"Autonomie", le mot qui résonne fortement dans les outre-mer

La page est créée Nicolas Barbier
 
CONTINUER À LIRE
Par Sophie Nouaille

“Autonomie”, le mot qui résonne
fortement dans les outre-mer
Suite à l’agression mortelle d’Yvan Colonna qui a déclenché de violentes émeutes
urbaines en Corse, le gouvernement, par la voix de son ministre Darmanin, s’est
dit prêt “à aller jusqu’à l’autonomie” de l’île de beauté! Une proposition qui a une
forte résonance dans certains territoires ultramarins, notamment en Guyane où
des élus espèrent un même traitement pour leur territoire.

Alors que la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie ont acquis une certaine
autonomie et ont leur propre gouvernement, Mayotte, la Réunion, la Guadeloupe,
la Martinique et la Guyane sont des départements, et/ou des régions d’outre-mer,
parfois traversés par des envies de gagner en autonomie. Fin novembre, le
ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu avait d’ailleurs évoqué “la question de
l’autonomie” lors d’un déplacement en Guadeloupe, en pleine crise sociale aux
Antilles. En Guyane, la nouvelle mandature de la Collectivité a fait du changement
statutaire l’un de ses chevaux de bataille.

Des choix à faire
Près de 60 élus guyanais se réunissent ainsi samedi à l’hôtel de la Collectivité
Territoriale de Cayenne pour discuter de l’évolution statutaire du territoire. La
Collectivité souhaite travailler sur un statut sui generis, à la carte, et s’orienter
vers “le choix d’une Collectivité territoriale dotée de l’autonomie, dénommée
pays, dans le cadre de la Constitution”, selon le document envoyé aux participants
au congrès. Cependant, beaucoup de zones floues demeurent encore sur le cadre
législatif de ce nouveau statut, comme le mode de consultation de la population et
la question qui serait posée lors d’un éventuel scrutin pour entamer la transition,
qui doit être sans équivoque.

La Nouvelle Calédonie en soutien au
peuple corse
L’annonce du gouvernement a par ailleurs été saluée en Nouvelle-Calédonie et en
Polynésie, deux territoires qui disposent déjà d’une large autonomie, leur
permettant notamment d’être compétents en matière économique et sociale, de
politique de santé, enseignement scolaire, d’équipement et d’environnement. Le
président indépendantiste du Congrès de Nouvelle-Calédonie, Roch Wamytan, qui
a signé en octobre 2019 une convention de partenariat entre le Congrès de
Nouvelle-Calédonie et l’Assemblée de Corse a ainsi apporté vendredi son soutien
“à la lutte du peuple corse”, estimant que le statut du Caillou pourrait inspirer les
discussions sur l’autonomie de la Corse, dans une déclaration à l’AFP.

“Je ne suis pas tout à fait étonné de ce qui est arrivé (…) car c’est ce qui se passe
quand le pouvoir de tutelle ne veut pas discuter avec des peuples qui sont en lutte
pour leur identité, pour leur dignité, pour leur indépendance ou pour leur
autonomie”, a déclaré M. Wamytan, figure historique de la lutte kanak et de
l’Union Calédonienne (FLNKS). Les électeurs de Nouvelle-Calédonie ont voté trois
fois non à l’indépendance ces dernières années. Le troisième référendum du 12
décembre dernier, a été marqué par une victoire écrasante des partisans du
maintien dans la France (96,5%) après le refus des indépendantistes de participer
au scrutin.

L’autonomie, une étape transitoire ?
La Polynésie suit de près la situation en Nouvelle-Calédonie, qui pourrait
préfigurer une plus grande autonomie. “L’Etat ne compte pas du tout se
désengager. L’Etat s’est simplement engagé à discuter, pour calmer les masses”,
a tempéré le député indépendantiste de Polynésie, Moetai Brotherson, auprès de
l’AFP. “Entre être un département et une collectivité particulière, pour un
souverainiste, c’est un pas en avant. Mais l’autonomie doit être une étape
transitoire vers la pleine souveraineté. Elle peut être un piège: on n’est plus dans
les mouvements de décolonisation des années 60, on est dans un monde post
décolonisation où Macron dit +malheur aux petits, malheurs aux isolés+”,
soutient M. Brotherson.

“Des frères de lutte”
Le député indépendantiste qui assure que ses relations avec les indépendantistes
corses “ont toujours été chaleureuses, ce sont des frères de lutte, comme les
Kanaks par exemple”, estime que les Polynésiens ne peuvent que les conseiller,
“la décision appartient aux Corses”. Il prévient que “les Corses ont une haute
intelligence politique et ne se contenteront pas d’une autonomie de pacotille”. “Je
leur dis: ne faites pas comme nous en acceptant les compétences sans obtenir les
moyens. Ne vous laissez pas enfermer comme nous ad vitam aeternam dans ce
statut d’autonomie”, ajoute-t-il.

Sophie Nouaille avec AFP

Par Sophie Nouaille
Nouvelle-Calédonie : quel futur
statut pour ce territoire français ?
Construire un statut pour que la Nouvelle-Calédonie soit “une nation sans être un
Etat”, au sein de la République française, ou prolonger l’application de l’accord
de Nouméa pour éviter les conflits, les députés ont échangé leurs visions de
l’avenir du “caillou” jeudi à l’Assemblée.

Ce débat sur l’avenir institutionnel et politique du territoire, au lendemain de la
troisième consultation sur l’accession à l’indépendance, a été demandé par le
groupe UDI. La Nouvelle-Calédonie a refusé le 12 décembre de quitter la nation
française lors du troisième et dernier référendum de l’accord de décolonisation de
Nouméa, mais avec un taux d’abstention record car les indépendantistes kanak du
FLNKS avaient appelé à ne pas s’exprimer lors de ce scrutin.

Un référendum qui ne compte pas ?
Ils ont donc annoncé qu’ils ne reconnaissaient pas le résultat et ne s’engageraient
pas dans des discussions avec le gouvernement actuel avant l’élection
présidentielle. “Le calendrier que vous avez ouvert n’engage en rien les
indépendantistes, qui veulent une transition plus longue”, a également déclaré
jeudi le député polynésien Moetai Brotherson, qui a indiqué se faire “porte parole
des kanak”, en évoquant un “vote de recolonisation”.

Un refus d’indépendance trois fois
confirmé
“Nous sommes dans l’obligation de considérer que l’accord de Matignon n’a pas
fini son travail”, a assuré pour sa part le candidat LFI à la présidence, Jean-Luc
Mélenchon, qui envisage de “reconduire encore pour dix ans la situation qui était
prévue par le contrat de l’accord de Nouméa, c’est-à-dire tout faire pour qu’on
évite la confrontation”.

Le ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu a assuré qu’il “faudra(it) du temps
pour prendre la juste mesure de l’abstention massive des partisans de
l’indépendance” mais a ajouté que, pour son gouvernement, le “respect pour la
parole donnée dans l’accord de Nouméa (…) conduit à constater le refus, trois fois
confirmé, de l’indépendance. Et ce, dans un clivage binaire marqué”.

“Une souveraineté qui restaure leur
dignité”
C’est ce clivage que le député UDI de Nouvelle-Calédonie Philippe Gomès veut
dépasser en proposant aux indépendantistes de “construire collectivement une
autre voie: parachever le processus de décolonisation engagé et libérer ainsi le
pays des référendums sur l’indépendance”. “Chacun sait que si l’arithmétique
électorale est un fait politique, elle ne peut constituer – à elle seule – dans notre
pays, une solution politique. C’est le consensus en Océanie qui constitue le socle
des décisions politiques à l’instar des accords de Matignon et de Nouméa”, a-t-il
expliqué.

“Nous devons entendre les attentes des non-indépendantistes qui considèrent que
si la trajectoire d’émancipation doit se poursuivre, elle doit se faire +sous la
protection de la France+”, tout en choisissant aussi “de répondre à l’attente de la
moitié du pays pour laquelle l’accession à une forme de souveraineté mettrait un
point final à la prise de possession par la France en 1853 de cet archipel”, a
estimé le député UDI, en prônant “une souveraineté qui restaure leur dignité”.

“Une nation sans être un Etat” ?
Pour Philippe Gomès, “on peut être une nation sans être un État”. Une
déclaration saluée par Jean-Luc Mélenchon, qui a “entendu l’état d’esprit
extrêmement ouvert” du député Gomès. “Je mesure toute l’évolution qu’a été
celle de toute la partie non-indépendantiste de la Calédonie au cours des
quarante années qui viennent de s’écouler car avant vous, on ne parlait pas
comme ça”, s’est-il réjoui. La députée Maina Sage a par ailleurs demandé à M.
Lecornu, au nom du gouvernement polynésien, que la Polynésie soit “associée à
ces discussions car cela a aussi des répercussions sur le plan régional, sur
l’organisation de nos territoires français du Pacifique”.

La Polynésie française est revenue sur la liste des pays “non-autonomes” de
l’ONU en 2013, après en avoir été enlevée en 1947.

Sophie Nouaille avec AFP

Par Fausto Munz

Référendum      en   Nouvelle-
Calédonie : ceux qui ont voulu
rester français
Le territoire reste sous le drapeau français. Avec 96,5 % des voix, le « non » à
l’indé p endance remporte une victoire flatteuse mais relative. Les
indépendantistes, en majorité protestants, ne se sont pas rendus aux urnes. Une
abstention massive, qui témoigne de la division de la population.

Le score est sans appel : 96,5 % de voix défavorables à l’indépendance de la
Nouvelle-Calédonie. Ce résultat vient clore la série de trois consultations prévues
par les accords de Nouméa de 1998, pour décider du futur statut institutionnel de
la collectivité française. Le 4 novembre 2018, le premier référendum s’était soldé
par une victoire du « non » à 56,7 %. Deux ans plus tard, l’écart se
resserrait : 53,3 % des électeurs refusaient l’indépendance. Lors de cette
troisième consultation, le « non » progresse donc de plus de quarante points. Le
signe d’un revirement drastique de l’opinion ? Pas vraiment. Pour ce dernier
référendum, une très large part des partisans du « oui » sont restés à la maison.

Cette abstention n’est pas une surprise. Depuis le mois d’octobre, le Front de
libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) a exorté ses partisans à ne pas
participer à l’élection. Un appel largement suivi par le camp indépendantiste,
ainsi que par la majorité de la communauté protestante, qui soutient depuis
plusieurs décennies les revendications identitaires du peuple kanak.

« Le mot d’ordre était donné depuis plusieurs semaines, précise Var Kaemo,
président de l’Église protestante de Kanaky Nouvelle-Calédonie (EPKNC). Nous
avons exigé un report du référendum pour respecter le deuil de la population
kanak, profondément meurtrie par ses nombreux décès dus au Covid. » Une
demande que le Conseil d’État a rejeté ce mardi 7 décembre, expliquant que le
contexte sanitaire n’empêchait pas le bon déroulement du vote. « Les forces
politiques loyalistes ont joué un match de foot toutes seules », déplore Var
Kaemo, au regard du taux d’abstention record de 56,13 %. Au final, les anti-
indépendantistes l’emportent et la Nouvelle-Calédonie demeure un territoire
français. La division du peuple néo-calédonien, elle, est encore accentuée.

Les chrétiens partagés
La majorité de la communauté protestante a suivi les consignes de vote de
l’EPKNC. Mais toutes les Églises ne s’aventurent pas sur ce genre de terrain.
« L’Église protestante libre est moins marquée politiquement, explique un
dirigeant des Assemblées de Dieu en Nouvelle-Calédonie. Il en va de même des
Églises pentecôtistes et baptistes, dont le souci majeur est la propagation de
l’Évangile. Elles s’interdisent formellement toute allusion politique publique. »

Var Kaemo ne partage pas cette vision. « À l’EPKNC, nous ne sommes pas une
communauté à part comme les baptistes : on est intégré à 100 % dans les réalités
politiques du pays, on porte la voix du peuple devant les autorités coutumières et
politiques, argumente le dirigeant de la principale Église protestante. Il ne faut
pas oublier que les premiers partis politiques kanak, qui émergent après la
Seconde Guerre mondiale, ont été créés par des pasteurs français avec la création
de l’Association des indigènes calédoniens et loyaltiens français (AICLF). »
Le président de l’EPKNC rappelle habilement comment la culture protestante a
imprégné l’histoire et la politique kanak. En 1947 les protestants créaient
l’AICLF, et les catholiques, l’Union des indigènes calédoniens amis de la liberté
dans l’ordre (UICALO), les deux piliers de l’Union calédonienne qui sera la
principale force politique du territoire jusqu’aux années 1970. Avec une
différence notoire : ces partis ne réclamaient pas l’indépendance de la Nouvelle-
Calédonie, mais bien une forme d’autonomie, tout en demeurant sous le drapeau
français. « Avant la chrétienté était du côté des loyalistes. Mais aujourd’hui, on ne
voit plus ce côté-là, affirme Yene Malakai, membre de l’Église sans frontière.
L’EENCIL (ancien nom de l’EPKNC) s’est rangée du côté indépendantiste dès
1979. Elle a d’ailleurs réaffirmé son engagement nationaliste en changeant de
nom en 2013, pour rajouter le K de Kanaky dans son sigle EPKNC. »

Aujourd’hui, la majorité de la communauté protestante est acquise à la cause
indépendantiste. Cependant, une partie des membres ne se retrouvent plus dans
le discours de plus en plus radical de certains dirigeants. « Quand j’étais petite,
j’allais à l’Église avec des Mélanésiens, des Tahitiens, des métropolitains… Toutes
ethnies confondues, raconte Sidina Gope, artiste protestante également membre
de l’Église sans frontière. Aujourd’hui, le positionnement plus en plus ferme de
l’Église a beaucoup divisé. Son discours devient exclusif, ceux qui ne sont pas
positionnés clairement ne se sentent plus à leur place. L’union des peuples est en
train de s’effriter. »

Objectif réconciliation
Au lendemain de la victoire du « non », les divisions politiques, communautaires
et ethniques n’augurent rien de bon. Pour que la Nouvelle-Calédonie construise
un futur serein, le retour à l’unité apparaît comme la priorité. « Dans ce contexte
sensible, les chrétiens pourraient montrer l’exemple, déclare Sidina Gope. Il faut
montrer que le destin commun est possible. Sur les réseaux sociaux, on voit du
racisme, de la haine, il n’y a plus de dialogue. En tant que chrétiens, nous devons
devenir la lumière que Jésus nous appelle à être. On peut discuter avec un
loyaliste, il faut laisser son orgueil de côté et accueillir l’autre. »

Les Églises protestantes sont bien conscientes de cet impératif. « Dans la semaine
précédant le scrutin, le Comité des sages, composé d’une douzaine de
personnalités publiques du monde religieux, associatif et politique, s’est réuni
avec le haussaire (corps préfectoral de Nouvelle-Calédonie, NDLR), dans le but de
construire une équipe et une stratégie pour s’occuper de la partie “réconciliation
et pardon” », informe Var Kaemo. Pour le président de l’EPKNC, le salut ne
viendra pas du développement économique, mais bien de celui du vivre-ensemble.
« Pour nous, le plus important, c’est de former ce que le pasteur Maurice
Leenhardt (missionnaire arrivé en 1902 ayant laissé un héritage considérable sur
l’île, NDLR) appelle “Do Kamo”. Le concept, c’est l’homme capable de résilience,
pour rebondir après les épreuves. Il s’agit de retrouver l’humain authentique en
chacun de nous pour tisser le lien social, et reprendre la marche en avant,
explique le pasteur. On a déjà lancé la réflexion dans les Églises, avec les
protestants présents au gouvernement… C’est par là qu’il faut commencer le
travail. »

Une piste intéressante pour réconcilier les communautés… Mais pas sûr que cela
fonctionne dans le cadre d’un dialogue avecParis. Les dirigeants indépendantistes
ont déjà préféré ne pas assister à l’arrivée du ministre des Outre-mer Sébastien
Lecornu, qu’ils jugent trop proche du camp anti-indépendantiste. En outre, ils
refusent tout contact officiel avec l’exécutif, estimant que ce troisième
référendum aurait dû être reporté pour raison sanitaire. Les discussions seront
pourtant nécessaires, alors que s’ouvre une transition de dix-huit mois, qui doit
permettre de forger un nouveau statut juridique, mais aussi un projet de société
pour la Nouvelle-Calédonie. Dans le contexte d’une division sociale mais aussi
d’une situation financière calamiteuse, avec les défaillances de l’industrie du
nickel, ressource essentielle de l’île, et avec les difficultés liées à la pandémie, le
retour du dialogue est urgent.

Lire également :

  L’influence de l’Église protestante de Kanaky Nouvelle-Calédonie dans la
  société

  Nouvelle-Calédonie : “Éviter que les vaincus soient humiliés”, entretien avec
  Frédéric Rognon
Indépendance de la Nouvelle-Calédonie : retour sur 30 ans de négociations

Par Jean-Luc Mouton

En    Nouvelle-Calédonie,                                                    un
référendum pour rien
Un éditorial de Jean-Luc Mouton, directeur de Réforme.

Le résultat était attendu, il s’est confirmé. Les Néo-Calédoniens ont clairement
opté pour le maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la France, à 96,5 % des
voix. Mais que vaut un tel résultat quand plus de la moitié du corps électoral s’est
volontairement abstenue ?

Le gouvernement est évidemment fondé à soutenir que ce référendum est
légalement valide. Rien ne peut être opposé en droit à son verdict. Malgré les
craintes, au vu de l’important dispositif militaire pour sécuriser le scrutin, tout
s’est déroulé dans le calme et la paix. Dont acte. Mais qu’en est-il au plan
politique ? Le président du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, indépendantiste, a
tranquillement déclaré ce référendum « nul et non avenu ». Ainsi, au lendemain
d’un processus de trente ans, entamé à la suite des accords de Matignon pour
favoriser la construction d’un « destin commun », il n’en ressort ni perdants, ni
gagnants.

L’Église protestante de Kanaky Nouvelle-Calédonie (EPKNC), majoritairement
kanak, n’a jamais remis en cause le bien-fondé de ce référendum, mais a regretté
la date retenue. Pour cette Église-sœur, le manque de sérénité dans lequel il
risquait de se dérouler et l’impact considérable de la crise sanitaire sur l’île ne
pouvaient conduire qu’à reporter ce scrutin. Cette demande était-elle vraiment
irrecevable ? Fallait-il à tous prix conclure avant l’échéance présidentielle ?

Des défis économiques, sociaux, sanitaires
Le président de la République a évoqué une « France plus belle » avec la
Nouvelle-Calédonie en son sein. Sauf que « le nombre de personnes sous le seuil
de pauvreté, le taux de mortalité par accidents de la route (dus à des
consommations records d’alcool et de cannabis), le nombre de violences sur les
femmes et l’état de santé d’une population où sévissent obésité et diabète
seraient de nature à rendre la France plutôt laide », témoigne Gilles Vidal,
professeur à la faculté de théologie de Montpellier et ancien envoyé de la Cevaa
en Nouvelle-Calédonie.

Au crédit du processus de Matignon initié par Michel Rocard, il faut compter la
disparition des haines ethniques. Mais la jeunesse, à quelque ethnie qu’elle
appartienne, affronte plus ou moins les mêmes « galères ». À côté des grandes
questions idéologiques liées à la (dé)colonisation et la reconnaissance des
spécificités océaniennes, c’est aussi sur leur capacité à résoudre ces problèmes-là
que sont jugés les responsables politiques, économiques locaux, ainsi que l’État.

Dans ce contexte, l’absence de vrai dialogue est non seulement une faute
politique mais aussi un gâchis moral et spirituel. L’État et les acteurs néo-
calédoniens ont encore le temps de parvenir à un accord politique sur un nouveau
statut pour le territoire, à condition, cette fois, que chaque voix soit entendue et
comptée.
Par Rédaction Réforme avec AFP

Nouvelle-Calédonie : “Les rêves
tristes d’une indépendance se sont
brisés”
Les Calédoniens ont majoritairement voté “non”, dimanche 12 décembre, lors du
troisième référendum pour l’indépendance.

La présidente de la province sud de Nouvelle-Calédonie, Sonia Backès, figure du
camp loyaliste, a estimé que “les rêves tristes d’une indépendance se sont brisés”,
invitant les indépendantistes “à construire un nouveau projet” après la victoire
écrasante du “non” dimanche 12 décembre à l’indépendance. “Ce soir la
Nouvelle-Calédonie reprend enfin son souffle. L’accord de Nouméa (1998) est
terminé (…) Nous avons décidé en notre âme et conscience de rester français. (…)
Ce n’est plus négociable. Et c’est ça le sens de l’histoire !”, a lancé Sonia Backès,
lors d’une déclaration solennelle devant ses partisans, après la victoire du non à
96,49%.

“Cette volonté s’est traduite trois fois dans les urnes dans des scrutins
incontestables. Les rêves tristes d’une indépendance au prix de la ruine, de
l’exclusion et de la misère se sont brisés sur le récif de notre âme de pionniers, de
notre résilience, de notre amour pour notre propre terre”, a-t-elle poursuivi, à
l’issue d’une scrutin marqué par la très forte abstention des indépendantistes.

“Nouvelle ère”
La participation s’établit à 43,90%, en chute libre par rapport aux deux premiers
référendums, remportés en novembre 2018 et octobre 2020 par les pro-France
avec respectivement 56,7% puis 53,3% des suffrages. “Cette nouvelle ère qui
s’ouvre constitue une occasion unique de réinventer notre modèle de société. Un
projet qui fédère autour des valeurs de la République et de celles de la Nouvelle-
Calédonie. J’appelle mes amis indépendantistes à la construction de ce projet”, a
également déclaré Sonia Backès, qui a mené campagne au sein d’une coalition
loyaliste baptisée “Les Voix du Non”.

De son côté, le député Philippe Gomes, dont le parti de centre droit Calédonie
ensemble ne fait pas partie de cette coalition, a estimé qu’il s’agissait de la
“chronique d’un résultat annoncé”. “Ce référendum est un fait politique comme
les deux précédents à la différence que les indépendantistes n’ont pas participé.
Mais sur la base de ce fait politique, il faut désormais construire une solution
politique entre non indépendantistes et indépendantistes”, a-t-il plaidé.

“Mon sentiment ce soir est celui d’une immense responsabilité”, a ajouté le
parlementaire, souhaitant que “la Nouvelle-Calédonie ne soit pas mise en stand-
by” jusqu’à l’élection présidentielle d’avril 2022. “Le temps nous est compté”, a-t-
il dit alors qu’un référendum de projet doit avoir lieu d’ici juin 2023, à l’issue
d’une période de transition, destinée à élaborer un nouveau consensus entre les
acteurs calédoniens et l’État. Lundi, les indépendantistes ont fait savoir, dans un
communiqué, qu’ils “ne reconnaissent pas la légitimité” du référendum.
Par Louis Fraysse

Référendum sur l’indépendance :
la Nouvelle-Calédonie à la croisée
des chemins
Le troisième et dernier scrutin portant sur l’indépendance du territoire doit avoir
lieu dimanche 12 décembre. Mais la plupart des organisations indépendantistes
appellent à ne pas y participer.

Jeudi 29 novembre, à zéro heure, la campagne officielle du troisième référendum
d’autodétermination de la Nouvelle-Calédonie s’est ouverte. Elle doit s’achever
vendredi 10 décembre à minuit (heure locale), à l’avant-veille du scrutin. Ce
dernier, qui a lieu un an seulement après le deuxième vote, et trois après le
premier, en octobre 2018, se déroule dans une atmosphère particulièrement
tendue.

Le 20 octobre dernier, les principales formations indépendantistes ont en effet
annoncé qu’elles refusaient de participer au référendum s’il était maintenu à la
date du 12 décembre, et qu’elles ne reconnaîtraient pas son résultat. Elles
appellent à le reporter à septembre 2022, après l’élection présidentielle française.
En cause, la situation sanitaire : d’abord épargnée par la pandémie, la Nouvelle-
Calédonie a subi de plein fouet une vague de contaminations en septembre, qui a
causé la mort de près de 300 personnes – l’archipel compte quelque 271 000
habitants. « Pour cette dernière consultation, nous confirmons notre appel à ne
pas participer au scrutin du 12 décembre, puisqu’à notre sens les conditions
humaines et politiques ne sont pas réunies », a réitéré mardi 30 novembre le
Comité stratégique indépendantiste de non-participation, qui rassemble
l’essentiel des formations indépendantistes.
Coutume kanak
Dans une lettre commune du 2 décembre adressée à Emmanuel Macron et à
Sébastien Lecornu, ministre des Outre-mer, la Fédération protestante de France
et l’Église protestante unie de France ont souhaité relayer les interpellations de
leur « Église-sœur et partenaire », l’Église protestante de Kanaky Nouvelle-
Calédonie (EPKNC, qui a pris position pour l’indépendance en 1979 et dont la
grande majorité des fidèles sont kanak). « L’EPKNC insiste sur le fait que la crise
sanitaire et les nombreux décès liés à la pandémie de Covid ont eu pour
conséquence de perturber les cérémonies religieuses et coutumières liées au
deuil, qui ont, dans la culture kanak, une signification sociale essentielle, rapporte
le texte. (…) L’impossibilité de pratiquer les rites dans les règles augmente non
seulement le climat d’instabilité, mais alimente le sentiment de ne pas être
pleinement reconnu dans la singularité de sa culture, voire d’être méprisé. »

« La non-participation est un droit en démocratie », a pour sa part déclaré
Sébastien Lecornu le 14 novembre dernier sur Europe 1, avant d’ajouter que le
scrutin n’en serait pas moins « légitime au sens juridique du terme ». Le ministre
a également invité à « examiner les résultats des trois référendums dans leur
ensemble ». Dans un communiqué paru le 21 octobre, « Les voix du non »,
l’organisation qui rassemble les opposants à l’indépendance, a dit déplorer « que
le FLNKS (Front de libération national kanak et socialiste, indépendantiste,
NDLR) instrumentalise la situation pour justifier d’un report du référendum ». Le
texte poursuit : « Cela fait désormais trente ans que la Nouvelle-Calédonie a
rendez-vous avec son histoire et chacun a eu déjà beaucoup de temps pour
défendre sa vision de l’avenir, en particulier ces trois dernières années. Le
12 décembre faisons en sorte de clôturer la page de l’accord de Nouméa et d’en
écrire une nouvelle. »

Le contexte géopolitique
Pour rappel, le premier référendum, qui a eu lieu le 4 novembre 2018, avait vu le
« non » l’emporter à 56,7 % (contre 43,3 % de « oui »). Lors du deuxième, deux
ans plus tard, l’écart s’était resserré : le « non » était arrivé en tête avec 53,3 %
des voix, pour 46,7 % de « oui ». Quoi qu’il en soit, l’éventualité d’une forte
abstention lors du prochain scrutin n’augure rien de bon. « Quelle sera la valeur
politique de ce vote si toute une partie de la population n’y participe
pas ? s’interroge l’historienne Sarah Mohamed-Gaillard, spécialiste de l’Océanie à
l’Institut national des langues et civilisations orientales. On ne peut pas envisager
de “destin commun” sans l’adhésion de l’ensemble de la population. »

La chercheuse s’inquiète de la « recristallisation » des divisions politiques. Des
divisions qui, si elles n’avaient pas disparu avec les accords de Matignon de 1988,
ont ressurgi depuis le premier référendum. « Certes, tout n’était pas parfait, mais
l’effort de dialogue était réel depuis plusieurs décennies, et la Nouvelle-Calédonie
risque de faire un pas en arrière, redoute Sarah Mohamed-Gaillard. L’un des
problèmes est que la question posée lors du référendum entraîne une réponse
binaire, or la situation est infiniment plus complexe, et la revendication de
souveraineté du peuple kanak n’est pas soluble dans le temps. Elle se poursuivra
tant qu’il y aura des Kanak et ne peut pas être évacuée par un vote. »

Une crainte supplémentaire, confie l’historienne, serait que la Nouvelle-Calédonie
soit instrumentalisée lors de la campagne présidentielle en métropole, dans un
contexte géopolitique de tensions avec la Chine, où le territoire est perçu comme
un maillon important dans la stratégie « indopacifique » française. « Après le
12 décembre, l’enjeu principal sera de maintenir le dialogue et d’éviter les
humiliations, glisse Sarah Mohamed-Gaillard. Dans tous les cas, quel que soit le
vainqueur, une période de reconstruction sera nécessaire. »

Lire également :

  Nouvelle-Calédonie : “Éviter que les vaincus soient humiliés”, entretien avec
  Frédéric Rognon

  Indépendance de la Nouvelle-Calédonie : retour sur 30 ans de négociations

  Nouvelle-Calédonie : retour sur les accords de Matignon-Oudinot
Par Rédaction Réforme

Il était une fois la Nouvelle-
Calédonie
La France aux antipodes revient sur l’histoire de la Nouvelle-Calédonie.

L’archipel aux antipodes de la France ne nous est pas étranger : le protestantisme
est majoritaire au sein de la communauté kanak de la Nouvelle-Calédonie. Fin
1988, en plein drame de la colonisation, le président de la Fédération protestante
de France, le pasteur Jacques Stewart, est l’un des médiateurs de la mission de
réconciliation dépêchée sur place. Fin 2021, un troisième référendum se
prononcera sur l’indépendance du territoire.

Une histoire complexe
L’histoire récente de cette île est l’aboutissement de longues périodes de
conflit et de malentendu. Complexe, fascinant, le passé du “Caillou” reste
largement méconnu. Signé par un historien de l’Océanie francophone, l’ouvrage,
synthèse générale de l’histoire de la deuxième colonie de peuplement de l’Empire
français après l’Algérie, répare cette lacune.
Albert Huber

Frédéric Angleviel, La France aux antipodes. Histoire de la Nouvelle-
Calédonie, Vendémiaire, 2018, 396 p., 25 €.

Par Louis Fraysse

Nouvelle-Calédonie : “Éviter que
les vaincus soient humiliés”,
entretien avec Frédéric Rognon
Le troisième et dernier référendum portant sur l’indépendance du territoire aura
lieu d’ici à 2022. Comment envisager dès à présent l’après-scrutin ? Entretien
avec le philosophe Frédéric Rognon, professeur à la Faculté de théologie
protestante de l’université de Strasbourg.

« Renouer le dialogue multilatéral ». C’est ainsi que Sébastien Lecornu, le
ministre des Outre-mer, a résumé l’objectif des discussions entre loyalistes et
indépendantistes néo-calédoniens à Paris, qui doivent s’achever le 3 juin. Après
les deux référendums de novembre 2018 et octobre 2020, qui se sont soldés par
une victoire des loyalistes, un troisième et dernier vote sur l’indépendance doit se
tenir au plus tard en septembre 2022. Dans un document de 44 pages, le
gouvernement français a mis noir sur blanc les nombreuses interrogations qui
subsistent pour l’après-référendum en cas de victoire du « oui » ou du « non ». Fin
connaisseur du territoire, où il a vécu plusieurs années, le philosophe Frédéric
Rognon répond aux questions de Réforme.

L’accord de Nouméa, signé en 1998, souligne le « destin commun » des
habitants de Nouvelle-Calédonie. Ce destin commun sera-t-il encore viable
quand les urnes auront définitivement tranché en faveur ou non de
l’indépendance ?

Si cette expression a fait florès, c’est précisément parce qu’elle est ambiguë. Elle
ouvrait à la fois la porte à la possibilité d’une indépendance et au maintien au sein
de la France. Ce concept, de plus, était limité dans le temps. Il est le fruit de
l’accord de Nouméa, qui prévoyait qu’un premier référendum portant sur
l’indépendance devait avoir lieu au plus tard vingt ans après sa ratification.
Qu’adviendra-t-il de lui après le troisième et dernier référendum ? C’est tout
l’enjeu de l’après-scrutin…

Lors du vote d’octobre 2020, 53,3 % des votants se sont prononcés pour le
« non » à l’indépendance, contre 46,7 % pour le « oui ». Que le « oui » ou le
« non » l’emportent lors du prochain vote, ce ne sera vraisemblablement
qu’à une faible majorité. Quelles en sont les conséquences ?

L’acceptation de la défaite électorale est au cœur de l’exercice démocratique.
Mais à la différence d’une élection classique, où l’on peut toujours espérer une
future alternance, le résultat du prochain référendum sera définitif. Si
l’indépendance est actée, il n’y aura pas de retour en arrière ; si le « non »
l’emporte, le maintien au sein de la France sera validé pour longtemps. Voilà
pourquoi il est absolument essentiel de prendre en compte la minorité défaite,
quelle qu’elle soit. Comme on l’a vu ces dernières années avec les dérives des
démocraties dites « illibérales », en Hongrie ou en Pologne notamment, on ne peut
pas résumer l’exercice démocratique à la seule tenue d’élections libres, au seul
bon vouloir de la majorité. Le défi est d’éviter à tout prix que les vaincus soient
humiliés, car ce faisant, on ne fait que nourrir la souffrance, on entretient le
ressentiment et la défiance entre les uns et les autres.

Vous insistez beaucoup sur ce risque d’humiliation…
Il est d’autant plus fort que la question de l’indépendance, chez les Kanak, est une
question largement identitaire. Il serait vain de sous-estimer la force du
nationalisme kanak, entretenu par la tradition orale, qui rappelle et raconte les
souffrances subies lors de la période coloniale. L’indépendance, pour beaucoup de
Kanak, relève presque du vital, de la dignité même de leur peuple ; les
indépendantistes ne veulent tout simplement plus avoir à subir les décisions des
autres. L’indépendance, dans cette optique, ne signifierait pas pour autant une
rupture définitive avec la France. Les indépendantistes ne sont pas dupes, ils
savent bien que la Nouvelle-Calédonie sera toujours dépendante de ses
partenaires économiques, et en premier lieu l’Hexagone. Mais comme le disait le
dirigeant indépendantiste Jean-Marie Tjibaou, « la souveraineté, c’est la capacité
à négocier les interdépendances ». De décider pour soi, en d’autres termes.

Comment faire pour prévenir l’humiliation des vaincus ?

L’accord de Nouméa prévoit qu’en cas de victoire du « non » lors du troisième
référendum, toutes les parties se retrouvent le lendemain pour discuter ensemble
de l’avenir. C’est un premier garde-fou. D’autre part, un « comité des sages » a
été mis en place en 2017. Constitué de personnalités locales très respectées et de
différents bords politiques, son rôle est de garantir la bonne tenue de la
campagne et de réguler d’éventuels dérapages dans le débat public. Sur un plan
plus individuel, chacun peut également veiller à faire attention aux mots qu’il
utilise ; on peut célébrer une victoire, mais sobrement, sans chercher à moquer, à
écraser l’autre.

Enfin, je suis persuadé que les Églises ont un rôle très important à jouer à ce
sujet. Leur influence est grande dans le débat sociétal, elles sont consultées,
respectées, s’expriment régulièrement dans les médias. Surtout, elles se sont
engagées à agir pour éviter à tout prix les humiliations. C’est notamment le cas
de l’Église protestante en Kanaky Nouvelle-Calédonie, qui a pris position en 1979
pour l’indépendance, mais n’a cessé d’insister depuis sur la nécessité de garantir
la non-violence et le respect de la dignité des vaincus.

Propos recueillis par Louis Fraysse

Pour aller plus loin :
Frédéric Rognon, Maurice Leenhardt. Pour un « destin commun » en Nouvelle-
Calédonie, Olivétan, 2018, 216 p., 16 €.

Lire également :

 Nouvelle-Calédonie : le troisième référendum d’indépendance aura lieu le 12
 décembre 2021

 Nouvelle-Calédonie: l’avenir politique de l’archipel en discussion à Paris

 Nouvelle-Calédonie : Jean Castex accueille les responsables politiques
 indépendantistes et loyalistes

 Indépendance de la Nouvelle-Calédonie : retour sur 30 ans de négociations

 Nouvelle-Calédonie : retour sur les accords de Matignon-Oudinot

 Nouvelle Calédonie: les protestants accompagnent le processus de
 décolonisation
Par Rédaction Réforme

Nouvelle-Calédonie : le troisième
référendum d’indépendance aura
lieu le 12 décembre 2021
Cette importante annonce a été faite après une semaine de discussions entre
loyalistes et indépendantistes à Paris.

Le troisième et ultime référendum d’autodétermination en Nouvelle-Calédonie,
décisif pour le sort institutionnel du territoire, aura lieu le 12 décembre 2021, a
annoncé le gouvernement mercredi 2 juin. La date de ce scrutin qui doit décider
si la Nouvelle-Calédonie restera française ou deviendra indépendante était une
pierre d’achoppement entre indépendantistes, plaidant pour un référendum après
la présidentielle de 2022, et loyalistes, qui souhaitaient que l’échéance arrive le
plus rapidement possible.

“Nous considérons que l’intérêt général commandait de faire cette consultation
référendaire le plus rapidement possible […] aussi le gouvernement de la
République convoquera les électeurs de la liste électorale concernés par cette
consultation le 12 décembre 2021”, a tranché le ministre des Outre-mer Sébastien
Lecornu à l’issue du conseil des ministres.

Une “période de convergence”
M. Lecornu a souligné que “cette date ne fait pas l’objet d’un consensus”.
“Néanmoins il y a une convergence des parties prenantes pour que la fin de cet
accord de Nouméa soit sécurisé, il apparaît que le faire le plus rapidement
possible est une des manières, pas la seule, mais est une des manières de la
sécuriser”, a-t-il ajouté. Le ministre a également précisé le calendrier d’après
référendum: “Que le oui l’emporte, que le non l’emporte”, au lendemain de ce
référendum, s’ouvrira une période “de convergence, de discussions et de
stabilité” jusqu’au 30 juin 2023.

“Nous avons mis sur la table une méthode grâce à laquelle les parties en présence
devront s’accorder pour préparer le jour d’après. Nous avons proposé que cette
phase préparatoire s’achève d’ici le 30 juin 2023, et ce calendrier a reçu l’aval de
l’ensemble des parties”, a précisé le Premier ministre Jean Castex devant le
Sénat. Si le oui l’emporte, “il faudra bien prendre ce temps jusqu’en 2023 pour
clarifier le lien entre la République française et le nouvel État indépendant”, a
souligné M. Lecornu, en précisant qu’il y aurait alors “une première consultation
référendaire pour que le nouvel État puisse arrêter sa Constitution”.

Dissensions entre indépendantistes et
loyalistes
De l’autre côté, si le non l’emporte, l’accord de Nouméa étant caduc, “il faudra
bien dessiner un chemin nouveau pour les institutions de Nouvelle-Calédonie”, a-
t-il poursuivi. “Et quoi qu’il arrive, il y aura une quatrième consultation
référendaire”, ou a-t-il corrigé ,”une première consultation référendaire, d’une
nouvelle ère post-Nouméa”.

L’Union calédonienne (UC), seule branche du FLNKS présente aux discussions,
avait rappelé mercredi matin dans un communiqué que “la position de l’État ne
nous engage pas, elle n’a pas été validée par notre délégation”.

“Je me réjouis que la position constante des Républicains, conforme à la volonté
exprimée par nos élus calédoniens, ait été entendue et retenue par Emmanuel
Macron”, a réagi dans un communiqué le président des Républicains Christian
Jacob. Le sénateur loyaliste Pierre Frogier (LR) avait la semaine dernière déclaré
que “dans la mesure où ce référendum n’a pas lieu le plus tôt possible, c’est-à-
dire avant l’échéance présidentielle, cela voudra dire que ce gouvernement aura
basculé dans le camp des indépendantistes”.
Les conséquences pratiques du vote
Les discussions menées depuis le 26 mai ont permis aux deux camps d’envisager
ensemble les conséquences pratiques du vote, quel que soit le résultat. Même en
cas de nouvelle victoire du non à l’indépendance, il s’agirait pour les acteurs
politiques de réinventer l’avenir des institutions et leurs liens avec l’État,
aujourd’hui régis par l’accord de Nouméa dont la fin est programmée à l’issue du
troisième référendum. “Cette séquence qui s’achève et qui en appelle d’autres
[…] a permis de rappeler la prééminence du dialogue et de la concertation”, a
souligné Jean Castex.

L’écart entre partisans et adversaires de l’indépendance s’est nettement resserré
lors du deuxième référendum de 2020, par rapport au premier qui avait eu lieu en
2018. Les loyalistes ont reculé de 56,7 % à 53,3 %, tandis que les
indépendantistes sont montés de 43,3 % à 46,7 %.

AFP

À lire également :

  Nouvelle-Calédonie : “Éviter que les vaincus soient humiliés”, entretien avec
  Frédéric Rognon

  Référendum en Nouvelle-Calédonie : “L’Église protestante peut appeler à la
  paix”

  Nouvelle Calédonie: les protestants accompagnent le processus de
  décolonisation

  Nouvelle-Calédonie : où en est-on, cinq mois après le référendum ?

  Michel Rocard et la Nouvelle-Calédonie
La Nouvelle-Calédonie avant le référendum (1) : la colonisation

  La Nouvelle-Calédonie avant le référendum (2) : les débuts de l’évangélisation

  La Nouvelle-Calédonie avant le référendum (3) : Maurice Leenhardt, l’ami des
  Kanaks

Par Rédaction Réforme avec AFP

Nouvelle-Calédonie:     l’avenir
politique   de   l’archipel  en
discussion à Paris
Paris accueillera à partir de demain des discussions concernant l’avenir politique
de la Nouvelle-Calédonie. En cas d’indépendance, le gouvernement n’exclut pas
un “accord d’association”.
Le gouvernement n’exclut pas un “accord d’association” avec la Nouvelle-
Calédonie en cas de vote en faveur de l’indépendance au prochain référendum,
selon un document du gouvernement qui détaille les conséquences du oui et du
non et dont l’AFP a obtenu copie.

Le document de 46 pages a été transmis mi-mai à dix dirigeants de Nouvelle-
Calédonie, dans la perspective des discussions sur l’avenir politique de l’archipel
qui vont se tenir à Paris du 26 mai au 3 juin, à l’invitation du Premier ministre,
Jean Castex.

L’État indique qu’en cas d’accession à la pleine souveraineté, la Nouvelle-
Calédonie perdra le bénéfice “de l’ensemble des traités internationaux conclus
par la France”.

Possibilité d’un “accord d’association”
Toutefois, le nouvel État “pourra, ou non, conclure un accord d’association avec
un autre État, dont la France”. Les indépendantistes kanak du FLNKS prônent
une “indépendance avec partenariat” ou “avec des interdépendances négociées”.

“Résultat d’un important travail mené par l’État”, le texte est présenté par
Sébastien Lecornu, ministre des Outre-mer, comme “une base de travail,
absolument pas définitive”, qui doit pour le moment “rester confidentielle”.

Technique et précis, le document s’attarde surtout sur les conséquences du oui
dans les domaines juridiques, économiques et financiers, sur les politiques
publiques du quotidien, notamment l’éducation et la santé, et sur l’exercice des
compétences régaliennes.

Dernier référendum prévu en Nouvelle-
Calédonie en 2022
Chaque chapitre est suivi d’une série de questions qui peuvent faire l’objet de
discussion avec les acteurs calédoniens.

Moins étoffée, la partie consacrée aux conséquences du non souligne que ce
résultat “ne constitue pas en soi la consécration du statu quo actuel” et “ne
conduira pas automatiquement au retrait de la Nouvelle-Calédonie de la liste des
territoires non autonomes de l’ONU”.

Avant octobre 2022, un troisième et dernier référendum d’autodétermination aura
lieu en Nouvelle-Calédonie dans le cadre de l’accord de Nouméa, qui organise sa
décolonisation. Les deux premiers en 2018 et 2020 ont été remportés par les pro-
français avec 56,7% puis 53,3% des voix.

AFP
Vous pouvez aussi lire