DÉCLARATION DES DROITS DES PERSONNES SANS ABRI LIVRET DE BONNES PRATIQUES - DÉCEMBRE 2020 - Fondation ...

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DÉCLARATION DES DROITS DES PERSONNES SANS ABRI LIVRET DE BONNES PRATIQUES - DÉCEMBRE 2020 - Fondation ...
DÉCLARATION DES DROITS DES PERSONNES SANS ABRI
              LIVRET DE BONNES PRATIQUES
              DÉCEMBRE 2020
© Yann Levy

                                                           Déclaration des droits
                                                      Déclaration
                                                           des personnesDes
                                                                         sans Droits
                                                                               abri
                                                        Des personnes
                                                          sans abri
N    ous avons tous des droits fondamentaux censés garantir un minimum vital et
      de sécurité, en particulier lorsque l’on vit à la rue. Ces droits, en premier lieu
 le droit au logement, ont été rappelés et réaffirmés dans la Déclaration des droits
 des personnes sans abri, rédigée par la Fondation Abbé Pierre et la FEANTSA.

 Garantir la mise en œuvre de ces droits constitue une forme de lutte contre les
 discriminations sociales dans laquelle chaque commune doit s’engager.

         « Il y a discrimination envers une personne ou un groupe lorsque ce der-
         nier se voit traiter de manière inégale (par exemple en se voyant refuser
         l’accès à un bien ou un service) pour une raison illégitime1 ».

 En 2016, la pauvreté est devenue le 21è critère de discrimination inscrit dans la
 loi2. De fait, les personnes pauvres sont victimes de représentations stigmati-
 santes pouvant conduire à une discrimination effective, et empêcher l’accès à leurs
 droits et la satisfaction de leurs besoins fondamentaux. Les personnes sans abri
 sont concernées à ce titre. Or, toute discrimination du fait de l’absence de
 domicile ou du mode d’habitation est interdite.

 Aucun droit, notamment ceux énoncés dans les 14 articles de cette déclaration, ne
 doit être bafoué sous prétexte de sans-abrisme. Au contraire, il en va de la respon-
 sabilité des élus et de leurs services d’être moteurs dans la protection de ces droits
 et leur mise en œuvre effective. Non seulement les communes et intercommunali-
 tés doivent en être garantes en tant qu’institutions publiques, mais elles ont aussi
 des compétences en matière de lutte contre la pauvreté qui leur imposent d’agir à
 l’égard des personnes sans abri présentes sur leur territoire.

 Tout en cherchant à éclairer le sens des articles de la Déclaration et l’esprit dans
 lequel elle doit être appliquée, ce livret de bonnes pratiques a pour objectif de rap-
 peler aux collectivités locales leur rôle essentiel et partage différentes actions pour
 montrer qu’il est possible d’agir concrètement et à de multiples niveaux.

 1
     ATD Quart Monde, Livre Blanc « Discrimination et pauvreté », 2013.
 2
     Loi du 24 juin 2016 visant à lutter contre la discrimination à raison de la précarité sociale.

PAGE 2                                                                                      FONDATION ABBÉ PIERRE
ARTICLE 1
                                 Le Droit au logement
          Le premier droit de toute personne sans-abri est de cesser de l’être.
       Toute personne sans-abri a le droit d’accéder à un logement. Les services
     publics et privés permettant l’accès à l’habitat doivent être accessibles à tous.
      Toute personne sans-abri doit pouvoir être accueillie et accompagnée pour
           faire valoir ses droits, même dans le cadre de la dématérialisation
                        et de la numérisation des services publics.

 Le premier droit d’une personne sans-         ● la dissociation du logement et de
 abri est d’accéder à un logement.                l’accompagnement (pas de condi-
                                                  tions réciproques),
 La politique du Logement d’abord, por-
 tée nationalement depuis 2017 et mise         ● des services orientés vers le
 en œuvre dans un certain nombre de               « rétablissement  », la réduction
 territoires, consiste à proposer direc-          des risques et le bien-être général de
 tement et sans condition un vrai loge-           la personne,
 ment pérenne et de droit commun aux
 personnes à la rue, sans préjuger de          ● un engagement librement con-
 leur « capacité à habiter », et sans les         senti, actif et sans coercition,
 faire passer par des formules intermé-
 diaires, précaires et inadaptées (hôtel,      ● un accompagnement souple et
 hébergement, sous-location...). Cette            personnalisé, la personne restant
 politique implique de défendre loca-             au centre de toutes les décisions qui
 lement un certain nombre de prin-                peuvent avoir un impact sur sa vie,
 cipes qui font désormais consensus en
 Europe et dans le monde :                     ● un accompagnement aussi long-
                                                  temps que nécessaire, à l’intensité
 ● un logement stable et pérenne                 modulable, qui n’est pas attaché au
    comme droit fondamental (sans                 lieu, et qui s’arrête lorsque la per-
    condition ni préalable), et non comme         sonne n’en a plus besoin.
    une récompense à l’issue d’un parcours
    probatoire où le demandeur devrait         Concrètement, la mise en œuvre de
    faire la preuve de sa « capacité à habi-   ces principes impose de mobiliser un
    ter » et de sa volonté de s’insérer,       ensemble de leviers : production de
                                               logements très sociaux (PLAI sous pla-
 ● le libre choix des services par la         fonds APL, logements privés à vocation
    personne, qui détermine elle-même          sociale, pensions de famille...), attri-
    ses besoins et les façons d’y répondre,    butions Hlm, accompagnement des
                                               ménages à la rue, en sortie d’institutions
                                               ou menacés d’expulsion…

DÉCEMBRE
PAGE 3   2020                                                      FONDATION ABBÉPAGE
                                                                                  PIERRE
                                                                                      3
Améliorer le repérage des situa-                          des besoins (immédiats et à plus
 tions et la connaissance des                              long terme), pour mieux construire
 besoins de chaque territoire                              ensuite les réponses adaptées.
 constitue une première étape essen-
 tielle dans la démarche du « logement                  >
                                                         La ville de Strasbourg a cherché à
 d’abord » :                                             favoriser la participation des per-
                                                         sonnes accueillies ou sans domicile
 > Des villes françaises organisent des                 à travers des « Focus Groupes »
    enquêtes pour évaluer le nombre de                   pour mieux identifier et comprendre
    personnes à la rue, leurs profils et                 leurs besoins d’habitat et d’accompa-
    situations ainsi que leurs besoins.                  gnement et cerner la complexité des
    Plusieurs éditions des « Nuits de la                 parcours, des blocages et des attentes.
    solidarité » ont été organisées avec
    des habitants volontaires à Paris,                  Après cette phase de diagnostic, il
    Lille, Grenoble, Metz… La Ville de                  convient pour les collectivités de se
    Toulouse a également organisé avec                  fixer des objectifs chiffrés ambi-
    le monde associatif un décompte                     tieux pour faire reculer le sans-
    des personnes à la rue et accueillies.              abrisme dans leur territoire, et de se
    A Montpellier, c’est en partenariat                 doter de moyens d’actions concrets
    avec l’Université et des étudiants                  pour les atteindre :
    volontaires que le recensement a été
    organisé. Ce décompte est à chaque                  > La Métropole de Lyon vise une
    fois accompagné de questionnaires                      réduction de 50 % du nombre de per-
    afin d’appréhender plus finement                       sonnes sans abri en cinq ans, ainsi
    les situations et les besoins des per-                 qu’un développement important des
    sonnes rencontrées.                                    Pensions de famille dont la produc-
                                                           tion devra être multipliée par 5 pour
 > Certains vont encore plus loin : à Lyon                atteindre une vingtaine de structures
   et Villeurbanne, une enquête quali-                     (soit environ 400 places) d’ici cinq ans ;
   tative a été réalisée par un ensemble
   d’acteurs3 sur les parcours et                       > À Clermont-Ferrand et dans le
   besoins des personnes. Elle a per-                      Puy-de-Dôme, l’objectif est qu’il n’y
   mis de disposer d’une évaluation des                    ait plus aucune personne à la rue « de
   services sociaux à travers le point de                  manière pérenne » ;
   vue des personnes, d’une estimation
   et d’une meilleure compréhension                     > À Strasbourg, des objectifs de pro-
   du non-recours et d’une expression                     duction de logements et d’attribution
                                                          Hlm ont été fixés dans les documents

 3
  Fondation Abbé Pierre, SAMU social de Lyon, accueil de jour Péniche Accueil du CCAS de Villeurbanne, maison
 de la veille sociale, l’ALPIL, la MRIE, la FAS, le collectif SOIF et l’ODENORE.

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de programmation sur cinq ans, de                      > Mis en place fin 2012 et financé par
     manière à ce que les personnes sans                       la DDCS, l’ARS, Grenoble, la Métro-
     domicile accèdent à un logement (soit                     pole grenobloise et la FAP, le service
     1 625 personnes par an). La Ville mise                    « Totem » s’adresse à des personnes
     également sur l’utilisation des loge-                     isolées ou couples sans enfants. Il est
     ments vacants avec un dispositif en                       organisé et porté conjointement par
     place depuis 2016, « Mieux relouer                        quatre associations5 qui s’efforcent
     mon logement vacant »4 ;                                 d’accompagner des personnes sans
                                                              domicile vers le logement avec seu-
     > À Mulhouse, la DDCS affiche un                        lement deux critères d’entrée dans le
        objectif de transformation en loge-                   dispositif : avoir le désir d’intégrer un
        ments de 50 % de ses places d’héber-                  logement et disposer de ressources
        gement en 5 ans : elle s’appuie pour                  minimales à y consacrer ;
        cela sur le « bail glissant » ou l’accès
        direct au logement des personnes                    > Au sein du réseau des accueils de jour
        avec un bail à leur nom.                               de la Fondation Abbé Pierre, un certain
                                                               nombre de bonnes pratiques ont été
 Mettre en œuvre le droit au logement                          relevées pour favoriser l’accès au loge-
 suppose de développer un accompa-                             ment des personnes6 : s’appuyer sur
 gnement adapté aux besoins des                               la demande des personnes (logement
 personnes sans abri et de prévenir                           choisi), généraliser des permanences
 tout risque de ruptures dans les                             de SIAO et ateliers logement, avoir les
 parcours de vie. Les collectivités locales                   moyens d’accompagner les personnes
 ont la responsabilité de s’assurer que                       dans le logement (en complément des
 toute personne puisse être accueillie et                     mesures ASLL ou AVDL), renforcer la
 accompagnée pour faire valoir son droit                      connaissance des acteurs du logement
 au logement. Les accueils de jours, mais                     et le rapprochement avec des instances
 également les CCAS, constituent un pre-                      territoriales…
 mier relais auprès des personnes sans
 abri pour l’accès au logement et l’accom-                  Les actions en faveur de l’accès aux
 pagnement : ils doivent à ce titre être sou-               droits des personnes sans abri doivent
 tenus par les collectivités et intégrés aux                être également soutenues par les col-
 politiques menées dans chaque territoire,                  lectivités locales, et développées autant
 y compris au moment de la définition et                    que de besoin. Dans le cadre de la loi
 de l’évaluation de ces politiques.                         sur le Droit au logement opposable
                                                            (DALO), des moyens suffisants doivent

 4
   Eurométropole de Strasbourg, Mieux relouer mon logement vacant.
 5
   L e relais OZANAM (chargé de l’accompagnement socio-éducatif global), l’Oiseau bleu (volets sanitaires, accès
    aux droits liés à la Santé), le centre Abbé Grégoire et Un Toit pour tous via son agence immobilière à vocation
    sociale (AIVS).
 6
   Fondation Abbé Pierre, Propositions pour les accueils de jour, 2018.

DÉCEMBRE 2020                                                                                             PAGE 5
être mis en œuvre pour que toutes les          Abbé Pierre, en partenant avec l’asso-
 personnes sans abri puissent engager           ciation Gestare. Cette plateforme tient
 un recours auprès des commissions de           une permanence téléphonique, et des
 médiation en vue d’obtenir un logement         juristes spécialisés dans les questions
                                                d’habitat, en binôme avec des travail-
 >
  La ville de Grenoble dispose d’une            leurs sociaux, reçoivent les ménages
  équipe mobile juridique qui a une             sur rendez-vous, pour les accompa-
  fonction ressources et conseil auprès         gner (ou si besoin les orienter vers le
  des acteurs amenés à travailler avec          droit commun de la polyvalence du
  des personnes sans abri ou mal-lo-            secteur) dans des recours DALO.
  gées. Elle a pour mission de former
  les acteurs accueillant des personnes        Faire respecter le droit au logement
  qui engagent des recours DALO ou             suppose également de favoriser
  DAHO et de répondre à leurs inter-           le relogement durable des per-
  rogations. Elle agit aussi auprès des        sonnes dans le cadre de la résorp-
  personnes dans une logique d’« aller-        tion des bidonvilles.
  vers » en complémentarité des
  maraudes associatives ou institution-        > L ors de l’évacuation du bidonville de
  nelles existantes ;                             la Feyssine à Villeurbanne en
                                                  2016, le CCAS de Villeurbanne a tra-
 > En partenariat avec la Ville de Paris et      vaillé avec les quatre familles concer-
    l’association Droits d’Urgence, le Bar-       nées et élaboré, dans l’urgence, un
    reau de Paris a mis en place le « Bus         projet d’accès direct au logement, sans
    Barreau de Paris Solidarité »,                préalable d’insertion sociale, profes-
    un dispositif d’accès aux droits géré         sionnelle ou de ressources. Quatre
    par Paris Solidarité depuis 2003.             logements sont mis à disposition
    Accessible toute l’année (le bus sta-         pour un coût limité : trois d’entre eux
    tionne cinq jours par semaine à l’une         appartiennent à la ville et un loge-
    des portes de Paris), il a pour but de        ment a été capté dans le parc privé.
    répondre aux besoins d’accompagne-            Ils sont loués à deux associations qui
    ment des personnes en situation de            assurent la gestion locative adaptée,
    précarité. Les personnes sont reçues          puis sous-loués aux familles. Les
    sans rendez-vous par trois avocats            familles ont été relogées en 2017 et
    bénévoles qui les conseillent, dans le        2018 dans le parc social, dans le cadre
    respect de la confidentialité.                du contingent préfectoral. L’expéri-
                                                  mentation, renommée « Une école,
 > La métropole de Montpellier et la             un toit, des droits », a permis dix
    préfecture de l’Herault participent           relogements en 2018 et six en 2019
    au financement de la plateforme d’ac-         (auxquels s’ajoutent une quinzaine de
    compagnement des droits liés à l’ha-          ménages relogés courant 2020).
    bitat (ADLH) créée par la Fondation

PAGE 6                                                             FONDATION ABBÉ PIERRE
> Fin juillet 2015, l’évacuation du bidon-     > À Lyon, où la Métropole a récu-
    ville dit « Le Débonnaire » à Metz,             péré de nombreuses compétences du
    a conduit à l’installation des familles         Département notamment en termes
    par la Ville, sur un terrain apparte-           d’action sociale, la mise en œuvre du
    nant à Réseau ferré de France (RFF).            « logement d’abord » a pu être faci-
    Un travail collectif est engagé entre           litée (en s’appuyant également sur
    la ville, l’État et la Fondation Abbé           des pratiques partenariales bien éta-
    Pierre, et une convention signée avec           blies), de même que l’existence d’une
    Nexity, gestionnaire du terrain, pour           politique du logement intercommu-
    l’aménagement du site aux frais du              nale particulièremen avancée. À
    CCAS. Fin 2016, une MOUS est enga-              Strasbourg, pour des raisons his-
    gée pour trois ans entre l’État, la Ville,     toriques propres, la Métropole gère
    la FAP et Amitiés Tsiganes ; le CCAS           aussi les compétences sociales depuis
    est porteur du projet pour le compte           35 ans pour le compte du Départe-
    de la ville et se met en lien avec les         ment. À Clermont-Ferrand, la Ville
    bailleurs sociaux. Fin septembre 2019,          a répondu à l’AMI du Gouvernement
    le projet s’achève sur le relogement de         en partenariat avec le Département.
    quasiment toutes les personnes qui
    occupaient le bidonville. A la fin de la
    MOUS, le CCAS a continué de suivre                DOCUMENTS RESSOURCES
    quelques ménages dans la poursuite
    de leur parcours résidentiel.                   ● Fondation Abbé Pierre, « SDF :
                                                       Objectifs Zéro - Un plan pour
 La mise en œuvre du « logement                        en finir avec la vie à la rue »
 d’abord » dans les territoires doit s’ap-
 puyer sur une gouvernance locale                   ●
                                                     Fondation Abbé Pierre, RML
 dédiée, avec notamment un pilotage                  2020, « Le mal-logement à
 conjoint (État, EPCI, département,                  l’épreuve des Municipales »
 associant communes, bailleurs sociaux,              (pp.167-170)
 services sanitaires, acteurs associatifs
                                                    ●
                                                     Housing First Europe Hub,
 et mouvements citoyens) et l’installa-
                                                     « Les 10 principes du Loge-
 tion d’une équipe avec un chef de projet.
                                                     ment d’abord »

                                                    ●
                                                     Fondation Abbé Pierre, RML
                                                     2019, Chapitre sur le Logement
                                                     d’abord (p148-197)

                                                    ● Eurométropole de Strasbourg,
                                                       Mieux relouer mon logement
                                                       vacant

DÉCEMBRE 2020                                                                      PAGE 7
ARTICLE 2
                                          Le respect du domicile
     Tout abri, qu’il soit de fortune ou mis à disposition par une institution publique
      ou privée, à titre gratuit ou avec contrepartie, constitue le domicile des occu-
       pants et doit être reconnu et respecté en tant que tel. Toute personne sans
                  abri a le droit à l’intimité et au respect de sa vie privée.

 Même un simple abri constitue le domi-                      Dans les centres d’hébergement, cer-
 cile des personnes qui l’occupent. Qu’il                    tains règlements intérieurs ou contrats
 s’agisse d’une chambre dans un centre                       d’hébergement comportent des clauses
 d’hébergement, un hôtel ou un hôpital,                      abusives - voire parfois illégales - qui ne
 d’une tente, d’un abri de fortune, d’un                     respectent pas les droits des résidents.
 squat, d’une caravane ou d’une voiture,                     C’est le cas lorsque les personnes ne
 le caractère inviolable du domi-                            peuvent pas disposer de clefs de leur
 cile doit être respecté. Ceci est                           chambre, lorsqu’elles sont obligées de
 valable pour les gérants, les pro-                          « pointer » et de respecter des horaires
 priétaires, la police ou toute autre                        stricts… Les pratiques suivantes sont
 personne.                                                   également à proscrire :

 Le respect du domicile et de la vie pri-                    ●
                                                              Pénétrer dans le domicile (ou
 vée s’impose pour les personnes vivant                       chambre) d’une personne sans son
 sous tente ou dans des abris de for-                         autorisation ;
 tune. Cette règle doit être rappelée, par
 exemple, dans le cadre des maraudes                         ● E mpêcher l’accès d’une personne à
 lorsque les intervenants se trouvent                           son domicile, par exemple en chan-
 face à des tentes fermées, car apporter                        geant la serrure d’une chambre ou
 de l’aide ne devrait jamais conduire à                         d’un appartement sans autorisation
 être intrusif.                                                 préalable du juge 7 ;

                                                             ● Changer le domicile d’une personne
                                                                (ex : changement de chambre) sans
                                                                son accord ;

                                                             ●
                                                              Interdire ou limiter l’accueil des
                                                              proches ;

                                                             ● Interdire les animaux de compagnie…

 7
   Pour rappel, la violation de domicile et le fait de forcer un tiers à quitter le lieu qu’il occupe sont pénalement
 répréhensibles (articles 226-4 et 226-4-2 du Code Pénal)

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En hébergement collectif, les espaces
 doivent être conçus et organisés de              DOCUMENTS RESSOURCES
 manière à garantir le droit à l’intimité
 et le respect de la vie privée (douches        ●
                                                 Fédération des Acteurs de la
 individuelles plutôt que collectives,           Solidarité, Manuel sur les droits
                                                 et obligations des personnes
 chambres individuelles plutôt que dor-
                                                 accueillies, 2016. pages 56-78
 toirs, espaces pour les familles…).
                                                ● Ordonnance de référé rendu le
 Un certain nombre d’acteurs réflé-                15 mars 2019, TGI de Paris : une
 chissent à l’évolution nécessaire de              tente est reconnue comme le
 leurs pratiques d’accueil pour que le             domicile de son occupant. Dès
 respect du domicile soit effectif pour            lors, l’expulsion ne peut avoir
 les personnes sans abri :                         lieu sans décision de justice
                                                   et un délai de deux mois peut
 > L’association CapaCités a invité               être accordé afin « d’assurer le
    les personnes accueillies dans trois           respect effectif de la vie privée
    centres installés dans l’ancien Hôpi-          et familiale »
   tal Saint-Vincent de Paul à Paris - aux
   Grands voisins - à décrire les pro-
   blématiques qu’elles rencontrent et
   qui affectent leur quotidien : liberté
   d’aller et venir, vie privée et familiale,
   intimité. Entre 2017 et 2019, plu-
   sieurs ont été pointées : l’absence de
   chambres individuelles, de cuisine,
   les sanitaires et douches partagées
   (qui deviennent des lieux de fric-
   tions entre résidents)... Les règles de
   fonctionnement des centres limitent
   par ailleurs les droits des résidents
   en contrôlant leurs allers et venues,
   en limitant les visites de jours et en
   interdisant l’hébergement de tiers.
   Une base de réflexion conséquente
   a été ainsi recueillie, qui doit être
   mobilisée pour la suite du projet,
   notamment dans une dynamique de
   « logement d’abord ».

DÉCEMBRE 2020                                                                    PAGE 9
ARTICLE 3
                                Le respect de ses biens
      Nul ne doit subir la destruction ou la rétention de ses biens et de ses effets
     personnels. Tout habitat, quelle que soit sa forme, et les biens qu’il comprend
                                 doivent être protégés.

 Les personnes sans abri ont droit,           en mesure de le faire, ses biens doivent
 comme les autres, au respect de leurs        être stockés, conformément à la loi,
 biens et de leurs effets personnels. Les     dans un lieu auprès duquel elle pourra
 pouvoirs publics se doivent donc de pré-     les récupérer. A noter cependant que
 venir toute situation qui pourrait           ce stockage se fait généralement à ses
 mener à leur destruction ou réten-           frais... S’agissant d’un animal de com-
 tion. Ceci est valable quelle que soit la    pagnie, la personne doit savoir où il a
 situation de la personne, en héberge-        été emmené, et comment faire pour le
 ment collectif, dans des abris de fortune    retrouver.
 ou à la rue.
                                              Les personnes hébergées dans des
 Il est interdit de s’emparer d’une tente,    structures doivent aussi pouvoir
 mais aussi des objets et biens qui s’y       conserver l’intégralité de leurs biens.
 trouvent (matelas, etc.). Il est inter-      Pourtant, l’absence de bagagerie dans
 dit de confisquer les biens stockés ou       de nombreux centres oblige trop sou-
 disposés dans l’espace public (sac de        vent des personnes hébergées à se sépa-
 couchage, vêtements, livres, papiers         rer de leurs effets personnels. Certaines
 d’identité…).                                associations et collectivités ont mis à
                                              disposition des espaces de stockage
 Si, suite à une décision de justice, l’ex-   gratuits à destination des personnes
 pulsion d’une personne sans-abri doit        sans abri pour leur permettre de stoc-
 être réalisée, celle-ci doit en avoir été    ker en sécurité leurs effets personnels.
 informée à chaque stade et pouvoir           De nombreuses modalités de fonction-
 anticiper son départ afin de récupérer       nement existent pour cela.
 ses biens personnels. Si elle n’est pas

PAGE 10                                                           FONDATION ABBÉ PIERRE
>L
   a mairie de Montreuil, à l’initiative
  et en collaboration avec l’association       DOCUMENTS RESSOURCES
  Emmaüs Alternatives, a installé des
  casiers sécurisés dans l’espace            ● Jurislogement « Recueil de
                                                jurisprudence relative aux droits
  public. Inspiré d’une initiative simi-
                                                des habitants de bidonvilles et
  laire à Lisbonne, l’installation de
                                                squats menacés d’expulsion »,
  ces « casiers solidaires » poursuit           p. 51. Le juge s’est prononcé
  un double objectif. Ils permettent            en faveur d’une indemnisation
  de stocker les affaires personnelles          suite à la perte de meubles lors
  (dans un espace restreint mais que            d’une expulsion
  les personnes peuvent s’approprier)
  et deviennent des lieux de rencontre
  et d’accompagnement pour les per-
  sonnes sans abri lors de rendez-vous
  réguliers avec des travailleurs
  sociaux ;

 >L
   ’association Mains Libres (quartier
  des Halles à Paris) est une struc-
  ture cogérée par les personnes sans
  abri disposant de casiers. Signataire
  d’une convention avec la Mairie de
  Paris, l’association travaille avec
  deux associations partenaires (la
  Maraude d’Emmaüs Paris Centre et
  l’antenne « Aux captifs la libération »)
  qui orientent des candidats vivant
  habituellement dans le quartier des
  Halles ou ses environs ;

 >L
   ’association Bagagesrue à Lyon pro-
  pose un accueil bagagerie et du lien
  social, en s’appuyant sur la participa-
  tion des personnes sans abri (béné-
  voles à l’accueil bagagerie, membres
  du Conseil d’administration, partici-
  pation aux décisions)…

DÉCEMBRE 2020                                                                 PAGE 11
ARTICLE 4
                              Le respect des procédures
         Nul ne peut faire l’objet de menaces ou de contraintes de la part d’un
       propriétaire ou d’un gestionnaire, des forces de l’ordre ou de toute autre
     personne afin de lui faire quitter le lieu qu’il occupe, y compris une habitation
     de fortune, un terrain, un centre d’hébergement ou un logement d’insertion.
          Dans le cas contraire, l’auteur de ces faits est passible de sanction.

 Tout lieu considéré comme habité              le monde, se défendre et faire valoir
 est inviolable ( article 2 ). Rappe-          leurs droits devant un juge. Selon les
 lons que cela concerne aussi bien les         situations, ils peuvent obtenir un délai
 abris (tentes, squats, abris de fortune,      avant de devoir quitter les lieux. Un
 bidonvilles…) que les hébergements            délai pendant lequel il est impossible
 (chambres d’hôtel ou d’hôpitaux,              de procéder à l’expulsion et qui doit être
 chambres en CHRS ou en CHU…). Dès             mis à profit par les pouvoirs publics
 lors, toute intrusion au domicile de          pour rechercher une solution de loge-
 ces personnes implique le respect             ment ou d’hébergement.
 de certaines procédures.
                                               Il serait contradictoire avec l’ar-
 Il en va de même pour l’expulsion             ticle 1er de la Déclaration de procé-
 ou l’évacuation des occupants sans            der à des expulsions ou des éva-
 titre des lieux privés ou publics qu’ils      cuations - même en respectant les
 occupent. Selon les situations, ces pro-      procédures - si aucun relogement
 cédures varient.                              n’est prévu. Les maires doivent donc
                                               s’abstenir de prendre des arrêtés sur-
 ● Aucune expulsion (de terrain privé ou      tout lorsqu’ils ne sont pas en mesure
    public, de squats ou bidonvilles) ne       de proposer des alternatives de reloge-
    peut avoir lieu sans décision de jus-      ment décentes aux personnes évacuées.
    tice (TA ou TGI selon le lieu) ;
                                               Le principe légal de continuité et
 ●
  Toute évacuation doit faire suite à          d’inconditionnalité de l’héberge-
  une prise d’arrêté préfectoral ou            ment interdit d’obliger une personne à
  municipal.                                   quitter un hébergement (CHRS, CHU,
                                               hôtel…) sans lui proposer de solution
 En tout état de cause, les occupants          meilleure à la fin d’une prise en charge.
 doivent se voir signifier ces décisions
 et se voir rappeler leurs droits de
 recours. Car ils peuvent, comme tout

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Il peut être mis fin au contrat d’héber-                  droits fondamentaux et les protec-
 gement par le gestionnaire dans les cas                   tions particulières dont elle béné-
 suivants8 :                                               ficie, sur les voies de recours à sa
                                                           disposition et les moyens de les
 ● la personne hébergée décide de partir                  exercer, et donner accès à la liste
    de son plein gré,                                      des associations de défense des
 ● elle a des comportements dangereux                     personnes en situation d’exclu-
    envers les autres personnes héber-                     sion par le logement agréées dans
    gées ou le personnel.                                  le département »9. Le cas échéant, les
                                                           personnes doivent être orientées vers
 Dans tous les cas, la décision mettant                    tout intervenant qui pourra les aider
 fin à l’hébergement doit être fondée sur                  dans leurs démarches d’accès au droit :
 des bases légales, motivée et portée à la                 les municipalités ont un rôle à jouer à ce
 connaissance de la personne.                              niveau pour être un relais permettant
                                                           d’orienter les personnes vers les plate-
 Des solutions doivent être proposées pour                 formes d’accès aux droits ou autres
 trouver un accord à l’amiable. Le prin-                   acteurs compétents.
 cipe de non-abandon impose de tenter
 de trouver une solution en cas de problème
                                                                 DOCUMENTS RESSOURCES
 entre le gestionnaire et l’hébergé : chan-
 ger d’accompagnateur, de lieu, de cadre,                     ● JurisLogement, « Fin des contrats
 d’approche... suffit parfois à résoudre la                     d’hébergement et de logement
 problématique. En cas d’échec, le refus                        temporaire : quels droits et obli-
 de maintien dans la structure doit être                        gations pour les personnes et
 formalisé par une mise en demeure de                           les organismes gestionnaires ? »,
 quitter l’établissement, adressé par lettre                    décembre 2018
 recommandée avec accusé de réception,
 ou par acte d’huissier.                                      ● Note inter associative, « Droits
                                                                 des habitants de terrain en
 Lorsqu’il est mis fin à la prise en charge                      procédure d’expulsion », 2017
 pour des motifs légitimes et que les per-
                                                              ● Gisti, « Expulsions de terrain
 sonnes ne quittent pas les lieux, la struc-
                                                                 et de squat : sans titre mais
 ture doit engager une procédure d’ex-                           pas sans droits 2ème édition »,
 pulsion. Tout changement de serrure,                            avril 2018
 ou autre mesure qui empêcherait l’accès
 aux chambres pour les personnes irait                        ● FAS, « Manuel sur les droits
 à l’encontre du respect des procédures                          et obligations des personnes
 légales applicables dans ces cas précis.                        accueillies », 2016. Fiche
                                                                 13-14-15 sur la fin des prises en
 Les centres d’hébergement doivent                               charges
 informer la personne sur « ses
                                                              ● Saisine du Défenseur des Droits
 8
   FNARS Ile-de-France, « Droits et obligations des per-        par Robins des Rues, juin 2018
 sonnes hébergées », 2016.
 9
   Article L.345-2-11 CASF.

DÉCEMBRE 2020                                                                                  PAGE 13
ARTICLE 5
                                       Le droit à la domiciliation
                       Toute personne a le droit à une élection de domicile.

 La domiciliation est un service public                      portée par les associations (dont ce
 qui permet à toute personne sans domi-                      n’est pas la vocation initiale). Le sou-
 cile stable, en habitat mobile ou pré-                      tien de la municipalité à la domi-
 caire, d’avoir une adresse administra-                      ciliation est d’abord financier.
 tive pour faire valoir ses droits civils,
 civiques et sociaux. Sans adresse de                        Lorsque les villes font face à une forte
 domiciliation, une majeure partie des                       demande de domiciliation, elles peuvent
 droits reste inaccessible.                                  néanmoins développer des partena-
                                                             riats avec des associations agréées. Si
 Les CCAS ou CIAS sont les struc-                            certaines associations reçoivent l’agré-
 tures de droit commun en charge                             ment préfectoral pour domicilier les
 de la domiciliation10. Ils ont donc                         personnes sans abri, elles ne reçoivent
 l’obligation d’accorder une domiciliation                   pas systématiquement de financements
 à toutes les personnes ne disposant pas                     adéquats pour mettre en œuvre cette
 d’une adresse postale stable, à la seule                    mission de service public12. En Ile-de-
 condition qu’elles aient un lien avec la                    France, seulement 45 % des associations
 commune. Pourtant, une enquête du                           agréées perçoivent un financement
 Secours catholique11 estimait, en 2014,                     d’une ou plusieurs communes dans le
 que 14 % des communes ne domici-                            cadre de cette délégation de service
 lient pas ou insuffissamment en Ile-de-                     public13. Par ailleurs, les montants ver-
 France.                                                     sés la plupart du temps ne permettent de
                                                             couvrir que la gestion du courrier sans
 À travers les CCAS, les communes                            tenir compte du minimum d’accompa-
 doivent donc avant toute chose assumer                      gnement nécessaire et se révèlent donc
 leur responsabilité en termes de domi-                      insuffisants, ce qui contribue à fragiliser
 ciliation, afin que cette mission de ser-                   les associations concernées.
 vice public ne soit pas principalement

 10
      Article L264-1 du code de l’Action Sociale et des familles.
 11
    Secours Catholique, Villes solidaires avec les plus pauvres : l’inégalité entre les communes n’a jamais été aussi
     marquée, mars 2014.
 12
     L e coût de la domiciliation a été évalué à 93 euros en moyenne par personne par l’UNCCASS dans son enquête
      « L’élection de domicile pratiquée par les CCAS », avril 2015.
 13
     FAS (2015) « Enquête sur la domiciliation associative en IDF ».

PAGE 14                                                                                 FONDATION ABBÉ PIERRE
Les bonnes pratiques de la domiciliation :           ● Prévenir toute discrimination
                                                         à l’encontre des publics domiciliés et
 ● Respecter les critères légaux du                     accompagnés.
    lien avec la commune et éviter
    toute interprétation restrictive.                 > Suite à une forte demande des usa-
    Pour rappel, ce lien peut être caracté-             gers, des CCAS de l’agglomération
    risé par : le lieu de séjour de la personne,        bordelaise (Bègles, Villenave d’Ornon
    l’exercice d’une activité professionnelle,          et Mérignac) ont réfléchi à la réorga-
    le bénéfice d’une action ou d’un suivi              nisation de leur accueil du public au
    social, médical ou professionnel, des               niveau de la domiciliation et ont mis
    démarches préalables déjà effectuées                en place des permanences avec
    dans la commune, des liens familiaux                des interprètes en langue bulgare et
    ou encore la scolarisation d’un enfant              roumaine ;
    dont le demandeur a la charge14 ;
                                                      > Dans des territoires comme Reims
 ● A méliorer la connaissance des                       ou Créteil, la Ville finance des asso-
    publics ayant besoin d’une domi-                     ciations pour qu’elles effectuent cette
    ciliation et adapter les pratiques aux               prestation dans les Boutiques solida-
    personnes accueillies : recours à des                rité ;
    interprètes, partenariats avec des
    associations spécialisées ;                       >
                                                       Pour déterminer l’existence d’un
                                                       lien avec la commune, le CCAS de
 ●
  Garantir une couverture terri-                       Saint-Denis se base sur les critères
  toriale cohérente de la domicilia-                   légaux, sans les appliquer de façon
  tion, la coordination et la coopération              restrictive : la recherche du lien avec
  entre les organismes domiciliataires                 la commune prime sur la recherche
  d’un même territoire. Au préalable,                  de ce qui pourrait le mettre en doute,
  la réalisation d’un diagnostic ainsi                 afin de garantir le droit à la domici-
  qu’un travail de connaissance des                    liation de toute personne sans domi-
  besoins s’impose, par exemple dans                   cile. Le CCAS de Saint-Denis tra-
  le cadre de l’élaboration d’un schéma                vaille par ailleurs en coordination et
  départemental de la domiciliation ;                  de manière complémentaire avec les
                                                       autres organismes domiciliataires
 ● Garantir l’accompagnement des                      sur le territoire :
    personnes domiciliées dans l’ou-                     - la Maison des Solidarités domi-
   verture de leurs droits ;                                cilie les personnes sans domicile
                                                            qui ont un lien avec la ville ou un
                                                            accueil de jour,
                                                         - le Secours Catholique domicilie
                                                            toute personne qui n’a pas de lien
                                                            avec la ville ou dont le lien n’est pas
 14
   Art. R. 264-4 du code de l’action sociale et des         reconnu (plus de 2 000 personnes),
 familles.

DÉCEMBRE 2020                                                                               PAGE 15
   - Médecins du monde et le service
       social de l’hôpital Delafontaine
       sont agréés pour effectuer la domi-
       ciliation sur une courte durée, le
       temps d’ouvrir les droits de santé
       (principalement pour les aides
       médicales d’État).

 Pour réinvestir leurs compétences, cer-
 taines communes organisent le trans-
 fert des domiciliations des associations
 vers les CCAS, comme Paris qui a mis
 en place un pôle de Domiciliation visant
 à terme à domicilier 15 000 personnes.

          DOCUMENTS RESSOURCES

    ●
     Collectif National Droits de
     l’Homme Romeurope, « Les
     élus locaux face à la résorption
     des bidonvilles et des squats »,
     2019

    ● GITSI, « Synthèse de la journée
       francilienne de la domicilia-
       tion », 2018

    ● Fondation Abbé Pierre, « Les
       propositions pour les accueils
       de jour », 2017

    ● FAS, « Enquête sur la domici-
      liation associative en Ile-de-
      France », 2015

    ● DGCS, « Guide d’aide à l’éla-
       boration des schémas dépar-
       tementaux de domiciliation »,
       2014

PAGE 16                                      FONDATION ABBÉ PIERRE
ARTICLE 6
          La liberté de se déplacer et de s’installer dans l’espace public
       Toute personne sans-abri a le droit d’utiliser l’espace public pour aller et
     venir librement et se reposer sans entrave ni limite dans le temps. Cela inclut
      notamment les bancs publics, les trottoirs, les parcs, les transports, les bâti-
                                     ments publics.

                                       ARTICLE 7
                           Le droit aux pratiques de survie
     Toute personne sans-abri a droit aux pratiques de survie. La mendicité ou le
       glanage ne sauraient être interdits ni contingentés à certains espaces.

 La multiplication des dispositifs             n’empêche de les signaler publique-
 « anti-SDF » porte atteinte à la              ment et de demander leur retrait au
 liberté d’aller et venir ou de s’ins-         commanditaire.
 taller dans l’espace public. Des
 sièges individuels à la place des bancs,      > Durant l’été 2019, la maire du
 l’installation d’arceaux qui empêchent           XIVème arrondissement de Paris a
 de s’allonger sur les bancs publics, des         par exemple dénoncé publiquement
 pics ou poteaux aux abords des maga-             via les réseaux sociaux, un mobilier
 sins, une douche froide à l’entrée d’un          urbain anti-sdf installé par la Caisse
 parking sont autant de dispositifs               d’épargne, provoquant son retrait
 repérés ces dernières années dans nos            dans les 24 heures.
 villes. Leur but est d’éviter tout station-
 nement à proximité des magasins et des        Afin de lutter contre ce type de pra-
 entrées d’immeubles, alors que ceux-ci        tique, il est possible de participer au
 permettent aux personnes de se proté-         recensement des mobiliers urbains
 ger du vent ou de la pluie.                   anti-sdf via le site : https://soyonshu-
                                               mains.fr/
 Dans l’espace public, il est de la
 responsabilité des élus de ban-
 nir ce type de dispositifs, afin que
 celui-ci reste accessible et accueil-
 lant pour tous, sans discrimination.
 Lorsque les dispositifs « anti-sdf » se
 trouvent dans le domaine privé, rien

FEVRIER 2020                                                                       PAGE 17
Il incombe aux municipalités de penser et       Répondre aux besoins des per-
 développer un espace public urbain              sonnes sans abri est une manière
 le plus « inclusif » possible, qui per-         de prévenir toute forme de stig-
 mette à tous de s’y installer – y compris les   matisation et les troubles à
 personnes sans abri.                            l’ordre public. Il semble également
                                                 incohérent de criminaliser des pra-
 > Par exemple, le mobilier urbain place        tiques de survie telles que la mendicité
    du Panthéon à Paris (de grandes tables,      ou le glanage, alors qu’il n’existe pas ou
    bancs et transats en bois…) ouvert à         peu d’alternatives pour subvenir à cer-
    tous permet de s’installer, s’asseoir ou     tains besoins fondamentaux.
    s’allonger, sans restriction.

 Parallèlement, sous couvert de pro-                   DOCUMENTS RESSOURCES
 tection de la tranquillité publique, la
 mendicité ou le simple stationnement               ●
                                                     Chantal Deckmyn, Pour une
 dans l’espace public est parfois interdit.          hospitalité de l’espace public,
                                                     Manuel pratique à l’usage des
 Les arrêtés municipaux qui ins-
                                                     communes, La Découverte,
 taurent une forme de criminali-
                                                     2020
 sation de la pauvreté sont nombreux
 et récurrents. Les élus ont le devoir de           ● Jurislogement, « Les arrêtés
 s’y opposer, de les abroger et d’apporter             anti-mendicité », 2017
 d’autres réponses face aux situations de
 précarité.

 > Fin juillet 2020 à Strasbourg, la nou-
    velle municipalité a fait abroger un
    arrêté anti-mendicité qui était en
    vigueur dans trois secteurs de la ville
    depuis avril 2019. La maire a rap-
    pelé qu’elle s’était engagée contre cet
    arrêté aux côtés de citoyens et d’asso-
    ciations dès le printemps 2019 (deux
    recours avaient été déposés auprès
    du tribunal administratif) car « cet
    arrêté portait atteinte à la dignité
    des personnes, et réduisait le droit et
    la jouissance des usages de la ville ».

 > En août 2020, la nouvelle municipa-
    lité de Marseille met également fin à
    son arrêté anti-mendicité.

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ARTICLE 8
                                  Le respect des besoins fondamentaux
          Toute personne sans-abri a le droit à l’alimentation et à l’hygiène. Elle doit
         pouvoir accéder aux équipements et aux services sanitaires de base, notam-
               ment à l’eau potable, aux douches, aux toilettes et à l’électricité.
        Le ramassage des ordures ménagères doit être assuré aux abords des habitats
         de fortune. Ces services doivent exister en quantité suffisante pour que leur
                 accessibilité ne soit pas un obstacle à l’hygiène et à la santé.

 L’accès à l’eau potable, à une alimen-                       > Le restaurant social Pierre le Landais
 tation correcte, à l’électricité sont des                       à Nantes propose des repas gratuits
 services qui doivent être mis en œuvre                          sur présentation d’une carte délivrée
 par les communes pour améliorer les                             par le CCAS. En parallèle, il existe
 conditions de vie des personnes sans                            une offre d’activités et d’accompagne-
 domicile, garantir leur droit à l’hy-                           ment pour les personnes fréquentant
 giène et protéger leur état de santé. Il                        le restaurant.
 incombe aux municipalités d’assurer ce
 minimum vital.                                               De nombreuses initiatives associatives
                                                              permettent aux personnes sans abri de
 Droit à l’alimentation                                       s’alimenter. Charge aux municipalités
                                                              de les soutenir financièrement, mais
 Afin de garantir l’accès à une alimen-                       également de les faire connaître, en
 tation de qualité pour les personnes                         complément des services publics.
 sans domicile, les municipalités15
 doivent ouvrir des lieux de restau-                          > De nombreuses Boutiques solidarité
 ration accessibles au plus grand                                ont développé un système de restau-
 nombre, en capacité de répondre aux                             ration à destination des personnes
 besoins spécifiques des territoires.                            accueillies (à Clermont-Ferrand,
                                                                 Reims…). A Metz, la Fondation Abbé
 > La Métropole de Lyon gère un res-                            Pierre a ouvert un « restaurant soli-
    taurant social accessible à toute                            daire » ouvert à tous, avec une tarifi-
    personne sans-abri et/ou aux minima                          cation adaptée pour chacun (prescrip-
    sociaux, sous réserve de l’obtention                         tions pour les personnes en situation
    d’une carte délivrée par la Maison des                       de précarité, participation progres-
    solidarités, ainsi que des épiceries                         sive en fonction des ressources…) ;
    solidaires dans lesquelles sont mis
    en vente des produits alimentaires et
    d’entretien à prix réduit ;

 15
      Article L. 1611-6 du CGCT qui indique que l’action sociale des communes revêt l’alimentation.

FEVRIER 2020                                                                                          PAGE 19
Installés à l’extérieur de restau-
 >                                                   Droit à l’hygiène et accès aux services
  rants ou de commerces, les Frigos                   sanitaires de base
  solidaires permettent de mettre
  gratuitement à disposition des per-                 Les bains publics municipaux sont
  sonnes à la rue des aliments conser-                une offre essentielle pour favoriser l’ac-
  vés au frais ; tout le monde est libre              cès aux services sanitaires de base pour
  de les remplir. On en trouve actuel-                tous. Il convient d’être particulièrement
  lement dans de nombreuses villes :                  vigilant face à toute délégation de ce
  Arras, Forbach, Reims, Paris, Brest,                service public à des prestataires privés,
  Angoulême, Clermont-Ferrand, Gre-                   afin que son accessibilité ne soit pas res-
  noble, Montpellier, Marseille16...                  treinte (service qui deviendrait payant)
                                                      avec un impératif de rentabilité.
 Une alimentation de qualité doit
 être promue en direction des per-                    Il est pertinent de multiplier les
 sonnes sans abri, pour qu’elles puissent             usages des bains-douches (qui sont
 bénéficier également de repas bons                   fréquentés de manière régulière par
 et sains. Le Refettorio Paris au foyer               les personnes sans abri), en proposant
 de la Madeleine est de ce point de vue               d’autres types de services dans les
 emblématique puisqu’il s’appuie sur la               mêmes locaux ou à proximité.
 participation bénévole de chefs invités
 (venant de France et du monde entier)                >
                                                       À    Paris,    les   bains-douches
 qui transforment des ingrédients pro-                 d’Oberkampf abritent également une
 venant de surplus alimentaires pour                   association qui tient une laverie et
 servir chaque jour 100 repas à des per-               une bagagerie. Les bains-douches
 sonnes fragiles.                                      d’Oberkampf ont fait l’objet d’une
                                                       réhabilitation suite au vote d’un bud-
 Dans le cas des personnes hébergées,                  get participatif, preuve de l’intérêt
 garantir l’accès à l’alimentation peut                des habitants pour ce dispositif et de
 également signifier de proposer l’accès               sa bonne intégration dans le quartier.
 à des espaces pour cuisiner afin
 que les personnes sans-domicile soient               > À Créteil, la Boutique Solidarité a
 en mesure, si elles le souhaitent, de                   mis en place un partenariat avec une
 préparer elles-mêmes des repas corres-                  laverie automatique du quartier, où
 pondant à leurs envies et leurs régimes                 les personnes accueillies peuvent se
 alimentaires.                                           rendre avec des jetons à prix réduits.

 16
      Voir carte sur le site des Frigos solidaires.

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L’accès aux toilettes publiques                           > À Marseille, le contexte de crise
 relève également de la responsabilité                        sanitaire liée au Covid-19 au prin-
 municipale. La ville doit assurer leur                       temps 2020 a conduit la Préfecture à
 entretien et leur fonctionnement, afin                       demander une cartographie de l’en-
 de garantir leur présence dans l’espace                      semble des bidonvilles du territoire.
 public, ainsi que leur propreté et leur                      Sur la base de ce diagnostic, un tra-
 accessibilité.                                               vail a pu être engagé avec la Métro-
                                                              pole pour raccorder les sites aux
 Les intercommunalités sont compé-                            réseaux de distribution de l’eau. Une
 tentes en matière de gestion de l’eau et                     démarche similaire est engagée à
 sont donc garantes du droit à l’eau                          Nantes, Toulouse, Lille…
 potable et de la possibilité pour toute
 personne de bénéficier d’un accès à ce                    > La Métropole de Bordeaux, au départ
 bien commun. L’accès à l’eau potable                         interpellée par le Collectif Action
 pour tous suppose l’entretien, la remise                     Bord’eaux, a chargé le Groupement
 en service et l’installation de fon-                         d’intérêt public « Bordeaux Métropole
 taines accessibles gratuitement                              Médiation » d’établir un diagnostic
 dans l’espace public, quelle que soit la                     des situations sur les raccordements
 saison.                                                      à l’eau dans les squats et bidonvilles.
                                                              Deux médiateurs (parlant roumain et
 > À Paris, « Eau de Paris » gère plus de                    bulgare) se sont rendus sur les sites,
    1 200 fontaines publiques.                                accompagnés de représentants de
                                                              Suez (délégataire chargé de la distri-
 Pour les personnes vivant en squat ou                        bution d’eau). Certains sites ont été
 en bidonvilles, les collectivités doivent                    traités rapidement dans les mois sui-
 garantir un accès à l’eau qui soit suffi-                    vants. « Parfois, il s’agissait simple-
 sant, à travers notamment le raccor-                         ment de réactiver l’alimentation pré-
 dement aux réseaux locaux de                                 existante d’un édifice. L’un des plus
 distribution d’eau potable. Pour cela,                       importants […] a été équipé d’une
 les besoins doivent être appréhendés                         rampe de plusieurs robinets reliés à
 sur chaque site, à la fois d’un point de                     un tuyau tiré depuis un compteur »17.
 vue quantitatif (au regard notamment                         La question des sanitaires et de
 du nombre de personnes présentes)                            l’évacuation des eaux usées reste
 et qualitatif (besoin d’eau pour les                         en attente de traitement.
 douches, pour la cuisine, pour boire…).

 17
    Collectif National Droits de l’Homme Romeurope, « Les élus locaux face à la résorption des squats et des bidon-
 villes », 2019, p. 58-59.

DÉCEMBRE 2020                                                                                             PAGE 21
De même, l’accès aux réseaux                > Le Carillon, une initiative por-
 d’électricité et le ramassage des             tée par l’Association la Cloche,
 ordures sont des services publics qui          est un réseau de solidarité local qui
 participent à l’amélioration des condi-        implique les commerçants, les habi-
 tions de vie des habitants de squats ou        tants et les personnes sans abri d’un
 bidonvilles, et qui relèvent de la com-        quartier. Les commerçants proposent
 pétence des collectivités territoriales        de nombreux services : l’accès à l’eau
 (communes ou intercommunalités).               potable ou à des sanitaires, à une ali-
 Sécuriser les installations électriques        mentation de qualité (avec la mise à
 et éviter les raccordements sauvages est       disposition des aliments invendus,
 essentiel pour protéger les personnes,         de repas chauds). Les personnes sans
 tout en respectant leurs droits fonda-         abri ont également la possibilité de
 mentaux. Pour pouvoir bénéficier d’un          boire un café ou encore de s’asseoir
 raccordement à l’électricité, la justifi-      au chaud, d’utiliser l’électricité pour
 cation d’un titre d’occupation n’est pas       recharger un téléphone portable ou
 obligatoire18. Les occupants peuvent           bénéficier d’une connexion internet,
 demander un raccordement provisoire.           tout cela gratuitement. Les habitants
                                                sont également partie prenante et
 Plus largement, comme le montre le tra-        peuvent donner (ou payer à l’avance)
 vail de certaines associations, apporter       certains produits qui seront mis à
 une réponse aux besoins fondamentaux           disposition des personnes sans abri
 des personnes sans abri passe aussi par        chez les commerçants.
 les réseaux locaux de solidarité et
 de sociabilité autour et avec elles.
                                                   DOCUMENTS RESSOURCES

                                                ● Benjamin Pradel, « (Sur)vivre
                                                   dehors. Besoins, dispositifs et
                                                   enjeux existants et à venir à
                                                   propos des personnes sans
                                                   abri », 2019

                                                ●
                                                 Collectif National Droits de
                                                 l’Homme Romeurope, « Les
                                                 élus locaux face à la résorption
                                                 des squats et des bidonvilles »,
                                                 2019

                                                ●
                                                 Dalila Abbar, « Défendre les
                                                 droits des occupants de ter-
                                                 rains », JurisLogement, 2014,
                                                 p. 17-38
 18
      CE, 9 avril 2004, n° 261521.

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