Compte rendu de l'aSCo gI, orlando janvier 2010
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20 Cancéro dig. Vol. 2 N° 1 - 2010 - 20-30 DOI 10.4267/2042/30745 aCtualItÉS De CongRèS aCtualItÉS De CongRèS Compte rendu de l’aSCo gI, orlando janvier 2010 Cancers de l’œsophage : la déferlante des thérapies ciblées Gérard Lledo Hôpital privé Jean Mermoz, Service d’Hépatogastroentérologie - Oncologie digestive, 55, avenue Jean Mermoz, F-69008 Lyon gerard.lledo@orange.fr ❚ Résultats intermédiaires phage ou du cardia rigoureusement de stade III (staging par scan- ner thoraco-abdomino-pelvien et échoendoscopie), dont l’indice de l’étude ERaFOX de performance OMS est de 0 ou 1, et ayant perdu moins de (radiochimiothérapie + 15 % de leur poids corporel initial. Une analyse intermédiaire à cetuximab) dans les cancers de 36 patients (pour un effectif total prévu de 80) était prévue au protocole, et ce sont ces résultats qui sont présentés aujourd’hui. l’œsophage de stade III (A68) Le profil de tolérance a été classique avec, concernant les toxici- tés de grade 3-4, 17 % de neutropénies (dont 3,9 % de neutro- Les cancers de l’œsophage de stade III sont actuellement traités, pénies fébriles), 5,6 % de diarrhées et 8,3 % de rash cutanés. soit de façon exclusive par une radiochimiothérapie, soit par une Comme attendu, le cetuximab n’a pas entraîné de majoration de radiochimiothérapie néoadjuvante suivie d’une chirurgie d’exé- la toxicité du schéma de radiochimiothérapie. rèse. La chimiothérapie standard est représentée par le schéma Herskovic qui peut sans doute, au vu des résultats de nom- Les résultats présentés à l’ASCO GI : le taux de réponse chez breuses études de phase II, être avantageusement remplacé par les 36 premiers patients inclus, évaluée par scanner, endos- un schéma associant 5-FU infusionnel à un sel de platine notam- copie avec biopsies, et échoendoscopie ment comme dans le protocole FOLFOX. Dans des localisations considérées comme voisines telles que les cancers ORL, le Avec 38,9 % de réponses complètes, 38,9 % de réponses partielles cetuximab a montré une activité synergique avec la radiochimio- et 13,9 % de stabilisations tumorales, le contrôle de la maladie est thérapie sans en accroître, pour autant, la toxicité. D’où le supérieur à 90 %. Les chiffres obtenus sont comparables qu’il concept ERaFOX associant radiothérapie, FOLFOX et cetuximab s’agisse de carcinomes épidermoïdes ou d’adénocarcinomes, à la dans les cancers de l’œsophage de stade III. Cette étude de réserve près que le faible effectif de ces derniers justifie de rester phase II peut être considérée comme originale à deux titres : prudents dans l’interprétation de ces premières données. Quoi qu’il • d’une part, deux cures de bio-chimiothérapie s’étalant sur en soit, ces résultats sont très encourageants et nécessitent désor- 28 jours sont administrées dès le diagnostic avant que la mais d’être confirmés par l’analyse de la population globale (les radiothérapie, plus lente à mettre en œuvre, ne soit commen- 80 patients prévus ont été inclus à ce jour). On attend en particulier cée, puis la radio bio-chimiothérapie est ensuite administrée les chiffres de survie sans progression et de survie globale. sur une période de 5 semaines délivrant 50,4 Gy et 2 nou- velles cures de bio-chimiothérapie ; ❚ Une étude du groupe américain • d’autre part, la deuxième originalité de cette étude est de se rapprocher de la pratique clinique : après une évaluation réali- SWOG (A72) sée un mois après la fin du traitement, une décision collégiale Cette étude associant cetuximab, cisplatine, irinotécan et radiothé- en concertation pluridisciplinaire est prise où différentes rapie a inclus des patients clairement non résécables. Un biais de options sont considérées : chirurgie d’exérèse, poursuite de la recrutement est signalé par les auteurs car une étude concurrente même chimiothérapie avec cetuximab, deuxième ligne de était ouverte et les patients ont été « triés » en fonction de leur gra- chimiothérapie, voire palliation. vité pour intégrer l’une ou l’autre de ces études. Quoi qu’il en soit, Cette étude réunissait des patients de 18 à 80 ans porteurs les inclusions se sont arrêtées à 22 patients, et les résultats de d’un carcinome épidermoïde ou d’un adénocarcinome de l’œso- tolérance sont défavorables avec 2 décès toxiques. © aln.editions
Cancéro dig. Vol. 2 N° 1 - 2010 21 ❚ Autre étude (A48) ❚ Etude américaine (A45) Elle a associé chimiothérapie (paclitaxel + 5-FU), radiothérapie et Elle a porté sur 24 patients porteurs d’un cancer localement double biothérapie (bevacizumab + erlotinib). La population avancé de l’œsophage, non prétraités et qui ont reçu, en plus était différente puisque tous les sujets étaient opérables incluant d’un schéma de radiochimiothérapie, une injection intra tumo- des stades I, II et III (carcinomes épidermoïdes ou rale par semaine pendant 5 semaines de TNFerade (TNF couplé adénocarcinomes, œsophage ou cardia). Il s’agissait en fait d’une à un adénovirus inactivé). Ces injections étaient réalisées par approche néoadjuvante. Au total, 64 patients ont été inclus dont voie endoscopique guidée par échoendoscopie. Les résultats 56 évaluables pour la réponse histologique après chirurgie. exprimés en fonction des doses administrées (4 paliers de Celle-ci apparaît très favorable avec respectivement 30 % et doses testés) montrent des réponses histologiques complètes 37 % de réponses histologiques complètes et partielles. La survie variant de 17 à 100 %. La survie médiane a été – toutes doses sans progression médiane est de 17,3 mois, et la survie globale combinées – de 47,7 mois. Ces résultats portant sur de faibles médiane de 18 mois. Ces résultats se comparent favorablement effectifs paraissent intéressants car ils semblent renforcer le à ceux de séries de radiochimiothérapie néoadjuvante, mais contrôle local de ces tumeurs, mais… gare à la rechute métas- l’apport des biothérapies demeure difficile à évaluer. tatique ! Cancers de l’estomac Emmanuel Mitry (1), Gérard Lledo (2) (1) Hôpital Ambroise Paré, Service d’Hépatogastroentérologie - Oncologie digestive, 9, avenue Charles de Gaulle, F-92100 Boulogne-Billancourt emmanuel.mitry@apr.aphp.fr (2) Hôpital privé Jean Mermoz, Service d’Hépatogastroentérologie – Oncologie digestive, 55, avenue Jean Mermoz, F-69008 Lyon gerard.lledo@orange.fr ❚ Le polymorphisme du gène ❚ Quel impact pronostique d’une CD44, un futur facteur cytologie péritonéale positive ? pronostique (Mezhir JJ et al. A5) (Winder T et al. A2) La constatation initiale d’une cytologie péritonéale positive (CYT+), Ce gène, impliqué dans la carcinogenèse des formes diffuses et en cas de cancer gastrique, est considérée comme de mauvais intestinales, favorise la croissance tumorale par l’intermédiaire, pronostic, mais cette notion reste assez largement controversée. notamment, des voies de signalisation intracellulaire PI3K/AKT et L’équipe du Memorial Sloan-Kettering Cancer Center (New York) RAS/RAF/MEK, et la dissémination métastatique par son action s’est donc proposée de clarifier le problème grâce à une série de sur l’adhésion cellulaire. Son expression est associée à une 1 241 patients porteurs d’un cancer gastrique ayant eu, entre 1993 résistance à la chimiothérapie et à la radiothérapie dans les et 2009, un lavage péritonéal au cours d’une cœlioscopie de modèles précliniques. Chez 137 patients opérés d’un adéno- staging. Au total, 291 (23 %) des patients étaient CYT+ : carcinome gastrique non métastatique, les polymorphismes 198 avaient des métastases viscérales et/ou péritonéales détec- CD44rs187116 A/A et CD44rs7116432 G/G étaient, significative- tables lors de la cœlioscopie (M1 CYT+), et 93 avaient une cytolo- ment et indépendamment, associés à une amélioration du temps gie péritonéale positive isolée (M0 CYT+). La survie médiane était jusqu’à récidive (7 versus 2 ans) et de la survie globale de 1 an. En analyse multivariée, les facteurs pronostiques indépen- (7,3 versus 3,8 ans). Si ces résultats sont confirmés, on peut dants étaient la présence d’un stade M+CYT+, une atteinte diffuse imaginer que l’analyse du polymorphisme du gène CD44 de la cavité gastrique et un mauvais indice de performance. Dans permettrait d’identifier les patients à haut risque de récidive cette population, 261 patients ont reçu une chimiothérapie pouvant bénéficier d’un traitement adjuvant intensifié ou d’une première. Parmi eux, 48 ont été à nouveau, à l’issue de ce surveillance adaptée. traitement initial, explorés par cœlioscopie avec cytologie périto-
22 Cancéro dig. Vol. 2 N° 1 - 2010 néale. La survie médiane a été de 16,8 mois chez les 21 patients (immunohistochimie 3+ et/ou FISH+). Il a permis de montrer que dont la cytologie restait positive, versus 30 mois chez les 27 patients l’ajout de trastuzumab (8 mg/kg en dose de charge puis 6 mg/kg dont la cytologie s’était négativée (p = 0,0003). toutes les 3 semaines jusqu’à progression) à une chimiothérapie de Ce travail nous indique essentiellement que la négativation, par première ligne par cisplatine et fluoropyrimidine (5-fluoro-uracile ou une chimiothérapie première, d’une cytologie péritonéale initiale- capécitabine) améliorait le taux de réponse (47,3 % versus 34,5 % ment positive améliore radicalement le pronostic des patients por- [p = 0,0017]), la survie sans progression (6,7 versus 5,5 mois ; teurs d’un cancer gastrique. Il souligne, au passage, l’intérêt de HR : 0,71 [p = 0,0002]) et la survie globale (13,8 versus 11,1 mois ; la cœlioscopie de staging défendue par beaucoup. HR : 0,74 [p = 0,0046]), sans augmentation significative de la toxicité hormis une augmentation du taux d’altération Il nous laisse cependant largement sur notre faim car la conduite asymptomatique de la fraction d’éjection ventriculaire gauche. à tenir après négativation de la cytologie péritonéale reste à déter- miner entre poursuite de la chimiothérapie ou réalisation d’une Les données de qualité de vie ont été dévoilées lors de cet ASCO chirurgie d’exérèse. GI. La compliance à différentes évaluations de qualité de vie a été excellente (> 95 %) de l’inclusion jusqu’à la semaine 34. L’état de santé général, les scores de fonction physique, les scores de ❚ Étude ToGA : la qualité de vie symptômes (nausées/vomissements, dysphagie) s’amélioraient aussi ! (Satoh T et al. A7) régulièrement au fil du temps, sans différence significative entre les deux bras de traitement. En revanche, il n’y avait pas L’essai de phase III ToGA a réuni 584 patients avec adénocarcinome d’amélioration notable du score algique ou de la consommation a v a nc é d e l ’ e st o m a c o u d u c a rd i a H E R 2 p o s it i f d’antalgiques (29 % des patients). Adénocarcinome du pancréas : morne plaine au royaume de Mickey ! Emmanuel Mitry Hôpital Ambroise Paré, Service d’Hépatogastroentérologie – Oncologie digestive, 9, avenue Charles de Gaulle, F-92100 Boulogne-Billancourt emmanuel.mitry@apr.aphp.fr Le traitement optimal des adénocarcinomes pancréatiques d’une toxicité non négligeable. L’étude européenne de localement évolués reste à définir : Chimiothérapie seule ? phase III (LAP07) testant rigoureusement l’impact de la radiothé- Chimiothérapie suivie d’une radiothérapie ? Association radio rapie, en cas de contrôle tumoral après une chimiothérapie chimiothérapie ? Place des thérapies ciblées ? standard par gemcitabine ± erlotinib, paraît beaucoup plus Les résultats d’une étude de phase II du MD Anderson (Crane CH rationnelle et raisonnable... et al. A132) évaluant, chez 69 patients en bon état général, une En situation métastatique, très peu de présentations et une chimiothérapie première associant gemcitabine, capécitabine et seule communication orale proposant les résultats d’une étude cetuximab (4 cycles sur 8 semaines) suivie, en l’absence de de phase I : le MK-0646, un inhibiteur de l’IGF-1R, est bien toléré progression, d’une association radiochimiothérapie (50,4 Gy avec en association avec la gemcitabine mais moins bien avec la capécitabine et cetuximab) ont été dévoilés. gemcitabine et l’erlotinib. Quelques réponses tumorales prolon- L’objectif principal était d’obtenir une survie globale à 1 an supé- gées sont notées, et une étude de phase II randomisée, versus rieure à 45 %. Après un suivi médian de 12,5 mois, la survie gemcitabine plus erlotinib, va débuter (Javie et al. A131). globale médiane était de 18,9 mois (IC95 : 13,4-24,1) avec des Signalons également qu’une étude de phase II de l’AIO évaluant survies actuarielles à 1, 2 et 3 ans de 66,8 %, 30,9 % et 18,5 %, le trastuzumab en association à la capécitabine chez des patients respectivement. L’objectif principal de l’étude était donc atteint avec tumeur exprimant HER2 a été arrêtée prématurément en avec, cependant, une association « lourde » et responsable raison de difficultés d’inclusions (Geissier et al. A200).
Cancéro dig. Vol. 2 N° 1 - 2010 23 Voies biliaires : un nouveau standard bien analysé Emmanuel Mitry Hôpital Ambroise Paré, Service d’Hépatogastroentérologie – Oncologie digestive, 9, avenue Charles de Gaulle, F-92100 Boulogne-Billancourt emmanuel.mitry@apr.aphp.fr L’étude de phase III ABC-02, présentée en juin 2009 à l’ASCO [p < 0,001]). La survie globale des patients avec tumeur métas- et non encore publiée, avait démontré la supériorité de la com- tatique est diminuée par rapport à ceux porteurs d’une maladie binaison gemcitabine-cisplatine sur la gemcitabine seule chez à un stade localement avancé (RR = 1,33 ; IC 95 : 1,03-1,72 410 patients présentant une tumeur localement évoluée ou [p = 0,031]). Un nombre plus élevé de polynucléaires neutro- métastatique des voies biliaires, et cette combinaison peut philes à l’inclusion était également associé à une augmentation désormais être considérée comme un nouveau standard. Des du risque de décès (RR = 1,06 par 10 9/l ; IC 95 : 1,03-1,09 résultats complémentaires concernant les facteurs pronos- [p = 0,001]). En revanche, la localisation tumorale, vésicule tiques associés à la survie sans progression et à la survie glo- biliaire vs autres sites, n’était pas associée à la survie globale bale ont été présentés à Orlando. En analyse multivariée, (RR = 1,02 (IC95 : 0,81-1,28 [p = 0,855]). Les mêmes facteurs l’indice de performance ECOG apparaît comme un facteur pro- pronostiques (état général, stade tumoral et taux de polynu- nostique indépendant de survie globale : avec un score cléaires neutrophiles), ainsi que la présence d’une anémie à ECOG 2, le risque de décès est plus que doublé par rapport l’inclusion, étaient associés à la survie sans progression en à un score ECOG 0 ou 1 (RR = 2,19 ; IC 95 : 1,58-3,05 analyse multivariée (Wasan et al. A199). Tumeurs endocrines : le sourire retrouvé de Mickey ! Emmanuel Mitry Hôpital Ambroise Paré, Service d’Hépatogastroentérologie – Oncologie digestive, 9, avenue Charles de Gaulle, F-92100 Boulogne-Billancourt emmanuel.mitry@apr.aphp.fr Les résultats actualisés de l’étude de phase III, comparant le suni- tinib à la dose de 37,5 mg par jour au placebo chez 154 patients présentant une tumeur endocrine duodénopancréatique bien différenciée évolutive, ont été présentés. On savait déjà, depuis la présentation lors du congrès de l’ECCO/ESMO 2009, que l’objectif principal de l’étude avait été atteint dès l’analyse inter- médiaire avec amélioration significative de la survie sans progres- sion chez les patients recevant le sunitinib (SSP médiane 11,4 vs 5,5 mois, RR = 0,418 ; p = 0,0001). On sait désormais, et c’est une information très importante, qu’il existe également une amé- lioration significative de la survie globale. Les survies médianes ne sont pas encore atteintes mais l’analyse statistique montre une réduction de près de 60 % du risque de décès (HR = 0,409 ; p = 0,002) chez les patients ayant reçu le sunitinib (Fig. 1). Ces Figure 1 résultats confirment que le sunitinib représente une avancée Survie globale (Raymond et al.)
24 Cancéro dig. Vol. 2 N° 1 - 2010 majeure des tumeurs endocrines duodénopancréatiques avan- phase I (Chan et al. A238). La tolérance du traitement était accep- cées. Il est très probable qu’une AMM (Autorisation de Mise sur table avec, toutefois, la survenue d’hyperglycémies de grade 3-4 le Marché) sera prochainement délivrée dans cette indication dans 53 % des cas (8/15 patients) nécessitant la mise en route (Raymond et al. A127). d’une insulinothérapie dans 4 cas. Cette association devrait pro- Des études plus préliminaires évaluant de nouvelles associations chainement être évaluée dans une étude de phase II. dans le traitement des tumeurs endocrines digestives ont été Une étude de phase I-II a inclus 27 patients porteurs d’une présentées sous forme de posters : tumeur endocrine pancréatique avancée dont on ne sait pas si L’association évérolimus, inhibiteur de mTOR par voie orale, plus elle était, ou non, évolutive. Un traitement associant évérolimus et pasiréotide (SOM230), un nouvel analogue de la somatostatine témozolomide a été bien toléré, et a permis d’obtenir un taux de ayant montré des propriétés antiprolifératives sur des modèles contrôle tumoral de 91 % dont 32 % de réponses objectives précliniques (Kidd et al. A174), a été évaluée dans une étude de (Kulke et al. A223). GIST - ASCO GI 2010 Bruno Landi Hôpital Européen Georges Pompidou, Service d’Hépatogastroentérologie et Oncologie médicale, 20, rue Leblanc, F-75908 Paris Cedex 15 bruno.landi@egp.aphp.fr ❚ Traitement adjuvant par imatinib localisée sont considérés comme à risque élevé (> 30 %), modéré (> 10 %) faible, et très faible risque de récidive. L’information importante pour les GIST en 2009 était la publica- Avec un suivi médian de 19,7 mois, la diminution du risque de tion des résultats de l’étude américaine randomisée de récidive chez les patients traités par imatinib (HR 0,35 ; IC-95 % : phase III (Z9001) qui a évalué l’efficacité et la tolérance de l’imati- 0,22-0,53) persistait quelle que soit la taille de la tumeur. En ana- nib (GLIVEC) versus placebo en traitement adjuvant. Rappelons lyse multivariée, les 3 facteurs prédictifs de rechute étaient que l’objectif de cette étude était de comparer la survie sans l’index mitotique (HR : 11,3 ; p < 0,0001), la taille tumorale rechute chez des patients après résection chirurgicale (R0 ou R1) (HR : 2,0 ; p < 0,0001) et la localisation dans l’intestin grêle d’une GIST de diamètre de plus de 3 cm, localisée, et KIT posi- (HR : 1,7 ; p = 0,02). L’amélioration significative de la survie sans tive. Les patients du groupe imatinib recevaient 1 an de traitement rechute était observée dans les sous-groupes à risque modéré adjuvant à la dose de 400 mg/j. Le critère principal de jugement ou élevé de la classification de Miettinen (Tableau 1). Aucun était le délai de survie sans rechute. Au total, 773 patients ont été bénéfice n’a été observé dans les sous-groupes à faible et très randomisés. À 1 an, la survie sans rechute était de 97,7 % dans faible risques de récidive. le groupe imatinib versus 82,3 % dans le groupe placebo Ces données montrent que la classification de Miettinen est celle (p < 0,0001). à prendre en compte pour déterminer les indications de traite- Des données actualisées de cette étude, avec un suivi médian ment adjuvant par imatinib après chirurgie. L’imatinib a obtenu, en désormais de 19,7 mois, et une analyse des facteurs prédictifs de France, une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) en situa- rechute, ont été présentées en communication orale tion adjuvante en novembre 2009, et les patients qui présentent (Blackstein ME et al. A6). Cette analyse réalisée a posteriori inté- un faible ou un très faible risque, ne doivent pas être traités. Les grait, outre la taille tumorale (qui était dans les critères d’inclusion études en cours permettront de mieux limiter les inconnues qui de l’étude), l’évaluation d’autres facteurs de risque de rechute des existent sur le traitement adjuvant (durée du traitement, bénéfice GIST comme l’index mitotique et la localisation tumorale (les à long terme et sur la survie globale, résistance secondaires, 3 variables étaient disponibles chez 619 patients). La nouvelle impact du génotype). classification de Miettinen (2006) qui tient compte du site initial du GIST en plus des 2 paramètres (taille, et index mitotique) déjà Le génotypage des GIST présents dans la classification précédente (Fletcher 2002) est en effet actuellement la plus pertinente. Schématiquement, les Il est désormais recommandé par les experts, en particulier pour patients ayant bénéficié d’une résection complète d’une GIST les patients devant bénéficier d’un traitement par imatinib. Dans
Cancéro dig. Vol. 2 N° 1 - 2010 25 tableau 1. Survie sans récidive à 2 ans pour 619 patients selon le risque de rechute évalué par la classification de Miettinen Groupe imatinib Groupe placebo Niveau de risque p Survie sans récidive à 2 ans Survie sans récidive à 2 ans Faible (n = 270) 97 % 98 % 0,9 Modéré (n = 148) 98 % 75 % 0,05 Élevé (n = 201) 77 % 41 % < 0,001 une série de 100 patients asiatiques traités par imatinib (400 mg/j) poalbuminémie, insuffisance rénale ou chirurgie gastrique en situation métastatique, une mutation de l’exon 11 de KIT était majeure. détectée dans 80 % des cas, et une mutation de l’exon 9 dans 10 % des cas (Gong J et al. A121). Chez 7 % des patients, il De nouveaux traitements des GIST n’était pas retrouvé de mutation sur les gènes KIT et PDGFR (GIST dites « wild type »). Les taux de réponse étaient respective- sont à l’étude ment de 61 % (exon 11), 50 % (exon 9), et 14 % (wild type). Avec Cependant le succès n’est pas toujours au rendez-vous. Hsp90 un suivi médian de 47 mois, le temps jusqu’à progression était de est une protéine chaperon ATP-dépendante indispensable à l’ac- 36 mois (exon 11), non encore atteint (exon 9), et de 11 mois (wild tivation et la régulation d’un ensemble de protéines de la signali- type). Ces données confirment la valeur pronostique négative de sation et de la régulation cellulaire. L’IPI-504 (hydrochloride de l’absence de mutation détectée de KIT et PDGFR chez les retaspimycin), un inhibiteur de Hsp90 a été testé versus placebo patients traités par imatinib en situation métastatique. dans une étude de phase III après échappement à l’imatinib et au sunitinib (Demetri G et al. A121). L’étude a été arrêtée précoce- Différentes pistes sont explorées ment, et seulement 47 patients sur les 195 prévus ont été inclus. pour optimiser l’efficacité de l’imatinib En effet, 4 décès dans le groupe IPI-504 potentiellement liés au traitement ont été déplorés (insuffisance rénale, hépatique, aci- Celui-ci est actuellement prescrit de la même manière quels que dose métabolique, arrêt cardiaque). La médiane de survie sans soient le poids et la surface corporelle, et l’on sait qu’il existe de progression était similaire dans les 2 groupes (36 et 33 jours). grandes différences interindividuelles de pharmacocinétique. Des dosages plasmatiques ont été réalisés chez 108 patients traités par imatinib, à la dose de 300 à 800 mg/j (92 patients étaient à Plusieurs études ont rapporté une fréquence 400 mg/j dont 25 traités en adjuvant) (Yoo C et al. A121). En ana- accrue d’association synchrone entre GIST lyse univariée, le poids, la surface corporelle, la durée du traite- et autre cancer ment ou la chirurgie autre qu’une gastrectomie totale ou subtotale n’étaient pas associés à la concentration en imatinib plasmatique. Dans une série rétrospective de 100 GIST, 14 % d’entre elles Les facteurs statistiquement significatifs en analyse multiva- étaient découvertes de manière fortuite à l’occasion du bilan d’un riée étaient la clairance de la créatinine, le taux d’albumine et autre cancer (Garicochea B et al. A23). Il s’agissait majoritaire- une gastrectomie majeure. Le monitoring du taux plasmatique ment de cancers gynécologiques (4 cas) et mammaires (4 cas). d’imatinib est donc particulièrement à recommander en cas d’hy- Les raisons de cette association ne sont pas connues. Traitement adjuvant des cancers coliques : du grabuge chez les plus de 70 ans ! Gérard Lledo Hôpital privé Jean Mermoz, Service d’Hépatogastroentérologie – Oncologie digestive, 55, avenue Jean Mermoz, F-69008 Lyon gerard.lledo@orange.fr Depuis la publication des grandes études de phase III Mosaïc et Folfox 4 administré pendant 6 mois et, ce, sans restriction d’âge. NSABP C 07, le traitement adjuvant standard des cancers Dans cette situation, la cohorte ACCENT est venue semer le coliques de stades III opérés était représenté par le protocole doute quant au bénéfice de l’oxaliplatine chez les patients de plus
26 Cancéro dig. Vol. 2 N° 1 - 2010 de 70 ans. Réunissant plus de 15 000 patients en regroupant les Dans une présentation de synthèse, Aimery de Gramont a tenté principales études adjuvantes, ce travail diffusé à l’ASCO 2009 d’expliquer ces différences. Les nombreuses limites de cette avait, pour la première fois, présenté une analyse en sous-groupe méta-analyse ACCENT ont d’abord été rappelées : absence de selon âge avec, en conclusion, l’absence de bénéfice à l’utilisa- données concernant la toxicité, les comorbidités ou la dose- tion de l’oxaliplatine chez les plus de 70 ans, le 5FU et la capéci- intensité, effectifs réduits de la population de plus de 50 ans et tabine en monothérapie gardant chez eux un intérêt significatif. différence des modes d’administration des fluoropyrimidines. La présentation de Dan Haller à l’ASCO GI (A284) remet l’ouvrage L’excès de décès d’autres causes dans la population âgée (en sur le métier : il s’agit d’une analyse complémentaire chez les particulier les deuxièmes cancers) pose également la question de patients âgés de 70 ans ou plus à partir des données de l’essai la prise en charge avec une courbe de survie qui chute brutale- XELOXA qui a démontré, chez des sujets souffrant d’un cancer ment après un traitement adjuvant par FOLFOX (4,4 versus du côlon de stade III, la supériorité en termes de SSP à 3 ans du 16 mois pour le 5-FU dans l’étude Mosaïc). protocole XELOX en comparaison au 5-FU en bolus, représentant En conclusion, et de manière plus pragmatique, que peut-on in fine une réduction significative du risque de rechute de 20 % recommander maintenant chez les patients âgés de plus de pour la population totale. Chez les sujets de plus de 70 ans qui 70 ans opérés d’un cancer du côlon de stade III ? L’utilisation représentaient environ 20 % des patients inclus, la réduction du du LV5FU2 ou de la capécitabine peut représenter ici une option risque de progression à 3 ans est de 13 % (RR = 0,87) et le béné- raisonnable. Le XELOX ou le FOLFOX demeurent cependant des fice de survie globale est de 2 % (RR = 0,94). Globalement, ces options intéressantes car ils présentent un avantage indéniable résultats montrent que si les patients âgés reçoivent un traitement sur la SSP qu’il faudra alors chercher à transcrire en avantage sur une moins longue durée et avec un peu plus de toxicité que individuel en survie globale en diminuant, au mieux, la toxicité et les patients plus jeunes, le XELOX reste efficace chez eux à la en assurant une prise en charge optimale des rechutes ou des différence de ce qui avait été retrouvé dans la méta-analyse seconds cancers, à l’identique, dans la mesure du possible, de ACCENT. ce qui est proposé chez les plus jeunes. Cancer colorectal métastatique : une version américaine de l’ESMO 2009 Astrid Lièvre Hôpital Ambroise Paré, 9, avenue Charles de Gaulle, F-92100 Boulogne-Billancourt astrid.lievre@apr.aphp.fr Les Américains, grands pirates devant l’Éternel des trésors ciné- tique, 1 183 patients entre l’association panitumumab-FOLFOX4 matographiques européens, ont renouvelé l’expérience au Congrès et le FOLFOX4 seul, avec une évaluation prospective et centrali- de l’ASCO GI en nous proposant un « remake » quelque peu actua- sée du statut KRAS (disponible pour 93 % des patients inclus, lisé du récent congrès de l’ESMO 2009 avec, surtout, les résultats dont 656 avec tumeur KRAS sauvage). Les premiers résultats des grandes études randomisées PRIME et 181 évaluant le pani- rapportés à l’ESMO en septembre 2009 (cf. Cancéro digest tumumab en 1ère et 2ème lignes, ainsi que les études CRYSTAL, Vol. I n° 4) montraient un allongement significatif de la survie sans OPUS et COIN évaluant le cetuximab en 1ère ligne en tenant progression (SSP), objectif principal de l’étude, chez les patients compte du statut de KRAS, mais aussi de BRAF. Peu de données KRAS sauvage recevant l’association panitumumab-FOLFOX4 nouvelles donc, mais essentiellement des confirmations… (9,6 mois vs 8 mois, p = 0,0234), sans différence significative en termes de réponse objective (55 % versus 48 %, p = 0,068). Le bénéfice du panitumumab n’était pas retrouvé chez les patients ❚ Panitumumab + FOLFOX avec mutation de KRAS pour lesquels était observé, au contraire, en première ligne : résultats un effet délétère sur la SSP de l’association panitumumab- actualisés avec données FOLFOX4 (7,3 mois vs 8,8 mois, p = 0,02). de survie globale de l’étude Les résultats présentés à l’ASCO GI sont strictement superpo- sables à ceux déjà présentés à l’ESMO pour la SSP et la réponse PRIME (Siena et al. A283) objective. La nouveauté concerne les données de survie L’étude PRIME est une étude de phase III randomisée multicen- globale (SG), non statistiquement différentes entre les deux bras, trique internationale ayant randomisé, en première ligne métasta- même s’il existe une forte tendance en faveur de l’association
Cancéro dig. Vol. 2 N° 1 - 2010 27 tableau 1. Résultats de l’étude PRIMe chez les patients avec tumeur KRaS sauvage FOLFOX4 + panitumumab FOLFOX4 HR (IC95) (n = 325) (n = 331) SSP médiane, mois 9,6 8,0 0,80 (0,66-0,97) (IC95) (9,2-11,1) (7,5-9,3) p = 0,02 SGT médiane, mois 23,9 19,7 0,83 (0,67-1,02) (IC95) (20,3-28,3) (17,6-22,6) p = 0,07 Réponse objective, 55 % 48 % p = 0,07 (IC95) (50-61) (42-53) chez les patients KRAS sauvage (+ 4,2 mois), sachant que les Là encore, les résultats de cette étude concernant ses objectifs données ne sont pas encore matures (analyse réalisée sur 52 % principaux (SSP et SG chez les patients KRAS sauvage) ont déjà des événements attendus) (Tableau 1). Là encore, la tendance été présentés à l’ESMO 2009 (cf. Cancéro digest Vol. I n° 4) et inverse était observée chez les patients KRAS muté dont la SG montraient que, seuls, les patients KRAS sauvage bénéficiaient était moins longue dans le bras panitumumab-FOLFOX4 que de l’adjonction du panitumumab au FOLFIRI en termes de SSP et dans le bras FOLFOX4 (15,5 mois vs 19,3 mois ; p = 0,07). de réponse objective alors qu’il n’existait pas de différence signi- ficative concernant la SG (Tableau 2). Chez les patients avec Le profil de tolérance était celui habituellement observé avec les mutation de KRAS, il n’y avait aucun bénéfice du panitumumab. anticorps anti-EGFR. Cependant, une toxicité cutanée grade 3-4 Les données nouvelles par rapport aux résultats déjà présentés à était notée respectivement chez 36 % et 30 % des patients avec l’ESMO concernaient la qualité de vie et montraient que chez les KRAS sauvage et muté, ce qui semble plus fréquent que ce qui patients KRAS sauvage, celle-ci était améliorée de façon signifi- est observé dans les essais de 1ère ligne avec le cetuximab cative sous panitumumab selon le score EQ 5D OHR (mais pas (19,7 % et 18 % dans les études CRYSTAL et OPUS respective- selon le score EQ 5D HSI). ment). En revanche, il faut souligner le caractère exceptionnel des réactions post-injections avec cet anticorps totalement humain qu’est le panitumumab. ❚ Panitumumab + FOLFIRI en première ligne : résultats d’une étude de phase II ❚ Panitumumab-FOLFIRI en (Kohne et al. A414) deuxième ligne : résultats positifs de l’étude randomisée de L’association panitumumab-FOLFIRI a également été explorée en 1ère ligne dans une étude de phase II incluant 154 patients dont phase III 181 (Peeters et al. A282) 145 évaluables (ECOG 0-1 : 94 %) dont l’objectif principal était le taux de réponse objective. Le statut KRAS a été déterminé pros- Cette étude a évalué l’intérêt du panitumumab associé au FOLFIRI pectivement chez 94 % des patients dont 41 % étaient mutés. en 2ème ligne. Les patients devaient avoir progressé sous une Les métastases étaient uniquement hépatiques chez 36 % et première ligne de chimiothérapie à base de fluoropyrimidine, sans 27 % des patients avec KRAS sauvage et muté respectivement. anticorps anti-EGFR, ni irinotecan (68 % avaient reçu de l’oxali- Le tableau 3 résume les résultats prometteurs chez les patients platine et 20 % du bevacizumab en première ligne), et étaient KRAS sauvage. Concernant les effets indésirables de grade 3-4, randomisés pour recevoir, soit l’association panitumumab- une toxicité cutanée était observée dans 30 % des cas, une diar- FOLFIRI (n = 591), soit du FOLFIRI (n = 595). Une évaluation pros- rhée et une neutropénie dans 22 % et 18 % des cas respective- pective et centralisée du statut KRAS était effectuée (disponible ment, sans différence notable en fonction du statut KRAS. pour 91 % des patients dont 582 avec tumeur KRAS sauvage). Aucune réaction à la perfusion n’a été observée. tableau 2. Résultats de l’étude de Peeters et al. chez les patients avec tumeur KRaS sauvage FOLFOX4 + panitumumab FOLFOX4 HR (IC95) (n = 297) (n = 285) SSP médiane, mois 5,9 3,9 0,73 (0,59-0,90) (IC95) (5,5-6,7) (3,7-5,3) p = 0,004 SGT médiane, mois 14,5 12,5 0,83 (0,67-1,02) (IC95) (20,3-28,3) (17,6-22,6) p = 0,12 Réponse objective, 35 % 10 % p < 0,001 (IC95) (50-61) (42-53)
28 Cancéro dig. Vol. 2 N° 1 - 2010 tableau 3. Résultats de l’étude de phase II évaluant l’association FolFIRI + panitumumab en première ligne KRAS sauvage KRAS muté (n = 85) (n = 58) Réponse objective ( %) 56,5 37,9 Taux de résection de métastases ( %) 15 7% Durée médiane de réponse (mois) 13 7,4 SSP (mois) 8,9 7,2 ❚ Tolérance du panitumumab KRAS et BRAF sauvage, 438 étaient KRAS muté/BRAF sauvage, et 59 étaient BRAF muté/KRAS sauvage. Ces résultats confir- associé à une chimiothérapie ment le bénéfice du cetuximab chez les patients KRAS sauvage (Douillard et al. A409) en termes de SSP, mais montrent également un bénéfice en termes de SG, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent (Fig. 1). Le Les données de tolérance du panitumumab associé à une chimio- taux de réponse était également significativement augmenté dans thérapie (panitumumab 6 mg/kg/2 semaines + FOLFOX4 ou le bras FOLFIRI-cetuximab (57 % versus 39 % ; (p < 0,0001). FOLFIRI dans 98 % des cas et panitumumab 9 mg/kg/3 semaines Concernant l’impact des mutations de KRAS et de BRAF sur la + irinotécan dans 2 % des cas) chez 823 patients KRAS sauvage survie, les résultats montrent clairement que la présence d’une provenant de 5 essais cliniques ont été rapportés. Ils confirment mutation de BRAF est un facteur de mauvais pronostic, quel que que les effets indésirables sévères de grade 3-4 les plus fréquents soit le bras de traitement puisque les patients BRAF muté ont une sont la toxicité cutanée (35 %), la neutropénie (28 %) et la diar- SSP, une SG et un taux de réponse très nettement inférieurs à rhée (17 %). L’hypomagnésémie (grade 3-4), spécifiquement ceux sans mutation de BRAF (Tableau 4). Concernant la valeur retrouvée avec les anticorps anti-EGFR était observée dans 5 % prédictive potentielle de ces mutations de BRAF, il est difficile de des cas, et les réactions à la perfusion étaient, de façon attendue, conclure, en raison du faible effectif de patients dans le sous- exceptionnelles (< 1 %). groupe BRAF muté. Mais, même s’il semble que le cetuximab bénéficie à ces patients, la différence n’est pas significative entre les 2 bras de traitement. Des données tout à fait similaires concer- ❚ Étude CRYSTAL : données nant la valeur prédictive des mutations de BRAF ont d’ailleurs été actualisées et impact du statut présentées au cours de ce même congrès, à partir des résultats de KRAS et BRAF sur la survie de l’étude OPUS (Bokemeyer et al. A428) et de la méta-analyse des 2 études CRYSTAL et OPUS (Kohne et al. A406). (Van Cutsem et al. A281) Rappelons simplement que cette étude de phase III randomisée qui comparait, en 1ère ligne métastatique, une chimiothérapie par ❚ Chimiothérapie à base FOLFIRI (n = 599) à une association FOLFIRI-cetuximab (n = 599), d’oxaliplatine avec ou sans montrait un bénéfice en SSP de l’adjonction du cetuximab au cetuximab en première ligne FOLFIRI chez les patients KRAS sauvage (9,9 mois versus 8,7 mois ; p = 0,017) avec un statut KRAS disponible pour 45 % métastatique : tentatives des patients (Van Cutsem E et al. N Engl J Med 2009;360:1408- d’explications des résultats 17). Les mutations du gène KRAS constituent désormais un fac- négatifs de l’essai MRC COIN teur prédictif de résistance aux anticorps anti-EGFR parfaitement (Maughan et al. A402) admis. Il n’en est pas de même des mutations du gène BRAF dont la valeur prédictive et/ou pronostique n’est pas clairement Pour rappel, l’essai COIN du MRC (Medical Research Council) dont établie à ce jour compte tenu des faibles données dont nous les résultats ont également déjà été présentés à l’ESMO 2009 (cf. disposons, et de leurs caractères parfois contradictoires. Cancéro digest Vol. I n° 4) est un essai de phase III randomisé bri- Les résultats présentés en séance plénière par Eric Van Cutsem tannique à 3 bras comparant, chez des patients avec CCRm en à l’ASCO GI sont, en fait, une actualisation des données de survie première ligne, une chimiothérapie continue par 5FU ou capécita- avec, désormais, un statut KRAS disponible pour 89 % des bine + oxaliplatine (bras A, n = 815), une chimiothérapie identique patients (n = 1 063), ainsi que de BRAF pour 83 % des patients associée à du cetuximab (bras B, n = 815), et une chimiothérapie (n = 1 000) dont 6 % étaient mutés, permettant d’évaluer leur identique au bras A mais intermittente sur 12 semaines, suivies impact prédictif et/ou pronostique. Sur les 1 063 patients pour d’une pause avec reprise à progression (bras C, n = 815). lesquels le statut de KRAS et de BRAF était disponible, 566 étaient Contrairement à l’essai OPUS, aucun bénéfice en termes de survie
Cancéro dig. Vol. 2 N° 1 - 2010 29 FOLFIRI Cétuximab + FOLFIRI FOLFIRI Cétuximab + FOLFIRI (n = 350) (n = 316) (n = 350) (n = 316) SG médiane (mois) 20,0 23,5 SG médiane (mois) 8,4 9,9 IC95 (17,4-21,7) (21,2-26,3) IC95 (7,4-9,2) (9,0-11,3) HR (IC95) 0,796 (0,670-0,946) HR (IC95) 0,696 (0,558-0,867) p 0,0093 p 0,0012 5 5 *#./1%' ! < 3@>3=A= *#./1%' ! < 3@>3=A= B/,0%" - (- +,)$,"--%)( 42; 3@>3=A= 42; 3@>3=A= B/,0%" $&)! &" 42: 42: 428 428 426 426 4 4 4 : 56 5; 68 74 7: 86 8; 98 ?)%- 4 8 ; 56 5: 64 2.5&' ( 45% *+)(8$ 3 8) 5#-, 56()'57) 01/ 57)+5#"(! Figure 1 tableau 4. Impact du statut KRaS et BRaF sur la réponse au cetuximab et la survie dans l’étude CRYStal KRAS sauvage (n = 666) KRAS et BRAF sauvages (n = 566) KRAS sauvage/BRAF muté (n = 59) Cetuximab Cetuximab Cetuximab FOLFIRI FOLFIRI FOLFIRI + FOLFIRI + FOLFIRI + FOLFIRI (n = 350) (n = 289) (n = 33) (n = 316) (n = 277) (n = 26) SG (mois) 20,0 23,5 21,6 25,1 10,3 14,1 HR (IC95) 0,796 (0,670-0,946) 0,830 (0,687-1,004) 0,908 (0,507-1,624) p 0,0093 0,0549 0,744 SSP (mois) 8,4 9,9 8,8 10,9 5,6 8,0 HR (IC95) 0,696 (0,558-0,867) 0,679 (0,533-0,864) 0,934 (0,425-2,056) p 0,001 0,001 0,865 Réponse ( %) 39,7 57,3 42,6 61 15,2 19,2 HR (IC95) 2,069 (1,515-2,825) 2,175 (1,550-3,051) 1,084 (0,264-4,445) p < 0,0001 < 0,0001 0,913 de l’ajout du cetuximab à une chimiothérapie à base d’oxaliplatine (p = 0,031) diminuant ainsi l’impact de ce dernier. Par ailleurs, n’a été ici observé chez les patients avec KRAS sauvage. Seul, le dans le sous-groupe de patients KRAS/BRAF et NRAS sauvage taux de réponse était significativement augmenté avec cetuximab (déterminé dans plus de 80 % des cas), il existait un impact du chez ces derniers (59 % versus 50 % ; p = 0,015). choix de la fluoropyrimidine sur l’efficacité du cetuximab puisque la SSP était significativement améliorée chez les patients recevant Les données nouvelles montrent que, du fait d’un surcroît de toxi- du FOLFOX-Cetuximab par rapport à ceux recevant du FOLFOX cité digestive avec décès précoces chez les patients recevant de seul (HR = 0,72 ; p = 0,04), ce qui n’était pas le cas des patients la capécitabine, la dose-intensité de l’oxaliplatine et de la capéci- recevant du XELOX-Cetuximab comparativement à ceux recevant tabine a constamment été plus faible dans le bras cetuximab du XELOX seul. La forte proportion de patients traités par capé-
30 Cancéro dig. Vol. 2 N° 1 - 2010 citabine (66 %) par rapport aux patients traités par 5-FU en per- rieures comportant une chimiothérapie intraveineuse, avec une fusion, pourrait donc, en partie, expliquer les résultats négatifs de toxicité de grade 3-4 dans 10,2 % des cas (diarrhée : 20 %, cette étude du fait de la « faible » dose-intensité du xeloda induite syndrome mains-pieds : 11 %). par sa toxicité digestive en association avec le cetuximab. Cette étude suggère donc que la combinaison capécitabine- bevacizumab est une option intéressante dans une population ❚ Association capécitabine- âgée ou fragile, en combinant à la fois efficacité, profil de tolé- rance favorable et passage en hôpital de jour toutes les bevacizumab chez les patients 3 semaines seulement. âgés ou fragiles : résultats d’une étude de phase II (Naeim et al. A340) ❚ Association chimiothérapie- bevacizumab : plusieurs Cette étude a évalué en 1ère ligne thérapeutique chez 50 patients cohortes européennes à âgés ou fragiles (soit âgés de plus de 70 ans et ECOG 1, soit ECOG 2 quel que soit l’âge) l’association capécitabine (1 000 mg/ l’honneur ! (Arnold et al. A439, m2 x 2/j 2 sem/3) + bevacizumab (7,5 mg/kg/3 sem) avec, pour Smith et al. A465, Kubala objectifs principaux, la réponse tumorale, le temps jusqu’à et al. A467) progression (40 patients évaluables) et la tolérance (45 patients évaluables). Après les cohortes américaine BRITE et britannique First BEAT Le taux de réponse était de 40 %, et le temps jusqu’à progression que nul ne peut plus désormais ignorer, de nouvelles cohortes médian de 7,2 mois, ce qui est globalement comparable aux européennes ayant évalué le bevacizumab en association à une études randomisées antérieures avec l’association bevacizumab- chimiothérapie en 1ère ligne métastatique ont vu le jour : une 5FU/acide folinique ± irinotecan chez des patients âgés de plus cohorte allemande incluant 1 620 patients, une cohorte française de 65 ans (taux de réponse de 34 % et SSP de 9,2 mois) de 372 patients et une cohorte tchèque de 1 559 patients. Le (Kabbinavar et al. J Clin Oncol 2009; 27:199-205), la population tableau 5 ci-dessous résume les principales informations issues dans cette étude de phase II étant cependant nettement plus de ces cohortes venant confirmer l’efficacité et la bonne tolérance fragile (ECOG 2 : 60 % versus 3,2 % dans l’étude de Kabbinavar du bevacizumab associée à une chimiothérapie dans une popu- et al.). La tolérance était également comparable aux études anté- lation non sélectionnée. tableau 5. Auteurs Naeim et al. Smith et al. Kubala et al. Nombre de patients n = 1 620 n = 372 n = 1 559 Chimiothérapie associée au bevacizumab - 5FU ou capécitabine ( %) 11 0 - - 5FU-capécitabine/irinotecan ( %) 62 89 61 - 5FU-capécitabine/oxaliplatine ( %) 19 11 23 Effets secondaires liés au traitement Diarrhée n = 163 11,2 % (gr 3-4) 0,1 % (gr 3-4) Nausée/vomissement n = 38 - 0,1 % (gr 3-4) Leucopénie n = 30 16 % (gr 3-4) - HTA - 18,6 % (2,5 % gr 3-4) 1,3 % (gr 3-4) Effets secondaires sérieux n = 20 Événement thromboembolique veineux ( %) 0,4 (gr 3-4) Embolie pulmonaire ( %) 0,8 0,9 - Événement thromboembolique artériel ( %) 0,5 - 0,3 (gr 3-4) Thromboses ( %) 0,4 10 - Hémorragie ( %) - 0,3 0,1 (gr 3-4) Perforation ( %) 1,2 0,3 0,1 (gr 3-4) Taux de réponse objective global ( %) 60 58,6 - Résection secondaire de métastases ( %) - 19 - SSP médiane (mois) 10,6 10 - < 65 ans - - 12,6 ≥ 65 ans - - 11 SG médiane (mois) non atteinte - - < 65 ans - - non atteinte ≥ 65 ans - - 23 Taux de SG à 12 mois ( %) - 81 -
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