Comprendre notre système de retraite
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O S S IER Retraites... - Retraites.. D Comprendre notre système de retraite Une question Une construction progressive Au XIXème siècle, les systèmes émergeants de retraites réformes-là tournent radicalement le dos au contrat social d'un droit à une vie pleine et entière après le travail. d’abord ont été conçus pour "lutter contre la pauvreté des person- nes trop âgées pour travailler". L'instauration d'un régime Un régime à prestations définies Philosophique ! général obligatoire par capitalisation au début du XXème siècle s'est vue stoppé par la crise de 1929 en discrédi- Régime en annuités qui repose sur trois leviers qui découlent du choix d'une société solidaire acté dès 1945 : tant le choix de la capitalisation ! ● le niveau des pensions qui doivent être comprises Il est un fait inéluctable : le nombre de retraités augmente comme un salaire socialisé pour les salariés ou un salaire et va continuer à le faire En 1945 à la sortie de la guerre, alors que la France est continué pour les fonctionnaires, pendant plusieurs années (l’hy- exsangue et ruinée, l'idée d'associer toute la société à ● la durée des cotisations et l'ouverture du droit à pothèse 2025/2030 est généra- faire face aux besoins créés par l'inégalité, la misère, la pension, lement reprise). Au delà d’un maladie et la vieillesse a prévalu pour la construction de ● un financement partagé entre salariés et employeurs effet purement démographique la protection sociale, la retraite devant "garantir un revenu (contributif), (le « papy boom »), c’est le résultat d’importants et multi- de remplacement à tous les retraités". Ainsi, le Au regard des inégalités d'emploi, de précarité, de ples progrès qui conduisent à programme du Conseil National de la Résistance se chômage et de salaire, des mécanismes de compensa- une augmentation régulière de traduit dans l'ordonnance du 19 octobre 1945 qui fixe les l’espérance de vie. tion non contributifs ont été mis en place (avantages règles du contrat social. familiaux et conjugaux, minimum garanti). Qui oserait se plaindre de cette chance formidable que connaît la société française, et plus lar- Un système fondé sur la répartition gement européenne ! Où est la justice ! La retraite sera financée par répartition. Les cotisations Personne ? A voir ! Parce qu’à Avant la réforme de 1993, le taux de remplacement des actifs servent à payer immédiatement les pensions écouter la communication du (rapport 1ère pension/dernier salaire) était de 84% dans le gouvernement sur cette réalité, des retraités, tout en leur ouvrant des droits pour leur privé et 77% pour le public. le ton est plus celui de la fata- future retraite. Après 1993, la retraite des salariés du privé a chuté du lité, du fardeau, à la limite de la Le socle du système de protection sociale repose sur le catastrophe, alors qu’il devrait fait notamment de l'allongement de la durée de cotisation principe de solidarité intergénérationnelle mais aussi de être celui d’un extraordinaire et de la prise en compte des 25 meilleures années. Pour solidarité au sein de chaque génération puisqu'il organise pas en avant qualitatif de plus de justice, la pension du public a baissé en 2003. civilisation ! des redistributions entre les différentes catégories La deuxième chance de la socio-professionnelles et les sexes. Car il ne suffit pas société française est son taux que le système de retraite soit par répartition pour qu'il de natalité, le plus élevé devienne égalitaire. d’Europe, qui permet d’envisa- ger plus sereinement l’avenir Enfin, en mars 1982 est instaurée la retraite à 60 ans, à démographique, le renouvelle- taux plein avec 37.5 années de cotisation, pour garantir ment de génération, et par voie un niveau de retraite décent en relation avec le niveau de de conséquence de fonder la vie pendant le travail. Ce qui à l'époque est jugé "irréaliste pérennité de la solidarité inter- générationnelle. d'un point de vue économique et financier" par la droite et Il s’agit là de deux marqueurs le patronat. essentiels de l’état global de L'avenir est-il une punition ? Depuis, les attaques se la société française, de sa sont multipliées, prétextant invariablement l'évolution confiance dans l’avenir, et démographique, pour se concrétiser par les dégradations simultanément le résultat de choix sociétaux faits par le issues des réformes Balladur de 1993 et de Fillon en passé, par nos aînés, notam- 2003 avec une paupérisation accrue des retraités. Ces ment en matière de protection sociale et de solidarité nationale. Ces choses là ne se nourrissent Secteur privé : pas de rien. Elles puisent leurs un régime à trois étages Fonction publique racines dans une conception profonde de l’existence et des Régime facultatif Afin que les agents se consacrent pleinement à leurs rapports sociaux. (retraite des grandes entreprises) missions d'intérêt général, l'État assure une rémunération C’est ce que semblent ignorer à ses agents en activité et après leur activité. Celle-ci Régime complémentaire obligatoire garantit aussi la fonction publique des risques de les comptables des déficits, des assure 40% des retraites pour les cotisations et des âges de corruption. salariés (60% pour les cadres) départ en retraites. ARRCO, AGIRC et pour les non Dans cette logique, les pensions des fonctionnaires sont C’est pourtant bien ce débat qui titulaires de la FP lʼIRCANTEC inscrites au budget de l'État. doit être mis en amont des Modifier cette construction revient à "externaliser" les Régime général de base mesures techniques : celui Taux plein : 50 % sur un salaire personnels, comme la RGPP cherche à externaliser et d’une philosophie de la vie qui plafonné (2 885 ) "marchandiser" les missions de services publics. sous tend les choix ! 12 SNEP N° 835 - 00 JUIN 2010
Doss ie prép r .. - Retraites... - Retraites... - Retraites... Soph Lion a ie Du ré p que ar : el sn Alain Delbard ne, , Anne Goudard Galm , À quels problèmes Après la modification des bonifications pour enfant en 2003 pour les fonction- iche. naires, pour plus de justice, les salariés en 2009 ont eu une réduction de leur majoration. Pour le gouvernement, la dégradation d’un secteur sert de point d’appui pour légitimer la dégradation de l’autre ! C'est cette lecture qui nous permet de comprendre l'attaque à peine voilée sommes-nous confrontés ? contre la référence aux 6 derniers mois qui n'a pu se concrétiser en 2003 grâce aux mobilisations. Y toucher se traduirait par une nouvelle dégradation Fatalité démographique ? L'augmentation de l'espérance de vie et l'arrivée à l'âge de la retraite de la dont la hauteur est directement liée à l'allongement de la durée de référence. génération des "baby-boom" sont deux faits réels. Cependant, ils n'y arrive- ront pas tous en même temps ! Les autres modèles : des régimes à cotisations définies D’une part, l'allongement de l’espérance de vie à la naissance n'est pas d'1 - le régime par points : les cotisations sont transformées en nombre de points trimestre par an mais de 0,44, n'en déplaisent au gouvernement et à selon leur valeur d'achat et constituent une rente viagère. Le montant de la Mme Parisot. Quant à l’espérance de vie à 60 ans qui intéresse particulière- pension sera déterminé par la valeur de liquidation du point, fixé par les ment les régimes de retraite, son évolution est d’1 an tous les 10 ans selon gestionnaires et évoluant tous les ans. Les régimes complémentaires l’INSEE. Parallèlement, le taux de fécondité des femmes, près de 2, large- obligatoires sont des régimes par points, ment en tête des pays européens, assure quasiment le renouvellement. In - les régimes en comptes notionnels : système (en Italie, en Suède) où fine, la population en âge de travailler devrait rester stable et l'augmentation chacun cotise pour lui-même en se constituant un compte individuel du nombre de personnes âgées moindre, selon les dernières estimations. alimenté tout au long de sa vie professionnelle par les cotisations Pour autant, les variables démographiques ne suffisent pas à déterminer salariales et employeurs. Lors de la liquidation, ce capital virtuel sera trans- l'équilibre d'un régime de retraite y compris par répartition : taux d'emploi, formé en rente avec application d'un coefficient prenant en compte l'âge de évolution des salaires, niveau de cotisation, nombre de cotisants, natures des départ, l'espérance de vie et la situation économique. recettes, sont autant de paramètres constitutifs de l'équilibre d'un régime de Ces deux systèmes sont des régimes à cotisations définies. On sait ce que retraite. l'on cotise mais on ignore les prestations qui seront versées, à Preuve en est, ce rendez-vous « retraite » n’était pas programmé avant 2012. l'inverse de notre régime, en annuités où les prestations sont définies. C’est bien la crise financière et ses conséquences sur l’emploi et la faiblesse des salaires qui servent le gouvernement. Changer de système ? La recherche d'un ajustement automatique des prestations en fonction de Puisqu'on vit plus longtemps, nous devrions travailler plus longtemps. l'évolution de la situation démographique et économique a pour objectif * Travailler plus longtemps est inégalitaire par rapport à l'emploi. d'esquiver la question du financement et permet de se dégager de toute Est-il égalitaire de prôner l'allongement du travail quand 6 salariés sur 10 ne responsabilité politique. sont plus en emploi au moment du départ à la retraite ? Est-t-il égalitaire de prôner l'allongement du travail quand le chômage touche un salarié sur 10 ? * Travailler plus longtemps est inégalitaire face au travail. A quel titre les salariés qui ont eu une carrière difficile ou exercent dans des conditions pénibles et qui ne sont plus en capacité de poursuivre leur activité professionnelle devraient-ils être sanctionnés par une retraite plus faible ? * Inégalitaire par rapport aux jeunes qui cherchent désespérément des emplois en pleine montée du chômage. Faire travailler plus longtemps les seniors contribuera à augmenter le chômage des jeunes. * Inégalitaire également, parce que ceux qui ont un patrimoine ont le choix, alors que d'autres doivent continuer ou cumuler emploi et retraite. C'est donc bien la baisse des pensions qui est recherchée à travers l'allongement de la durée d'activité et/ou le report de l'ouverture des droits à retraite à 60 ans (âge légal). Exhortés à travailler plus longtemps, sanction- nés par la baisse du niveau de leur pension, les salariés sont ainsi privés des retombées positives des gains de productivité qu’ ils ont contribué à réaliser. Quel que soit le régime adopté ces dernières années en Europe, les effets sont comparables, liés à un même refus, celui d'augmenter les financements. En accentuant le caractère contributif des systèmes, on affaiblit le niveau des pensions et on accroit les inégalités. L'évolution du taux de remplacement - avant et après réforme - pour une carrière complète est de - 25% en Italie, - 21% en Suède et en France, - 18% en Allemagne. En faisant disparaitre l'âge de départ en retraite ou la durée de cotisations, ces systèmes reportent sur chaque individu la responsabilité de construire sa retraite et incitent à épargner pour compenser la baisse du niveau des pen- sions. Choix inique de par les situations inégales d'emploi, de pénibilité du travail ou de revenu. 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O S S IER Retraites... - Retraites.. D Le projet réel du pouvoir « Cette solidarité, notre système de retraite par répartition la fait vivre... c’est ce système que nous devons défendre… Les réformes mises en œuvre en 1993, 2003 et 2008 ont déjà permis d’accomplir une part significative du chemin. Nous devons aujourd’hui les prolonger » peut-on lire dans le document d’orientation du gouvernement avec l’engagement de « ne pas réduire les déficits en baissant les pensions des retraités d’aujourd’hui et de demain ». Mais qu’en est-il aujourd’hui ? Les effets des réformes de 1993 à 2008 inférieur de 3.9 points à celui des hommes. Elles sont plus touchées par la " Nous excluons la baisse des pensions" décote : 19,2% contre 18,7% pour les hommes qui, par ailleurs, bénéficient Pourtant l'appauvrissement des retraités est en marche avec les plus souvent d'une surcote. En 2003, si 88% des femmes fonctionnaires ont réformes de 1993 à 2008 qui n'ont, à ce jour, pas encore produit tous leurs pu partir en retraite en bénéficiant d'une bonification pour enfant, elles effets. n'étaient plus que 73,1% en 2006. Au total, le montant moyen de la bonifica- tion versée aux femmes liquidant leur pension a été réduite de 16% dans la Des pensions plus faibles fonction publique d'état et de 30% dans les autres fonctions publiques. Depuis 1993, le passage du calcul des pensions sur les 25 meilleures années Reporter son départ a servi à compenser ce recul. (10 auparavant) a considérablement dégradé la pension de retraite des salariés du privé. Pour la fonction publique, de 2002 à 2007, les taux de Une capitalisation qui n’ose pas dire son nom ! pension ont baissé de 1.5%. Tout est fait pour décrédibiliser, particulièrement chez les jeunes, le système de retraite par répartition et les inciter à pallier l'insuffisance programmée des futures pensions en créant leur propre épargne retraite. Feignant d'ignorer la réalité sociale et ses contraintes (carrière courte, périodes de chômage, précarité, pénibilité, temps partiel, faible salaire), le gouvernement invite les actifs non seulement à financer la retraite de leurs aînés, mais aussi à épargner pour leur propre retraite ! Au vu de la situation dégradée de l'emploi, cette solution est totalement inégalitaire. Pour certains 75 % 61 % Mais, c'est l'indexation des pensions sur les prix (et non plus sur les salaires) 53% qui entraîne une paupérisation accrue et continue, de tous les retraités, même si dans la fonction publique, aujourd'hui, les salaires progressent moins vite que les prix. Près d'un million de retraités vivent sous le seuil de pauvreté. 10,4% des retraités de la FPE partent actuellement avec le minimum garanti, contre 46,7% des fonctionnaires de la territoriale. Un fonctionnaire né en 1938 touchait 81% de son dernier salaire. Pour ceux nés en 1955, la moyenne sera de 61% et ceux de 1985 verront leur pensions fondre à 53% si nous ne revenons pas sur ces réformes régressives. un minima social, pour d'autres le jackpot... Si certains y parviennent, c'est qu'il y a de l'argent ! Pourquoi dans ce cas, privilégier un système individuel Carrières plus longues et dégradées au détriment d'un système collectif et solidaire ? Si ce n'est pour offrir la Les modifications apportées à la Cessation Progressive d'Activité (CPA) ont masse financière que représentent les retraites et, plus largement, la protec- bouleversé les fins de carrière. La nouvelle CPA est non seulement moins tion sociale aux marchés financiers, sans parler des incitations fiscales qui accessible mais aussi moins attractive. Les entrées en CPA chez les certifiés réduisent d'autant les recettes budgétaires pour les retraites, la protection chutent de 84% de 2002 à 2007. Alors sociale et les services publics. N'est-ce qu'un tiers travaillait à temps complet au pas le projet du gouvernement et des moment de partir en retraite en 2003, ils forces néolibérales ? « Le gouverne- sont 60% en 2008. ment proposera des mesures permet- L'âge moyen au départ en retraite a tant à davantage de Français de progressé de 8 mois entre 2002 et 2008 compléter leurs pensions de retraite en dans la fonction publique. recourant à des dispositifs d’épargne- retraite » (doc. d’orientation du gouver- Des inégalités accrues nement). Jouer sa retraite en bourse ! Au ministère de l'éducation nationale, le La crise financière est là pour nous en taux de pension des femmes est rappeler les incertitudes ! 14 SNEP N° 835 - 00 JUIN 2010
.. - Retraites... - Retraites... - Retraites... Les conséquences et les alternatives Les jeunes, premières victimes breuses situations. La FSU revendique également l’extension aux enfants nés Asséner l'argument du travailler plus longtemps/plus tard, c'est également avant 2004, de la prise en compte gratuite des périodes non travaillées dans faire fi des évolutions sociales. La durée de vie professionnelle prévue par la limite de 3 ans pour les enfants nés ou adoptés à partir du 1er janvier 2004, exemple pour la génération de 1970 est de l'ordre de 35 ans. On est donc - La reconnaissance de la pénibilité. déjà loin de la durée nécessaire pour une retraite à taux plein (41 ans en Certaines catégories peuvent encore partir à 55 ans mais pour la majorité, il 2012) et encore plus avec les projets de 42-45 ans de cotisations. n'y a aucune prise en compte des différentes formes de pénibilité. Il faut aussi Le Conseil d'Orientation des Retraites (COR) prévoit d'ici à 2020 une envisager de nouvelles formes d’exercice des métiers prenant en compte les augmentation de la durée validée pour les femmes rejoignant celles des âges et les expériences acquises, et développer suffisamment tôt de hommes (155 trimestres). Mais cela reste très loin des 167 trimestres véritables perspectives de mobilité. nécessaires pour obtenir le taux plein. - Une véritable CPA. A partir de 2020, les durées validées devraient baisser du fait notamment de Depuis la loi Fillon, les modalités de l'entrée plus tardive des jeunes générations sur le marché du travail. Déjà la Cessation Progressive d’Activité aujourd'hui, l'âge d'entrée dans un emploi stable a augmenté de 2 ans entre (CPA) ne permettent plus cette les générations 1950-1970. transition activité / retraite. La FSU Une étude de la Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des souhaite de nouvelles dispositions Statistiques de mai 2009 montre que dès à présent pour la génération 1974, reprenant les aspects positifs de 75% des hommes et 80% des femmes ne pourront pas atteindre la durée l’ancienne CPA, qu’il faut améliorer et requise (40 ans dans l'étude) pour obtenir un taux plein et seront plus nom- assouplir, en fonction des besoins. breux encore au regard des 41 ans programmés avec les réformes de 1993 - L’accroissement des financements. et 2003, alors même que cette réforme est affichée nécessaire pour "sauver Pour la FSU, il faut accroître la part de les retraites par répartition pour les générations futures". la valeur ajoutée destinée aux salariés. Augmenter la part des dépenses pour Les propositions de la FSU les retraites de 4 à 5 points de PIB d’ici La FSU défend le système par répartition et le Code des pensions dans la 2050 est tout à fait à notre portée : cela Fonction Publique. Elle se bat contre les régressions en cours et à venir, et suppose d’y consacrer le quart des se prononce pour le droit à un départ en retraite à 60 ans avec un taux de gains de productivité, soit une augmen- remplacement de 75%, calculé sur les 6 derniers mois, soit 37,5 annuités tation des cotisations de 0,375 point par pour une retraite complète dans la FP... Elle revendique de nouveaux droits an. Les régimes de retraite sont pour améliorer le Code des pensions : financés par des cotisations prélevées - La prise en compte gratuite des années d’études pour la durée d'assurance, sur les salaires ; l’élargissement à la et la validation des périodes de précarité. valeur ajoutée des entreprises, la taxa- - Le rétablissement des bonifications pour enfants sans condition. tion des revenus financiers et des patri- Supprimées dans la FP pour les enfants nés à partir du 1er janvier 2004 ; et moines doit permettre d’inscrire plus de les nouvelles modalités pour les enfants nés avant 2004 excluent de nom- solidarité dans le financement. Est-ce possible ? PIB et retraites de 260 à 720 milliards d’euros par an, s’en tenir à cette donnée brute biaise- Le Produit Intérieur Brut (PIB) est un indicateur couramment utilisé, (PIB, PIB rait l’appréciation. Pour avoir une vue plus juste, il faut appréhender ce qui par habitant). Il fait partie du débat sous la forme du pourcentage de PIB reste du PIB une fois la part consacrée aux retraites retirée. Elle passerait de consacré aux retraites. 1 740 à 3 280 milliards ! Loin d’être parfait ou exhaustif, parfois contesté dans son mode de construc- C’est cette approche qui conduit à considérer que consacrer un quart des tion, il n’a pas en soi de valeur absolue. Il a pour intérêt principal de permet- gains de productivité aux retraites, est un effort tout à fait réaliste et réalisa- tre des comparaisons entre pays, ou dans le temps pour un même pays. ble. Dans les hypothèses qu’il a retenues, le Conseil d’Orientation des Retraites Ils nous ont déjà fait le coup ! (COR) chiffre l’effort à réaliser pour maintenir en l’état le Les arguments employés par les forces qui s’opposent au progrès social ou système actuel à environ 5 points de PIB : de 13% du PIB en 2010, la part qui militent en faveur d’une remise en cause des acquis sociaux sont toujours des retraites devrait représenter 18% du PIB en 2050. Cet effort fait pousser les mêmes : l’économie ne pourrait pas supporter le coût, la compétitivité en des cris d’orfraie au Medef, repris en cœur par un ensemble des forces poli- serait affectée. tiques, dont la majorité présidentielle. Ce fut le cas en 1936 avec les congés payés, en 1945 avec la Sécurité C’est cet effort qu’il faut apprécier et relativiser : Sociale, en 1982 avec la retraite à 60 ans. - de 1960 à 2010, le même effort a été réalisé (passage de 6 à 13% du PIB) Dans un rapport de 1962 (Politique de vieillissement), était déjà préconisé de sans mettre le pays sur la paille, porter la durée de cotisation à… 45 annuités, au prétexte que « le vieillisse- - dans ses hypothèses, le COR chiffre l’évolution du PIB à 2,6% par an. Ainsi ment progressivement se fait mais de manière inéluctable et grève les donc, d’ici à 2050, le PIB aura doublé. Cette donnée ouvre donc une autre conditions d’existence de la collectivité française » ! perspective : si, certes, la part de PIB consacrée aux retraites devait passer Une bien vieille lune de 48 ans ! SNEP N° 835 - 00 JUIN 2010 15
O S S IER Retraites... - Retraites.. D Déjà difficile d’atteindre 60 ans, alors… 62, 63, 65 ans et plus ? On se moque de nous ! Le métier d’enseignant d’EPS, aujourd’hui en Une spécificité régulièrement soulignée… 2010 ? Pourtant, dès 1997, lors de la table ronde « pas de classe sans enseignant », Mr Zorman, médecin conseiller technique au rectorat de Grenoble, avait Il s’est complexifié, le temps et la charge de travail ont augmenté, la insisté sur la spécificité du métier des professeurs d’EPS en déclarant à pénibilité s’est accrue. L’enseignement évolue et, comme tous les autres propos de leur santé : « Les enseignants d’EPS forment un groupe qui est enseignants, le professeur d’EPS est confronté à un public plus varié, plus exposé à des problèmes spécifiques. Leur enseignement nécessitant un fort hétérogène et plus difficile. investissement corporel, il arrive fréquemment qu’ils présentent des trauma- tismes articulaires (accidents ligamentaires, arthrose précoce…) ou d’autres Mais le métier d’enseignant d’EPS présente des caractéristiques particuliè- lésions observées en médecine sportive. Ils doivent, comme les autres ensei- res qui sont encore trop souvent ignorées et méconnues : gnants, poursuivre leur activité jusqu’à 60 ans. Cela peut être rendu difficile - des effectifs de classe importants, avec la diminution des capacités physiques liée à l’âge et la fréquence des - une discipline d’enseignement plus à risques que les autres, qui exige une séquelles traumatiques. Une arthrose banale, une lombosciatique chronique vigilance permanente (risques à contrôler, souci constant de la sécurité des n’auront pas les mêmes conséquences dans une profession sédentaire que jeunes…), pour un enseignant d’EPS, ni les mêmes retentissements tant sur le plan - des conditions de travail et d’exercice particulières : les installations physique que psychologique ». Il soulignait également le manque d’une réelle sportives sont souvent éloignées des établissements, souvent inadaptées, médecine de prévention, de postes de réadaptation (aujourd’hui, postes mal insonorisées, voire inexistantes. Il faut transporter, installer, ranger du adaptés de courte et longue durée), de reconversion et de reclassement. matériel lourd et encombrant. Les enseignants d’EPS exercent à l’extérieur, Enfin, il dénonçait le fait que le décret (n° 84.1051 du 20 novembre 1984) sur cela même parfois lorsque les conditions atmosphériques sont mauvaises. le reclassement des fonctionnaires de l’état reconnus inaptes à l’exercice de Durant la journée, ils peuvent être amenés à subir des écarts de température leurs fonctions, n’ait jamais été appliqué pour les enseignants. importants, compte tenu de la diversité des lieux de travail, Cette intervention était, en toute lettre, dans le rapport Bancel ; le ministère - un fort investissement corporel qui peut provoquer des problèmes : les en avait connaissance. Elle a d’ailleurs été reprise en 2003, lors des groupes enseignants d’EPS sont amenés à faire des efforts physiques répétés de travail organisés par la DPE au ministère, sur la pénibilité. (démonstrations, aides, parades, installation du matériel). Le facteur usure du De même, lors du Comité Central d’Hygiène et de Sécurité compétent pour corps est une réalité pour eux. Durant leurs études et tout au long de la l’enseignement scolaire du 23 novembre 2003, qui traitait des congés pour carrière, le corps est soumis à une multitude de petits traumatismes qui font raisons de santé des personnels, il avait été signalé que les enseignants souvent apparaître, au cours des années, des douleurs ankylosantes, voire d’EPS faisaient partie « des populations les plus exposées » et que « les invalidantes. A partir de 50 ans, les enseignants d’EPS deviennent plus accidents et les maladies professionnelles affectaient plus particulièrement vulnérables. Ils vivent mal le fait d’être physiquement moins crédibles et de les professeurs d’EPS » (BO n° 21 du 27 mai 2004). ne pouvoir répondre pleinement aux attentes des élèves (démonstrations par exemple). La voix, le dos (cervicales, lombaires), les genoux, sont mis à rude épreuve durant toute la carrière et entraînent un certain nombre d’arrêts de … et sans cesse démontrée maladie, d’accidents de service, voire d’incapacité totale à l’enseignement de Depuis de nombreuses années, le SNEP intervient fortement sur la spécifi- l’EPS. cité de notre métier et interpelle régulièrement la Fonction Publique et Aucun de ces traumatismes n’est actuellement reconnu comme « maladie professionnelle » pour les enseignants d’EPS. Pourtant, le facteur « usure du corps » est une réalité. La pénibilité particulière de notre métier tout au long de la carrière est incontestable, notamment pour les femmes durant leur grossesse, et elle s’accentue à partir de 50 ans pour tous. Elle est encore mal connue et non reconnue. Certes, tous les enseignants d’EPS ne cumulent pas toutes les difficultés et tous les stress, mais tous la vivent. Les dernières années d’enseignement peuvent être extrêmement difficiles et la réforme des retraites (loi Fillon de 2003) a allongé les temps d’activité et supprimé certains aménagements de fin de carrière. Cette nouvelle donne n’a fait qu’aggraver des situations souvent critiques pour les professeurs d’EPS. 16 SNEP N° 835 - 00 JUIN 2010
.. - Retraites... - Retraites... - Retraites... Ce que propose l’Éducation Nationale pour faire prendre en compte la pénibilité liée à notre métier. En 2003-2004, l’enquête SNEP « Vous et votre santé » a concerné 427 le SNEP femmes et 347 hommes. Les réponses ont montré que plus de 80% des enseignants d’EPS ressentent des souffrances physiques (dos, problèmes articulaires et musculaires, voix, audition, fatigue nerveuse) suite à l’exercice de leur profession. Cette enquête a confirmé nos craintes et nous a permis Les enseignants d’EPS sont très attachés à leur métier, à cette de mettre en avant « l’usure du corps » liée au métier, de renforcer notre discipline et à ses enjeux qui constituent une richesse pour les élèves. Ils exigence de prise en compte de la spécificité du métier d’enseignant d’EPS, souhaitent exercer jusqu’à l’âge de la retraite avec responsabilité et notamment la pénibilité, et d’avancer nos revendications sur l’aménagement sérénité. Ils demandent que ces spécificités particulières soient exami- des fins de carrière. nées (réduction des maxima de service, aménagement des fins de Le SNEP est également intervenu sur ces questions, en 2003 auprès de carrière, nouveaux droits sociaux, amélioration des conditions de travail L. Ferry, Ministre de l’Éducation Nationale ; en 2005 auprès de P-Y. Duwoye, et d’emploi, construction et rénovation d’équipements sportifs de Directeur des Personnels Enseignants au Ministère de l’Éducation Nationale ; proximité). puis en 2008 auprès de X. Darcos, Ministre de l’Éducation Nationale, dans le cadre des discussions sur l’évolution du métier d’enseignant et enfin lors Aujourd’hui, le gouvernement lance une nouvelle offensive sur les d’une audience avec Mme Théophile, Directrice Générale Des Ressources retraites. Il s’attaque une nouvelle fois à l’âge légal de départ (60 ans Humaines du MEN en mars 2010. depuis 1982). Quelle serait la crédibilité du professeur d’EPS face aux En 2008, dans le cadre du Carrefour Santé Social (MGEN) auquel participe élèves, à 70 ans ?… la FSU, l’enquête « Les enseignants face à leur fin de carrière professionnelle », montre une nouvelle fois que l’usure physique constitue un sujet de préoccu- Faire reconnaître notre spécificité, la pénibilité du métier et se battre pation majeure de la plupart des enseignants en fin de carrière, notamment pour une fin de carrière digne et une retraite décente, devient primordial les professeurs d’EPS. pour tous les enseignants d’EPS. Le SNEP s’est félicité que la première étude réalisée suite à l’accord cadre Sur toutes ces questions, le SNEP a élaboré des propositions concrètes signé le 14 avril 2008 entre la Direction de l’Évaluation, de la Prospective et qu’il soumet au débat : de la Performance (DEPP) et la MGEN sur le moral, les conditions de travail - développement, dès la formation initiale, de l’information et de la et la santé, concerne les enseignants d’EPS. Le résultat de cette étude très prévention, riche, notamment en ce qui concerne la spécificité du métier, précise que - développement d’une réelle médecine de prévention de qualité (aug- 52% des professeurs d’EPS souhaitent que leur métier soit reconnu comme mentation du nombre de postes de médecins de prévention et mise en une profession à risques. Les ennuis de santé et une fatigue nerveuse liés au place d’aide et de suivi psychologique), pouvant aider à faire reconnaître métier ressortent fortement et s’aggravent avec l’âge, la pénibilité s’accroît certains traumatismes ou maladies comme «maladies professionnelles », également : 71% de professeurs d’EPS à partir de 50 ans et 25% avant l’âge - amélioration des conditions de travail (effectifs des groupes élèves, de 30 ans le soulignent. En fin de carrière, les enseignants d’EPS souffrent nombre et qualité des installations qui doivent être dans ou à proximité de traumatismes multiples (voix, articulations, arthrose, audition, dos). Toutes immédiate des EPLE, matériel pédagogique adapté et non traumati- les données recensées dans cette enquête montrent bien la spécificité, la péni- sant…), bilité et devraient permettre que certains traumatismes soient reconnus comme - réduction des maxima de service des enseignants d’EPS (actuellement maladies contractées dans l’exercice des fonctions. Ces données devraient plus élevés que ceux de tous les autres enseignants du second degré), également permettre de réfléchir sur la fin de carrière du professeur d’EPS. - nouveaux droits sociaux, pour les enseignantes d’EPS, l’allongement Enfin, le SNEP considère que l’accord sur la santé et sécurité au travail, du congé de maternité, notamment pour le congé prénatal, suivi médical signé en novembre 2009 entre la Fonction Publique et 7 organisations syndi- sérieux de la grossesse avec possibilité d’aménagement ou d’allègement cales sur 8 (se reporter à l’article sur « Santé et sécurité au travail », est une d’horaires à compter du 3ème mois de grossesse, avancée qui constitue des outils et des points d’appui importants pour défen- - augmentation des possibilités d’allègement et d’aménagement progres- dre nos droits en matière de santé au travail, de conditions de travail et faire sifs du temps de service en cas de problèmes médicaux, reconnaître la spécificité et la pénibilité de notre métier. C’est aussi un appui - diversification et augmentation des postes adaptés de courte et longue pour faire des propositions sur nos fins de carrière. durée, - pour les enseignants volontaires, à compter de 50 ans, allègement du temps d’enseignement (incluant le forfait hebdomadaire de 3h consacré à l’AS) à 80% du maxima de service, plus des activitéspédagogiques (travail en doublette, sur projet disciplinaires ou inter disciplinaires, tutorat), - réactivation d’une CPA à renégocier (à compter de 50 ans, en sifflet, durée d’assurance et montant des cotisations pour validation en années complètes), - réduction des maxima de services à compter de 55 ans : 80% des maxima actuels, avec maintien du salaire correspondant à un service à temps complet, - droit réel à une seconde carrière avec des possibilités de réorientation et reconversion professionnelles assorties d’une formation et d’un reclas- sement professionnel, - la possibilité de faire valoir le droit à pension sans décote, avec prise en compte des années d’étude. SNEP N° 835 - 00 JUIN 2010 17
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