Changer la réalité : les mods des jeux vidéo, la (micro)politique et les genres de l'imaginaire - OpenEdition Journals
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ReS Futurae Revue d’études sur la science-fiction 12 | 2018 Science-fiction et jeu vidéo Changer la réalité : les mods des jeux vidéo, la (micro)politique et les genres de l’imaginaire Paweł Frelik Traducteur : Jean-Louis Trudel et Irène Langlet Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/resf/2089 DOI : 10.4000/resf.2089 ISSN : 2264-6949 Éditeur Université de Limoges Référence électronique Paweł Frelik, « Changer la réalité : les mods des jeux vidéo, la (micro)politique et les genres de l’imaginaire », ReS Futurae [En ligne], 12 | 2018, mis en ligne le 19 décembre 2018, consulté le 13 février 2020. URL : http://journals.openedition.org/resf/2089 ; DOI : 10.4000/resf.2089 Ce document a été généré automatiquement le 13 février 2020.
Changer la réalité : les mods des jeux vidéo, la (micro)politique et les genr... 1 Changer la réalité : les mods des jeux vidéo, la (micro)politique et les genres de l’imaginaire Paweł Frelik Traduction : Jean-Louis Trudel et Irène Langlet RÉFÉRENCE Paweł, Frelik, « Changing Realities : Video Game Mods, (Micro) Politics, and the Fantastic », in Foundation, vol. 44, No. 120, 2015, pp. 15-28. 1 On a souvent accusé les jeux vidéo d’être indifférents à la politique. La science-fiction et la fantasy ne sont pas moins coupables que d’autres genres et, de fait, des idéologies que l’on peut dire (néo)impériales et néo-libérales imprègnent un pourcentage significatif des jeux de science-fiction ou de fantasy les plus connus, y compris des titres qui semblent progressistes à d’autres égards. Les épisodes successifs de la trilogie de science-fiction Mass Effect (2007-2012) ont certes élargi le spectre des choix « romantiques » disponibles afin d’inclure les couples homosexuels des deux sexes, mais, en même temps, le processus d’acquisition de ressources de la série ne diffère guère d’une exploitation néo-coloniale et d’un pillage où règne le chacun-pour-soi. En fantasy, World of Warcraft (2004-) a fourni à ses joueurs des occasions attrayantes d’interagir socialement et de former des communautés, mais il offre aussi « un simulacre convaincant et détaillé de la recette du succès dans les sociétés capitalistes » et « renforce les valeurs des économies de marché occidentales » (Rettberg, 2008, p. 20). Les récits et les styles de jeu privilégiés de ces produits deviennent ainsi littéralement des installateurs et des instigateurs d’idéologies pour des générations successives de joueurs. L’état lamentable des jeux de l’imaginaire prend un relief tout particulier quand les jeux de science-fiction et de fantasy sont comparés aux textes littéraires correspondants qui, depuis longtemps, sont ou bien au service des critiques idéologiques ou bien des véhicules d’une altérité critique. Les jeux vidéo de l’imaginaire ReS Futurae, 12 | 2018
Changer la réalité : les mods des jeux vidéo, la (micro)politique et les genr... 2 sont-ils dès lors une cause perdue quand il s’agit d’avancer une réflexion politique critique ? 2 Pas nécessairement — mais pas parce que les producteurs de jeu seraient enclins à opter pour des idées politiques progressistes ou une conscience écologique. Le minutieux diagnostic de complicité proposé par Nick Dyer-Witherford et Grieg de Peuter dans Games of Empire : Global Capitalism and Video Games (2009, [Les Jeux impériaux : capitalisme global et jeux vidéo]) ne s’étend certainement pas à tous les titres. Il existe quelques jeux majeurs qui tentent de saper ou du moins de problématiser des options politiques néfastes, comme Bioshock (2007), qui peut s’interpréter comme une critique de la logique de l’objectivisme (Packer, 2010). Ailleurs, des développeurs indépendants recherchent des alternatives aux idéologies normatives des grands studios avec des titres comme Papers, Please (2013), un jeu qui, en faisant du joueur un garde-frontière dans un État dystopique de l’Europe orientale, expose « la banalité du mal » et fonctionne comme « une illustration aussi élégante que terrifiante de l’inhumanité engendrée par des systèmes » (Juster, 2013). Cependant, certaines des formes les plus intéressantes d’engagement politique dans les jeux vidéo de l’imaginaire se retrouvent dans la subculture des « mods ». 3 Dans cet article, nous soutiendrons qu’il existe un rapport étroit entre la pratique du modding [« création de mod »] et les genres de l’imaginaire. Nous proposons d’abord une brève introduction au phénomène des mods en esquissant leur définition et leur contexte. Nous examinerons ensuite plusieurs mods de l’imaginaire en proposant des cadres critiques qui permettent de les analyser. Enfin, nous problématiserons la présence culturelle des mods en établissant des liens entre les pratiques du fan modding [« modding pratiqué par les fans »], d’une part, et les idéologies dominantes ainsi que les procédés de l’industrie du jeu vidéo, d’autre part. 4 En dépit du fait que les pratiques de modification (modding) sont au cœur même de l’industrie des jeux vidéo, il n’existe aucune définition universellement admise du mod. Le terme a été employé pour désigner une grande variété d’éléments retravaillés : cela va de la personnalisation de l’interface utilisateur aux correctifs, en passant par des extensions officieuses, qui ajoutent de nouveaux niveaux ou cartes aux jeux, jusqu’aux conversions intégrales, qui en remplacent tous les éléments, avec pour effet, souvent, un jeu appartenant à un genre thématique différent. Le machinima, une forme cinématographique qui utilise des séquences vidéo produites par un moteur graphique de jeu, entre aussi dans cette catégorie, de même que la personnalisation du matériel informatique, qui souligne l’importance des conditions matérielles de production de logiciels (Simon, 2007, p. 189). Une taxinomie connexe décrit l’objectif des mods. De nombreux mods sont des correctifs techniques qui éliminent soit une insuffisance de codage ou un bug, soit ce que les joueurs considèrent comme tels. D’autres représentent des améliorations esthétiques et des mises à niveau, en particulier sur des titres plus anciens, qui augmentent la résolution graphique ou embellissent les aspects visuels. Un nombre croissant de mods sont des outils éducatifs, en particulier pour l’enseignement de l’histoire. Enfin, les mods créés par des artistes ont constitué certaines des premières modifications sur des jeux originaux, mais ils recontextualisent également le médium du jeu vidéo dans les espaces des galeries d’art, où ces mods sont souvent exposés. 5 En tant que phénomène culturel, le modding se manifeste dans l’ensemble des genres et des conventions du jeu vidéo, mais j’aimerais suggérer qu’il existe une relation ReS Futurae, 12 | 2018
Changer la réalité : les mods des jeux vidéo, la (micro)politique et les genr... 3 particulière entre le modding et les genres de l’imaginaire, qui s’enracine à la fois dans l’intrication de leurs évolutions historiques et dans la nature même de cette pratique. En fait, on peut affirmer sans exagération que les débuts du jeu vidéo et des mods sont inextricablement interconnectés avec la science-fiction et la fantasy. Bien que William Higginbotham ait créé un jeu de tennis élémentaire sur un ordinateur analogique en 1958, c’est Spacewar, programmé entre fin 1961 et février 1962 par Steve Russell et d’autres étudiants du MIT, qui est considéré comme le jeu vidéo originel. Le jeu a fait fureur, à tel point qu’en 1963, l’administration de Stanford a ordonné aux étudiants et professeurs de cesser de jouer à Spacewar durant les heures de travail (Borland et King, 2003, p. 26). Au début des années 1970, IBM a interdit à ses chercheurs d’y jouer avant d’être obligé de revenir sur cette interdiction quelques mois plus tard après « quelques mois de recherches soudainement menées sans joie » (Brand, 1972). Le succès instantané et sans cesse croissant de Spacewar a ouvert la voie — royalement — à la culture contemporaine du jeu vidéo. Exception faite de sa première instanciation, c’était techniquement un mod. Comme le jeu n’a été diffusé dans aucun format officiel, les versions qui ont proliféré partout aux États-Unis durant la décennie suivante étaient forcément bricolées ou piratées — autrement dit, modifiées — pour être exécutées sur d’autres ordinateurs centraux et miniordinateurs, souvent incompatibles avec le PDP-1 pour lequel le jeu avait été programmé à l’origine. Altérer la version originale d’un jeu aura été, dès les premiers temps, une part essentielle de la subculture du jeu vidéo. Durant les deux décennies suivantes, de nombreux jeux ont été écrits en utilisant des procédés et des outils qui seraient aujourd’hui considérés comme caractéristiques des mods, même si on ne leur donnait pas ce nom. Christiansen tient de nombreux jeux d’arcade, dont des titres de science-fiction comme Super Missile Attack (1981), pour de véritables mods (Christiansen, 2012, p. 32-34). Quelques années plus tard, Adventure Construction Set (1984) de Stuart Smith permettait la programmation de jeux d’aventure pour les ordinateurs personnels et incluait en pack prédéfini Rivers of Light, inspiré de l’épopée de Gilgamesh, souvent citée comme un des ancêtres de la fantasy moderne. 6 Julian Kücklich note que, même si Castle Smurfenstein (1983) est généralement considéré comme le premier vrai mod, la subculture du modding a réellement explosé avec un autre titre de science-fiction, Doom (1993), qui était, de l’avis général, « le premier jeu à avoir été spécifiquement conçu pour le modding » (Kücklich, 2012, p. 13). En mettant d’abord à disposition Doom Editor Utility (1993), qui permettait aux joueurs de créer leurs propres niveaux, et en diffusant ensuite le code source de Doom à des fins non- commerciales en 1997, id Software a instauré un nouveau genre de relation entre producteurs et fans, tout en bénéficiant financièrement de cette initiative (Au, 2002). La version modifiée de leur moteur de jeu suivant, implémenté dans Quake (1996), le successeur de Doom, a servi pour Half-Life (1998), un autre titre de science-fiction extrêmement populaire. Aujourd’hui encore, Half-Life et Half-Life 2 (2004) demeurent deux des titres les plus populaires chez les moddeurs et ont engendré plusieurs mods très appréciés. Quelques-uns des premiers outils d’édition de niveau, qui ont largement mobilisé les énergies créatrices des fans, ont été fournis avec des jeux de science-fiction et de fantasy. Valve Hammer Editor, dont la version originale dénommée Worldcraft a été disponible dès 1996, a servi ensuite à créer des cartes pour Half-Life, Half-Life 2 et plusieurs autres jeux fondés sur le moteur de jeu Source, tandis que The Elder Scrolls Construction Set (2002) de Bethesda Softworks a été distribué pour la première fois avec ReS Futurae, 12 | 2018
Changer la réalité : les mods des jeux vidéo, la (micro)politique et les genr... 4 Morrowind (2002), un jeu de fantasy en monde ouvert parmi les plus vendus et les plus appréciés par la critique. 7 Le rapport intime entre les mods et les genres de l’imaginaire est confirmé par les chiffres. Cinq titres de science-fiction et de fantasy figurent parmi les « 10 meilleures mods de tous les temps » recensées par Greg Finch (Finch, 2011). Sur le site internet du Mod Hall of Fame, parmi les mods les plus reconnus sur onze années entre 1996 et 2012 (toutes les années ne sont pas couvertes), dix des dix-sept jeux sources concernés relèvent de la science-fiction ou de la fantasy, tout comme douze des vingt et un meilleurs mods. Les mods des genres de l’imaginaire sont également toujours en tête des palmarès de fin d’année du site ModDB, le plus grand dépôt en ligne de modifications créées par les fans, qui, en 2015, recensait 11 190 mods répartis dans 20 catégories thématiques1. Parmi eux, il y en a 2 947 de science-fiction et 1 178 de fantasy (sans compter 1 659 mods associés à l’horreur). Enfin, selon PC Gamer, sur les vingt meilleurs mods de conversion totale de tous les temps, six seulement ne relèvent ni de la science-fiction ni de la fantasy, et quatre d’entre eux ont été développés à partir de jeux sources de science-fiction et de fantasy (Livingston, 2015). 8 Ces statistiques reflètent, selon moi, un rapport particulier entre les genres de l’imaginaire et la pratique du mod qui ne se limite pas à leur parenté historique. Naturellement, les interventions des fans peuvent concerner, et concernent souvent, des aspects neutres du jeu : équiper un avatar avec une lampe-torche, améliorer la qualité des textures de fond ou changer le niveau de détail du feuillage. Par contre, ce sont les mondes imaginaires qui stimulent tout particulièrement la créativité des amateurs. En plus d’être de puissants vecteurs narratifs, la science-fiction et la fantasy sont d’abord et avant tout des genres profondément investis, mais aussi immédiatement définis par la construction de monde avec très peu de contraintes et de limitations. Cette liberté créative se trouve également à l’origine des mods des genres de l’imaginaire. Qu’ils soient inspirés par des récits préexistants comme Le Trône de fer (2011 [1996]), un mod de conversion totale pour Crusader Kings II (2012) accessible trois mois à peine après le jeu source ou des mods de conception propre comme The Nameless Mod (2009), construit sur le jeu Deus Ex (2000), les mods de l’imaginaire sont les équivalents pour le jeu vidéo des fan fiction, des montages de fans (fan edit) et des bandes-annonces réécrites, des formats où prédomine également l’imaginaire. 9 Les mods de science-fiction ou de fantasy illustrent ce qu’on pourrait appeler les va-et- vient culturels de l’imaginaire entre la spécificité des textes individuels et le potentiel d’une altérité absolue par rapport à l’ici et maintenant. Si la science-fiction est bien un genre qui, au moyen de scénarios irréels2, cherche à donner un sens de la malléabilité du futur, et si la fantasy le fait pour les contours plus généraux, mais pas nécessairement moins systémiques, de l’imaginaire, ce sera nécessairement bridé et circonscrit dans les textes individuels. De ce fait, les romans ou les films sont souvent jugés sur leur insuffisance supposée à réaliser le « véritable » potentiel d’une histoire ou d’un scénario donné. Ces futurs ou mondes alternatifs deviennent ainsi des cas d’imagination figée, souvent perçus comme freinés ou arrêtés avant qu’un ensemble de novums ou de paramètres fantastiques ait pu atteindre sa pleine maturité ou s’épanouir. Le sentiment de déception qui en résulte, combiné à la conviction que l’on peut mieux imaginer les choses, est à la source d’une grande part non seulement de la production actuelle des fans sous forme de fan fiction ou de fan edits, mais aussi, de manière plus générale, du caractère dialogique des littératures de l’imaginaire, dont les ReS Futurae, 12 | 2018
Changer la réalité : les mods des jeux vidéo, la (micro)politique et les genr... 5 mégatextes3 sont constitués par un réseau rhizomatique sans cesse croissant de réactions, de résonances et de révisions. 10 Dans le cadre de ce va-et-vient entre le potentiel des genres et la forclusion des textes, qui donne l’impulsion pour de nouvelles visions et révisions, les jeux vidéo en général et les mods en particulier apparaissent comme un médium éminemment privilégié. En procurant aux joueurs une forte puissance d’agir et en les confrontant à des choix qui peuvent — parfois mais pas toujours, il faut le reconnaître — influencer les événements à l’intérieur du jeu et altérer la configuration du monde virtuel, les jeux vidéo posent la question « et si ? » de manière beaucoup plus active que la littérature ou le cinéma. En même temps, toutefois, leur potentiel reste souvent circonscrit ou inexploité autant, sinon plus, que dans la plupart des textes de science-fiction ou de fantasy, en raison de l’auctorialité collective de la conception des jeux et des compromis fréquemment requis par la demande du marché. La flexibilité de codage des jeux, en particulier quand elle est favorisée par les politiques du studio et des potentialités techniques, encourage les corrections sous forme de mods. Si bien que les mods de science-fiction et de fantasy provoquent le dégel des potentiels figés de de tel ou tel jeu et relancent le va-et-vient des imaginaires. De plus, les visions et révisions modificatrices ne se limitent pas aux seuls jeux non modifiés : de nombreux projets de modding s’appuient sur d’autres mods ou des versions antérieures du même mod, induisant des va-et-vient à l’intérieur des va-et-vient. 11 Les transactions bilatérales entre les joueurs et les développeurs impliqués dans le modding, en plus de celles entre les joueurs eux-mêmes, ont des conséquences d’une portée considérable. Quoique de nombreuses industries culturelles aient opté, depuis une vingtaine d’années, pour un fonctionnement ouvert aux contributions et interactions faniques, aucun autre domaine du divertissement électronique n’est allé aussi loin dans le brouillage des frontières entre les interventions des amateurs et le travail des professionnels. Selon David B. Nieborg et Shenja van der Graaf, les projets de mods de conversion totale offrent « une ressemblance frappante avec l’organisation de la production dans l’industrie du jeu vidéo et sa logique de mise en marché (Nieborg et van der Graaf, 2008, p. 182), tandis qu’Hector Postigo souligne les avantages que les industries numériques peuvent tirer de l’exploitation de la créativité des fans (Postigo, 2007, p. 311). Le modding est sans doute la forme la plus exigeante sur le plan technique des participations de fans, mais les rapports difficiles entre les fans amateurs et les entreprises professionnelles complexifient également les aspects politiques du modding. 12 Dyer-Witheford et de Peuter notent que, dans le domaine des pratiques commerciales, « l’industrie du jeu vidéo a lancé la première des méthodes d’accumulation fondées sur les droits de propriété intellectuelle, l’exploitation cognitive, l’hybridation culturelle, la sous-traitance intercontinentale du sale boulot et les produits mondialement commercialisés » (Dyer-Witheford et de Peuter, 2009, p. XXIX). Aucune autre industrie culturelle n’est plus internationale, plus structurée à l’échelle mondiale et plus trompeusement égalitaire que celle du jeu vidéo. Ces conditions socioéconomiques spécifiques rendent le média tout particulièrement sensible aux discours hégémoniques et aux préjugés idéologiques. Par exemple, il a été démontré que des jeux de simulation comme Sim City (1989) et Colonization (1994) privilégient des mentalités impérialistes non seulement dans leurs récits mais aussi dans les mécanismes de jeu, lesquels régulent le comportement des joueurs (Jenkins et Fuller, 1995, p. 57-72). En science- ReS Futurae, 12 | 2018
Changer la réalité : les mods des jeux vidéo, la (micro)politique et les genr... 6 fiction, ce biais conservateur aligne les jeux vidéo sur des formes médiatiques comme les superproductions et les films d’action de science-fiction, qui sont nombreux à offrir des représentations d’espaces néo-libéraux (Bould, 2008, p. 182-188), et il promulgue activement les politiques économiques du capitalisme tardif. Le fait que la majorité des jeux AAA4 fassent partie de franchises transmédiatiques, dont la portée politique est au mieux inconsistante et au pire néfaste, n’encourage pas non plus la critique politique. 13 Dans son analyse des motivations qui sont à l’origine des mods, Sotamaa distingue cinq « passions » principales : le jeu, le piratage, la recherche, le travail artistique et la coopération (Sotamaa, 2010, p. 246). Le désir d’être reconnu par les créateurs des jeux originaux est, de plus en plus, une motivation supplémentaire qui ne figure pas dans cette liste ; de fait, il existe de nombreux exemples de carrières en game design [conception de jeu] qui ont été lancées par le succès d’un mod. Toutes ces motivations sont renforcées par le fait qu’au cours des deux dernières décennies, très peu de développeurs de jeux ont interdit explicitement le modding5. Plusieurs d’entre eux, notamment Valve Software, Epic et id Software, les ont particulièrement encouragées en publiant leur code-source et en offrant des packs de jeux contenant des outils d’édition de niveaux et d’autres dispositifs permettant aux joueurs d’expérimenter de nouvelles choses sur la version commercialisée du jeu. 14 Aucune des motivations citées ci-dessus ne se mêle directement des questions politiques, mais cela ne signifie pas que le modding est une activité neutre à cet égard. À l’origine, de nombreux mods ont été considérés comme de l’art hacker (Huhtamo, 1999) et les discours associés tendaient à « opposer clairement les mods aux produits de la culture médiatique industrielle, au point d’en faire « un nouveau moyen de révéler les ressources et de remettre en question les vérités des médias grand public » (Sotamaa, 2010, p. 240). Waco Resurrection (2003), la réinterprétation artistique des événements de Waco en 1994 qu’Eddo Stern et C-Level ont créée en utilisant le moteur de Doom afin que le joueur incarne David Koresh et doive purger les lieux de ses ennemis, n’est qu’un exemple parmi d’autres des mods politiques et artistiques. Toutefois, la disponibilité de ces mods sous la forme d’installations artistiques dans des galeries d’art limite fortement leur potentiel politique et leur popularité. 15 Naturellement, la pratique du modding est profondément ancrée dans l’économie politique de l’industrie. Johnson va jusqu’à suggérer que la généralisation des mods a émergé durant la transition d’une économie de l’information industrialisée à une économie de l’information en réseau, ce qui a entraîné de « nouveaux rapports entre les jeux et les joueurs et […] un nouvel ensemble de pratiques de fans possibles par rapport à la propriété intellectuelle des compagnies (Johnson, 2009, p. 53-54). Ce discours émerge, selon Postigo, au croisement de ce qu’il appelle « les récits de moddeurs et les récits de développeurs » (Postigo, 2010). Même s’il s’agit essentiellement d’un mouvement de la base, la communauté des moddeurs ainsi que leurs membres individuels s’interrogent sur « le pourquoi de ce qu’ils font » et débattent « de la manière dont les technologies affectent leur place dans ce qui est clairement compris comme une activité industrielle et commerciale » ; ils « ne participent pas à l’aveuglette » (Postigo, 2010)6. Dans cet article, toutefois, je m’intéresse davantage au potentiel politique des mods en tant que textes plutôt qu’en tant que biens matériels sur des marchés politisés. À cette fin, il faut examiner plusieurs exemples, lesquels, même s’ils ne constituent que la partie émergée de ReS Futurae, 12 | 2018
Changer la réalité : les mods des jeux vidéo, la (micro)politique et les genr... 7 l’iceberg, illustrent la manière dont les modifications entreprises par les fans peuvent intéresser la politique. 16 DayZ (2012) est un mod multijoueur en monde ouvert fondé sur le jeu de tir tactique ARMA 2 (2009) et son extension ARMA 2 : Operation Arrowhead (2010). Décrit par PC Gamer comme « l’un des événements les plus importants du monde du jeu vidéo [en 2010] » (Lahti, 2010), le mod propulse le joueur dans un État fictif post-soviétique, le Chernarus, ravagé par un virus qui transforme les gens en zombies violents. Le mod n’a pas d’autres objectifs ni conditions de victoire que la simple survie, ce qui en fait, à certains égards, un anti-jeu et un défi conscient à de nombreuses conventions du jeu. Le potentiel politique de DayZ réside dans sa capacité à mettre à nu la méchanceté des joueurs. Compte tenu de la recrudescence récente de jeux de survie zombies en monde ouvert, dont Dead Island (2011), State of Decay (2013) et Dying Light (2015), il serait tentant de voir ce mod comme un exemple de plus, quoique particulièrement difficile, du sous-genre en pleine expansion des jeux de survie. Étant donné sa logique et sa mécanique de jeu, toutefois, DayZ ressemble moins à un jeu où on survit aux zombies qu’à un jeu où on survit aux humains. Même si les révisions ultérieures du mod et une version alpha de son édition autonome ont ajouté plusieurs options collaboratives et modéré sa cruauté originelle, le mod initial faisait preuve d’une brutalité incroyable dans sa représentation sans fard de l’humanité. Pour chaque mort causée par un zombie, il y avait trois autres morts causées par d’autres joueurs et les premiers forums du mod résonnaient de messages désespérés de vétérans de Call of Duty désemparés, incapables de survivre plus de trois minutes dans DayZ. 17 Une série de mods pour Skyrim (2011) peut susciter une étude de cas encore plus intéressante. Cinquième épisode de la série Elder Scrolls, Skyrim a connu un succès retentissant en tant que jeu de rôle et d’action de fantasy dans lequel le personnage du joueur entreprend de vaincre Alduin, le dragon qui doit détruire le monde selon la prophétie. Le jeu a été encensé pour, entre autres, la complexité du gameplay, le développement raffiné des personnages et l’étendue, la diversité ainsi que l’esthétisme de son monde ouvert, lequel est devenu pour de nombreux joueurs l’unique raison de se plonger dans le jeu. Le jeu de base a été suivi de trois extensions officielles, mais le nombre de mods nous en dit plus sur le phénomène Skyrim. Les Bethesda Games Studios cultivaient déjà des rapports privilégiés avec les créations de fans dans leurs titres antérieurs, dont une partie de la série Elder Scrolls et Fallout 3 (2008), mais Skyrim est un cas sans précédent. Steam Workshop héberge plus de 25 000 mods et Nexus, la base de données approuvée par le studio, plus de 33 000, probablement le plus grand nombre de mods jamais enregistré pour un seul titre, même en supposant un certain chevauchement entre les deux communautés. Leur gamme est naturellement très étendue, allant d’ajustements mineurs comme l’affinement des gouttes de pluie ou l’ajout de nouvelles espèces d’insectes, à des améliorations plus avancées, comme l’introduction d’un index hypothermique pour les personnages, et des mods systémiques ambitieux, qui enrichissent le monde virtuel de lieux et de territoires nouveaux7. 18 Étant donné le sujet de cet article, les mods en rapport avec la politique nous intéressent tout particulièrement. Dans Skyrim, cela s’exprime volontiers en termes d’économie. Dans le jeu original, les joueurs peuvent négocier, acheter et vendre des biens, mais le système économique est relativement plat et indifférencié. Une série de mods est apparue afin de pallier ces lacunes en offrant une variété de facteurs pour ReS Futurae, 12 | 2018
Changer la réalité : les mods des jeux vidéo, la (micro)politique et les genr... 8 compliquer la circulation des biens et des services. Par exemple, « Trade Routes » (2014, « Routes commerciales ») ajuste dynamiquement la valeur de l’or et l’offre commerciale des biens de toutes sortes, qu’ils soient magiques ou matériels. Les ajustements sont calculés et appliqués de telle manière qu’ils créent deux réseaux distincts de routes commerciales rentables. « Trade and Barter » (2013, « Commerce et troc ») introduit quant à lui un ensemble exhaustif d’index associés au statut du joueur, à ses rapports avec les PNJ [personnages non joueurs], à sa localisation, à ses connaissances et à son comportement. Il prend même en compte la race du personnage en admettant que même si « le racisme est une chose affreuse c’est aussi une triste réalité » (Kryptopyr, 2013). Plus intéressant encore, les joueurs peuvent ajuster ou désactiver chacune de ces options, y compris les attitudes raciales, ce qui leur permet d’exprimer leurs allégeances politiques, ou de les simuler dans le jeu grâce à l’utilisation de ce mod. 19 De manière encore plus problématique, « Paradise Halls » (2013, « Pièces paradisiaques ») introduit dans le monde de Skyrim l’institution de l’esclavage, mentionnée dans la tradition de l’univers d’Elder Scrolls, mais absente de la version non modifiée. Le mod a débuté comme une simple extension, mais il est devenu une plate- forme utilisée pour des mods d’autres joueurs qui abordent des aspects spécifiques tels que « Paradise Halls Extender : Slave Capture Spells and Poisons » (2013 « Extension de pièces paradisiaques : sorts de capture d’esclaves et poisons ») et « Immersive sex slaves » (2013, « Esclaves du sexe immersif »). Le créateur de ce dernier mod a défendu la légitimité de sa création de la manière suivante : « Si le concept de l’esclavage vous dérange, adressez-vous à Bethesda. Ce sont eux qui l’ont initialement ajouté à l’univers d’Elder Scrolls, en même temps que le cannibalisme, la toxicomanie et une tonne d’autres pratiques potentiellement contestables » (Mutifex, 2013) 8. 20 Les descriptions précédentes pourraient paraître quelque peu décevantes du point de vue de la politique telle qu’on la conçoit traditionnellement, mais cela peut résulter du fait que la politique est généralement déployée de manière différente dans les jeux vidéo et au cinéma ou à la télévision. Sauf dans le cas où un jeu aborde spécifiquement les questions de gouvernance ou des relations intercommunautaires, ce qui ne constitue par la principale préoccupation de la plupart des jeux de science-fiction et de fantasy, la présence de sujets politiquement denses est atténuée, et elle est plus souvent implicite, dans les contraintes et les potentialités de la mécanique de jeu, que propulsée à l’avant-scène du récit. Par conséquent, la plupart des mods qui ont une portée politique, y compris ceux relevant de la science-fiction et de la fantasy, cibleront des éléments plutôt discrets des titres originaux en altérant des aspects relativement mineurs du jeu. Cela rend inopérants les modes d’interprétation usuels, principalement tournés vers les thématiques, les personnages et les scénarios. De fait, il est plus productif de considérer ces mods qui abordent d’une manière ou d’une autre des enjeux politiques comme des cas de ce que Rita Raley appelle un « média tactique » et de ce qu’Alexandre Galloway et Eugene Thacker ont en tête quand ils écrivent au sujet des « exploits ». 21 Même si les textes originaux de Raley prenaient la forme de projets médiatiques divers (y compris des jeux persuasifs et des mods artistiques) nourris par l’activisme politique et la dissension, et enracinés dans des cercles artistiques, ses observations et sa terminologie peuvent s’appliquer aux mods de jeux vidéo en général. S’inspirant de la distinction opérée par Michel de Certeau entre stratégie et tactique dans L’Invention du quotidien (1980), elle définit les médias tactiques comme « non orientés vers le grand ReS Futurae, 12 | 2018
Changer la réalité : les mods des jeux vidéo, la (micro)politique et les genr... 9 événement révolutionnaire universalisant ; ils s’investissent plutôt dans la micropolitique d’intervention, d’éducation et de perturbation (Raley, 2009, p. 1). « Perturber » est au cœur de la plupart de ces projets ainsi que « l’intervention et la perturbation d’un régime sémiotique dominant, la création temporaire d’une situation dans laquelle les signes, les messages et les récits sont remis en cause et où une réflexion critique devient possible » (Raley, 2009, p. 6). Raley souligne également l’importance d’une « temporalité distincte » et de « l’éphémère » (Raley, 2009, p. 7), elle souligne leur articulation à travers la performance plutôt qu’en tant qu’objets statiques (Raley, 2009, p. 12) et note leur caractère « fugace » et en constante transformation (Raley, 2009, p. 13). Notant que la distinction sans ambiguïté de Michel de Certeau ne s’applique peut-être pas immédiatement au monde des médias numériques, Raley redéfinit les tactiques en termes d’« outils pour les utilisateurs qui sont aussi des producteurs » (Raley, 2009, p. 16). Les résonnances avec le fandom actif et ses productions sont indéniables, et les moddeurs semblent correspondre à cette description encore mieux que les auteurs de fan fiction ou de fan edits. 22 Dans The Exploit : A Theory of Networks (2007, [ L’Exploit : Une théorie des réseaux]), Alexander Galloway et Eugene Thacker fournissent un autre cadre théorique qui peut aider à comprendre les opérations micropolitiques des projets de modding. Selon les deux auteurs, dans les réseaux réglés par des protocoles, « les actes politiques se déroulent généralement non pas en déplaçant le pouvoir d’un endroit à un autre, mais en exploitant les différentiels de pouvoir qui existent déjà dans le système » et « les luttes de protocoles ne se concentrent pas sur le changement de technologies existantes mais impliquent plutôt la découverte de failles dans ces dernières, et la projection de changements potentiels à travers ces brèches. Les hackers appellent l’exploitation de ces vulnérabilités des “exploits9” » (Galloway et Thacker, 2007, p. 81). On comprendra aisément que les moddeurs qui tentent d’altérer des jeux originaux cherchent précisément à repérer de telles « failles » dont l’absence, en revanche, explique souvent la rareté relative de mods systémiques pour certains titres. Pour les définir, il est important de supposer que l’activité même de trouver et d’exploiter de telles lacunes dans les protocoles de code est en soi un acte politique. Par conséquent, il est possible d’envisager comme une intervention micropolitique le fait de fournir à des personnages du jeu des lampes-torches et à double titre le développement de mods esclavagistes dans Skyrim : d’abord, parce que ce développement intègre la pratique dans le récit du jeu et, ensuite, parce qu’il défie la mention de pure forme de l’esclavagisme dans l’historique de Bethesda pour lui donner une réalité concrète à l’intérieur du jeu. 23 En tant qu’interventions et exploitations tactiques, les mods de science-fiction et de fantasy peuvent s’interpréter comme des critiques à double tranchant. D’une part, ils mettent en évidence les angles morts des éditeurs de jeux et révèlent leurs compromis : dans le cas de Skyrim, il s’agirait de sa naïveté économique, qui est particulièrement frappante si on la compare à la complexité des simulations de batailles et du développement des personnages. L’existence de mods comme « Trade and Barter » et « Paradise Halls » peut également obliger les joueurs à prendre conscience de l’étendue et de la nature des conditions économiques dans le monde réel, alors que celles-ci sont souvent occultées ou acceptées sans poser de questions. D’autre part, les mods de l’imaginaire, bien plus que les mods de jeux historiques ou quasi-mimétiques, dévoilent toutefois les lacunes de l’imagination des moddeurs eux-mêmes. Comme le développement des mods est hautement décentré, très peu de chercheurs l’ont ReS Futurae, 12 | 2018
Changer la réalité : les mods des jeux vidéo, la (micro)politique et les genr... 10 envisagé comme un phénomène global, mais les bases de données comme celle de Nexus offrent cette possibilité. Les éléments que les mods améliorent ou corrigent sont aussi intéressants que ceux auxquels ils ne touchent pas. Alors que Nexus rassemble plus de 30 000 mods pour Skyrim, il n’y en a pas un pour offrir un mode de résolution des conflits excluant la violence ou l’intimidation. De tous les mods à orientation économique qui ont été examinés, pas un seul n’imagine un système économique autre que capitaliste ou précapitaliste. De telles absences sont révélatrices, compte tenu de l’étendue presque illimitée du modding permise par le moteur de jeu et du nombre de mods existants. Les considérer comme révélateurs d’une pauvreté de l’imagination serait certes injuste, mais de telles absences démontrent à coup sûr l’omniprésence de certaines idéologies socioéconomiques en général et des idéologies dominantes du game design en particulier. Le conservatisme politique des mods historiques serait explicable, du moins de manière hypothétique, par une tendance à refuser de rompre l’immersion des joueurs dans le « véritable » contexte historique d’époques antérieures, y compris ses angles morts idéologiques, mais l’absence de certaines innovations dans les mods de science-fiction et de fantasy ne se justifient pas aussi facilement. 24 Étant donné l’étendue des potentialités techniques et logistiques des subcultures du modding, les mods de l’imaginaire fonctionnent à la fois comme une preuve remarquable du dynamisme de la créativité individuelle et collective et comme un rappel douloureux des limites de ce même imaginaire, ainsi que de la force avec laquelle les idéologies économiques ou politiques actuelles limitent la capacité à édifier des futurs réellement alternatifs. On se rappellera la boutade de Fredric Jameson selon qui il était plus facile d’imaginer la fin du monde que la fin du capitalisme. Que les jeux vidéo grand public soient complices de ce fait est compréhensible. Sans minimiser la richesse des mods existants, la pénurie de solutions radicales offertes par les mods aux absences et problèmes des jeux vidéo témoigne d’une condition générale de nos imaginaires. Cela dit, nous pourrions également rechercher ses raisons dans les structures mêmes qui rendent le modding possible : les outils d’édition et l’accès au code des jeux. De nombreux chercheurs, de McLuhan à Manovich, ont souligné le rôle central des contextes du médium, ou de ce que Michel Foucault appelle le « dispositif », dans l’éventail de ce qu’il est possible d’exprimer. De ce point de vue, le modding ouvre autant de portes qu’il en ferme, offrant un degré certain de liberté créative, mais une liberté contrôlée de manière invisible par les limites intrinsèques des outils disponibles. Les moddeurs qui dépendent des » outils du professionnel » ainsi que les aspirations professionnelles des programmeurs faniques risquent d’entraver leur potentiel subversif et d’en faire les instruments du système même qu’ils sont en mesure de défier. Cela étant dit, la nature même du mod comme média privilégie, comme nous l’avons mentionné précédemment, les micro-interventions tactiques de Raley ainsi que les « exploits » de Galloway et Thacker, plutôt que de grandioses altérations systémiques. Dans « The Politics of Gamers : Does What You Play Reflect What You Believe ? » (2014, « La Politique des joueurs : Ce à quoi vous jouez reflète-t-il ce en quoi vous croyez ? »), Paul Reid suggère l’existence d’affinités entre les convictions politiques et les préférences des joueurs pour certains types de jeux. Je crois qu’il serait également possible et productif de demander : « Est-ce que votre façon de modder reflète ce que vous croyez ? » ReS Futurae, 12 | 2018
Changer la réalité : les mods des jeux vidéo, la (micro)politique et les genr... 11 BIBLIOGRAPHIE Au Wagner James, « Triumph of the Mod », Salon [En ligne], mis en ligne le 16 avril 2002, consulté le 4 avril 2015. URL : http://www.salon.com/2002/04/16/modding Borland John et King Brad, Dungeons and Dreamers : The Rise of Computer Game Culture from Geek to Chic, Emeryville, CA : McGraw-Hill Osborne Media, 2003. Bould Mark, Science Fiction, Londres : Routledge, 2012. Brand Stewart, « SPACEWAR : Fanatic Life and Symbolic Death Among the Computer Bums », Rolling Stone, 7 décembre 1972. Champion Erik, « Mod Mod Glorious Mod », in Erik Champion (éd.), Game Mods : Design, Theory and Criticism, Pittsburgh, PA : ETC Press, 2012, p. 9-25. Christiansen Peter, « Between a Mod and a Hard Place », in Erik Champion (éd.), Game Mods : Design, Theory and Criticism, Pittsburgh, PA : ETC Press, 2012, p. 27-50. Dyer-Witheford Nick et De Peuter Greig, Games of Empire : Global Capitalism and Video Games, Minneapolis : University of Minnesota Press, 2003. Finch Greg, « The Top 10 Game Mods of All Time », Vice (originellement : The Creators Project) [En ligne], mis en ligne en 2011, consulté le 9 décembre 2018. URL : https://www.vice.com/en_us/ article/4x45mp/the-top-10-game-mods-of-all-time. Galloway Alexander R. et Thacker Eugene, The Exploit : A Theory of Networks, Minneapolis : University of Minnesota Press, 2007. Hong Renyi, « Game Modding, Prosumerism and Neoliberal Labor Practices », International Journal of Communication [En ligne] 7, 2013. Consulté le 9 décembre 2018. URL : http://ijoc.org/index.php/ ijoc/article/view/1659 Hong Renyi et Hsueh-Hua Chen Vivian, « Becoming an Ideal Co-Creator : Web Materiality and Intensive Laboring Practices in Game Modding », New Media & Society 16.2, 2014, p. 290-305. Huhtamo Erkki, « Cracking the Maze : Game Plug-Ins and Patches as Hacker art » [En ligne], mis en ligne en 1999, consulté le 9 décembre 2018. URL : http://switch.sjsu.edu/CrackingtheMaze/ erkki.html Jenkins Henry et Fuller Mary, « Nintendo® and New World Travel Writing : A Dialogue », in Steven G. Jones (éd.), Cybersociety. Computer-Mediated Communication and Community, Thousand Oaks, CA : Sage Publications, 1995, p. 57-72. Johnson Derek, « StarCraft Fan Craft : Game Mods, Ownership, and Totally Incomplete Conversions », The Velvet Light Trap 64.1, 2009, p. 50-63. Juster Scott, « Experiencing the Banality of Evil in “Papers, Please” », PopMatters. [En ligne], mis en ligne en 2013, consulté le 9 décembre 2018. URL : http://www.popmatters.com/post/171036- papers-please Kryptopyr, « Trade and Barter », Nexus Mods [En ligne], mis en ligne en 2013, consulté le 9 décembre 2018. URL : http://www.nexusmods.com/skyrim/mods/34612/ ? Kücklich Julian, « Precarious Playbour : Modders and the Digital Games Industry », The Fibreculture Journal 5, 2005 [En ligne], consulté le 9 décembre 2018. URL : http:// ReS Futurae, 12 | 2018
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Changer la réalité : les mods des jeux vidéo, la (micro)politique et les genr... 14 phénomène des mods en esquissant leur définition et leur contexte. Nous examinerons ensuite plusieurs mods de l’imaginaire en proposant des cadres critiques qui permettent de les analyser. Enfin, nous problématiserons la présence culturelle des mods en établissant des liens entre les pratiques du fan modding [« modding pratiqué par les fans »], d’une part, et les idéologies dominantes ainsi que les procédés de l’industrie du jeu vidéo, d’autre part. The article examines the changing realities of video game mods, micro politics, and the fantastic. It argues for an intimate connection between the practice of modding and the genres of sf and fantasy. It first offers a brief introduction to the phenomenon of modding and sketches out its definition and contexts. It then mentions several fantastic mods and proposes critical frameworks within which they can be discussed. Finally, it problematizes the cultural presence of mods by tracing links between the fan modding practice on the one hand and the video game industry processes and dominant ideologies on the other. INDEX Mots-clés : jeu vidéo, mods, politique Keywords : video games, mods, politics AUTEURS PAWEŁ FRELIK Paweł Frelik est professeur à l’université de Varsovie et s’intéresse notamment à la science- fiction et aux médias visuels. Auteurs de nombreuses publications, il travaille également au sein de plusieurs comités de revues académiques, dont Science Fiction Studies. ReS Futurae, 12 | 2018
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