Communication au Comité permanent de la justice et des droits de la personne

 
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Communication au Comité permanent de la justice et des droits de
                        la personne

Projet de loi C-75  Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur le système de
justice pénale pour les adolescents et d’autres lois et apportant des
modifications corrélatives à certaines lois
                                    Auteur : David A. Bird

Lorsque j’ai comparu devant le Comité le 2 novembre 2016, j’ai fait valoir qu’il fallait pour
l’instant prélever automatiquement un échantillon d’ADN à la déclaration de culpabilité et
qu’il faudrait à la fin faire ce même prélèvement avec la prise des empreintes digitales et des
clichés à l’arrestation. Je suis heureux de constater que mon témoignage aura joué un rôle
dans une recommandation faite par le Comité dans son rapport définitif au Parlement
(20 juin 2017) en vue de l’élargissement des prélèvements d’ADN :
       Recommandation 24 : Le Comité recommande que la ministre de la Justice dépose une
       proposition de modification législative au Code criminel pour autoriser le prélèvement
       systématique d’un échantillon d’ADN sur tout adulte ayant été reconnu coupable au
       Canada d’une infraction désignée au sens de l’article 487.04 du Code criminel.
Le 15 novembre 2017, le gouvernement a communiqué au Comité sa réponse à ce rapport.
Malheureusement, il n’y traitait pas de la recommandation 24 ni ne faisait même mention des
renseignements génétiques.
Ma crainte est que, comme pour les recommandations antérieures au Parlement en vue de
modifications législatives destinées à étendre l’utilisation de l’ADN (Comité permanent de la
sécurité publique et nationale, juin 2009; Comité sénatorial permanent des affaires juridiques
et constitutionnelles, juin 2010), le gouvernement décide une fois de plus de ne pas agir. Ce
que je n’avais pas prévu cependant, c’est que le gouvernement proposerait en fait des mesures
législatives qui rendraient la Banque nationale de données génétiques (BNDG) moins efficace
dans l’aide à apporter aux services d’application de la loi en matière de résolution des crimes.
Je parle ici de la proposition faite dans le projet de loi C-75 de transformer en infractions
mixtes 100 infractions et plus commandant une peine de 10 ans ou moins par voie de mise en
accusation. Pour comprendre en quoi cette proposition aurait des répercussions négatives sur
la BNDG, il faut saisir le degré de complexité du système canadien.

C’est la Loi sur l’identification par les empreintes génétiques (LIEG) qui crée et
réglemente la BNDG. Cette banque comporte deux grands fichiers :
-2-

   •   Fichier de criminalistique – profils d’identification génétique recueillis lors d’enquêtes
       sur des infractions désignées (sur la scène du crime);

   •   Fichier des condamnés – profils d’identification génétique recueillis auprès des
       personnes reconnues coupables de certaines infractions désignées.

La BNDG compare ces deux fichiers entre eux et confronte individuellement les
renseignements du premier. En voici les résultats :
   •   Absence d’appariement (la BNDG n’a pas facilité l’enquête sauf si la police avait l’œil
       sur quelqu’un dont l’empreinte génétique connue figurait au Fichier des condamnés; le
       délinquant se trouve éliminé comme suspect si l’échantillon de la scène de crime ne
       concorde pas avec cette empreinte).
   •   Appariement effectif (en cas d’appariement avec le Fichier des condamnés, les
       données d’identification sont communiquées à la police qui peut alors concentrer son
       enquête; souvent, ce sera là l’information première de règlement d’une affaire; dans
       bien des cas, la piste est froide et la police ne dispose d’aucun autre indice).
   •   Appariement possible (les profils sont comparés et le profil du Fichier des condamnés
       ne peut être exclu comme appariement, mais l’empreinte génétique est confuse,
       dégradée ou contaminée).

L’efficacité de la BNDG et de toutes les banques semblables de renseignements génétiques sur
le plan international dépend du nombre de profils au Fichier des condamnés et du
téléchargement de profils du Fichier de criminalistique. Il est clair que plus il y a de profils, plus
les chances d’appariement sont grandes. Le Code criminel détermine qui peut avoir l’obligation
à la déclaration de culpabilité de fournir un échantillon pour analyse, de sorte que le profil en
question puisse être téléchargé dans le Fichier des condamnés.

Il limite les ordonnances de renseignements génétiques des tribunaux aux gens reconnus
coupables des infractions désignées qu’énumère le paragraphe 487.04. Il reste que ce ne sont pas
tous les auteurs d’infractions désignées qui soient assujettis aux prélèvements d’ADN. Les
infractions en question se répartissent entre quatre catégories :
   •   Infractions « super primaires » (40 des infractions les plus graves : meurtre, agression
       grave, agression sexuelle, etc.) – le tribunal doit produire une ordonnance en ce sens.
   •   Infractions primaires désignées – (39 infractions graves : infraction liée au terrorisme
       ou à une organisation criminelle, prise d’otages, introduction par effraction dans une
       maison d’habitation, etc.) – le tribunal doit prendre une ordonnance en ce sens sauf si
       le délinquant le convainc que l’incidence sur sa vie privée et la sécurité de sa personne
       est nettement démesurée au regard de l’intérêt public pour la protection de la société et
       la bonne administration de la justice).
-3-

   •   Infractions secondaires (14 infractions mixtes : voies de fait, harcèlement criminel,
       menaces proférées, etc.) – Le tribunal peut prendre une ordonnance en ce sens à la
       demande de la poursuite et compte tenu de ce qui suit :
           o casier judiciaire du délinquant;
           o nature et circonstances de l’infraction;
           o incidence sur la vie privée et la sécurité de la personne.

   •   Infractions secondaires résiduelles ou hybrides (200 infractions et quelque relevant du
       Code criminel, de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (LRCDAS)
       et de la Loi sur le cannabis et qui commandent des peines de cinq ans et plus par voie de
       mise en accusation – le juge a la même latitude de ne pas prendre d’ordonnance pour
       une infraction secondaire, mais le ministère public doit avoir procédé par mise en
       accusation.
Le système canadien est pour moi le plus complexe au monde pour les prélèvements d’ADN.
Si on le compare aux autres, il se trouve à réduire le nombre de délinquants échantillonnés. La
plupart des pays et divers États américains ont commencé par dresser une liste des infractions
les plus graves obligeant à prendre un échantillon et l’ont élargie pour tenir compte de tous les
condamnés pour actes délictueux graves, actes correspondant en gros à nos infractions
punissables par voie de mise en accusation. Le Royaume-Uni a été le premier pays à prélever à
l’arrestation et a vite été suivi à cet égard par la Nouvelle-Zélande et l’Australie. Un grand
nombre d’États américains se sont aussi mis à prélever à l’arrestation, décision confortée par la
Cour suprême des États-Unis en 2013.

Au Canada, les règles actuelles réduisent radicalement le nombre de délinquants échantillonnés.

Le nombre d’infractions visées est limité. On exclut les infractions punissables par mise en
accusation qui encourent une peine de moins de cinq ans, ainsi que certaines infractions
relevant de la LRCDAS ou de la Loi sur le cannabis. Il faut savoir que, par contraste, la police
peut obtenir un mandat de perquisition de domicile et d’autres lieux pour faire enquête sur
toute infraction punissable par mise en accusation qui relève de toute loi fédérale.
L’exigence d’une demande par la poursuite et de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire par la
justice de refuser de prendre une ordonnance à l’égard des infractions secondaires désignées
fait clairement obstacle et vient restreindre le nombre d’ordonnances de prélèvement d’ADN.
Des poursuivants déjà affairés peuvent oublier de demander une ordonnance ou juger que leurs
chances d’en obtenir une sont faibles. Des recherches faites par le ministère de la Justice
pendant que je travaillais toujours dans l’unité des services juridiques de la GRC disaient, si je
me rappelle bien, que des ordonnances étaient rendues pour seulement 20 % environ des
infractions secondaires désignées.
-4-

Le problème qui se pose sur le plan de la sécurité publique est que ni les poursuivants ni les
juges ne peuvent savoir si les délinquants ont déjà commis une autre infraction grave ou
s’exposent à en commettre dans l’avenir. Sur la scène internationale, on relève des cas où les
citoyens les plus respectables ont mené une double vie et commis des crimes odieux : au
Kansas, le tueur BTK (Bind, Torture, Kill) était un homme marié et pilier de sa paroisse; en
Californie, un policier (Golden State Killer) a commis une série de viols et de meurtres. Au
Canada, le colonel Russell Williams, militaire distingué, a été reconnu coupable de viol et de
meurtre. Si ce même colonel avait été mis en cause dans une infraction mixte comme la
conduite avec facultés affaiblies, la poursuite procéderait sans doute par voie sommaire et la
peine encourue ne serait guère autre qu’une amende. Le grand avantage pour la sécurité
publique du prélèvement automatique d’ADN à la déclaration de culpabilité est la possibilité
d’attraper au plus tôt ce genre de prédateurs.

Le grand problème qui limite l’utilisation du Fichier des condamnés est que le ministère public
doit procéder par mise en accusation. Il se trouve aggravé par le projet de loi C-75, qui vise à
encourager la poursuite à opter pour la procédure sommaire. Et j’ai la conviction qu’elle le fera
dans la plupart des cas. C’est une procédure plus simple et, le plus souvent, le ministère public
ne recherchera pas une peine excédant la nouvelle peine maximale de deux ans moins un jour.
Chaque fois que la poursuite choisira la voie sommaire, elle se privera de la possibilité de
demander une ordonnance de prélèvement d’ADN.

J’ai lu le mémoire que l’Association canadienne des chefs de police a présenté au Comité
permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes lorsqu’il
étudiait le projet de loi C-75. Je suppose qu’elle a puisé ses chiffres dans la BNDG. Le Comité
pourrait vouloir demander aux représentants du gouvernement combien de ces appariements
(588 infractions, dont 19 homicides et 24 agressions sexuelles) n’auraient pas été obtenus si le
ministère public avait opté pour la procédure sommaire.

Le résultat avec ces problèmes est que le Fichier des condamnés est bien moindre, en nombre
de cas par habitant, que les banques de renseignements génétiques d’autres pays. Je n’ai pas
les derniers chiffres, mais je crois que le Royaume-Uni a près de 10 % de sa population dans
sa banque génétique et les États-Unis, approximativement 5 %. Dans notre cas, c’est environ
1 %. C’est pourtant un enjeu qui se mesure en chiffres. Quand un échantillon de scène de
crime est téléchargé, le Royaume-Uni a dix fois plus de chances de faire l’appariement et les
États-Unis, cinq fois par rapport au Canada et à la BNDG.
Le Fichier des condamnés de la BNDG progresse à pas de tortue si on le compare à des
banques nationales de renseignements génétiques de même nature. D’après les rapports
annuels de la BNDG, le nombre d’échantillons en 2017-2018 dans le Fichier des condamnés a
augmenté de seulement 19 055 profils. Je sais qu’on a construit cette banque pour qu’elle
puisse traiter 60 000 échantillons par an. Comme il y a eu des progrès technologiques, je
penserais qu’elle pourrait traiter bien plus que 60 000 échantillons sans avoir à recruter plus
-5-

de personnel. Je vous prie instamment d’en parler à la GRC, aux agents de la BNDG et au
Comité consultatif de la banque nationale de données génétiques. Comme je suis à la retraite
depuis juin 2011, je n’ai pas sous la main les renseignements les plus récents.

Le 2 juin 2016, j’ai écrit à l’honorable Ralph Goodale, ministre de la Sécurité publique, pour
porter à son attention le défaut du gouvernement d’autoriser le prélèvement automatique
d’ADN à la déclaration de culpabilité, tout comme la prise des empreintes génétiques à
l’arrestation, sans oublier les recherches familiales. Le 13 décembre 2016, le ministre
Goodale m’a répondu : « Je vous assure que mes fonctionnaires continueront à examiner les
possibilités d’améliorer le recours à l’analyse d’ADN aux fins des enquêtes, tout en s’en
tenant aux considérations en matière d’application de la loi et de protection de la vie privée
et en prévoyant des consultations avec les provinces et territoires, les forces de l’ordre, les
intervenants et le public, de sorte que les Canadiens jouissent des plus hautes normes de
protection. » Avec le projet de loi C-75, les prélèvements d’ADN seront encore moins
nombreux. Ma lettre au ministre et sa réponse sont annexées au présent mémoire.

Le 6 mai 2018, j’ai porté à l’attention de l’honorable Bill Blair, secrétaire parlementaire de la
ministre de la Justice et procureure générale du Canada, que ce même projet de loi réduira par
milliers les ordonnances de prélèvement qui pourraient se prendre et donc le nombre de crimes
résolus. J’annexe aussi copie de ma lettre à l’intéressé qui est demeurée sans réponse.

Je m’étonne qu’un gouvernement qui érige en priorité la justice pour toutes les victimes
n’entreprenne pas d’optimiser le recours à l’ADN pour appréhender et poursuivre les auteurs de
crimes. Le projet de loi C-75 dégrade encore plus la situation. Je peux moi-même prédire que le
nombre de crimes non résolus et de criminels en liberté ne pourra qu’augmenter s’il y a
transformation en infractions mixtes d’un grand nombre d’infractions criminelles punissables
par mise en accusation avec l’adoption du projet de loi C-75.

Je prie le Comité de modifier le projet de loi C-75 de manière à rendre automatiques les
prélèvements d’ADN pour toutes les infractions désignées. Les amendements nécessaires n’ont
rien de complexe. Voici la définition actuelle des infractions secondaires dites résiduelles ou
hybrides au paragraphe 487.04 :

        Infraction secondaire infraction  autre qu’une infraction primaire qui :
       •   a) soit constitue une infraction à la présente loi pouvant être poursuivie par voie
           de mise en accusation — ou, pour l’application de l’article 487.051, qui est ainsi
           poursuivie — et passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans ou plus;
       •   a.1) soit constitue une infraction à l’une des dispositions ci-après de la Loi sur le
           cannabis pouvant être poursuivie par voie de mise en accusation — ou, pour
           l’application de l’article 487.051, qui est ainsi poursuivie — et passible d’un
           emprisonnement maximal de cinq ans ou plus :
-6-

       •   b) soit constitue une infraction à l’une des dispositions ci-après de la Loi
           réglementant certaines drogues et autres substances pouvant être poursuivie par
           voie de mise en accusation — ou, pour l’application de l’article 487.051, qui est
           ainsi poursuivie — et passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans ou plus :
Les mots soulignés devraient être remplacés par ce qui suit :

       et comprend, pour l’application de l’article 487.051, une telle infraction poursuivie par
       procédure sommaire.

Le paragraphe 487.051 pourrait également être modifié. Le paragraphe (1) n’aurait pas à l’être,
mais le paragraphe (2) serait révisé. Il devrait rendre le prélèvement d’ADN quasiment
automatique dans le cas des adultes :

       En cas de déclaration de culpabilité, d’absolution en vertu de l’article 730 à l’égard
       d’une infraction qui a été commise en tout temps et même avant le 30 juin 2000 et qui,
       à la date du prononcé de la peine ou de l’absolution, était une infraction primaire au
       sens de l’un des alinéas a.1) à c.01) et c.03) à d) de la définition de ce terme ou d’une
       infraction secondaire à l’article 487.04, le tribunal doit rendre une ordonnance 
       rédigée selon la formule 5.03 – au même effet. Toutefois, il n’est pas tenu de le faire
       s’il est convaincu que l’intéressé a établi que l’ordonnance aurait, sur sa vie privée et
       la sécurité de sa personne, un effet nettement démesuré par rapport à l’intérêt public
       en ce qui touche la protection de la société et la bonne administration de la justice, que
       visent à assurer la découverte, l’arrestation et la condamnation rapides des
       contrevenants.
On modifierait également le paragraphe (3) pour qu’il soit question de la jeunesse :

       (3) Le tribunal doit rendre une ordonnance  rédigée selon la formule 5.04  à l’égard

               a) d’une personne qui a été déclarée non criminellement responsable pour
               troubles mentaux d’une infraction commise en tout temps, y compris avant le
               30 juin 2000, s’il s’agit d’une infraction désignée à la date du prononcé de la
               peine, ou

               b) d’une personne qui est reconnue coupable, absoute en vertu de l’article 730
               ou déclarée coupable en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour
               les adolescents ou de la Loi sur les jeunes contrevenants d’une infraction
               commise en tout temps, y compris avant le 30 juin 2000, s’il s’agit d’une
               infraction secondaire désignée à la date du prononcé de la peine ou de
               l’absolution.

       Toutefois, le tribunal n’est pas tenu de rendre l’ordonnance s’il est convaincu que
       l’intéressé a établi qu’une telle ordonnance aurait, sur sa vie privée et la sécurité de sa
-7-

        personne, un effet nettement démesuré par rapport à l’intérêt public en ce qui touche la
        protection de la société et la bonne administration de la justice, que visent à assurer la
        découverte, l’arrestation et la condamnation rapides des contrevenants.

Je ne suis pas un rédacteur législatif, mais les avocats du Parlement devraient pouvoir trouver
la bonne formulation.

                                        Respectueusement soumis,

                                               David A. Bird

Annexe 1  Lettre du 2 juin 2016 de David Bird à l’honorable Ralph Goodale
Annexe 2  Lettre du 13 décembre 2016 de l’honorable Ralph Goodale à David Bird
Annexe 3  Lettre du 6 mai 2018 de David Bird à l’honorable Bill Blair
Le 2 juin 2016

                                                                  34, avenue Lambton

                                                                  Ottawa (Ontario) K1M OZ9

L’honorable Ralph Goodale

Ministre de la Sécurité publique

Objet : Rapports de comités permanents sur les renseignements génétiques

Monsieur,

Je vous prie de déposer immédiatement des mesures législatives pour autoriser les prélèvements
automatiques d’ADN à la déclaration de culpabilité en vue de remplacer le système en place qui est
complexe et nuit à l’efficacité de la Banque nationale de données génétiques (BNDG). Contrairement à
ce qui se passe dans d’autres pays de liberté et de démocratie qui prélèvent l’ADN à la déclaration de
culpabilité ou à l’inculpation pour l’ensemble des infractions graves, la loi canadienne exige une
ordonnance des tribunaux dans tous les cas et range les infractions dans des catégories assorties de
règles différentes quant à la possibilité pour le tribunal de prendre une ordonnance de prélèvement
d’ADN. Ce système complexe fait que la plupart des délinquants sont exclus de l’adoption d’une telle
ordonnance et il crée des erreurs et de la confusion au point qu’un grand nombre de délinquants
admissibles n’ont pas à fournir d’échantillon sur ordonnance. C’est ainsi que le nombre de profils d’ADN
dans le Fichier des condamnés de la BNDG augmente d’environ 30 000 seulement par an au lieu des
100 000 prélèvements à prévoir en cas d’échantillonnage auprès de tous les délinquants.

Je suis un avocat à la retraite du ministère de la Justice. Pendant 15 ans, j’ai été avocat auprès de la
GRC. Un de mes dossiers était celui de l’ADN et j’ai été étroitement associé à la création de la BNDG,
ce qui comprenait l’élaboration d’accords internationaux d’échange de renseignements génétiques
conformément au droit canadien.

Avec Richard Bergman, président du Comité consultatif de la banque nationale de données génétiques,
l’honorable Peter Cory, ex-juge à la Cour suprême et membre de ce comité, Greg Yost, avocat à la
Section de la politique en matière de droit pénal au ministère de la Justice et le Dr Ron Fourney,
directeur aux Services nationaux de police de la GRC, j’ai été témoin expert dans le cadre de l’examen
législatif consacré par le Comité permanent de la sécurité publique et nationale à la Loi sur
l’identification par les empreintes génétiques.

Au cas où les résultats de cet examen et les recommandations unanimes du Comité permanent en
juin 2009 n’auraient pas été portés à votre connaissance, j’aimerais insister sur l’intérêt de la
recommandation principale :

        Le Comité recommande que la Loi sur l’identification par les empreintes génétiques et les lois
        connexes soient modifiées de manière à exiger systématiquement le prélèvement
        d’échantillons d’ADN dans tous les cas de déclaration de culpabilité pour l’ensemble des
        infractions désignées. Avant de procéder à cette modification, le gouvernement toutefois doit
        affecter les ressources nécessaires pour répondre à la demande accrue d’analyses d’ADN qui
        résultera du prélèvement automatique sur déclaration de culpabilité.

Le gouvernement de l’heure a accepté les recommandations :

        Les recommandations formulées par le Comité permanent sont, en principe, acceptables pour
        le gouvernement. En conséquence, celui-ci mènera, de façon prioritaire, des consultations
        auprès des provinces, des forces de l’ordre et d’autres intervenants en vue d’obtenir un
        consensus sur la meilleure façon de procéder. (je souligne)
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a aussi procédé à un examen de la
Loi sur l’identification par les empreintes génétiques. J’ai également comparu devant ce comité en tant que
témoin expert. Celui-ci a produit son rapport en juin 2010 et sa principale recommandation a encore été la
suivante :

           Le comité recommande que la ministre de la Justice dépose une proposition de modification
           législative au Code criminel pour autoriser le prélèvement systématique d’un échantillon d’ADN
           sur tout adulte ayant été reconnu coupable au Canada d’une infraction désignée au sens de
           l’article 487.04 du Code criminel. (je souligne).

Le gouvernement de l’heure a noté que les recommandations du Comité sénatorial permanent s’accordaient
largement avec celles du Comité permanent de la Chambre des communes; il a dit consulter activement les forces
de l’ordre, les provinces et les intervenants sur la mise en application de ces recommandations.

Je me rappelle que les consultations ont débuté et que les provinces et les intervenants étaient unanimes à
dire   – sauf les avocats de la défense, bien sûr – qu’il devrait y avoir prélèvement d’ADN chez tous les adultes
reconnus coupables d’une infraction punissable par voie de mise en accusation. Toutefois, rien ne s’est fait,
puisque l’ancien gouvernement a refusé d’affecter les sommes nécessaires à l’expansion de la BNDG, de sorte
qu’elle puisse traiter le grand nombre d’échantillons qu’elle aurait à analyser en cas de téléchargement dans le
Fichier des condamnés.

Disons-le sans ambages, le refus de faire un plus grand usage de la BNDG a fait que des milliers de Canadiens
ont pu être tués, violés, volés, etc., par des gens qui auraient été arrêtés plus tôt dans leur carrière criminelle s’il y
avait eu prélèvement automatique d’ADN à la déclaration de culpabilité. Je vous prie instamment d’appliquer la
recommandation.

À en juger par l’expérience d’autres pays, je pense que le coût de mise en œuvre de celle-ci est moindre que ce
qu’il aurait été en 2010. À la différence des empreintes digitales qui se prennent chaque fois que quelqu’un est
inculpé d’une infraction punissable par mise en accusation, les empreintes génétiques ne se prennent qu’une fois.
Le Fichier des condamnés compte plus de profils maintenant que lorsque le calcul des coûts s’est fait. Nous
pouvons donc supposer qu’il y aura plus de condamnés qu’on n’aura pas à échantillonner, puisqu’ils figureront
déjà dans ce fichier. Il y aura des coûts supplémentaires pour la BNDG et sans doute aussi pour les services
correctionnels provinciaux et fédéraux qui auront à s’occuper de coupables qui n’auraient normalement pas été
détectés, mais les avantages pour la société canadienne l’emporteront sur ces coûts.

Une fois que le législateur autorisera le prélèvement automatique d’ADN à la déclaration de culpabilité, je vous
prierais de faire en plus autoriser le prélèvement à l’arrestation et de permettre les recherches familiales dans la
BNDG, comme cela se fait en Angleterre et dans la plupart des États américains. Si on prenait des échantillons à
l’arrestation, on y gagnerait par rapport au seul prélèvement à la déclaration de culpabilité, car on pourrait
identifier tôt les délinquants. Comme l’a conclu la Cour suprême des États-Unis dans l’affaire Maryland c. King en
confirmant l’autorisation de prélèvement à l’arrestation :

           [TRADUCTION]
           Si on prélève l’ADN à l’arrestation, on a là une preuve irréfutable d’identification de la personne
           arrêtée. Comme les empreintes digitales, les 13 locus repères du système CODIS n’apportent en soi
           aucune preuve de la perpétration d’un crime, comme le ferait une analyse de dépistage pour la
           consommation illicite de narcotiques. Le profil génétique est utile à la police, parce qu’il donne des
           éléments repères pour une recherche dans les dossiers dont elle dispose déjà. À cet égard, le recours à
           l’ADN à des fins d’identification est comme comparer le visage de la personne qu’on arrête à une
           affiche de personne recherchée, un tatouage au symbole connu d’un gang ou un enregistrement
           dactyloscopique aux empreintes digitales prélevées sur la scène d’un crime.

Il n’y a pas que les avantages reconnus par la Cour suprême des États-Unis en matière de sécurité publique,
puisqu’on pourrait en prélevant l’ADN à l’arrestation éviter les coûts du système en place aux tribunaux et aux
forces de l’ordre en demande, prise et exécution d’ordonnances de prélèvement d’ADN.
Les recherches familiales consistent à voir s’il y a des proches de l’auteur d’une infraction qui figurent
dans une banque de données génétiques. C’est pour l’essentiel le même genre d’analyse que dans les
tests de paternité. On a démontré à plusieurs reprises l’utilité de ces recherches pour la résolution des
crimes les plus odieux. Elles sont nées en Angleterre et ont permis d’identifier le violeur en série à la
dague (Stiletto Rapist). Récemment, on a ainsi pu identifier le Grim Sleeper à Los Angeles. Les
recherches familiales pourraient également servir, par exemple, à résoudre les meurtres commis le long
de la Highway of Tears.

Je vous prierais donc de réexaminer les rapports des comités permanents si vous voulez que le Canada
s’aligne sur les normes internationales qui optimisent les avantages de la technologie de l’ADN pour la
sécurité publique.

Respectueusement soumis,

David Bird

c.c.    Très honorable Justin Trudeau, premier ministre du Canada

        Honorable Jody Wilson-Raybould, ministre de la Justice

        Honorable Rona Ambrose, chef de l’opposition

        Tom Mulcair, chef du Nouveau parti démocratique

        Robert Oliphant, député et président, Comité permanent de la sécurité publique et

        nationale

        Anthony Housefather, député et président, Comité permanent de la justice et des droits

        de la personne

        Bob Runciman, sénateur et président, Comité sénatorial permanent des affaires

        juridiques et constitutionnelles
Minister of Public Safety                     Ministre de la Sécurité publique

                                        Ottawa. Canada K1A OPB

19 décembre 2016

Monsieur David Bird
34, avenue Lambton
Ottawa (Ontario) K1M OZ9

Monsieur,

Je vous remercie de votre lettre du 2 juin 2016 où vous recommandez d’adopter des
mesures législatives pour autoriser les prélèvements automatiques d’ADN à la déclaration
de culpabilité.

Comme vous en faites mention, la Loi sur l’identification par les empreintes génétiques
(LIEG) a fait l’objet d’un examen législatif en 2009 et 2010 par les soins respectifs du
Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes
(SECU) et du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles
(LCJC). L’un et l’autre de ces comités ont fait plusieurs recommandations dans leurs
rapports, dont deux que vous avez évoquées au sujet du prélèvement d’échantillons
d’ADN à la déclaration de culpabilité pour toutes les infractions désignées.

À la suite des recommandations de ces deux organes, le gouvernement s’est engagé à
consulter les provinces et territoires, les forces de l’ordre et les autres intervenants en vue
de dégager un consensus sur la meilleure façon d’y donner suite. C’est dans ces
consultations qu’ont été soulevées plusieurs questions à analyser et à considérer plus
avant en ce qui concerne les recommandations que mentionne votre lettre.

Vous savez aussi que les deux comités ont présenté des recommandations en vue de la
formation de nouveaux fichiers de renseignements génétiques aux fins des enquêtes sur les
personnes disparues et les restes non identifiés. Dans le rapport du comité LCJC en
particulier, on rappelle l’étendue et la complexité des questions qui sont encore à résoudre
dans l’établissement de ces nouveaux fichiers. Les efforts en vue de trouver des solutions
ont culminé dans les modifications apportées en 2014 à la LIEG afin de créer trois fichiers
humanitaires (sur les personnes disparues, les familles des personnes disparues et les
restes humains), ainsi que deux fichiers permettant de renforcer l’aide aux enquêtes
criminelles (sur les victimes et les donneurs volontaires). Les travaux de mise en place de
ces cinq fichiers sont en cours, d’où un net avancement de la médecine légale fondée sur les
renseignements génétiques au Canada. Plus important encore, ce travail procurera aux
forces de l’ordre, aux coroners et aux experts médico-légaux des moyens supplémentaires
pour garantir que tout sera mis en œuvre pour retrouver les personnes disparues et identifier
les restes humains inconnus; il aidera donc les familles des personnes disparues à refermer
les blessures.
Je vous assure que mes fonctionnaires continueront à examiner les possibilités d’améliorer
le recours à l’analyse d’ADN aux fins des enquêtes, tout en s’en tenant aux considérations
d’application de la loi et de protection de la vie privée et en prévoyant des consultations
avec les provinces et territoires, les forces de l’ordre, les intervenants et le public, de sorte
que les Canadiens jouissent des plus hautes normes de protection.

Je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de mes sentiments les meilleurs.

L’honorable Ralph Goodale, c.p., député

c.c. Le très honorable Justin Trudeau, c.p., député
     Premier ministre du Canada

     L’honorable Jody Wilson-Raybould, c.p., députée
     Ministre de la Justice et procureure générale du Canada

     L’honorable Rona Ambrose, c.p., députée
     Chef de l’opposition officielle

     Thomas Mulcair, député
     Chef du Nouveau parti démocratique

     Robert Oliphant, député
     Président, Comité permanent de la sécurité publique et nationale

     Anthony Housefather, député
     Président, Comité permanent de la justice et des droits de la personne

     Bob Runciman, sénateur
     Président, Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles
34, avenue Lambton
                                                                              Ottawa (Ontario)
                                                                                     KIM OZ9
                                                                                 613-749-5736
                                                                         davidbird@rogers.com

                                                                                   le 6 mai 2018

Honorable Bill Blair
Secrétaire parlementaire de la ministre de la
 Justice et procureure générale du Canada
Chambre des communes
Ottawa (Ontario) KIA OA6

Objet : Modifications du Code criminel et de la Loi sur l’identification par les empreintes
génétiques

Monsieur,

Je vous écris parce que, ayant été chef de police, vous comprenez certes l’importance de
l’ADN dans la résolution des crimes, et pourtant votre gouvernement s’apprête à diminuer
l’efficacité de la Banque nationale de données génétiques. En tant que secrétaire
parlementaire de la ministre de la Justice et procureure générale du Canada, vous êtes
particulièrement bien placé pour porter cette question importante à l’attention de la ministre
et promouvoir l’adoption de mesures législatives qui rendront cette banque plus efficace.

Je suis un avocat à la retraite du ministère de la Justice. Pendant mes 15 dernières années de
carrière, j’ai été avocat auprès de la GRC et j’ai participé à la création et à l’administration
de la Banque nationale de données génétiques (BNDG). Depuis que j’ai pris ma retraite,
j’ai poursuivi mes efforts à titre privé de citoyen pour promouvoir l’adoption de
modifications législatives qui élargiront les prélèvements d’ADN.

Le 2 juin 2016, j’ai porté par écrit à l’attention de l’honorable Ralph Goodale le défaut du
gouvernement à autoriser les prélèvements automatiques d’ADN à la déclaration de
culpabilité, ainsi que l’avaient recommandé le Comité permanent de la sécurité publique et
nationale de la Chambre des communes (SECU) en 2009 et le Comité sénatorial permanent
des affaires juridiques et constitutionnelles (LCJC) en 2010. Bien que l’ancien
gouvernement ait accepté ces recommandations, rien n’a été fait en près de 10 ans.
3

En tant que secrétaire parlementaire de la ministre de la Justice et procureure générale du
Canada et ancien chef de police, il vous incombe de soulever cette grave question auprès de
la ministre Wilson-Raybould et de lui exposer l’importance de proposer des mesures
législatives qui écarteront les répercussions négatives du projet de loi C-75.

La solution est simple, c’est le prélèvement automatique d’ADN à la déclaration de
culpabilité. Il m’est difficile de comprendre pourquoi la Banque nationale de données
génétiques au Canada ne comporte pas les mêmes types d’infractions admissibles en matière
de prélèvement que dans les banques nationales de même nature des États-Unis et du
Royaume-Uni.

La ministre Wilson-Raybould pourrait aussi vouloir s’enquérir auprès de ses fonctionnaires
de l’effet de la création d’infractions mixtes sur la prise d’empreintes digitales. Je suis à la
retraite depuis sept ans et je me rappelle qu’un problème se posait dans les provinces à
filtrage des accusations, puisque les tribunaux avaient conclu que la police perdait le
pouvoir de prendre les empreintes digitales en cas d’infraction mixte si le ministère public
optait pour la procédure sommaire. La transformation de certaines infractions en
infractions mixtes comme le propose le projet de loi C-75 ne fera qu’aggraver la difficulté.
J’ai récemment parcouru les lois du ministère de la Justice au site Web du gouvernement,
et il ne me semble pas y avoir relevé de modifications apportées à la Loi sur l’identification
des criminels pour résoudre ce problème.

Je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de mes sentiments les meilleurs.

David A. Bird
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