DÉCLARATION DES DROITS DES PERSONNES SANS ABRI LIVRET DE BONNES PRATIQUES - DÉCEMBRE 2020 - Fondation ...
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DÉCLARATION DES DROITS DES PERSONNES SANS ABRI LIVRET DE BONNES PRATIQUES DÉCEMBRE 2020 © Yann Levy Déclaration des droits Déclaration des personnesDes sans Droits abri Des personnes sans abri
N ous avons tous des droits fondamentaux censés garantir un minimum vital et de sécurité, en particulier lorsque l’on vit à la rue. Ces droits, en premier lieu le droit au logement, ont été rappelés et réaffirmés dans la Déclaration des droits des personnes sans abri, rédigée par la Fondation Abbé Pierre et la FEANTSA. Garantir la mise en œuvre de ces droits constitue une forme de lutte contre les discriminations sociales dans laquelle chaque commune doit s’engager. « Il y a discrimination envers une personne ou un groupe lorsque ce der- nier se voit traiter de manière inégale (par exemple en se voyant refuser l’accès à un bien ou un service) pour une raison illégitime1 ». En 2016, la pauvreté est devenue le 21è critère de discrimination inscrit dans la loi2. De fait, les personnes pauvres sont victimes de représentations stigmati- santes pouvant conduire à une discrimination effective, et empêcher l’accès à leurs droits et la satisfaction de leurs besoins fondamentaux. Les personnes sans abri sont concernées à ce titre. Or, toute discrimination du fait de l’absence de domicile ou du mode d’habitation est interdite. Aucun droit, notamment ceux énoncés dans les 14 articles de cette déclaration, ne doit être bafoué sous prétexte de sans-abrisme. Au contraire, il en va de la respon- sabilité des élus et de leurs services d’être moteurs dans la protection de ces droits et leur mise en œuvre effective. Non seulement les communes et intercommunali- tés doivent en être garantes en tant qu’institutions publiques, mais elles ont aussi des compétences en matière de lutte contre la pauvreté qui leur imposent d’agir à l’égard des personnes sans abri présentes sur leur territoire. Tout en cherchant à éclairer le sens des articles de la Déclaration et l’esprit dans lequel elle doit être appliquée, ce livret de bonnes pratiques a pour objectif de rap- peler aux collectivités locales leur rôle essentiel et partage différentes actions pour montrer qu’il est possible d’agir concrètement et à de multiples niveaux. 1 ATD Quart Monde, Livre Blanc « Discrimination et pauvreté », 2013. 2 Loi du 24 juin 2016 visant à lutter contre la discrimination à raison de la précarité sociale. PAGE 2 FONDATION ABBÉ PIERRE
ARTICLE 1 Le Droit au logement Le premier droit de toute personne sans-abri est de cesser de l’être. Toute personne sans-abri a le droit d’accéder à un logement. Les services publics et privés permettant l’accès à l’habitat doivent être accessibles à tous. Toute personne sans-abri doit pouvoir être accueillie et accompagnée pour faire valoir ses droits, même dans le cadre de la dématérialisation et de la numérisation des services publics. Le premier droit d’une personne sans- ● la dissociation du logement et de abri est d’accéder à un logement. l’accompagnement (pas de condi- tions réciproques), La politique du Logement d’abord, por- tée nationalement depuis 2017 et mise ● des services orientés vers le en œuvre dans un certain nombre de « rétablissement », la réduction territoires, consiste à proposer direc- des risques et le bien-être général de tement et sans condition un vrai loge- la personne, ment pérenne et de droit commun aux personnes à la rue, sans préjuger de ● un engagement librement con- leur « capacité à habiter », et sans les senti, actif et sans coercition, faire passer par des formules intermé- diaires, précaires et inadaptées (hôtel, ● un accompagnement souple et hébergement, sous-location...). Cette personnalisé, la personne restant politique implique de défendre loca- au centre de toutes les décisions qui lement un certain nombre de prin- peuvent avoir un impact sur sa vie, cipes qui font désormais consensus en Europe et dans le monde : ● un accompagnement aussi long- temps que nécessaire, à l’intensité ● un logement stable et pérenne modulable, qui n’est pas attaché au comme droit fondamental (sans lieu, et qui s’arrête lorsque la per- condition ni préalable), et non comme sonne n’en a plus besoin. une récompense à l’issue d’un parcours probatoire où le demandeur devrait Concrètement, la mise en œuvre de faire la preuve de sa « capacité à habi- ces principes impose de mobiliser un ter » et de sa volonté de s’insérer, ensemble de leviers : production de logements très sociaux (PLAI sous pla- ● le libre choix des services par la fonds APL, logements privés à vocation personne, qui détermine elle-même sociale, pensions de famille...), attri- ses besoins et les façons d’y répondre, butions Hlm, accompagnement des ménages à la rue, en sortie d’institutions ou menacés d’expulsion… DÉCEMBRE PAGE 3 2020 FONDATION ABBÉPAGE PIERRE 3
Améliorer le repérage des situa- des besoins (immédiats et à plus tions et la connaissance des long terme), pour mieux construire besoins de chaque territoire ensuite les réponses adaptées. constitue une première étape essen- tielle dans la démarche du « logement > La ville de Strasbourg a cherché à d’abord » : favoriser la participation des per- sonnes accueillies ou sans domicile > Des villes françaises organisent des à travers des « Focus Groupes » enquêtes pour évaluer le nombre de pour mieux identifier et comprendre personnes à la rue, leurs profils et leurs besoins d’habitat et d’accompa- situations ainsi que leurs besoins. gnement et cerner la complexité des Plusieurs éditions des « Nuits de la parcours, des blocages et des attentes. solidarité » ont été organisées avec des habitants volontaires à Paris, Après cette phase de diagnostic, il Lille, Grenoble, Metz… La Ville de convient pour les collectivités de se Toulouse a également organisé avec fixer des objectifs chiffrés ambi- le monde associatif un décompte tieux pour faire reculer le sans- des personnes à la rue et accueillies. abrisme dans leur territoire, et de se A Montpellier, c’est en partenariat doter de moyens d’actions concrets avec l’Université et des étudiants pour les atteindre : volontaires que le recensement a été organisé. Ce décompte est à chaque > La Métropole de Lyon vise une fois accompagné de questionnaires réduction de 50 % du nombre de per- afin d’appréhender plus finement sonnes sans abri en cinq ans, ainsi les situations et les besoins des per- qu’un développement important des sonnes rencontrées. Pensions de famille dont la produc- tion devra être multipliée par 5 pour > Certains vont encore plus loin : à Lyon atteindre une vingtaine de structures et Villeurbanne, une enquête quali- (soit environ 400 places) d’ici cinq ans ; tative a été réalisée par un ensemble d’acteurs3 sur les parcours et > À Clermont-Ferrand et dans le besoins des personnes. Elle a per- Puy-de-Dôme, l’objectif est qu’il n’y mis de disposer d’une évaluation des ait plus aucune personne à la rue « de services sociaux à travers le point de manière pérenne » ; vue des personnes, d’une estimation et d’une meilleure compréhension > À Strasbourg, des objectifs de pro- du non-recours et d’une expression duction de logements et d’attribution Hlm ont été fixés dans les documents 3 Fondation Abbé Pierre, SAMU social de Lyon, accueil de jour Péniche Accueil du CCAS de Villeurbanne, maison de la veille sociale, l’ALPIL, la MRIE, la FAS, le collectif SOIF et l’ODENORE. PAGE 4 FONDATION ABBÉ PIERRE
de programmation sur cinq ans, de > Mis en place fin 2012 et financé par manière à ce que les personnes sans la DDCS, l’ARS, Grenoble, la Métro- domicile accèdent à un logement (soit pole grenobloise et la FAP, le service 1 625 personnes par an). La Ville mise « Totem » s’adresse à des personnes également sur l’utilisation des loge- isolées ou couples sans enfants. Il est ments vacants avec un dispositif en organisé et porté conjointement par place depuis 2016, « Mieux relouer quatre associations5 qui s’efforcent mon logement vacant »4 ; d’accompagner des personnes sans domicile vers le logement avec seu- > À Mulhouse, la DDCS affiche un lement deux critères d’entrée dans le objectif de transformation en loge- dispositif : avoir le désir d’intégrer un ments de 50 % de ses places d’héber- logement et disposer de ressources gement en 5 ans : elle s’appuie pour minimales à y consacrer ; cela sur le « bail glissant » ou l’accès direct au logement des personnes > Au sein du réseau des accueils de jour avec un bail à leur nom. de la Fondation Abbé Pierre, un certain nombre de bonnes pratiques ont été Mettre en œuvre le droit au logement relevées pour favoriser l’accès au loge- suppose de développer un accompa- ment des personnes6 : s’appuyer sur gnement adapté aux besoins des la demande des personnes (logement personnes sans abri et de prévenir choisi), généraliser des permanences tout risque de ruptures dans les de SIAO et ateliers logement, avoir les parcours de vie. Les collectivités locales moyens d’accompagner les personnes ont la responsabilité de s’assurer que dans le logement (en complément des toute personne puisse être accueillie et mesures ASLL ou AVDL), renforcer la accompagnée pour faire valoir son droit connaissance des acteurs du logement au logement. Les accueils de jours, mais et le rapprochement avec des instances également les CCAS, constituent un pre- territoriales… mier relais auprès des personnes sans abri pour l’accès au logement et l’accom- Les actions en faveur de l’accès aux pagnement : ils doivent à ce titre être sou- droits des personnes sans abri doivent tenus par les collectivités et intégrés aux être également soutenues par les col- politiques menées dans chaque territoire, lectivités locales, et développées autant y compris au moment de la définition et que de besoin. Dans le cadre de la loi de l’évaluation de ces politiques. sur le Droit au logement opposable (DALO), des moyens suffisants doivent 4 Eurométropole de Strasbourg, Mieux relouer mon logement vacant. 5 L e relais OZANAM (chargé de l’accompagnement socio-éducatif global), l’Oiseau bleu (volets sanitaires, accès aux droits liés à la Santé), le centre Abbé Grégoire et Un Toit pour tous via son agence immobilière à vocation sociale (AIVS). 6 Fondation Abbé Pierre, Propositions pour les accueils de jour, 2018. DÉCEMBRE 2020 PAGE 5
être mis en œuvre pour que toutes les Abbé Pierre, en partenant avec l’asso- personnes sans abri puissent engager ciation Gestare. Cette plateforme tient un recours auprès des commissions de une permanence téléphonique, et des médiation en vue d’obtenir un logement juristes spécialisés dans les questions d’habitat, en binôme avec des travail- > La ville de Grenoble dispose d’une leurs sociaux, reçoivent les ménages équipe mobile juridique qui a une sur rendez-vous, pour les accompa- fonction ressources et conseil auprès gner (ou si besoin les orienter vers le des acteurs amenés à travailler avec droit commun de la polyvalence du des personnes sans abri ou mal-lo- secteur) dans des recours DALO. gées. Elle a pour mission de former les acteurs accueillant des personnes Faire respecter le droit au logement qui engagent des recours DALO ou suppose également de favoriser DAHO et de répondre à leurs inter- le relogement durable des per- rogations. Elle agit aussi auprès des sonnes dans le cadre de la résorp- personnes dans une logique d’« aller- tion des bidonvilles. vers » en complémentarité des maraudes associatives ou institution- > L ors de l’évacuation du bidonville de nelles existantes ; la Feyssine à Villeurbanne en 2016, le CCAS de Villeurbanne a tra- > En partenariat avec la Ville de Paris et vaillé avec les quatre familles concer- l’association Droits d’Urgence, le Bar- nées et élaboré, dans l’urgence, un reau de Paris a mis en place le « Bus projet d’accès direct au logement, sans Barreau de Paris Solidarité », préalable d’insertion sociale, profes- un dispositif d’accès aux droits géré sionnelle ou de ressources. Quatre par Paris Solidarité depuis 2003. logements sont mis à disposition Accessible toute l’année (le bus sta- pour un coût limité : trois d’entre eux tionne cinq jours par semaine à l’une appartiennent à la ville et un loge- des portes de Paris), il a pour but de ment a été capté dans le parc privé. répondre aux besoins d’accompagne- Ils sont loués à deux associations qui ment des personnes en situation de assurent la gestion locative adaptée, précarité. Les personnes sont reçues puis sous-loués aux familles. Les sans rendez-vous par trois avocats familles ont été relogées en 2017 et bénévoles qui les conseillent, dans le 2018 dans le parc social, dans le cadre respect de la confidentialité. du contingent préfectoral. L’expéri- mentation, renommée « Une école, > La métropole de Montpellier et la un toit, des droits », a permis dix préfecture de l’Herault participent relogements en 2018 et six en 2019 au financement de la plateforme d’ac- (auxquels s’ajoutent une quinzaine de compagnement des droits liés à l’ha- ménages relogés courant 2020). bitat (ADLH) créée par la Fondation PAGE 6 FONDATION ABBÉ PIERRE
> Fin juillet 2015, l’évacuation du bidon- > À Lyon, où la Métropole a récu- ville dit « Le Débonnaire » à Metz, péré de nombreuses compétences du a conduit à l’installation des familles Département notamment en termes par la Ville, sur un terrain apparte- d’action sociale, la mise en œuvre du nant à Réseau ferré de France (RFF). « logement d’abord » a pu être faci- Un travail collectif est engagé entre litée (en s’appuyant également sur la ville, l’État et la Fondation Abbé des pratiques partenariales bien éta- Pierre, et une convention signée avec blies), de même que l’existence d’une Nexity, gestionnaire du terrain, pour politique du logement intercommu- l’aménagement du site aux frais du nale particulièremen avancée. À CCAS. Fin 2016, une MOUS est enga- Strasbourg, pour des raisons his- gée pour trois ans entre l’État, la Ville, toriques propres, la Métropole gère la FAP et Amitiés Tsiganes ; le CCAS aussi les compétences sociales depuis est porteur du projet pour le compte 35 ans pour le compte du Départe- de la ville et se met en lien avec les ment. À Clermont-Ferrand, la Ville bailleurs sociaux. Fin septembre 2019, a répondu à l’AMI du Gouvernement le projet s’achève sur le relogement de en partenariat avec le Département. quasiment toutes les personnes qui occupaient le bidonville. A la fin de la MOUS, le CCAS a continué de suivre DOCUMENTS RESSOURCES quelques ménages dans la poursuite de leur parcours résidentiel. ● Fondation Abbé Pierre, « SDF : Objectifs Zéro - Un plan pour La mise en œuvre du « logement en finir avec la vie à la rue » d’abord » dans les territoires doit s’ap- puyer sur une gouvernance locale ● Fondation Abbé Pierre, RML dédiée, avec notamment un pilotage 2020, « Le mal-logement à conjoint (État, EPCI, département, l’épreuve des Municipales » associant communes, bailleurs sociaux, (pp.167-170) services sanitaires, acteurs associatifs ● Housing First Europe Hub, et mouvements citoyens) et l’installa- « Les 10 principes du Loge- tion d’une équipe avec un chef de projet. ment d’abord » ● Fondation Abbé Pierre, RML 2019, Chapitre sur le Logement d’abord (p148-197) ● Eurométropole de Strasbourg, Mieux relouer mon logement vacant DÉCEMBRE 2020 PAGE 7
ARTICLE 2 Le respect du domicile Tout abri, qu’il soit de fortune ou mis à disposition par une institution publique ou privée, à titre gratuit ou avec contrepartie, constitue le domicile des occu- pants et doit être reconnu et respecté en tant que tel. Toute personne sans abri a le droit à l’intimité et au respect de sa vie privée. Même un simple abri constitue le domi- Dans les centres d’hébergement, cer- cile des personnes qui l’occupent. Qu’il tains règlements intérieurs ou contrats s’agisse d’une chambre dans un centre d’hébergement comportent des clauses d’hébergement, un hôtel ou un hôpital, abusives - voire parfois illégales - qui ne d’une tente, d’un abri de fortune, d’un respectent pas les droits des résidents. squat, d’une caravane ou d’une voiture, C’est le cas lorsque les personnes ne le caractère inviolable du domi- peuvent pas disposer de clefs de leur cile doit être respecté. Ceci est chambre, lorsqu’elles sont obligées de valable pour les gérants, les pro- « pointer » et de respecter des horaires priétaires, la police ou toute autre stricts… Les pratiques suivantes sont personne. également à proscrire : Le respect du domicile et de la vie pri- ● Pénétrer dans le domicile (ou vée s’impose pour les personnes vivant chambre) d’une personne sans son sous tente ou dans des abris de for- autorisation ; tune. Cette règle doit être rappelée, par exemple, dans le cadre des maraudes ● E mpêcher l’accès d’une personne à lorsque les intervenants se trouvent son domicile, par exemple en chan- face à des tentes fermées, car apporter geant la serrure d’une chambre ou de l’aide ne devrait jamais conduire à d’un appartement sans autorisation être intrusif. préalable du juge 7 ; ● Changer le domicile d’une personne (ex : changement de chambre) sans son accord ; ● Interdire ou limiter l’accueil des proches ; ● Interdire les animaux de compagnie… 7 Pour rappel, la violation de domicile et le fait de forcer un tiers à quitter le lieu qu’il occupe sont pénalement répréhensibles (articles 226-4 et 226-4-2 du Code Pénal) PAGE 8 FONDATION ABBÉ PIERRE
En hébergement collectif, les espaces doivent être conçus et organisés de DOCUMENTS RESSOURCES manière à garantir le droit à l’intimité et le respect de la vie privée (douches ● Fédération des Acteurs de la individuelles plutôt que collectives, Solidarité, Manuel sur les droits et obligations des personnes chambres individuelles plutôt que dor- accueillies, 2016. pages 56-78 toirs, espaces pour les familles…). ● Ordonnance de référé rendu le Un certain nombre d’acteurs réflé- 15 mars 2019, TGI de Paris : une chissent à l’évolution nécessaire de tente est reconnue comme le leurs pratiques d’accueil pour que le domicile de son occupant. Dès respect du domicile soit effectif pour lors, l’expulsion ne peut avoir les personnes sans abri : lieu sans décision de justice et un délai de deux mois peut > L’association CapaCités a invité être accordé afin « d’assurer le les personnes accueillies dans trois respect effectif de la vie privée centres installés dans l’ancien Hôpi- et familiale » tal Saint-Vincent de Paul à Paris - aux Grands voisins - à décrire les pro- blématiques qu’elles rencontrent et qui affectent leur quotidien : liberté d’aller et venir, vie privée et familiale, intimité. Entre 2017 et 2019, plu- sieurs ont été pointées : l’absence de chambres individuelles, de cuisine, les sanitaires et douches partagées (qui deviennent des lieux de fric- tions entre résidents)... Les règles de fonctionnement des centres limitent par ailleurs les droits des résidents en contrôlant leurs allers et venues, en limitant les visites de jours et en interdisant l’hébergement de tiers. Une base de réflexion conséquente a été ainsi recueillie, qui doit être mobilisée pour la suite du projet, notamment dans une dynamique de « logement d’abord ». DÉCEMBRE 2020 PAGE 9
ARTICLE 3 Le respect de ses biens Nul ne doit subir la destruction ou la rétention de ses biens et de ses effets personnels. Tout habitat, quelle que soit sa forme, et les biens qu’il comprend doivent être protégés. Les personnes sans abri ont droit, en mesure de le faire, ses biens doivent comme les autres, au respect de leurs être stockés, conformément à la loi, biens et de leurs effets personnels. Les dans un lieu auprès duquel elle pourra pouvoirs publics se doivent donc de pré- les récupérer. A noter cependant que venir toute situation qui pourrait ce stockage se fait généralement à ses mener à leur destruction ou réten- frais... S’agissant d’un animal de com- tion. Ceci est valable quelle que soit la pagnie, la personne doit savoir où il a situation de la personne, en héberge- été emmené, et comment faire pour le ment collectif, dans des abris de fortune retrouver. ou à la rue. Les personnes hébergées dans des Il est interdit de s’emparer d’une tente, structures doivent aussi pouvoir mais aussi des objets et biens qui s’y conserver l’intégralité de leurs biens. trouvent (matelas, etc.). Il est inter- Pourtant, l’absence de bagagerie dans dit de confisquer les biens stockés ou de nombreux centres oblige trop sou- disposés dans l’espace public (sac de vent des personnes hébergées à se sépa- couchage, vêtements, livres, papiers rer de leurs effets personnels. Certaines d’identité…). associations et collectivités ont mis à disposition des espaces de stockage Si, suite à une décision de justice, l’ex- gratuits à destination des personnes pulsion d’une personne sans-abri doit sans abri pour leur permettre de stoc- être réalisée, celle-ci doit en avoir été ker en sécurité leurs effets personnels. informée à chaque stade et pouvoir De nombreuses modalités de fonction- anticiper son départ afin de récupérer nement existent pour cela. ses biens personnels. Si elle n’est pas PAGE 10 FONDATION ABBÉ PIERRE
>L a mairie de Montreuil, à l’initiative et en collaboration avec l’association DOCUMENTS RESSOURCES Emmaüs Alternatives, a installé des casiers sécurisés dans l’espace ● Jurislogement « Recueil de jurisprudence relative aux droits public. Inspiré d’une initiative simi- des habitants de bidonvilles et laire à Lisbonne, l’installation de squats menacés d’expulsion », ces « casiers solidaires » poursuit p. 51. Le juge s’est prononcé un double objectif. Ils permettent en faveur d’une indemnisation de stocker les affaires personnelles suite à la perte de meubles lors (dans un espace restreint mais que d’une expulsion les personnes peuvent s’approprier) et deviennent des lieux de rencontre et d’accompagnement pour les per- sonnes sans abri lors de rendez-vous réguliers avec des travailleurs sociaux ; >L ’association Mains Libres (quartier des Halles à Paris) est une struc- ture cogérée par les personnes sans abri disposant de casiers. Signataire d’une convention avec la Mairie de Paris, l’association travaille avec deux associations partenaires (la Maraude d’Emmaüs Paris Centre et l’antenne « Aux captifs la libération ») qui orientent des candidats vivant habituellement dans le quartier des Halles ou ses environs ; >L ’association Bagagesrue à Lyon pro- pose un accueil bagagerie et du lien social, en s’appuyant sur la participa- tion des personnes sans abri (béné- voles à l’accueil bagagerie, membres du Conseil d’administration, partici- pation aux décisions)… DÉCEMBRE 2020 PAGE 11
ARTICLE 4 Le respect des procédures Nul ne peut faire l’objet de menaces ou de contraintes de la part d’un propriétaire ou d’un gestionnaire, des forces de l’ordre ou de toute autre personne afin de lui faire quitter le lieu qu’il occupe, y compris une habitation de fortune, un terrain, un centre d’hébergement ou un logement d’insertion. Dans le cas contraire, l’auteur de ces faits est passible de sanction. Tout lieu considéré comme habité le monde, se défendre et faire valoir est inviolable ( article 2 ). Rappe- leurs droits devant un juge. Selon les lons que cela concerne aussi bien les situations, ils peuvent obtenir un délai abris (tentes, squats, abris de fortune, avant de devoir quitter les lieux. Un bidonvilles…) que les hébergements délai pendant lequel il est impossible (chambres d’hôtel ou d’hôpitaux, de procéder à l’expulsion et qui doit être chambres en CHRS ou en CHU…). Dès mis à profit par les pouvoirs publics lors, toute intrusion au domicile de pour rechercher une solution de loge- ces personnes implique le respect ment ou d’hébergement. de certaines procédures. Il serait contradictoire avec l’ar- Il en va de même pour l’expulsion ticle 1er de la Déclaration de procé- ou l’évacuation des occupants sans der à des expulsions ou des éva- titre des lieux privés ou publics qu’ils cuations - même en respectant les occupent. Selon les situations, ces pro- procédures - si aucun relogement cédures varient. n’est prévu. Les maires doivent donc s’abstenir de prendre des arrêtés sur- ● Aucune expulsion (de terrain privé ou tout lorsqu’ils ne sont pas en mesure public, de squats ou bidonvilles) ne de proposer des alternatives de reloge- peut avoir lieu sans décision de jus- ment décentes aux personnes évacuées. tice (TA ou TGI selon le lieu) ; Le principe légal de continuité et ● Toute évacuation doit faire suite à d’inconditionnalité de l’héberge- une prise d’arrêté préfectoral ou ment interdit d’obliger une personne à municipal. quitter un hébergement (CHRS, CHU, hôtel…) sans lui proposer de solution En tout état de cause, les occupants meilleure à la fin d’une prise en charge. doivent se voir signifier ces décisions et se voir rappeler leurs droits de recours. Car ils peuvent, comme tout PAGE 12 FONDATION ABBÉ PIERRE
Il peut être mis fin au contrat d’héber- droits fondamentaux et les protec- gement par le gestionnaire dans les cas tions particulières dont elle béné- suivants8 : ficie, sur les voies de recours à sa disposition et les moyens de les ● la personne hébergée décide de partir exercer, et donner accès à la liste de son plein gré, des associations de défense des ● elle a des comportements dangereux personnes en situation d’exclu- envers les autres personnes héber- sion par le logement agréées dans gées ou le personnel. le département »9. Le cas échéant, les personnes doivent être orientées vers Dans tous les cas, la décision mettant tout intervenant qui pourra les aider fin à l’hébergement doit être fondée sur dans leurs démarches d’accès au droit : des bases légales, motivée et portée à la les municipalités ont un rôle à jouer à ce connaissance de la personne. niveau pour être un relais permettant d’orienter les personnes vers les plate- Des solutions doivent être proposées pour formes d’accès aux droits ou autres trouver un accord à l’amiable. Le prin- acteurs compétents. cipe de non-abandon impose de tenter de trouver une solution en cas de problème DOCUMENTS RESSOURCES entre le gestionnaire et l’hébergé : chan- ger d’accompagnateur, de lieu, de cadre, ● JurisLogement, « Fin des contrats d’approche... suffit parfois à résoudre la d’hébergement et de logement problématique. En cas d’échec, le refus temporaire : quels droits et obli- de maintien dans la structure doit être gations pour les personnes et formalisé par une mise en demeure de les organismes gestionnaires ? », quitter l’établissement, adressé par lettre décembre 2018 recommandée avec accusé de réception, ou par acte d’huissier. ● Note inter associative, « Droits des habitants de terrain en Lorsqu’il est mis fin à la prise en charge procédure d’expulsion », 2017 pour des motifs légitimes et que les per- ● Gisti, « Expulsions de terrain sonnes ne quittent pas les lieux, la struc- et de squat : sans titre mais ture doit engager une procédure d’ex- pas sans droits 2ème édition », pulsion. Tout changement de serrure, avril 2018 ou autre mesure qui empêcherait l’accès aux chambres pour les personnes irait ● FAS, « Manuel sur les droits à l’encontre du respect des procédures et obligations des personnes légales applicables dans ces cas précis. accueillies », 2016. Fiche 13-14-15 sur la fin des prises en Les centres d’hébergement doivent charges informer la personne sur « ses ● Saisine du Défenseur des Droits 8 FNARS Ile-de-France, « Droits et obligations des per- par Robins des Rues, juin 2018 sonnes hébergées », 2016. 9 Article L.345-2-11 CASF. DÉCEMBRE 2020 PAGE 13
ARTICLE 5 Le droit à la domiciliation Toute personne a le droit à une élection de domicile. La domiciliation est un service public portée par les associations (dont ce qui permet à toute personne sans domi- n’est pas la vocation initiale). Le sou- cile stable, en habitat mobile ou pré- tien de la municipalité à la domi- caire, d’avoir une adresse administra- ciliation est d’abord financier. tive pour faire valoir ses droits civils, civiques et sociaux. Sans adresse de Lorsque les villes font face à une forte domiciliation, une majeure partie des demande de domiciliation, elles peuvent droits reste inaccessible. néanmoins développer des partena- riats avec des associations agréées. Si Les CCAS ou CIAS sont les struc- certaines associations reçoivent l’agré- tures de droit commun en charge ment préfectoral pour domicilier les de la domiciliation10. Ils ont donc personnes sans abri, elles ne reçoivent l’obligation d’accorder une domiciliation pas systématiquement de financements à toutes les personnes ne disposant pas adéquats pour mettre en œuvre cette d’une adresse postale stable, à la seule mission de service public12. En Ile-de- condition qu’elles aient un lien avec la France, seulement 45 % des associations commune. Pourtant, une enquête du agréées perçoivent un financement Secours catholique11 estimait, en 2014, d’une ou plusieurs communes dans le que 14 % des communes ne domici- cadre de cette délégation de service lient pas ou insuffissamment en Ile-de- public13. Par ailleurs, les montants ver- France. sés la plupart du temps ne permettent de couvrir que la gestion du courrier sans À travers les CCAS, les communes tenir compte du minimum d’accompa- doivent donc avant toute chose assumer gnement nécessaire et se révèlent donc leur responsabilité en termes de domi- insuffisants, ce qui contribue à fragiliser ciliation, afin que cette mission de ser- les associations concernées. vice public ne soit pas principalement 10 Article L264-1 du code de l’Action Sociale et des familles. 11 Secours Catholique, Villes solidaires avec les plus pauvres : l’inégalité entre les communes n’a jamais été aussi marquée, mars 2014. 12 L e coût de la domiciliation a été évalué à 93 euros en moyenne par personne par l’UNCCASS dans son enquête « L’élection de domicile pratiquée par les CCAS », avril 2015. 13 FAS (2015) « Enquête sur la domiciliation associative en IDF ». PAGE 14 FONDATION ABBÉ PIERRE
Les bonnes pratiques de la domiciliation : ● Prévenir toute discrimination à l’encontre des publics domiciliés et ● Respecter les critères légaux du accompagnés. lien avec la commune et éviter toute interprétation restrictive. > Suite à une forte demande des usa- Pour rappel, ce lien peut être caracté- gers, des CCAS de l’agglomération risé par : le lieu de séjour de la personne, bordelaise (Bègles, Villenave d’Ornon l’exercice d’une activité professionnelle, et Mérignac) ont réfléchi à la réorga- le bénéfice d’une action ou d’un suivi nisation de leur accueil du public au social, médical ou professionnel, des niveau de la domiciliation et ont mis démarches préalables déjà effectuées en place des permanences avec dans la commune, des liens familiaux des interprètes en langue bulgare et ou encore la scolarisation d’un enfant roumaine ; dont le demandeur a la charge14 ; > Dans des territoires comme Reims ● A méliorer la connaissance des ou Créteil, la Ville finance des asso- publics ayant besoin d’une domi- ciations pour qu’elles effectuent cette ciliation et adapter les pratiques aux prestation dans les Boutiques solida- personnes accueillies : recours à des rité ; interprètes, partenariats avec des associations spécialisées ; > Pour déterminer l’existence d’un lien avec la commune, le CCAS de ● Garantir une couverture terri- Saint-Denis se base sur les critères toriale cohérente de la domicilia- légaux, sans les appliquer de façon tion, la coordination et la coopération restrictive : la recherche du lien avec entre les organismes domiciliataires la commune prime sur la recherche d’un même territoire. Au préalable, de ce qui pourrait le mettre en doute, la réalisation d’un diagnostic ainsi afin de garantir le droit à la domici- qu’un travail de connaissance des liation de toute personne sans domi- besoins s’impose, par exemple dans cile. Le CCAS de Saint-Denis tra- le cadre de l’élaboration d’un schéma vaille par ailleurs en coordination et départemental de la domiciliation ; de manière complémentaire avec les autres organismes domiciliataires ● Garantir l’accompagnement des sur le territoire : personnes domiciliées dans l’ou- - la Maison des Solidarités domi- verture de leurs droits ; cilie les personnes sans domicile qui ont un lien avec la ville ou un accueil de jour, - le Secours Catholique domicilie toute personne qui n’a pas de lien avec la ville ou dont le lien n’est pas 14 Art. R. 264-4 du code de l’action sociale et des reconnu (plus de 2 000 personnes), familles. DÉCEMBRE 2020 PAGE 15
- Médecins du monde et le service social de l’hôpital Delafontaine sont agréés pour effectuer la domi- ciliation sur une courte durée, le temps d’ouvrir les droits de santé (principalement pour les aides médicales d’État). Pour réinvestir leurs compétences, cer- taines communes organisent le trans- fert des domiciliations des associations vers les CCAS, comme Paris qui a mis en place un pôle de Domiciliation visant à terme à domicilier 15 000 personnes. DOCUMENTS RESSOURCES ● Collectif National Droits de l’Homme Romeurope, « Les élus locaux face à la résorption des bidonvilles et des squats », 2019 ● GITSI, « Synthèse de la journée francilienne de la domicilia- tion », 2018 ● Fondation Abbé Pierre, « Les propositions pour les accueils de jour », 2017 ● FAS, « Enquête sur la domici- liation associative en Ile-de- France », 2015 ● DGCS, « Guide d’aide à l’éla- boration des schémas dépar- tementaux de domiciliation », 2014 PAGE 16 FONDATION ABBÉ PIERRE
ARTICLE 6 La liberté de se déplacer et de s’installer dans l’espace public Toute personne sans-abri a le droit d’utiliser l’espace public pour aller et venir librement et se reposer sans entrave ni limite dans le temps. Cela inclut notamment les bancs publics, les trottoirs, les parcs, les transports, les bâti- ments publics. ARTICLE 7 Le droit aux pratiques de survie Toute personne sans-abri a droit aux pratiques de survie. La mendicité ou le glanage ne sauraient être interdits ni contingentés à certains espaces. La multiplication des dispositifs n’empêche de les signaler publique- « anti-SDF » porte atteinte à la ment et de demander leur retrait au liberté d’aller et venir ou de s’ins- commanditaire. taller dans l’espace public. Des sièges individuels à la place des bancs, > Durant l’été 2019, la maire du l’installation d’arceaux qui empêchent XIVème arrondissement de Paris a de s’allonger sur les bancs publics, des par exemple dénoncé publiquement pics ou poteaux aux abords des maga- via les réseaux sociaux, un mobilier sins, une douche froide à l’entrée d’un urbain anti-sdf installé par la Caisse parking sont autant de dispositifs d’épargne, provoquant son retrait repérés ces dernières années dans nos dans les 24 heures. villes. Leur but est d’éviter tout station- nement à proximité des magasins et des Afin de lutter contre ce type de pra- entrées d’immeubles, alors que ceux-ci tique, il est possible de participer au permettent aux personnes de se proté- recensement des mobiliers urbains ger du vent ou de la pluie. anti-sdf via le site : https://soyonshu- mains.fr/ Dans l’espace public, il est de la responsabilité des élus de ban- nir ce type de dispositifs, afin que celui-ci reste accessible et accueil- lant pour tous, sans discrimination. Lorsque les dispositifs « anti-sdf » se trouvent dans le domaine privé, rien FEVRIER 2020 PAGE 17
Il incombe aux municipalités de penser et Répondre aux besoins des per- développer un espace public urbain sonnes sans abri est une manière le plus « inclusif » possible, qui per- de prévenir toute forme de stig- mette à tous de s’y installer – y compris les matisation et les troubles à personnes sans abri. l’ordre public. Il semble également incohérent de criminaliser des pra- > Par exemple, le mobilier urbain place tiques de survie telles que la mendicité du Panthéon à Paris (de grandes tables, ou le glanage, alors qu’il n’existe pas ou bancs et transats en bois…) ouvert à peu d’alternatives pour subvenir à cer- tous permet de s’installer, s’asseoir ou tains besoins fondamentaux. s’allonger, sans restriction. Parallèlement, sous couvert de pro- DOCUMENTS RESSOURCES tection de la tranquillité publique, la mendicité ou le simple stationnement ● Chantal Deckmyn, Pour une dans l’espace public est parfois interdit. hospitalité de l’espace public, Manuel pratique à l’usage des Les arrêtés municipaux qui ins- communes, La Découverte, taurent une forme de criminali- 2020 sation de la pauvreté sont nombreux et récurrents. Les élus ont le devoir de ● Jurislogement, « Les arrêtés s’y opposer, de les abroger et d’apporter anti-mendicité », 2017 d’autres réponses face aux situations de précarité. > Fin juillet 2020 à Strasbourg, la nou- velle municipalité a fait abroger un arrêté anti-mendicité qui était en vigueur dans trois secteurs de la ville depuis avril 2019. La maire a rap- pelé qu’elle s’était engagée contre cet arrêté aux côtés de citoyens et d’asso- ciations dès le printemps 2019 (deux recours avaient été déposés auprès du tribunal administratif) car « cet arrêté portait atteinte à la dignité des personnes, et réduisait le droit et la jouissance des usages de la ville ». > En août 2020, la nouvelle municipa- lité de Marseille met également fin à son arrêté anti-mendicité. PAGE 18 FONDATION ABBÉ PIERRE
ARTICLE 8 Le respect des besoins fondamentaux Toute personne sans-abri a le droit à l’alimentation et à l’hygiène. Elle doit pouvoir accéder aux équipements et aux services sanitaires de base, notam- ment à l’eau potable, aux douches, aux toilettes et à l’électricité. Le ramassage des ordures ménagères doit être assuré aux abords des habitats de fortune. Ces services doivent exister en quantité suffisante pour que leur accessibilité ne soit pas un obstacle à l’hygiène et à la santé. L’accès à l’eau potable, à une alimen- > Le restaurant social Pierre le Landais tation correcte, à l’électricité sont des à Nantes propose des repas gratuits services qui doivent être mis en œuvre sur présentation d’une carte délivrée par les communes pour améliorer les par le CCAS. En parallèle, il existe conditions de vie des personnes sans une offre d’activités et d’accompagne- domicile, garantir leur droit à l’hy- ment pour les personnes fréquentant giène et protéger leur état de santé. Il le restaurant. incombe aux municipalités d’assurer ce minimum vital. De nombreuses initiatives associatives permettent aux personnes sans abri de Droit à l’alimentation s’alimenter. Charge aux municipalités de les soutenir financièrement, mais Afin de garantir l’accès à une alimen- également de les faire connaître, en tation de qualité pour les personnes complément des services publics. sans domicile, les municipalités15 doivent ouvrir des lieux de restau- > De nombreuses Boutiques solidarité ration accessibles au plus grand ont développé un système de restau- nombre, en capacité de répondre aux ration à destination des personnes besoins spécifiques des territoires. accueillies (à Clermont-Ferrand, Reims…). A Metz, la Fondation Abbé > La Métropole de Lyon gère un res- Pierre a ouvert un « restaurant soli- taurant social accessible à toute daire » ouvert à tous, avec une tarifi- personne sans-abri et/ou aux minima cation adaptée pour chacun (prescrip- sociaux, sous réserve de l’obtention tions pour les personnes en situation d’une carte délivrée par la Maison des de précarité, participation progres- solidarités, ainsi que des épiceries sive en fonction des ressources…) ; solidaires dans lesquelles sont mis en vente des produits alimentaires et d’entretien à prix réduit ; 15 Article L. 1611-6 du CGCT qui indique que l’action sociale des communes revêt l’alimentation. FEVRIER 2020 PAGE 19
Installés à l’extérieur de restau- > Droit à l’hygiène et accès aux services rants ou de commerces, les Frigos sanitaires de base solidaires permettent de mettre gratuitement à disposition des per- Les bains publics municipaux sont sonnes à la rue des aliments conser- une offre essentielle pour favoriser l’ac- vés au frais ; tout le monde est libre cès aux services sanitaires de base pour de les remplir. On en trouve actuel- tous. Il convient d’être particulièrement lement dans de nombreuses villes : vigilant face à toute délégation de ce Arras, Forbach, Reims, Paris, Brest, service public à des prestataires privés, Angoulême, Clermont-Ferrand, Gre- afin que son accessibilité ne soit pas res- noble, Montpellier, Marseille16... treinte (service qui deviendrait payant) avec un impératif de rentabilité. Une alimentation de qualité doit être promue en direction des per- Il est pertinent de multiplier les sonnes sans abri, pour qu’elles puissent usages des bains-douches (qui sont bénéficier également de repas bons fréquentés de manière régulière par et sains. Le Refettorio Paris au foyer les personnes sans abri), en proposant de la Madeleine est de ce point de vue d’autres types de services dans les emblématique puisqu’il s’appuie sur la mêmes locaux ou à proximité. participation bénévole de chefs invités (venant de France et du monde entier) > À Paris, les bains-douches qui transforment des ingrédients pro- d’Oberkampf abritent également une venant de surplus alimentaires pour association qui tient une laverie et servir chaque jour 100 repas à des per- une bagagerie. Les bains-douches sonnes fragiles. d’Oberkampf ont fait l’objet d’une réhabilitation suite au vote d’un bud- Dans le cas des personnes hébergées, get participatif, preuve de l’intérêt garantir l’accès à l’alimentation peut des habitants pour ce dispositif et de également signifier de proposer l’accès sa bonne intégration dans le quartier. à des espaces pour cuisiner afin que les personnes sans-domicile soient > À Créteil, la Boutique Solidarité a en mesure, si elles le souhaitent, de mis en place un partenariat avec une préparer elles-mêmes des repas corres- laverie automatique du quartier, où pondant à leurs envies et leurs régimes les personnes accueillies peuvent se alimentaires. rendre avec des jetons à prix réduits. 16 Voir carte sur le site des Frigos solidaires. PAGE 20 FONDATION ABBÉ PIERRE
L’accès aux toilettes publiques > À Marseille, le contexte de crise relève également de la responsabilité sanitaire liée au Covid-19 au prin- municipale. La ville doit assurer leur temps 2020 a conduit la Préfecture à entretien et leur fonctionnement, afin demander une cartographie de l’en- de garantir leur présence dans l’espace semble des bidonvilles du territoire. public, ainsi que leur propreté et leur Sur la base de ce diagnostic, un tra- accessibilité. vail a pu être engagé avec la Métro- pole pour raccorder les sites aux Les intercommunalités sont compé- réseaux de distribution de l’eau. Une tentes en matière de gestion de l’eau et démarche similaire est engagée à sont donc garantes du droit à l’eau Nantes, Toulouse, Lille… potable et de la possibilité pour toute personne de bénéficier d’un accès à ce > La Métropole de Bordeaux, au départ bien commun. L’accès à l’eau potable interpellée par le Collectif Action pour tous suppose l’entretien, la remise Bord’eaux, a chargé le Groupement en service et l’installation de fon- d’intérêt public « Bordeaux Métropole taines accessibles gratuitement Médiation » d’établir un diagnostic dans l’espace public, quelle que soit la des situations sur les raccordements saison. à l’eau dans les squats et bidonvilles. Deux médiateurs (parlant roumain et > À Paris, « Eau de Paris » gère plus de bulgare) se sont rendus sur les sites, 1 200 fontaines publiques. accompagnés de représentants de Suez (délégataire chargé de la distri- Pour les personnes vivant en squat ou bution d’eau). Certains sites ont été en bidonvilles, les collectivités doivent traités rapidement dans les mois sui- garantir un accès à l’eau qui soit suffi- vants. « Parfois, il s’agissait simple- sant, à travers notamment le raccor- ment de réactiver l’alimentation pré- dement aux réseaux locaux de existante d’un édifice. L’un des plus distribution d’eau potable. Pour cela, importants […] a été équipé d’une les besoins doivent être appréhendés rampe de plusieurs robinets reliés à sur chaque site, à la fois d’un point de un tuyau tiré depuis un compteur »17. vue quantitatif (au regard notamment La question des sanitaires et de du nombre de personnes présentes) l’évacuation des eaux usées reste et qualitatif (besoin d’eau pour les en attente de traitement. douches, pour la cuisine, pour boire…). 17 Collectif National Droits de l’Homme Romeurope, « Les élus locaux face à la résorption des squats et des bidon- villes », 2019, p. 58-59. DÉCEMBRE 2020 PAGE 21
De même, l’accès aux réseaux > Le Carillon, une initiative por- d’électricité et le ramassage des tée par l’Association la Cloche, ordures sont des services publics qui est un réseau de solidarité local qui participent à l’amélioration des condi- implique les commerçants, les habi- tions de vie des habitants de squats ou tants et les personnes sans abri d’un bidonvilles, et qui relèvent de la com- quartier. Les commerçants proposent pétence des collectivités territoriales de nombreux services : l’accès à l’eau (communes ou intercommunalités). potable ou à des sanitaires, à une ali- Sécuriser les installations électriques mentation de qualité (avec la mise à et éviter les raccordements sauvages est disposition des aliments invendus, essentiel pour protéger les personnes, de repas chauds). Les personnes sans tout en respectant leurs droits fonda- abri ont également la possibilité de mentaux. Pour pouvoir bénéficier d’un boire un café ou encore de s’asseoir raccordement à l’électricité, la justifi- au chaud, d’utiliser l’électricité pour cation d’un titre d’occupation n’est pas recharger un téléphone portable ou obligatoire18. Les occupants peuvent bénéficier d’une connexion internet, demander un raccordement provisoire. tout cela gratuitement. Les habitants sont également partie prenante et Plus largement, comme le montre le tra- peuvent donner (ou payer à l’avance) vail de certaines associations, apporter certains produits qui seront mis à une réponse aux besoins fondamentaux disposition des personnes sans abri des personnes sans abri passe aussi par chez les commerçants. les réseaux locaux de solidarité et de sociabilité autour et avec elles. DOCUMENTS RESSOURCES ● Benjamin Pradel, « (Sur)vivre dehors. Besoins, dispositifs et enjeux existants et à venir à propos des personnes sans abri », 2019 ● Collectif National Droits de l’Homme Romeurope, « Les élus locaux face à la résorption des squats et des bidonvilles », 2019 ● Dalila Abbar, « Défendre les droits des occupants de ter- rains », JurisLogement, 2014, p. 17-38 18 CE, 9 avril 2004, n° 261521. PAGE 22 FONDATION ABBÉ PIERRE
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