CABINET DES CURIEUX ÉDITO - Museum-Neuchatel.ch
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MUSÉUM NEUCHÂTEL [ 1 ] CABINET DES CURIEUX ÉDITO Observer, s’émerveiller, décrire, classer, com- prendre et partager, ces verbes seraient peut- être une tentative de synthèse de ce que ce lieu exprime. À la manière d’un cabinet de curiosités cet espace propose une réflexion sur les missions du Muséum aujourd’hui. Au carrefour des sciences et de la socié- té, ce Cabinet des curieux est le reflet d’une multitude d’actions portées par le Muséum, de ce qui est directement perceptible par un visiteur aux coulisses réservées aux professionnels. Une sélection d’une soixantaine d’objets issus des collections a été utilisée comme argument pour matérialiser l’esprit du lieu. Ces pièces permettent d’illustrer les tech- niques employées pour mimer le vivant, pour conserver et préserver les collections dans le temps, pour démontrer la multiplicité de leurs valeurs et in fine pour questionner les origines de ce musée ainsi que son avenir. En bref, ce lieu vise à aiguiser la curio- sité, le désir de comprendre le monde, de se familiariser avec sa complexité. Comme les cabinets du XVIIIe siècle, il est prétexte à la contemplation et à la discussion sur des sujets scientifiques ou bien plus quotidiens. Ici, tout le monde est invité à s’asseoir, à s’approprier les lieux, à lire ce journal. LUDOVIC MAGGIONI — DIRECTEUR SOMMAIRE MERVEILLES DE LA NATURE . . . . . . . 2 PRÉCIEUSES COLLECTIONS . . . . . . . . 4 ILLUSION DU VIVANT . . . . . . . . . . . . . . 7 RECHERCHE ET CONSERVATION . . 10 DEMAIN, LES COLLECTIONS . . . . . . 12 UN MUSÉUM, DES ÉQUIPES . . . . . . . . 14 PLANS ET LÉGENDES . . . . . . . . . . . . . . 16 Gravures : M. F. Cuvier, De l’histoire naturelle des cétacés, 1836
[2] MUSÉUM NEUCHÂTEL CABINET DES CURIEUX — MERVEILLES DE LA NATURE CABINET DES CURIEUX — MERVEILLES DE LA NATURE MUSÉUM NEUCHÂTEL [ 3 ] MERVEILLES DE LA NATURE Depuis la Préhistoire, l’être humain fait preuve CONTENANTS CONTENUS d’une sensibilité pour les formes et les couleurs VITRINE � de la nature. Pierres semi-préciseuses, colorations particulières de certains silex ou inclusion de fos- 2. BOÎTES DE RÉCOLTES DIVERSES siles indiquent que la collecte de matières premières n’était pas dépourvue de critères esthétiques. Aujourd’hui encore, il est courant de ramasser Au cours des XVIIIe et XIXe siècles, le Mu- des coquillages sur une plage, des plumes sur la séum d’histoire naturelle de Neuchâtel a grève ou des cristaux en montagne afin de les régulièrement bénéficié des récoltes de mis- disposer chez soi et de les contempler. Qu’il soit sionnaires, d’aventuriers et de marchands question de se souvenir du lieu de collecte ou toutamenés à voyager. Ils ont rapporté un grand simplement de la beauté intrinsèque de l’objet, lesnombre d’animaux, de plantes et de roches humains montrent un goût pour la contemplation qui sont venus enrichir les collections. La col- de la nature. lecte de faune sauvage n’étant alors soumise à Lorsqu’elle se double d’un désir d’ordre ou aucune réglementation, il était aisé d’impor- d’une volonté de classement, la présentation de ter des spécimens. Actuellement, en Suisse ces collections peut prendre des formes variées, comme ailleurs, les mesures de conservation répondant à des critères de provenance, de chro- de la biodiversité sont strictes et le principe nologie, de récolte, de couleur, de forme ou de de la capture de spécimens extrêmement classification scientifique des espèces. règlementé. De nos jours, dans la perspective d’études scientifiques, l’étiquetage des collections et DE CLASSEMENT EN CLASSEMENT leur inventaire sont primordiaux, afin de ne VITRINE � pas perdre les informations précieuses liées aux spécimens. Lors de la collecte, diverses 1. SPÉCIMENS DIVERS informations sont inscrites, telles que le nom du spécimen, le nom de la personne qui l’a identifié, le lieu et la date de récolte ainsi La classification du vivant est attestée depuis que le nom du récolteur. l’Antiquité. Les savants organisent les espèces Pour les anciennes collections, ces indica- animales et végétales selon les utilisations et tions notées sur des étiquettes comportent les croyances humaines en vigueur. Ces pre- souvent des lacunes. Elles restent néanmoins mières classifications vont évoluer en paral- les seuls documents associés au spécimen et lèle à la relation de l’Homme à la nature et à doivent être rigoureusement conservées. Par- sa conception du monde. fois, des boîtes, traces de collecte, conservent Le philosophe Aristote est le premier à de précieuses informations. proposer une classification du vivant qui dis- tingue les espèces animales suivant la posses- sion ou non de sang. Durant le Moyen-Âge, les êtres vivants sont surtout classés selon leur utilité pour l’Homme et leurs symboles moraux et religieux, comme l’attestent les bestiaires à l’origine des premières encyclo- pédies. À la Renaissance, les propositions de classements vont se multiplier du fait de la croissante évolution de la science et de la médecine. Leurs principes vont dorénavant s’appuyer davantage sur l’observation et les témoignages que sur la symbolique religieuse. Il faudra attendre la révolution linnéenne en 1753 pour légitimer une seule classification du vivant en six catégories: Le règne, la classe, l’ordre, le genre, l’espèce et la variété. Le sys- tème de Carl von Linné a été régulièrement complété par des chercheurs dont Jean- Baptiste Lamarck qui distingue les vertébrés des invertébrés, puis par Georges Cuvier qui définit quatre embranchements: les vertébrés, les mollusques, les articulés et les zoophytes. Le système de classification connaît un bouleversement au XIXe siècle. En effet, Charles Darwin et Alfred Russel Wallace posent les bases de la théorie de l’évolution. À cette époque, les études étaient basées sur la morphologie et le comportement. Au milieu du XXe siècle, le développement des études génétiques a permis de repenser ce système. Une nouvelle approche de classifi- cation dite phylogénétique était née. Gravures : M. J. C. Chenu, Leçons élémentaires d’histoire naturelle, 1847
[4] MUSÉUM NEUCHÂTEL CABINET DES CURIEUX — PRÉCIEUSES COLLECTIONS CABINET DES CURIEUX — PRÉCIEUSES COLLECTIONS MUSÉUM NEUCHÂTEL [ 5 ] PRÉCIEUSES COLLECTIONS Comment déterminer la valeur d’un objet de col- DES COLLECTIONS, espèce dans ses publications, il n’en donnera et scientifiques chargés d’en assurer la col- lection d’histoire naturelle : sa rareté, sa complé- COMME UNIQUE RÉFÉRENCE jamais une réelle et complète description et lecte et la préservation pour les générations mentarité par rapport à un ensemble, l’intérêt de VITRINES 6–7 ne publiera pas les dessins de son épouse. Ce futures. Ce spécimen a ainsi une grande va- la communauté scientifique, sa valeur marchande n’est qu’en 2018, suite à la redécouverte de ces leur scientifique et historique. ou encore la renommée de celui qui l’a collecté? 6. BIJOU EN FORME D’ABEILLE PLAQUÉ OR archives, que le dessin du fossile, les notes de Le Grand Pingouin (Pinguinus impennis Aujourd’hui, les trésors du Muséum sont diver- 7. DIFFÉRENTES ESPÈCES D’ABEILLES Louis Agassiz et une description complète (Linnæus, 1758)) a disparu en 1846 après plu- sifiés et toujours étudiés. Ce sont entre autres des sont publiés dans le Bulletin de la Société sieurs siècles de chasse intensive réduisant spécimens uniques qui ont servi à la description Neuchâteloise des Sciences Naturelles. petit à petit les effectifs d’une population à d’espèces nouvelles. Ces exemplaires sont nom- En 2016, la description d’une nouvelle espèce Auparavant, en 2005, John Jagt, du Mu- l’origine très dense et largement répandue més des « types » et sont des outils de référence a été publiée par le Muséum d’histoire natu- séum d’histoire naturelle de Maastricht aux géographiquement dans l’hémisphère nord. au service de la communauté scientifique. Les relle de Neuchâtel : Fidelia whiteheadi Litman Pays-Bas, avait décrit une nouvelle espèce Le spécimen de Grand Pingouin présent spécimens collectés et légués au Muséum par le & Kuhlmann, 2016. L’holotype* de l’abeille d’étoile de mer fossile, Aldebarania taberna, qui dans les collections du Muséum d’histoire Centre Suisse de Cartographie de la Faune (CSCF) sauvage F. whiteheadi est maintenant déposé correspond en tous points à Coelaster couloni naturelle de Neuchâtel est un mâle acheté à constituent un autre ensemble de première impor- au Muséum du Cap — Afrique du Sud, et décrite par Louis Agassiz. Mannheim (Allemagne) en 1832. tance. Ils ont une valeur scientifique inestimable plusieurs paratypes* sont conservés dans dif- Les deux noms Aldebarania taberna et comme témoins de la fluctuation de la biodiversité. férentes institutions européennes, y compris Coelaster couloni sont donc synonymes et dé- Les trésors du Muséum, ce sont aussi des espèces ici à Neuchâtel. crivent la même espèce. Dans ce cas, le Code DES COLLECTIONS, disparues comme le Grand Pingouin, entre autres. Dans le monde, pas moins de 1 914 362 es- International de Nomenclature Zoologique COMME SUPPORTS PÉDAGOGIQUES pèces vivantes ont été décrites. Ces dernières indique que l’ancienneté prévaut et que VITRINE �0 15 années, la communauté scientifique a va- même en l’absence de figure publiée et d’une DES COLLECTIONS COMME CURIOSITÉ lidé la création de 175 790 nouvelles espèces, description plus que succincte, le nom offi- 10. PAPILLONS EXOTIQUES ET LOCAUX VITRINES �–� soit 32 par jour. ciel doit être Coelaster couloni Agassiz, 1835. La totalité du monde vivant n’est de loin 3. ROSTRE DE POISSON-SCIE pas encore connue et les spécialistes estiment La valeur scientifique des collections conser- 4. MINÉRAL entre 30 et 100 millions le nombre d’espèces DES COLLECTIONS, vées dans les muséums d’histoire naturelle 5. COQUILLAGE DE VOLUTE, à découvrir. COMME TÉMOINS DE CE QUI N’EST PLUS dépend de la présence de certaines données CÔNE ET PATELLE De fait, face à un spécimen dont la dé- VITRINE 9 en lien avec chaque spécimen, comme par termination questionne, le scientifique peut exemple la localité et la date précise de penser décrire une nouvelle espèce. Pour s’en 9. NOTICE DU GRAND PINGOUIN la récolte. Malheureusement, les premiers Le cabinet de curiosités désigne un ensemble assurer, il compare le nouveau spécimen avec naturalistes ne précisaient pas toujours suf- de collections à la fois minérales, animales, les spécimens des espèces voisines conservés fisamment ces données sur les spécimens. végétales et humaines, souvent considéré dans les collections, ce qui permet de s’assu- La collection d’oiseaux du Muséum est consti- Généralement, seules subsistent des infor- comme à l’origine des premiers musées. Il rer que celui-ci présente des caractéristiques tuée de 3366 espèces et représente près d’un mations concernant le continent ou l’océan apparaît au XVIe siècle sous la volonté des fi- autres que celles des espèces connues qui lui tiers de la diversité des oiseaux connus dans où le spécimen a été récolté. gures du pouvoir qui signifient leur puissance sont proches. le monde. Parmi ces spécimens figurent des Par ailleurs, au cours du temps et des éven- par la présentation d’objets rares et exotiques S’il s’agit bel et bien d’une espèce nouvelle espèces communes, d’autres dont les popula- tuels déménagements, des informations propres à susciter l’émerveillement. L’usage pour la science, celle-ci peut être officielle- tions déclinent, ainsi que des espèces éteintes. ont pu être perdues, voire détruites. Si ce du cabinet reste privé, limité à la famille ment décrite et nommée dans une publica- Par sa présence en collection, un spéci- manque d’information rend inutilisables du propriétaire et à quelques voyageurs de tion scientifique. men atteste non seulement de son existence les spécimens dans le cadre d’un projet marques invités à contempler ces collections Afin que ce nouveau nom soit associé avec dans un écosystème à une époque donnée, scientifique, ces derniers peuvent intégrer souvent aux mains de dynasties royales. la bonne espèce, un spécimen (ou une série mais également du travail des explorateurs une collection pédagogique et devenir une Les collections des cabinets de curiosités de spécimens) est choisi pour représenter le étaient généralement organisées en quatre « spécimen type »*, le porte-nom, appelé aussi catégories (nommées en latin) : « holotype »*. Ce spécimen devient la réfé- rence mondiale pour l’application du nom * TYPES DE TYPES — Les artificialia, qui regroupaient les objets qu’il porte. créés ou modifiés par l’Homme (antiqui- Le choix du nom scientifique suit des Le Code International de Nomenclature Zoologique est la norme internationale pour l’établisse- tés, œuvres d’art) ; règles strictes qui combinent un nom gé- ment de noms zoologiques scientifiques. Toute espèce vivante ou ayant vécu a un type porte-nom nérique et un épithète spécifique (ou nom (donc au moins un spécimen de référence se trouvant localisé dans une collection). Il constitue le — Les naturalia, qui regroupaient les créatures spécifique). Le nom générique doit prendre spécimen de référence pour la communauté scientifique. et les objets naturels (avec un intérêt parti- une majuscule ; l’épithète spécifique doit culier pour les monstres) ; commencer par une minuscule. Le nom du Les principaux TYPES utilisés sont : découvreur de l’espèce ainsi que la date de — Les exotica, qui regroupaient les plantes et découverte peuvent être ajoutés. Ainsi pour Holotype spécimen unique sur lequel est fondé, dans la publication originale, un nou- animaux exotiques ; le Renard roux, la dénomination exacte est veau taxon nominal de niveau «espèce». Vulpes vulpes (Linnæus, 1758). — Les scientifica, qui regroupaient les instru- Paratype au sein d’une série-type, si un auteur désigne un holotype, les autres spéci- ments scientifiques. mens sont des paratypes. DES COLLECTIONS, DES PERSONNALITÉS Un célèbre cabinet de curiosité est connu VITRINE 8 Syntype ce sont les spécimens de la série-type qui constituent collectivement le type dans la région neuchâteloise : le cabinet de porte-nom, s’il n’y a pas eu d’holotype ou de lectotype désigné. Meuron, initialement installé au Val-de- 8. ÉTOILE DE MER FOSSILE Travers, à Saint-Sulpice. Cette collection Lectotype et est léguée à la Ville de Neuchâtel le 6 juin paralectotype un lectotype peut être désigné parmi des syntypes pour devenir l’unique 1795. Ce noyau de collections est à l’origine En 1834, Louis Agassiz fait dessiner à sa porte-nom d’une espèce. Cela enlève définitivement le statut de syntypes aux des trois musées de la Ville de Neuchâtel : femme Cécile un fossile d’étoile de mer qu’il autres spécimens de la série-type qui deviennent des paralectotypes. le Musée d’art et d’histoire, le Musée d’eth- a ramené de Maastricht aux Pays-Bas. Pour nographie, ainsi que le Muséum d’histoire lui, il s’agit d’un nouveau genre qu’il nomme Néotype c’est le type porte-nom d’une espèce lorsqu’on pense qu’il n’existe plus de naturelle. Coelaster et d’une nouvelle espèce C. couloni. spécimen type (ni holotype, ni lectotype, ni syntype). Si on redécouvre plus Il inscrit ses idées et des notes concernant ce tard un ancien type, le néotype est destitué. fossile sur un document manuscrit en alle- mand. Bien qu’il cite plus tard cette nouvelle Gravures : M. Boitard, Encyclopédie-Roret, Naturaliste préparateur, seconde partie : taxidermie, préparations anatomiques, 1890
[6] MUSÉUM NEUCHÂTEL CABINET DES CURIEUX — PRÉCIEUSES COLLECTIONS CABINET DES CURIEUX — ILLUSION DU VIVANT MUSÉUM NEUCHÂTEL [ 7 ] ressource précieuse pour l’enseignement de matériel de comparaison. Le Muséum de la classification ou de l’anatomie comparée. Neuchâtel conserve les types de 19 espèces de Ils témoignent également de la biodiversité. Tipulidae, à savoir les spécimens ayant servi à la première description de ces espèces nou- ILLUSION DU VIVANT velles pour la science. Leur préservation est DES COLLECTIONS, de toute première importance. En plus de l’observation du vivant, l’être humain LE DIORAMA COMME SUPPORTS DE MYTHES Selon une étude du Forum Biodiversité cherche à capter des instants de vie pour peut- VITRINES ��–�� VITRINES ��–�� Suisse, les musées et instituts de recherche être en partager la magie. Pour cela, il déploie des suisses détiennent des collections biologiques techniques plus ou moins complexes comme par 21. DIORAMA DE MOLLUSQUES 11. PAVÉ DENTAIRE DE POISSON FOSSILE, riches de plus de 40 millions d’échantillons exemple la peinture, la sculpture ou la taxidermie 22. MATÉRIEL À DIORAMA DENT DE POISSON FOSSILE ET qui proviennent de toutes les régions du (étymologiquement le « modelage de la peau »). DENT MONTÉE EN BAGUE monde. Les collections les plus importantes Figer un mouvement pour l’éternité, conserver 12. DENT DE MAMMOUTH sont conservées à Genève, Zurich, Bâle et dans des attitudes en apparence vivantes des êtres Le diorama est un support didactique uti- Berne. Mais, avec plus d’un demi-million de qui ne le sont plus, telle est l’ambition de cette lisé dans les muséums d’histoire naturelle spécimens, le Muséum de Neuchâtel n’est technique. au cours du XIXe et XXe siècle pour repré- La méconnaissance des fossiles et de leur pas en reste. Les muséums d’histoire naturelle sont les lieux senter les animaux naturalisés dans leur origine pendant l’Antiquité, le Moyen-Âge phares de présentation de ces animaux si particu- milieu de vie. Aujourd’hui, ils ont progres- et la Renaissance a généré de nombreuses liers. Au XVIIIe siècle, ils étaient en grande partie sivement laissé leur place à d’autres types légendes. Aux objets de petite taille étaient DES COLLECTIONS, des merveilles d’ailleurs ; au XIXe, moment d’ap- de muséographie. attribués des pouvoirs de guérison et ceux de COMME MODÈLE ARTISTIQUE parition du terme taxidermie, leur rôle était avant L’inventeur du concept est Louis Jacques grande taille étaient associés à des êtres fa- VITRINE �� tout éducatif avec une recherche d’exhaustivité Mandé Daguerre (1781 – 1851), le célèbre père buleux (dragons, licornes, basilics, cyclopes, (alignement dans les vitrines, «mâle, femelle, juvé- de la photographie. En effet, Daguerre a eu etc.) mais aussi à des géants évoqués dans les 14. REPRODUCTION D’UNE AQUARELLE ET nile, mâle, femelle, juvénile...»). l’occasion de côtoyer l’illusion visuelle en récits bibliques : Goliath, Saint Christophe MONTAGES D’OISEAUX SIZERIN FLAMMÉ Aujourd’hui, le taxidermiste du Muséum de Neu- travaillant comme décorateur à l’Opéra de par exemple. De nombreux os de géants châtel perpétue cette tradition. Il poursuit ce travail Paris. Avec son associé Charles-Marie Bouton étaient donc suspendus dans les églises de naturalisation pour enrichir les collections avec (1781–1853), ils élaborent un spectacle sans ac- en tant que reliques protectrices, comme Des spécimens naturalisés ont inspiré des des spécimens flirtant avec la réalité et effectuer teurs en 1822: le premier diorama consiste en l’illustre la dent de Mammouth enchâssée artistes, comme le démontrent les peintres un travail au service de la science et du patrimoine une toile peinte en trompe-l’œil avec un éclai- dans sa cage de fer. naturalistes de la famille Robert. Cette pour les générations futures. rage artificiel qui donne l’illusion de la réalité. La bufonite (ou crapaudine) constitue dernière est l’une des rares dynasties de Les muséums d’histoire naturelle s’appro- aussi un bel exemple de fossile ayant servi de peintres suisses et s’étend de Léopold Robert prient le procédé et l’adaptent à leurs besoins. support à une légende. Ainsi, au Moyen-Âge, (1794 – 1835) à Paul-André Robert (1901 – 1977). DE L’EMPAILLAGE À LA NATURALISATION Le Muséum d’histoire naturelle de Neu- il était admis que la tête du crapaud renfer- Pour l’histoire naturelle, plus de mille VITRINE ��–20 châtel expose ses premiers dioramas au début mait une pierre. Son extraction ne pouvait planches d’oiseaux, chenilles et libellules du XXe. Réalisés dans les années 60 par le être réalisée qu’un soir de lune décroissante, de Léo-Paul Robert et Paul-André Robert 15. MONTAGE DE RENARD ROUX ET taxidermiste Fritz Gehringer et les artistes après avoir déposé l’animal sur un morceau sont conservées par la Fondation Collection MANNEQUIN peintres Pierrette Bauer et Antoinette Perrin de tissu rouge. Une fois calmé, l’animal était Robert au NMB — Nouveau Musée Bienne. 16. MOULE en charge du décor mural, ces dioramas vont censé expulser la pierre. Cette puissante amu- En lien avec cette collection, ce sont plus 17. DESSIN TECHNIQUE faire la réputation du Muséum. Ces scènes lette permettait de soigner toutes sortes de de 350 oiseaux et quelques centaines d’exu- 18. FAÇONNAGE D’UNE TÊTE DE RENARD de la vie animale, construites en regard de la maladies dont les plus graves comme la peste, vies de libellules qui sont conservés au Mu- 19. COLLECTION MISE EN PEAU nature locale sont toujours admirées par les ce qui expliquait la cherté de l’objet. Cette séum. En effet, les préparations de taxidermie 20. MATÉRIEL DE TAXIDERMIE visiteurs. pierre était portée autour du cou ou au doigt, ont servi de modèles pour les peintures de À l’heure de la réalité virtuelle, ils peuvent montée sur bague, sertie dans de l’argent ou Léo-Paul Robert, comme en témoignent les être considérés comme les prémisses d’uni- de l’or. C’est seulement au XVIIe siècle après spécimens de Sizerin flammé et la planche Le terme d’« animal empaillé » a été remplacé vers en trois dimensions. avoir découvert que la bufonite était une dent présentés ici. en 1906 par celui d’« animal naturalisé ». Ce de poisson fossilisée, que lui sont retirés ses Après avoir été exposés de 1926 à 1980 dans changement souligne l’intérêt croissant du pouvoirs magiques et guérisseurs. la salle Robert du Muséum, situé alors au col- rendu réel dans la préparation d’un spéci- lège Latin, ce montage et une reproduction men ainsi que l’évolution de la méthode. de son aquarelle viennent à nouveau s’offrir à Autrefois, les animaux étaient vidés et rem- DES COLLECTIONS, la vue des visiteurs. bourrés de paille pour recréer leur volume. COMME RÉFÉRENCE DE LA BIODIVERSITÉ Aujourd’hui, les taxidermistes mesurent les VITRINE �� corps et construisent un mannequin artifi- ciel aux proportions correspondantes pour 13. TIPULES pouvoir installer la peau de l’animal. La pratique de la taxidermie comporte une dizaine d’étapes qui nécessitent à la fois des Combien y a-t-il d’espèces d’animaux et de connaissances en biologie, en anatomie et en plantes en Suisse ? Personne n’est en mesure chimie : dépouiller, écharner, dégraisser, tan- de répondre précisément à cette question. ner, resserrer et assécher la peau, construire 46 000 espèces ont été répertoriées, mais pro- une charpente, mannequiner, positionner bablement plus de 20 000 restent à décou- l’animal. Sans parler de toutes les finitions vrir. L’exemple des diptères (qui regroupent (maquillage, coiffure...) ! mouches et moustiques) est éloquent. Alors L’ensemble de ces phases mises bout à bout qu’un répertoire paru en 1998 recensait peut durer plusieurs mois, mais la naturalisa- 6 088 espèces, des travaux complémentaires tion proprement dite (sculpture, habillage et ont porté le nombre d’espèces connues à finitions) peut aller de quelques heures pour 6 427 en 2001, puis à 7 068 espèces en 2014. un petit oiseau ou un micromammifère à Des recherches titanesques sont néces- plusieurs semaines pour une girafe. saires pour obtenir des résultats en apparence très simples. Pour établir que la famille des Tipules (Tipulidae) compte à ce jour 153 représentants en Suisse, pas moins de 45 000 spécimens ont été étudiés sous le microscope. Seule une toute petite fraction en a été conservée à titre de preuve, comme collection de référence, et pour procurer du Gravures : M. J. C. Chenu, Leçons élémentaires d’histoire naturelle, 1847
[8] MUSÉUM NEUCHÂTEL CABINET DES CURIEUX —ILLUSION DU VIVANT CABINET DES CURIEUX — ILLUSION DU VIVANT MUSÉUM NEUCHÂTEL [ 9 ] LA RECETTE TAXIDERMIQUE LE LYNX NATURALISÉ INGRÉDIENTS ET OUTILS MÉTHODE 1 Cadavre bien frais de lynx Séparer délicatement la peau du corps du installées préalablement. Implanter et posi- lynx à l’aide du scalpel, puis conserver la tionner les yeux en verre puis répartir la peau 1 Scalpel peau. Dédoubler ¹ la peau des oreilles, de la des paupières afin de définir l’expression de truffe et des lèvres. À partir du reste du corps l’animal. Mettre en place et coller la peau Une multitude d’outils (pour la mesure, du lynx et à l’aide des outils de mesure, faire du museau (lèvres et truffe). Coudre les in- la sculpture et la peinture) un plan de construction d’un corps artificiel. cisions faites sur le dos et les pattes lors de Fabriquer le corps artificiel (fibre de bois, la séparation de la peau du corps. Donner 1 Pot de colle plâtre, mousse de polyuréthane…) dans la l’orientation juste à la fourrure. Peindre et position voulue, selon le plan de construc- teinter les parties de peau nue, après séchage. 2 Prothèses en plastique d’oreilles de lynx tion. Répartir la peau tannée sur le corps ar- Regarder le résultat et l’apprécier sans modé- tificiel et coller la peau après les ajustements. ration. 2 Yeux en verre Ancrer les prothèses en plastique des oreilles, 1. Dédoubler : la peau des lèvres, de la truffe ainsi que des oreilles est double et forme un pli. Pour tanner la peau, il est nécessaire d’ouvrir ce pli (dédoubler) afin que le tannin ait un accès à l’intérieur. TANNAGE D’UNE PEAU (CONSERVATION) INGRÉDIENTS ET OUTILS MÉTHODE 1 Cadavre bien frais d’un animal en bon état Séparer délicatement la peau du corps à robot à hélice. Laisser mijoter quelques heu- l’aide des couteaux et du scalpel. Amincir et res. Fixer le tanin dans la peau en augment- 1 Scalpel et plusieurs couteaux dégraisser manuellement la peau. Plonger la ant petit à petit le ph à 4,5 voire même 5. Cette peau dans la bassine d’eau salée et ajouter le étape doit durer quelques heures. Préparer Plusieurs bassines et récipients détergent pour laver et dégraisser. Préparer un dernier bain, le bain d’eulanisation, afin un deuxième bain et plonger la peau dedans. d’équiper la peau d’une couche protectrice 1 kg de sel Ajouter de l’acide formique (ceci afin de pré- contre les insectes ravageurs. Laisser mijoter parer la peau au tannage). Cette méthode est puis égoutter et mettre au frais la peau, en 1 Balance appelée le picklage. Augmenter la tempéra- vue de la future préparation. ture de l’eau de la bassine à 22 °C. Ajouter Différentes mesurettes pour les unités ml à l le tanin tout en maintenant la température à 22 °C et en mouvement continu grâce au 1 Bouteille de détergent 1 Fiole d’acide formique (acidification, ph 3) 1 pincée de tanin 1 Plaque chauffante 1 Robot à hélice pour brasser l’eau 1 Cuillère d’Eulan® ² 2. Eulan® : produit antimite utilisé pour les textiles. Un bain d’eulanisation est un bain avec de l’Eulan®. Gravure : M. J. C. Chenu, Leçons élémentaires d’histoire naturelle, 1847 Gravures : M. Boitard, Encyclopédie-Roret, Naturaliste préparateur, première et seconde partie, 1890 et 1895
[ 10 ] MUSÉUM NEUCHÂTEL CABINET DES CURIEUX — RECHERCHE ET CONSERVATION CABINET DES CURIEUX — RECHERCHE ET CONSERVATION MUSÉUM NEUCHÂTEL [ 11 ] RECHERCHE ET CONSERVATION Si autrefois, la totalité des collections du Muséum publication scientifique richement illustrée : L’IMAGERIE ET LES SCIENCES NATURELLES lumineux) et le traitement (congélation et était exposée dans une visée exhaustive, actuelle- les spécimens sont représentés dans des atti- VITRINES 28–29 fumigation d’azote). ment seule une petite partie est visible au sein des tudes figées et peu variées alors que le décor salles d’exposition. Les alignements de spécimens est simplifié ou purement décoratif. Scien- 28. POISSON FOSSILE ET SCAN 3D ont cédé la place à une muséographie contextuelle, tifique, dessinateur et graveur travaillent 29. CHEVROTAIN MALAIS ET SCAN 3D LE CONDITIONNEMENT sous la forme de dioramas par exemple, ou même conjointement à la production d’images, DES COLLECTIONS EN FLUIDE immersive, dans le cas des expositions temporaires. de préférence réalisées d’après les spécimens VITRINES 3�–32 À Neuchâtel, des réserves accueillent et vivants ou en collection. Les technologies de rayons X, comme le conservent la majeure partie de la collection du Pour les conservateurs comme Louis de scanner, permettent de voir l’intérieur des 31. COLLECTION EN ALCOOL Muséum. Elle compte à ce jour plus de 800 000 Coulon (1804–1894), se procurer des ouvrages objets sans les détruire. Deux exemples il- 32. SPÉCIMENS DE LA COLLECTION spécimens dont environ 100 000 fossiles, 500 000 de référence et leurs planches est une prio- lustrent des études menées avec deux tech- insectes et arachnides, 150 000 mollusques, rité afin de pouvoir comparer et identifier nologies différentes. 13 000 oiseaux, 3000 poissons, ainsi que de les espèces en collection. Les archives du Le premier est le scanner en trois dimen- Plus de 3700 vertébrés et 50 000 insectes nombreux amphibiens, reptiles et mammifères. Muséum montrent une abondante corres- sions du crâne d’un très jeune individu du sont conservés au Muséum dans des flacons La gestion de ces collections mobilise d’impor- pondance du conservateur avec des libraires Petit kanchil de Java (ou Chevrotain malais, de verre ou de plastique dans une solution tantes ressources. Inventaire, contrôle des condi- suisses et parisiens dans le but de souscrire Tragulus javanicus) réalisé au Biomaterials d’éthanol. Cette technique de conservation tions climatiques, traque des insectes ravageurs, aux éditions les plus importantes. Lorsque les Science Center de Bâle, en collaboration avec offre de nombreux avantages : simple, rapide, optimisation des espaces et des systèmes de ran- ouvrages ne peuvent être acquis, Louis de le Muséum d’histoire naturelle de Bâle, par économique et permettant la conservation gements, prêts à d’autres institutions et accueil de Coulon les emprunte et les copie. Ainsi, ce Loïc Costeur, conservateur des géosciences. de la structure micromoléculaire. Son princi- chercheurs, autant de missions invisibles qui font sont plus d’une vingtaine d’ouvrages et leurs Ces images permettent la mise en évidence pal désavantage réside dans le fait que selon aussi partie du quotidien du Muséum. planches qui ont été dupliqués et conservés des parties qui s’ossifient précocement dans le bain de fixation, le spécimen est inutili- au Muséum. le crâne, telle celle de l’oreille interne. Leur sable pour toute analyse ADN. Par ailleurs, Aujourd’hui encore, les techniques mo- observation procure un élément fiable de ces collections doivent être régulièrement PIONNIER DE L’INFORMATISATION dernes de photographie n’ont pas remplacé classification phylogénétique. surveillées, car l’alcool contenu dans les VITRINE 2� le dessin scientifique, qui présente l’avantage Le deuxième est une image au rayon X bocaux s’évapore. d’une grande lisibilité et de la transmission d’un poisson fossile, décrit par L. Agassiz en Au Muséum, plusieurs mesures ont été 23. DISQUETTES d’informations en recourant à certains codes. 1844, réalisée par le paléontologue Vincent prises afin de mettre en sécurité cette collec- Dupret à partir d’un scan 3D effectué sur la tion qui comprend 4500 l d’alcool: les rayons ligne BM05 de l’ESRF (European Synchrotron des étagères ont été renforcés et les bocaux Premier en Suisse à recourir à l’ordinateur VOIR LES SQUELETTES Radiation Facility ou Installation Européenne protégés d’une gaine en polyéthylène pour pour le catalogage de ses collections, le VITRINES 26–27 de Rayonnement Synchrotron) par le cher- éviter les chocs entre les pots. Muséum de Neuchâtel a été précurseur dans cheur Paul Tafforeau à Grenoble. Cette étude la conception de bases de données informa- 26. TANCHE COMMUNE ET RADIOGRAPHIE a permis de mettre en évidence non pas un tisées adaptées aux besoins des naturalistes. 27. HIPPOCAMPE À MUSEAU COURT mais deux fossiles de poissons. LA RESTAURATION D’UN SPÉCIMEN Ces méthodes ont vu le jour au sein de ET RADIOGRAPHIE DE LA COLLECTION OSTÉOLOGIQUE l’Université de Neuchâtel, au début des an- VITRINE 33 nées 1980, dans le cadre de deux thèses de doc- LA CONSERVATION DES COLLECTIONS torat consacrées à la faunistique des Diptères Contrairement aux spécimens taxidermi- VITRINE 30 33. SQUELETTE DE GRAND LABBE de Suisse (Tipulidae étudiés par Christophe sés, la majorité des collections en alcool RESTAURÉ ET PHOTOGRAPHIE Dufour et Limoniidae par Willy Geiger). conservent les animaux entiers et intacts. 30. ANTHRÈNE ADULTE ET MUES AVANT RESTAURATION À cette époque, la mise sur le marché des À priori inatteignable aux chercheurs sans ATTAGÈNE ADULTE premiers ordinateurs personnels (PC) offrant porter atteinte au spécimen, le squelette des puissances de calcul réservées jusqu’alors constitue pourtant une importante source Avec le temps, les os des squelettes mal net- aux seuls ordinateurs universitaires, a dé- d’informations. Comment deux ou trois espèces d’insectes toyés deviennent brunâtres, collants et il clenché une révolution numérique qui a pro- L’utilisation de la radiographie pour étu- peuvent-elles détruire les collections ? Pas si s’en dégage une odeur rance. Les graisses fondément marqué le travail au Muséum. dier de manière non-destructive la structure difficile, si ces deux ou trois espèces de coléop- contenues dans les os se dégradent en acide Actuellement, l’inventaire compte plus osseuse d’un spécimen de collection a été tères appartiennent à la famille Dermestidae. gras, elles migrent à la surface et la poussière de 100 000 données qui sont mises en ligne proposée pour la première fois en 1948 et Dans les collections d’histoire naturelle, les se fixe. En milieu acide, l’os s’endommage et et partagées. est actuellement utilisée de manière cou- espèces de ravageurs les plus dommageables sa conservation est compromise. Une inter- rante. Cette méthode non-invasive permet appartiennent aux genres Anthrenus et Attage- vention est donc nécessaire. Après un constat notamment l’étude de la structure osseuse nus. Les larves de ces coléoptères attaquent qui documente l’état initial de l’objet, un net- L’ŒIL ET LE TRAIT pour la description et la classification des es- les insectes épinglés, la peau de mammifères toyage superficiel à l’aspirateur est effectué. VITRINES 24–25 pèces. Le nombre de vertèbres par exemple et d’oiseaux, les poils et les plumes, en bref, Le squelette étant maintenu la plupart est un critère important dans l’étude des toutes les matières organiques dont elles se du temps par des fils de laiton, ces derniers 24. DESSINS SCIENTIFIQUES DE M. RAPP poissons que ce soit à l’échelle des familles nourrissent. Sans intervention, elles sont ca- présentent souvent des traces de corrosion 25. DESSINS SCIENTIFIQUES DE L. COULON (Salmonidae ou autre) ou des niveaux systé- pables de réduire à néant toute une collection. et doivent être retirés. Puis, chaque os doit matiques supérieurs. Historiquement, les moyens de lutte être débarrassé des restes de chair, de liga- En outre, le nombre de rayons des na- contre les ravageurs consistaient en des ments et de peaux de manière mécanique. Dès le XVIIe siècle, l’iconographie occupe geoires, leur insertion ainsi que la présence, composés chimiques comme le naphtalène, Pour faciliter cette tâche, les os sont trempés une place de premier plan dans les ouvrages l’absence ou la taille de certains ossements le DDT et le paradichlorobenzène. Bien dans un bain enzymatique à température et à vocation naturaliste. Alors que les des- font également partie des caractéristiques qu’efficaces en tant que répulsifs et pesti- pH contrôlés. Puis, les os sont nettoyés au criptions sont longues et les termes parfois précieuses fournies par les radiographies. cides, ces produits sont maintenant connus détergent et à l’eau chaude en surface, et équivoques, l’illustration scientifique permet pour leur toxicité. Désormais des stratégies plongés dans différents bains. Au final, les os d’embrasser en un coup d’œil toutes les carac- alternatives sont préférées, plus durables sont dégraissés. téristiques d’une espèce. vis-à-vis de la conservation des collections, En se référant à des planches anatomiques, Dans une volonté de posséder le monde la santé des collaborateurs et la salubrité de le squelette est ensuite remonté dans une vivant dans son ensemble, les collection- l’environnement. position naturelle caractéristique de l’ani- neurs considèrent les planches comme un Au Muséum, le programme de lutte in- mal. Les os sont collés avec une colle neutre complément à leurs collections voire même tégrée contre les ravageurs comprend trois et réversible, et parfois renforcés par des un substitut aux spécimens manquants. axes principaux : la prévention (étanchéité éléments rigides non oxydables. L’Histoire naturelle de Buffon, publiée entre des contenants et des locaux), la détection 1749 et 1804, constitue l’exemple même de (inspection visuelle régulière et piégeage Gravures : Dr. H. R. Schinz, Monographien der Säugethiere, 1848
[ 12 ] MUSÉUM NEUCHÂTEL CABINET DES CURIEUX — DEMAIN, LES COLLECTIONS CABINET DES CURIEUX — DEMAIN, LES COLLECTIONS MUSÉUM NEUCHÂTEL [ 13 ] DEMAIN, LES COLLECTIONS Le Muséum d’histoire naturelle est un lieu en LES NOUVEAUX OBJETS DE COLLECTIONS contact permanent avec la société. Au fil des siècles, VITRINES 36–40 son rôle a évolué. D’un espace de curiosité, de dé- couverte des merveilles, d’un lieu d’étude et de clas- 36. FIOLES DE SABLES sification du vivant, il a su diversifier ses missions. 37. SACS À CROTTES Il est aujourd’hui en réseau avec les commu- 38. PANNEAU DIDACTIQUE MAMMIFÈRES nautés scientifiques, il est à la fois un centre de 39. BOÎTE DIDACTIQUE conservation du patrimoine, un lieu de recherche 40. TROIS PIÈGES À RATS et un espace de mise en culture des savoirs. Avec l’évolution des technologies, les collec- tions se sont diversifiées en prenant de nouvelles Au cours des années, les thématiques des formes. Les animaux naturalisés et les squelettes expositions du Muséum ont évolué pour pro- sont accompagnés de fioles contenant des échan- poser des réflexions incluant l’Homme et son tillons de leurs tissus et dans certains cas d’ADN. environnement. Les collections ont vu arri- Par ailleurs, de nouvelles formes de collections ver de nouvelles catégories d’objets. sont apparues à Neuchâtel: des pièges à rats, des Classés dans une rubrique nommée «Arte- insecticides, des sacs à crottes. Ce sont autant d’ob- facts», ces derniers ne sont ni des spécimens jets qui sont des marqueurs des relations entre naturalisés ni des fossiles, mais plutôt des humains et animaux. Le Muséum du XXIe siècle sera sacs à crottes de chiens, des supports pédago- ce lieu de rencontre, de discussion et de réenchan- giques ou encore des insecticides. Leur point tement entre les humains et la nature. commun est de témoigner du rapport de l’Homme aux animaux et à son environne- ment, comme autant de dispositifs destinés à DES ANIMAUX EN MORCEAUX rendre la nature visible, à la domestiquer ou à VITRINES 34–35 la tenir à distance. Dans une visée pouvant être qualifiée 34. MICROTUBES À ADN d’ethnologique, ces collections, qui au mo- 35. FIOLES DE TISSU ment de leur constitution paraissent banales, constitueront sans doute des témoignages uniques pour les prochaines générations. Ef- La biodiversité est actuellement définie fectivement, ces objets et pratiques du quo- comme « la totalité de gènes, espèces et éco- tidien sont habituellement mal documentés systèmes dans une région ou dans le monde » et peu conservés. par Le Programme des Nations unies pour Les planches pédagogiques sont quant à l’environnement (1992). Les spécimens stoc- elles un témoin des relations aux savoirs et kés dans les collections d’histoire naturelle aux apprentissages. À l’heure de la déma- fournissent des informations d’une portée térialisation, leur intérêt pourrait s’avérer inestimable sur les fluctuations de la biodi- croissant dans les années à venir. versité au fil du temps. Bien que les collections traditionnelles se basent sur des spécimens pour contribuer à l’étude des espèces et de la biodiversité des écosystèmes, les technologies modernes rendent aujourd’hui possible un tout autre type de collections qui permet un aperçu de l’aspect génétique de la biodiversité : l’ADN. Des échantillons d’ADN et de tissus peuvent être prélevés de spécimens récents ou historiques. Ces échantillons sont stockés idéalement entre –80 °C et –196 °C, afin d’arrêter toute activité biologique et de minimiser la dégra- dation de l’ADN et des cellules. Ils sont une nouvelle source de matériel pour la recherche. Ce sont des données précieuses pour mieux comprendre les changements de la diversité intra- et interspécifique, les dynamiques de populations, ainsi que la structure et le fonc- tionnement des écosystèmes. Gravure : M. J. C. Chenu, Leçons élémentaires d’histoire naturelle, 1847 Gravures : C. Bernard de Reste, Histoire des pêches, des découvertes et des établissement des hollandois dans les mers du nord, tome premier, 1800 – 1801
[ 14 ] MUSÉUM NEUCHÂTEL CABINET DES CURIEUX — UN MUSÉUM, DES ÉQUIPES CABINET DES CURIEUX — UN MUSÉUM, DES ÉQUIPES MUSÉUM NEUCHÂTEL [ 15 ] UN MUSÉUM, DES ÉQUIPES Les lieux de savoir et d’histoire ont pour habitude de Neuchâtel un pôle pour l’étude des sciences constituer leurs propres panthéons qui rassemblent naturelles. les personnalités dont les institutions se réclament. Le jeune Louis Auguste de Coulon, formé Le Muséum de Neuchâtel n’échappe pas à cette à Paris auprès de Georges Cuvier travailla règle et c’est sous le regard des Coulon père et fils sans relâche sur les collections du Muséum, et de Louis Agassiz que défilent les visiteurs depuis dont il deviendra le premier directeur offi- de nombreuses années. ciel. Pour ce faire, père et fils s’attachent à Héritage d’une habitude de personnification de créer des conditions favorables à l’épanouis- l’histoire ou volonté d’inscrire le Muséum dans une sement d’une vie scientifique dans leur tradition naturaliste séculaire, le culte rendu aux ville. Ils initient la création d’une chaire figures des fondateurs est aujourd’hui sujet à débat. d’histoire naturelle pour Louis Agassiz et Dans quelle mesure est-il pertinent d’accorder garantissent ainsi l’installation à Neuchâtel plus de visibilité à un conservateur qu’à ses col- d’un savant de premier plan ; ils constituent laborateurs ? Quelles précautions prendre pour une bibliothèque naturaliste de référence ; continuer à présenter des personnalités dont les s’attellent à la mise en valeur et à l’accrois- prises de position sont aujourd’hui controversées? sement des collections d’histoire naturelle La grande histoire de ces personnages et la en militant pour la création d’un premier petite histoire de donateurs, de gardiens, d’ama- muséum et participent à la fondation d’une teurs montrent la richesse humaine de ce musée. société savante, la Société Neuchâteloise Aujourd’hui, dans ce lieu, la complexité des points des Sciences Naturelles. de vue peut être discutée librement. LES DONATEURS TABLEAU DE LOUIS AGASSIZ VITRINE 43 VITRINE 41 CABINET DES CURIEUX 43. LISTE DES DONATEURS 41. PORTRAIT DE LOUIS AGASSIZ Production Muséum d’histoire naturelle de Neuchâtel L’accroissement des collections du Mu- Direction Louis Agassiz (Môtier-Vully, FR, 1807 — séum s’accomplit principalement de trois Ludovic Maggioni Cambridge-Massachusetts, 1873) est un per- manières, par don, par achat ou par dépôt de sonnage incontournable de l’histoire des collections scientifiques. Conception sciences. La liste des donateurs qui accompagne Pauline de Montmollin et Alice Grandjean, avec l’aide de Celia Bueno, Thierry Malvesy, Jessica Litmann, Le Muséum de Neuchâtel possède une le portrait de L. Agassiz ainsi que les bustes Louise Robert et Martin Zimmerli riche collection paléontologique lui ayant des Coulon père et fils rappelle que c’est la appartenu : 1500 fossiles d’invertébrés, 3000 somme des contributions, même modestes, Scénographie moulages d’oursins fossiles, 2000 poissons qui fait des collections du Muséum un en- Fulguro design fossiles. Cette dernière collection, à l’origine semble exceptionnel. Direction technique de sa réputation dans la communauté scien- Si l’histoire retient volontiers des person- « Making Ideas », Yannick Soller tifique est régulièrement consultée par des nalités, l’ambition est de rendre ici hommage chercheurs du monde entier. à chacun. Réalisation De plus, comment ne pas penser, en évo- Gaël Rovero, Nicolas Wilhem, Benjamin Müller, quant la mémoire d’Agassiz, à « l’hôtel des Thomas Johnson Neuchâtelois » ? Cette cabane de bois fixée UN MUSÉUM PROFESSIONNALISÉ Construction et mobilier tant bien que mal sur un gros rocher pris VITRINE 44 « L’illustre Atelier », Serge Perret dans le glacier de l’Aar. Vivant ainsi en di- rect le mouvement des glaces, il apporta la 44. COLLECTION DES COLLABORATEURS Titrages et autocollants preuve finale à l’explication des blocs erra- Lackimage tiques transportés par les glaciers et déposés Impression rétro-éclairage lors de leur fonte. Alors que pendant longtemps les cabinets de Atelier Créalis Comme d’autres personnalités de son curiosités et les premiers musées ont été aux temps, Louis Agassiz dérange. Jusqu’à la fin mains de passionnés suffisamment fortunés Vitrines de sa vie aux États-Unis, il dénigrera les tra-pour s’adonner à ces activités de manière Schleppy vaux de Charles Darwin et considèrera qu’il non rémunérée, dès le XIXe siècle, les musées Montage vidéo existe plusieurs races humaines, contribuant tendent à être placés sous l’autorité publique. Motini production, Pixilab ainsi aux idées racistes et ségrégationnistes. Cette institutionnalisation se double, pour les musées d’une certaine taille du moins, Découpe CNC d’une professionnalisation du métier de Cute Cut BUSTES DES COULON, PÈRE ET FILS conservateur et de la reconnaissance de ses Gravures issues des ouvrages suivant VITRINE 42 particularités. Il n’existe cependant jusqu’à M. F. Cuvier, De l’histoire naturelle des cétacés, 1836 la fin du XXe siècle que peu de formations 42. BUSTES EN MARBRE DES COULON spécifiques à la muséologie et les conserva- C. Bernard de Reste, Histoire des pêches, des découvertes et teurs sont avant tout des scientifiques, dotés des établissement des hollandois dans les mers du nord, tome premier, 1800 – 1801 si possible d’une vocation innée pour la vul- Les Coulon père et fils ont eu une action garisation et la diffusion des connaissances. Dr. H. R. Schinz, Monographien der Säugethiere, 1848 déterminante dans la création et la phase Aujourd’hui, le Muséum d’histoire natu- d’essor des collections du Muséum. Paul- relle de Neuchâtel compte plusieurs caté- M. Boitard, Encyclopédie-Roret, Naturaliste préparateur, Louis Auguste de Coulon (1777 – 1855) et son gories de métier lui permettant d’assurer première partie : classification, chasses et collections, 1895 fils Louis Auguste Coulon (1804 – 1894), issus ses principales missions : la gestion et la M. Boitard, Encyclopédie-Roret, Naturaliste préparateur, d’une famille bourgeoise installée à Neuchâ- conservation des collections, la recherche seconde partie : taxidermie, préparations anatomiques, 1890 tel, ont investi leur temps, leur énergie et scientifique et le plaisir du public. leurs propres moyens financiers pour faire de M. J. C. Chenu, Leçons élémentaires d’histoire naturelle, 1847 Gravures : M. J. C. Chenu, Leçons élémentaires d’histoire naturelle, 1847
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