Argentine : nouveau modèle, nouvelle dynamique ? - AFD
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Septembre 2018 / N 26 o Macroéconomie & Développement Argentine : nouveau modèle, Introduction nouvelle La fin de l’année 2015 et le début de 2016 ont constitué un tournant historique pour l’Argentine à bien des égards. Sur le plan politique tout d’abord puisque, pour la première dynamique ? fois depuis le retour de la démocratie en 1983, un candidat – Mauricio Macri (coalition de centre-droit) – qui n’est ni membre du parti péroniste, ni du parti radical, a été élu à David Chetboun la présidence de la République en novembre 2015. Sur Direction exécutive Innovation, le plan économique également, dans la mesure où, après 12 ans d’un modèle axé sur le protectionnisme, l’interven- Recherche et Savoirs (IRS) tionnisme de l’État et le soutien à la consommation des Département Diagnostics économiques ménages, la politique économique mise en place par le et politiques publiques (ECO) gouvernement Macri induit un changement de cap par rapport à celle de l’administration précédente. Elle se veut chetbound @ afd.fr en effet davantage extravertie, misant sur le libéralisme économique et la relance de l’investissement financé par le recours à de l’endettement externe. Dès son arrivée au pouvoir, le nouveau gouvernement L’équilibre reste cependant précaire, compte-tenu des a ainsi mené de nombreuses réformes destinées à nombreuses vulnérabilités structurelles présentées par corriger les déséquilibres économiques et à rassurer les l’économie. L’inflation s’établit à 35 % en août 2018 et investisseurs étrangers : suppression du contrôle des pourrait atteindre 40 % d’ici la fin de l’année. Le déficit changes et introduction d’un mécanisme de taux de public, à 6,5 % du PIB en 2017, est essentiellement change flexible, mise en place progressive d’une poli- financé par l’endettement externe. Le déficit courant tique monétaire de ciblage d’inflation, remaniement se creuse, pénalisé par un manque de compétitivité à de l’Agence nationale de statistiques et publication de l’exportation. Dans ce contexte, le pays demeure expo- nouvelles séries de produit intérieur brut (PIB) et d’infla- sé à des retournements de sentiments des marchés et tion, conclusion d’un accord avec les fonds « vautours » à des chocs externes comme ceux observés au cours autorisant l’Argentine à faire son retour sur le marché du deuxième trimestre et de l’été 2018, remettant en obligataire international. La réaction des investisseurs à question la politique économique de « gradualisme » l’ensemble de ces mesures a, dans un premier temps, prônée par le gouvernement Macri. été favorable, comme en témoigne leur appétit vis-à-vis des émissions obligataires réalisées par le pays sur les marchés financiers internationaux en 2016 et 2017.
Dans ce contexte, cette étude propose de faire un point sur la seconde partie. La troisième partie est consacrée à l’évolution situation macroéconomique et financière de l’Argentine. Elle des finances publiques et la quatrième partie s’intéresse au s’articule autour de cinq parties. La première partie présente système bancaire et à la politique monétaire. Enfin le dia- le contexte sociopolitique argentin. Les évolutions structu- gnostic est complété par une analyse des équilibres externes relles du modèle de croissance sont abordées dans une du pays. Sommaire 1 / UNE DÉMOCRATIE CONSOLIDÉE 4 / UN SECTEUR BANCAIRE SAIN OÙ LES ENJEUX SOCIOÉCONOMIQUES MAIS PEU PROFOND 24 DEMEURENT PRÉGNANTS 3 4.1. Faible profondeur du secteur financier 24 1.1. Une histoire politique mouvementée 4.2. Un secteur bancaire sain, rentable mais une démocratie qui s’est consolidée et bien capitalisé 25 depuis plus de trente ans 3 4.3. Une politique monétaire en recherche 1.2. Un paysage politique façonné par le clivage de crédibilité 27 entre péronistes et anti-péronistes 4 1.3. Le syndicalisme, acteur majeur de la vie politique 4 5 / LES ÉQUILIBRES EXTERNES DEMEURENT FRAGILES 29 1.4. Un régime fédéral caractérisé par un rapport de force entre État central et provinces 5 5.1. Un compte courant devenu structurellement déficitaire, reflet de la baisse de la compétitivité 1.5. D’importants enjeux socioéconomiques malgré à l’exportation 29 un niveau élevé de richesse par habitant 5 5.2. Augmentation des flux de portefeuille entrants suite à la levée des contraintes externes 31 2 / UNE CROISSANCE VOLATILE ET SOUMISE 5.3. Liquidité externe de nouveau orientée à la baisse 32 À DES CHANGEMENTS DE POLITIQUES ÉCONOMIQUES 8 2.1. Une histoire économique mouvementée entravant LISTE DES ACRONYMES ET ABRÉVIATIONS 35 le développement du pays 8 RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 36 2.2. De faibles gains de productivité générant un déficit de compétitivité 10 2.3. La récente fragilisation de l’économie accroît les incertitudes sur le plan politique 14 3 / UNE CRÉDIBILITÉ EN MATIÈRE DE FINANCES PUBLIQUES À RESTAURER 16 3.1. Augmentation rapide de la dette publique après le retour de l’Argentine sur les marchés internationaux 16 3.2. Des déficits budgétaires majeurs liés au niveau élevé des dépenses publiques 19 2 © AFD / Macroéconomie & Développement / Septembre 2018
1 / Une démocratie consolidée où les enjeux socioéconomiques demeurent prégnants 1.1. Une histoire politique mouvementée trois branches principales : (i) politique ; (ii) syndicale, permet- tant l’intégration de la classe ouvrière à l’État ; et (iii) féminine, mais une démocratie qui s’est créée après la mise en place du droit de vote des femmes en consolidée depuis plus de trente ans 1947. Perón s’assure du soutien de la population grâce à de nombreuses mesures sociales : programmes de protection Terre d’immigration pour les Européens et terre d’investissement sociale, congés payés, augmentations des salaires des fonction- pour les capitaux anglais et états-uniens à partir de la fin du naires, droit de vote des femmes, etc. Davantage préoccupé 19e siècle, notamment dans les ports et les chemins de fer pour par la redistribution de la richesse et l’encadrement de la popu- l’extraction des produits agricoles, l’Argentine connaît une crois- lation que par la transformation des structures productives, sance spectaculaire jusqu’à la fin des années 1920. Sa popu- il laisse le pays exposé à la grande baisse des cours agricoles lation double tous les 20 ans entre 1850 (1 million d’habitants) dans les années 1950, qui plonge l'économie dans une réces- et 1914 (8 millions), pour atteindre 42 millions aujourd’hui. sion. À la suite d'un coup d’État militaire, Perón quitte le pou- Le développement économique du pays est tiré par les expor- voir en 1955. Son parti politique est interdit, ses sympathisants tations de laine, de viande et de céréales vers l’Europe, exploitant réprimés et plusieurs dizaines de cadres exécutés. l’immense espace disponible [ 1 ] . En 1913, le pays se classe au L’Argentine connaît ensuite deux décennies marquées par la 12 e rang mondial en termes de PIB/tête avec une classe proscription du péronisme aux élections, une forte conflictualité moyenne établie, tandis que Buenos Aires inaugure le premier sociale et plusieurs coups d’État militaires. Après 18 ans d’exil, métro d’Amérique du Sud. Perón, revenu en Argentine, est élu démocratiquement à la Déstabilisée par la contraction des marchés internationaux présidence de la République en 1973 pour ce qui constitue son suite à la grande crise de 1929, l’Argentine entre alors dans troisième mandat. À sa mort, en 1974, sa troisième épouse une longue période d’instabilité politique marquée par de alors vice-présidente, lui succède. Elle est à son tour renversée nombreux coups d’État militaires. Alors qu’il avait été régulière- par le pouvoir militaire en 1976. La junte militaire gouverne ment élu deux ans plus tôt, le président Yrigoyen est renversé ensuite le pays de façon autoritaire jusqu’en 1983 dans la pé- en 1930 par le pouvoir militaire œuvrant pour le compte de riode dite de « guerre sale », avant que la défaite de l’Argentine l’oligarchie foncière. Cet événement constitue un tournant durant la guerre des Malouines et les difficultés économiques dans l’histoire politique du pays. Entre 1930 et 1983, l’Argentine n’entraînent son départ. connaît une succession de régimes de nature autoritaire, et L’élection présidentielle de Raul Alfonsin en 1983 marque ainsi souvent militaires : sur les seize présidents à la tête du pays le retour de la démocratie et la mise à l’écart définitive du durant cette période, onze prennent le pouvoir par la force. pouvoir militaire de la vie politique. En 1943, Juan Domingo Perón occupe une position proémi- En 2001, l’Argentine est frappée par une grave crise écono- nente dans la dictature militaire qui prend le pouvoir par mique et sociale. Devant l’importante récession qui touche la force après dix années d’administration marquées par la le pays, les manifestations publiques se multiplient et sont fraude électorale, la corruption et la montée du fascisme. Il se sévèrement réprimées. Les émeutes font au total trente-cinq fait ensuite élire démocratiquement en 1946 avec 56 % des morts et l’état d’urgence est déclaré. Ces événements débou- suffrages exprimés. Si le multipartisme est maintenu sous sa chent sur une crise politique entraînant la démission du pré- présidence, Perón instaure une forme de pouvoir populiste et sident De La Rua à la moitié de son mandat puis la succession nationaliste qu’il définit comme « justicialiste ». Il s’appuie sur de cinq présidents à la tête du pays en l’espace d’un mois. [1 ] Avec une superficie cinq fois supérieure à celle de la France, l’Argentine est le huitième pays le plus vaste du monde. / Argentine : nouveau modèle, nouvelle dynamique ? / 3
Cette instabilité politique s’achève en 2002 avec l’élection de 1.3 Le syndicalisme, acteur majeur Dualde à la présidence. En 2003, Nestor Kirchner, membre du parti justicialiste héritier du péronisme, est élu à la présidence. de la vie politique Sa femme, Cristina, lui succède en 2007 pour deux mandats (2007-2015). Le modèle politique mis en place par le couple Le syndicalisme naît en Argentine à la fin du 19e siècle tandis Kirchner se caractérise par un fort interventionnisme de l’État que la Confédération générale du travail (CGT), principal et une politique d’inclusion sociale volontariste. Après douze syndicat du pays, est créée en 1930. L’arrivée au pouvoir de ans de « kirchnérisme », l’élection en 2015 de Mauricio Macri, Perón constitue une rupture dans l’histoire des syndicats en opposant de centre-droit, à la présidence de la République, Argentine. En effet, le syndicalisme dans la doctrine péroniste constitue un nouveau tournant politique. En effet, pour la est vu comme l’un des piliers du mouvement national et est première fois depuis les années 1940, le président élu n’est ni incorporé progressivement aux institutions étatiques. En effet, péroniste ni membre du parti radical. l’État reconnaît les organisations syndicales membres de la CGT comme des interlocuteurs privilégiés dans les discussions avec les employeurs sur le développement de la négociation 1.2. Un paysage politique façonné collective ou le renforcement du pouvoir des délégués dans les entreprises. Le modèle syndical argentin est construit sur le par le clivage entre péronistes monopole de la représentativité au niveau de chaque secteur : et anti-péronistes le syndicat détenant le plus grand nombre d’adhérents est le seul à même de représenter les travailleurs dans les négociations Depuis 1983 et la fin de la dictature militaire, les conditions et les conflits. d’expression de la démocratie se sont renforcées en Argentine. En effet, le multipartisme est ancré dans la vie politique et les À la suite du départ de Perón en 1955 et durant les années élections à l’ensemble des échelons du pouvoir sont pluralistes, d’interdiction du péronisme, le syndicalisme prend le relais poli- transparentes, tandis que leurs résultats ne font pas l’objet de tique du parti péroniste en termes d’opposition. Profitant de sa contestation. capacité de mobilisation et d’encadrement des classes popu- laires, son action politique se renforce et le pouvoir syndical est À la suite du développement du péronisme, à partir de 1946, utilisé pour négocier avec l’État, au détriment de son action le paysage politique argentin peut être décomposé entre péro- revendicative au sein de l’entreprise. nistes et anti-péronistes. Le mouvement péroniste ou justicialiste a longtemps dominé la compétition politique du pays. Pouvant L’arrivée de la junte militaire au pouvoir en 1976 modifie à être originellement défini comme une idéologie nationaliste, nouveau les rapports de force. Le droit de grève et le processus personnaliste et populiste, le péronisme revendique l’intégration de négociation collective sont suspendus alors que la CGT est de la classe ouvrière à l’espace étatique grâce à la médiation des provisoirement dissoute en 1979. Cependant, le but de la dic- syndicats, et défend deux notions majeures : la justice sociale et tature militaire n’est pas de détruire la structure syndicale mais la souveraineté nationale. Il n’a toutefois eu de cesse d’évoluer, plutôt de la diviser, en recherchant des alliés en son sein. si bien qu’il est devenu au cours des années un mouvement poli- Dans un contexte d’affaiblissement des syndicats suite à la tique protéiforme dont on ne peut déterminer précisément s’il période d’autoritarisme militaire, la mise en place de la démo- se situe à gauche ou à droite. Ainsi, alors que Menem, au pouvoir cratie en 1983 s’accompagne d’une reconstruction de leur en 1989, donne au mouvement une orientation fortement capacité d’influence et d’un retour au modèle de représen- néolibérale, l’approche des époux Kirchner est au contraire beau- tativité établi sous Perón. Cependant, le néolibéralisme de la coup plus sociale et se rapproche davantage du mouvement fin des années 1980 et de la décennie 1990, mis en œuvre sous initialement créé par Perón. Menem, se traduit par une flexibilisation de la législation du Depuis la transition politique en 1983, les péronistes n’ont jamais travail, visant à réduire les coûts et à améliorer la mobilité perdu deux élections présidentielles successives. Cependant, de la main-d’œuvre. Cette politique économique déstabilise le le péronisme apparaît aujourd’hui très fragmenté entre trois mouvement syndical en faisant apparaître de profondes diver- partis politiques (Parti justicialiste, Frente Para la Victoria – gences : alors que la CGT soutient l’action du gouvernement, Front pour la victoire et Unidad Ciudadana – Unité citoyenne, d’autres syndicats s’opposent à ces politiques. Dans ce contexte, nouvellement créée par l’ex-présidente Cristina Kirchner) alors une distanciation entre la base syndicale et les dirigeants, que peu de nouveaux leaders émergent. qui continuent de négocier avec les entreprises et l’État, se 4 © AFD / Macroéconomie & Développement / Septembre 2018
1 / Une démocratie consolidée où les enjeux socioéconomiques demeurent prégnants crée. Par exemple, lors des manifestations qui suivent la crise La constitution réserve néanmoins au pouvoir central les com- économique de 2001, la direction syndicale est fortement pétences régaliennes (affaires extérieures, défense, monnaie, discréditée par les manifestants. crédit). Les provinces sont également largement dépendantes de l’État central sur le plan de leurs recettes fiscales : la majo- De manière générale, les syndicats apparaissent comme des rité des impôts est recouvrée à l’échelon fédéral et redistri- acteurs majeurs dans la vie politique du pays en raison de leur buée en partie aux prov inces et municipalités selon une loi identification symbolique avec le péronisme et de leur capacité dite de « coparticipation » datant de 1988. d’action directe (grèves, blocages, intimidations, etc.). En revanche, leurs dirigeants sont largement critiqués par la population, du Le pouvoir législatif argentin est détenu par le Congrès qui fait d’une organisation interne très peu démocratique et est composé du Sénat et de la Chambre des députés. Le d’accusations de corruption. Sénat est constitué de 72 membres, soit trois sénateurs élus par province (deux sénateurs pour le parti vainqueur des Sous Kirchner, l’action syndicale connaît un renouveau. Depuis élections et un pour le parti arrivé en seconde position), indé- 2004, les syndicats participent au Conseil national de l’emploi pendamment du poids économique et démographique de et du salaire minimum vital et mobile, qui détermine les aug- la province. Le Sénat est renouvelé par tiers tous les deux mentations du salaire minimum. Parallèlement, les conflits du ans. La Chambre des députés est constituée de 257 députés travail se développent, donnant une place grandissante aux et est renouvelée par moitié bi-annuellement. délégués syndicaux dans les négociations, tandis que le nombre de travailleurs syndiqués (40 %) augmente. L’élection de Macri Depuis son arrivée au pouvoir en octobre 2015, le président en 2015 et le retour à plus de libéralisme économique font Macri gouverne sans disposer de la majorité au Parlement. de nouveau apparaître certaines lignes de fracture. Alors que Cela n’a pas constitué un point de blocage lors de la première les leaders syndicaux sont dans une logique de négociation partie de son mandat puisque de nombreuses lois et réformes d’avantages partiels avec le pouvoir, considérant l’ajustement ont été votées au cours de cette période. Pour ce faire, le pré- économique actuel comme inéluctable, ce sont les bases syn- sident s’appuie sur les péronistes modérés qui votent selon les dicales qui ont lancé les derniers mouvements de grève. réformes proposées, mais également en fonction de logiques clientélistes. Il s’agit ici d’une limite du système fédéral. En effet, les sénateurs et les députés sont portés à voter selon les inté- 1.4. Un régime fédéral caractérisé rêts des gouverneurs des provinces qu’ils représentent [ 2 ] , de par un rapport de force entre État sorte que ces derniers jouent un rôle central en matière de central et provinces politique fédérale. La plupart des politiques menées sur le plan national doivent ainsi être négociées avec les gouverneurs des provinces, en échange de transferts fiscaux discrétionnaires. L'Argentine est une République fédérale dotée d'un régime Dans ce contexte, les provinces de petite taille surreprésentées présidentiel. Le président est élu au suffrage universel direct politiquement au Congrès [ 3 ] jouent un rôle stratégique en dépit pour une durée de quatre ans renouvelable une fois. La cons- de leur faible poids économique et démographique. titution date de 1853 et a été modifiée à cinq reprises, la dernière révision datant de 1994. Le pays est constitué de 23 provinces et du district fédéral de Buenos Aires. Chaque province est 1.5. D’importants enjeux dirigée par un gouverneur, également élu pour quatre ans au suffrage universel direct. Les provinces disposent de leur propre socioéconomiques malgré un niveau gouvernement, d’un parlement et d’une constitution. Celle-ci élevé de richesse par habitant définit l’organisation institutionnelle, politique, administrative, économique et financière de la province. Les provinces ont Avec un PIB p ar habitant supérieur à 10 148 dollars (USD) en une autonomie importante vis-à-vis de l’État central dans la 2016 [ 4 ] , l’Arg entine figure parmi les pays à revenu intermé- définition de leur système politique, électoral et municipal. diaire de la tranche supérieure (PRITS) et est la troisième [2] En effet, les gouverneurs des provinces exercent une forte influence sur l’établissement des listes des candidats aux élections provinciales. [ 3 ] Comme le souligne Prévôt-Schapira (1998) : « Le nombre de voix nécessaire à l’élection d’un sénateur est deux cent quatorze fois plus élevé dans la province de Buenos Aires (13 millions d’habitants) que dans la Terre de Feu (59 000 habitants) ». [ 4 ] PIB par habitant à prix constant de 2010, calculé par la Banque mondiale. / Argentine : nouveau modèle, nouvelle dynamique ? / 5
économie d’Amérique latine. En dépit de ces caractéristiques, le L’enquête sur la pauvreté révèle de fortes disparités intergéné- pays affiche de mauvaises performances concernant certains rationnelles. Ainsi, la pauvreté touche principalement les plus indicateurs socioéconomiques, conséquence d’une trajectoire jeunes. 45 % des enfants âgés de moins de 14 ans vivent sous de croissance erratique au cours des trente dernières années. le seuil de pauvreté. Dans le même temps, 7 % des seniors de plus de 65 ans, qui bénéficient d’un système généreux de D’après les données publiées par l’Institut national des sta- réversion des retraites, vivent sous ce seuil. Les disparités sont tistiques et des recensements (INDEC), en mars 2017, près également d’ordre géographique puisque la pauvreté touche de 30 % de la population urbaine vivrait en dessous du seuil plus fortement les régions du nord-est du pays (30 %) que de pauvreté [ 5 ] et plus de 1,6 million de personnes dans des celles du sud (de l’ordre de 20 % en Patagonie). conditions d’extrême pauvreté. En comparaisons régionales, la part de la population vivant avec moins de 4 USD par jour Dans ce contexte, les inégalités, bien que moins prégnantes est plus élevée en Argentine qu’au Chili ou en Uruguay – les par rapport à de nombreux pays d’Amérique latine, demeurent deux pays les plus riches de la région – mais en dessous de importantes : selon les dernières données disponibles (2014), pays tels que le Brésil ou le Pérou (cf. graphique 1). l’indice de Gini [ 6 ] s’élève ainsi à 0,43 contre 0,51 au Brésil ou 0,48 au Mexique. Ces inégalités sont notamment entretenues par les caracté- Graphique 1 ristiques du marché du travail. En effet, le secteur informel Part de la population vivant avec moins emploie plus de 30 % de la main-d’œuvre. Or, si le marché de 4 USD par jour en PPA du travail formel propose des salaires élevés et de meilleures (en % de la population totale) conditions d’emploi (assurance chômage), les travailleurs in- formels sont plus faiblement et irrégulièrement rémunérés. 30 D’après l’Organisation de coopération et de développement 25 économiques (OCDE), la rémunération dans le secteur infor- mel est inférieure de 36 % à celle du secteur formel. L’impor- 20 tance de l’informalité peut en partie s’expliquer par les règles en vigueur sur le marché du travail formel, et notamment par 15 le coût élevé des cotisations sociales qui représentent 35 % 10 du salaire des employés. Fin 2017, le taux de chômage s’est néanmoins légèrement réduit, s’établissant à 7,2 %. Il touche 5 principalement les jeunes actifs âgés de 15 à 24 ans, cohorte 0 pour laquelle le taux de chômage atteint 40 %. En termes de protection sociale, l’Argentine propose de nom- y ili ne u sil ue bie ua ro Ch Bré nti xiq lom ug Pé breux programmes mis en place aux niveaux national et ge Me Ur Co Ar provincial. Alors que les travailleurs du secteur formel béné- ficient d’un système de sécurité sociale, le pays a introduit, Source : SEDLAC depuis 2009, un mécanisme de transfert monétaire condi- tionnel pour les travailleurs du secteur informel. Ces derniers reçoivent un montant de 70 USD par enfant sous condition d’envoi des enfants à l’école et au centre de soins. En revanche, les allocations chômage ne permettent pas d’augmenter significativement les revenus des ménages argentins. D’un montant faible (190 USD, soit un tiers du salaire minimum), elles bénéficient à seulement un dixième des chômeurs en raison de conditions restrictives d’éligibilité. [5 ] Celui-ci est défini comme le niveau de revenu nécessaire pour satisfaire les besoins essentiels de l’individu : nourriture, vêtements, transport, éducation, santé, etc. [ 6 ] Plus l’indice de Gini est élevé et plus la distribution des revenus au sein de la population est inégalitaire. 6 © AFD / Macroéconomie & Développement / Septembre 2018
1 / Une démocratie consolidée où les enjeux socioéconomiques demeurent prégnants Encadré 1 Manque de transparence des statistiques sous Kirchner La qualité des données statistiques s’est fortement détériorée En 2016, l’INDEC a fait l’objet d’un remaniement et l’ensemble entre 2007 et 2015 sous l’effet de la pression politique du de ses cadres ont été renouvelés. Cela s’est traduit par la publica- gouvernement Kirchner. Plusieurs séries statistiques clés de tion de chiffres révisés d’inflation ainsi que de données révisées l’INDEC telles que les données d’inflation, de comptabilité natio- concernant la comptabilité nationale, le commerce international, nale ou encore les résultats relatifs aux enquêtes de pauvreté, les indicateurs de pauvreté et le marché du travail. En dépit de ont ainsi été manipulées dans le but de masquer la réalité de la ces améliorations, l’historique de certaines séries statistiques situation socioéconomique. En 2013, le Fonds monétaire inter- – comme celles relatives aux enquêtes ménages et à l’inflation national (FMI) a adopté une déclaration de censure contre les – ne peut être amélioré, compte tenu des falsifications dont données publiées par l’Argentine, sommant le pays de corriger elles avaient fait l’objet par le passé. Ainsi, seules les données « l’inexactitude de ses données statistiques afin de se conformer aux publiées à partir de la seconde moitié de l’année 2016 par standards internationaux ». À partir de 2013, certaines statistiques l’INDEC peuvent être considérées comme fiables. Par consé- (enquêtes de pauvreté notamment) ne sont plus publiées par quent, l’analyse historique de certaines séries statistiques oblige l’INDEC, notamment au niveau des provinces. à recourir à des données statistiques non officielles. Pendant cette période, les organismes élaborant des statistiques alternatives se sont multipliés. Un indice alternatif d’inflation a, Graphique 2 par exemple, été publié par la mairie d’opposition de Buenos Aires. En 2012, alors que l’INDEC mesurait l’inflation à 10,8 %, Estimation du taux de pauvreté au seuil la mairie de Buenos Aires l’évaluait à 25,6 %. Les chiffres de national – INDEC vs université catholique pauvreté ont également fait l’objet d’estimations alternatives par l’université catholique d'Argentine. Ces estimations sont d'Argentine (en % de la population totale) considérées comme fiables par l’ensemble des observateurs ■ Université catholique d'Argentine ■ INDEC internationaux et renvoient une image bien différente du niveau 35 réel de pauvreté du pays par rapport aux statistiques officiel- lement diffusées (cf. graphique 2). 30 25 20 15 10 5 0 2010 2011 2012 2013 Sources : INDEC, université catholique d’Argentine. / Argentine : nouveau modèle, nouvelle dynamique ? / 7
2 / Une croissance volatile et soumise à des changements de politiques économiques 2.1. Une histoire économique mouvementée Afin de mettre fin au régime d’hyperinflation de la fin des entravant le développement du pays années 1980 (3 100 % d’inflation en 1989, 2 300 % en 1990, cf. graphique 4) et de restaurer la crédibilité de la politique Sur longue période, la croissance économique de l’Argentine monétaire, Carlos Menem, élu président en 1989, fait voter une loi de convertibilité. Celle-ci crée une nouvelle monnaie, apparaît peu soutenue et fortement volatile (cf. graphique 3). le peso, en parité fixe par rapport au dollar, dans un régime Cette instabilité reflète notamment les nombreux changements dit de « currency board » (caisse d’émission) qui requiert une en termes de politiques économiques mises en place par les couverture intégrale de la base monétaire en circulation par les différents gouvernements qui se sont succédés. Ainsi, sous la réserves de changes détenues à la Banque centrale. Si ce type dictature militaire (1973-1983), le modèle protectionniste de régime assure la transparence de la politique monétaire en argentin en vigueur depuis les années 1930 est remis en cause évitant la monétisation des déficits publics et réduit l’exposition au profit d’une forte libéralisation financière dans le but au risque de change, il augmente en contrepartie la dépendance d’attirer les capitaux étrangers. La décennie 1980 se caracté- du pays vis-à-vis de l’étranger, l’émission monétaire étant rise par une période de faibles performances économiques : conditionnée à l’entrée de devises dans le pays. Parallèlement, récessions, hyperinflation, déficits publics non maîtrisés et le gouvernement Menem procède également à de nombreuses augmentation du service de la dette, etc. privatisations d’entreprises publiques (électricité, gaz, poste, secteur pétrolier, etc.) et ouvre le marché argentin à la concur- rence externe (fin des restrictions aux importations). Les résul- Graphique 3 tats de cette politique sont dans un premier temps significatifs. L’inflation repasse sous la barre des 10 % à partir de 1992, avant Taux de croissance du PIB sur longue de s’établir à 4,2 % en 1994, tandis que la croissance écono- période (en %) mique, vigoureuse (entre 10,5 % en 1991 et 5,8 % en 1994), est ■ Taux de croissance Taux de croissance annuel moyen soutenue par l’afflux de capitaux étrangers. 15 10 Graphique 4 5 Taux d’inflation sur longue période (en %) 0 3 500 3 000 -5 2 500 -10 2 000 -15 1 500 81 84 87 90 93 96 99 02 05 08 11 14 17 20 20 19 20 19 19 20 19 19 20 20 19 19 1 000 Sources : FMI (WEO), calculs de l’auteur. 500 0 -500 80 84 88 92 96 00 04 08 12 20 19 19 19 19 20 19 20 20 Sources : INDEC, calculs de l’auteur. 8 © AFD / Macroéconomie & Développement / Septembre 2018
2 / Une croissance volatile et soumise à des changements de politiqués économiques En 1995, l’effet sur l’Argentine de la crise « Tequila » au Mexique peso argentin (AR$) et USD pour les dettes, et de 1,4 pour les (-2,8 % de croissance) témoigne de la sensibilité du pays aux dépôts), gel des prix des tarifs publics, mise en place d’une chocs externes et aux reflux de capitaux. À partir de 1997, le taxe sur les exportations, etc. [ 8 ]. Entre 2000 et 2002, le PIB se pays est à nouveau impacté par une série de chocs externes. contracte de 15 % et les conséquences sur le plan social sont Les crises asiatique et russe de 1997 et 1998 entraînent une majeures : le taux de chômage bondit à 21 % tandis que plus défiance des investisseurs étrangers et une augmentation du de 50 % de la population bascule sous le seuil de pauvreté. coût des emprunts externes pour les économies émergentes telles que l’Argentine. Parallèlement, la dépréciation de nom- Entre 2003 et 2007, l’activité économique retrouve du breuses monnaies d’Amérique latine face au dollar, la crise au dynamisme. Elle bénéficie d’un taux de change sous-évalué Brésil, principal partenaire commercial du pays, et la baisse des favorable aux exportations (stabilisé à 4 pesos pour un USD), prix des matières premières affectent le commerce extérieur ainsi que de termes de l’échange favorables au pays, d’une argentin. En 1999, l’Argentine connaît une récession de 3,5 % orientation à la hausse des prix des matières premières qui et les marchés financiers commencent à s’interroger sur à la représentent plus de 50 % des exportations du pays, de la soutenabilité de la trajectoire de sa dette publique. baisse significative du service de la dette externe suite à l’épisode de défaut. La croissance a également été soutenue En 2000, l’économie se contracte à nouveau (-0,8 %) tandis par une politique de relance très active de la consommation que la dette externe totale atteint 65 % du PIB. Au cours de et de soutien de la demande sous Kirchner : gel des tarifs cette année, la prime de risque sur les émissions obligataires publics, investissements publics, mise en place de nombreux argentines passe de 500 à 860 points de base, témoignant de programmes d’assistance sociale, etc. la méfiance grandissante des marchés financiers par rapport à la solvabilité de l’État. En décembre et afin de restaurer la À partir de 2008, l’économie commence à montrer d’importants confiance sur les marchés financiers internationaux, l’Argentine signes de surchauffe. En outre, la crise financière internationale conclut un accord avec le FMI, tandis que plusieurs bailleurs affecte négativement l’économie argentine via une baisse de la multilatéraux [ 7 ] s’engagent à soutenir le pays conditionnelle- demande mondiale adressée au pays. En 2009, l’économie se ment à la mise en place d’une combinaison de réformes de contracte de 5,9 %. Si le PIB rebondit dès 2010, la politique libéralisation financière et d’austérité budgétaire. budgétaire expansionniste menée par le gouvernement en- traîne l’apparition d’importants déficits publics, désormais En août 2001, une nouvelle ligne de crédit est accordée par essentiellement financés par de la création monétaire, ce qui le FMI, sous réserve de l’atteinte d’un solde budgétaire nul génère des tensions inflationnistes (en dépit des chiffres offi- en 2002. En décembre 2001, suite à d’importantes sorties ciellement publiés par l’INDEC). de capitaux menaçant la convertibilité entre peso et dollar, le gouvernement argentin instaure une mesure dénommée La période 2012-2015 se caractérise par un fort ralentisse- « el corralito » qui limite les retraits bancaires des particuliers ment de la croissance. L’inversion des termes de l’échange, à 250 dollars par semaine. Le 22 décembre 2001, le FMI refuse défavorable aux exportations argentines (chute des prix des de débloquer une nouvelle tranche de 1,2 Md USD du prêt matières premières, ralentissement des principaux partenaires conditionné, estimant que les engagements pris par le gouver- commerciaux), révèle l’ampleur des déséquilibres résultant nement en termes de finances publiques ne sont pas tenus. de la politique économique (taux de change surévalué, taux L’Argentine se déclare alors en défaut de paiement sur sa dette d’inflation élevé, déficits jumeaux générant une diminution externe pour un montant de 88 Mds USD, dont 93 % est des réserves de changes, etc.). Au cours de cette période, les détenue par des créanciers privés. En l’espace d’un mois, cinq autorités renforcent leur contrôle sur les différents champs présidents intérimaires se succèdent à la tête du pays, tandis de la sphère économique et maintiennent une politique éco- que l’état d’urgence économique est décrété. D’importants nomique de plus en plus insoutenable : contrôle des flux de changements de politiques économiques ont alors lieu : aban- capitaux et du marché des changes pour soutenir la politique don du système de caisse d’émission garantissant la parité de change (entraînant la création d’un marché des changes nominale entre dollar et peso, mise en place d’un régime de parallèle), nationalisation d’entreprises, introduction d’impor- change flottant administré, conversion des dettes et créances tantes barrières douanières, ponctions régulières dans les en devises de façon asymétrique (taux de change unitaire entre réserves de change, etc. [7] Le FMI octroie un prêt de 13,7 Mds USD, la Banque mondiale et la Banque interaméricaine de développement (BID), s’accordent sur un prêt de 5 Mds USD. [8] Pour plus de détails, lire Carluccio et Ramos-Tallada (2016). / Argentine : nouveau modèle, nouvelle dynamique ? / 9
L’élection de Mauricio Macri à la présidence de la République Graphique 6 à la fin de l’année 2015, après 12 ans de Kirchnerisme, consti- tue un nouveau tournant dans l’histoire économique de Évolution du PIB/habitant l’Argentine et marque le retour à une gestion plus libérale de par rapport à d’autres groupes de pays (en %) l’économie. Dès sa prise de fonction, le gouvernement Macri Argentine /PRITS Argentine /moyenne monde a mis en place de nombreuses réformes visant à réduire les Argentine /moyenne ALC (Amérique latine et Caraïbes) déséquilibres macroéconomiques hérités de l’administration 350 précédente (Carluccio et Ramos-Tallada, 2016). Alors que le FMI 300 (2017) estime que ces mesures devraient permettre de relever le potentiel de croissance à moyen terme de l’économie [ 9 ] 250 et d’en diminuer la volatilité, ces réformes n’ont pas encore 200 totalement porté leurs fruits. L’économie s’est contractée de 2,2 % en 2016 et a renoué avec une croissance modérée de 150 2,9 % en 2017. 100 La forte volatilité historique de la croissance se retrouve 50 dans l’évolution erratique du PIB par habitant du pays (cf. 0 graphique 5). Si le PIB par habitant a globalement progressé depuis trente-cinq ans, il a alterné entre phases de crois- 80 83 86 89 92 95 98 01 04 07 10 13 16 20 20 20 20 19 19 20 19 19 19 19 19 20 sance et de forte récession. En outre, celui-ci diminue tendan- ciellement depuis 2010. En comparaisons internationales, alors que le PIB par habitant de l’A rgentine était plus de trois Sources : Banque mondiale (WDI), calculs de l’auteur. fois supérieur à la moyenne des pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieur (PRITS) dans les années 1980, il s’est largement érodé au fil du temps illustrent de la faiblesse des 2.2. De faibles gains de productivité performances économiques récentes (cf. graphique 6). générant un déficit de compétitivité Graphique 5 Après la crise économique de 2001, l’Argentine a bénéficié de conditions externes favorables (prix élevé des matières PIB par habitant à prix constant de 2010 premières, augmentation de la demande mondiale) qui ont (en USD) permis de soutenir sa croissance. L’accélération de la croissance 12 000 ne s’est toutefois pas traduite par des gains de productivité. D’après les estimations réalisées par le CEP [ 10 ] et contrairement 11 000 aux données publiées par l’INDEC, la dynamique de croissance 10 000 du pays entre 1990 et 2015 a essentiellement été entretenue par l’accumulation du facteur capital et du facteur travail, alors 9 000 que la productivité totale des facteurs n’a quasiment pas pro- 8 000 gressé au cours de cette période. À l’exception des entreprises du secteur agricole dont les performances ont été relativement 7 000 bonnes [ 11 ] , l’ensemble de l’économie a souffert d’un déficit de 6 000 productivité (cf. graphiques 7 et 8). 5 000 80 84 88 92 96 00 04 08 12 16 20 20 19 19 19 19 20 19 20 20 Source : Banque mondiale (WDI). [ 9 ] Estimée par l’institution autour de 3 % (FMI, 2017). [10] Base de données ARKLEMS produite par le « Centro de Estudios de la Productividad ». Compte tenu du manque de fiabilité des données de comptabilité nationale produites par l’INDEC, les données de productivité publiées par ce centre de recherche font l’objet d’un consensus et sont reprises par les publications de l’OCDE et du FMI. [ 11 ] Notamment dans le secteur du soja qui a bénéficié d’un choc positif de productivité. 10 © AFD / Macroéconomie & Développement / Septembre 2018
2 / Une croissance volatile et soumise à des changements de politiqués économiques Graphique 7 L’absence de gains de productivité, qui grève le potentiel de croissance, a pour origine les nombreux verrous structurels Contribution des différents facteurs de l’offre pesant sur l’économie. Depuis le début de la décennie 1990, à la croissance (en %) la part de l’investissement dans le PIB est structurellement ■ Productivité totale des facteurs inférieure à 20 % du PIB, niveau insuffisant pour permettre ■ Contribution travail ■ Contribution capital une montée en gamme de la production vers des activités à 6 plus forte valeur ajoutée (cf. graphiques 9 et 10). Parallèlement, les entrées d’IDE (Investissements directs à l’étranger)sont 5 restées limitées à moins de 2% du PIB depuis 2011. 4 3 Graphique 9 2 Investissement (en % du PIB) 1 30 0 25 -1 20 1990-1998 2002-2015 1998-2015 1990-2015 15 Source : ARKLEMS. 10 5 Graphique 8 0 Évolution de la productivité des facteurs 80 83 86 89 92 95 98 01 04 07 10 13 20 20 20 19 19 20 19 19 19 19 19 20 (base 100 = 1993) Capital Travail Source : Banque mondiale (WDI). Productivité totale des facteurs 180 Graphique 10 160 Investissement en % du PIB – Comparaisons 140 régionales (moyenne 2002-2016) 120 25 100 20 80 15 60 10 90 92 94 96 98 00 02 04 06 08 10 20 19 19 19 20 20 19 20 19 20 20 5 Sources : ARKLEMS, calculs de l’auteur. 0 ili ne sil C ue bie Ch AL Bré nti xiq lom ge Me Co Ar Source : Banque mondiale (WDI). / Argentine : nouveau modèle, nouvelle dynamique ? / 11
Le déficit d’investissement s’explique notamment par la faiblesse • une mauvaise qualité des infrastructures, provenant notam- de l’épargne nationale dans une économie où le principal mo- ment d’un déficit d’investissement public, qui contribue teur de la croissance demeure la consommation. Il s’explique à des coûts logistiques élevés. Ainsi, selon le classement également par l’instabilité de l’environnement économique et établi par le World Economic Forum, l’Argentine a perdu politique ainsi que par un climat des affaires défavorable pour 62 places en termes de qualité des infrastructures, pour un pays de ce niveau de revenu, entraînant une défiance des se classer désormais 123 e. Les infrastructures de transport investisseurs privés pour les investissements en pesos. Ainsi, sont particulièrement défaillantes à l’extérieur des grandes le classement Doing Business de la Banque mondiale vient métropoles et dans les provinces les plus reculées comme sanctionner la faiblesse du climat des affaires en Argentine celles du nord-ouest du pays ; (cf. graphique 11). En 2017, le pays est classé 117 e sur 190, soit à un rang largement inférieur au classement moyen des pays • un discours souvent hostile des autorités, entre 2001 et 2015, vis-à-vis du secteur privé qui n’a guère contribué à encou- de la même tranche de revenu (94 e ) ou que d’autres pays rager les investisseurs. d’Amérique latine tels que le Mexique (47 e) ou la Colombie (53 e). Le climat des affaires est notamment impacté par : • les nombreuses barrières à l’entrée de nouvelles entreprises Graphique 11 sur le marché argentin et la complexité des procédures administratives de création d’entreprise. En outre, la création Classement Doing Business 2017 de nouvelles entreprises se heurte également à un niveau (rang sur 190 pays) élevé de corruption. Ainsi, l’indice de perception de la 140 corruption de Transparency International place l’Argentine 120 au 107 e rang sur 175 pays. D’après l’organisme, la corruption aurait coûté plus de 6,2 Mds USD à l’économie argentine 100 entre 2002 et 2015, affectant la qualité des services publics 80 et décourageant les investisseurs étrangers ; 60 • une concurrence déloyale qui se manifeste par une régula- 40 tion inefficace des marchés et des interventions arbitraires du gouvernement. Dans ce contexte, l’autorité de contrôle 20 des marchés a récemment été restructurée et une loi a 0 été votée au Congrès (2016), dans le but de renforcer ses ue bie ili ITS C ne sil Ch pouvoirs et son indépendance ; AL Bré xiq nti lom PR ge Me Co Ar • des rigidités sur le marché du travail. Celles-ci sont liées aux négociations salariales collectives par branches, susceptibles Source : Banque mondiale (WDI). d’imposer des niveaux de salaires élevés à des entreprises Note : Un rang élévé signifie un score faible. dont la productivité est plus faible que celle de la branche. Elles se manifestent également par l’importance des coti- La mise en place d’une stratégie d’import-substitution au cours sations sociales ; de la dernière décennie a accentué le déficit de productivité des entreprises, si bien que celles-ci souffrent d’un manque de compétitivité sur le marché international. En effet, l’administra- tion Kirchner a introduit de nombreuses barrières tarifaires et non tarifaires ainsi qu’un système de restriction de licences aux importations [ 12 ] . Combinée à une monnaie surévaluée et à un contrôle des changes, cette politique a permis au début l’émergence et le soutien d’une industrie liée au secteur de l’électronique sur le marché local protégé de la concurrence internationale (cf. graphique 12). [12] Sous Kirchner, les entreprises souhaitant importer devaient justifier d’un contenu local pour leur production ou d’une contribution aux exportations du pays. Ce mécanisme a été assoupli par la nouvelle administration, même si 1 600 produits restent soumis au système de licence aux importations. 12 © AFD / Macroéconomie & Développement / Septembre 2018
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