DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE : FAIRE VIVRE LES STRATÉGIES RÉGIONALES - ADCF
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Février 2018 • N° 227 • Mensuel édité par l’AdCF - www.adcf.org • 5,50 E DOSSIER P.9 Développement économique : faire vivre les stratégies régionales DANS L’ACTU P.2 • LA FEUILLE DE ROUTE CHARGÉE DU GOUVERNEMENT FOCUS P.4 • QUELLES PERSPECTIVES POUR LA COMMANDE PUBLIQUE LOCALE ? DROIT P.18 • LES ASSOUPLISSEMENTS ET © IStock/Getty Images ÉCLAIRCISSEMENTS DE LA LOI GEMAPI FINANCES P.19 • LA LOI DE FINANCES POUR 2018 PAR LE MENU
DANS L’ACTU © Lionel Pagès ÉDITORIAL La feuille de route © IStock/Getty Images Jean-Luc Rigaut président de l’AdCF chargée du Gouvernement Commande publique : sortir du tunnel Après quatre années de contraction brutale, la commande publique a enfin connu, en Édouard Philippe a annoncé plus d’une dizaine de projets de loi pour le premier 2017, un début de reprise. Le baromètre semestre, notamment sur le logement ou les mobilités, mais aussi plusieurs AdCF-Caisse des dépôts, fondé sur l’analyse comités interministériels et assises. de l’ensemble des marchés publics notifiés, E évalue à environ 7 % la croissance de l’an n ce début d’année, un séminaire gouvernemental Réforme de l’État et fonction publique passé, avec un bon dernier trimestre. Il est s’est tenu sur l’agenda du premier semestre. Le Le chantier « Action publique 2022 » a fait l’objet, le néanmoins trop tôt pour se réjouir. Très Premier ministre, Édouard Philippe, a plaidé le 1er février, d’un premier comité interministériel à la attendue, cette reprise est décalée de deux 3 janvier pour « garder le rythme des réformes », qui transformation publique. Édouard Philippe attend des ans par rapport à un cycle électoral classique. s’annonce donc chargé. Il a indiqué les deux grands ministres « des propositions très ambitieuses en matière Elle est surtout faible au regard du plancher, axes d'action qui guident les réformes : « accélérer les de transformation de leurs administrations et des services très bas, auquel notre commande publique transformations du pays » en matière économique et publics ». Le Comité action publique 2022 continue de est tombée ces dernières années. La reprise sociale, et « renforcer la cohésion sociale et la cohésion plancher sur les missions de l’État avec un rapport prévu est en outre encore à confirmer en matière territoriale ». Dans le détail, il a annoncé plus d’une en mars. Entre février et avril, les ministres devront d’investissements physiques. La baisse dizaine de projets de loi pour le premier semestre : asile présenter « leur plan d’action ». Un second comité inter- des travaux de 40 % enregistrée depuis 2012 et immigration (présentation en février) ; assurance ministériel se tiendra en avril pour faire des annonces. tend à se prolonger et à accumuler des années chômage, apprentissage et formation professionnelle de sous-investissement. (avril) ; procédure pénale et sécurité du quotidien (juin)… Cohésion des territoires Au menu de l’agenda figurent aussi les Assises de l'Outre- Une concertation a été lancée, avec plusieurs groupes de mer qui seront conclues au premier trimestre. travail, sur la politique de la ville. L’ancien ministre Jean- « De plus en plus d’économistes Louis Borloo coordonne cette réflexion dont l’objectif est de faire évoluer les outils et les politiques de cohésion s’inquiètent de l’effet récessif urbaine. Par ailleurs, de nouvelles informations devraient Édouard Philippe souhaite de cette chute prolongée de être données avant l’été sur la future Agence nationale renforcer la cohésion sociale et la de la cohésion des territoires. l’investissement public » cohésion territoriale Grand Paris Reportées déjà à plusieurs reprises, les annonces relatives Notre pays risque ainsi de rejoindre plusieurs Alimentation à la métropole du Grand Paris (MGP) devraient avoir lieu de ses voisins européens, confrontés à une Le projet de loi de mise en œuvre des conclusions des avant fin février. S’en suivra la présentation d’un projet de importante dégradation de leur patrimoine États généraux de l’alimentation, présenté fin janvier, loi dont les principales orientations seront présentées au public : routes, bâtiments, ouvrages d’art, concerne aussi les collectivités. La lutte contre le gas- cours d’une conférence nationale des territoires dédiée écoles… De plus en plus d’économistes, bien pillage alimentaire imposera aux acteurs de la restaura- au sujet. Parmi les scénarios en tête figure toujours la au delà des milieux keynésiens, s’inquiètent tion collective un diagnostic préalable. Le texte prévoit suppression des trois départements de la petite couronne de l’effet récessif de cette chute prolongée également, à l’horizon 2022, d’imposer à la restauration avec un renforcement du rôle et des compétences des de l’investissement public et calculent les collective 50 % de produits bio, locaux ou sous signes établissements publics territoriaux. points de croissance qui manquent à l’appel. officiels de qualité, dont 20 % issus de l’agriculture Les fortes baisses de dotations des dernières biologique. années, nos réorganisations institutionnelles et le manque de prévisibilité des recettes Logement et social Un projet de loi d’orientation fiscales expliquent les chutes récentes et leur amplitude. Tout doit être fait désormais pour À l’issue des Assises du logement qui se sont tenues au des mobilités sera présenté fin sortir de ce tunnel et mettre en œuvre nos Sénat sous la forme d’une conférence de consensus, un projet de loi Logement, dit « Elan », sera présenté en mars ou début avril plans d’investissement. Du numérique aux enjeux de mobilité, des besoins de logements mars. Il concernera le logement mais aussi l'urbanisme et aux requalifications des parcs d’activités, l'aménagement du territoire. Parmi les mesures prévues : Réforme constitutionnelle de l’accessibilité des bâtiments publics la réorganisation des bailleurs sociaux et du financement Dans le projet de loi de réforme constitutionnelle, pré- à la transition énergétique, de l’entretien du logement social. Y figureront aussi plusieurs mesures senté au cours du premier semestre, figurera notam- des centaines de milliers de kilomètres de relatives au numérique. D’ici les prochaines semaines ment l’élargissement du droit à l’expérimentation pour nos réseaux techniques et de nos voiries… seront également présentés le plan quinquennal loge- permettre un exercice différencié des compétences des les chantiers ne manquent pas. Notre pays ment d'abord ou la stratégie de lutte contre la pauvreté. collectivités. Selon la ministre auprès du ministre de est certes bien équipé. C’est même l’un l’Intérieur Jacqueline Gourault, le « droit à la différen- de ses points forts en termes d’attractivité Mobilités ciation » pourrait « permettre à des collectivités d’une internationale. Mais la valeur d’un patrimoine Les Assises nationales de la mobilité se sont achevées même catégorie d’exercer des compétences différentes, ou dépend de son entretien et de son fin 2017. Leurs conclusions alimenteront un projet de d’exercer une même compétence de manière différente ». renouvellement. loi d’orientation des mobilités, présenté fin mars ou Philippe Pottiée-Sperry début avril. Centré sur les mobilités du quotidien, ce texte intéressera fortement les autorités organisatrices locales et régionales.
DANS L’ACTU 3 Loi de finances : validation de la réforme de la taxe d’habitation En bref D ans la loi de finances publiée au Journal offi- qui permettra de supprimer la taxe d'habitation pour Eau et assainissement : ciel du 31 décembre, l’ensemble des concours la totalité de nos concitoyens ». Dans la loi de finances, une « PPL » en cours d’examen financiers de l'État aux collectivités s’élèvent le Conseil constitutionnel a également validé l’article La proposition de loi (PPL), déposée par le à 40,34 milliards d’euros dont 26,9 milliards pour la 126 sur la réforme de l’aide personnalisée au logement, groupe LRM fin décembre, sur la mise en œuvre dotation globale de fonctionnement et 5,6 milliards en baisse de 800 millions d’euros en 2018. du transfert des compétences eau et assainisse- d'euros pour le FCTVA. Les dotations restent donc Par ailleurs, le Conseil a validé, le 18 janvier, la loi de ment aux communautés de communes est en cours d’examen stables en 2018, après quatre années de baisse continue. programmation des finances publiques 2018-2022 au Parlement. Reprenant les annonces du Premier ministre Saisi par des parlementaires, le Conseil constitutionnel et tout particulièrement le mécanisme de contrac- lors du congrès des maires, la PPL maintient, dans son texte initial, le principe du transfert obligatoire au plus tard le n’a pas invalidé l’article 5 de la loi de finances, qui tualisation entre l'État et 340 grandes collectivités 1er janvier 2020 sauf si, avant le 1er juillet 2019, au moins 25 % supprime la taxe d’habitation pour près de 80 % des et intercommunalités afin de réaliser 13 milliards des communes représentant au moins 20 % de la population contribuables. Il a néanmoins assorti sa décision de d'euros d'économies d'ici la fin du quinquennat. Il a, délibèrent pour s’y opposer (pour l’eau, l’assainissement ou deux précisions. en effet, jugé qu’elle ne portait pas atteinte à la libre pour les deux). Le transfert obligatoire serait alors repoussé au administration des collectivités. 1er janvier 2026. Si une communauté de communes a déjà pris Dès le mois de janvier, la mission Bur-Richard a repris la compétence eau et/ou assainissement, le texte ne prévoit ses travaux sur le chantier de la réforme de la fiscalité pas de retour en arrière possible. Le Conseil constitutionnel locale. Ils dureront jusqu’à l’été et se traduiront par des dispositions incluses dans les prochains projets a validé le mécanisme de de lois de finances. Une circulaire sur le Grand Plan contractualisation entre l’État Philippe Pottiée-Sperry d’investissement et 340 grandes collectivités Une circulaire du Premier ministre datée du 3 janvier définit les modalités de mise en œuvre des 57 milliards d’euros du Grand Plan d’inves- Précisions du Conseil constitutionnel tissement (GPI), dont 10 milliards sont fléchés sur les collecti- vités. Portant sur 2018-2022, le GPI s’articule autour de quatre Les juges se réservent ainsi la possibilité de réexaminer priorités : la transition écologique (20 milliards d’euros), ces questions « en fonction notamment de la façon la formation professionnelle (15 milliards), la compétitivité dont sera traitée la situation des contribuables restant et l’innovation (13 milliards), la transformation numérique assujettis à la taxe d'habitation dans le cadre d'une (9 milliards). Selon Édouard Philippe, ces investissements réforme annoncée de la fiscalité locale ». Seconde doivent avoir « un impact durable et mesurable à un horizon précision : si à l’avenir « la part des ressources propres déterminé » et les dépenses qui en dépendent seront « pilo- dans l'ensemble des ressources des communes devenait tées et évaluées selon une logique d’impact et de résultat ». inférieure au seuil minimal de ressources propres » « À l’issue de l’évaluation annuelle des actions, des réalloca- tions au sein du GPI interviendront en fonction des résultats fixé par le code général des collectivités territoriales, obtenus », précise le Premier ministre. La coordination du GPI il faudrait prendre les dispositions nécessaires en loi est assurée par le Secrétariat général pour l'investissement de finances, l’année suivante, pour rétablir « le degré (SGPI), placé auprès du Premier ministre, afin de « garantir d’autonomie financière des communes ». À noter que une cohérence globale ». le 30 décembre, Emmanuel Macron a confirmé avoir 80 % des contribuables seront exonérés de taxe « pour perspective, en 2020, une réforme en profondeur d'habitation. / © IStock/Getty Images Droit de dérogation pour les préfets Annoncée par Gérard Collomb lors du congrès des maires, l’expérimentation pour deux ans Administration numérique : d'un « droit de dérogation reconnu au préfet » est précisée par un décret publié au JO du 31 décembre. Elle concernera deux régions (Pays de la Loire lancement du programme DCANT et Bourgogne-Franche-Comté), quatre départements (Lot, Bas-Rhin, Haut-Rhin et Creuse) et trois collectivités d’outre- mer (Mayotte, Saint-Barthélemy et Saint-Martin). Si le champ 2018-2020 d’application des secteurs de l’expérimentation est très large, le décret la conditionne néanmoins à une série de motifs dont l’effet doit être d'alléger les démarches administratives, de P assé un peu inaperçu, le second programme l’ouverture de l’incubateur de services numériques réduire les délais de procédure ou de favoriser l'accès aux de développement concerté de l’administra- des startups d’État aux collectivités pour répondre aides publiques. tion numérique territoriale (DCANT), pour à des cas d’usages territoriaux. Autre action : le la période 2018-2020, a été dévoilé lors de la confé- renforcement de la coconstruction des actions de rence nationale des territoires du 14 décembre. Établi en étroite Il l’a dit... concertation entre les services de l’État et les associations d'élus, il se Le programme DCANT se nourrira des veut la feuille de route de la trans- innovations de collectivités formation numérique des territoires. Objectif : construire ensemble « des services publics numériques fluides et performants ». formation et de création des e-ressources autour de © Ludovic Marin/AFP Il se compose de 35 actions à engager dès le premier briques numériques, qui manquent encore. Cela se semestre 2018 qui s’articulent autour de quatre prio- fera notamment avec le centre national de la fonction rités : construire un socle commun d’applications, de publique territoriale (CNFPT) pour sensibiliser et briques numériques et de référentiels pour accélérer former les agents territoriaux. Par ailleurs, il s’agira la transformation numérique ; garantir une gouver- aussi d’identifier de nouveaux partenaires (associations nance partagée État-collectivités ; avoir une approche professionnelles, sectorielles ou de consommateurs, « Les contrats de transition écologique sont un globale de la donnée ; faciliter le passage à l’échelle de fédérations, acteurs privés) qui travaillent sur ces outil inédit qui associe les collectivités locales et l'administration numérique. Il y a encore beaucoup de questions d’administration numérique territoriale. les entreprises d’un territoire. Les territoires qui travail sachant que le niveau d’avancement des collec- À noter que toutes ces actions seront actualisées et font le choix de s’engager dans cette démarche tivités, au delà même de leur taille, est très variable. enrichies tous les six mois. Se voulant « agile », le anticipent les mutations économiques et parient programme DCANT se nourrira des innovations de col- sur le développement de l’économie décarbonée Actualisation tous les six mois lectivités et établira des passerelles avec le programme pour créer des emplois ». Parmi les 35 actions, on peut citer par exemple Action publique 2022. Pour le suivre, un compte Twitter Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès du ministre de la la valorisation des actions de cyber sécurité dans a été ouvert : @Programme_DCANT #DCANT. Transition écologique et solidaire l’offre de services de l’État auprès des collectivités, ou Philippe Pottiée-Sperry www.adcf.org • N° 227 • FÉVRIER 2018
4 FOCUS COMMANDE PUBLIQUE LOCALE Quelles perspectives pour la commande publique locale ? L’Assemblée des communautés de France et la Caisse des dépôts ont dévoilé en janvier 2018 Rouen © IStock/Getty Images la nouvelle édition du baromètre de la commande publique locale, mise à jour avec les données de l’année 2017. Cette nouvelle analyse révèle une reprise confirmée, au second semestre, de la commande publique. Cette dernière reste toutefois fragile. L’occasion de faire un point, avec ce focus, sur l’analyse proposée par le baromètre, et d’offrir un regard local, au travers de l’analyse de trois régions, mais également élargi, par une perspective européenne sur les dépenses d’investissement public. Une relance en demi-teinte Reprise ? Après plusieurs années de baisse, les carnets de commande semblent enfin repartir à la hausse. C’est ce que révèle le baromètre de la commande publique locale mis en place par l’AdCF et la Caisse des dépôts et consignations (CDC), en y apportant quelques nuances. L ’année 2017 avait mal commencé. Le rôle du pôle local plus directement les travaux d’investis- semble donc pas stimuler, pour le moment, Le volume d’appels d’offres était De fait, comme on le constate à l’analyse des sement, continuent de décroître : -5,6 % le flux d’investissements nouveaux. Cette en retrait au premier trimestre par données du baromètre AdCF/CDC, tous les entre 2016 et 2017. En revanche, les appels situation illustre-t-elle un nouveau compor- rapport à l’année précédente. Mais pro- secteurs sont concernés par cette reprise. d’offres liés aux services ou aux marchés tement des collectivités locales en réaction gressivement, le dernier trimestre aura Le pôle local, qui regroupe les communes, d’ingénierie connaissent une progression aux contraintes financières des dernières permis de renverser la vapeur et, après les communautés et les métropoles ainsi années ? Pour relancer une année morose en 2016, une inver- que les syndicats, joue un rôle majeur dans durablement la croissance sion de tendance semble se dessiner. la tendance, dans la mesure où il concentre et fortifier les territoires, Les chiffres, issus du baromètre de la près de la moitié (47 %) des achats publics. L’investissement local devra l’investissement local devra commande publique locale AdCF/CDC, En 2017, le carnet de commande des collec- être au cœur du nouveau dispositif être au cœur du nouveau parlent d’eux-mêmes : fin 2017, le volume tivités du pôle local a progressé de +5,7 %. dispositif de contractuali- total des achats publics réalisés s’élève à Conseils départementaux et régionaux ne de contractualisation sation qui va s’engager sur la 77,3 milliards d’euros contre 72,2 mil- sont pas en reste avec une croissance de période 2018-2022 pour les liards d’euros en 2016, soit une évolution +15,4 %, mais sur des volumes plus faibles. très significative : +12 %. Cette situation collectivités dont le budget est supérieur de +7,1 %. À noter que plus de la moitié Les achats réalisés par les services de l’État, traduit l’état d’esprit d’une grande majorité à 60 millions d’euros ou qui sont volon- de cette progression est réalisée sur le les différents ministères et les agences qui leur des collectivités locales. Échaudées par la taires. C’est là la contrepartie essentielle dernier trimestre. sont associées progressent également forte- baisse des dotations et en l’absence d’une des efforts de maîtrise des dépenses de Cette reprise marquerait-elle la fin de la ment. Le niveau de commande des bailleurs réelle visibilité budgétaire, elles semblent fonctionnement qui leur sont demandés. longue spirale du déclin de la commande sociaux n’affiche en revanche aucune progres- différer les investissements nouveaux Claire Delpech publique entamée en 2012 ? Cette année- sion, identique en 2017 à celui de 2014. Enfin, et limiter leur intervention aux travaux là, le total des achats publics s’était élevé à de renouvellement et de rénovation, qui 1. Note de conjoncture, Insee, décembre 2017 96 milliards d’euros. Depuis lors, la com- connaissent une progression en 2017. mande publique n’a cessé de reculer un Tous les secteurs Si 2018 est l’année de la reprise, elle ne peu plus chaque année, pour atteindre un seuil historiquement bas en 2016. sont concernés par cette « La commande publique locale en BTP reprise continue de reculer dans un contexte Évolution de la commande publique (en milliards d'euros) de visibilité dégradée... », constataient ce sont les opérateurs publics qui connaissent alors amèrement les majors de ce secteur l’évolution la plus importante : +19,1 %. Et, 120,0 96,0 92,2 d’activité fortement dépendant des achats parmi eux, les entreprises publiques liées au 100,0 publics. 77,2 76,7 77,3 transport et à l’énergie, deux domaines au 72,2 Les prévisions économiques de ce début cœur des priorités des projets gouvernemen- 80,0 d’année semblent, par leur optimisme, taux pour les territoires. Il convient toutefois 60,0 confirmer la reprise. L’Insee a lui-même, de rester prudent : si reprise il y a, aucun dans sa dernière note de conjoncture 1 , secteur ne retrouve le niveau de commande 40,0 revu à la hausse sa prévision de crois- publique des années avant 2012. 20,0 sance : « Depuis la fin 2016, l’activité française garde une cadence soutenue : la Pas (encore) d’investissements 0,0 croissance annuelle a atteint 2,2 % à l’été nouveaux 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2017, renouant avec un rythme qui n’avait Des signes de fragilité sont en effet déce- pas été observé depuis 2011… dans un envi- lables dans cette reprise. Ainsi, les achats Source : Baromètre 2017 de la commande publique locale, AdCF / Caisse des dépôts, janvier 2018. ronnement mondial porteur. » concernant les travaux neufs, qui touchent FÉVRIER 2018 • N° 227 • www.adcf.org
FOCUS 5 Commande publique : des variations régionales L’analyse de la commande publique par région fait apparaître de fortes disparités, dans l’évolution de la commande entre 2016 et 2107 mais aussi dans le volume des achats publics, comme l’illustre la carte ci-dessous. Certaines régions se singularisent. Focus sur la Bretagne, Provence-Alpes-Côte d’Azur et les Hauts-de-France. A vec un montant moyen de 1 223 euros similaire à celui de la Bretagne : 1 216 euros par particulièrement les domaines du trans- achats. Parmi les champs thématiques les par habitant, la Bretagne affiche habitant. Mais son profil diffère nettement. port et des bâtiments publics. Qu’il s’agisse plus investis, on retrouve les bâtiments un niveau de commande publique La région compte parmi celles où les acteurs d’opérations d’entretien ou de supérieur à la moyenne nationale (1 135 €/ publics ont exercé entre 2016 et 2017 une travaux neufs, les communes hab.). Pour autant, c’est la seule région qui action dynamique en matière de commande, jouent ici un rôle important. Notons que les territoires d’Aix- Les bâtiments publics, le enregistre en 2017 une baisse du montant donnant lieu à une progression globale de +14 %, bien supérieure Marseille et de Nice enregistrent logement et l’environnement sont à la moyenne nationale. des niveaux de commande parmi les champs les plus investis Les collectivités locales publique un peu en retrait par La production d’habitat social sont particulièrement rapport à d’autres métropoles. dans les Hauts-de-France occupe une place importante dans la concernées, étant très présentes parmi les don- Plus de la moitié des achats publics, le logement et l’environnement. commande publique en Bretagne neurs d’ordre : en Paca, Les Hauts-de-France affichent un niveau Dans la région, le logement représente 54 % des achats publics de commande publique nettement plus une dépense moyenne de 171 euros par total de sa commande publique par rapport sont le fait des collectivités, contre 47 % pour faible, de 949 euros par habitant. Les col- habitant, contre 126 euros en Paca et à 2016, soit -2,3 %. Ce recul est très claire- la moyenne nationale. lectivités ici également occupent une place 294 euros en Bretagne. ment lié à celui du carnet de commande des La progression de la commande publique importante en tant que donneurs d’ordre. Claire Delpech bailleurs sociaux. La production d’habitat en 2017 concerne tous les secteurs et plus Elles concentrent plus de la moitié des social occupe une place importante dans la commande publique en Bretagne, en concentrant 23 % des dépenses tandis que ce secteur ne représente que 14 % des Commande publique 2017 par région (€/hab.) achats publics au niveau national. En 2017, les organismes de logements sociaux ont fortement freiné leur production en réac- 1 428 à 2 230 €/hab. tion aux dispositions de la loi de finances 1 223 à 1 401 €/hab. prévoyant une baisse concomitante des 1 162 à 1 216 €/hab. aides personnalisées au logement (APL) et 1 073 à 1 114 €/hab. Hauts-de-France des loyers. Au cours du dernier trimestre 949 à 1 066 €/hab. 949 2017, nombre d’entre eux ont reporté leurs projets dans l’attente d’y voir plus clair. Le recul de la commande publique est ainsi plus fortement marqué sur les travaux Normandie d’investissement. 1 066 Île-de-France Grand-Est 1 174 1 099 Des projets en attente Bretagne En Bretagne comme dans d’autres régions, 1 223 l’année 2017 a été, pour une large part, consacrée à la réorganisation des péri- Pays de la Loire mètres intercommunaux. Communautés et 1 049 Centre-Val de Loire métropoles ont mis en attente leurs projets 990 Bourgogne-Franche-Comté d’investissement et de financement de pres- 1 073 tations nouvelles, le temps de remettre à flot les organisations territoriales dans leur nouvelle configuration. En 2015, l’Insee notait que la Bretagne concentrait 4,2 % du PIB métropolitain. Nouvelle-Aquitaine Ayant conservé ses limites administra- 1 162 Auvergne-Rhône-Alpes tives lors de la réforme territoriale, elle 1 175 affiche une taille plus réduite, en super- ficie et en population, que la plupart des nouvelles régions. Sa représentativité sur le territoire national est devenue moins importante. La construction de la ligne à grande vitesse (LGV) qui met depuis 2017 Provence-Alpes-Côte d’Azur Rennes, porte de la Bretagne, à 1 h 30 de Occitanie 1 216 Paris pourrait offrir de nouveaux atouts 1 114 et notamment faire évoluer vers le secteur tertiaire et les donneurs d’ordre publics une Corse économie bretonne encore très tournée 2 230 vers l'agroalimentaire. En Paca, la progression de la commande publique est bien supérieure à la Guadeloupe Martinique moyenne nationale Guyane La Réunion Mayotte Une action dynamique En Provence-Alpes-Côte d'Azur, la commande publique représente un volume moyen assez Source : Données issues du baromètre 2017 de la commande publique locale, AdCF / Caisse des dépôts, janvier 2018. www.adcf.org • N° 227 • FÉVRIER 2018
6 FOCUS COMMANDE PUBLIQUE LOCALE Jean-Sylvain Ruggiu view Directeur Secteur public et Partenariats publics et privés, groupe BPCE « Il y a consensus sur la nécessité d’investir » S’il explique les raisons de la baisse de l’investissement public local, Jean-Sylvain Ruggiu, directeur du Secteur public © Niko086 et des Partenariats publics et privés pour le groupe BPCE (Banque populaire et Caisse d’épargne), encourage les collectivités à renouer avec cette « dynamique vertueuse » pour la croissance. Selon différents observateurs, la cas la progression des investissements dans commande publique repartirait à les domaines numériques et les énergies la hausse. Les Caisses d’épargne renouvelables. partagent-elles ce constat au regard La tendance globale d’un report de la de leur activité en 2017 ? décision de certains investissements est En tant que banquier des collectivités partagée par tous les types de collectivi- locales, nous privilégions le suivi de la tés. Elle est certainement plus forte sur le demande de financement. Il est encore bloc communal. On sait qu’il sort d’une trop tôt pour un bilan définitif sur l’année refonte lourde. Les 1 250 nouvelles inter- 2017, mais le niveau d’investissement a communalités ont été conçues comme baissé ces dernières années et la tendance l’échelon qui porte les projets au service sera à la stabilisation. des territoires, du rural aux métropoles. En 2017, dans un contexte électoral, il a La réattribution des compétences suit son surgi une inquiétude des décideurs locaux calendrier. Logiquement, beaucoup de « Nous observons la progression des investissements dans le numérique et les énergies renouvelables ». © IStock/Getty Images sur leur autonomie financière future et sur projets en attente vont bientôt être lancés. leur capacité à supporter les efforts bud- Financièrement, avec des taux d’intérêt gétaires à long terme. L’investissement a qui sont encore très bas, la période est La loi demande aux collectivités une rigueur resterons aux côtés des collectivités pour besoin de stabilité et de vision à long terme. propice. budgétaire. Le chemin pour financer l’inves- trouver les solutions de financement. Les discussions sur le nouveau cadre régle- tissement reste étroit quand il y a contrainte Cette année, la Caisse d’épargne célèbre mentaire pour les finances locales avec la Les dispositions de la loi de à la fois sur l’épargne brute, au loi de finances et la loi de programmation programmation des finances travers du budget de fonction- des finances publiques devraient lever ces publiques 2018-2022 visent à nement, et sur le financement La crise des finances incertitudes. encadrer la capacité d’investissement externe, au travers de l’évolu- Il est à noter que le secteur public a absorbé des collectivités locales. Quelle est tion du crédit. publiques locales a eu un effet très la baisse des dotations des dernières votre réaction en tant que banquier Pour aller plus loin, il y a pénalisant sur l’investissement années. Ces mesures prises sur les dépenses des collectivités ? consensus, y compris au de fonctionnement – et une hausse de la L’objectif affiché de la loi de programmation niveau de l’État, sur la néces- fiscalité locale – expliquent que l’épargne est de réduire le déficit et l’endettement sité d’investir. Il ne s’agit pas seulement de ses 200 ans au service de l’intérêt général. brute s’améliore depuis plusieurs années publics. Les articles 13 et 29 – du projet calculer le nombre d’emplois préservés La condition de la longévité, c’est de savoir et revienne à son plus haut niveau. C’est de loi et de la version définitive – portent ou créés dans le BTP, mais de lancer une se projeter dans le futur. C’est sans doute un bon indicateur de santé financière. Le essentiellement sur les dépenses de fonc- dynamique vertueuse pour plus de crois- la vraie raison de notre implication dans le niveau de l’autofinancement tangente les tionnement, en réalité globalement figées sance. La publication récente de la carte de financement des investissements publics 80 %, le besoin de financement externe compte tenu de l’inflation. C’est un objectif la fibre est révélatrice : l’immense majorité utiles et au service de tous. est limité et a été en baisse. Les parts de très ambitieux. du territoire national est hors fibre. Nous Propos recueillis par la rédaction marché du groupe BPCE restent cependant constantes. Au terme de trois années de baisse Politique de cohésion et investissements publics des dotations de l’État, avez- Dans son 7e rapport sur la cohésion de l’Union européenne publié en octobre 2017, la Commission européenne fait état d’une vous vu les collectivités modifier relance progressive des investissements publics nationaux en Europe à la suite « d’une période de crise prolongée durant leur comportement en matière laquelle les investissements ont été considérablement réduits dans bon nombre d’États membres et de régions ». Elle estime d’investissement ? Certains que la politique de cohésion a joué un rôle-clé dans les investissements publics de ses différents États membres. Cette politique domaines d’intervention ont-ils de cohésion, traduite au travers de plusieurs fonds (Feder, Fonds social européen, Fonds de cohésion) et dotée de 351,8 milliards d’euros pour la période 2014-2020, participe à plus de 50 % de l’investissement public pour un nombre non négligeable de pays été plus concernés que d’autres européens. Elle intervient dans de nombreuses politiques sectorielles. Reste que l’avenir de cette politique de cohésion se voit par une baisse ? Des métropoles fréquemment opposé à une politique repensée et davantage fondée sur la notion de compétitivité (voir Intercommunalités n° 211, aux collectivités en milieu rural, p. 12). Dans un contexte marqué entre autres par le Brexit, les négociations s’annoncent ardues. quelles sont celles pour lesquelles vous avez pu constater une baisse de la demande d’emprunt ? Part estimée de la politique européenne de cohésion dans les investissements publics (2015-2017) En grandes masses, le niveau d’investis- sement revient a priori, pour 2017, à son 90 % niveau de 2015, légèrement au-dessous de 80 % 50 milliards. Le point bas aurait été atteint en 2016, avec 47 milliards d’euros. On reste 70 % toutefois sur des niveaux historiquement 60 % bas et probablement insuffisants pour assurer à la fois le renouvellement et la 50 % création des infrastructures. 40 % 30 % Financièrement, 20 % avec des taux d’intérêt 10 % encore très bas, la 0% al tie ie e ie r ie e ie ie e e e te ie re e li e èc ui gn ni qu gn an on an én ar al ug yp période est propice Ita oa ng aq to Gr hè pa lo M lg tu ov um tt Ch rt Cr Es Ho ov Po Le Bu Po tc Es Li Sl Ro Sl ue iq bl pu La plupart de nos financements ne sont Ré pas fléchés, nous répondons à un besoin Source : Eurostat - Regio - Graphique publié dans le 7e rapport sur la cohésion économique, sociale et territoriale, Commission européenne, octobre 2017. budgétaire global. Nous observons en tout FÉVRIER 2018 • N° 227 • www.adcf.org
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8 FOCUS COMMANDE PUBLIQUE LOCALE Investissements publics en Europe : cette relance qui tarde à venir Malgré le plan Juncker, dont l’efficacité reste à prouver, la plupart des pays de l’Union européenne se sont installés dans un sous-investissement public structurel, qui provoque une dépréciation accélérée de leurs actifs. La France a longtemps fait un peu mieux que ses voisins immédiats, mais tend à s’aligner sur eux. P ublié en 2016, le rapport L’état des génie civil, équipements collectifs…). Dans souveraines. La consolidation budgétaire La faiblesse de l’investissement public et villes européennes réalisé par la la plupart des pays de l’UE 15, la valeur des années 2012-2015 a partout comprimé privé en Europe est d’autant plus regrettable Commission européenne a mis en des actifs publics tend à se déprécier faute les capacités d’agir des administrations que notre continent n’était ni le premier avant la chute des investissements publics d’entretien ou de renouvellement suffisants. publiques, malgré des taux d’intérêt excep- responsable ni l’épicentre géographique de locaux dans la plupart des États de l’Union La crise des finances publiques locales, sous tionnellement favorables. la crise. Mais c’est pourtant en Europe que ces dernières années. Cet investissement l’effet des contraintes budgétaires liées à ses effets se sont le plus prolongés, imposant public local apparaît particulièrement faible la récession (et au respect des critères de Des avancées timides une consolidation budgétaire très dou- en Irlande, en Espagne, en Allemagne, en convergence de la zone euro), a eu un effet Dans un premier temps, le plan Juncker a loureuse qui a empêché les politiques non Belgique, en Autriche, au Portugal…, où il très pénalisant sur l’investissement, celui- semblé amorcer un changement de prio- conventionnelles de la BCE d’exercer leur n’atteint même plus 1 % du PIB national. ci étant partout porté majoritairement par rité, en distinguant la « bonne dette » de plein effet. À en croire la démonstration L’Italie, les Pays-Bas, la France font mieux, les autorités locales. Même s’il est réputé la « mauvaise dette ». Des entre 1,5 et 2 %, mais avec des tendances reposer sur de la « bonne dette », contraire- débats se sont ouverts au nettes à la baisse entre 2005 et 2015. Seuls ment au fonctionnement, et qu’il ne repré- Parlement européen, dans Au moins les collectivités les pays scandinaves et les nouveaux États sente qu’une part marginale des dépenses de nombreux think tanks, de l’Union connaissent à la fois des hauts publiques et sociales des différents États, au Conseil des communes pourront-elles se consoler avec niveaux d’investissement public local et l’investissement public est trop souvent et régions d’Europe (CCRE) la valeur des terrains et des des évolutions en progrès. ce dans quoi l’on coupe en premier ou ce pour extraire les investisse- Si l’on regarde du côté de l’ensemble de que l’on étale dans le temps. Au risque de ments publics de la dette dite immeubles qu’elles détiennent sacrifier l’avenir. l’investissement public (collectivités, État et « maastrichtienne », mais les opérateurs, établissements publics, sociétés Une à une, les autorités de régulation, les avancées sont demeurées timides. La de Lord Adair Turner, l’ancien président d’économie mixte…), nombre de rapports grandes banques d’investissement comme Confédération européenne des syndicats du patronat britannique qui fut chargé de n’évaluent les tendances qu’à travers le les institutions internationales, ont revu a proposé la création d’un Trésor européen nationaliser les banques anglaises lors de la prisme du taux d’évolution d’une année sur leurs analyses du début des années 2000. La pour financer les investissements publics crise (cf. son ouvrage Reprendre le contrôle l’autre. Mais cette pratique fait l’impasse « doxa » du tournant du siècle ne jurait que sans peser sur la dette individuelle des États de la dette), faute de projets d’investisse- sur la situation de départ et les volumes par le « faire faire » et la réduction des pro- membres. Pour autant, les règles du pacte ment, c’est vers la valorisation des seuls grammes publics. L’heure de stabilité et de croissance, comme les actifs fonciers et immobiliers que se sont était au partenariat public- ajustements budgétaires fixés État par État, orientées les liquidités accumulées et la pro- privé à la mode britan- ont été totalement orthogonaux avec les duction de crédit facilitée par les banques La crise des finances nique, de type PFI (Private grands objectifs de relance. Les taux direc- centrales. La bulle immobilière de la récente publiques locales a eu un effet très Financing Initiative), pour teurs de la Banque centrale européenne décennie, totalement déconnectée d’une pénalisant sur l’investissement trouver des ressources (BCE), bien qu’incroyablement bas, n’ont économie atone, y trouve son explication sans s’endetter davantage permis ni reprise réelle de l’investissement majeure. De fait, si les collectivités euro- en apparence. Dix ans plus des entreprises ni redynamisation de l’in- péennes ont vu se dégrader très fortement investis en valeur absolue. Plusieurs années tard, les effets de la crise économique et vestissement public. Concentré sur des leurs capacités budgétaires pour investir, d’évolution positive sont souvent insuffi- financière ont revisité les priorités. Les interventions en garantie, le plan Juncker au moins pourront-elles se consoler avec santes pour rattraper les chutes brutales plans de relance se sont multipliés dans n’a pas apporté de véritables moyens sup- la valeur des terrains et des immeubles des lendemains de la crise de 2008 ou de le monde au cours des années 2009-2010, plémentaires pour les acheteurs publics. qu’elles détiennent ! Encore faudrait-il la réplique de 2011-2012. mais ils n’ont pu être maintenus au sein de Pour nombre d’observateurs, son effet de qu’elles puissent les entretenir… L’Allemagne apparaît ainsi stable depuis dix la zone euro en raison de la crise des dettes levier est demeuré très limité. Nicolas Portier ans, et même en léger progrès. Une stabilité qui cache cependant un volume d’investis- sements publics très insuffisant en valeur absolue. Le pays s’est installé depuis près de quinze ans dans un sous-investissement structurel très préoccupant, sous l’effet des baisses drastiques des moyens budgétaires des communes. Des institutions comme le FMI, l’OCDE ou encore la Commission européenne lui recommandent d’accroître massivement ses investissements publics, un important effort de rattrapage étant à effectuer pour combler les années de basses eaux. Des économistes réputés, comme Marcel Fratzscher, ont mis au point des méthodes pour chiffrer les besoins et évaluer l’état des infrastructures. Le patronat allemand appelle également à cette relance et s’inquiète pour la compétitivité du « site Allemagne » dans quelques années. En Belgique, les organisations patronales dressent le même constat de délabrement des équipements publics. Sacrifier l’avenir Les études de nouvelle génération s’inté- ressent de fait à la capacité des nouveaux flux d’investissement public à accroître, ou ne serait-ce que préserver, la valeur du patrimoine existant (bâtiments et loge- En Irlande, Espagne, Allemagne, Belgique, l'investissement public local n’atteint même plus 1 % du PIB national. Il se maintient à un niveau élevé uniquement dans les pays scandinaves et les nouveaux États de l'Union européenne. / © IStock/Getty Images ments publics, réseaux, voiries, ouvrages de FÉVRIER 2018 • N° 227 • www.adcf.org
DOSSIER 9 Développement économique : faire vivre les stratégies régionales © IStock/Getty Images De nouveaux terrains de jeu L’heure de la contractualisation a sonné entre régions et communautés en matière de développement économique. À la suite de la dynamique Bretagne, plusieurs exécutifs régionaux commencent à décliner leurs stratégies économiques dans les territoires via une contractualisation repensée et des ingénieries réorganisées. Le contexte de reprise économique est plutôt porteur mais reste à consolider dans nos bassins d’emploi. E n revenant sur les questions éco- Le redémarrage de notre économie est porteuses d’avenir, adossées à des pôles « performance » d’un territoire. Ce sont nomiques et le partenariat régions- encore poussif, freiné par les dégâts de dix de compétitivité ou des « clusters ». Certes,des facteurs qui permettent de réduire le communautés dans la mise en œuvre années de crise, notamment dans le secteur la constitution d’écosystèmes favorables à chômage mais aussi de proposer des emplois des schémas régionaux de développement manufacturier. Certaines compétences la croissance ne s’improvise pas et ne se durables, bien rémunérés, injectant des économique, d'innovation et d'internatio- et qualifications manquent à l’appel, les fait pas en un jour. L’économiste Pierre richesses dans le circuit économique local. nalisation (SRDEII), Intercommunalités tissus de fournisseurs ont été fragilisés, les L’AdCF publiera dans le courant de l’année Veltz parle à juste titre de « sucres lents ». met l’accent sur l’une des principales avan- investissements productifs ont été ralentis Mais ce sont ces écosystèmes locaux bien 2018 des analyses plus fines sur ces facteurs cées de la loi NOTRe. Il est peu discutable faute de visibilité. organisés qui gagnent dans l’économie de réussite. Mais il faudra également regar- qu’une réelle clarification des responsabi- ouverte contemporaine. der au delà des seuls indicateurs classiques lités a eu lieu sur ce sujet. En l’espace de Les territoires qui gagnent de la croissance, de quelques mois, les stratégies régionales ont La consolidation de la reprise a aujourd’hui type PIB, pour com- été adoptées, les agences de développement besoin de s’ancrer dans nos bassins d’emploi prendre comment réorganisées, le capital des entreprises pour coproduire des solutions et des soli- La constitution d’écosystèmes celle-ci se transforme publiques locales redistribué. Tout n’est darités économiques nouvelles. Les taux favorables à la croissance ne s’improvise en développement pas encore abouti, c’est une évidence, mais de création d’entreprises restent élevés, local. Que devient le cap est tracé. Les régions les plus avan- alors que les défaillances se réduisent. C’est pas et ne se fait pas en un jour la valeur ajoutée cées ont commencé à conventionner avec bon signe. Mais il faut surtout aider les produite dans un les intercommunalités pour faire atter- entreprises à croître et monter en gamme. La qualité de la gouvernance économique territoire ? Se réinvestit-elle localement rir ces grandes orientations stratégiques Il faut pour cela encourager leurs capacités locale comme la densité des relations inte- ou s’évapore-t-elle en d’autres directions ? dans les réalités concrètes et diverses de d’innovation pour gagner en compétitivité rentreprises, des partenariats entre acteurs Ce sont des questions auxquelles il faut nos territoires. Il faut désormais espérer hors-coût. La plupart des SRDEII mettent publics et entrepreneurs, des synergies avec être de plus en plus attentif. Régions et que le mouvement prenne de l’ampleur et en avant ces enjeux et orientations et iden- l’appareil de formation et les institutions communautés doivent y réfléchir ensemble. que les meilleures pratiques se diffusent. tifient des filières ou chaînes de valeur scientifiques sont des variables-clés de la La rédaction www.adcf.org • N° 227 • FÉVRIER 2018
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