Améliorer l'efficacité des systèmes laitiers herbagers en milieux tempérés

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Améliorer l'efficacité des systèmes laitiers herbagers en milieux tempérés
Améliorer l’efficacité                                                                                                                   INRAE Prod. Anim.,
                                                                                                                                         2021, 34 (3), 161-172

  des systèmes laitiers herbagers
  en milieux tempérés
Luc DELABY1, Brendan HORAN2
1
 INRAE, AgroCampus Ouest, Physiologie, Environnement, Génétique pour l’Animal et les Systèmes d’Élevage,
35590 Saint-Gilles, France
2
 Teagasc, Animal & Grassland Research and Innovation Centre, Moorepark, Fermoy, Cork, Irlande
Courriel : luc.delaby@inrae.fr

„„ Face à une demande alimentaire mondiale qui augmente et affirme ses exigences quant au produire mieux,
les systèmes laitiers herbagers ont des atouts à faire valoir. Basé sur les travaux récents conduits en France et en
Irlande, cet article offre des pistes afin de mieux valoriser l’herbe produite et maximiser l’ingestion, de mieux
gérer le pâturage sur le temps long grâce à une pratique d’anticipation, facilitée par le développement d’outils
d’aide à la gestion du pâturage.1

Introduction                                               ­ ermanentes ou des prairies tempo-
                                                           p                                                     principalement les ruminants grâce à
                                                           raires semées. Ces prairies sont alors                leur capacité à pâturer, jouent un rôle
                                                           plus productives et utilisées de manière              essentiel en faveur du maintien de
   Les prairies couvrent une grande par-                   plus intensive par les herbivores.                    ces prairies et la fourniture de services
tie de la surface émergée du globe ter-                                                                          associés.
restre. Un peu plus de 40 % de la surface                     Au niveau global comme local, et
de la Terre (à l’exclusion du Groenland                    indépendamment de la région et de                        Par ailleurs, l’augmentation annon-
et de l’Antarctique) est composée de                       leur utilisation, les prairies jouent un              cée de la population mondiale, associée
prairies présentant une forte diversité                    rôle majeur dans l’équilibre des éco-                 à la demande alimentaire croissante
de végétation (White et al., 2000). Une                    systèmes (O’Mara, 2012 ; Huguenin-                    en produits animaux (lait, beurre, fro-
part importante de cette surface en                        Elie et al., 2018). De nombreux services              mage, viande) liée à la prospérité éco-
prairies est composée de prairies indi-                    écosystémiques associés aux surfaces                  nomique de la classe moyenne dans les
gènes ou naturelles telles que la savane                   en herbe ont été identifiés, notam-                   pays émergents, stimule la production
en Afrique, la pampa en Amérique du                        ment la préservation de la biodiversité,              de denrées alimentaires. Cependant,
Sud, les terres arbustives et les steppes                  le stockage du carbone, le contrôle                   cette production croissante devra s’ins-
en Océanie et en Asie et la toundra en                     de l’érosion, la régulation du cycle de               crire au sein de systèmes de produc-
Europe. Ces prairies sont fréquemment                      l’eau et des nutriments, sans oublier la              tion plus durables afin de limiter les
situées dans des zones vulnérables                         production alimentaire et fourragère.                 impacts négatifs de l’intensification de
telles que les zones arides, humides                       Divers articles de synthèse (Soussana et              la production sur l’environnement et la
ou montagneuses et sont largement                          Lemaire, 2014 ; Rodriguez-Ortega et al.,              planète. Les ruminants sont capables
utilisées par un bétail divaguant ou                       2014 ; Michaud et al., 2020) soulignent               d’utiliser efficacement les ressources
transhumant, en troupeau, et sont peu                      le fait qu’il existe un niveau optimal                issues des prairies et de transformer les
influencées par les activités humaines.                    d’utilisation des prairies pour maximi-               fourrages en aliments à haute valeur
Dans les zones tempérées, les surfaces                     ser les biens et services offerts par ces             nutritive pour les humains, dans le
en herbe sont souvent des prairies                         surfaces en herbe. Les herbivores, et                 cadre de systèmes durables, plus

1 Cet article a été publié dans une 1re version anglaise lors du 54e congrès annuel de la Société de Zootechnie du Brésil, qui s’est tenu à Foz do Iguazu, en Juillet
2017 (Delaby et Horan, 2017).

https://doi.org/10.20870/productions-animales.2021.34.3.4870                                                    INRAE Productions Animales, 2021, numéro 3
162 / Luc delaby, Brendan horan

a­ utonomes et ­économes. Dans cette                  1. Comment augmenter                                  position en matière grasse et protéines
 situation, en Europe comme dans le                   l’ingestion au pâturage ?                             du lait. En revanche, les autres fourrages
 monde entier, la meilleure utilisation                                                                     tels que l’ensilage d’herbe, l’ensilage
 des prairies est un défi majeur pour                                                                       de maïs ou le foin, couramment utili-
 accroître les productions animales et                   Dans les régions tempérées, l’herbe                sés pour nourrir les vaches pendant la
 limiter la concurrence avec les terres               pâturée bien gérée est un fourrage qui                période hivernale en bâtiment néces-
 arables, plus efficacement utilisées                 se suffit à lui-même et constitue une                 sitent des compléments nutritionnels.
 pour la production de céréales ou                    « ration complète » naturelle de haute                Par exemple, Peyraud et al. (2014) ont
 d’oléo-protéagineux destinées direc-                 qualité et à faible coût (tableau 1).                 calculé que chaque kilogramme de MS
 tement à l’alimentation humaine.                     L’herbe pâturée est le seul fourrage qui              d’ensilage de maïs consommé par une
                                                      soit bien équilibré pour répondre aux                 vache laitière nécessite 185 g de tour-
   À la lumière des travaux réalisés en               besoins nutritionnels des bovins, y com-              teau de soja pour corriger le fort déficit
Irlande et en France, l’objectif de cette             pris des vaches laitières et des petits               protéique qui caractérise ce fourrage. La
synthèse est d’analyser comment les                   ruminants. La composition chimique                    même situation de déficit nutritionnel
prairies peuvent être mieux valori-                   (teneur en protéines et ADF) et la valeur             existe également pour ce qui concerne
sées et ainsi comment les systèmes                    nutritive, que ce soit la teneur en éner-             les apports en minéraux.
laitiers herbagers peuvent contribuer                 gie ou en protéines digestibles, sont
à l’accomplissement des challenges                    conformes aux besoins nutritionnels                   „„1.1. Augmenter
décrits précédemment. La 1 re partie                  des vaches laitières (INRA, 2018). La                 les quantités d’herbe
de cet article s’intéresse plus particu-              teneur en UFL est proche de 0,90 UFL/                 offertes ?
lièrement à l’animal et au rôle majeur                kg de MS (1 UFL = 1 760 kcal d’énergie
des quantités d’herbe ingérées dans                   nette de lactation – ENL) et la valeur                   En raison de la haute valeur nutritive
les performances par animal et par                    PDI (protéine digestible dans l’intestin)             de l’herbe, le principal défi au pâturage
hectare. Puis la 2 e partie décrit les                exprimée par UFL est proche de 100 g,                 est de maximiser l’ingestion par vache et
éléments de réussite à l’échelle de la                ce qui correspond aux recommanda-                     par jour, à la fois à court terme dans la
saison de pâturage et de la conduite                  tions (Vérité et Delaby, 2000). Avec des              parcelle en cours de pâturage, mais aussi
du troupeau pour s’achever par la des-                régimes uniquement à base d’herbe,                    à plus long terme pendant toute la sai-
cription de quelques outils d’aide à la               les vaches laitières sont capables de                 son de pâturage. En comparaison avec
gestion du pâturage élaborés ces der-                 produire environ 25 kg de lait et 1,6 à               l’ensilage de maïs bien complété avec un
nières années.                                        2,0 kg de matières utiles selon la com-               concentré protéique, l’herbe pâturée se

Tableau 1. Composition chimique et valeur nutritive de l’herbe offerte au cours de la saison de pâturage.

a) Le Pin-au-Haras, France                        Mars        Avril        Mai         Juin       Juillet      Août        Sept.        Oct.        Nov.

ADF (g/kg MS)                                                  225         250         264          264         264         253         237          218

MAT (g/kg MS)                                                  195         182         158          150         157         175         192          192

Dig MO (%)                                                      79          78          75          73           72          73          75           71

UFL (/kg MS)                                                   0,94        0,95        0,91        0,87         0,86        0,87        0,87        0,77

PDI (g/kg MS)                                                  100          99          92          89           90          93          96          89

b) Moorepark, Irlande                             Mars        Avril        Mai         Juin       Juillet      Août        Sept.        Oct.        Nov.

ADF (g/kg MS)                                      245         236         243         252          265         266         269         266          257

MAT (g/kg MS)                                      218         226         208         194          197         194         191         232          234

Dig MO (%)                                         81           80          81          81          78           76          78          76          77

UFL (/kg MS)                                      1,00        0,98         1,01        0,99        0,96         0,93        0,96        0,93        0,93

PDI (g/kg MS)                                      102         102         102          99          98           98          97         100          101

a/ INRAE, Le Pin-au-Haras, Normandie – Prairies permanentes et temporaires à base de graminées, parfois associées au trèfle blanc (Delaby et al., non publié)
b/ TEAGASC, Moorepark, Co Cork – Prairies temporaires de ray-grass anglais tardif (Horan et al., non publié).

INRAE Productions Animales, 2021, numéro 3
Améliorer l’efficacité des systèmes laitiers herbagers en milieux tempérés / 163

Tableau 2. Comparaison de l’ingestion de matière sèche et des composantes de                                         offerte pour maximiser les quantités
l’ingestion entre une ration complète à l’auge et de l’herbe pâturée (INRAE, don-                                    ingérées par vache a également un
nées non publiées).                                                                                                  effet défavorable important sur l’utili-
                                                                                                                     sation de l’herbe au niveau de la par-
                                               Ensilage                                             Pâturage         celle (figure 1). En effet, plus l’ingestion
                Ration                      de maïs (70 %)                                    de ray-grass anglais   par vache et par jour est élevée, plus
                                         et concentré (30 %)                                         (100 %)
                                                                                                                     l’utilisation de l’herbe et l’ingestion par
                                                                                                                     hectare sont faibles, car les refus aug-
Ingestion totale (kg MS)                         22 – 24                                            16 – 18
                                                                                                                     mentent. Une quantité d’herbe offerte
Vitesse d’ingestion (g MS /min)                 80 – 100                                            25 – 35
                                                                                                                     élevée associée à un chargement ins-
                                                                                                                     tantané plus faible, réduit le nombre de
Durée d’ingestion (min)                         200 – 300                                          500 – 550         jours de pâturage réalisés, tout comme
                                                                                                                     la production laitière exprimée par hec-
Teneur en MS (%)                                 40 – 50                                            15 – 20          tare (Delagarde et Peyraud, 2013). Ces
                                                                                                                     résultats sont bien illustrés par la syn-
                                                                                                                     thèse bibliographique et la méta-ana-
                                                                                                                     lyse publiées par McCarthy et al. (2011).
c­ aractérise par une vitesse d’ingestion       En effet, au cours de la repousse, la gaine                          En moyenne, l’augmentation de char-
 limitée en raison de la forme de présen-       et la tige associées aux refus « montent »,                          gement d’une vache par ha induit une
 tation (fourrage sur pied, livrée au libre     et il sera quasi impossible, sans effets                             réduction de 7 % de la production lai-
 choix des animaux) et de la nature du          délétères sur les performances laitières                             tière journalière par vache, en raison de
 fourrage offert (teneur en eau impor-          des vaches, de faire consommer ces refus                             la réduction de l’ingestion quotidienne.
 tante, feuilles longues, non pré-hachées).     aux cycles suivants et de sortir les vaches                          Mais elle induit une augmentation de
 En conséquence, la vache compense              de la parcelle à une hauteur plus basse                              21 % des performances par hectare en
 en augmentant le temps de pâturage             qu’au cycle précédent. Pour un niveau                                raison de l’augmentation du nombre
 au-delà de la durée d’ingestion observé à      similaire de quantités ingérées par vache,                           de jours de pâturage réalisés et d’une
 l’auge (tableau 2). Pour maximiser l’inges-    l’augmentation de la hauteur de l’herbe                              meilleure utilisation de l’herbe. Lorsque
 tion au pâturage, une idée serait d’aug-       en entrée de parcelle entraîne une aug-                              le chargement augmente, la hauteur
 menter les quantités d’herbe offertes.         mentation de la hauteur des tiges et des                             résiduelle de l’herbe après le pâturage
 De nombreuses expériences, synthéti-           gaines, une augmentation des refus et                                est réduite, ce qui entraîne générale-
 sées par Delagarde et al. (2001a) et plus      en conséquence une augmentation de                                   ment une repousse plus feuillue et de
 récemment par Pérez-Prieto et Delagarde        la hauteur de l’herbe résiduelle après le                            meilleure qualité et un effet cumulatif
 (2013), ont démontré l’effet positif de        pâturage.                                                            positif tout au long de la saison de pâtu-
 l’augmentation de l’herbe offerte sur                                                                               rage (Hoden et al., 1991 ; Tunon et al.,
 l’ingestion d’herbe quotidienne. La loi          La mise en œuvre d’une stratégie                                   2013). Une bonne gestion du pâturage
 de réponse associée à l’augmentation           de pâturage à haut niveau d’herbe                                    se caractérise par l’obtention d’un bon
 des apports est curvilinéaire avec une
 asymptote proche de 20 kg de MS d’in-
                                                Figure 1. Effet de la quantité d’herbe offerte au pâturage sur la consommation de
 gestion observée pour des niveaux très         matière sèche par vache et l’utilisation de l’herbe par hectare (d’après Delagarde
 élevés d’allocation d’herbe (figure 1).        et al, 2001a).
 En moyenne, lorsque l’herbe offerte,
                                                                                                                                                         Valorisation (% biomasse totale au ras du sol)

 évaluée à 4-5 cm au-dessus du sol, aug-
                                                                                    22
                                                 Herbe ingérée (kg MS/vache/jour)

 mente entre 16 et 24 kg MS/vache/jour,
 la consommation d’herbe augmente de
                                                                                                                                                    70
 0,20 à 0,25 kg par kg d’herbe supplémen-                                           18
 taire alloué. Cela signifie que pour obtenir
                                                                                                                                                    60
 1 kg de MS ingéré supplémentaire, il est
 nécessaire d’offrir environ 4 kg de MS sup-                                        14
                                                                                                                                                    50
 plémentaires. Par conséquent, 75 % de
 l’herbe supplémentaire offerte n’est pas
                                                                                    10                                                              40
 consommée et induit des refus, ce qui se
 traduit par des parcelles mal valorisées et
                                                                                                                                                    30
 une hauteur d’herbe après pâturage plus                                            6
 élevée. De plus, et contrairement aux sys-
 tèmes d’alimentation à l’auge, ces refus                                                   10      20     30     40      50    60     70
 auront un arrière effet négatif important                                                 Herbe offerte au ras du sol (kg MS/vache/jour)
 sur la future qualité de l’herbe lors des
 cycles de pâturage suivants (Stakelum et                                                    5        10      15     20      25     30      35
 Dillon, 2007a ; Stakelum et Dillon, 2007b).                                             Herbe offerte au dessus de 5 cm (kg MS/vache/jour)

                                                                                                                     INRAE Productions Animales, 2021, numéro 3
164 / Luc delaby, Brendan horan

compromis entre la maximisation de           Figure 2. Relation entre la hauteur d’herbe avant pâturage, la hauteur après pâtu-
l’ingestion par vache et par hectare         rage et la consommation d’herbe par les vaches laitières au pâturage (Delagarde
                                             et al, 2001b).
(figure 2). Ainsi, au pâturage, le défi
permanent pour l’éleveur est d’offrir                                             9
aux vaches une herbe facile à pâturer.                                                     Herbe ingérée (kg MS/jour)

                                             Hauteur en sortie de parcelle (cm)
                                                                                                                                                        16,5
„„1.2. Produire                                                                                                         17,0                        é
                                                                                                                                               e nt
de l’herbe « facile                                                               8                                                         im
à pâturer » et la proposer                                                                                                                al                    16,0
                                                                                                                                     en
au bon moment                                                                                                                      bi
                                                                                                                               u
                                                                                                                           pea
   Les caractéristiques d’une herbe                                                                                     ou                                             15,5
                                                                                  7                                Tr
facile à pâturer sont désormais bien
connues. Les prairies de graminées
                                                                                                                                                                         15,0
feuillues enrichies de légumineuses,
notamment de trèfle blanc (TB), consti-
                                                                                  6
tuent probablement la meilleure herbe                                                                                                                                         14,5
à fournir pour maximiser l’apport de                                                                                               Prairie bien valorisée
nutriments aux vaches laitières. Par
conséquent, l’éleveur devra adapter
la gestion du pâturage en combinant                                               5
                                                                                      10             12             14                         16                  18                 20
diverses espèces et variétés, en contrô-
lant l’âge de la repousse, la hauteur ou                                                                   Hauteur en entrée de parcelle (cm)
la biomasse avant le pâturage pour pro-
duire l’herbe idéale. Les variétés de gra-
minées à épiaison tardive offrent une        l’animal, qui chez le TB est ­composée                                                entre l’introduction du TB et l’âge de la
plus grande souplesse d’exploitation et      p rincipalement de feuilles et de
                                             ­                                                                                     repousse. Au fur et à mesure que l’âge
permettent ainsi d’éviter l’épiaison en      pétioles très digestibles. Cet atout a                                                de la repousse augmente, la différence
faisant pâturer l’apex végétatif entre les   été clairement démontré par Ribeiro-                                                  observée dans la consommation de MS
dates de début de végétation et d’épiai-     Filho et al. (2003) et confirmé dans le                                               et la production laitière en faveur du
son. Dans l’expérimentation relatée          cadre d’une expérience récente mise                                                   mélange RGA-TB s’accroît. Ce résultat
par Gowen et al. (2003) qui comparent        en œuvre en Irlande (McCarthy et al.,                                                 confirme qu’au cours de la repousse,
2 variétés de ray-grass anglais (RGA) à      2016). Comme présenté au tableau 3,                                                   le TB vieillit lentement et conserve une
date d’épiaison intermédiaire (18 mai)       l’introduction de TB (à hauteur de 40                                                 valeur nutritive élevée, ce qui facilite la
ou tardive (7 juin), la consommation de      à 45 % de la biomasse totale, évalué                                                  gestion du pâturage.
MS d’herbe et la production laitière ont     en période estivale) dans une mono-
été significativement plus élevées au        culture de RGA augmente significati-                                                     En raison des modifications de la
printemps (avant et pendant la période       vement l’ingestion journalière de MS                                                  composition morphologique (hau-
d’épiaison) chez les variétés à épiaison     et par conséquent entraîne une aug-                                                   teur des gaines, % de feuilles) asso-
tardive.                                     mentation de la production de lait                                                    ciées au vieillissement des plantes et
                                             et la synthèse de matières utiles par                                                 de ses conséquences sur la compo-
   Les atouts associés à l’introduction      vache et par jour. Un autre résultat                                                  sition chimique et la valeur nutritive
du TB dans les prairies sont impor-          intéressant est l’interaction observée                                                des graminées et des grandes légumi-
tants et bien décrits (Lüscher et al.,
2014 ; Delaby et al., 2016). De nom-
breux travaux de recherches ont clai-        Tableau 3. Effet de l’introduction de trèfle blanc (TB) en interaction avec l’âge de
                                             repousse sur les performances des vaches laitières au pâturage (d’après Ribeiro-
rement montré que la présence de TB
                                             Filho et al, 2003).
induit de nombreux avantages pour les
vaches laitières en raison de la stabi-
                                                                                       Comparaison avec le RGA pur                                  RGA-TB                RGA-TB
lité de sa valeur nutritive par rapport                                                  selon l’âge de repousse                                    19 jours              35 jours
aux prairies composées uniquement
de RGA pur. L’un des principaux avan-              Quantités ingérées (kg MS/jour)                                                                      + 1,8                 + 3,0
tages des associations graminées – TB
est d’augmenter les quantités ingé-                Production laitière (kg/jour)                                                                        + 1,4                 + 2,2
rées par rapport à celles observées
sur une prairie en monoculture de                  Teneur en matières grasses du lait (g/kg)                                                            – 1,5                 – 1,3
RGA. Ceci est une conséquence de la
valeur nutritionnelle supérieure de                Teneur en protéines du lait (g/kg)                                                                   + 0,9                 + 0,5
la fraction de la plante récoltée par

INRAE Productions Animales, 2021, numéro 3
Améliorer l’efficacité des systèmes laitiers herbagers en milieux tempérés / 165

neuses (luzerne, trèfle violet), le rôle de   2. Comment réussir                            Pour mieux valoriser l’herbe, l’éleveur
l’âge de la repousse comme critère de         sa saison de pâturage ?                       doit anticiper rapidement les change-
gestion du pâturage est bien connu.                                                         ments dans la disponibilité de l’herbe
Ainsi, de nombreuses recommanda-                                                            et réagir rapidement en ajustant ces
tions, basées sur l’âge de repousse et           À l’échelle de la saison de pâturage,      facteurs d’influence (surface allouée et
intégrant les conditions climatiques          l’objectif principal de l’éleveur « her-      complémentation).
moyennes régionales, ont été élabo-           bager » est d’équilibrer au mieux et le
rées et diffusées aux agriculteurs pour       plus longtemps possible la demande            „„2.1. Une mise à l’herbe
améliorer la gestion du pâturage.             animale et la disponibilité en herbe.         précoce pour bien démarrer
Voisin (1957) a été l’un des pionniers à      La demande en herbe du troupeau               la saison de pâturage
formaliser cette gestion du système de        dépend du nombre de vaches dans le
pâturage tournant en fonction de l’âge        troupeau et de la capacité d’ingestion           La mise à l’herbe au printemps est la
de la repousse et des saisons.                moyenne individuelle d’herbe (en kg           première étape de la saison de pâtu-
                                              MS), corrigée de la quantité de com-          rage. Une mise à l’herbe précoce, en
   Mais, comme la croissance de l’herbe       pléments (fourrages et concentré, en kg       phase avec le début de la croissance
est très variable, réactive aux pratiques     MS) inclus dans la ration quotidienne.        de l’herbe, est essentielle à la réus-
et difficile à prévoir à court terme,         L’herbe disponible dépend de la crois-        site globale de la saison de pâturage.
notamment au printemps, les règles sys-       sance de l’herbe et de la surface acces-      O’Donovan et al. (2004) ont souligné
tématiques basées sur l’âge de repousse       sible au pâturage. Ainsi, l’équation du       les nombreux avantages d’un pâtu-
s’avèrent trop uniformes, manquent de         pâturage s’écrit :                            rage précoce. Les prairies pâturées tôt
souplesse et ne sont pas assez réactives                                                    en saison se caractérisent ensuite par
pour intégrer les spécificités spatio-tem-          Croissance (kg MS/ha/jour)              une meilleure qualité d’herbe avec une
porelle de la croissance de l’herbe. C’est     × Surface accessible (ha) = Demande          proportion de feuilles plus élevée, et
pourquoi, compte tenu de l’influence de              du Troupeau (kg MS/jour)               par conséquent une valeur nutritive
la hauteur avant pâturage [qui reflète la                                                   plus élevée en termes d’énergie (UFL) et
biomasse présente sur la parcelle] et du        Ou encore, exprimé par vache et par         de teneur en protéines. En comparaison
rapport entre la hauteur avant et après       jour :                                        avec des prairies non pâturées tôt en sai-
pâturage sur la consommation d’herbe                                                        son, lors des cycles suivants, la hauteur
(Delagarde et al., 2001b ; Pérez-Prieto            Croissance (kg MS/ha/jour)               avant pâturage est plus faible sur les
et Delagarde, 2012), les recommanda-             × Surface accessible (ha/vache)            parcelles pâturées précocement (12,2 vs
tions actuelles en Europe sont davan-          = QIh – QIf – QIc (kg MS/vache/jour)         14,6 cm). L’application d’un charge-
tage organisées autour de la hauteur                                                        ment moyen identique sur les 2 types
d’herbe, mesurée notamment à l’aide              avec QIh = quantité d’herbe ingérée        de prairies induit alors une réduction
d’un herbomètre à plateau. Face à l’am-       si l’herbe constitue le seul aliment de       de l’herbe offerte (15,9 vs 21,9 kg MS/
bition d’atteindre un bon compromis           la ration                                     vache/jour) et de la consommation de
entre la consommation par vache et                                                          MS d’herbe (– 0,8 kg MS/vache/jour),
la valorisation par hectare, la pratique         QIf ; QIc = quantité de fourrages et de    sans conséquence sur la production de
recommandée est d’obtenir une hauteur         concentré apportés en complément de           lait et de matières (tableau 4). Lorsque
après pâturage équivalente à 45 % de          l’herbe pâturée                               l’on applique un chargement plus
la hauteur avant pâturage (Delaby et al.,                                                   élevé sur les prairies non pâturées au
2011). Comme l’autre défi majeur vise            Pour résoudre et satisfaire cette équa-    printemps, du fait d’une plus grande
à d’obtenir une faible hauteur en sortie      tion, il est possible d’en ajuster chaque     disponibilité en herbe, le pâturage
de parcelle pour garantir la présence de      composant, mais à des échelles de             précoce permet alors d’obtenir une
feuilles dans les strates inférieures de la   temps et d’espace différentes et avec         consommation de MS d’herbe similaire
végétation (Parga et al., 2000) et la qua-    plus ou moins de facilité. La croissance      (16,2 kg MS/vache/jour). L’amélioration
lité de la repousse (Stakelum et Dillon,      quotidienne de l’herbe est saisonnière,       de la qualité de l’herbe (+ 0,1 UFL/kg
2007a et b), la recommandation actuelle       dépend fortement des conditions               MS) induit alors une augmentation des
de hauteur avant pâturage se situe entre      météorologiques, de la fertilité du sol,      apports nutritifs et une augmentation
9 et 12 cm (soit 1 200 à 1 600 kg de MS/      et reste difficile à contrôler. De même, le   de la production laitière journalière
ha de biomasse au-dessus de 4 cm). Bien       calendrier des vêlages est déterminé au       (+ 1,1 kg de lait). Comme la structure de
qu’une faible hauteur post-pâturage de        moment des inséminations et dépen-            l’herbe des repousses est plus favorable
4 à 5 cm soit souhaitable, cette hauteur      dra de la capacité de la vache à être ges-    après un pâturage précoce, la hauteur
« idéale » évolue et augmente un peu          tante au bon moment. Par conséquent,          après pâturage est plus faible et l’herbe
au cours de la saison de pâturage afin        pour réguler l’herbe disponible à court       est ainsi plus facile à pâturer et mieux
d’obtenir une ingestion élevée par les        terme, il est plus pratique pour l’éleveur    utilisée lors des cycles suivants. Comme
animaux et d’être tolérant à l’allonge-       d’agir sur les 2 leviers que sont 1) la       l’ont observé Kennedy et al. (2006), l’ap-
ment de la tige, aux changements de           surface mise à disposition du troupeau        plication d’un pâturage plus « laxiste »,
structure et à la composition chimique        et 2) sur l’apport ou non de fourrages        caractérisé par des quantités d’herbe
de l’herbe.                                   complémentaires ou de concentré.              offertes importantes sur des prairies

                                                                                            INRAE Productions Animales, 2021, numéro 3
166 / Luc delaby, Brendan horan

Tableau 4. Conséquences de la date de mise à l’herbe et du chargement ultérieur sur l’utilisation de l’herbe et les perfor-
mances des vaches laitières (O’Donovan et al., 2004).

              Date du 1er pâturage                          Pâturage précoce Pâturage précoce                       Pâturage tardif            Pâturage tardif
              Chargement ultérieur                                Élevé           Moyen                                 Élevé                      Moyen

 Herbe offerte (> 5cm ; kg MS/vache/jour)                             12,7                      15,9                       18,2                       21,9

 Hauteur avant pâturage (cm)                                          12,2                      12,4                       14,8                       14,2

 Proportion de feuilles
                                                                       41                         41                         39                        35
 (au niveau du sol ; % MS)

 UFL (/kg MS)                                                         0,99                      1,00                       0,94                       0,94

 MAT (g/kg MS)                                                        202                        184                        171                        176

 Hauteur après pâturage (cm)                                          4,4                        5,0                        6,4                        6,8

 Quantité d’herbe ingérée
                                                                      13,9                      16,2                       16,3                       17,0
 (kg MS/vache/jour)

 Production laitière (kg/vache/jour)                                  20,3                      23,9                       22,8                       23,9

 Matières utiles du lait (g/vache/jour)                              1356                       1550                       1508                       1554

Le premier pâturage a eu lieu en mars pour le pâturage précoce ; le traitement « Pâturage tardif » a été pâturé pour la première fois en avril, Les résultats présentés
sont ceux observés lors des deux rotations ultérieures en avril et mai.

pâturées en fin du printemps, a un effet                 gnement de l’offre et de la demande                      les fourrages conservés de haute valeur
négatif sur la consommation de matière                   alimentaire, et donc de leur impact                      nutritive sont toujours difficiles à récol-
sèche qui se cumule au cours des quatre                  direct sur l’autonomie alimentaire de                    ter et qu’ils nécessitent alors une com-
cycles de pâturage suivants.                             l’élevage.                                               plémentation coûteuse pour couvrir les
                                                                                                                  besoins de la lactation, l’éleveur évite
„„2.2. Choisir une vache                                    La modification de la date moyenne                    ce problème disposant de tous les ani-
bien adaptée au pâturage                                 de vêlage du troupeau peut permettre                     maux avec de faibles besoins alimen-
et à la conduite en vêlages                              de réduire la dépendance des systèmes                    taires pendant la période hivernale.
groupés                                                  basés sur l’herbe. Ainsi, en Irlande,
                                                         Dillon et al. (1995) et McCarthy et al.                     Cette recherche de cohérence entre
   En zone tempérée, comme la crois-                     (2013) ont observé que le report des                     la demande alimentaire, en quantité
sance de l’herbe est saisonnière et                      vêlages au mois de mars permettait de                    comme en qualité, et la disponibilité en
augmente rapidement au printemps,                        mieux aligner les besoins du troupeau                    fourrages peut être adaptée à d’autres
la gestion de la reproduction doit                       laitier et la croissance de l’herbe, et ainsi            situations plus contrastées. Pour faire
permettre de synchroniser au mieux                       d’augmenter la production laitière à                     face au risque d’étés secs et au manque
la demande des animaux et l’herbe                        partir de l’herbe pâturée, de réduire                    d’herbe estival en France, Pottier et al.
disponible. Par conséquent, les sys-                     les besoins en suppléments achetés                       (2007) ont proposé de conduire le trou-
tèmes de production laitière basés sur                   et d’obtenir une meilleure efficacité de                 peau laitier en deux saisons de vêlage,
l’herbe pâturée se structurent autour                    l’utilisation de l’énergie, en particulier à             avec 50 % des vêlages sur 2 mois en
de vêlages groupés de printemps afin                     des chargements plus élevés.                             mars-avril, et l’autre moitié 6 mois
de faire correspondre l’offre alimentaire                                                                         plus tard, en septembre-octobre. Dans
et la demande du troupeau (figure 3 –                      Parmi les autres avantages des                         cette approche systémique, toutes les
Horan, 2017). La conduite en vêlages                     vêlages groupés de printemps figure la                   vaches doivent être taries le même
groupés impose alors l’obtention d’un                    synchronisation de la période de taris-                  jour, et durant deux mois, soit en jan-
taux de gestation élevé dans un laps de                  sement de l’intégralité du troupeau en                   vier-février, soit en juillet-août, selon
temps court après le début de la saison                  hiver. Dans ces systèmes, la période                     le groupe de vêlages concerné. Cette
de reproduction. La date moyenne et                      de tarissement, qui correspond à une                     méthode présente de nombreux avan-
l’amplitude de la période de vêlages                     période de faibles besoins alimentaires,                 tages. Comme 50 % des vaches sont
sont des éléments de conduite très                       est alors alignée avec l’absence d’herbe                 taries en été, la demande alimentaire
influents de l’efficacité des systèmes                   à pâturer et la période d’alimentation à                 globale du troupeau est alors réduite
herbagers, du fait de leur rôle sur l’ali-               base de fourrages conservés. Comme                       lorsque la ­croissance de l’herbe dimi-

INRAE Productions Animales, 2021, numéro 3
Améliorer l’efficacité des systèmes laitiers herbagers en milieux tempérés / 167

Figure 3. L’alignement de l’offre d’herbe et de la demande du troupeau est condi-                       les exigences de fertilité associées à ces
tionné par une gestion rigoureuse de la période de reproduction (d’après Horan,                         systèmes. Les races mixtes, la Holstein-
2017).
                                                                                                        Friesian en Irlande ou les vaches croi-
                            Cohérence entre l’herbe disponible et les besoins du troupeau               sées, notamment Holstein x Jersiaise,
                                                                                                        semblent plus flexibles et mieux adap-
                                                                         Croissance de l’herbe          tées au pâturage. Ces animaux, moins
                      100                                                                               spécialisés, se caractérisent souvent
                                                                         Demande du troupeau
 Kg MS/hectare/jour

                       80                                                                               par de moindres problèmes sanitaires,
                                                                                                        une composition du lait plus riche en
                       60                                                                               matières grasses et protéines, une meil-
                                                                                                        leure aptitude à se reproduire en temps
                       40                                                                               limité, une valeur de réforme et des
                       20                                                                               produits intéressante et, à l’échelle du
                                                                                                        système d’élevage, une meilleure effi-
                        0                                                                               cacité alimentaire (Delaby et al., 2014 ;
                            Jan Fév Mar Avr Mai Juin Juil. Aout Sept. Oct. Nov. Déc.                    Delaby et al., 2018). Dans ces systèmes
                                                                                                        herbagers, la production d’un lait riche
                                                                                                        en composants d’intérêt économique
                                                                                                        (TB, TP) aura un effet important sur
                                                                                                        le prix du lait, mais, compte tenu des
                                Des vêlages groupés garantis par la fertilité du troupeau               contraintes décrites, la recherche d’un
                                                                                                        volume de lait élevé par vache ne
                                   Printemps                   Été              Automne                 garantit pas un revenu élevé. Fort de
                  100
                              Vêlages           275 de jours de lactation           Tarissements        ce constat, des chercheurs ont défini la
                      80                                                                                vache « idéale » (Berry, 2015) et réécrit
 % de vaches

                                                                                                        le schéma de sélection correspondant
                      60                       Reproduction                                             afin de mettre davantage l’accent sur
                                                                                                        la fertilité (35 % de l’indice global) et de
                      40
                                                                                                        réduire l’impact de l’indice laitier (11 % ;
                      20                                                                                Berry, comm. pers.). Les résultats obte-
                                                                                                        nus en Irlande et récemment publiés
                                 Fév Mar Avr      Mai Juin Juil. Aout Sept. Oct. Nov. Déc.              par O’Sullivan et al. (2019a) ; O’Sullivan
                                                                                                        et al. (2019b) confortent ces choix en
                                                                                                        matière de sélection génétique, dans le
                                                                                                        cadre spécifique des systèmes herba-
nue et offre à la moitié du troupeau en                   par une consommation assez stable de          gers. Une approche similaire a été déve-
lactation l’opportunité de continuer                      produits laitiers frais.                      loppée en France pour mieux équilibrer
à pâturer sur une plus grande surface                                                                   l’index génétique global (figure 4) et
en raison de la réduction globale du                         Les systèmes laitiers basés sur des        offrir à l’éleveur un panel plus large de
chargement. En termes d’élevage des                       vêlages groupés, sur une alimentation         taureaux d’IA adaptés à la diversité des
génisses, il est possible de planifier                    à base d’herbe et de faibles niveaux          systèmes laitiers existants (Brochard,
un 1er vêlage à 30 mois : les génisses                    d’apports d’aliment complémentaire,           comm. pers.).
nées au printemps vêlent pour la pre-                     nécessitent des vaches laitières avec
mière fois en automne, et inversement.                    une fertilité élevée pendant une courte       „„2.3. Des outils
L’éleveur économise 6 mois d’élevage                      période de reproduction. En général,          pour faciliter la gestion
en regard d’un vêlage à 3 ans, mais dis-                  les vaches laitières Holstein « continen-     du pâturage et prendre
pose d’un peu plus de temps d’élevage                     tales » (Europe – sauf la République          les décisions opportunes
des génisses en regard d’un vêlage à                      d’Irlande, Amérique du Nord) sont en
2 ans. Cela permet de réduire les exi-                    difficulté en raison de leur potentiel           Pour utiliser efficacement l’herbe
gences de croissance pour atteindre                       laitier élevé, qui nuit au maintien d’un      pâturée et la capacité des vaches lai-
les poids cibles recommandés et de                        état corporel adéquate pour faciliter la      tières à transformer l’herbe en lait, l’éle-
limiter les besoins en concentrés, ce                     conception au bon moment, le main-            veur doit gérer un système dynamique
qui réduit le coût alimentaire global de                  tien de la gestation, et exacerbe les pro-    qui est plus variable qu’un système en
l’élevage. En termes de livraison de lait,                blèmes de santé, notamment digestifs          bâtiment fondé sur une alimentation à
la conduite en deux saisons de vêlages                    et métaboliques, dans un environne-           base de fourrages conservés. Les sys-
se caractérise par un profil mensuel                      ment alimentaire plus contraignant            tèmes basés sur le pâturage sont ins-
de livraison plus régulier, ce qui est un                 (Baumont et al., 2014 ; Delaby et Fiorelli,   tables, et nécessitent anticipation et
atout face à la demande de l’industrie                    2014). Une vache au profil génétique          réactivité de la part de l’éleveur pour
laitière dans certains pays, caractérisée                 plus équilibré est plus en phase avec         prendre la bonne décision au bon

                                                                                                        INRAE Productions Animales, 2021, numéro 3
168 / Luc delaby, Brendan horan

Figure 4. Évolution du poids respectif des différentes composantes génétiques de                                                                           tifier la croissance de l’herbe entre la
la race Holstein dans l’index global français (M. Brochard, comm. pers.).                                                                                  mesure actuelle et la précédente, ce qui
                                       100                                                                                                                 permettra d’anticiper et de « budgéti-
 composantes de la race Holstein (%)

                                                                                                                                                           ser » l’herbe sur la semaine à venir. Pour
  Évolution du poids des différentes

                                        90
                                                                                                                                                           les chercheurs, PastureBase Ireland offre
                                        80                                                                                                                 l’opportunité de recueillir des informa-
                                        70                                                                                                                 tions sur les pratiques de pâturage des
                                        60                                                                                                                 agriculteurs irlandais (chargement,
                                                                                                                                                           fertilisation, hauteurs d’herbe avant
                                        50
                                                                                                                                                           et après le pâturage…), et de disposer
                                        40                                                                                                                 d’une base de données conséquente
                                        30                                                                                                                 qui regroupe et structure les informa-
                                                                                                                                                           tions sur la croissance de l’herbe et le
                                        20
                                                                                                                                                           pâturage aux niveaux local, régional et
                                        10                                                                                                                 national (Ruelle et al., 2021). La princi-
                                          0                                                                                                                pale difficulté pour utiliser avec succès
                                                    1978         1993                         2001                          2012                2021       le concept du Grass Wedge est qu’il faut
                                       Production     Reproduction   Santé Mamelle                                   Longévité     Traite       Morpho.    définir par avance la durée de la rotation
                                                                                                                                                           et le chargement instantané qui sera
                                                                                                                                                           appliqué. Or, ces deux composantes
moment. Cette gestion dynamique de                                          relativement facile d’interpréter le gra-                                      du système de pâturage dépendent
l’alimentation d’un troupeau avec une                                       phique obtenu et d’imaginer la situa-                                          de la croissance future de l’herbe. De
ressource variable et incertaine n’est                                      tion future probable pour prendre les                                          plus, l’alignement des barres d’histo-
pas simple à maitriser, notamment au                                        décisions qui s’imposent. Plus récem-                                          gramme et la relation avec la demande
printemps. Des méthodes et outils ont                                       ment en Irlande, le Teagasc (Organisme                                         du troupeau suppose des parcelles de
été développés pour organiser l’infor-                                      de Recherche-Développement National                                            même surface et de même potentiel de
mation et aider à la prise de décision                                      Irlandais) a développé sur un site inter-                                      croissance, ce qui est loin d’être le cas en
à court et plus long termes. Quel que                                       net, PastureBase Ireland (Hanrahan et al.,                                     élevage réel.
soit le système de pâturage ou la part                                      2017 ; Ruelle et al., 2021). Cette base de
d’herbe pâturée dans la ration des                                          données nationale permet à l’éleveur                                             Compte tenu de ces limites, un outil
vaches laitières, la principale exigence                                    de saisir chaque semaine les données                                           d’aide à la décision plus récent, nommé
en matière de gestion du pâturage                                           de son exploitation, de visualiser l’offre                                     Pâtur’Plan, a été développé entre INRAE
est de connaître ce dont on dispose. Il                                     d’herbe actuelle selon le concept du                                           et une société de conseil en élevage
importe de mesurer chaque semaine                                           Grass Wedge et également de quan-                                              (ElvUp) en Normandie (Delaby et al.,
la disponibilité de l’herbe sur l’en-
semble des parcelles dédiées au pâtu-                                       Figure 5. Illustration du concept de disponibilité de l’herbe (Grass Wedge).
rage, de calculer les « jours d’avance »,
d’identifier rapidement les éventuels                                                                         1600
excédents ou déficits afin de planifier
                                                                            Biomassse disponible (kg MS/ha)

                                                                                                              1400
l’utilisation de l’herbe pour la période
suivante. Une actualisation fréquente
                                                                                                              1200
de l’état des lieux est très importante
pour prendre les bonnes décisions. En                                                                         1000
France, un outil simple d’aide à la ges-
tion du pâturage appelé Herb’Avenir, a                                                                        800
été développé en 2005 (Defrance et al.,
2005) pour aider l’agriculteur à anticiper                                                                    600
à court terme (moins d’un mois) l’évolu-
tion du stock d’herbe disponible et des                                                                       400
« jours d’avance » en fonction d’une
hypothèse sur la croissance de l’herbe.                                                                       200
De même, le concept de Grass Wedge
                                                                                                                0
décrit dans une brochure irlandaise
                                                                                                                        1    2   7 3   8    4 9  5     6
                                                                                                                                                     10 11 12 13 14
pédagogique dédiée à la gestion du
                                                                                                                              Parcelles
pâturage (Grazing Notebook – Dillon et
Kennedy, 2009 ; figure 5), permet d’éva-                                    Le « Grass Wedge » repose une représentation instantanée qui décrit la quantité d’herbe présente sur une
                                                                            exploitation, représentée sous la forme d’un histogramme, et sa relation avec la demande du troupeau,
luer l’état des parcelles en regard de la                                   Chaque barre indique la quantité d’herbe présente sur une parcelle, classée par ordre décroissant. La
demande des animaux. Après avoir                                            ligne de demande en bleu correspond à la quantité d’herbe nécessaire compte tenu du chargement, de
appris à utiliser ces méthodes, il est                                      la durée d’un cycle de pâturage et de la demande par vache (Hanrahan et al., 2017).

INRAE Productions Animales, 2021, numéro 3
Améliorer l’efficacité des systèmes laitiers herbagers en milieux tempérés / 169

2015). Basé sur le concept du Grass           Figure 6. Évolution de l’équilibre entre l’offre et la demande selon une simulation
Wedge, l’approche a été adaptée afin          Pâtur’Plan.
d’intégrer des surfaces de parcelles dif-                                     30
férentes et des différences de poten-

                                               Biomasse (kg MS/animal/jour)
tiel de croissance entre parcelles. Les                                       25
autres atouts de Pâtur’Plan sont de
faciliter la mise en œuvre de scénarios                                       20
et d’évaluer les conséquences de dif-
férentes options en fonction de diffé-                                        15
rentes courbes de croissance de l’herbe
disponible. L’intérêt majeur réside                                           10
dans la capacité à décrire et à illustrer                                                          Offre en herbe pour le pâturage
l’évolution anticipée de l’offre et de la                                     5                    Demande en herbe si la ration est à 100 % herbe
demande d’herbe au niveau de la par-
                                                                                                   Demande en herbe avec la ration distribuée
celle (figure 6). En fin de simulation, en                                    0
fonction de la décision de gestion du                                              07/05   09/05     15/05      20/05        23/05      01/06         04/06
pâturage prise par l’éleveur, Pâtur’Plan                                              Date d’entrée prévisionnelle dans les parcelles successives
propose un calendrier de pâturage
prévisionnel. L’ensemble de ces outils
éparses (Herb’aVenir ; Pâtur’Plan) a          va encore augmenter en raison de la                                 s­ ervices écosystémiques et des possibi-
récemment fait l’objet du développe-          croissance démographique et de la                                    lités intéressantes pour des produits ani-
ment d’une interface web (HappyGrass          prospérité économique qui évolue en                                  maux qui répondent avec opportunité
– https://www.happygrass.fr/), qui dans       Asie et en Afrique. La Communauté                                    à la demande et seront mieux acceptés
son module « Gestion du pâturage »            Européenne a décidé de supprimer le                                  des consommateurs. Le changement
permet à la fois d’enregistrer, en temps      système des quotas laitiers en 2015 et                               climatique en cours et annoncé, mar-
réel, le calendrier de pâturage réalisé, la   d’encourager les agriculteurs à produire                             qué notamment en zones tempérées,
croissance de l’herbe évaluée sur l’ex-       davantage de nourriture dans un monde                                par des sécheresses estivales plus mar-
ploitation et de simuler divers scénarios     économique libéral où les frontières                                 quées, des printemps précoces et des
prévisionnels.                                commerciales sont de moins en moins                                  automnes plutôt favorables à la crois-
                                              protégées. Enfin, le monde a récem-                                  sance de l’herbe, impose de nouvelles
   Tous ces outils sont basés sur la même     ment compris que la Terre est unique et                              adaptations. La réalisation de stocks
approche, résumée en 3 étapes : éva-          doit être protégée pour les générations                              de sécurité en période d’abondance,
luer l’état des parcelles, simuler diffé-     futures. Les consommateurs, encoura-                                 la meilleure cohérence des dates de
rentes options en termes de gestion           gés par les médias, insistent pour que                               vêlages, voir la double saison de vêlages
du pâturage et enfin, décider du futur        les systèmes de production de lait et de                             et parfois la réduction du chargement
planning de pâturage. Dans tous les cas,      viande bovine soient plus durables, res-                             seront des clefs efficaces pour assurer
l’objectif est de faciliter la réflexion et   pectueux des animaux et sans impact                                  la pérennité des systèmes herbagers
l’anticipation afin de simplifier la prise    négatif sur l’environnement. Face à cette                            et surtout garantir la sérénité indis-
de décision pour une meilleure utilisa-       situation, les systèmes laitiers basés sur                           pensable des éleveurs. Comme décrit
tion de l’herbe.                              l’herbe pâturée ont une opportunité à                                dans ce texte, au cours des 20 dernières
                                              saisir. Si les céréales et les légumineuses                          années, de nombreux progrès ont été
                                              à graines doivent être conservées pour                               réalisés en termes d’amélioration de
Conclusion                                    la consommation humaine et, dans une                                 la compréhension des mécanismes et
                                              moindre mesure, pour l’alimentation                                  de la gestion du pâturage. Il importe
  L’amélioration de l’efficacité des sys-     des monogastriques, les prairies sont                                désormais de lever d’autres freins socio-
tèmes laitiers basés sur l’herbe est un       alors la ressource naturelle de l’alimen-                            techniques qui faciliteront l’adoption de
grand défi pour l’avenir. L’objectif est      tation des ruminants. Sans ruminants et                              systèmes d’alimentation des ruminants
aujourd’hui de produire plus et mieux         sans éleveurs de ruminants, les prairies                             basés sur l’herbe afin de faciliter le « pro-
avec moins. La demande mondiale               disparaîtront. Dans le même temps,                                   duire mieux » souhaité et souhaitable
en denrées alimentaires est élevée et         les prairies fournissent de nombreux                                 pour la planète, et ses habitants.

                                                                                                                  INRAE Productions Animales, 2021, numéro 3
170 / Luc delaby, Brendan horan

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INRAE Productions Animales, 2021, numéro 3
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