DOCUMENT DE TRAVAIL WORKING PAPER - N 11-14.RS RESEARCH SERIES

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DOCUMENT DE TRAVAIL WORKING PAPER - N 11-14.RS RESEARCH SERIES
DOCUMENT DE TRAVAIL

                  WORKING PAPER
                  N°11-14.RS

                  RESEARCH SERIES

              LE CHÔMAGE À BRUXELLES :
              QUELLES    SPÉCIFICITÉS PAR
              RAPPORT AU CHÔMAGE URBAIN
              EN EUROPE ?

              Marion ENGLERT
              Robert PLASMAN

                DULBEA l Université Libre de Bruxelles
Avenue F.D. Roosevelt, 50 - CP-140 l B-1050 Brussels l Belgium
Le chômage à Bruxelles :
 Quelles spécificités par rapport au chômage urbain en
                         Europe ?

Unemployment in Brussels: which specificities compared
        to urban unemployment in Europe?

               Marion Englert et Robert Plasman
            (DULBEA, Université Libre de Bruxelles)

                        Décembre 2011

                                                         1
Résumé : De nombreux facteurs influencent le chômage urbain en général et à Bruxelles en
particulier. Ce papier se focalise sur deux grands courants de pensée: l’inadéquation des
qualifications (perspective d’offre) et la perspective de demande, au sein de laquelle les
facteurs de demande « qualitatifs » (ex. discrimination) et « quantitatifs » (niveau
structurellement insuffisant des offres d’emploi, susceptible d’entraîner une déqualification en
cascade) sont distingués. Les résultats des analyses empiriques suggèrent la pertinence de
l’approche de demande par rapport à l’approche d’offre pour expliquer les différences de taux
de chômage entre villes et, en particulier, le « surplus » de chômage bruxellois : l’étude
« macroéconométrique » (au niveau des zones urbaines européennes) révèle notamment
l’absence de lien entre niveau de diplôme de la population d’une zone et taux de chômage.
L’approche microéconométrique indique que, pour un individu de caractéristiques données, la
probabilité de chômage est plus élevée en Région de Bruxelles-Capitale que dans toutes les
autres provinces belges et dans la grande majorité des autres villes-régions européennes
étudiées. De surcroît, il s’avère que le fait d’être résident bruxellois accroît de façon
relativement équivalente les probabilités de chômage des diplômés du supérieur et des non
diplômés du supérieur. Cette spécificité bruxelloise pourrait résulter de la présence de
particularités au niveau de la demande de travail dans la Région.

Mots clés : offre et demande de travail, chômage urbain, inadéquation des qualifications,
Région de Bruxelles-Capitale, modèle logit

Abstract: Numerous factors influence urban unemployment in general, and in Brussels in
particular. This paper focuses on two important ways of thinking: skill mismatch (supply
perspective) and demand perspective, in which “qualitative” (e.g. discrimination) and
“quantitative” demand factors (structurally insufficient levels of job offers, which could result
in job competition and chain de-skilling) are distinguished. Empirical results suggest that
demand perspective is more relevant than supply perspective to explain the difference of
unemployment rates between cities and, in particular, the “surplus” of Brussels
unemployment: the “macroeconometric” study (at the larger urban zone level) reveals, among
other findings, the absence of a correlation between the level of education of a zone and the
unemployment rate. The microeconometric approach indicates that, for an individual of given
characteristics, the probability of unemployment is higher in the Brussels Region than in the
other Belgian provinces and than in the majority of other European city-regions considered.
Moreover, it appears that the increase of unemployment probability resulting from the fact of
living in Brussels is relatively equivalent for highly educated workers and those with a low
level of education. This specificity may be the consequence of special features of labor
demand in the Brussels Region.

Key words: demand and supply of labour, urban unemployment, skill mismatch, Brussels-
Capital Region, logit model

JEL codes: J2, C35, R23

                                                                                               2
Nous tenons à remercier chaleureusement l’IGEAT, tout particulièrement Gilles Van Hamme
et Christian Vandermotten, et l’Observatoire Bruxellois de l’Emploi, tout particulièrement
Mourad De Villers et Stéphane Thys, pour leur précieuse collaboration. Un grand merci
également à Bruno Vinikas, Anissa Benchekroun, Stephan Kampelmann, Ilan Tojerow et
Souhail Chichah pour leurs précieux conseils. Merci enfin à Amélie Goossens et Sarah
Flament pour la relecture de forme.

                                                                                        3
Table des matières

INTRODUCTION .................................................................................................................. 8
1. CADRE THEORIQUE : PERSPECTIVE D’OFFRE VERSUS PERSPECTIVE DE DEMANDE POUR
EXPLIQUER LE CHOMAGE URBAIN .................................................................................... 10
2. APPROCHE « MACROECONOMETRIQUE » : L’ABSENCE DE RELATION ENTRE TAUX DE
CHOMAGE D’UNE VILLE ET NIVEAU DE DIPLOME DE SA POPULATION .............................. 14
   2.1. QUELQUES CONSTATS : LA PERTINENCE DE L’ÉTUDE DU CHÔMAGE AU NIVEAU URBAIN ET LA VARIABILITÉ
   DES ÉCARTS ENTRE TAUX DE CHÔMAGE PAR NIVEAU DE DIPLÔME ......................................................... 15
   2.2. DES CORRÉLATIONS EN FAVEUR DE LA PERSPECTIVE DE DEMANDE POUR EXPLIQUER LES DIFFÉRENCES DE
   TAUX DE CHÔMAGE ENTRE LES VILLES ............................................................................................. 18

3. APPROCHE MICROECONOMETRIQUE : LES DETERMINANTS INDIVIDUELS ET SPECIFIQUES
DU CHOMAGE A BRUXELLES ............................................................................................. 20
   3.1. DESCRIPTION DE LA BASE DE DONNÉES, DU MODÈLE ET DE SES VARIABLES ....................................... 20
   3.2. RESULTATS......................................................................................................................... 27
     3.2.1 Quelques statistiques descriptives ........................................................................... 28
     3.2.2. Comparaison de l’effet des variables sur les probabilités de chômage à Bruxelles et
     ailleurs : résultats des régressions séparées ..................................................................... 29
     3.2.3. L’impact du fait d’être résident bruxellois sur la probabilité de chômage ............. 40
4. DISCUSSION ET INTERPRETATION DES RESULTATS ........................................................ 46
CONCLUSIONS................................................................................................................... 53
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................. 59
ANNEXE ............................................................................................................................ 63
      Annexe 1 : Nombre de LUZ par pays pour l’étude macroéconomique ......................................................... 63
      Annexe 2 : Critères de classement des taux de chômage par niveau de diplôme utilisés pour établir la
      typologie ....................................................................................................................................................... 64
      Annexe 3: Corrélations entre le taux de chômage total et certaines variables socio‐économiques de base
      (régression)................................................................................................................................................... 65
      Annexe 4 : Corrélations entre le taux de chômage des peu qualifiés, les taux de chômage des autres
      catégories d’actifs et certaines variables socio‐économiques de base (régression)..................................... 67
      Annexe 5 : La décomposition d’Oaxaca‐Blinder ........................................................................................... 69
      Annexe 6 : Significativité des différences de coefficients entre Bruxelles et le reste de la Belgique, et
      Bruxelles et les autres « villes‐régions » européennes ................................................................................. 72
      Annexe 7 : L’impact du fait d’être ressortissant d’un Etat européen sur le risque de chômage à Bruxelles
      selon le niveau de diplôme ........................................................................................................................... 73
      Annexe 8 : L’impact de l’absence de diplôme du supérieur sur le risque de chômage à Bruxelles et ailleurs
      en Belgique ................................................................................................................................................... 74
      Annexe 9 : L’impact sur le risque de chômage du fait d’être résident dans les autres provinces de Belgique
      (plutôt qu’à Bruxelles) selon le niveau de diplôme ....................................................................................... 75
      Annexe 10 : L’impact sur le risque de chômage du fait d’être résident dans les autres « villes‐régions »
      européennes (plutôt qu’à Bruxelles) selon le niveau de diplôme ................................................................. 76
      Annexe 11 : Déséquilibre entre la proportion de demandeurs d’emplois bilingues et la part des offres
      d’emploi d’actiris exigeant le bilinguisme par fonction critique ................................................................... 77

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Liste des graphiques, tableaux et annexes

Graphique 1 : Taux de chômage des LUZ par pays en comparaison avec les taux de chômage
nationaux (2007), % ................................................................................................................. 16

Graphique 2 : Déséquilibre entre la proportion des demandeurs d’emplois qui ont une
connaissance moyenne de la deuxième langue nationale et la part des offres d’emploi exigeant
le bilinguisme par fonction critique ......................................................................................... 77

Graphique 3 : Déséquilibre entre la proportion des demandeurs d’emplois qui ont une bonne
connaissance de la deuxième langue nationale et la part des offres d’emploi exigeant le
bilinguisme par fonction critique ............................................................................................. 78

Tableau 1 : Population et taux de chômage à Bruxelles selon deux délimitations territoriales
possibles (2007)........................................................................................................................ 15

Tableau 2 : Echantillon de régions éligibles pour l’étude microéconométrique avec certaines
de leurs caractéristiques ........................................................................................................... 22

Tableau 3 : Comparaison de l’impact des variables du modèle sur la probabilité de chômage
des résidents bruxellois, des résidents du reste de la Belgique et des résidents des autres
« villes-régions » de l’échantillon (régressions logit) .............................................................. 30

Tableau 4 : Statistiques descriptives des probabilités estimées de chômage des résidents
bruxellois, des résidents du reste de la Belgique et des résidents des autres « villes-régions »
européennes .............................................................................................................................. 31

Tableau 5 : Effet du terme d’interaction relatif au fait de ne pas posséder un diplôme du
supérieur et de résider à Bruxelles sur la probabilité de chômage en Belgique (régression
logit) ......................................................................................................................................... 37

Tableau 6 : Statistiques descriptives du terme d’interaction relatif au fait de ne pas posséder
un diplôme du supérieur et de résider à Bruxelles et de la statistique Z associée .................... 37

Tableau 7 : Statistique Z du terme d’interaction en fonction des probabilités estimées de
chômage par individu ............................................................................................................... 38

Tableau 8 : Termes d’interaction en fonction des probabilités estimées de chômage par
individu..................................................................................................................................... 39

Tableau 9 : L’impact sur la probabilité de chômage du fait d’être résident bruxellois par
rapport au fait de résider ailleurs en Belgique ou dans les autres « villes-régions » de
l’échantillon (régressions logit) ................................................................................................ 41

Tableau 10 : L’impact sur la probabilité de chômage du fait d’être résident bruxellois par
rapport au fait de résider dans le reste de la Belgique selon le niveau de diplôme (régressions
logit) ......................................................................................................................................... 42

Tableau 11 : Accroissement de probabilité de chômage en points de pourcentage résultant du
fait d’être résident bruxellois pour un individu de caractéristiques données (sexe, âge,
nationalité, situation familiale, situation sur le marché du travail un an avant l’enquête) ....... 43

                                                                                                                                                 5
Tableau 12 : L’impact sur la probabilité de chômage du fait d’être résident bruxellois par
rapport au fait de résider dans les autres « villes régions » européennes de l’échantillon selon
le niveau de diplôme (régressions logit) .................................................................................. 44

Tableau 13 : Nombre d’observations (LUZ) par pays de la base de données .......................... 63

Tableau 14 : Critères de classement des taux de chômage par niveau de diplôme utilisés pour
établir la typologie .................................................................................................................... 64

Tableau 15 : Régression linéaire multiple avec le taux de chômage total comme variable
dépendante ................................................................................................................................ 66

Tableau 16 : Régression linéaire multiple avec le taux de chômage des diplômés du
(pré)primaire/secondaire inférieur comme variable dépendante .............................................. 68

Tableau 17 : Résultat de la décomposition d’Oaxaca-Blinder concernant la différence de
probabilité prédite moyenne de chômage pour les résidents bruxellois et les résidents du reste
de la Belgique (régressions incluant toutes les variables explicatives) .................................... 70

Tableau 18 : Résultat de la décomposition d’Oaxaca-Blinder concernant la différence de
probabilité prédite moyenne de chômage pour les résidents bruxellois et les résidents du reste
de la Belgique (régressions sans les variables relatives à la situation des individus sur le
marché du travail un an avant l’enquête) ................................................................................. 70

Tableau 19 : Résultat de la décomposition d’Oaxaca-Blinder concernant la différence de
probabilité prédite moyenne de chômage pour les résidents bruxellois et les résidents des
autres « villes-régions » européennes (régressions incluant toutes les variables explicatives) 71

Tableau 20 : Résultat de la décomposition d’Oaxaca-Blinder concernant la différence de
probabilité prédite moyenne de chômage pour les résidents bruxellois et les résidents des
autres « villes-régions » européennes (régressions sans les variables relatives à la situation des
individus sur le marché du travail un an avant l’enquête)........................................................ 71

Tableau 21 : Significativité des différences de coefficients entre Bruxelles et le reste de la
Belgique, et Bruxelles et les autres « villes-régions » européennes : p-valeurs associées au test
de Student ................................................................................................................................. 72

Tableau 22 : Impact du fait d’être ressortissant d’un Etat européen sur la probabilité de
chômage à Bruxelles selon le niveau de diplôme .................................................................... 73

Tableau 23 : L’impact d’être non-diplômé du supérieur (plutôt que diplômé du supérieur) sur
la probabilité de chômage à Bruxelles et ailleurs en Belgique ................................................ 74

Tableau 24 : Comparaison de l’effet d’habiter dans les autres provinces de Belgique (plutôt
qu’à Bruxelles) sur la probabilité de chômage des non-diplômés du supérieur et des diplômés
du supérieur .............................................................................................................................. 75

Tableau 25 : Comparaison de l’effet d’habiter dans les autres « villes-régions » européennes
(plutôt qu’à Bruxelles) sur la probabilité de chômage des non-diplômés du supérieur et des
diplômés du supérieur .............................................................................................................. 76

                                                                                                                                             6
Liste des acronymes et abréviations

ACTIRIS   Office régional bruxellois de l’emploi
BFP       Bureau Fédéral du Plan
BIT       Bureau International du Travail
BNB       Banque Nationale de Belgique
DE        Demandeurs d’emploi
EFT       Enquêtes sur les Forces de Travail
IGEAT     Institut de Gestion de l’Environnement et d’Aménagement du Territoire
IPP       Impôt des personnes physiques
LUZ       Larger Urban Zone
NUTS      Nomenclature d'Unités Territoriales Statistiques
PIB/ha    Produit Intérieur Brut par habitant
RDA       République démocratique allemande
RFA       République fédérale d’Allemagne
UE        Union Européenne

                                                                                  7
Introduction

Bruxelles est une ville économiquement riche, avec un produit intérieur brut par habitant tout
particulièrement élevé par rapport à la majorité des autres régions européennes. Pourtant,
force est de constater que cette richesse ne profite pas à bon nombre de ses habitants. En effet,
près de 30% des ménages vivent sous le seuil du risque de pauvreté à Bruxelles et le taux de
chômage y atteint 17,4%1 en 2010. Ce taux de chômage se situe parmi les plus élevés des
régions européennes.

L’objectif de ce papier est de mettre en avant les causes générales et spécifiques du chômage
bruxellois. Deux approches « macroéconomiques » s’opposent communément dans la
littérature pour expliquer le chômage en général et dans les villes en particulier : l’approche
du « skills mismatch » ou inadéquation des qualifications, qui s’inscrit dans une perspective
d’offre (« supply-side perspective »), et l’approche de demande (« demand-side
perspective »). L’objectif plus spécifique de ce papier est d’identifier laquelle de ces deux
approches prédomine pour caractériser la particularité ou le « surplus » du chômage
bruxellois.

Les déterminants du chômage urbain en général seront brièvement mentionnés (sur base
d’une revue de la littérature) et le cadre théorique du présent papier sera posé dans une
première section. Une analyse empirique préliminaire comparative, sur base de données
« macroéconomiques » (agrégées au niveau des zones urbaines élargies européennes), sera
menée dans une deuxième section. Cette analyse visera à situer la zone urbaine élargie de
Bruxelles dans une perspective internationale et à mettre en avant certaines de ses spécificités
relatives au marché du travail et aux caractéristiques globales de la population. L’étude du
lien statistique entre différentes variables fournira également certains éléments permettant de
discuter la pertinence respective de l’approche d’offre et de l’approche de demande pour
expliquer les différences de taux de chômage entre zones urbaines européennes. Après cette
étude comparative préliminaire, une étude microéconométrique sera effectuée dans une
troisième section ; celle-ci visera, outre la mise en avant des déterminants individuels du
chômage à Bruxelles, en Belgique, et en moyenne dans un échantillon de villes européennes,
à dégager les éventuelles spécificités bruxelloises relatives à l’effet sur les probabilités de
chômage de certaines caractéristiques individuelles. Par exemple, cela permettra d’identifier
si une personne peu qualifiée présente une probabilité plus importante d’être au chômage à
Bruxelles qu’ailleurs. De même, cela permettra d’identifier si le fait d’habiter à Bruxelles
exerce un impact sur la probabilité de chômage quelles que soient les caractéristiques de
l’individu, ou si au contraire le problème du chômage bruxellois est uniquement lié aux
caractéristiques de la population, comme par exemple les niveaux de diplôme (approche
d’offre). Dans le cas de la première hypothèse, cela pourrait indiquer que le chômage à
Bruxelles serait aussi à attribuer à certaines spécificités de la demande de travail (approche de
demande), comme par exemple une insuffisance de postes de travail ou des exigences
particulières des employeurs. L’interprétation des résultats sera discutée dans une quatrième
section et les conclusions seront dressées dans la dernière section.

1
    Sur base de la définition européenne du chômage (Enquête Force de Travail).

                                                                                               8
Le contenu de cet article est le fruit d’une recherche2 qui s’inscrit dans le cadre du
programme « Prospective Research For Brussels », financé par Innoviris (Institut
Bruxellois pour la Recherche et l’Innovation).

2
 Englert M. et Plasman R. (2010). Rapport complet disponible sur demande auprès de Marion Englert :
marion.englert@ulb.ac.be

                                                                                                 9
1. Cadre théorique : perspective d’offre versus perspective de
demande pour expliquer le chômage urbain
La littérature spécialisée évoque une grande variété de déterminants sur les causes
structurelles du chômage urbain3. Certaines théories sont spécifiques au chômage urbain, alors
que d’autres constituent des théories plus générales sur le chômage, dont les mécanismes sont
éventuellement accentués au niveau urbain. Ces déterminants peuvent être classés en
différents courants de pensée théoriques, impliquant le recours à des mesures politiques et
économiques différentes. Quatre courants principaux peuvent être mentionnés. Selon le
premier courant, le chômage urbain est dû à une inadéquation des qualifications demandées et
offertes (« skills mismatch») : les caractéristiques de l’offre de travail seraient inadaptées aux
exigences de la demande de travail, par manque de formation adéquate ou d’ajustements
salariaux (« supply-side perspective »), cf. infra. Le deuxième courant, qualifié de courant
géographique, explique le chômage par des phénomènes spatiaux typiquement urbains :
l’inadéquation spatiale entre lieux d’emploi et lieux de résidence et les effets de la
ségrégation résidentielle/socio-spatiale (Houston, 2005 ; Morisson, 2005 ; Gobillon et Selod,
2007 ; Duguet et al. 2008 ; Dujardin et al. 20034 ; Vandermotten, 20085). Le troisième
courant, défini comme l’approche socio-économique, historique et institutionnelle, lie
l’augmentation du chômage et/ou des inégalités dans les villes à la mondialisation, la
remétropolisation, la tertiarisation et la flexibilisation de l’économie urbaine (Sassen, 2006 ;
Hamnett, 1994, 1996 ; Burgers, 1996 ; Vaattova et Kortteinen, 2003 ; Walks, 2001)6. Enfin, le
quatrième courant regroupe les facteurs liés directement aux caractéristiques de la demande
de travail (« demand-side perspective ») pour expliquer le chômage, cf. infra.

Ces différentes approches, généralement non exclusives, révèlent la complexité et le caractère
multidimensionnel du phénomène ainsi que l'existence de différents éléments d'influence qui
interviennent dans l’explication du chômage urbain en général et à Bruxelles. Bien qu’il soit
essentiel de garder à l’esprit cette complexité et cette multiplicité de facteurs d’influence,
étudier empiriquement l’ensemble de ceux-ci se révèlerait impraticable dans le cadre de cet
article. La présente analyse empirique se limitera donc à deux courants importants de la
littérature économique : l’inadéquation des qualifications (« skills mismatch »), qui s’inscrit
dans une perspective d’offre, et la perspective de demande. À noter que si ces deux approches
ne sont pas spécifiquement urbaines, elles font cependant souvent l’objet d’analyses centrées
sur le niveau soit urbain soit régional. De plus, elles représentent une catégorie de facteurs
dont les effets peuvent être particulièrement importants au niveau urbain. Ces deux courants
sont détaillés ci-après.

La première perspective est celle du « skill mismatch » ou de l’"inadéquation des
qualifications" (Devillé, 2008 ; Van Haeperen, 2005 ; Dejemeppe et al. 2002, Manacorda et
Petrongolo, 1998 ; etc.). Selon cette thèse, le progrès technique - entre autre - génèrerait une
demande de travail très qualifié, au détriment des travailleurs peu qualifiés qui, notamment du

3
  Pour une revue et une analyse détaillées de la littérature relative à cette question, se référer à Englert M. et
Plasman R. (2010).
4
  Pour le cas de Bruxelles.
5
  Idem. Voir en général les travaux de l’IGEAT sur ce sujet.
6
   Voir également la thèse proposée par Van Hamme G., Wertz I. et Biot V. (2011) sur « la transition du
capitalisme fordiste au capitalisme flexible » comme explication au phénomène de rétablissement de la situation
économique des villes accompagné d’un accroissement des inégalités sociales.

                                                                                                              10
fait de rigidités salariales, se retrouveraient au chômage. Le chômage serait donc le fait d’un
déséquilibre entre les compétences requises par les employeurs (demande de travail) et celles
offertes par les travailleurs/demandeurs d’emploi (offre de travail). Plus précisément, la cause
du chômage résiderait dans l’inadaptation des caractéristiques de l’offre de travail aux
exigences de la demande de travail, par manque de formation adéquate ou d’ajustements
salariaux. Cette théorie se concentre donc généralement sur les caractéristiques de l’offre de
travail pour expliquer le chômage (Houston, 2005) ; la solution au chômage se trouverait alors
principalement dans l’adaptation des caractéristiques de l’offre de travail aux exigences de la
demande, par le biais de la formation et l’amélioration (ou l’adaptation) des qualifications7.
La théorie du « skills mismatch » sera donc considérée dans le présent papier sous un angle
d’inadéquation « verticale », c’est-à-dire une inadéquation relative aux niveaux de
qualification. Il faut souligner que les qualifications désignent à la fois les connaissances liées
au diplôme et celles acquises par l’expérience professionnelle et l’apprentissage non certifié8.
Cependant, les qualifications seront approchées dans cet article par les niveaux de diplôme ;
ainsi, il est important de garder à l’esprit que les niveaux de qualification réels sont sous-
estimés, en particulier pour les travailleurs manuels ne possédant pas un niveau de diplôme
élevé9. A noter également que nous utiliserons parfois, par simplification de langage, le terme
de qualification pour désigner les niveaux de diplôme.

Bien que l’inadéquation verticale peut impliquer un niveau de diplôme soit trop élevé soit trop
faible par rapport au niveau requis, il est plus communément admis que le chômage est dû à
un manque de qualification plutôt que l’inverse : la plupart des études concluent à un déficit
de qualification, conclusion sur laquelle se basent en grande partie les recommandations
politiques10. Il faut toutefois noter que l’inadéquation des qualifications pourrait aussi résulter
d’une inadéquation « horizontale », dans le cas où le domaine couvert par le diplôme (ou les
compétences) serait inadapté plutôt que le niveau du diplôme. Dans l’approche menée ici,
nous avons cependant étudié la validité empirique de la théorie du « skills mismatch » sous
l’angle de l’inadéquation verticale, compte tenu entre autre des données disponibles.

L’idée d’inadéquation des qualifications peut être replacée dans le concept plus général et
plus englobant d’employabilité. Ce concept peut revêtir différentes définitions en fonction
d'objectifs politiques ou d'inclinaisons idéologiques (Gore T., 2004). Toutefois, la notion
d'employabilité se réfère toujours à la « capacité » des personnes à obtenir et conserver un
emploi. Cette capacité est généralement définie suivant certains facteurs individuels (niveau
de formation, situation antérieure - en emploi ou au chômage,…).

La perspective du « skills mismatch » s’inscrit implicitement dans l’idée des économistes
classiques selon laquelle les marchés tendent spontanément vers l’équilibre en l’absence
d’obstacles qui seraient par nature dommageables (manque de formation, rigidités salariales,
etc.).

7
   A noter que l’on parle parfois également d’inadéquation des compétences plutôt que d’inadéquation des
qualifications. Or, bien qu’ils soient souvent confondus et utilisés indifféremment, ces deux concepts
(qualification et compétence) ont à l’heure actuelle, et dans une certaine mesure, un sens différent. Le sens de ces
deux concepts, leur évolution et leur utilisation font d’ailleurs l’objet d’une littérature propre (Deprez, 2002 ; Le
Boterf, 2000 ; …). Cf. Englert M. et Plasman R. (2010).
8
  Vinikas B. (2009)
9
  Idem.
10
   Cf. Englert M. et Plasman R. (2010).

                                                                                                                 11
La deuxième perspective regroupe plusieurs phénomènes liés directement aux caractéristiques
de la demande de travail (« demand-side perspective ») pouvant expliquer le chômage urbain
(ex. Adams et al, 2002).
Deux types de facteurs de demande sont distingués:

- des facteurs « qualitatifs », qui tiennent aux caractéristiques des emplois et des critères de
recrutement des employeurs11.

- un facteur « quantitatif », selon lequel le chômage s’expliquerait par un niveau
structurellement insuffisant d’offres d’emploi, susceptible d’entraîner une déqualification en
cascade.

Dans le groupe des facteurs « qualitatifs », le premier problème a trait à la qualité des
conditions de travail ou de rémunérations jugées insuffisantes, impliquant une réticence des
travailleurs à postuler ou à rester dans certains secteurs ou certains postes de travail, et donc
des difficultés de recrutement (Mansour et al, 2006). Le deuxième problème tient aux critères
de recrutement des employeurs : les employeurs peuvent surévaluer leurs critères de
recrutement (Van Haeperen, 2005), pratiquer la discrimination à l’embauche (Chichah S,
2007, Arrijn et al, 1997), etc. Au niveau de la Région de Bruxelles-Capitale, Martens et Ouali
(2005) ont mis en évidence la présence importante de discriminations sur le marché du travail
bruxellois, tant à l’embauche qu’au niveau des carrières (« ethnostratification » du marché du
travail)12.

L’autre type de facteur repris dans ce courant (facteur « quantitatif ») explique le chômage
urbain par une insuffisance généralisée de la demande de travail, c’est-à-dire un niveau
structurellement insuffisant d’offres d’emploi. Ce déficit d’emplois peut alors entraîner une
déqualification en cascade (les travailleurs occupent des emplois pour lesquels ils sont
surqualifiés), ce qui exclut in fine les travailleurs peu qualifiés du marché du travail (Devillé,
2008). Cette vision est tout à fait distincte des autres théories et déterminants du chômage; en
effet, lorsqu’elle vise à expliquer le chômage structurel (pas conjoncturel), cette vision postule
implicitement une situation d’équilibre de sous-emploi keynésien, tandis que les autres
théories s’inscrivent plutôt, tout aussi implicitement, dans un modèle d’équilibre walrasien
(selon lequel le marché du travail devrait être à l’équilibre en l’absence de rigidité salariale,
de problèmes de mobilité et de formation, etc.). Cependant, ces modèles ne sont implicitement
walrasiens que s’ils prétendent expliquer le chômage de façon intégrale, ce qui n’est pas
forcément le cas.

A noter que le manque d’emplois contribue à renforcer les phénomènes de surévaluation des
critères de recrutement et éventuellement de discrimination. De même, un manque d’emplois
peut générer une pression à la baisse sur les conditions de travail et de rémunération.

11
   Ces facteurs pourraient, tout comme la théorie du « skills mismatch », expliquer la présence simultanée de
chômage et d’offres d’emplois non satisfaites.
12
   Cette étude comporte plusieurs volets méthodologiques, exploitant différents types de données : une analyse
quantitative des données de la Banque Carrefour de la Sécurité Sociale (BCSS), une analyse qualitative et
quantitative des parcours (démarches de sollicitations et trajectoires/stratégies d’insertion) de travailleurs et
chômeurs étrangers, de Belges d’origine étrangère et de Belges « autochtones », et enfin une consultation des
principaux acteurs du marché du travail (employeurs, syndicats…) sur leur perception de la discrimination à
l’embauche et l’évaluation des mesures.

                                                                                                             12
Concernant la situation en Région de Bruxelles-Capitale, Devillé (2008) a étudié de façon
théorique et empirique l'impact simultané de l'inadéquation des qualifications (demandées et
offertes) et de la déqualification en cascade sur la probabilité de sortie du chômage pour tous
les niveaux d'éducation. A noter que ces deux mécanismes fournissent deux explications
différentes - mais qui peuvent être cumulées - sur les écarts de taux de chômage entre les
niveaux d'éducation et le taux de chômage plus important des moins qualifiés. L’auteur se
base sur un modèle théorique d’appariement prenant en compte les différents segments de
qualification approchés par les niveaux de diplôme. L’estimation du modèle amène l’auteur à
conclure que le phénomène d'inadéquation des qualifications intervient à tous les niveaux
d'éducation et explique en majorité la probabilité de sortie du chômage. En effet, le coefficient
de tension13 s’accroît avec le niveau d’éducation, excepté pour le niveau de secondaire
inférieur (le coefficient correspondant à ce niveau étant encore plus bas que celui du niveau
primaire)14. Ses résultats indiquent également - mais dans une moindre mesure - un effet de la
déqualification en cascade qui croît avec le niveau d’éducation15.

L’objectif de Devillé (2008) était d’identifier dans quelle mesure les écarts entre taux de
chômage par niveau de diplôme à Bruxelles s’expliquent respectivement par l’inadéquation
des qualifications et la déqualification en cascade. Le présent papier s’intéresse à cette
question mais de façon plus générale, en se demandant laquelle des deux approches, d’offre
ou de demande (selon une définition plus large), est la plus pertinente pour caractériser le
surcroît de chômage des Bruxellois. De même, l’approche utilisée dans le présent papier est
tout à fait différente de celle de Devillé, dans le sens où nous proposons une étude
comparative inter-ville afin de mettre en évidence les spécificités du chômage à Bruxelles. En
effet, la première étape se base sur une analyse comparative et de corrélation portant sur des
données agrégées au niveau des villes (zones urbaines élargies) européennes ; la deuxième
étape fera usage de données individuelles (portant sur les provinces de Belgique et un
échantillon de villes européennes) pour estimer l’effet sur la probabilité de chômage des
individus de différentes caractéristiques, notamment le fait d’habiter à Bruxelles (pour un
individu de caractéristiques données).

13
   Coefficient de tension = offres d’emploi/demandeurs d’emploi.
14
   Ce dernier constat peut s’expliquer par le fait qu’au sein des travailleurs peu qualifiés, les employeurs
préfèrent engager le plus bas niveau de qualification (primaire) plutôt que l’avant dernier (secondaire inférieur) à
cause des rémunérations - encore - moins élevées attribuées aux travailleurs possédant un diplôme de
l’enseignement primaire.
15
   La « concurrence » des travailleurs de niveau élevé est bien présente et diminue avec le niveau de diplôme,
tandis que « la déqualification des demandeurs d’emploi du secondaire inférieur ne semble pas concurrencer
significativement les demandeurs d’emploi du niveau primaire ». Devillé (2008), page 8.

                                                                                                                13
2. Approche « macroéconométrique » : l’absence de relation
entre taux de chômage d’une ville et niveau de diplôme de sa
population
Préalablement à l’analyse empirique, la question de la délimitation du territoire urbain se
pose. En effet, le bassin d’emploi ne correspond généralement pas à la ville telle que délimitée
par ses frontières administratives (du fait de l’existence de navetteurs). De même, les
chômeurs peuvent résider, selon le cas, à l’intérieur ou en dehors de la ville dans sa définition
administrative. Il est donc préférable de ne pas se limiter à l’étude de données sur les villes
telles que définies administrativement. Cependant, ces données s’avèrent également
importantes dans la mesure où les autorités ou administrations locales sont responsables d’une
part importante des politiques de l’emploi, de la gestion urbaine (au niveau de certains
services, de la gestion des infrastructures, ...)16, etc.

Il est donc utile de disposer de deux types de données correspondant à des niveaux territoriaux
différents dans l’étude du chômage urbain : des données au niveau des villes « centrales »
(unités administratives) et au niveau d’entités urbaines plus larges. Dans cette première
analyse macroéconomique, ce sont les entités urbaines plus larges qui sont considérées.
Celles-ci sont en effet plus adéquates pour les comparaisons internationales
« macroéconomiques » relatives au marché du travail. La zone de Bruxelles considérée dans
cette section s’étend donc au-delà des frontières de la Région de Bruxelles-Capitale
(correspondant aux 19 communes). Par contre, dans la section suivante (étude
microéconométrique), c’est bien la Région de Bruxelles-Capitale dans ses limites
administratives qui sera considérée.

La base de données utilisée pour l’approche « macroéconomique » a été construite par
l’IGEAT. Celle-ci comprend une approximation des zones urbaines élargies (« Larger Urban
Zones » ou LUZ)17 par les régions NUTS 2. Elle comprend une approximation de 103 LUZ de
plus de 250.000 habitants. Le nombre de LUZ par pays de la base de données est fourni en
annexe18. Cette base de données a été sélectionnée sur base de critères de comparabilité
internationale et du nombre d’indicateurs disponibles19. Le principal désavantage concerne la
qualité variable de l’approximation des LUZ par les régions NUTS 2. Ainsi, si l’on considère
l’entièreté de la base de données, celle-ci comprend des entités à caractère plutôt régional

16
   Eurostat (2008).
17
   La LUZ de Bruxelles telle que définie dans l’Audit Urbain correspond dans l’étude de Van der Haegen et al
(1998) à ce qu’ils appellent la Région Urbaine. La définition des « Régions Urbaines » de Belgique est établie
suivant des critères de croissance démographique, de revenus, de la part de la surface bâtie et du pourcentage de
navetteurs vers l’agglomération, sur base des données du recensement de 1991; pour Bruxelles, la LUZ ou
Région Urbaine se compose d’une population totale de 1.695.870 et s’étend sur une superficie de 1613,9 km2. Il
s’agit approximativement de l’arrondissement de Bruxelles Halle Vilvoorde, d’un certain nombre de communes
du Brabant wallon et de 3 communes de l’arrondissement de Leuven. A noter que dans l’étude de Van der
Haegen et al, une définition plus large, basée exclusivement sur la part des navetteurs vers l’agglomération par
rapport à la population active occupée et habitant la commune (dont le seuil est fixé à 15%), est aussi proposée :
il s’agit du complexe résidentiel urbain qui inclut donc la zone résidentielle des migrants alternants. Cette zone
inclut une population totale de pas moins de 2.550.497 et s’étend sur 4414,4 km2.
18
   Annexe 1.
19
   Pour une description de différentes bases de données disponibles au niveau urbain, voir Englert M. et Plasman
R. (2010).

                                                                                                              14
comme des entités à caractère plutôt urbain (zones urbaines élargies). Il importe également de
souligner que la LUZ de Bruxelles y est approchée à partir de l’ensemble formé par la
Région de Bruxelles-Capitale et la Province du Brabant flamand. Il faut toutefois garder à
l’esprit que, selon l’étude de Van der Haegen et al (1998), la LUZ de Bruxelles est en réalité
constituée de l’arrondissement de Bruxelles Halle Vilvoorde, d’un certain nombre de
communes du Brabant wallon, et de seulement 3 communes de l’arrondissement de Leuven. Il
faut donc tenir compte de ces approximations utilisées (pour raison de disponibilité de
données) lors de l’interprétation des différents résultats. Le tableau ci-dessous présente la
population et le taux de chômage20 à Bruxelles selon les deux délimitations territoriales
utilisées dans le présent papier, en précisant la section dans laquelle celles-ci sont considérées.

Tableau 1 : Population et taux de chômage à Bruxelles selon deux délimitations territoriales possibles
(2007)
                                                Population           Taux de
                                                                                        Section
                                                    totale          chômage

        Région de Bruxelles‐Capitale                    1.031.215              17%                 3

Approximation de la LUZ par données NUTS 2
  (Région de Bruxelles‐Capitale et Brabant              2.083.682              10%                 2
                 flamand)
Source : IGEAT et Eurostat

Notons que les données utilisées dans ce papier sont généralement celles de l’année 2007 (ou
2006 voire 200521 pour certaines variables de l’approche macro), par souci de se baser à la
fois sur une année relativement récente mais non influencée par un contexte conjoncturel tout
à fait particulier22 – puisque l’objectif ici est d’identifier les causes du chômage structurel.

2.1. Quelques constats : la pertinence de l’étude du chômage au niveau
urbain et la variabilité des écarts entre taux de chômage par niveau de
diplôme

Cette sous-section a tout d’abord pour objectif de souligner la relative indépendance des taux
de chômage urbain par rapport aux taux de chômage nationaux correspondants. Ensuite,
certains constats relatifs à l’examen descriptif de la base de données seront mis en avant et
permettront notamment de situer certaines caractéristiques du marché du travail de Bruxelles
par rapport à celui d’autres villes de l’échantillon.

Avant tout, il est en effet utile de montrer dans quelle mesure les taux de chômage urbain sont
indépendants des taux de chômage nationaux correspondants, afin de s’assurer de la
pertinence d’étudier leurs causes particulières. Le graphique suivant met en relation le taux de
chômage des LUZ (carrés noirs) avec les taux de chômage nationaux (tiret rouge).

20
   Définition européenne du chômage (Enquête Force de Travail).
21
   Pour des raisons de disponibilité dans la base de données utilisée.
22
   En effet, lors du deuxième semestre de 2008, les effets de la crise - ralentissement économique - commencent
à se répercuter sur le nombre de demandeurs d’emplois (source : Observatoire bruxellois de l’emploi, analyse
des fonctions critiques en 2008).

                                                                                                           15
Graphique 1 : Taux de chômage des LUZ par pays en comparaison avec les taux de chômage nationaux
(2007), %

Source des données : IGEAT et EUROSTAT

Ce graphique révèle bien une logique particulière du chômage urbain et régional, en partie
indépendante du chômage moyen national. Celui-ci indique une variabilité plus ou moins
importante des taux de chômage des LUZ selon les pays. La variabilité des taux de chômage
au sein d’un même pays apparaît tout particulièrement importante en Allemagne, en Belgique,
en Italie et en Espagne. Dans ces pays (à l’exception du cas de l’Espagne où cela est moins
évident), des facteurs supra-urbains mais infranationaux liés aux contextes historique et socio-
économique semblent jouer un rôle majeur dans l’explication de cette variabilité : en
Allemagne, la dispersion importante des taux de chômage s’explique en partie par les
différences entre l’Est (ex-RDA) et l’Ouest (ex-RFA). En Belgique, cette variabilité est en
partie le reflet des différences de taux de chômage entre la Flandre d’une part et Bruxelles et
la Wallonie d’autre part. De même, en Italie, la dispersion s’explique aussi en grande partie
par la différence entre le Nord et le Sud du pays, qui constituent des réalités économiques très
éloignées. Les taux de chômage les plus élevés se retrouvent donc dans les LUZ de
l’Allemagne de l’Est (ex-RDA) mais aussi à Bruxelles, à Liège et à Charleroi (Wallonie) et
dans certaines LUZ d’Italie du Sud et d’Espagne (comme Séville).

Par ailleurs, certains constats et résultats issus de l’analyse comparative des LUZ européennes
sont mentionnés ci-dessous. Ceux-ci fournissent des éléments préliminaires intéressants
concernant les déterminants du chômage urbain. Par souci de concision, les détails et tableaux
dont découlent ces résultats ne sont pas fournis ici. Le lecteur intéressé pourra se référer à
l’étude complète de Englert M. et Plasman R. (2010).

                                                                                             16
Tout d’abord, une typologie des LUZ a été établie suivant le classement des taux de chômage
par niveau de diplôme23. Trois grandes catégories de LUZ ressortent de cette typologie :

- les LUZ présentant des taux de chômage par niveau de diplôme relativement homogènes,
dans certains cas faibles (ex. plusieurs villes autrichiennes ou hollandaises), moyens
(plusieurs villes anglaises et plusieurs capitales comme Madrid, Vienne, Stockholm), dans
d’autres élevés (Bruxelles, Liège, Charleroi, Paris, villes de l’ex-RDA…)

- les LUZ dont le classement en termes de taux de chômage est plus défavorable pour les
diplômés de niveau élevé que pour les diplômés de niveau moins élevé (la majorité des villes
du Sud)

- les LUZ dont le classement en termes de taux de chômage est plus défavorable pour les
diplômés de niveau « faible » que pour les diplômés de niveau plus élevé (villes du Nord
uniquement, principalement allemandes et anglaises ainsi que Helsinki, Graz, Rotterdam,
Dijon et Tampere)

Ainsi, les écarts de taux de chômage entre les diplômés du (pré)primaire/secondaire inférieur
et les diplômés de l’enseignement supérieur sont bien plus importants dans la plupart des
LUZ du Nord de l’Europe que dans les LUZ du Sud (et plusieurs LUZ de France) qui
présentent des écarts relativement moins élevés. Il est à noter que les taux de chômage sont
généralement plus importants pour les diplômés du primaire/secondaire inférieur que pour les
autres, mais certaines LUZ du Sud de l’Europe (Pamplona, Vigo, Pescara) font singulièrement
exception.

Ensuite, il ressort assez clairement que le classement des LUZ en termes de niveau
d’éducation de la population est relativement semblable à celui basé sur les niveaux
d’éducation dans l’emploi, impliquant globalement un « matching » entre les qualifications
offertes et demandées relativement bon.

Enfin, au niveau de la LUZ de Bruxelles en particulier (approximée donc ici par la Région
Bruxelloise et la province du Brabant flamand), les spécificités suivantes, qui se dégagent de
cette première analyse monographique des données, peuvent être soulignées24 : premièrement,
les taux de chômage sont relativement élevés pour toutes les catégories de travailleurs,
quelque soit leur niveau de diplôme (cf. typologie). Deuxièmement, la part des diplômés de
l’enseignement supérieur/universitaire parmi les travailleurs (en emploi) est la plus élevée de
l’échantillon. Troisièmement, il apparaît que la part de la population née à l’étranger est
également la plus élevée de l’échantillon. A noter qu’en considérant uniquement la Région de
Bruxelles-Capitale, ces caractéristiques sont encore plus exacerbées (cf. section 3.2.1).

23
   Cf. Englert M. et Plasman R. (2010). Les taux de chômage total et par niveau de diplôme ont été classés en
trois catégories selon leur importance. Les seuils utilisés pour catégoriser les taux de chômage diffèrent selon les
catégories de diplôme étant donné que, par exemple, les taux de chômage des diplômés du
(pré)primaire/secondaire inférieur sont généralement beaucoup plus élevés que ceux des diplômés du
supérieur/universitaire. Ainsi, les trois catégories qui ont été définies doivent être considérées comme «
relatives». Les seuils utilisés pour classer les taux de chômage par niveau relatif (faible, intermédiaire, élevé)
sont repris en annexe 2.
24
   Englert M. et Plasman R. (2010)

                                                                                                                17
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