COHÉSION SOCIALE ET COVID-19 - DES QUARTIERS SOLIDAIRES ET INNOVANTS - AGAM
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© Agam Regards SOCIÉTÉ JUIN 2021 | N°107 COHéSION SOCIALE ET Covid-19 Des quartiers solidaires et innovants La crise sanitaire est une période inédite qui amène chacun à porter un regard neuf sur son envi- ronnement, son quotidien et son futur. Quelles résonances a-t-elle sur les habitants des quartiers prioritaires ? Et si au-delà de l’aggravation des difficultés qu’elle a créées, elle était aussi un révélateur de la force de ces territoires : une solidarité exemplaire et une grande inventivité. Pour les 5 millions d’habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) la crise a été intense. La situation dans les 59 quartiers prioritaires de la métropole d’Aix-Marseille-Provence ne fait pas exception. Leurs 300 000 habitants ont subi, plus que leurs concitoyens, la crise avec dureté, rajoutant aux difficultés du quotidien celles de l’inanticipable, adossant ainsi à leur précarité une nouvelle forme de vulnérabilité. Face à cela, plus qu’ailleurs, sur ces territoires où les mécanismes de résilience étaient déjà à l’œuvre, des élans de solidarité et d’innovation sociale ont été activés. Avec cette publication, l’Agam porte un regard sur la crise sanitaire dans les quartiers prioritaires et s’interroge sur les enseignements à en tirer. Dans un contexte où la relance est au cœur de toutes les actions, où des politiques publiques dont les contrats de ville, s’élaborent, quels bénéfices tirer des enseignements de la crise ?
© Agam Des mécanismes de solidarité pré existants à la crise sanitaire Nous n’avons pas encore assez de Identifiés sur la base de la concentration et alimente un réseau associatif plus recul pour tirer tous de pauvreté, les habitants des quartiers dense qu’ailleurs. Dans les quartiers les enseignements prioritaires connaissent de nombreuses prioritaires de la métropole d’Aix-Mar- de la crise sanitaire difficultés qui les inscrivent en rupture seille-Provence, 17,5 associations pour qui à ce jour sociale et économique. Ils connaissent 1 000 habitants sont présentes dans les n’a pas encore ainsi des problématiques d’accès à l’em- périmètres des QPV alors que ce taux est complètement ploi (avec un taux d’emploi de 44 % de 9 associations pour 1 000 habitants rendu les armes. contre 59 % pour la métropole Aix-Mar- au niveau national. Cela représente un Mais l’on sait déjà que parmi les éléments seille-Provence), d’accès à la formation levier important pour ces territoires. Il « positifs », les questions de localisme, ce qui tend à les orienter vers des par- est également le socle d’une expression proximité, souplesse, agilité, adaptation, cours moins linéaires et plus précaires (la habitante unique qui le dépasse et s’ac- solidarité sortent gagnantes de ce combat a priori inégal. part des emplois salariés précaires des compagne de nombreuses initiatives. habitants des QPV est de 18 % contre De ce tissu associatif émergent des im- Si l’on s’intéresse de plus près à la solidarité, 14 % pour AMP), moins rémunérateurs plications et des revendications fortes on a pu observer qu’elle s’est exprimée de (entre 15 % et 34 % des ménages impo- de la part des habitants de ces quartiers. différentes façons et qu’elle a concerné bien des secteurs et bien des territoires. sés contre 55 % sur l’ensemble d’AMP). Les « quartiers » font donc preuve de Les secteurs concernés par la politique de Face à ces multiples formes de préca- savoir-faire spécifiques transmis par la ville en ont fourni un certain nombre rité, les habitants des QPV sont éprou- l’expérience collective et individuelle. d’illustrations, malgré des fragilités qui vés par la résilience. L’inventivité peut Ils s’accompagnent de processus d’ap- restent importantes. alors compenser certaines difficultés prentissage hors des canaux tradi- Et cela dans bien des domaines, comme rencontrées et mener à la mise en place tionnels. Des micro-systèmes écono- l’entraide informelle, la garde d’enfants, la d’un système d’entraide informel qui miques et d’emploi émergent. Il s’agit résistance de l’entreprenariat avec ça et là touche différents besoins : de la garde là de processus de régulations éco- des initiatives très prometteuses comme d’enfants en passant par l’échange de nomiques et sociales qui se mettent celle de Synergie Family qui a investi les savoir-faire (bricolage, informatique...) et en place « par nécessité » et qui gé- anciens locaux de Ricard à Sainte-Marthe. de ressources (wifi, matériel...) vers le dé- nèrent une certaine expérience des L’heure est aujourd’hui à la sortie de la crise veloppement de contres systèmes tels frictions sociales et de leur régulation. sanitaire et les quartiers de la politique de la que le troc ou des prêts entre groupes En soutien à ce tissu dense d’acteurs ville restent très en attente des mesures de de particuliers, l’échange d’apparte- bien souvent endogènes à ces terri- relance qui les concernent et qui touchent ments. L’intelligence « pratique » ainsi toires, les acteurs de la politique de la un large spectre de préoccupations et de besoins. développée par nécessité joue en plein ville favorisent l’émergence d’initiatives et s’érige en système de résilience à citoyennes. En effet, la politique de la aure-Agnès Caradec part entière. Ce système est soutenu ville n’est pas qu’un vecteur de subven- Présidente de l’Agam 2 | REGARDS | N°107
tions pour lutter contre la précarité, c’est porter des solutions techniques et finan- aussi, et avant tout, un stimulateur d’ini- cières à des besoins concrets recensés tiatives, de lien social permettant d’ap- sur ces territoires. Décryptage des mécanismes de solidarité Habitants représentés par des collectifs font état de besoins 59 c’est le nombre de QPV ou propose des initiatives citoyennes sur la métropole en faveur de leur quartier Aix-Marseille-Provence Cela concerne Soutenu financièrement Abouti à une action Mobilisation et accompagné dans la du réseau répondant aux mise en place des actions besoins des habitants associatif par des acteurs institutionnels 300 000 (bailleurs sociaux, politique de la ville) habitants ... Qui se sont développés et accélérés pendant la crise sanitaire 17,5 associations pour 1 000 habitants La crise sanitaire a augmenté la fragilité au sein des QPV d’AMP contre d’urgence. Propice au développement des habitants des quartiers prioritaires et de fait les inégalités. Cette accentua- d’un système solidaire informel, à la mo- bilisation « du droit commun » et de tous 9 associations pour 1 000 habitants tion est certes très problématique et a les réseaux locaux, pour répondre aux nécessité une intervention de la part des besoins primaires des habitants (alimen- au niveau national pouvoirs publics (soutiens et aides finan- tation, aide aux documents administra- cières supplémentaires des collectivités tifs, lutte contre le décrochage scolaire et des associations déjà présentes sur ces secteurs), mais elle a aussi permis, et contre la fracture numérique...) des chaines de solidarité sans précédent se ? par nécessité, de voir apparaitre de nou- sont mises en place. Les contraintes du velles formes d’innovation sociale. Cette confinement qui s’ajoutent à celles du situation inédite a engendré une triple quotidien ont abouti à la nécessité d’ac- réaction. tions pour tendre vers le supportable. Instaurées en urgence par les citoyens, Les QPV d’AMP connaissent Des quartiers en état d’urgence, ces initiatives ont été par la suite confor- un taux d’emploi précaires des citoyens et acteurs sur le pont : tées par les pouvoirs publics (colis ali- de près de 20% contre 14% la situation exceptionnelle engendrée mentaires, produits de premières néces- sur l’ensemble d’AMP par la crise sanitaire et surtout sociale sités...). pour ces quartiers s’est mutée en un état COHÉSION SOCIALE ETCOVID-19 | 3
u Situation hors normes, actions hors u La proximité au cœur des réponses cadres : à la crise : face à ce degré de crise et cette situa- la contrainte géographique et le repli sur tion inédite, la dérèglementation a été soi sont des constats souvent faits lors- le maitre mot. Ce qui apparait être une qu’est abordée la question des quartiers difficulté récurrente dans l’intervention prioritaires. Dans le cas présent, les ha- centrée sur les quartiers prioritaires, mo- bitants de ces quartiers ont fait preuve biliser au-delà des seuls intéressés, est d’ingéniosité pour tendre vers une redé- devenu une évidence pour chacun. Cela couverte de la proximité qui conforte les s’est également traduit par la transgres- leviers de la mobilisation et du dévelop- sion des règles justifiée par l’urgence. pement du local (associatif, circuit court, C’est par exemple le cas pour la réquisi- valorisation des compétences locales et tion de l’ancien fast food Mc Donald’s de de chacun...). A ce titre, il n’est pas rare Saint-Barthélémy (14e arrondissement), à travers les divers exemples nationaux placé en liquidation judiciaire en dé- mais aussi locaux de voir apparaitre de cembre 2019 et investi par un collectif manière très concrète une véritable mise d’habitants. en place d’économies circulaires. Cette Ainsi, les partenaires de la politique de la tendance n’est pas nouvelle mais elle ville ont connu durant le 1er confinement s’est accélérée fortement ces dix der- des nécessités d’adaptation du « cadre » nières années et encore plus avec la crise administratif et règlementaire d’inter- de la Covid-19. vention afin de répondre au mieux aux besoins spécifiques des habitants des © Agam quartiers prioritaires en allant au-delà de leurs propres limites institutionnelles. Paroles d’acteur La résilience et la solidarité des quartiers de prentissage à impact positif sur l’éducation. C’est Marseille pendant la crise sanitaire ont été im- encore l’exemple d’un projet inventé en contexte « Nous avons assisté pressionnantes. L’économie de la débrouille, pré existante dans ces quartiers est une véritable de crise qui perdue, puisque, l’ « OV School » sera aussi présente à l’été 2021. Les équipes des à une très forte compétence en temps de crise. Marseille peut collectivités ont fait tout leur possible pour faire mobilisation » être fière de ses habitants et de ses jeunes. Nous avons assisté à une très forte mobilisation des preuve d’agilité pendant la crise. En parallèle, de très belles initiatives privées au service de habitants, des entreprises locales et des asso- l’intérêt général ont été menées. Je pense qu’il ciations. Des initiatives ont été lancées, des ac- est important de s’en servir pour inventer de tions déployées qui n’auraient pas été si rapides nouvelles façons de créer de la cohésion sociale. hors crise. Elles perdurent encore aujourd’hui. Je C’est ce que nous essayons de faire à travers pense évidemment à l’Après-M, un exemple em- l’Epopée, village d’innovation éducative et so- blématique de cette solidarité dans les quartiers ciale implanté dans les anciens locaux de Ricard pendant la crise, qui réussit à se pérenniser et à Sainte-Marthe (13014). Nous avons voulu nous qui pourrait même se dupliquer au-delà de Mar- implanter ici et poursuivre l’histoire forte qui seille. De notre côté, nous sommes évidemment existe entre ce site emblématique et les habi- beaucoup intervenus sur le sujet de l’éducation tants du quartier. Rare sont les personnes de Laurent CHOUKROUN pendant cette crise à travers les différents pro- Sainte-Marthe qui n’ont pas été en lien avec Directeur général de Synergie Family grammes de Synergie Family. De nombreuses Ricard. Nous avions à cœur de mettre en lien les et co-fondateur de l’Epopée entreprises locales ont voulu lancer des actions talents et les territoires. L’Epopée vise à révé- solidaires. Par exemple, Orange est venue nous ler ses talents nombreux dans les quartiers et à voir au moment de la crise car ils voulaient agir créer des rencontres en les habitants et d’autres et utiliser Orange Vélodrome pendant l’été pour profils. Mélanger les profils, créer une mixité, les jeunes des quartiers. Nous avons alors lancé c’est aussi l’objectif de projet ! l’ « OV School », un programme ludique d’ap- 4 | REGARDS | N°107
Exemples locaux u L ’Après M : suite à la réquisition lors du premier confinement par d’anciens salariés avec le soutien des riverains et de nombreuses associations, le fast-food social est devenu le centre d’un projet conjuguant banque alimentaire et lieu d’insertion professionnelle à l’échelle des quartiers nord de la ville de Marseille. Les bénévoles distribuent 3 500 colis par semaine, permettant de nourrir près de 14 000 personnes. L’association constituée lors de la crise sanitaire poursuit ses ambitions et souhaite trouver une entente avec le groupe Mc Donald’s France (propriétaire des lieux) afin de créer un restaurant d’insertion et d’application et une plateforme d’accueil pour les associations. © Agam u B assens avec l’association des femmes de la cité : femmes qui ont fortement soutenu des initiatives d’entre aide au sein du quartier. Aide aux devoirs, collectes de denrées alimentaires, habits, jouets pour les enfants, appui administratif. Une nouvelle forme de militantisme apparait, de manière non officielle, organisée spontanément pour répondre à l’urgence collective. les quartiers prioritaires durement touchés par la crise sanitaire Rupture sociale u A ssociation « Avec nous » qui a initié l’opération « Partage ton Wi-Fi », ainsi Rupture sociale que la mise en place d’un crowdfunding et de u Moins de lieux d’échanges sociaux et de sociabilisation Padlet participatifs permettant aux familles (lieux culturels, espaces publics de qualité...). de garder des liens sociaux et de partager u Les fermetures des écoles, centres aérés et associations des idées, créations, recettes tout en ayant ont accentué ce sentiment de perte de liens sociaux. des informations du centre social. En effet, la rupture numérique a fortement impacté les Décrochage scolaire personnes les plus fragiles à la fois en matière u La fermeture des établissements scolaires a accentué de liens sociaux mais aussi de rupture scolaire. le décrochage scolaire : Ces initiatives s’inscrivent par ailleurs dans la continuité des Fablab créés en 2019 et 2020 • sur occupation des logements (4 % des résidences principales en respectivement dans les quartiers des Flamants sur-occupation lourde dans les QPV contre 1,5 % sur l’ensemble et du Clos la Rose qui proposent aux jeunes de la Métropole Aix-Marseille-Provence) ; de 16 à 25 ans en situation de décrochage • manque de matériel informatique et / ou non accès à internet. scolaire, une formation d’initiation aux métiers du numérique mais aussi de l’aide pour les Précarité financière démarches administratives qui sont de plus u Recours massif au chômage partiel + perte d’emploi. en plus dématérialisées, le tout porté par un collectif d’habitant fortement impliqué . u Des charges augmentées (repas par ex.). u A ssociation fruits et légumes solidarité. Mais des emplois précaires « essentiels » En partenariat avec la Banque alimentaire des et reconsidérés Bouches-du-Rhône, cette association prépare, cuisine et conditionne les dons, surplus ou u Des emplois précaires plus visibles car « essentiels » : invendus pour les remettre dans le circuit caissiers, aides-soignantes, agents d’entretien, éboueurs, solidaire à destination des plus démunis. Elle livreurs. est localisée au sein même du Marché d’Intérêt u Au-delà de la reconnaissance citoyenne (applaudissements, hom- National (M.I.N.) de la Métropole Aix-Marseille- mages sur les réseaux sociaux...), le confinement a laissé entrevoir Provence (Arnavaux). une reconsidération des personnes qui occupent ces emplois. COHÉSION SOCIALE ETCOVID-19 | 5
© Agam Et après, quelles opportunités de rapprochement des quartiers avec le monde post-Covid ? Comment porter un regard inversé, ou moins larvés ». Là encore, de nom- LES « NOUVEAUX » BESOINS renouvelé par notre expérience de la breux habitants de grandes villes se sont PRIMAIRES RÉVÉLÉS PAR crise ? Certains freins spécifiques que retrouvés dans une situation similaire LA CRISE : UN DÉFI POUR connaissent les habitants des QPV au à celle décrite ci-dessus où la promis- L’AVENIR DE LA POLITIQUE quotidien se sont transposés à la qua- cuité et l’absence d’espace extérieur ont DE COHÉSION SOCIALE si-totalité du pays durant les deux confi- conduit à une prise de conscience sur la nements de 2020 et les couvre-feux nécessité de changer de modèle d’ha- u Un nouveau point de vue successifs. Il s’agit par exemple d’une biter et de vivre la ville, surtout dans le sur la santé moindre mobilité quotidienne induite cadre de la généralisation du télétravail. La crise a révélé nos fragilités. Dans les par la limitation des déplacements, des QPV elle a souligné que ce qui parait accès à des commerces et services ren- acquis pour tous ne l’est pas toujours. dus complexes ou limités, des difficul- tés d’accès à l’instruction mais aussi aux Une crise qui aura La crise sanitaire a rappelé à chacun l’importance de prendre soin de soi soins. permis de réévaluer mais aussi des autres ainsi que des plus La promiscuité de l’habitat, sans échap- patoire, est aussi une des difficultés pour les besoins essentiels fragiles. La réponse à ce besoin prend plusieurs formes. Pour les habitants des les habitants des quartiers prioritaires QPV, cela se traduit en premier lieu à tra- qui s’est transposée dans le quotidien vers le sujet de l’alimentation. Besoin de d’une large partie de la population. Alors, quelles leçons en tirer ? Il est com- première nécessité qui semblait acces- Comme le décrit l’écrivaine Brigitte Gi- plexe, avec si peu de recul, la crise sani- sible à tous, la crise sanitaire a révélé la raud dans une tribune du Monde datée taire étant toujours d’actualité et la crise fragilité de l’accès à l’alimentation pour du 9 mai 2020, être confiné ne vaut que économique montrant ses premiers les plus modestes : la nourriture a man- si l’on peut parler d’un « chez-soi ». En signes, de porter un regard distancié sur qué et ce sont les réseaux de solidarité prenant exemple sur sa propre expé- la situation. Si celle-ci appelle plus d’in- et la réaction institutionnelle en urgence rience en tant qu’enfant ayant grandi terrogations que de réponses, plusieurs qui ont permis de répondre aux besoins dans la banlieue lyonnaise, elle expose points névralgiques apparaissent : révi- et ce en sortant du cadre. Post crise, cela ainsi cette nécessité d’évasion de l’ha- ser notre grille d’évaluation de l’essen- pointe à nouveau la nécessité d’une po- bitat pour ces habitants : « Il n’avait pas tiel, considérer les quartiers prioritaires litique alimentaire locale et abordable. d’endroit pour étudier, ni pour me re- comme des laboratoires de l’innovation L’agriculture urbaine, les jardins parta- cevoir, ni pour écouter de la musique. solidaire... Au regard de ces constats, gés, les circuits courts, les réseaux de Nous trouvions notre salut dehors, sur quelle politique de la ville est envisa- distribution sont plus que jamais au des bancs, dans des terrains vagues, geable pour demain ? cœur du sujet. comme tous les jeunes de la cité. Dedans L’accès à la santé est aussi une priorité était impensable, c’était l’asphyxie, les qui, avant la crise sanitaire était déjà stratégies d’évitement, les conflits plus source de difficultés pour les habitants. 6 | REGARDS | N°107
Un plan de relance Deux actions sont directement prévues pour le soutien aux personnes précaires Avec la crise, les inégalités sont appa- rues plus criantes en termes de diffi- national nécessaire pour un total de 800 M € à savoir le culté d’accès aux soins mais aussi plus mais devant être soutien aux associations d’aide aux personnes vulnérables et développement largement de pratiques (recours aux ur- gences, ...). Il ne s’agit pas uniquement complété par des de l’hébergement d’urgence. En effet, les d’une question de santé mais aussi du plans locaux Bouches-du-Rhône, au même titre que l’Île- de-France et le Rhône, sont prioritaires du maillage de proximité d’équipements, Afin de pallier aux impacts économiques fait de la forte tension de ces zones. de professionnels de santé, généra- et sociaux de la crise que nous traversons Au niveau local, la Métropole a délibéré en listes, spécialistes et de l’offre sanitaire depuis près d’un an, le gouvernement a Conseil Métropolitain en date du 31 juillet et sociale. En effet, les déserts médi- mis en place un plan de relance national 2020 sur son plan de relance « AMP 2R - La caux ne concernent pas uniquement les présenté en septembre 2020 . Ce dernier Relance et le Renouveau d’Aix-Marseille- territoires ruraux les plus éloignés des contient un conséquent volet sur la Cohésion, Provence ». Huit grands chantiers sont centres urbains. La situation des quar- représentant 36 milliards d’euros sur les ciblés dont un visant à retisser le lien social, tiers prioritaires est très souvent proche 100 milliards du plan de relance. Ce plan résorber les fractures (sociales, territoriales, du désert médical. De manière plus de relance porte des actions aux impacts numériques), et agir par l’éducation et générale, l’offre de services est parfois potentiels forts notamment de l’accès à l’insertion pour donner à chacun sa chance. déséquilibrée. Cela interpelle quant à la l’emploi en faveur des jeunes. Cette priorité ambitionne une métropole plus place de la santé au cœur du projet des Il se distingue sur le fait qu’il ne cible pas ou inclusive et porteuse de perspective pour les « Quartiers ». Si elle est un sujet histori- peu les quartiers prioritaires, sortant ainsi populations les plus fragilisées par la crise. quement portée par la politique de la de la vision de sectorisation telle qu’elle Ces deux plans de relance sont des ville, l’approche des problématiques de est appliquée jusqu’à présent afin de viser signaux forts envers la cohésion sociale santé reste limitée, parfois en recherche la solidarité et la cohésion via plusieurs qui permettront la mise en place d’actions de légitimité et peu intégrée dans une moteurs. concrètes en faveur des personnes les plus dimension plus large de l’accès : finan- fragiles du territoire. cièrement, psychologiquement, géogra- phiquement, culturellement ... Cette crise nous a aussi rappelé que la Cela s’est traduit par une accentuation crucial pour les habitants des QPV et qu’il santé passe par le lien social : veiller sur, des freins que connaissent déjà les ha- transcende les limites de ces quartiers. soutenir, inciter... Comment favoriser ce- bitants des quartiers. Avec la paralysie Avec les conséquences économiques de lui-ci, faciliter la rencontre, l’échange... générale, les parcours résidentiels, qui cette crise sanitaire, l’enjeu des parcours L’espace public est ici un enjeu au regard s’avèrent fortement limités pour les ha- va se révéler avec encore plus d’acuité. de cette thématique. Comme évoqué bitants des QPV ont été gelés. Les par- Cela pose la question de la capacité de ci-dessus, l’espace de vie des personnes cours professionnels et scolaires ont eux la politique de la ville à accompagner ne peut plus se limiter à l’espace « loge- aussi été pour partie suspendus voire les habitants sur ce volet et ce, dans une ment », surtout dans des milieux urbains dégradés. Ces quelques exemples rap- acceptation large : à toutes les échelles très denses comme cela est souvent le pellent à quel point le « parcours », qu’il territoriales et sur tous les sujets. cas dans ces quartiers. Repenser la fron- soit géographique, professionnel ou ré- tière entre le logement et l’extérieur est sidentiel est un enjeu particulièrement aussi un enjeu pour l’habitat de demain afin de proposer des espaces de respi- ration pour les habitants (espaces com- muns au sein ou en dehors du bâti, es- paces publics de qualité, lieux facilitant le lien social...). u De la mobilité aux parcours : un sujet central pour les futurs contrats Si, avec les restrictions, l’enjeu de la mo- bilité est apparu avec particulièrement d’acuité pendant le confinement, celui des parcours s’affirme comme un enjeu pour la période post crise. Contrainte en temps et en distance mais aussi sur © Agam les motifs de déplacement, l’absence de mobilité a aussi paralysé les parcours. COHÉSION SOCIALE ETCOVID-19 | 7
En effet, seule, la politique de la ville VERS UN RENOUVEAU DE LA n’est peut-être pas en capacité de venir POLITIQUE DE LA VILLE ? à bout de cette mission, ce qui laisse pré- Ainsi, comment la politique de la ville sager d’élargir le prisme et considérer peut-elle se réinventer, au-delà des ÉTUDES AGAM la mobilité dans sa globalité. Cela passe quartiers ? Les remises en question Regards de l’Agam n° 52 - Une politique par une plus concrète inscription des vis-à-vis de la politique de la ville sont de la ville métropolitaine – Août 2016 « Quartiers » dans les autres politiques nombreuses et anciennes, presque au- Regards de l’Agam n° 36 - habitat : publiques mais également par une ap- tant que cette politique. Les résultats politique de la ville - Quels sont les proche moins centrée sur le « quartier » observés au regard des investissements enjeux de la réforme ? – Juillet 2015 et davantage sur les dynamiques qui le réalisés depuis plus de quatre décennies État initial de l’observatoire des quartiers transforment. sont assez régulièrement questionnés à de la Politique de la ville - Contrat de ville l’image de l’enquête menée récemment de Marseille Provence – Novembre 2017 u Transcender le cadre : la politique par la Cour des comptes. Quelles pratiques sportives au sein des de la ville fait son « off » Dans le cadre du futur contrat de ville, quartiers prioritaires ? Quels leviers pour Il subsiste un enjeu à dépasser les limites qui devrait remplacer en 2023 les six réduire les inégalités ? – Mars 2018 fixées par le cadre règlementaire dans contrats de ville couvrant la Métro- la continuité de ce qui s’est passé pen- pole et régissant la politique de la ville, dant la crise en prenant en compte et en la réponse aux besoins les plus ur- SITES WEB gérant ces transgressions pour donner gents des populations des territoires Agence Nationale de la Cohésion aux habitants davantage les moyens de connaissant le plus de précarité (les des Territoires se saisir de leur destin. Il s’agit là d’une actuels QPV) constituera là encore un agence-cohesion-territoires.gouv.fr/ logique d’empowerment pour les habi- des enjeux majeurs. Toutefois, l’allè- Cours des Comptes tants des QPV, à savoir le fait d’accom- gement des cadres institutionnels qui ccomptes.fr/fr pagner les habitants dans leur propre constituent ces interventions pourrait Ministère de l’Économie, structuration de réseau. Ainsi, la no- être une bonne piste de travail pour des Finances et de la Relance tion de capacitation des habitants des la rédaction de cette future politique economie.gouv.fr/ quartiers prioritaires pourrait être une publique de la Métropole. A travers piste pour les futurs contrats de ville les nombreux exemples cités, nous en laissant plus de souplesse quant aux constatons qu’efficacité et initiatives VIDÉOS initiatives citoyennes et d’avantages citoyennes spontanées sont loin d’être Marseille : immersion dans les quartiers d’accompagnements pour faciliter les antinomiques, bien au contraire, laissant nord confinés – Reportage Brut actions qui en découlent (via des lignes présager une nouvelle façon de conce- – Mai 2020 budgétaires spécifiques ciblées pour les voir les interventions sur ces territoires. Association Avec Nous : Fabriques actions émergentes venant des habi- numériques des quartiers populaires - tants). Enfin, ces émergences d’initiatives et la Mission Société Numérique spontanéité d’intervention que cela a – Décembre 2020 entrainé constitue des exemples de dé- marches qui peuvent être reproduites partout, pas uniquement au sein des quartiers prioritaires et ainsi concevoir la politique de cohésion sociale vers une logique plus systémique et moins terri- toriale. Louvre & Paix - La Canebière CS 41858 - 13221 Marseille cedex 01 04 88 91 92 90 agam@agam.org Toutes nos ressources @ portée de clic sur www.agam.org Pour recevoir nos publications dès leur sortie, inscrivez-vous à notre newsletter Directeur de la publication : Christian Brunner Rédaction : Nicolas Sablier, Peggy Rousselot, Clémentine Yvorel - Conception / Réalisation : Pôle graphique Agam Photographie Laure-Agnès Caradec : Benjamin Bechet / Marseille - Juin 2021 - Numéro ISSN : 2266-6257 © Agence d’urbanisme de l’agglomération marseillaise
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