ALEXANDRE THARAUD - Clic Musique !

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ALEXANDRE THARAUD - Clic Musique !
Clic Musique !                                     ClicMag n° 67
       Votre disquaire classique, jazz, world           Janvier 2019

             ALEXANDRE THARAUD
                                            De la lumière à l’ombre

                                                                    © Marco Borggreve
                                                                        © Steven Devine

Retrouvez les 25 000 références de notre catalogue sur www.clicmusique.com !
ALEXANDRE THARAUD - Clic Musique !
Sélection musique contemporaine

   C. Ives : Les mélodies, vol. 1        C. Ives : Les mélodies, vol. 2          S. Mackey : Banana Dump Truck        E. Toch : Musique de chambre             C. Wuorinen : The Golden Dance C. Wuorinen : The Haroun Songbook
     Dora Ohrenstein; Phillip Bush           D. Ohrenstein; M. A. Hart             Boston Modern Orchestra Project            pour violoncelle                Fred Sherry, violoncelle; Orchestra of St. Elizabeth Farnum; Emily Golden; James
    Mary Ann Hart; Dennis Helmrich              P. Sperry; W. Sharp                          Gil Rose                Steven Honigberg, violoncelle; Eclipse   Luke’s; Charles Wuorinen; San Francisco Schaffner; Michael Chioldi; Phillip Bush
                                                                                                                      Chamber Orchestra; Sylvia Alimena            Symphony; Herbert Blomstedt
      TROY077 - 1 CD Albany                 TROY078 - 1 CD Albany                    TROY735 - 1 CD Albany                TROY421 - 1 CD Albany                     TROY711 - 1 CD Albany                    TROY664 - 1 CD Albany

   G. Scelsi : Trilogie «The three          T. Takemitsu : Intégrale            Ionisation : Musique contemporaine J. van Veen : 24 minimal préludes                 J. van Veen : Musique                    J. van Veen : Musique
    stages of man»; «Voyages»            de l’œuvre pour guitare seule           pour percussion de Varèse, Reich,        Jeroen van Veen, piano                       pour piano, vol. 1                       pour piano, vol. 2
     Marco Simonacci, violoncelle              Andrea Dieci, guitare             Chavez, Cowell, Harrison et Cage                                                        Jeroen van Veen                          Jeroen van Veen
                                                                                          Ensemble Tetraktis                                                             Sandra van Veen                          Sandra van Veen
     BRIL95355 - 1 CD Brilliant            BRIL95539 - 1 CD Brilliant               BRIL95134 - 1 CD Brilliant           BRIL95383 - 2 CD Brilliant                BRIL9454 - 5 CD Brilliant               BRIL95561 - 7 CD Brilliant

  J. Cage : Six mélodies et treize       M. Djordjevic : Rocks; Stars;            M. Eggert : Quintette «Amadé,         M. Formenti : Night studies           R. Häusermann : Wetterminiaturen. G. Kampe : «Adrien/Zitronen», pour
             harmonies                            Metals; Light                  Amadé» / W.A. Mozart : Quintette          Marino Formenti, piano                         Piano préparé                     voix et large ensemble…
            A. Gahl, violon             Quatuor Armida; Ensemble recherche;              piano et vents                                                              et recherches sonores.            Ensemble MusikFabrik; Christian Eggen,
       K. Lang, Fender Rhodes                      Peter Rundel                         Quintetto Amadeo                                                       Annalisa Derossi; Panagiotis Iliopoulos  direction; Johannes Fischer, direction
   WWE20292 - 1 CD Col Legno              WWE40417 - 1 CD Col Legno                WWE20284 - 1 CD Col Legno           WWE20299 - 1 CD Col Legno                 WWE20402 - 1 CD Col Legno                WWE40416 - 1 CD Col Legno

G. Grisey : Les Espaces acoustiques H. Lachenmann : Das Mädchen                       B. Lang : Das Theater           I. Mundry : Traces des Moments          L. Nono : No hay caminos,           R. Saunders : Miniata, pour accor-
            Asko Ensemble                 mit den Schwefelhölzern                     der Wiederholungen                      Ensemble recherche                   hay que caminar…                déon, piano, chœur et orchestre
         OS WDR de Cologne         E. Keusch; S. Leonard, soprano; Orchestre              Klangforum Wien                 Teodoro Anzellotti, accordéon Irvine Arditti; WDR Rundfunkchor & Sinfo- SWR Vokalensemble Stuttgart; SWR de
             Stefan Asbury          de l’Opéra de Stuttgart; Lothar Zagrosek             Johannes Kalitzke                                                  nieorchester Köln; Emilio Pomarico    Baden-Baden et Fribourg; Hans Zender
     0012422KAI - 2 CD Kairos              0012282KAI - 2 CD Kairos                0012532KAI - 2 SACD Kairos            0012642KAI - 1 CD Kairos                  0012512KAI - 2 CD Kairos                 0012762KAI - 1 CD Kairos

   K. Bruckmann : On Procedural           R. Carrick : The Flow Cycle                D. Crockett : Night Scene       P. Garland : «The Birthday Party»;           E. Howard : Bird 3; Crupper          Wayne Vitale /Brian Baumbusch :
              Grounds                              for Strings                            Firebird Ensemble              «Blessingway»; «Amulet»                       2455; Strasser 60                          Mikrokosma
           Ensemble Wrack               Andrea Schultz; Dov Scheindlin; Alex                                                 Aki Takahashi, piano                    Earl Howard, synthétiseur          The Lightbulb Ensemble; Santa Cruz
   Rova Saxophone Quartet; sfSound     Waterman; Kuan-Cheng Lu; Eric Bartlett                                                                                          Miya Masaoka, koto             Contemporary Gamelan; Brian Baumbusch
    NW80725 - 1 CD New World              NW80719 - 1 CD New World                 NW80718 - 1 CD New World             NW80788 - 1 CD New World                  NW80728 - 1 CD New World                NW80785 - 1 CD New World

 Earle Brown, Contemporary sound Earle Brown, Contemporary sound Earle Brown, Contemporary sound                     Earle Brown, Contemporary sound Earle Brown, Contemporary sound Earle Brown, Contemporary sound
  series, vol. 1. Œuvres de Brown,  series, vol. 2. Œuvres de Nono,  series, vol. 3. Œuvres de Berio,                series, vol. 4. Œuvres de Boulez, series, vol. 5. Œuvres de Lucier, series, vol. 6. Œuvres de Cage,
  Roldan, Harrison, Kagel, Hobbs, Maderna, Berio, Maxwell Davies, Bussotti, Cage, Mayuzumi, Xenakis,                 Scelsi, Brown, Xenakis, Clementi, Ashley, Behrman, Mumma, Ives, Wolff, Crumb, Yun, Wuorinen, Gan-
      Rzewski, Cage, Cowell…       Bedford, Orton, Feldman, Brown...           Reynolds….                            Nilsson, Schoenberg, Kotonski...   Evangelist, Catiglioni, Berio... dini, Bolanos, Nobre, Bazan...
      WER6928 - 3 CD Wergo                  WER6931 - 3 CD Wergo                     WER6934 - 3 CD Wergo                 WER6937 - 3 CD Wergo                      WER6940 - 3 CD Wergo                     WER6943 - 3 CD Wergo

2  ClicMag janvier 2098  www.clicmusique.com
Disque du mois / Musique contemporaine

                                                 L  e charmant et mélancolique Concerto
                                                    pour piano, si décrié parmi la pro-
                                                 duction de Poulenc, avec ses teintes
                                                                                               nage. Le grand Concerto pour orgue
                                                                                               en sept volets nous plonge soudain
                                                                                               dans le Poulenc d’église, roide, sévère,
                                                 pastorale et son Rondo à la française         âpre dans l’harmonie, abrupt dans les
                                                 impertinent n’avait pas vraiment eu de        accents. James O’Donnell fait plus rugir
                                                 chance au disque malgré l’affection de        son instrument qu’il ne médite, et même
                                                 Gabriel Tacchino jusqu’à ce que Chris-        lorsque soudain la musique change du
                                                 tina Ortiz ou Cécile Ousset (son disque       tout au tout pour quitter le sacré et
                                                 magnifique à Bournemouth avec Rudolf          plonger dans ce qui pourrait être une
                                                 Barshai est l’un de ses moins connus          fête populaire, la tension ne cède pas.
                                                 hélas) lui offre une lyrique plus géné-
                                                                                               Cette « œuvre au noir » annonce un Sta-
                                                 reuse. Assurément, Alexandre Tharaud
                                                                                               bat Mater terrible, tendu, plus furieux
                                                 est dans leur veine chantante et aven-
                                                                                               qu’éploré, où Kate Royal met un Vidit
                                                 tureuse, de son clavier vif il chante
Francis Poulenc (1899-1963)                      pourtant les thèmes si poétiques, fait        suum inquiet, d’une beauté instrumen-
                                                 frémir les arpèges, s’inspire au magique      tale troublante. Le Quando corpus venu
Concerto pour piano en do dièse mineur,
FP 146; Concerto pour orgue, orchestre à         orchestre réglé par Yannick Nézet-            du silence déploie son ultime comme un
cordes et timbales en sol mineur; Stabat         Séguin pour mordorer son célèbre              immense cri dans le vide, le geste est si
Mater                                            piano-palette où les couleurs sont            fort que j’espère bien retrouver Yannick
Kate Royal, soprano; Alexandre Tharaud, piano;   d’une subtilité inouïe. Magnifique de         Nézet-Séguin dans d’autres opus de
James O’Donnell, orgue; London Philharmonic      tendresse et d’impertinence, cette ver-       Poulenc, et pourquoi pas le versant so-
Choir; London Philharmonic Orchestra; Yannick    sion ne s’oubliera pas, tant sa lumière       laire : le Gloria, Les Animaux modèles,
Nézet-Séguin, direction                          subtile, son élégance émue et inquiète        Les Biches lui iraient comme un gant.
LPO0108 • 1 CD LPO                               s’assemble autour d’un piano-person-          (Jean-Charles Hoffelé)                                                   © Marco Borggreve

                                                                                                                                             pression à ses extrémités. Le compo-
                                                                                                                                             siteur mixe des bribes de thèmes dans
                                                                                                                                             un maelstrom sonore où l’aléatoire joue
                                                                                                                                             un rôle crucial. Là aussi attaques bru-
                                                                                                                                             tales, glissandi vertigineux décrivent un
                                                                                                                                             univers chaotique ou tout geste semble
                                                                                                                                             vain ou même les sons deviennent
                                                                                                                                             incohérents. L’œuvre en elle-même est
                                                                                                                                             un gageure aussi bien pour son auteur
George Crumb (1929-)                             Stefano Gervasoni (1962-)                     James Macmillan (1959-)                       que pour ses interprètes. Performers
Metamorphoses, Dix Fantaisies pour piano         « Lilolela », pour 23 musiciens; « Pas        Quatuor à cordes n° 1 « Visions of a          exceptionnels les quatre musiciens du
                                                 perdu », pour cymbalum seul; Douze            November Spring »; Quatuor à cordes n° 2      Royal String Quartet s’en sortent avec
amplifié d’après des tableaux célèbres;
                                                 sonnets d’après Le Camoëns, pour basse-       « Why is this night different »; Quatuor à    panache. (Jérôme Angouillant)
Cinq pièces pour piano                                                                         cordes n° 3
                                                 baryton et grand ensemble
Margaret Leng Tan, piano                                                                       Royal String Quartet
                                                 Frank Wörner, basse-baryton; Ulkho Ensemble
MODE303 • 1 CD Mode                              Kyiv; Luigi Gaggero, direction                CDA68196 • 1 CD Hyperion

P   our la première fois en quarante
    ans - après Makrokosmos (1972-
                                                 WIN910247-2 • 1 CD Winter & Winter
                                                                                               L   e compositeur écossais James Mac-
                                                                                                   Millan commence à avoir une certaine
1979) où, à l’opposé de John Cage qui
transforme le piano lui-même, le com-
                                                 A    vec ce titre à double sens (« j’ai
                                                      perdu le pas » ou « je ne suis pas
                                                 perdu »), Stefano Gervasoni joue sur
                                                                                               notoriété en France notamment par le
                                                                                               biais de sa musique religieuse. Après
positeur pousse l’instrumentiste vers                                                          avoir publié les œuvres liturgiques, le
                                                 l’ambiguïté de la perte, désorientation et
                                                                                               label anglais Hypérion s’intéresse à ses
de nouveaux modes de jeu -, George               opportunité, début d’un nouvel espoir.
                                                                                               quatuors à cordes. Si la foi catholique
Crumb (1929) livre une nouvelle œuvre            Ce morceau titulaire pour cymbalum
                                                                                               de MacMillan lui a inspiré ses fameuses       Wenchen Qin (1966-)
majeure pour cet instrument-roi, dont            solo est dédié à son interprète, Luigi        œuvres chorales (Stabat Mater, Mise-
                                                 Gaggero, par ailleurs chef de l’Ukho                                                        Echoes from the other Shore, pour zheng
le Livre I est destiné à l’interprétation,                                                     rere) la musique pour quatuor à cordes
                                                 Ensemble Kyiv, à l’œuvre sur les deux                                                       et orchestre; The Nature’s Dialogue, pour
plus que talentueuse, de Margaret Leng                                                         procède d’un univers différent, à la fois     orchestre et bandes; Across the Skies,
                                                 autres ‘premiers enregistrements’             intime et abstrait. Ainsi le premier qua-
Tan. Les dix pièces des Métamorphoses                                                                                                        pour pipa et orchestre; Lonely Song, pour
                                                 du disque. Lilolela, « un mot au sens         tuor intitulé « Visions of a November         42 cordes
(Livre I) sont inspirées de peintures
                                                 perdu, dans un monde de mots qui              Spring » (1988) en utilisant des moyens       Wei Ji, zheng; Weiwei Lan, pipa; ORF Vienna Radio
célèbres (de Paul Klee à Vasily Kandins-
                                                 cherchent le leur », captivante composi-      raréfiés offre une plus grande immédia-       Symphony Orchestra; Gottfried Rabl, direction
ky), inscrivant Crumb dans la filiation          tion, en 7 parties et pour 23 musiciens,      teté d’expression. Deux mouvements,           0015032KAI • 1 CD Kairos
des Tableaux d’une Exposition, pour              tire son nom du refrain de chansons           un prélude d’accords dissonants répé-
lesquels Modeste Moussorgski crée un
pont entre arts visuels et sonores. Fruit
                                                 italiennes du XVIème siècle, accolant
                                                 syllabes pour créer des mots, avec ou
                                                                                               tés puis des torpilles de cordes qui
                                                                                               augmentent en intensité jusqu’à se            S   ous la direction de Gottfried Rabl,
                                                                                                                                                 ancien assistant musical de Leonard
                                                                                                                                             Bernstein et fondateur de l’ensemble
d’un travail collaboratif avec l’interprète,     sans sens. La pièce repose sur l’idée         déchaîner dans une danse frénétique
                                                                                               pour s’achever dans un calme tendu. Le        d’avant-garde Theatre of Silence, l’ORF
l’écriture s’adapte aux idiosyncrasies de        d’errance, qui sous-tend la pensée mu-
                                                                                               deuxième quatuor « Why is this night          Vienna Radio Symphony Orchestra
celle-ci autant que l’instrumentiste élar-       sicale de Gervasoni, en particulier cette
                                                                                               différent ? » évoque le rite juif du Seder.   propose sur ce disque quatre œuvres
git encore son éventail de gestes (se            intrigante « rotation » des éléments                                                        orchestrales du chinois Wenchen Qin.
                                                 sonores, tant entre les parties qu’au         Sur fond d’opposition entre allégresse
muant en harpiste ou percussionniste)                                                                                                        La démarche du compositeur, qui
                                                                                               et douleur, l’échange entre les cordes
pour répondre aux exigences de celle-            sein d’elles. Dodici Sonetti Di Camões                                                      nourrit son esthétique avant-gardiste
                                                                                               illustre le dialogue entre l’enfant et le
là. Crumb aménage la partition pour              est le deuxième cycle, après Fado Errá-                                                     occidentale d’éléments originaires de
                                                                                               père. Encore une fois l’idée fondatrice
                                                 tico, en référence à Amália Rodrigues,                                                      la tradition musicale de son pays, se
y intégrer la virtuosité de Leng Tan au                                                        du quatuor formulée dans l’introduction
                                                 chanteuse populaire portugaise, d’un                                                        caractérise par des sonorités peu com-
piano jouet et inclut des éléments vo-                                                         lente sera reprise dans un seul mouve-
                                                 ensemble plus large (Com Que Voz),            ment en variations (extrapolations et         munes, parfois issues d’instruments
caux ainsi que percussifs - ici aussi le
                                                 inspiré par le poète portugais Luis de        circonvolutions). L’œuvre, très virtuose,     chinois anciens (les timbres spéciaux
plus souvent issus de jouets. Les Cinq           Camões. On y suit l’évolution de la           possède un très large éventail expressif      du zheng, de la famille des cithares
Pièces pour Piano (1962), un tournant            vie, dramatique autant qu’universelle,        (aussi bien thématique que dynamique)         dans Echoes From The Other Shore ou
vers la maturité dans l’esthétique de            des peines amoureuses à la mort. Pas          et exige des instrumentistes une tech-        le pipa, à cordes pincées, de la famille
Crumb (une maîtrise de la nuance, une            d’électronique dans ce deuxième cycle,        nique et un engagement sans faille.           du luth dans Across The Skies), parfois
palette d’effets), clôturent cet excellent       mais guitare portugaise, accordéon ou         L’écriture du Troisième Quatuor est           moissonnées au long d’enregistrements
disque. (Bernard Vincken)                        dorma ukrainienne. (Bernard Vincken)          encore plus audacieuse et pousse l’ex-        dans les milieux naturels (les croasse-

                                                                                                                                 www.clicmusique.com  ClicMag janvier 2019  3
Alphabétique

Sélection ClicMag !                                  L  a beauté des instruments joués par
                                                        les membres du Quartetto di Cremo-
                                                     na n’est plus à louer, mais le plus éton-
                                                                                                   à cent lieux de tout ce que les quatuors
                                                                                                   américains ou germaniques auront fait
                                                                                                                                                         haute inspiration (avec ce temps mira-
                                                                                                                                                         culeusement suspendu de l’andante)
                                                                                                                                                         dans la plus naturelle des simplicités.
                                                                                                   entendre, eux qui jouaient d’abord pour
                                                     nant reste que leur sonorité d’ensemble       éclairer les lignes et angler les polypho-            (Gilles-Daniel Percet)
                                                     si opulente, si hédoniste, se soit pleine-    nies. Ici la respiration naturelle de la
                                                     ment réalisée dans les confrontations,        musique prend le dessus, grâce à un
                                                     les écarts, les abimes des Quatuors de        tactus parfait. Quatre archets ? Un seul
                                                     Beethoven. Pour l’Opus 18, les quatre         instrument semble-t-il qui, à compter
                                                     amis encensent dans les beautés de            des « Harpes » proclame où rêve pour
                                                     leurs archets la plénitude sensuelle
                                                                                                   ainsi dire d’une seule voix, et soudain
                                                     d’une écriture où Haydn et Mozart
                                                                                                   l’expressivité absolutiste du discours
                                                     jouent encore le rôle de bonnes fées, et
                                                                                                   des ultimes quatuors résonne avec des
Ludwig van Beethoven (1770-1827)                     c’est merveille d’entendre ces cantabile,
                                                     ce jeu léger et scintillant, ces harmo-       accents de symphonies, tout un cos-
Intégrale des quatuors à cordes; Quintette
                                                     nies dorées qui rappellent évidement          mos de sons vous emporte au long d’un
à cordes en do majeur, op. 29; Ouverture
                                                                                                   Opus 132 conçu comme un voyage                        Johann Sebastian Bach (1685-1750)
« Grosse Fugue » en si bémol majeur,                 le geste des Italiano, qui pourrait s’en
op. 133                                              étonner. Mais dès les Razoumovsky, les        sans retour. Il faut en faire l’expérience !          Préludes et Fugues, BWV 534, 536,
                                                                                                   L’éditeur ajoute le Quintette op 29 avec              541-548
Lawrence Dutton, alto; Quartetto Di Cremona          archets creusent le son, le jeu s’amplifie
                                                                                                   l’alto de Lawrence Dutton, version                    Dean Billmeyer, orgue [Orgue Sauer, 1904, Leipzig;
[Cristiano Gualco, violon; Paolo Andreoli, violon;   en pleins et en déliés, surtout la moder-
                                                                                                                                                         Orgue Sauer, 1909, Bad Salzungen]
Simone Gramaglia, alto; Giovanni Scaglione,          nité de l’harmonie surprend, transfigu-       splendide, mais un conseil, commen-
violoncelle]                                         rée en donnée esthétique dans la splen-       cez ici par entendre l’ultime quatuor.                ROP614546 • 2 CD Rondeau
AUD21454 • 8 SACD Audite                             deur sonore du quatuor. C’est soufflant,      (Jean-Charles Hoffelé)

ments, klaxons ou bruits d’oiseaux et                piano(s) et orchestre, qui ne sont pas        ni les trois parties du Concerto italien
de cigales dans The Nature’s Dialogue),              sans rappeler le caractère à la fois poé-     ne sont plagés. Musicalement, apport
qu’il intègre avec adresse dans des                  tique et dynamique illustré par Falla ou      précieux car, avec ailleurs la Fantaisie
développements souvent inattendus.                   Rachmaninov dans ce type de forma-            chromatique et la sixième Partita, c’est
Un disque à découvrir, qui se termine                tion. Les deux œuvres vocales de même         curieusement tout ce qu’il aura gravé
par Lonely Song (pour 42 cordes), aux                que le Concerto pour cor ne semblent          de Bach. Le prélude BWV 850, pure
couleurs sombres, au sein duquel Qin                 pas bénéficier, à mon sens, de la             galopade, fait un peu démo de dextérité
utilise à plusieurs reprises le Qiangyin -           même inspiration. Au total, l’ensemble        mais sa fugue, avec un ou deux traits
                                                                                                                                                         Johann Sebastian Bach              (1685-1750)
une technique de composition présente                manque donc certainement d’un peu             parfois un peu précipités eux aussi, a
dans la musique chinoise, qui dévie la                                                             bien cette espèce de démarche façon                   Préludes et fugues, BWV 533, 543, 547;
                                                     de souffle. De prochaines publications
                                                                                                                                                         Allein Got in der Höhe sei Ehr, BWV 663,
hauteur, le timbre… - pour renforcer                 regardant la musique de chambre ou            paon ravélien des Histoires naturelles.
                                                                                                                                                         677,715-17, 771; Der Tag ist so freuden-
la tension dramatique de ce morceau                  l’œuvre pianistique sont annoncées :          D’un bout à l’autre, BWV 857, beaucoup                reich, BWV 607; In dir ist Freude, BWV
dédié aux événements malheureux de                   souhaitons qu’au-delà de l’inventaire         plus méditatif et comme rêvé, entretient              617; Trio pastoral in dulci jubilo, BWV 751;
l’histoire humaine. (Bernard Vincken)                après décès, il s’agisse, grâce à des         ce parfait dialogue que permet un équi-               Wenn wir in höchsten Noten sein, BWV
                                                     interprétations inspirées, davantage          libre idéal entre les deux mains. Encore              643; Wer nur der lieben Got lässt walten,
                                                     de résurrection que d’exhumation.             plus lointain et dépouillé, moins étiré               BWV 642
                                                     (Alain Monnier)                               qu’éthéré, BWV 869 bascule enfin de                   Valter Savant Levet, orgue [Orgue Ponziano Bevi-
                                                                                                   l’autre côté du miroir. Quant au Concer-              lacqua de l’église Saint Martin de Mezzenile]
                                                                                                   to italien, la messe en est dite : la plus            ELEORG023 • 1 CD Elegia

                                                                                                                                                         glissent ou caressent, surtout de simple
                                                                                                   Sélection ClicMag !                                   intelligence musicale, sans oublier ce
                                                                                                                                                         matin la couleur du ciel par-dessus les
                                                                                                                                                         toits si bleus si calme, ils ne sauront
José Arriola (1896-1954)                                                                                                                                 jamais combien référentiellement ter-
Concertino pour piano et orchestre;                                                                                                                      minent nos chers jeunes suisses, bien
Divertimento concertant pour 2 pianos et                                                                                                                 loin des autres, le cycle du triolisme de
orchestre; 6 Poésies de Antonio Machado;             Johann Sebastian Bach (1685-1750)                                                                   chambre beethovénien. Cela commence
Aqui lloro Don Quijote; Mal me guardareis;
Marinero soy de amor; Concerto pour cor
                                                     Le Clavier bien témpéré, livre I [Préludes                                                          divinement avec ces faussement négli-
                                                     et Fugues n° 5, 13 et 24]; Concerto italien                                                         geables (mon œil, Beethoven tiendra à
et orchestre
                                                     en fa majeur, BWV 971                                                                               les reprendre plus tard !) variations sur
Carmen Duran, soprano; Ainhoa Zubillaga, alto;
                                                     Youri Egorov, piano                                                                                 « Ich bin der Schneider (je suis le tail-
Javier Franco, baryton; Francisco Santiago, ténor;
David Fernandez Alonso, cor; Joaquin Soriano,        ADW4001 • 1 CD Pavane                         Ludwig van Beethoven (1770-1827)                      leur) Kakadu », air d’opéra d’un certain

                                                     R
piano; Victor & Luis del Valle, piano duo; Real                                                    Variations en sol majeur sur « Ich bin                Wenzel, dont l’introduction si belle dans
                                                         ien qu’en numérique, réédition bien-
Filharmonia de Galicia; Maximino Zumalave                                                          der Schneider Kakadu », op. 121a; Trio
                                                         venue d’un court enregistrement (37                                                             un sombre si mineur ne s’empare même
                                                                                                   pour piano en mi bémol majeur, WoO 38;
BRIL95797 • 2 CD Brilliant Classics                  minutes, ce fut d’abord un LP de chez                                                               pas encore du thème des dix variations
                                                                                                   Allegretto en si bémol majeur, WoO 39;

L   es institutions galiciennes s’efforcent          EMI) façon carte de visite, l’année donc      Concerto en do majeur, op. 56 « Triple                qui suivent (elles ont parfois un petit
    de façon assez compréhensible                    où notre si regretté Egorov participa au      Concerto »                                            côté déploration mozartienne, ou bien
d’exhumer l’œuvre du « Mozart bri-                   concours Reine Elisabeth de Belgique          Swiss Piano Trio [Engela Golubeva, violon; Sasha      titillent une idée de valse à la Diabelli).
gantino », enfant prodige dont les                   dont, là encore, le public l’apprécia da-     Neustroev, violoncelle; Martin Lucas Staub, piano];   Moins personnel est encore, en pre-
jeunes années sont encore nimbées                    vantage que ne le fit le jury. Car on nous    Zurich Chamber Orchestra; Willi Zimmermann            miers pas du jeune Ludwig pour cette
de légende, dont le destin familial est              en donne pour la première fois la date :      AUD97696 • 1 CD Audite                                formation de chambre, issu du septuor

                                                                                                   Q
marqué de divers drames et dont les                  1975, et c’est l’année suivante que ce            u’importe l’interprète dans ton clas-             op. 20 et sans mouvement lent, le trio
compositions disparurent pour l’essen-               jeune russe demanda l’asile politique             sique, ils jouent forcément pareil les            Wo0 38, de publication posthume, mal-
tiel dans le bombardement de Berlin à                aux Pays-Bas, après avoir hésité avec         mêmes notes ! Le décisif sort parfois à               gré la grâce enjouée de son scherzo
la fin de la 2nde Guerre mondiale. Si                les Etats-Unis où il fit ses débuts trois     contrario d’un post-moderne surgavé                   qui est un miracle éthéré de microbat-
cette livraison d’enregistrements inédits            ans plus tard. Avec aussi un copyright        binaire qu’aliène l’industriel boumboum               tements d’ailes de phalènes. Entente
de la musique associée à sa dernière                 de 1993 manifestement faux puisque,           compressé aimepétroisé strimingué,                    parfaite enfin pour le triple concerto,
période nous propose des composi-                    retrouvé dans notre discothèque de            qui désormais gouverne (on a pris le                  dialogue attentif et parfaite fusion avec
tions d’un intérêt devenu évidemment                 Babel et devenu diablement collector, le      maquis). Affaire de tact, de muscle, de               un orchestre lui aussi de chambre,
anecdotique, compte tenu du contexte                 premier CD (sous label Astoria), nous         neurone, de rendu, de pulsation, de mo-               tendance conduite non accompa-
de la production musicale européenne                 l’avions acheté... dès juin 1988. Et cette    delé, de projection, d’équilibre du son               gnée (sans l’extériorité d’un chef),
de l’époque, on pourra notamment                     fois-ci non plus, alors que c’eût été         (rare, avec ce trop puissant piano...),               mais pareillement si juste et précis.
apprécier les pièces concertantes pour               facile, ni les ensembles prélude + fugue,     d’homogénéité des timbres qui frottent,               (Gilles-Daniel Percet)

4  ClicMag janvier 2098  www.clicmusique.com
Alphabétique
                                                                                                          Le baryton Matt Sullivan vibre un peu         opus de Brahms dans une dimension
                                                                                                          systématiquement (« Herre lehre doch          impressionniste, quasi debussyste dans
                                                                                                          mich »). En revanche la soprano Nata-         les opus 118 et 119, qui surprend en
                                                                                                          sha Schnur affiche une belle assurance        bien. Après tout, Brahms est l’inventeur
                                                                                                          dans le « Ihr habt nun Traurigkeit ».         du piano moderne, ses ultimes cahiers
                                                                                                          Un disque tout à fait recommandable           n’ont plus rien à faire avec le post-ro-
                                                                                                          ne serait-ce que pour l’admirable tra-        mantisme, tout un nouveau langage
                                                                                                          vail choral réalisé par sir David Hill.       s’empare du clavier et c’est précisément
                                                                                                          (Jérôme Angouillant)                          cela que Charles Owen fait entendre sur
Leonard Bernstein (1918-1990)                          Johannes Brahms (1833-1897)                                                                      son splendide Steinway dans l’acous-
Anniversaries; Touches; Sonate; Leonardo’s             Un Requiem Allemand, op. 45 (version                                                             tique parfaite du Menuhin Hall de Cob-
Vision; Sonate pour clarinette et piano;               pour ensemble de chambre)                                                                        ham. Osera-t-il chercher demain chez le
Trio pour piano; 3 Meditations; Mippy                  Natasha Schnur, soprano; Matt Sullivan, baryton;                                                 jeune Brahms, celui des Sonates et des
I-II; Rondo for Lifey; Dance Suite; Bima               Yale Schola Cantorum; David Hill, direction                                                      Ballades, les premières traces de cette
Fanfare; Octatonic Scale Variations; Bridal                                                                                                             tentation progressiste que Schoenberg
Suite; Musique pour 2 pianos; 4 Sabras                 CDA68242 • 1 CD Hyperion
                                                                                                                                                        soulignait à loisir ? Les deux Rapso-
Chad Hoopes, violon; Lisa Schumann, violon; Fer-
nando Nina, violoncelle; Maria Kliegel, violoncelle;
Andy Miles, clarinette; Peter Mönkediek, trompette;
                                                       P   armi les nombreuses versions du
                                                           Requiem Allemand, il y a les roman-
                                                       tiques (Karajan, Davis) et les modernes
                                                                                                                                                        dies op. 79 où l’écho de cette époque
                                                                                                                                                        ressurgit laissent penser que oui.
Peter Roth, trompette; Maurice Steger, flûte à bec;                                                                                                     (Jean-Charles Hoffelé)
                                                       (Gardiner, Herreweghe). Cette dernière
Paul van Zelm, cor; Jeffrey Kant, trombone; Hans                                                          Johannes Brahms (1833-1897)
                                                       version signée du vénérable David Hill,
Nickel, tuba; Wayne Marshall, piano; Benyamin
Nuss, piano; Jennifer Micallef, piano                  chef du Yale Schola Cantorum se dis-               8 Klavierstücke, op. 76; 2 Rhapsodies, op.
                                                       tingue surtout par un orchestre réduit             79; 7 Fantaisie, op. 116; 3 Intermezzi, op.
AVI8553411 • 3 CD AVI Music                                                                               117; 6 Klavierstücke, op. 118; 4 Klaviers-
                                                       à huit instruments. Ici la masse chorale

L   e versant intime de « Lenny » Berns-               et les voix solistes sont prépondérants            tücke, op. 119
    tein l’homme public par excellence, ce             et l’orchestre, évidemment en retrait,             Charles Owen, piano
serait peut-être sa musique de chambre                 joue un rôle discret mais essentiel. La            AVIE2397 • 2 CD AVIE Records
et ses œuvres pour piano compilées ici
                                                                                                          C
                                                       réduction orchestrale est l’œuvre de                   harles Owen en ses premiers
dans ce coffret de trois disques. Elles                Ian Farrington qui dit s’être inspiré de               disques avait avoué un tropisme
constituent souvent un laboratoire de                  la transcription du compositeur pour               Fauréen qui nous a valu des Nocturnes
recherche où le matériau musical prend                 deux pianos. Ici cuivre et vents accom-            et des Barcarolles aux harmonies              Wladyslaw Brankiewicz (1853-1929)
forme de façon progressive. Les cycles                 pagnent et exaltent les voix solistes tan-                                                       Intégrale de l’œuvre pour orgue
                                                                                                          amples, joués à plein piano ; à rebours
d’ « Anniversaries », brefs portraits                  dis que les cordes assurent les liaisons                                                         Natalia Skipor, mezzo-soprano; Stanislaw
                                                                                                          de la chronologie de sa discographie
musicaux de proches du compositeur,                    et le fil de la partition. Le « Selig sind »                                                     Diwiszek, orgue
                                                                                                          je découvrais un album Poulenc où
célèbres ou non. Vingt-neuf esquisses                  d’ouverture est symptomatique de                                                                 AP0426 • 1 CD Acte Préalable
                                                                                                          brillaient les meilleures « Soirées de
composées à partir de 1940, la dernière
                                                                                                                                                        O
                                                       l’ensemble. Face à un si grand potentiel           Nazelle » de la discographie, puis un              n sait bien peu de choses sur Wla-
étant datée de 1988, soit deux ans avant               choral et à un accompagnement aussi                disque Janacek d’une troublante poé-               dyslaw Brankiewicz sinon que, fils
sa mort, quelques-unes en hommage                      pingre, on croirait entendre une version           sie, son « Sentier herbeux » se haus-         de bonne famille, il eut une solide édu-
aux femmes qui ont comptés dans sa                     « a cappella ». Le timbre chaud du Yale            sant au degré de suggestion qu’y mirent       cation musicale. Il passa l’essentiel de
vie, d’autres à des personnalités, écri-               Schola Cantorum nous enveloppe litté-              Josef Palenicek et Rudolf Firkusny. L’art     sa carrière de musicien devant le clavier
vain (Paul Bowles), compositeurs (Leo                  ralement. Quelques traits de violoncelle           évocateur apporté aux vignettes de            de l’orgue de la cathédrale de Lublin où
Smit, Aaron Copland) ou interprètes                    vibrés, des échos de cuivres et de vents           Janacek qui constituent un vrai cycle-        il exerça comme titulaire. Pendant ce
(William Kapell). Pièces fragmentaires                 et le chœur s’étale de nouveau et nous             promenade, la profondeur de son piano         temps, il composa près de deux cents
rappelant parfois Schoenberg, Stra-                    inonde. Magique, comme une fleur                   aux couleurs si appariées m’avaient           œuvres à caractère religieux, la plupart
vinski et Hindemith, concentré des
                                                       ouvrant ses pétales et exhibant son                justement fait penser qu’il serait chez       étant pour chœur puisque son corpus
multiples styles du génial créateur. Bien
                                                       cœur. Nous sommes ravis et contentés.              lui dans les ultimes opus de Brahms.          pour orgue tient sur ce seul CD, publié
des pages de jeunesse de Lenny doivent
                                                       N’empêche, l’oreille par habitude a du             Le disque vérifie aujourd’hui mon intui-      sous l’égide du label polonais l’Acte Pré-
énormément à son mentor adoré Aaron
                                                       mal à combler le fossé entre orchestre             tion : chant large mais sculpté, harmo-       alable. Si on retrouve l’ordinaire de la
Copland. La Sonate pour piano (1938)
                                                       et chœur. Le « Denn alles Fleisch »                nies fuligineuses, lignes polyphoniques       liturgie, une messe, quelques marches,
et les huit variations de Touches (1981)
                                                       somnole trop peu soutenu par un pia-               surprenantes et ce toucher admirable          préludes, une fugue, les fantaisies,
notamment. Idem pour le cycle des
                                                       no poussif puis reprend de la vigueur              qui jamais n’alourdit l’écriture mais         méditation, andante cantabile et autres
Sabras (1950) évoquant pudiquement
                                                       grâce aux pupitres de sopranos, rythmé             l’éclaire par un savant jeu de pédale, lui    rondos ne s’écartent en rien d’un lan-
sa judéité. Bernstein passe d’un genre
                                                       par les pizzicati des cordes. Lumineux             donne de l’air. La qualité de son jeu, qui    gage profondément monochrome. La
à un autre et on reconnaît çà et là des
                                                       « Wie liebliech » à la manière du vitrail.         abolit les marteaux, projette les ultimes     musique de Brankiewicz est avant tout
bribes, ébauches ou reprises, d’œuvres
orchestrales (Mass, Candide, On the
Town). Les sonates pour violon et cla-                                                                    Müller dont j’avais tant aimé le premier      la main à un opus 76 envoutant à force
rinette (1940 1942) d’une veine plus                   Sélection ClicMag !                                opus lui consacre son second album            de poésie, aux horizons fuligineux :
lyrique et narrative, exploitent le poten-                                                                solo. Programme de crépuscule : les           écoutez seulement la tempête nocturne
tiel orchestral des instruments et leur                                                                   quatre Ballades jouées sombre, intense,       qui ouvre le premier Capriccio puis le
contrepoint montre l’influence d’un                                                                       dramatique, l’automne ténébreux des           chant éolien qui suit. La profusion de
autre compositeur pédagogue Walter                                                                        Klavierstücke op. 76, les Intermezzi          l’harmonie s’épanouit dans un Steinway
Piston. Unique en son genre, le Trio                                                                      op. 117 et pour ceux qui iront tout au        magnifique, clavier chantant, médium
(1937) sonne assez « mittle-europa »                                                                      bout de ce disque nocturne, « Guten           pourpre, un automne de piano où vien-
avec sa gravité, ses couleurs folklo-                                                                     Abend, gute Nacht », ultimes pianissi-        dront se suspendre les méditations des
riques ses pizzicati des cordes et sa                                                                     mos qu’aucune plage ne vous indique.
                                                                                                                                                        Intermezzi, murmurés. Fabian Müller y
fugue inopinée. En revanche les œuvres                                                                    Les affinités électives du jeune pianiste
pour ensemble à vent (Dances 1990) et                                                                                                                   fait passer le souvenir de Schumann,
                                                                                                          allemand avec l’univers de Brahms ne
pour piano à quatre mains (Bridal suite                                                                                                                 qui parait dans le second. C’est d’un pia-
                                                       Johannes Brahms (1833-1897)                        sont plus un secret depuis qu’il aura
1960) témoignent du goût du composi-                                                                                                                    niste poète qui confirme ici son art dans
                                                       4 Ballades, op. 10; 8 Pièces pour piano,           donné un magistral op. 118 voici deux
teur pour l’improvisation, le jazz et les                                                                 ans au Klavier Festival-Ruhr. Ses Bal-        un répertoire particulièrement périlleux.
                                                       op. 76; 3 Intermezzi, op. 117
pièces brèves et « light » telles que ces                                                                 lades épiques et amères sont-elles d’un       Il peut regarder les plus grands dans
                                                       Fabian Müller, piano
Élégies (1948), pochades dédiées à sa                                                                     jeune-homme ? La concentration du             les yeux, il est chez lui chez Brahms,
                                                       0301155BC • 1 CD Berlin Classics                                                                 sculptant le temps, phrasant les secrets
chienne Mippy pour piano cor et tuba.                                                                     toucher, le creusement des phrasés,
Musique libre et décomplexée et incita-
tion au plaisir et au partage. « Music is              L  e piano de Brahms, cette symphonie
                                                          de confidences et d’épopées, a de la
                                                       chance au disque ces derniers temps :
                                                                                                          quelque chose de désolé rappellent la
                                                                                                          rumeur que Claudio Arrau y distillait,
                                                                                                                                                        d’un univers qui ne s’offre pas si faci-
                                                                                                                                                        lement, aidé par une prise de son élé-
                                                                                                                                                        gante qui relève encore la profondeur
what comes closest to love » tel était le                                                                 et ce jusque dans l’embelli fugitive de
mot d’ordre du musicien et ici celui de                hier Gabriel Carcano enflammait la                 l’éclaircie qui vient dorer l’aigu du cla-    de son propos. Album immanquable.
ses interprètes. (Jérôme Angouillant)                  Troisième Sonate, aujourd’hui Fabian               vier dans la Quatrième. Elles donnent         (Jean-Charles Hoffelé)

                                                                                                                                             www.clicmusique.com  ClicMag janvier 2019  5
Alphabétique
                                                   elle-même, l’aspect décontracté, dansé              des éléments aussi divers que Marlène        de Mark Viner au jeu perlé, délicat, vir-
Sélection ClicMag !                                et tout à fait inattendu de la part de              Dietrich ou les paysages de Californie       tuose sans trop en faire. On oublie la
                                                   Chostakovitch qui apparaît ici pose                 de l’op.165 ! Enfin, les trois pièces pour   proximité géographique et stylistique
                                                   sans doute davantage de questions sur               violon et piano, où le modernisme d’         des Debussy, Ravel (et ceux cités plus
                                                   ce qu’il convient d’en faire : une paro-            « Exotica » et l’hommage à Heifetz et        haut) pour s’inviter dans ce salon bour-
                                                   die ? la critique d’un système occidental           Spivakovsky ne tombent jamais dans           geois si bien tenu. Chaminade connaît
                                                   honni pour la « suite » ? Ou du réalisme            la gratuité imitative. Angelo Arciglione     ses classiques (plutôt Liszt, Schumann,
                                                   soviétique, encensoir musico-sportif                joue un splendide Fazioli, Rolls-Royce       Mendelssohn) et se les approprie avec
                                                   d’un système politique propagandiste                des pianos, qui lui permet d’expri-          ce qu’il faut de détachement (Études
                                                   de l’homme nouveau pour le « bal-                   mer toute sa sensibilité. L’entente est      de concert op. 35, Romances sans
                                                   let » ? Le fait qu’un orchestre allemand            parfaite avec sa partenaire Eleonora         paroles op.76). Si l’Arabesque op. 61 à
                                                   virtuose dirigé par un chef anglais s’y             Turtur. Un premier CD qui mérite tous        la mélodie surannée a peu à voir avec
Dimitri Chostakovitch (1906-1975)                  colle évitera le risque d’enfoncer le clou          les éloges par son audace, la qua-           du Debussy, l’influence de Chabrier est
Jazz Suite n° 2; Concerto pour piano,              populiste à la gloire de. Et revenir sim-           lité d’interprétation et de prise de son.    prégnante un peu partout. Viner déroule
trompette et orchestre à cordes n° 1, op.          plement au texte lui-même. La perfor-               (Nicolas Mesnier-Nature)                     avec flegme et élégance le flux volubile
35; The Golden Age, op. 22                         mance que nous entendons dans cet                                                                de cette musique pudique, évocatrice
Antonii Baryshevskyi, piano; Romain Leleu,         enregistrement est rare : car si tout le                                                         et aux parfums tenaces. Une tendresse
trompette; Brandenburgisches Staatsorchester       monde s’y est mis dans les années 90
Frankfurt; Howard Griffiths, direction                                                                                                              un peu superficielle (op. 76 et 127),
                                                   pour faire tourner la machine à billets                                                          quelques danses, un peu de folklore
KL1526 • 1 CD Klanglogo                            des éditeurs, bien peu ont su conserver                                                          (Poème provençal, op. 127), une espa-

D    es milliers de personnes ont connu
     Chostakovitch grâce à sa musique
utilisée dans une pub télé. Si la « Valse
                                                   cette fraîcheur, cet allant, ce rythme fou,
                                                   cette couleur par moment mahlérienne
                                                   (l’entrée du cor dans la reprise du
                                                                                                                                                    gnolade (La Lisonjera op. 50) achèvent
                                                                                                                                                    de nous séduire. (Jérôme Angouillant)

n°2 » est l’arbre qui cache la forêt, la           thème de la fameuse valse), sans jamais
suite à laquelle elle appartient, de même          vulgariser la simplicité ou les effets. Ce
que les extraits de « l’Âge d’or », n’en           système fonctionne également avec le
demeurent pas moins des pierres                    « Concerto n°1 » : des demi-teintes,                Cécile Chaminade (1857-1944)
d’achoppement interprétatives. Car si              des échanges, de l’air entre les pupitres           Pierrette, air de ballet, op. 41; 6 Etudes
la direction à donner dans une grande              et une couleur encore magnifique éloi-              de concert, op. 35; Les Sylvains, op. 60;
                                                                                                       Arabesque, op. 61; Poème provençal, op.
symphonie ou un quatuor est l’on                   gnée de l’esbroufe virtuosement creuse.
                                                                                                       127; La lisonjera, op. 50; 6 Romances sans
pourrait dire inscrite dans la musique             A thésauriser. (Nicolas Mesnier-Nature)             paroles, op. 76; Thème varié, op. 89
                                                                                                       Mark Viner, piano
fonctionnelle et son intérêt reste limité.         violon et piano                                     PCL10164 • 1 CD Piano Classics               Frédéric Chopin (1810-1849)

                                                                                                       I
Le contrepoint et un certain roman-                Angelo Arciglione, piano; Eleonora Turtur, violon     ssue d’une famille bourgeoise, Cécile      Polonaise-Fantaisie en la bémol majeur,
tisme évoquent le modèle germanique                DCTT83 • 1 CD Digressione                             Chaminade bénéficia dès sa forma-          op. 61; Berceuse, op. 57; Mazurka, op. 17
mais son penchant modal peut aussi                                                                                                                  n° 4; Mazurka, op. 68 n° 2; Scherzo, op.

                                                   L  e     compositeur         italo-américain        tion musicale auprès de Benjamin
rappeler l’orgue français. En prime deux                                                                                                            39; 24 Préludes, op. 28
                                                      Castelnuovo-Tedesco est une des                  Godard, du soutien de compositeurs
miniatures d’un autre organiste natif                                                                                                               Evgeny Moguilevsky, piano
                                                   grandes figures musicales du ving-                  tels que Saint-Saëns et Chabrier. Après
de Lublin, Wladyslaw qui fut déporté à             tième siècle. Malheureusement, hormis               quelques essais de composition plus ou       ADW4003 • 1 CD Pavane
Auschwitz. (Jérôme Angouillant)                    quelques pièces pour guitare, on ne le
                                                   connaît que trop peu. Une des raisons à
                                                   cela est la frilosité éditoriale concernant
                                                                                                       moins fructueux dans différents genres
                                                                                                       (musique de chambre, un ballet, un
                                                                                                       concerto...) elle se tourne assez vite
                                                                                                                                                    M    oguilevsky, qui partagea l’estrade
                                                                                                                                                         de la Roque d’Anthéron avec Bri-
                                                                                                                                                    gitte Engerer et Vardan Mamikonian
                                                   les enregistrements. Voilà une goutte               vers le piano et compose ainsi près de       en 1994 pour une « nuit Chopin », a
                                                   d’eau dans la mer pour ces pièces pour              deux cents opus pour l’instrument ainsi      été longtemps un de ces pianistes à
                                                   piano solo et en duo avec violon. Et                qu’une centaine de mélodies qui re-          éclipses dont l’URSS avait le secret. Sa
                                                   encore une fois, même les premières                 lèvent spécifiquement de la musique de       victoire au Concours Reine Elisabeth en
                                                   pièces de la toute jeunesse du début                salon. C’est une petite poignée de ces       1964 le surprit lui-même (comme en
                                                   du programme sont intéressantes. Les                pages pour piano que l’on (re)découvre       témoigne le commentaire d’une archive
                                                   quatre portraits de stars hollywoo-                 à l’écoute de ce disque signé du pianiste    vidéo de la RTBF) et un coffret antho-
                                                   diennes de l’op.104, ainsi que la fin du            anglais Mark Viner et qui vient complé-      logique du concours l’y montre hésiter,
M. Castelnuovo-Tedesco (1895-1968)                 disque, ont été écrites alors que l’auteur          ter les enregistrements de Peter Jacobs      s’arrêter et repartir au beau milieu du
Vogelweide, pour voix et guitare / E. Des-         avait trouvé refuge aux États-Unis. Leur            (Hypérion) de Johan Blanchard (MDG)          premier mouvement de son troisième
deri : Sonate en mi majeur pour guitare;           peinture nous montre l’art extrêmement              et de Johanna Polke (Steinway&Sons).         concerto de Rachmaninov. Il disparut et
Duo Cacce Quattrocentesche, pour voix et           souple de Castenuovo qui, tout en gar-              Musique de salon certes mais qui dé-         reparut ensuite plusieurs fois. Contrai-
guitare; Trittico, pour guitare                    dant son caractère, parvient à évoquer              gage un charme certain sous les doigts       rement à ce qu’affirme la notice son
Leonardo De Lisi, ténor; Luca Trabucchi, guitare
STR37110 • 1 CD Stradivarius
                                                   Sélection ClicMag !                                 B   ruch a vingt-cinq ans à peine
                                                                                                           lorsqu’est créé son Die Loreley,
                                                                                                       grand opéra romantique en quatre
                                                                                                                                                    premier ordre à une réalisation orches-
                                                                                                                                                    trale somptueuse sous la baguette ins-
                                                                                                                                                    pirée de Stefan Blunier, un chef déjà
                                                                                                       actes sur un livret qu’Emmanuel Geibel       remarqué pour quelques belles gra-
                                                                                                       destinait initialement à Mendelssohn.        vures de Bruckner et Franz Schmidt.
                                                                                                       Vaste partition très représentative du       Découverte majeure à l’évidence,
                                                                                                       romantisme germanique où passent             bénéficiant de plus d’une présenta-
                                                                                                       les ombres de Meyerbeer et Weber,            tion particulièrement soignée puisque
                                                                                                       mais aussi celles de Schumann et Men-
                                                                                                                                                    le livret en allemand et sa traduction
                                                                                                       delssohn en particulier dans le finale
                                                                                                                                                    anglaise sont joints. Bruch s’est plaint
                                                                                                       où la description du Rhin évoque irré-
M. Castelnuovo-Tedesco (1895-1968)                                                                                                                  toute sa vie d’être considéré comme le
                                                                                                       sistiblement tant la 3° symphonie du
                                                                                                                                                    compositeur d’une seule œuvre, son
« Ninna-Nanna », berceuse pour piano               Max Bruch (1838-1920)                               premier que les flots qui baignent les
seul; « Calma « , pour piano seul; « Scam-                                                             Hébrides du second. Même s’il manque         célèbre premier concerto pour violon
panio », pour piano seul - »Terrazze »,            La Lorelei, op. 16, opéra en 4 actes                                                             et orchestre, c’est heureux que justice
                                                                                                       à cette partition le génie d’un Wagner,
pour piano seul; « Stars », op. 104; « El          Michaela Kaune, soprano; Magdalena Hinterdobler,    l’ouvrage n’en est pas moins l’un des        lui soit enfin rendue. Nous connaissons
Encanto », op. 165, pour piano seul;               soprano; Thomas Mohr, ténor; Jan-Hendrik                                                         désormais ses autres œuvres concer-
                                                                                                       chefs d’œuvre de Bruch ; ce n’est pas
« Exotica, A Rhapsody of the South Seas »,         Rootering, basse; Chœur Philharmonique de           un hasard si Mahler puis Pfitzner ont        tantes pour le violon, ses symphonies,
pour violon et piano; Serenatella on the           Prague; Orchestre de la radio de Munich; Stefan
name of Jascha Heifetz, op. 170 n° 2, pour                                                             tenu à le diriger. A l’invitation de CPO,    ses principaux oratorios, voici enfin
                                                   Blunier, direction                                  cette magnifique exécution de concert        un bel éclairage sur son œuvre lyrique.
violon et piano; Humoresque on the name
of Tossy Spivakovsky, op. 170 n° 8, pour           CPO777005 • 3 CD CPO                                en 2014 associe une distribution de          (Richard Wander)

6  ClicMag janvier 2098  www.clicmusique.com
Alphabétique
passage au Carnegie Hall fin 1992 ne                                                                  qué du compositeur. Elle est basée sur            au compositeur pour composer une
fut pas acclamé par le New York Times,              Sélection ClicMag !                               les six premières notes d’une mélodie             messe, le contrepoint est loin d’être éla-
qui pointa au contraire ses excès inadé-                                                              psalmodiée (« Gaudéamus omnes »)                  boré, les notes sont souvent répétées,
quats de vitesse et de puissance. Mais                                                                qui va ensuite subir de multiples trans-          inversées, mais Josquin respecte un
l’effet électrique sur les publics était                                                              positions mathématiques, de véritables            schéma strict et s’interdit toute dérive
indéniable. On entend tout cela dans ses                                                              « feux d’artifice » (Willem Elders) une           mathématique. C’est une œuvre de
Chopin de 1991 : capable de nuances et                                                                polyphonie pyrotechnique. Schéma                  jeunesse et il s’agit ici plutôt d’un jeu
de couleurs somptueuses, il est aussi                                                                 classique en imitation mais les lignes            autour du personnage de Baudichon
coupable de galopades échevelées an-                                                                  vocales se chevauchant et se répon-
                                                                                                                                                        (jeune homme vigoureux et fanfaron)
crées sur une main gauche brutale… ce                                                                 dant à des hauteurs diverses, la mélo-
                                                                                                                                                        auquel il semble s’identifier. Peter Phil-
Chopin très timbré mais un peu dépour-                                                                die d’origine citée soixante et une fois
                                                                                                                                                        lips s’est lui aussi amusé à scruter les
vu de vision regarde indiscutablement                                                                 au total n’est plus perceptible à l’audi-
                                                                                                                                                        partitions pour en faire ressortir deux
vers l’Est, l’école russe et Rachmaninov.           Josquin des Prés (1440-1521)                      teur moyen. Pourtant Josquin parvient
                                                                                                      à maintenir une cohésion parfaite de              univers totalement différents : l’un
Palmarès discographique inchangé,                   Missa Gaudeamus; Missa L’ami Baudichon
mais voilà une vraie curiosité et à tout                                                              la structure de l’ensemble. La Missa              façonné intensément, l’autre joyeux et
                                                    The Tallis Scholars; Peter Phillips, direction
petit prix une belle occasion de décou-                                                               l’Ami Baudichon est une des premières             décontracté. « Je dirais que le génie à
                                                    CDGIM050 • 1 CD Gimell                                                                              cette échelle ne connaît pas de règles »
vrir un pianiste rare ou de se rafraîchir                                                             messes de Josquin et repose sur une
la mémoire. (Olivier Eterradossi)
                                                    P  eter Phillips ose un savoureux cou-
                                                       plage en associant deux messes
                                                    absolument opposées. La Missa Gau-
                                                                                                      chanson populaire dont l’argument à
                                                                                                      connotation sexuelle est assez grave-
                                                                                                                                                        conclut-il benoîtement. Les Tallis Scho-
                                                                                                                                                        lars sont une fois de plus impression-
                                                                                                                                                        nants de tenue vocale et d’engagement.
                                                                                                      leux. Elle fut d’ailleurs (?) composée en
                                                    déamus est l’apogée de l’art sophisti-            France vers 1475. Trois notes suffisent           (Jérôme Angouillant)

                                                                                                                                                        Antje Weithaas, violon; Christian Tetzlaff, violon;
                                                                                                                                                        Vicki Powell, alto; Maximilian Hornung, violon-
                                                                                                                                                        celle; Kiveli Dörken, piano; Martin Helmchen,
                                                                                                                                                        piano
                                                                                                                                                        AVI8553404 • 1 CD AVI Music
Carl Czerny (1791-1857)
Grande Sonate pour violon et piano-forte                                                                                                                L   e quatrième et dernier étant le cé-
                                                                                                                                                            lèbre Dumky, c’est le second trio
en la majeur; Sonate Concertante en mi                                                                                                                  d’un Dvorak qui, en 1876, mijote encore
bémol majeur pour violon et piano                   Claude Debussy (1862-1918)                        Gaetano Donizetti (1797-1848)                     en obscur compositeur provincial, mais
Kolja Lessing, violon; Rainer Maria Klaas, piano;
                                                    Nuit d’étoiles; Triolet à Phyllis; Pierrot;       Nuits d’été à Pausilippe, mélodies choisies       cette œuvre lui valut l’appui décisif de
Anton Kuerti, piano
                                                    Clair de lune; Apparition; Le jet d’eau;          Letizia Calandra, soprano; Fausto Tenzi, ténor;   Brahms. Elle fut écrite implicitement
CPO777822 • 1 CD CPO                                                                                  Ilario Nicotra, piano
                                                    Mandoline; Fêtes Galantes I; Fleur des                                                              après la mort de Josefa, sa fille aînée
F  raîchement imbibé des dernières
   sonates de Beethoven, Carl Czerny
                                                    blés; Le son du cor s’afflige vers les bois;      BRIL95672 • 1 CD Brilliant Classics               et nouveau-née, mais on ne peut qu’y

                                                                                                      V
                                                    Romance ; Proses lyriques; L’échelonne-
                                                                                                          oilà que l’on nous propose fort               penser puisqu’elle est en sol mineur,
écrit à l’âge de seize ans cette Grande             ment des haies; Chansons de Bilitis [La
                                                                                                          opportunément de prolonger la                 justement la tonalité du trio de Smetana
Sonate pour pianoforte et violon (1807).            flûte de Pan; la Chevelure; Le Tombeau
                                                                                                      période estivale avec ces Nuits d’été à
Elle débute en Do majeur et se com-                 des Naïade]; Les Nuits blanches; Ariettes                                                           qui, lui, très explicitement l’inscrivit
                                                                                                      Pausilippe. Certes il y a du soleil dans
pose de trois amples mouvements qui                 oubliées; Colloque sentimental; Je                                                                  auparavant dans le deuil de sa propre
                                                    tremble en voyant ton visage; 3 Poèmes de
                                                                                                      ces ariettes et nocturnes, complétées
dépassent largement les dix minutes.                                                                                                                    fille. Moins fréquenté que les autres, ce
                                                    Stéphane Mallarmé; Noël des enfants qui           d’autres mélodies, qu’inspirèrent au
Un thème, une idée, une ébauche de
                                                    n’ont plus de maisons                             compositeur de Don Pasquale et de Lu-             trio de Dvorak est plein de couleur et de
dialogue entre violon et piano et l’œuvre
                                                                                                      crezia Borgia tant la chanson populaire           lyrisme, se fait parfois dansant, titille le
se prolonge ad infinitum dans des                   Lorna Windsor, soprano; Antonio Ballista, piano
                                                                                                      napolitaine que les poésies amoureuses            folklore slave. Après l’ambitieuse forme
développements labyrinthiques. Carl                 BRIL95741 • 2 CD Brilliant Classics               d’auteurs principalement italiens. Hélas,         sonate du début, le second mouvement
Czerny multiplie à volonté les options
thématiques et structurelles de la forme
sonate sans pour autant renouveler les              A    yant témoigné de l’intérêt non-feint
                                                         éprouvé à l’écoute de « Vox Sola »
                                                                                                      le résultat s’avère plutôt décevant. Les
                                                                                                      romances s’enchainent sans être soute-
                                                                                                      nues par la profondeur ou les nuances
                                                                                                                                                        finit par dissoudre le pathos de sa lente
                                                                                                                                                        berceuse dans le majeur, le troisième
enjeux du duo instrumental. Cela dit,               (BRIL95791), je ne cacherai pas ce
                                                                                                      qui les rendraient plus agréables. La             galope et halète presque bizarrement,
la partie de piano, à la fois soutien et            qu’a été ma déception en découvrant
                                                    ce double cd Debussy. Bien sûr la dic-            prise de son, dans les aigus, semble              tandis que dans le quatrième triomphent
acteur, est impressionnante. Si les idées
                                                    tion pourrait représenter le défaut réd-          parfois porter la voix de la soprano              enfin gaieté et jovialité, bien loin du
foisonnent, l’inspiration se tarit parfois
                                                                                                      L. Calandra vers la saturation. Mais le           mineur initial. Quant au quatuor avec
(Andante graciozo) et le discours per-              hibitoire à l’égard de ces miniatures
                                                                                                      moins convaincant reste à mon avis la             piano fièrement érigé en premier opus
dure bon an mal an. Par opposition la               françaises chantées par une interprète
Sonate Concertante (1848) montre le                                                                   prestation du ténor F. Tenzi qui n’arrive
                                                    britannique mais ce n’est pas là le grief                                                           par Suk, son professeur Dvorak en fut
compositeur dans sa maturité, non                                                                     pas toujours à concilier puissance, hau-
                                                    majeur. La voix de la soprano n’est               teur et tenue. Est-ce pour cet ensemble           impressionné au point de le faire jouer
plus assujetti au modèle beethovénien               pas assez souple pour beaucoup de                                                                   pour une remise scolaire des diplômes,
mais désireux de synthétiser dans                                                                     de raisons que l’enregistrement est res-
                                                    ces mélodies dès qu’elles recouvrent              té plus de dix ans avant d’être publié par        prélude à une longue amitié où le plus
un langage original le style classique
                                                    un ambitus important et s’appuient                Brilliant ? Ce répertoire profiterait cer-        jeune devint le gendre de l’aîné. Cette
et une veine romantique qui évoque
Mendelssohn et Brahms. Œuvres mar-                  sur un rythme un peu plus allant. La              tainement davantage d’être interprété à           œuvre fut beaucoup donnée par le fa-
ginales, les deux sonates attendirent               difficulté à contrôler simultanément,             la fois avec plus de naturel et plus de           meux Quatuor Bohémien dont Suk était
près de deux siècles pour être dévoi-               surtout dans les aigus rapides ou les             poésie. (Alain Monnier)
                                                                                                                                                        le second violon. L’énergique premier
lées puis enregistrées. Le violoniste               finales, le timbre, le volume et l’articu-                                                          mouvement prend un envol dramatique,
Kolja Lessing affronte ces deux colos-              lation donne finalement lieu à de réels
                                                                                                                                                        le second adopte un thème lyrique
sales partitions avec endurance même                déséquilibres. Les nuances propres à la
si de temps à autre le souffle retombe                                                                                                                  charmant, de même que le troisième
                                                    musique debussyste comme aux textes
et s’exténue. La faute à une substance                                                                                                                  après un premier épisode passionné.
                                                    des poètes qui en sont ici à l’origine et
musicale qui semble se nourrir d’elle-                                                                                                                  Et Dvorak comme Suk, ces musiques
                                                    qu’il s’agit de restituer et d’illustrer sont
même (Grande Sonate). Son partenaire                                                                                                                    sont ici idéalement rendues par deux
                                                    donc souvent négligées. On ne pourra
Rainer Maria Klaas a le nez collé sur                                                                                                                   formations distinctes que transcende
                                                    que regretter certaines stridences qui
la partition. Le second pianiste Anton                                                                                                                  l’ambiance publique... hydroélectrique
Kuerti s’en sort mieux dans la Sonate               l’emportent sur la rondeur, la cha-
                                                    leur, l’intimité attendues. Ce, malgré                                                              (des pompes pour la circonstance ? on
Concertante au format plus resserré.                                                                  Antonín Dvorák (1841-1904)
Le jeu du violoniste devient soudain                le jeu inspiré et complice du pianiste                                                              est dans une ancienne usine !) du tou-
                                                                                                      Trio pour piano en sol mineur, op. 26 /
détaché, plus élégant voire lumineux.               Antonio Ballista sur un Pleyel de 1923.           Josef Suk : Quatuor pour piano, violon alto       jours merveilleux Spannungen Festival.
(Jérôme Angouillant)                                (Alain Monnier)                                   et violoncelle en la mineur, op. 1                (Gilles-Daniel Percet)

                                                                                                                                           www.clicmusique.com  ClicMag janvier 2019  7
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