dépistage aux populations clés et vulnérables ? 35 7- Notification des partenaires 37 VII- Auto-dépistage du VIH 39 1- Approches 39 2- Principes 40 3- Réalisation du test 40 4- Interprétation du résultat 40 5- Performances du test 41 6- Intérêts et limites 41 7- Stratégie de mise en œuvre 42 VIII- Indicateurs de suivi-évaluation 43 IX- Procédures d’assurance qualité 44 X- Conclusion 45 XI- Références 46 XII- Annexes 47 GUIDE DE DÉPISTAGE DE L’INFECTION À VIH DANS LA RÉGION DU MAGHREB 7
Abréviations & Acronymes ATVIH Autotest VIH CCDAG Centre de conseil et de dépistage anonyme et gratuit CDV Centre de dépistage volontaire CPN Consultation prénatale CSB Centre de santé de base CTV Conseils et test VIH HSH Hommes ayant des rapports sexuels avec les hommes HVB Hépatite virale B HVC Hépatite virale C IST Infection sexuellement transmissibles OMS Organisation mondiale de la santé ONUSIDA Programme commun des Nations Unies sur le VIH/SIDA ONG Organisation non gouvernementale PEP Prophylaxie post-exposition PrEP Prophylaxie pré-exposition PS Professionnelle du sexe PSN Plan stratégique national PTME Prévention de la transmission mère-enfant du VIH PVVIH Personne vivant avec le VIH TB Tuberculose TDR Test de dépistage rapide GUIDE DE DÉPISTAGE DE L’INFECTION À VIH DANS LA RÉGION 8 DU MAGHREB
Introduction I Compte tenu de sa longue phase asymptomatique, l’infection par le VIH peut être révélée grâce au dépistage par des tests sérologiques conventionnels, des tests de dépistage rapide (TDR) ou des autotests VIH (ATVIH). L’utilisation des tests sérologiques conventionnels, basés la méthode ELISA, a coïncidé pendant longtemps avec l’indisponibilité d’antirétroviraux efficaces, ce qui a limité l’intérêt du dépistage à la seule sécurisation des produits sanguins et des dons d’organes. Avec l’avènement de la trithérapie antirétrovirale et le développement du concept de prévention combinée, la connaissance du statut sérologique est devenue essentielle aussi bien au niveau individuel, pour l’amélioration de la santé et de l’espérance de vie des personnes vivant avec le VIH (PVVIH), que collectif, pour la réduction de la transmission du virus. Ainsi, le dépistage est devenu la principale voie d’accès aux soins et aux services de prévention, comme le confirme la stratégie d’accélération de la riposte au VIH de l’ONUSIDA connue par les objectifs « 90-90-90 ». Le premier objectif de cette stratégie vise à améliorer l’accès au dépistage du VIH et à diagnostiquer 90% des PVVIH d’ici à 2020 [1]. Au cours de la dernière décennie, la généralisation des TDR a permit non seulement d’élargir l’offre et de simplifier l’acte mais aussi de le rendre moins contraignant avec une réalisation possible par un agent communautaire et en dehors des structures de soins. Toutefois, malgré l’accélération du dépistage à l’échelle mondiale, les estimations actuelles montrent que seuls 70 % des PVVIH connaissent leur statut sérologique. En plus, la couverture du dépistage du VIH, de la prévention et du traitement reste faible dans certains groupes de la population, particulièrement les hommes (30%), les HSH ainsi que les adolescentes et les jeunes dans certaines régions. Ceci laisse penser que les modèles actuels ne permettent pas d’atteindre les populations les plus exposées au risque de l’infection par le VIH. Ainsi, optimiser l’impact du dépistage, revient à cibler les populations clés et vulnérables, à offrir un dépistage simple et accessible dans un environnement favorable et à développer des approches innovantes plus efficientes telles que le « dépistage communautaire » visant à atteindre les populations clés dans leurs milieux ainsi que la notification du partenaire et l’autotest qui permet de doubler le recours au test VIH, particulièrement chez ceux qui ont des difficultés d’accès au dépistage dans les structures de santé. Dans tous les cas, le dépistage de l’infection par le VIH ne peut avoir un haut impact que s’il dispose de liens efficaces et robustes avec les services de soins et de prévention. GUIDE DE DÉPISTAGE DE L’INFECTION À VIH DANS LA RÉGION DU MAGHREB 9
II Populations clés La dénomination « clés », est utilisée au catégorie de population clé mais peuvent double sens de la dynamique de la trans- s’intégrer, par intermittence ou de manière mission du VIH et de la réponse à l’épidémie. passagère, dans une autre catégorie comme En effet, la contribution des populations clés dans le cas d’un homme usager de drogue est fort aussi bien dans la transmission du par voie intraveineuse pratiquant occasion- virus que dans le contrôle de l’épidémie. nellement le travail du sexe ou celui d’une Plusieurs définitions du terme « populations travailleuse du sexe consommant la drogue clés » sont proposées. Celle du Fonds par voie intraveineuse. Dans la population mondial est très large : « groupes forte- des UDI, il faut également prendre en ment touchés par l’impact épidémio- considération le genre, les femmes sont logique d’une maladie, ayant également plus exposées au VIH car elles pratiquent un accès moindre aux services et appar- fréquemment le travail du sexe et sont tenant à des populations criminalisées confrontées doublement à la stigmatisation ou marginalisées » [3]. et aux contraintes juridiques. L’ONUSIDA recommande la terminologie Les populations vulnérables sont des groupes « populations clés à plus forts risques » de personnes qui sont particulièrement et distingue : exposées à l’infection par le VIH dans cer- • les populations clés qui correspondent à des taines situations ou contextes, comme les groupes hautement exposés à l’infection adolescents, les orphelins, les enfants des Dans la conception de l’ONUSIDA, rues, les personnes handicapées et les les « populations clés à plus forts par le VIH du fait de certains éléments objectifs de vulnérabilité sociale, travailleurs migrants et mobiles. Ces po- risques » sont principalement : pulations ne sont pas affectées par le VIH • des populations vulnérables qui peuvent être soumises à une pression sociétale de manière uniforme dans tous les pays et les usagers de drogues par les épidémies mais méritent d’être prises voie intraveineuse (UDI), ou des circonstances sociales qui les rendent plus vulnérables à l’infection par en considération dans les stratégies de le VIH [4]. prévention [5]. les hommes qui ont La terminologie et le concept de « populations des relations sexuelles L’OMS définit les populations clés comme des « groupes qui, en raison de com- clés » et de « populations vulnérables » avec des hommes (HSH), varient sensiblement dans les pays de la portements à haut risque spécifiques, présentent un risque accru d’infection région [6-9] (tableau 1). Selon les derniers les professionnelles du sexe Plans Stratégiques Nationaux (PSN), on (PS) et leurs clients, par le VIH, quel que soit le type d’épi- démie ou le contexte local. En outre, distingue : ils ont souvent des problèmes sociaux • Les populations clés qui incluent surtout ainsi que les prisonniers. les UDI, les HSH et les PS. Contrairement et juridiques liés à leurs comportements qui augmentent leur vulnérabilité au aux autres pays, la Mauritanie considère, VIH» [5]. dans son PSN 2015-2018, les prisonniers comme une population clé [9]. Il faut souligner que certaines personnes • Les populations vulnérables qui incluent L’OMS distingue 5 groupes de popu- n’appartiennent pas définitivement à une surtout les prisonniers, les adolescents lations clés : et jeunes de 15-24 ans des deux genres, les migrants et populations mobiles les UDI, (camionneurs, routiers, ouvrières saison- nières, marins-pêcheurs). les HSH, les PS, les prisonniers et les personnes transgenres. GUIDE DE DÉPISTAGE DE L’INFECTION À VIH DANS LA RÉGION 10 DU MAGHREB
II Tableau 1. Les groupes représentatifs des populations clés et des populations vulnérables dans les pays de la Coalition PLUS MENA [6-9]. ALGÉRIE MAROC MAURITANIE TUNISIE Populations clés UDI HSH PS1 Prisonniers Populations vulnérables 2 Prisonniers Adolescents et jeunes des deux sexes Migrants Populations mobiles (camionneurs, routiers, saisonniers, marins-pêcheurs etc.) Marins/Pêcheurs Porteurs d’IST Hommes en uniforme 1- Femmes professionnelles de sexe. 2- Prisonniers potentiellement à risque. Dans la suite de ce guide, nous retenons de transmission du VIH et/ou des fac- comme populations clés les UDI, HSH, teurs de vulnérabilité. De ce fait, il serait PS, les migrants et les prisonniers. pertinent de les considérer comme Ces derniers, bien que issues de la une population clé. population générale, constituent une Les populations fragilisées par cer- population très hétérogène incluant taines circonstances sociales seront un nombre significatif de personnes considérées comme des populations ayant des comportements à haut risque vulnérables. GUIDE DE DÉPISTAGE DE L’INFECTION À VIH DANS LA RÉGION DU MAGHREB 11
III Enjeux épidémiologiques 1- Contexte épidémiologique La prévalence de l’infection à VIH dans la les pays de la région, on peut distinguer 3 population générale est faible < 1% dans niveaux différents de prévalence [6-9] : les pays de la Coalition PLUS MENA. Dans Niveau Niveau Niveau très faible intermédiaire plus élevé inférieur à 0,1% de l’ordre de 0,1% à 0,3% supérieure à 0,3% : TUNISIE ALGÉRIE MAROC MAURITANIE (0,015%) (0,1%) (0,48%, selon les projections du spectrum 2014). Dans ces pays, l’épidémie VIH/sida présente • Hétérogène au plan géographique avec plusieurs similitudes. Il s’agit d’une épidémie : des disparités régionales au sein d’un • Peu active avec une faible prévalence. même pays. • Stable au sein de la population générale • « Cachée » avec un pourcentage encore en Algérie au Maroc et en Tunisie, carac- élevé de personnes ne connaissant pas térisée par une transmission sexuelle leur statut sérologique. prédominante. Il faut souligner que pour • Concentrée au sein des populations clés et la Mauritanie la prévalence de l’infection vulnérables chez lesquelles la séropré- à VIH, après une augmentation entre 1988 valence est nettement plus élevée [6-9]. et 2000, connait à présent une stabilité. 2- Place des populations clés et vulnérables Compte tenu du caractère concentré de A l’échelle mondiale, l’OMS estime qu’entre l’épidémie dans les pays de la Coalition PLUS 40% à 50% des nouvelles infections à VIH La notion de prévalence permet MENA, les populations clés jouent un rôle contractées par des adultes concerne- également d’avancer une définition important dans la dynamique de la trans- raient des personnes faisant parties des plus pragmatique et simple des mission du VIH avec des séroprévalences populations clés [10]. Dans les pays de la populations clés : atteignant 10 à 100 fois celle de la popula- région, entre 24% et 67% des nouvelles « Populations vulnérables pour les tion générale (tableau 2). La notion de infections proviennent de personnes ap- lesquelles la prévalence observée prévalence permet également d’avancer partenant aux populations clés [8, 11]. Les de l’infection à VIH est nettement une définition plus pragmatique et simple populations vulnérables qui semblent être supérieure à la prévalence de la des populations clés : « Populations vul- moins affectées n’ont pas fait l’objet population générale et l’accès aux nérables pour les lesquelles la prévalence d’enquêtes régulières de séroprévalence soins est plus difficile ». observée de l’infection à VIH est nettement (tableau 2). supérieure à la prévalence de la popula- tion générale et l’accès aux soins est plus difficile ». GUIDE DE DÉPISTAGE DE L’INFECTION À VIH DANS LA RÉGION 12 DU MAGHREB
III Tableau 2. Prévalence de l’infection à VIH au sein des populations clés et vulnérables [6-9, 12, 13]. Séroprévalence (Année) ALGÉRIE MAROC MAURITANIE TUNISIE Populations clés UDI 4,3 % 7,9 % ND1 3,9 % (2016)3 (2016) 3 (2014) HSH 4,3 % 5,7 % ND2 9,1 % (2016)3 (2016)3 (2014) PS 5,2 % 1,3 % 4% 0,94 % (2016)3 (2016)3 (2016)3 (2014) Prisonniers ND 0,5 % 2,9 % ND (2016)3 (2014)3 Populations vulnérables Porteurs d’IST ND ND 9% ND (2007) Populations mobiles 0,83 % 0,3-1 % 1,17 % ND (camionneurs, routiers, etc.) (2008) (2013) (2014) Migrants ND 4,5% ND ND (2013) 1- Donnée non disponible. 2- La séroprévalence n’est pas connue, le taux de séropositivité à partir d’un faible effectif est de 44,4% en 2014. 3- Source : http://www.unaids.org/fr/regionscountries/countries/ GUIDE DE DÉPISTAGE DE L’INFECTION À VIH DANS LA RÉGION DU MAGHREB 13
IV État des lieux de l’offre et des pratiques du dépistage Le dépistage de l’infection par le VIH est, Les trois types de dépistage disponibles actuellement, un acte obligatoire ou indi- (obligatoire, à l’initiative du soignant et viduel volontaire à l’initiative de toute volontaire) sont diversement proposés personne souhaitant connaître son statut dans les pays de la région (Algorithme 1). sérologique dans le cadre ou non d’une Algorithme 1. Les différents types de situation d’exposition à un risque. dépistage de l’infection à VIH. Algorithme 1. Les différents types de dépistage de l’infection à VIH. Dépistage de l’infection à VIH Obligatoire A l’initiative du soignant Volontaire Don de sang et d’organes Consultation prénatale. Centre de santé, CCDAG, CDV. Consultation prénuptiale. CTV événementiel. En présence d’IST, TB, etc. CTV communautaire. En présence de signes évocateurs Milieu de détention. d’infection à VIH. Tableau 3. Les pratiques du dépistage VIH dans les pays de la plateforme Coalition PLUS MENA. ALGÉRIE MAROC MAURITANIE TUNISIE Réglementation pour le test VIH La réglementation du test Le consentement La confidentialité du résultat Le test accompagné du counselling Promotion de l’utilisation du test rapide Règlementation du dépistage obligatoire GUIDE DE DÉPISTAGE DE L’INFECTION À VIH DANS LA RÉGION 14 DU MAGHREB
IV 1- Dépistage obligatoire Le seul dépistage à caractère obligatoire, Contre le caractère volontaire du dépistage, universellement accepté, est celui régle- le test VIH est obligatoire pour les recrues menté par des circulaires ou des textes de de l’armée et de la police en Algérie, et lois dans le cadre de la sécurisation des seulement pour les recrues de l’armée au produits sanguins, des transplantations Maroc. En Tunisie, les recrues de l’armée d’organes et des greffes de tissus contre sont soumises à un don de sang au cours les maladies transmissibles (IST, hépatites duquel le test VIH est réalisé suivant la virales et infections à VIH). réglementation en vigueur des dons de Il est pratiqué systématiquement chez les sang . donneurs de sang, d’organes et de tissus. Pour les prisons, le test VIH n’est obligatoire Il est également pratiqué chez les donneurs qu’en Algérie. En Tunisie, il est réalisé pé- de sperme dans le cadre de la procréation riodiquement sous formes de campagnes médicale assistée.Il faut noter que les de dépistage et de sensibilisation dans donneurs de sang sont volontaires et sont quelques institutions. assurés de la confidentialité des résultats En Algérie, le PSN 2013-2015 prévoit la des tests réalisés. promotion du dépistage volontaire chez Ce type de dépistage a été instauré, dans les hommes en uniforme déjà en service, les pays de la région, dès les premières chez les prisonniers et les migrants [7]. années de l’épidémie, chez les donneurs En Mauritanie, bien qu’il soit obligatoire, il de sang et d’organes en vue de sécuriser n’y a pas de données officielles concer- les transfusions des dérivés sanguins et nant le dépistage pour les militaires et les les dons d’organes. hommes en uniformes. En milieu carcéral, le dépistage est pratiqué dans le cadre d’enquêtes [9]. Tableau 4. Le dépistage obligatoire de l’infection à VIH. ALGÉRIE MAROC MAURITANIE TUNISIE Dons de sang et d’organes Date d’instauration 1991 1988 1988 1988 Tests associés Sérologie de la Sérologie de la Sérologie de la Sérologie de la syphilis, VHB1, VHC2 syphilis, VHB, VHC syphilis, VHB, VHC syphilis, VHB, VHC A l’occasion de Recrutement de l’armée don de sang Recrutement d’hommes en uniforme (gendarmerie et police) 3 Maisons d’arrêt et orphelinats 1- VHB : Virus de l’hépatite virale B. 2- Virus de l’hépatite virale C. 3- Dépistage volontaire et appliqué dans quelques prisons sous forme de campagnes. GUIDE DE DÉPISTAGE DE L’INFECTION À VIH DANS LA RÉGION DU MAGHREB 15
IV 2- Dépistage à l’initiative du soignant Il est proposé à l’initiative du soignant en sonnes présentant des symptômes cliniques présence de situations cliniques particulières évocateurs. Le tableau 5 résume les pra- ciblant la femme enceinte, le nouveau-né tiques de ce type dépistage dans les pays exposé au VIH, certaines co-infections (IST, de la région. tuberculose, hépatites virales) et les per- Tableau 5. Le dépistage à l’initiative du soignant de l’infection à VIH. ALGÉRIE MAROC MAURITANIE TUNISIE Proposition Proposition Proposition Proposition Test VIH en prénatal systématique systématique systématique systématique Diagnostic précoce de l’infection à VIH chez les nouveau-nés Recommandé Recommandé Recommandé Recommandé de mères vivant avec le VIH Proposition Proposition Recommandé mais Proposition Test VIH en cas de tuberculose systématique systématique non documenté systématique Proposition Recommandé mais Recommandé mais Recommandé mais Test VIH en cas d’IST systématique mais non documenté non documenté non documenté non documenté Recommandé Proposition en présence Test VIH en cas d’hépatites Proposition systématique mais Non de facteurs de virales B et C systématique non documentée risque mais non documenté Test VIH en présence Recommandé mais Recommandé mais Recommandé mais non Recommandé mais e manifestations cliniques non documenté non documenté documenté non documenté Proposition Recommandé mais Test VIH en prénuptial systématique mais ND Non non documenté non documentée Test VIH pour les partenaires Proposition Recommandé mais Recommandé mais non Recommandé mais séronégatifs des couples systématique mais non documenté documenté non documenté séro-différents non documentée ND : Donnée non disponible. GUIDE DE DÉPISTAGE DE L’INFECTION À VIH DANS LA RÉGION 16 DU MAGHREB
IV Les pratiques du dépistage à l’initiative du Le soignant peut être amené à proposer soignant sont très variables à l’échelle des un test VIH dans certaines circonstances pays de la région. Le dépistage en prénatal non mentionnées dans les recueils de pour les femmes enceintes et le diagnostic données nationales, telles que : précoce de l’infection chez l’enfant, faisant • Les personnes victimes de viol dans le but partie des interventions clés de la PTME, d’instaurer une prophylaxie post-exposi- sont les plus respectés. Le dépistage en tion. prénuptial n’est pas réglementé et reste • Les partenaires séronégatifs d’une PVVIH. très peu documenté. En Tunisie, il est for- tement recommandé mais encore faible- • Les partenaires ou clients des popula- ment prescrit, il a représenté 3% des tests tions clés. VIH dans les CCDAG en 2010 et 13% en • La procréation médicale assistée. 2016 [6, 11]. En Mauritanie, le dépistage en • La consultation de santé sexuelle et re- prénuptial est conseillé par quelques ONG, productive en présence de facteurs de mais non recommandé dans le cadre risque de l’infection à VIH. d’une stratégie nationale, il est volontaire, réalisé en toute confidentialité et après un consentement éclairé [14]. Ainsi, l’évaluation des pratiques du Le dépistage du VIH en cas de tuberculose dépistage à l’initiative du soignant est proposé en Algérie, Maroc et Tunisie montre que : mais peu documenté. En Tunisie, il est ré- • En dehors du dépistage prénatal, le glementé par la circulaire 104/2010 du test VIH reste très peu documenté. 31 Décembre 2010 qui recommande de • Plusieurs opportunités sont man- demander le test VIH en présence d’un cas quées pour atteindre les popula- de tuberculose selon une approche non tions clés et vulnérables à travers précisée. Selon les données Tunisiennes le dépistage du VIH en présence disponibles, il n’est appliqué que dans d’IST, d’hépatites virales B et C et seulement 25% des tuberculeux testés en de tuberculose. 2013 donnant un taux de positivité de 0,48% [11]. En Mauritanie, la séropréva- • Le test VIH pour les partenaires lence chez les tuberculeux est plus élevée séronégatifs des couples séro- de l’ordre de 4,8% en 2008 [12, 14]. différents est non documenté et celui des partenaires ou clients des Le dépistage du VIH en cas d’IST est re- populations clés est négligé. commandé dans tous les pays de la région mais reste non documenté. La seule donnée • Le test VIH en prénuptial est non disponible sur le dépistage chez les consul- réglementé et rarement proposé. tants pour IST provient de la Mauritanie dans le cadre d’une enquête réalisée en 2007 montrant des séroprévalences du VIH et de la syphilis, respectivement de 9% et 10% [15]. Le dépistage du VIH en cas d’hépatites virales B et C est recommandé au Maroc et en Tunisie sans être documenté. En cas de manifestations cliniques évoca- trices de l’infection à VIH, le dépistage est recommandé dans tous les pays mais reste non documenté. Ce dépistage est essentiellement à visée diagnostique, sa contribution dans la détection de nouvelles infections n’est pas connue, sa principale faiblesse est le diagnostic à un stade tardif de l’infection à VIH. GUIDE DE DÉPISTAGE DE L’INFECTION À VIH DANS LA RÉGION DU MAGHREB 17
IV 3- Dépistage volontaire La disponibilité d’antirétroviraux efficaces En Tunisie, l’offre du dépistage anonyme fait du dépistage volontaire une activité et gratuit est disponible, depuis 2009, dans incontournable des PSN de lutte contre le 25 CCDAG implantés dans 19 gouvernorats. VIH/sida. Il permet de détecter les nouvelles L’activité du dépistage est variable d’un infections à un stade précoce avec une centre à l’autre, avec une faible attractivité orientation rapide vers un service de prise pour les populations clés (< 10% des clients). en charge en vue d’initier rapidement un Au cours de la période 2012-2016, le nombre traitement et de maintenir aux soins. La de tests VIH réalisés annuellement dans suppression virale durable ainsi obtenue a les CCDAG variait entre 7525 et 13262 avec un double intérêt, individuel par l’amélio- un taux de positivité progressivement ration de la survie des PVVIH avec une croissant allant de 0,29% en 2012 à 0,69% meilleure qualité de vie, et collectif par la en 2016 [6] (tableau 6). réduction significative de la transmission Au Maroc, le dépistage volontaire au niveau sexuelle du VIH. des centres d’ONG était instauré dès 1992 Le dépistage volontaire est offert de façon avec une introduction des tests rapides en anonyme et gratuite. Le dispositif actuel 2004. L’offre du dépistage au niveau des du dépistage est basé, selon les pays, sur centres de santé était disponible dès 2008 des centres intégrés aux structures de santé, et s’est renforcée en 2012 pour atteindre des centres autonomes appartenant au plus de 1200 centres en 2016. Le nombre secteur public, des centres implantés au de tests réalisés est passé de 60000 tests sein des ONG ou issus du partenariat entre à plus de 600000 tests entre 2011 et 2016. secteur public et ONG. Le test est réalisé Ainsi, au cours de l’année 2016, 605.746 tests par un personnel médical ou paramédical VIH ont été réalisés au Maroc dont 155.000 formé, utilisant le TDR et encadré par des pour les femmes enceintes et 16.000 pour informations pré-test et un counselling les patients atteints de tuberculose. La post-test. proportion des PVVIH estimés connaissant En Algérie, l’offre de dépistage existe dans leur statut VIH est passée de 22% en 2011 60 centres de dépistage intégrés aux struc- à 63% en 2016. tures de santé de proximité des wilayas Les normes actuelles exigent la confirmation avec des activités en nette progressive. du résultat du test rapide par un ELISA et/ En 2012, 661 personnes sur 48296 étaient ou un Western Blot avec des algorithmes dépistées séropositives ce qui correspond de diagnostic complexes et différents d’un à un taux de positivité de 1,36 %. Il est à pays à un autre. Ces normes imposent aux signaler qu’en plus du test VIH, sont propo- clients un temps supplémentaire pour sés les tests de dépistage pour la syphilis obtenir le résultat final (en moyenne de et les hépatites virales B et C. quelques semaines) avec au moins un En Mauritanie, les structures primaires of- déplacement au laboratoire de référence frant le dépistage sont au nombre de 17 en et un risque non négligeable de non récu- 2013 réparties dans les 13 capitales régio- pération du résultat et de perte de vue. nales, l’ensemble des structures tertiaires Lorsque le diagnostic de l’infection à VIH et les cliniques privées offrent le dépistage, est confirmé, l’orientation de la PVVIH vers même si ce dernier n’est pas toujours accom- les centres de soins pose encore beau- pagné de counselling. De plus, au moins 4 coup de difficultés en raison, d’une part, ONG nationales mènent ponctuellement, des problèmes de coordination entre les selon des calendriers variables, des cam- centres de dépistage et les services de prise pagnes mobiles de dépistage dans les en charge et, d’autre part, de l’absence wilayas prioritaires. Au cours de l’année d’un mécanisme de référence clairement 2012, 2932 personnes ont été volontairement établi. Les actions d’accompagnement des dépistées, ce chiffre est largement en deçà PVVIH vers les centres de soins, menées de la cible annuelle du PSN et représente par quelques ONG nationales grâce aux 14,7% de l’objectif du dépistage fixé à éducateurs pairs, restent des initiatives 20000 tests VIH par an. isolées. GUIDE DE DÉPISTAGE DE L’INFECTION À VIH DANS LA RÉGION 18 DU MAGHREB
IV Tableau 6. Le dépistage volontaire de l’infection à VIH. ALGÉRIE MAROC MAURITANIE TUNISIE Nombre de centres de dépistage 56 CIDAG et 1200 60 17 25 volontaire (2013) centres de santé Nombre de tests réalisés 48296 605746 2932 13262 (Année) (2012) (2016) (2012) (2015) 38,48 millions 35,28 millions1 3,796 millions 11,27 millions1 Population pays (Année) (2012) (2016) (2012) (2015) Nombre de tests/1000 habitants 1,25 17,16 0,08 1,18 Séroprévalence VIH à partir des 1,36% 0,95%2 0,69% clients testés aux centres de ND (2012) (2012) (2016) dépistage volontaire Dépistage VIH associé à celui des hépatites B et C Dépistage mobile 1 unité 9 unités Non 1 unité 1- Source : Banque mondiale. 2-Chiffre de l’ALCS qui, en 2016, a réalisé a elle seule plus de 90% de l’ensemble des tests pratiqués par tous les ONG. Le dépistage basé sur les unités mobiles clés vers d’autres villes et d’autres ONG et qui permet d’atteindre plus facilement les de l’intégrer dans la nouvelle politique de populations clés n’est pas encore bien dépistage du VIH du Maroc. En Algérie, un développé dans les pays de la région et dispositif de dépistage communautaire reste, officiellement, limité au Maroc. Une était développé en 2015 avec la mobilisation unité de dépistage mobile était mise en de 65 pairs-éducateurs HSH dans 5 régions place en Algérie en 2014 par l’APCS [16] [16]. En Tunisie, le dépistage communautaire et une autre en Tunisie par l’ATL-MST SIDA- n’est pas encore officiellement recommandé. Tunis en 2016. Toutefois, une expérience a été initiée De même, le dépistage communautaire depuis 2011 à l’ATL-MST SIDA-Tunis en n’est pas encore bien développé dans les partenariat avec un CCDAG. Il faut aussi pays de la région. Il faut souligner l’expé- noter que quelques centres d’accueil à rience pilote marocaine de dépistage bas seuil offrent ce service aux UDI depuis communautaire mise en place par l’ALCS 2014. Pour l’année 2016, le bilan des activités en 2014 dans 4 villes (Agadir, Casablanca, du dépistage communautaire dans les dif- Marrakech et Rabat) pour les PS, les HSH férents centres de l’ATL-MST SIDA montre et les migrants. Durant la période allant de un taux de positivité des tests VIH de Mars à Octobre 2015, 8392 tests VIH étaient 0,04% (32/808) inférieur à celui noté dans réalisés avec un taux de positivité de 1,5% les CCDAG. Au cours du mois de Mai 2017, et une confirmation d’entrée à la prise en l’ATL-MST SIDA-Tunis avait organisé une charge pour 94% des cas confirmés. Après campagne de dépistage communautaire évaluation de cette expérience, le PNLS ciblant surtout les populations clés (HSH, au Maroc a décidé d’étendre le dépistage UDI et PS) dans 9 régions à travers 19 sites. GUIDE DE communautaire auprès des populations DÉPISTAGE DE L’INFECTION À VIH DANS LA RÉGION DU MAGHREB 19
IV Cette campagne avait permit de tester L’insuffisance du dépistage dans la région 3403 personnes dont 2664 (78,3%) appar- est reflétée par la fréquence encore élevée tenaient aux populations clés, le taux des personnes qui ignorent leur statut, global de positivité du test VIH était de estimée en 2016 à 37% au Maroc et 42% en 4,2% (5,3% dans les populations clés ver- Tunisie, ainsi que le pourcentage élevé de sus 0% dans la population générale) avec PVVIH notifiées à un stade avancé de l’in- une positivité 3 fois plus élevée pour les fection, environ 30% des PVVIH en Tunisie HSH (7,5%) que les UDI (2,7%) et les PS et au Maroc [6, 8, 11]. Par ailleurs, les don- (2,8%) [17]. Toutefois, le nombre de per- nées tunisiennes émanant des systèmes sonnes orientées vers la prise en charge de modélisation « Mot-2011 » et « Spectrum parmi celles dépistées positives n’était pas 2013 », estiment que 80 à 97% des nou- précisé. velles infections à VIH devraient provenir des populations clés, alors que pour l’an- née 2012, 24% seulement des cas notifiés étaient issus des populations clés [11]. De Ainsi, la situation du dépistage volon- plus, au cours des années 2014-2016, les taire dans les pays de la plateforme populations clés représentaient moins de MENA est marquée par plusieurs 5% des clients des CCDAG en Tunisie [6]. insuffisances tant quantitatives Ainsi, les personnes les plus exposées au que qualitatives avec : risque d’infection à VIH ne bénéficient pas • Une activité variable des centres des services de santé dont elles ont besoin. de dépistage et un nombre de tests Dans le contexte épidémiologique actuel annuels très insuffisant, inférieur des pays de la région, il serait plus rentable à 10 tests/1000 habitants. de mettre en place une stratégie de dépis- • Des opportunités manquées de tage ciblé permettant de diversifier l’offre et dépistage : certificat prénuptial, de multiplier les opportunités du test VIH IST, tuberculose, etc. et, surtout, de les orienter vers les popula- • Un dépistage volontaire peu at- tions clés et les populations vulnérables. tractif et souvent non ciblé sur les populations clés. • Une absence du dépistage mobile Dans le contexte épidémiologique et communautaire en dehors des actuel des pays de la région, il serait expériences marocaine et tuni- plus rentable de mettre en place sienne. une stratégie de dépistage ciblé permettant de diversifier l’offre et de • Un faible lien entre les différents multiplier les opportunités du test VIH acteurs : complexité du circuit et et, surtout, de les orienter vers les de l’algorithme de confirmation populations clés et les populations d’un TDR positif, faiblesse du vulnérables. système de référence vers les services de prise en charge. • Une faiblesse du système de suivi- évaluation : collecte des informa- tions, qualité des données (fréquence élevée de données manquantes), analyse des données. GUIDE DE DÉPISTAGE DE L’INFECTION À VIH DANS LA RÉGION 20 DU MAGHREB
IV 4- Opportunités manquées du dépistage Malgré l’élargissement de l’offre du dépis- séborrhéique, zona, prurigo) ou constitu- tage volontaire, plusieurs opportunités tionnels (fièvre inexpliquée > 1 mois, diar- manquées persistent, particulièrement dans rhée inexpliquée > 1 mois, perte de poids > les structures de santé, du fait de l’échec 10%) reste encore faible en dehors des des soignants à identifier les personnes à services hospitaliers prenant en charge risque de VIH (risque non mentionné par le les PVVIH. Malgré les recommandations patient et non demandé par le soignant) nationales dans certains pays, le dépistage ou les symptômes liés à l’infection VIH. chez les tuberculeux, en présence d’IST et L’échec des soignants à identifier les per- d’hépatites virales n’a pas encore atteint sonnes à risque de VIH explique l’insuffi- un niveau élevé. sance du dépistage chez les populations clés dans les structures de soins. La pro- position du dépistage en présence de signes cutanéo-muqueux évocateurs (candidose buccale, leucoplasie chevelue, dermite GUIDE DE DÉPISTAGE DE L’INFECTION À VIH DANS LA RÉGION DU MAGHREB 21
V Principaux obstacles à l’accès au dépistage Les personnes appartenant aux populations Concernant les populations en contexte de clés continuent à être profondément ex- vulnérabilité, les données émanant du Maroc posées à une problématique socio-juridique et de la Mauritanie montrent le très faible (rejet social, stigmatisation, discrimination, accès au dépistage des routiers et migrants. pénalisation, privation des droits élémen- L’étude bio-comportementale mauritanienne taires) qui les rend plus vulnérables et limite de 2014 a montré que les routiers et les leur accès au dépistage. Dans les pays de pêcheurs sont de plus en plus exposés au la région, les PS, les HSH et les UDI sont VIH. En effet, les rapports avec d’autres socialement marginalisés, souvent crimi- Hommes ont été notés chez 5,4% des rou- nalisés et victimes de diverses violations tiers et chez 3,8% des pêcheurs avec une des droits de l’Homme, ce qui les rend plus augmentation significative entre 2007 et vulnérables au VIH [18]. Les jeunes issus 2014 [12]. En plus, une augmentation si- des populations-clés sont également de plus gnificative de la prévalence de la syphilis est en plus marginalisés, du fait de législations notée depuis 2007 atteignant 8,5 à 9% [12]. et des politiques liées à l’âge qui réduisent leur capacité d’accéder aux services de santé surtout en matière de VIH. Les données régionales concernant l’accès des populations clés au dépistage et à la prévention confirment ces difficultés. Dans le cadre de l’évaluation des activités de prévention de proximité sur une période de 4 mois au cours de l’année 2014, le pro- gramme de renforcement de l’accès à la prévention, au traitement et aux soins liés au VIH auprès des PS dans une ville de l’ouest algérien a montré que seulement 2,5 % (33/264) des PS étaient atteintes par les services de prévention du VIH. Par ailleurs, la fréquence des personnes appar- tenant aux populations clés ayant bénéficié d’un test VIH au cours des 12 derniers mois avec une connaissance du statut sérolo- gique reste très faible et varie globalement de 9,7% à 39,9% (tableau 7). Les études bio-comportementales réalisées au cours dernières années (2010-2014) en Algérie, au Maroc et en Tunisie confirment le faible accès au dépistage des populations clés [6, 8]. Malgré le faible effectif des HSH et des PS inclus, l’étude bio-comportementale mauritanienne conduite en 2014 montre la même tendance [12]. Il s’ensuit des difficultés de référence aux centres de prise en charge et une faible couverture en traitement antirétroviral. GUIDE DE DÉPISTAGE DE L’INFECTION À VIH DANS LA RÉGION 22 DU MAGHREB
V Tableau 7. Proportion des personnes testées et ayant reçu le résultat du test au cours des 12 derniers mois. ALGÉRIE MAROC MAURITANIE TUNISIE Populations clés 9,7 % 18,2 % UDI ND1 ND (2010) (2014) 31 % 30,3 % HSH ND2 39,9 % (2014) (2010) (2014) 29,5 % 25,5 % 26,5 % 23,2 % PS (2014) (2011) (2014) (2014) Prisonniers ND ND ND ND Populations vulnérables Porteurs d’IST ND ND ND ND 29,6 % Routiers ND ND ND (2013) 28,4 % Migrants ND ND ND (2013) 1- Non déterminé. 2- L’enquête séro-comportementale a montré que 12,6% des HSH ont bénéficié d’un test VIH [13]. Ces obstacles et difficultés alimentent la tendance régionale qui montre globalement Encadré 1 : Les obstacles et barrières à l’accès au dépistage volontaire. une stabilisation de l’incidence de l’infection • Crainte d’un jugement négatif sur les pratiques sexuelles ou les comportements à VIH dans la population générale contre à risque. une augmentation dans les populations clés. • Crainte d’un jugement négatif sur des demandes répétées de dépistage. Ils expliquent aussi la persistance d’une • Peur de la pratique du test et de son résultat sur la vie sexuelle et sociale. faible couverture régionale du traitement • Faible niveau d’information et d’indication des centres. antirétroviral (
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