Améliorer l'efficacité des systèmes laitiers herbagers en milieux tempérés
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Améliorer l’efficacité INRAE Prod. Anim., 2021, 34 (3), 161-172 des systèmes laitiers herbagers en milieux tempérés Luc DELABY1, Brendan HORAN2 1 INRAE, AgroCampus Ouest, Physiologie, Environnement, Génétique pour l’Animal et les Systèmes d’Élevage, 35590 Saint-Gilles, France 2 Teagasc, Animal & Grassland Research and Innovation Centre, Moorepark, Fermoy, Cork, Irlande Courriel : luc.delaby@inrae.fr Face à une demande alimentaire mondiale qui augmente et affirme ses exigences quant au produire mieux, les systèmes laitiers herbagers ont des atouts à faire valoir. Basé sur les travaux récents conduits en France et en Irlande, cet article offre des pistes afin de mieux valoriser l’herbe produite et maximiser l’ingestion, de mieux gérer le pâturage sur le temps long grâce à une pratique d’anticipation, facilitée par le développement d’outils d’aide à la gestion du pâturage.1 Introduction ermanentes ou des prairies tempo- p principalement les ruminants grâce à raires semées. Ces prairies sont alors leur capacité à pâturer, jouent un rôle plus productives et utilisées de manière essentiel en faveur du maintien de Les prairies couvrent une grande par- plus intensive par les herbivores. ces prairies et la fourniture de services tie de la surface émergée du globe ter- associés. restre. Un peu plus de 40 % de la surface Au niveau global comme local, et de la Terre (à l’exclusion du Groenland indépendamment de la région et de Par ailleurs, l’augmentation annon- et de l’Antarctique) est composée de leur utilisation, les prairies jouent un cée de la population mondiale, associée prairies présentant une forte diversité rôle majeur dans l’équilibre des éco- à la demande alimentaire croissante de végétation (White et al., 2000). Une systèmes (O’Mara, 2012 ; Huguenin- en produits animaux (lait, beurre, fro- part importante de cette surface en Elie et al., 2018). De nombreux services mage, viande) liée à la prospérité éco- prairies est composée de prairies indi- écosystémiques associés aux surfaces nomique de la classe moyenne dans les gènes ou naturelles telles que la savane en herbe ont été identifiés, notam- pays émergents, stimule la production en Afrique, la pampa en Amérique du ment la préservation de la biodiversité, de denrées alimentaires. Cependant, Sud, les terres arbustives et les steppes le stockage du carbone, le contrôle cette production croissante devra s’ins- en Océanie et en Asie et la toundra en de l’érosion, la régulation du cycle de crire au sein de systèmes de produc- Europe. Ces prairies sont fréquemment l’eau et des nutriments, sans oublier la tion plus durables afin de limiter les situées dans des zones vulnérables production alimentaire et fourragère. impacts négatifs de l’intensification de telles que les zones arides, humides Divers articles de synthèse (Soussana et la production sur l’environnement et la ou montagneuses et sont largement Lemaire, 2014 ; Rodriguez-Ortega et al., planète. Les ruminants sont capables utilisées par un bétail divaguant ou 2014 ; Michaud et al., 2020) soulignent d’utiliser efficacement les ressources transhumant, en troupeau, et sont peu le fait qu’il existe un niveau optimal issues des prairies et de transformer les influencées par les activités humaines. d’utilisation des prairies pour maximi- fourrages en aliments à haute valeur Dans les zones tempérées, les surfaces ser les biens et services offerts par ces nutritive pour les humains, dans le en herbe sont souvent des prairies surfaces en herbe. Les herbivores, et cadre de systèmes durables, plus 1 Cet article a été publié dans une 1re version anglaise lors du 54e congrès annuel de la Société de Zootechnie du Brésil, qui s’est tenu à Foz do Iguazu, en Juillet 2017 (Delaby et Horan, 2017). https://doi.org/10.20870/productions-animales.2021.34.3.4870 INRAE Productions Animales, 2021, numéro 3
162 / Luc delaby, Brendan horan a utonomes et économes. Dans cette 1. Comment augmenter position en matière grasse et protéines situation, en Europe comme dans le l’ingestion au pâturage ? du lait. En revanche, les autres fourrages monde entier, la meilleure utilisation tels que l’ensilage d’herbe, l’ensilage des prairies est un défi majeur pour de maïs ou le foin, couramment utili- accroître les productions animales et Dans les régions tempérées, l’herbe sés pour nourrir les vaches pendant la limiter la concurrence avec les terres pâturée bien gérée est un fourrage qui période hivernale en bâtiment néces- arables, plus efficacement utilisées se suffit à lui-même et constitue une sitent des compléments nutritionnels. pour la production de céréales ou « ration complète » naturelle de haute Par exemple, Peyraud et al. (2014) ont d’oléo-protéagineux destinées direc- qualité et à faible coût (tableau 1). calculé que chaque kilogramme de MS tement à l’alimentation humaine. L’herbe pâturée est le seul fourrage qui d’ensilage de maïs consommé par une soit bien équilibré pour répondre aux vache laitière nécessite 185 g de tour- À la lumière des travaux réalisés en besoins nutritionnels des bovins, y com- teau de soja pour corriger le fort déficit Irlande et en France, l’objectif de cette pris des vaches laitières et des petits protéique qui caractérise ce fourrage. La synthèse est d’analyser comment les ruminants. La composition chimique même situation de déficit nutritionnel prairies peuvent être mieux valori- (teneur en protéines et ADF) et la valeur existe également pour ce qui concerne sées et ainsi comment les systèmes nutritive, que ce soit la teneur en éner- les apports en minéraux. laitiers herbagers peuvent contribuer gie ou en protéines digestibles, sont à l’accomplissement des challenges conformes aux besoins nutritionnels 1.1. Augmenter décrits précédemment. La 1 re partie des vaches laitières (INRA, 2018). La les quantités d’herbe de cet article s’intéresse plus particu- teneur en UFL est proche de 0,90 UFL/ offertes ? lièrement à l’animal et au rôle majeur kg de MS (1 UFL = 1 760 kcal d’énergie des quantités d’herbe ingérées dans nette de lactation – ENL) et la valeur En raison de la haute valeur nutritive les performances par animal et par PDI (protéine digestible dans l’intestin) de l’herbe, le principal défi au pâturage hectare. Puis la 2 e partie décrit les exprimée par UFL est proche de 100 g, est de maximiser l’ingestion par vache et éléments de réussite à l’échelle de la ce qui correspond aux recommanda- par jour, à la fois à court terme dans la saison de pâturage et de la conduite tions (Vérité et Delaby, 2000). Avec des parcelle en cours de pâturage, mais aussi du troupeau pour s’achever par la des- régimes uniquement à base d’herbe, à plus long terme pendant toute la sai- cription de quelques outils d’aide à la les vaches laitières sont capables de son de pâturage. En comparaison avec gestion du pâturage élaborés ces der- produire environ 25 kg de lait et 1,6 à l’ensilage de maïs bien complété avec un nières années. 2,0 kg de matières utiles selon la com- concentré protéique, l’herbe pâturée se Tableau 1. Composition chimique et valeur nutritive de l’herbe offerte au cours de la saison de pâturage. a) Le Pin-au-Haras, France Mars Avril Mai Juin Juillet Août Sept. Oct. Nov. ADF (g/kg MS) 225 250 264 264 264 253 237 218 MAT (g/kg MS) 195 182 158 150 157 175 192 192 Dig MO (%) 79 78 75 73 72 73 75 71 UFL (/kg MS) 0,94 0,95 0,91 0,87 0,86 0,87 0,87 0,77 PDI (g/kg MS) 100 99 92 89 90 93 96 89 b) Moorepark, Irlande Mars Avril Mai Juin Juillet Août Sept. Oct. Nov. ADF (g/kg MS) 245 236 243 252 265 266 269 266 257 MAT (g/kg MS) 218 226 208 194 197 194 191 232 234 Dig MO (%) 81 80 81 81 78 76 78 76 77 UFL (/kg MS) 1,00 0,98 1,01 0,99 0,96 0,93 0,96 0,93 0,93 PDI (g/kg MS) 102 102 102 99 98 98 97 100 101 a/ INRAE, Le Pin-au-Haras, Normandie – Prairies permanentes et temporaires à base de graminées, parfois associées au trèfle blanc (Delaby et al., non publié) b/ TEAGASC, Moorepark, Co Cork – Prairies temporaires de ray-grass anglais tardif (Horan et al., non publié). INRAE Productions Animales, 2021, numéro 3
Améliorer l’efficacité des systèmes laitiers herbagers en milieux tempérés / 163 Tableau 2. Comparaison de l’ingestion de matière sèche et des composantes de offerte pour maximiser les quantités l’ingestion entre une ration complète à l’auge et de l’herbe pâturée (INRAE, don- ingérées par vache a également un nées non publiées). effet défavorable important sur l’utili- sation de l’herbe au niveau de la par- Ensilage Pâturage celle (figure 1). En effet, plus l’ingestion Ration de maïs (70 %) de ray-grass anglais par vache et par jour est élevée, plus et concentré (30 %) (100 %) l’utilisation de l’herbe et l’ingestion par hectare sont faibles, car les refus aug- Ingestion totale (kg MS) 22 – 24 16 – 18 mentent. Une quantité d’herbe offerte Vitesse d’ingestion (g MS /min) 80 – 100 25 – 35 élevée associée à un chargement ins- tantané plus faible, réduit le nombre de Durée d’ingestion (min) 200 – 300 500 – 550 jours de pâturage réalisés, tout comme la production laitière exprimée par hec- Teneur en MS (%) 40 – 50 15 – 20 tare (Delagarde et Peyraud, 2013). Ces résultats sont bien illustrés par la syn- thèse bibliographique et la méta-ana- lyse publiées par McCarthy et al. (2011). c aractérise par une vitesse d’ingestion En effet, au cours de la repousse, la gaine En moyenne, l’augmentation de char- limitée en raison de la forme de présen- et la tige associées aux refus « montent », gement d’une vache par ha induit une tation (fourrage sur pied, livrée au libre et il sera quasi impossible, sans effets réduction de 7 % de la production lai- choix des animaux) et de la nature du délétères sur les performances laitières tière journalière par vache, en raison de fourrage offert (teneur en eau impor- des vaches, de faire consommer ces refus la réduction de l’ingestion quotidienne. tante, feuilles longues, non pré-hachées). aux cycles suivants et de sortir les vaches Mais elle induit une augmentation de En conséquence, la vache compense de la parcelle à une hauteur plus basse 21 % des performances par hectare en en augmentant le temps de pâturage qu’au cycle précédent. Pour un niveau raison de l’augmentation du nombre au-delà de la durée d’ingestion observé à similaire de quantités ingérées par vache, de jours de pâturage réalisés et d’une l’auge (tableau 2). Pour maximiser l’inges- l’augmentation de la hauteur de l’herbe meilleure utilisation de l’herbe. Lorsque tion au pâturage, une idée serait d’aug- en entrée de parcelle entraîne une aug- le chargement augmente, la hauteur menter les quantités d’herbe offertes. mentation de la hauteur des tiges et des résiduelle de l’herbe après le pâturage De nombreuses expériences, synthéti- gaines, une augmentation des refus et est réduite, ce qui entraîne générale- sées par Delagarde et al. (2001a) et plus en conséquence une augmentation de ment une repousse plus feuillue et de récemment par Pérez-Prieto et Delagarde la hauteur de l’herbe résiduelle après le meilleure qualité et un effet cumulatif (2013), ont démontré l’effet positif de pâturage. positif tout au long de la saison de pâtu- l’augmentation de l’herbe offerte sur rage (Hoden et al., 1991 ; Tunon et al., l’ingestion d’herbe quotidienne. La loi La mise en œuvre d’une stratégie 2013). Une bonne gestion du pâturage de réponse associée à l’augmentation de pâturage à haut niveau d’herbe se caractérise par l’obtention d’un bon des apports est curvilinéaire avec une asymptote proche de 20 kg de MS d’in- Figure 1. Effet de la quantité d’herbe offerte au pâturage sur la consommation de gestion observée pour des niveaux très matière sèche par vache et l’utilisation de l’herbe par hectare (d’après Delagarde élevés d’allocation d’herbe (figure 1). et al, 2001a). En moyenne, lorsque l’herbe offerte, Valorisation (% biomasse totale au ras du sol) évaluée à 4-5 cm au-dessus du sol, aug- 22 Herbe ingérée (kg MS/vache/jour) mente entre 16 et 24 kg MS/vache/jour, la consommation d’herbe augmente de 70 0,20 à 0,25 kg par kg d’herbe supplémen- 18 taire alloué. Cela signifie que pour obtenir 60 1 kg de MS ingéré supplémentaire, il est nécessaire d’offrir environ 4 kg de MS sup- 14 50 plémentaires. Par conséquent, 75 % de l’herbe supplémentaire offerte n’est pas 10 40 consommée et induit des refus, ce qui se traduit par des parcelles mal valorisées et 30 une hauteur d’herbe après pâturage plus 6 élevée. De plus, et contrairement aux sys- tèmes d’alimentation à l’auge, ces refus 10 20 30 40 50 60 70 auront un arrière effet négatif important Herbe offerte au ras du sol (kg MS/vache/jour) sur la future qualité de l’herbe lors des cycles de pâturage suivants (Stakelum et 5 10 15 20 25 30 35 Dillon, 2007a ; Stakelum et Dillon, 2007b). Herbe offerte au dessus de 5 cm (kg MS/vache/jour) INRAE Productions Animales, 2021, numéro 3
164 / Luc delaby, Brendan horan compromis entre la maximisation de Figure 2. Relation entre la hauteur d’herbe avant pâturage, la hauteur après pâtu- l’ingestion par vache et par hectare rage et la consommation d’herbe par les vaches laitières au pâturage (Delagarde et al, 2001b). (figure 2). Ainsi, au pâturage, le défi permanent pour l’éleveur est d’offrir 9 aux vaches une herbe facile à pâturer. Herbe ingérée (kg MS/jour) Hauteur en sortie de parcelle (cm) 16,5 1.2. Produire 17,0 é e nt de l’herbe « facile 8 im à pâturer » et la proposer al 16,0 en au bon moment bi u pea Les caractéristiques d’une herbe ou 15,5 7 Tr facile à pâturer sont désormais bien connues. Les prairies de graminées 15,0 feuillues enrichies de légumineuses, notamment de trèfle blanc (TB), consti- 6 tuent probablement la meilleure herbe 14,5 à fournir pour maximiser l’apport de Prairie bien valorisée nutriments aux vaches laitières. Par conséquent, l’éleveur devra adapter la gestion du pâturage en combinant 5 10 12 14 16 18 20 diverses espèces et variétés, en contrô- lant l’âge de la repousse, la hauteur ou Hauteur en entrée de parcelle (cm) la biomasse avant le pâturage pour pro- duire l’herbe idéale. Les variétés de gra- minées à épiaison tardive offrent une l’animal, qui chez le TB est composée entre l’introduction du TB et l’âge de la plus grande souplesse d’exploitation et p rincipalement de feuilles et de repousse. Au fur et à mesure que l’âge permettent ainsi d’éviter l’épiaison en pétioles très digestibles. Cet atout a de la repousse augmente, la différence faisant pâturer l’apex végétatif entre les été clairement démontré par Ribeiro- observée dans la consommation de MS dates de début de végétation et d’épiai- Filho et al. (2003) et confirmé dans le et la production laitière en faveur du son. Dans l’expérimentation relatée cadre d’une expérience récente mise mélange RGA-TB s’accroît. Ce résultat par Gowen et al. (2003) qui comparent en œuvre en Irlande (McCarthy et al., confirme qu’au cours de la repousse, 2 variétés de ray-grass anglais (RGA) à 2016). Comme présenté au tableau 3, le TB vieillit lentement et conserve une date d’épiaison intermédiaire (18 mai) l’introduction de TB (à hauteur de 40 valeur nutritive élevée, ce qui facilite la ou tardive (7 juin), la consommation de à 45 % de la biomasse totale, évalué gestion du pâturage. MS d’herbe et la production laitière ont en période estivale) dans une mono- été significativement plus élevées au culture de RGA augmente significati- En raison des modifications de la printemps (avant et pendant la période vement l’ingestion journalière de MS composition morphologique (hau- d’épiaison) chez les variétés à épiaison et par conséquent entraîne une aug- teur des gaines, % de feuilles) asso- tardive. mentation de la production de lait ciées au vieillissement des plantes et et la synthèse de matières utiles par de ses conséquences sur la compo- Les atouts associés à l’introduction vache et par jour. Un autre résultat sition chimique et la valeur nutritive du TB dans les prairies sont impor- intéressant est l’interaction observée des graminées et des grandes légumi- tants et bien décrits (Lüscher et al., 2014 ; Delaby et al., 2016). De nom- breux travaux de recherches ont clai- Tableau 3. Effet de l’introduction de trèfle blanc (TB) en interaction avec l’âge de repousse sur les performances des vaches laitières au pâturage (d’après Ribeiro- rement montré que la présence de TB Filho et al, 2003). induit de nombreux avantages pour les vaches laitières en raison de la stabi- Comparaison avec le RGA pur RGA-TB RGA-TB lité de sa valeur nutritive par rapport selon l’âge de repousse 19 jours 35 jours aux prairies composées uniquement de RGA pur. L’un des principaux avan- Quantités ingérées (kg MS/jour) + 1,8 + 3,0 tages des associations graminées – TB est d’augmenter les quantités ingé- Production laitière (kg/jour) + 1,4 + 2,2 rées par rapport à celles observées sur une prairie en monoculture de Teneur en matières grasses du lait (g/kg) – 1,5 – 1,3 RGA. Ceci est une conséquence de la valeur nutritionnelle supérieure de Teneur en protéines du lait (g/kg) + 0,9 + 0,5 la fraction de la plante récoltée par INRAE Productions Animales, 2021, numéro 3
Améliorer l’efficacité des systèmes laitiers herbagers en milieux tempérés / 165 neuses (luzerne, trèfle violet), le rôle de 2. Comment réussir Pour mieux valoriser l’herbe, l’éleveur l’âge de la repousse comme critère de sa saison de pâturage ? doit anticiper rapidement les change- gestion du pâturage est bien connu. ments dans la disponibilité de l’herbe Ainsi, de nombreuses recommanda- et réagir rapidement en ajustant ces tions, basées sur l’âge de repousse et À l’échelle de la saison de pâturage, facteurs d’influence (surface allouée et intégrant les conditions climatiques l’objectif principal de l’éleveur « her- complémentation). moyennes régionales, ont été élabo- bager » est d’équilibrer au mieux et le rées et diffusées aux agriculteurs pour plus longtemps possible la demande 2.1. Une mise à l’herbe améliorer la gestion du pâturage. animale et la disponibilité en herbe. précoce pour bien démarrer Voisin (1957) a été l’un des pionniers à La demande en herbe du troupeau la saison de pâturage formaliser cette gestion du système de dépend du nombre de vaches dans le pâturage tournant en fonction de l’âge troupeau et de la capacité d’ingestion La mise à l’herbe au printemps est la de la repousse et des saisons. moyenne individuelle d’herbe (en kg première étape de la saison de pâtu- MS), corrigée de la quantité de com- rage. Une mise à l’herbe précoce, en Mais, comme la croissance de l’herbe pléments (fourrages et concentré, en kg phase avec le début de la croissance est très variable, réactive aux pratiques MS) inclus dans la ration quotidienne. de l’herbe, est essentielle à la réus- et difficile à prévoir à court terme, L’herbe disponible dépend de la crois- site globale de la saison de pâturage. notamment au printemps, les règles sys- sance de l’herbe et de la surface acces- O’Donovan et al. (2004) ont souligné tématiques basées sur l’âge de repousse sible au pâturage. Ainsi, l’équation du les nombreux avantages d’un pâtu- s’avèrent trop uniformes, manquent de pâturage s’écrit : rage précoce. Les prairies pâturées tôt souplesse et ne sont pas assez réactives en saison se caractérisent ensuite par pour intégrer les spécificités spatio-tem- Croissance (kg MS/ha/jour) une meilleure qualité d’herbe avec une porelle de la croissance de l’herbe. C’est × Surface accessible (ha) = Demande proportion de feuilles plus élevée, et pourquoi, compte tenu de l’influence de du Troupeau (kg MS/jour) par conséquent une valeur nutritive la hauteur avant pâturage [qui reflète la plus élevée en termes d’énergie (UFL) et biomasse présente sur la parcelle] et du Ou encore, exprimé par vache et par de teneur en protéines. En comparaison rapport entre la hauteur avant et après jour : avec des prairies non pâturées tôt en sai- pâturage sur la consommation d’herbe son, lors des cycles suivants, la hauteur (Delagarde et al., 2001b ; Pérez-Prieto Croissance (kg MS/ha/jour) avant pâturage est plus faible sur les et Delagarde, 2012), les recommanda- × Surface accessible (ha/vache) parcelles pâturées précocement (12,2 vs tions actuelles en Europe sont davan- = QIh – QIf – QIc (kg MS/vache/jour) 14,6 cm). L’application d’un charge- tage organisées autour de la hauteur ment moyen identique sur les 2 types d’herbe, mesurée notamment à l’aide avec QIh = quantité d’herbe ingérée de prairies induit alors une réduction d’un herbomètre à plateau. Face à l’am- si l’herbe constitue le seul aliment de de l’herbe offerte (15,9 vs 21,9 kg MS/ bition d’atteindre un bon compromis la ration vache/jour) et de la consommation de entre la consommation par vache et MS d’herbe (– 0,8 kg MS/vache/jour), la valorisation par hectare, la pratique QIf ; QIc = quantité de fourrages et de sans conséquence sur la production de recommandée est d’obtenir une hauteur concentré apportés en complément de lait et de matières (tableau 4). Lorsque après pâturage équivalente à 45 % de l’herbe pâturée l’on applique un chargement plus la hauteur avant pâturage (Delaby et al., élevé sur les prairies non pâturées au 2011). Comme l’autre défi majeur vise Pour résoudre et satisfaire cette équa- printemps, du fait d’une plus grande à d’obtenir une faible hauteur en sortie tion, il est possible d’en ajuster chaque disponibilité en herbe, le pâturage de parcelle pour garantir la présence de composant, mais à des échelles de précoce permet alors d’obtenir une feuilles dans les strates inférieures de la temps et d’espace différentes et avec consommation de MS d’herbe similaire végétation (Parga et al., 2000) et la qua- plus ou moins de facilité. La croissance (16,2 kg MS/vache/jour). L’amélioration lité de la repousse (Stakelum et Dillon, quotidienne de l’herbe est saisonnière, de la qualité de l’herbe (+ 0,1 UFL/kg 2007a et b), la recommandation actuelle dépend fortement des conditions MS) induit alors une augmentation des de hauteur avant pâturage se situe entre météorologiques, de la fertilité du sol, apports nutritifs et une augmentation 9 et 12 cm (soit 1 200 à 1 600 kg de MS/ et reste difficile à contrôler. De même, le de la production laitière journalière ha de biomasse au-dessus de 4 cm). Bien calendrier des vêlages est déterminé au (+ 1,1 kg de lait). Comme la structure de qu’une faible hauteur post-pâturage de moment des inséminations et dépen- l’herbe des repousses est plus favorable 4 à 5 cm soit souhaitable, cette hauteur dra de la capacité de la vache à être ges- après un pâturage précoce, la hauteur « idéale » évolue et augmente un peu tante au bon moment. Par conséquent, après pâturage est plus faible et l’herbe au cours de la saison de pâturage afin pour réguler l’herbe disponible à court est ainsi plus facile à pâturer et mieux d’obtenir une ingestion élevée par les terme, il est plus pratique pour l’éleveur utilisée lors des cycles suivants. Comme animaux et d’être tolérant à l’allonge- d’agir sur les 2 leviers que sont 1) la l’ont observé Kennedy et al. (2006), l’ap- ment de la tige, aux changements de surface mise à disposition du troupeau plication d’un pâturage plus « laxiste », structure et à la composition chimique et 2) sur l’apport ou non de fourrages caractérisé par des quantités d’herbe de l’herbe. complémentaires ou de concentré. offertes importantes sur des prairies INRAE Productions Animales, 2021, numéro 3
166 / Luc delaby, Brendan horan Tableau 4. Conséquences de la date de mise à l’herbe et du chargement ultérieur sur l’utilisation de l’herbe et les perfor- mances des vaches laitières (O’Donovan et al., 2004). Date du 1er pâturage Pâturage précoce Pâturage précoce Pâturage tardif Pâturage tardif Chargement ultérieur Élevé Moyen Élevé Moyen Herbe offerte (> 5cm ; kg MS/vache/jour) 12,7 15,9 18,2 21,9 Hauteur avant pâturage (cm) 12,2 12,4 14,8 14,2 Proportion de feuilles 41 41 39 35 (au niveau du sol ; % MS) UFL (/kg MS) 0,99 1,00 0,94 0,94 MAT (g/kg MS) 202 184 171 176 Hauteur après pâturage (cm) 4,4 5,0 6,4 6,8 Quantité d’herbe ingérée 13,9 16,2 16,3 17,0 (kg MS/vache/jour) Production laitière (kg/vache/jour) 20,3 23,9 22,8 23,9 Matières utiles du lait (g/vache/jour) 1356 1550 1508 1554 Le premier pâturage a eu lieu en mars pour le pâturage précoce ; le traitement « Pâturage tardif » a été pâturé pour la première fois en avril, Les résultats présentés sont ceux observés lors des deux rotations ultérieures en avril et mai. pâturées en fin du printemps, a un effet gnement de l’offre et de la demande les fourrages conservés de haute valeur négatif sur la consommation de matière alimentaire, et donc de leur impact nutritive sont toujours difficiles à récol- sèche qui se cumule au cours des quatre direct sur l’autonomie alimentaire de ter et qu’ils nécessitent alors une com- cycles de pâturage suivants. l’élevage. plémentation coûteuse pour couvrir les besoins de la lactation, l’éleveur évite 2.2. Choisir une vache La modification de la date moyenne ce problème disposant de tous les ani- bien adaptée au pâturage de vêlage du troupeau peut permettre maux avec de faibles besoins alimen- et à la conduite en vêlages de réduire la dépendance des systèmes taires pendant la période hivernale. groupés basés sur l’herbe. Ainsi, en Irlande, Dillon et al. (1995) et McCarthy et al. Cette recherche de cohérence entre En zone tempérée, comme la crois- (2013) ont observé que le report des la demande alimentaire, en quantité sance de l’herbe est saisonnière et vêlages au mois de mars permettait de comme en qualité, et la disponibilité en augmente rapidement au printemps, mieux aligner les besoins du troupeau fourrages peut être adaptée à d’autres la gestion de la reproduction doit laitier et la croissance de l’herbe, et ainsi situations plus contrastées. Pour faire permettre de synchroniser au mieux d’augmenter la production laitière à face au risque d’étés secs et au manque la demande des animaux et l’herbe partir de l’herbe pâturée, de réduire d’herbe estival en France, Pottier et al. disponible. Par conséquent, les sys- les besoins en suppléments achetés (2007) ont proposé de conduire le trou- tèmes de production laitière basés sur et d’obtenir une meilleure efficacité de peau laitier en deux saisons de vêlage, l’herbe pâturée se structurent autour l’utilisation de l’énergie, en particulier à avec 50 % des vêlages sur 2 mois en de vêlages groupés de printemps afin des chargements plus élevés. mars-avril, et l’autre moitié 6 mois de faire correspondre l’offre alimentaire plus tard, en septembre-octobre. Dans et la demande du troupeau (figure 3 – Parmi les autres avantages des cette approche systémique, toutes les Horan, 2017). La conduite en vêlages vêlages groupés de printemps figure la vaches doivent être taries le même groupés impose alors l’obtention d’un synchronisation de la période de taris- jour, et durant deux mois, soit en jan- taux de gestation élevé dans un laps de sement de l’intégralité du troupeau en vier-février, soit en juillet-août, selon temps court après le début de la saison hiver. Dans ces systèmes, la période le groupe de vêlages concerné. Cette de reproduction. La date moyenne et de tarissement, qui correspond à une méthode présente de nombreux avan- l’amplitude de la période de vêlages période de faibles besoins alimentaires, tages. Comme 50 % des vaches sont sont des éléments de conduite très est alors alignée avec l’absence d’herbe taries en été, la demande alimentaire influents de l’efficacité des systèmes à pâturer et la période d’alimentation à globale du troupeau est alors réduite herbagers, du fait de leur rôle sur l’ali- base de fourrages conservés. Comme lorsque la croissance de l’herbe dimi- INRAE Productions Animales, 2021, numéro 3
Améliorer l’efficacité des systèmes laitiers herbagers en milieux tempérés / 167 Figure 3. L’alignement de l’offre d’herbe et de la demande du troupeau est condi- les exigences de fertilité associées à ces tionné par une gestion rigoureuse de la période de reproduction (d’après Horan, systèmes. Les races mixtes, la Holstein- 2017). Friesian en Irlande ou les vaches croi- Cohérence entre l’herbe disponible et les besoins du troupeau sées, notamment Holstein x Jersiaise, semblent plus flexibles et mieux adap- Croissance de l’herbe tées au pâturage. Ces animaux, moins 100 spécialisés, se caractérisent souvent Demande du troupeau Kg MS/hectare/jour 80 par de moindres problèmes sanitaires, une composition du lait plus riche en 60 matières grasses et protéines, une meil- leure aptitude à se reproduire en temps 40 limité, une valeur de réforme et des 20 produits intéressante et, à l’échelle du système d’élevage, une meilleure effi- 0 cacité alimentaire (Delaby et al., 2014 ; Jan Fév Mar Avr Mai Juin Juil. Aout Sept. Oct. Nov. Déc. Delaby et al., 2018). Dans ces systèmes herbagers, la production d’un lait riche en composants d’intérêt économique (TB, TP) aura un effet important sur le prix du lait, mais, compte tenu des Des vêlages groupés garantis par la fertilité du troupeau contraintes décrites, la recherche d’un volume de lait élevé par vache ne Printemps Été Automne garantit pas un revenu élevé. Fort de 100 Vêlages 275 de jours de lactation Tarissements ce constat, des chercheurs ont défini la 80 vache « idéale » (Berry, 2015) et réécrit % de vaches le schéma de sélection correspondant 60 Reproduction afin de mettre davantage l’accent sur la fertilité (35 % de l’indice global) et de 40 réduire l’impact de l’indice laitier (11 % ; 20 Berry, comm. pers.). Les résultats obte- nus en Irlande et récemment publiés Fév Mar Avr Mai Juin Juil. Aout Sept. Oct. Nov. Déc. par O’Sullivan et al. (2019a) ; O’Sullivan et al. (2019b) confortent ces choix en matière de sélection génétique, dans le cadre spécifique des systèmes herba- nue et offre à la moitié du troupeau en par une consommation assez stable de gers. Une approche similaire a été déve- lactation l’opportunité de continuer produits laitiers frais. loppée en France pour mieux équilibrer à pâturer sur une plus grande surface l’index génétique global (figure 4) et en raison de la réduction globale du Les systèmes laitiers basés sur des offrir à l’éleveur un panel plus large de chargement. En termes d’élevage des vêlages groupés, sur une alimentation taureaux d’IA adaptés à la diversité des génisses, il est possible de planifier à base d’herbe et de faibles niveaux systèmes laitiers existants (Brochard, un 1er vêlage à 30 mois : les génisses d’apports d’aliment complémentaire, comm. pers.). nées au printemps vêlent pour la pre- nécessitent des vaches laitières avec mière fois en automne, et inversement. une fertilité élevée pendant une courte 2.3. Des outils L’éleveur économise 6 mois d’élevage période de reproduction. En général, pour faciliter la gestion en regard d’un vêlage à 3 ans, mais dis- les vaches laitières Holstein « continen- du pâturage et prendre pose d’un peu plus de temps d’élevage tales » (Europe – sauf la République les décisions opportunes des génisses en regard d’un vêlage à d’Irlande, Amérique du Nord) sont en 2 ans. Cela permet de réduire les exi- difficulté en raison de leur potentiel Pour utiliser efficacement l’herbe gences de croissance pour atteindre laitier élevé, qui nuit au maintien d’un pâturée et la capacité des vaches lai- les poids cibles recommandés et de état corporel adéquate pour faciliter la tières à transformer l’herbe en lait, l’éle- limiter les besoins en concentrés, ce conception au bon moment, le main- veur doit gérer un système dynamique qui réduit le coût alimentaire global de tien de la gestation, et exacerbe les pro- qui est plus variable qu’un système en l’élevage. En termes de livraison de lait, blèmes de santé, notamment digestifs bâtiment fondé sur une alimentation à la conduite en deux saisons de vêlages et métaboliques, dans un environne- base de fourrages conservés. Les sys- se caractérise par un profil mensuel ment alimentaire plus contraignant tèmes basés sur le pâturage sont ins- de livraison plus régulier, ce qui est un (Baumont et al., 2014 ; Delaby et Fiorelli, tables, et nécessitent anticipation et atout face à la demande de l’industrie 2014). Une vache au profil génétique réactivité de la part de l’éleveur pour laitière dans certains pays, caractérisée plus équilibré est plus en phase avec prendre la bonne décision au bon INRAE Productions Animales, 2021, numéro 3
168 / Luc delaby, Brendan horan Figure 4. Évolution du poids respectif des différentes composantes génétiques de tifier la croissance de l’herbe entre la la race Holstein dans l’index global français (M. Brochard, comm. pers.). mesure actuelle et la précédente, ce qui 100 permettra d’anticiper et de « budgéti- composantes de la race Holstein (%) ser » l’herbe sur la semaine à venir. Pour Évolution du poids des différentes 90 les chercheurs, PastureBase Ireland offre 80 l’opportunité de recueillir des informa- 70 tions sur les pratiques de pâturage des 60 agriculteurs irlandais (chargement, fertilisation, hauteurs d’herbe avant 50 et après le pâturage…), et de disposer 40 d’une base de données conséquente 30 qui regroupe et structure les informa- tions sur la croissance de l’herbe et le 20 pâturage aux niveaux local, régional et 10 national (Ruelle et al., 2021). La princi- 0 pale difficulté pour utiliser avec succès 1978 1993 2001 2012 2021 le concept du Grass Wedge est qu’il faut Production Reproduction Santé Mamelle Longévité Traite Morpho. définir par avance la durée de la rotation et le chargement instantané qui sera appliqué. Or, ces deux composantes moment. Cette gestion dynamique de relativement facile d’interpréter le gra- du système de pâturage dépendent l’alimentation d’un troupeau avec une phique obtenu et d’imaginer la situa- de la croissance future de l’herbe. De ressource variable et incertaine n’est tion future probable pour prendre les plus, l’alignement des barres d’histo- pas simple à maitriser, notamment au décisions qui s’imposent. Plus récem- gramme et la relation avec la demande printemps. Des méthodes et outils ont ment en Irlande, le Teagasc (Organisme du troupeau suppose des parcelles de été développés pour organiser l’infor- de Recherche-Développement National même surface et de même potentiel de mation et aider à la prise de décision Irlandais) a développé sur un site inter- croissance, ce qui est loin d’être le cas en à court et plus long termes. Quel que net, PastureBase Ireland (Hanrahan et al., élevage réel. soit le système de pâturage ou la part 2017 ; Ruelle et al., 2021). Cette base de d’herbe pâturée dans la ration des données nationale permet à l’éleveur Compte tenu de ces limites, un outil vaches laitières, la principale exigence de saisir chaque semaine les données d’aide à la décision plus récent, nommé en matière de gestion du pâturage de son exploitation, de visualiser l’offre Pâtur’Plan, a été développé entre INRAE est de connaître ce dont on dispose. Il d’herbe actuelle selon le concept du et une société de conseil en élevage importe de mesurer chaque semaine Grass Wedge et également de quan- (ElvUp) en Normandie (Delaby et al., la disponibilité de l’herbe sur l’en- semble des parcelles dédiées au pâtu- Figure 5. Illustration du concept de disponibilité de l’herbe (Grass Wedge). rage, de calculer les « jours d’avance », d’identifier rapidement les éventuels 1600 excédents ou déficits afin de planifier Biomassse disponible (kg MS/ha) 1400 l’utilisation de l’herbe pour la période suivante. Une actualisation fréquente 1200 de l’état des lieux est très importante pour prendre les bonnes décisions. En 1000 France, un outil simple d’aide à la ges- tion du pâturage appelé Herb’Avenir, a 800 été développé en 2005 (Defrance et al., 2005) pour aider l’agriculteur à anticiper 600 à court terme (moins d’un mois) l’évolu- tion du stock d’herbe disponible et des 400 « jours d’avance » en fonction d’une hypothèse sur la croissance de l’herbe. 200 De même, le concept de Grass Wedge 0 décrit dans une brochure irlandaise 1 2 7 3 8 4 9 5 6 10 11 12 13 14 pédagogique dédiée à la gestion du Parcelles pâturage (Grazing Notebook – Dillon et Kennedy, 2009 ; figure 5), permet d’éva- Le « Grass Wedge » repose une représentation instantanée qui décrit la quantité d’herbe présente sur une exploitation, représentée sous la forme d’un histogramme, et sa relation avec la demande du troupeau, luer l’état des parcelles en regard de la Chaque barre indique la quantité d’herbe présente sur une parcelle, classée par ordre décroissant. La demande des animaux. Après avoir ligne de demande en bleu correspond à la quantité d’herbe nécessaire compte tenu du chargement, de appris à utiliser ces méthodes, il est la durée d’un cycle de pâturage et de la demande par vache (Hanrahan et al., 2017). INRAE Productions Animales, 2021, numéro 3
Améliorer l’efficacité des systèmes laitiers herbagers en milieux tempérés / 169 2015). Basé sur le concept du Grass Figure 6. Évolution de l’équilibre entre l’offre et la demande selon une simulation Wedge, l’approche a été adaptée afin Pâtur’Plan. d’intégrer des surfaces de parcelles dif- 30 férentes et des différences de poten- Biomasse (kg MS/animal/jour) tiel de croissance entre parcelles. Les 25 autres atouts de Pâtur’Plan sont de faciliter la mise en œuvre de scénarios 20 et d’évaluer les conséquences de dif- férentes options en fonction de diffé- 15 rentes courbes de croissance de l’herbe disponible. L’intérêt majeur réside 10 dans la capacité à décrire et à illustrer Offre en herbe pour le pâturage l’évolution anticipée de l’offre et de la 5 Demande en herbe si la ration est à 100 % herbe demande d’herbe au niveau de la par- Demande en herbe avec la ration distribuée celle (figure 6). En fin de simulation, en 0 fonction de la décision de gestion du 07/05 09/05 15/05 20/05 23/05 01/06 04/06 pâturage prise par l’éleveur, Pâtur’Plan Date d’entrée prévisionnelle dans les parcelles successives propose un calendrier de pâturage prévisionnel. L’ensemble de ces outils éparses (Herb’aVenir ; Pâtur’Plan) a va encore augmenter en raison de la s ervices écosystémiques et des possibi- récemment fait l’objet du développe- croissance démographique et de la lités intéressantes pour des produits ani- ment d’une interface web (HappyGrass prospérité économique qui évolue en maux qui répondent avec opportunité – https://www.happygrass.fr/), qui dans Asie et en Afrique. La Communauté à la demande et seront mieux acceptés son module « Gestion du pâturage » Européenne a décidé de supprimer le des consommateurs. Le changement permet à la fois d’enregistrer, en temps système des quotas laitiers en 2015 et climatique en cours et annoncé, mar- réel, le calendrier de pâturage réalisé, la d’encourager les agriculteurs à produire qué notamment en zones tempérées, croissance de l’herbe évaluée sur l’ex- davantage de nourriture dans un monde par des sécheresses estivales plus mar- ploitation et de simuler divers scénarios économique libéral où les frontières quées, des printemps précoces et des prévisionnels. commerciales sont de moins en moins automnes plutôt favorables à la crois- protégées. Enfin, le monde a récem- sance de l’herbe, impose de nouvelles Tous ces outils sont basés sur la même ment compris que la Terre est unique et adaptations. La réalisation de stocks approche, résumée en 3 étapes : éva- doit être protégée pour les générations de sécurité en période d’abondance, luer l’état des parcelles, simuler diffé- futures. Les consommateurs, encoura- la meilleure cohérence des dates de rentes options en termes de gestion gés par les médias, insistent pour que vêlages, voir la double saison de vêlages du pâturage et enfin, décider du futur les systèmes de production de lait et de et parfois la réduction du chargement planning de pâturage. Dans tous les cas, viande bovine soient plus durables, res- seront des clefs efficaces pour assurer l’objectif est de faciliter la réflexion et pectueux des animaux et sans impact la pérennité des systèmes herbagers l’anticipation afin de simplifier la prise négatif sur l’environnement. Face à cette et surtout garantir la sérénité indis- de décision pour une meilleure utilisa- situation, les systèmes laitiers basés sur pensable des éleveurs. Comme décrit tion de l’herbe. l’herbe pâturée ont une opportunité à dans ce texte, au cours des 20 dernières saisir. Si les céréales et les légumineuses années, de nombreux progrès ont été à graines doivent être conservées pour réalisés en termes d’amélioration de Conclusion la consommation humaine et, dans une la compréhension des mécanismes et moindre mesure, pour l’alimentation de la gestion du pâturage. Il importe L’amélioration de l’efficacité des sys- des monogastriques, les prairies sont désormais de lever d’autres freins socio- tèmes laitiers basés sur l’herbe est un alors la ressource naturelle de l’alimen- techniques qui faciliteront l’adoption de grand défi pour l’avenir. L’objectif est tation des ruminants. Sans ruminants et systèmes d’alimentation des ruminants aujourd’hui de produire plus et mieux sans éleveurs de ruminants, les prairies basés sur l’herbe afin de faciliter le « pro- avec moins. La demande mondiale disparaîtront. Dans le même temps, duire mieux » souhaité et souhaitable en denrées alimentaires est élevée et les prairies fournissent de nombreux pour la planète, et ses habitants. INRAE Productions Animales, 2021, numéro 3
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