Dérives autocratiques et anéantissement en huis-clos des voix critiques au Burundi Quel rôle pour l'Union Européenne ? - EurAc
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Dérives autocratiques et anéantissement en huis-clos des voix critiques au Burundi Quel rôle pour l’Union Européenne ? Mai 2018 1
Note de l’éditeur : Photo de couverture : La phase d’écriture de ce document s’étant Vue de Bujumbura-Rural, Burundi, 2014 clôturée le 3 mai 2018, ce rapport ne tient pas Crédit : compte des développements survenus au Burundi Giuseppe Cioffo et des réactions de l’Union Européenne publiées après cette date. Le présent rapport a été rendu possible grâce à l’appui de la Coopération Belge au Remerciements : Développement. Cependant les analyses EurAc remercie la Commission Justice et Paix et le contenu de ce rapport n’engagent Belgique pour son appui dans la réalisation que le réseau EurAc. de ce rapport.
Dérives autocratiques et anéantissement en huis-clos des voix critiques au Burundi Quel rôle pour l’Union Européenne ? Mai 2018
Table des matières Introduction.....................................................................................................................................................3 Partie I Violations graves des droits humains : Anéantissement à huis-clos des voix critiques, en totale impunité...................................................................................6 Partie II Dérives législatives autocratiques et remise en cause des acquis d’Arusha...............15 Partie III Quels risques pour la paix et la sécurité au Burundi ?......................................................23 Partie IV Un pouvoir aux abois : la manne financière de l’AMISOM.................................................29 Recommandations : Pistes d’action pour l’Union Européenne et ses Etats membres............34 Sur le plan politique et diplomatique......................................................................................... 34 Sur le plan de la protection des libertés fondamentales et des droits humains ...................................................................................... 35 Sur le plan sécuritaire................................................................................................................... 36 Sur le plan humanitaire................................................................................................................. 37 Liste des abréviations...........................................................................................................................38 2 Dérives autocratiques et anéantissement en huis-clos des voix critiques au Burundi. Quel rôle pour l’Union Européenne ?
Introduction Ces différents abus, alimentés par un Dans la version PDF, les textes de cette couleur sont interactifs. discours de haine à consonance ethnique Depuis l’explosion de la crise politique proféré notamment par des fonction- en 2015 au Burundi, date à laquelle naires de l’Etat, sont perpétrés par des le Président de la République Pierre agents, y compris de haut rang, du Service 1. Rapport final détaillé de la Nkurunziza a décidé de briguer un national du renseignement (SNR) et de Commission d’enquête troisième mandat en violation de la la Police Nationale Burundaise (PNB), sur le Burundi, Trente- sixième session du Conseil Constitution et de l’Accord d’Arusha, des militaires ainsi que des membres de des Droits de l’Homme, 18 septembre 2017 une campagne de répression systé- la ligue des jeunes du parti au pouvoir matique des voix dissidentes, d’usage communément appelés Imbonerakure1. 2. La Commission d’enquête des Nations disproportionné de la force lors des Nombreux ont été et sont encore les Unies sur le Burundi a manifestations, de violences sexuelles Burundais, notamment membres de été créée le 30 septembre 2016 pour « mener une et autres violations graves et à grande la société civile et journalistes, qui enquête approfondie sur les violations des droits de échelle des droits et des libertés fonda- choisissent l’exil, pour échapper à la l’homme et atteintes à ces mentales par le régime, est à l’œuvre répression. droits commises […] depuis avril 2015 » et « identifier dans ce pays. Cette situation s’empire les auteurs présumés », Commission d’enquête depuis l’annonce en décembre dernier de Depuis la fin de l’année 2016, les témoi- sur le Burundi, Conseil l’organisation d’un référendum consti- gnages recueillis par la Commission d’en- des Droits de l’Homme des Nations Unies, Septembre tutionnel controversé afin de modifier quête des Nations Unies sur le Burundi 2017 substantiellement la Constitution de (ci-après « Commission d’enquête »)2 3. Présentation 2005 et revenir ainsi notamment sur les montrent que les violations des droits orale de M. Fatsah acquis d’Arusha. humains sont dorénavant commises Ouguergouz,Président de la Commission de manière plus clandestine mais tout d’enquête sur le aussi brutale3. Dans son rapport publié Burundi, Trente-cinquième En effet, à la crise politique initiale session du Conseil des s’est progressivement ajouté une crise le 4 septembre dernier, la Commission Droits de l’Homme, Dialogue intéractif sur le grave des droits humains : après les d’enquête indique qu’il existe selon elle Burundi, 14 juin 2017 élections de 2015, la répression de toute des motifs raisonnables de croire que forme de contestation par les forces de des crimes contre l’humanité ont été 4. Burundi : la sécurité est alors massive et brutale, et commis4. Ceci aggravé par l’impunité Commission d’enquête appelle la Cour pénale parfois meurtrière. Les nombreux cas généralisée qui règne actuellement au internationale à enquêter sur de d’exécutions sommaires, d’arrestations Burundi ainsi que le manque d’indépen- possibles crimes contre l’humanité, Conseil des et détentions arbitraires, de disparitions dance du système judicaire et le retrait Droits de l’Homme, 4 forcées, d’intimidations, de harcèle- récent du Burundi de la Cour Pénale septembre 2017. Rapport disponible ici : Rapport ments, de tortures et autres traitements Internationale (CPI)5. final détaillé de la Commission d’enquête cruels, inhumains ou dégradants, ainsi sur le Burundi, Trente- que de rançons exigées en échange La réélection très contestée du Président sixième session du Conseil des Droits de l’Homme, 18 d’une libération, se multiplient. Ces Nkurunziza a ainsi ouvert la voie à un septembre 2017 violations sont perpétrées à l’encontre durcissement du régime, à un isolement 5. Déclaration de toutes voix critiques : personnalités accru du pays sur la scène internationale du Président de l’Assemblée des États politiques telles que les principaux lea- ainsi qu’à une détérioration alarmante Parties relatif au ders des partis politiques de l’opposition de la vie quotidienne des populations. processus de retrait du Burundi du Statut (en particulier du Mouvement pour la Aucun signe ne semble indiquer que de Rome, Cour Pénale Internationale, 18 octobre Solidarité et la Démocratie, MSD, et des la situation puisse s’améliorer dans un 2016 Forces Nationales de Libération, FNL), avenir proche, le président manifestant Violations des droits et militaires telles que les membres des une volonté forte de conserver le pou- humains au Burundi et en RD Congo : quel anciennes Forces Armées Burundaises voir et d‘assoir celui-ci tant sur le plan rôle pour la Cour pénale (FAB), mais aussi société civile, médias législatif que constitutionnel. En effet, le internationale ?, Commission Justice et Paix, et la population civile plus largement. 12 décembre 2017, le Président a lancé 19 avril 2018 3
une campagne d’explication concernant depuis la crise de 2015 avec l’appa- 6. Projet de le référendum constitutionnel prévu rition de nouveaux groupes rebelles. Constitution, République pour le 17 mai 2018 afin d’adopter un Leur capacité opérationnelle est pour du Burundi, Décembre 2017. Comprendre le nouveau Projet de Constitution6 qui lui le moment relativement réduite notam- nouveau projet de Constitution révisé. permettrait notamment de se donner la ment faute d’un soutien externe clair et Principales innovations, possibilité de briguer un quatrième man- de leadership commun. Cependant le Gouvernement du Burundi, Décembre 2017 dat lors des prochaines élections prési- prolongement de la crise, l’impasse dans 7. Burundi’s dentielles en 2020 et de possiblement se laquelle se trouve actuellement le proces- constitutional amendment: what do maintenir au pouvoir jusqu’en 20347. sus de dialogue, la présence de centaines we know so far?, Institute Depuis décembre 2017, la répression de milliers de réfugiés dans les pays of Development Policy, University of Antwerp, brutale voire meurtrière de toutes voix voisins et la radicalisation du pouvoir en Novembre 2017 dissidentes, ou celles perçues comme place pourraient mener à des nouvelles 8. Déclaration telles, et notamment des opposants au dynamiques dangereuses pour la paix et orale de la FIACAT, co-sponsorisée par le referendum, s’est accentuée gravement la sécurité au Burundi et dans la région Centre CCPR, l’OMCT et Trial International, et de manière à nouveau visible. Ainsi, des Grands Lacs. Trente-septième session pour le seul mois de février 2018, du Conseil des droits de l’homme, Dialogue groupé l’Action chrétienne pour l’abolition de Par ailleurs, le pays et ses ressortissants avec la Commission d’enquête sur le Burundi la torture (ACAT Burundi) dénombre font face à une crise humanitaire alar- et le compte-rendu oral du « 23 assassinats et disparitions forcées, mante. Le Haut-Commissariat aux réfu- Haut-Commissaire, 13 mars 2018 95 arrestations arbitraires et détentions giés (HCR) compte aujourd’hui 430 478 9. Loi N°1/ 02 du 27 illégales et 28 cas d’atteintes à l’intégrité réfugiés11 burundais dans les pays voi- janvier 2017 portant cadre organique des physique »8. Plusieurs lois controversées sins, la majorité vivant dans des camps Associations Sans But ont par ailleurs été adoptées et promul- saturés, dans lesquels les standards mini- Lucratif,, Gouvernement du Burundi, 27 janvier 2017 guées, telles que la loi sur les Associations maux acceptables en termes d’assistance locales Sans But Lucratif (ASBL)9 et la humanitaire, ne peuvent être atteints. 10. Loi n°1/ 01 du 23 janvier 2017 portant loi sur les organisations non gouver- Le Programme des Nations Unies pour modification de la loi n° 1/011 du 23 juin 1999 nementales étrangères (ONGE)10, des le développement (PNUD) a également portant modification du législations qui s’inscrivent dans cette annoncé qu’un Burundais sur trois aura décret-Loi n°1/033 du 22 aout 1990 portant même logique de verrouillage de la vie besoin d’une assistance humanitaire en cadre général de coopération entre la politique, de restrictions des libertés 2018, soit une augmentation de 20% République du Burundi fondamentales et de renforcement du par rapport à 201712. et les organisations non-gouvernementales pouvoir de la majorité présidentielle étrangères (ONGE), Gouvernement du Burundi, actuelle. Tout cela met en péril de Face à cette situation extrêmement pré- 23 janvier 2017 manière profondément préoccupante les occupante et malgré les messages d’alerte 11. Refugees from avancées précieuses observées en matière incessants de la société civile locale et Burundi: Total, Haut- Commissariat des Nations de paix et de cohésion sociale depuis la internationale dont le Réseau européen Unies pour les réfugiés, signature de l’Accord d’Arusha. pour l’Afrique Centrale (EurAc) et ses consulté le 26 avril 2018 membres13, l’Union Européenne (UE), 12. Third of Burundi population need Sur le plan politique, le pays est actuel- bien qu’ayant adopté une position assez humanitarian aid, AFP, 21 février 2018 lement bloqué dans une impasse qui ferme au lendemain de la crise de 2015, pourrait avoir des conséquences sécu- opte depuis mi-2017 pour la dangereuse 13. Processus démocratiques et ritaires importantes si le processus de voix du désengagement, du renonce- impasses politiques dans la région des dialogue actuel mené par la médiation ment et de l’attentisme, maintenant un Grands Lacs : pour un de la Communauté d’Afrique de l’Est (en silence presque total face à ces violations engagement renforcé de l’Union Européenne anglais East African Community, EAC) graves qui s’accentuent, et ceci en totale au Burundi, en RD Congo et au Rwanda, EurAc, 7 n’est pas relancé rapidement de manière incohérence avec la décision européenne juin 2017 constructive et inclusive. La lutte armée forte et symbolique de mars 2016 de sus- s’est effectivement organisée et renforcée pendre toute aide financière au Burundi. 4 Dérives autocratiques et anéantissement en huis-clos des voix critiques au Burundi. Quel rôle pour l’Union Européenne ?
Ce document s’attachera donc à analyser la situation sécuritaire, humanitaire et des droits humains qui prévaut actuelle- ment au Burundi et en particulier depuis l’annonce du referendum constitution- nel organisé dans un climat de haute tension et de répression. Cette analyse permettra de comprendre les développe- ments inquiétants aujourd’hui en cours dans un pays pourtant assez absent de l’agenda international et en particulier européen. EurAc s’attachera donc éga- lement à proposer des pistes d’actions et des recommandations concrètes à l’intention des décideurs européens afin qu’ils s’engagent plus fortement et concrètement pour la paix, le respect des droits humains et le développement au Burundi. 5
PARTIE I - Violations graves des droits humains : Anéantissement à huis-clos des voix critiques, en totale impunité a. Aggravation et violations, comme d’ailleurs des autres 14. Rapport final détaillé de la multiplication des violations violations citées plus bas, sont membres Commission d’enquête sur le Burundi, Trente- des droits fondamentaux des institutions étatiques, c’est-à-dire de sixième session du Conseil la Police Nationale Burundaise (PNB), des Droits de l’Homme, 18 septembre 2017 i. Violations du droit à la vie et notamment de certaines de ses unités à l’intégrité physique spécialisées telles que l’Appui pour la 15. Les chiffres présentés dans ce rapport sont issus Protection des institutions et la Brigade de différents rapports d’organisations de la société Depuis l’explosion de la crise au prin- anti-émeute, ou du Service National de civile burundaise travaillant de manière clandestine au temps 2015, les homicides et exécutions Renseignement (SNR), mais aussi des péril de leur vie. sommaires n’ont cessé d’augmenter. Il Imbonerakure conjointement avec des est très difficile pour les organisations membres des corps de défense et de 16. Rapport de l’enquête indépendante internationales et locales d’obtenir des sécurité, principalement de la police et des Nations Unies sur le Burundi (EINUB) chiffres actualisés du fait, notamment, du SNR et dans une moindre mesure de établie conformément que la Commission d’enquête des l’armée et des agents de l’administration. à la résolution S-24/1 du Conseil des droits Nations Unies n’ait pas été autorisée à de l’homme, Conseil des Droits de l’Homme, 20 entrer dans le pays14 et que les princi- Il est important de souligner la bruta- septembre 2016 pales organisations de la société civile lité des formes qu’ont pu prendre ces burundaise aient dû fuir la répression violations au Burundi depuis 2015, 17. Rapport annuel de 2016, APRODH, Janvier violente et l’insécurité grandissante notamment les assassinats ciblés, la déca- 2017 ou, si elles sont encore présentes au pitation de cadavres, les exécutions de Burundi, qu’elles doivent travailler dans plusieurs membres d’une même famille 18. Rapport annuel de 2017, APRODH, Janvier la clandestinité15. Néanmoins, cette ou le meurtre de parents en présence de 2018 crise aurait déjà coûté la vie d’au moins leurs enfants. 19. Burundi : les 564 personnes entre avril 2015 et août victimes des violences du 11 décembre seraient 201616, d’au moins 480 personnes au Le Haut-Commissaire aux droits de enterrées dans des cours de l’année 201617 et d’au moins l’homme, ainsi que plusieurs organi- fosses communes, Amnesty International, 26 504 personnes en 2017 selon l’Asso- sations des droits humains19 ont par janvier 2016 et Burundi : Les enlèvements et les ciation Burundaise pour la Protection ailleurs souligné l’existence de fosses meurtres répandent des Droits Humains et des Personnes communes, notamment celle décou- la peur, Human Rights Watch, 25 février 2016 Détenues (APRODH), avoisinant un verte le 10 janvier 2017, sur la colline total proche de 1 200 personnes depuis Makamba, dans la province Mwaro20 20. Rapport annuel de 2017, APRODH, Janvier avril 201518. Ces chiffres ne prennent ou celles découvertes dans la province 2018 pas en compte le nombre considérable de Bubanza et à Kanyosha (Bujumbura 21. Idem de personnes portées disparues, la réalité Mairie)21. devant donc dépasser aujourd’hui large- ment cette estimation prudente. ii. Violations du droit à la liberté et à la sécurité de la D’après la Commission d’enquête ainsi personne que la Ligue burundaise des droits de l’Homme Iteka (ci-après « Ligue Iteka »), De nombreuses arrestations et déten- la majorité des auteurs présumés de ces tions arbitraires ont été et continuent 6 Dérives autocratiques et anéantissement en huis-clos des voix critiques au Burundi. Quel rôle pour l’Union Européenne ?
d’être rapportées et ont débouché maximum pour confirmer cette détention pour beaucoup sur d’autres violations, ou accorder une liberté temporaire25. notamment des exécutions extrajudi- ciaires, des disparitions forcées, des La Ligue Iteka note par ailleurs un phé- tortures et traitements cruels, inhumains nomène de rançonnement de la popula- ou dégradants, et des violences sexuelles. tion : des habitants sont arbitrairement Très souvent, les personnes arrêtées sont arrêtés sous prétexte de contrôle des 22. Rapport bilan de la accusées de «porter atteinte à la sécurité cahiers de ménages26 et sont pour la situation des droits de l’homme 26 avril 2015- intérieure de l’Etat», une infraction plupart des cas relâchés après avoir payé 26 avril 2018, Ligue Iteka, 2018 régulièrement invoquée par les services des rançons27. de sécurité pour justifier l’arrestation de 23. Rapport annuel de 2017, APRODH, Janvier prétendus opposants au régime, tels que iii. Disparitions forcées 2018 les membres réels ou supposés des partis 24. Rapport n°119 de d’opposition et les acteurs de la société Les conditions d’arrestation et de SOS-Torture/Burundi civile. D’après la Ligue Iteka, au moins détention au Burundi favorisent les dis- publié le 24 mars 2018, SOS-Torture Burundi, 25 8 442 personnes ont été arbitrairement paritions forcées, tout comme l’absence mars 2018 arrêtées depuis avril 201522. d’identification des cadavres découverts 25. Idem et d’exhumation des corps par les auto- Depuis l’adoption le 24 octobre 2017 rités, qui pourraient permettre de retrou- 26. Chaque famille burundaise doit posséder à d’un projet de révision de la Constitution, ver des personnes portées disparues. son domicile un cahier des ménages dans lequel le chef une véritable campagne de terreur s’est de famille doit inscrire le par ailleurs installée pour forcer la Depuis avril 2015, la Ligue Iteka nom de tous les membres de la famille résidant au population à voter oui au référendum de compte au moins 483 cas de disparitions domicile ainsi que celui des forcées28, avec au moins 74 cas de per- visiteurs de passage, leur mai 2018 visant l’adoption de ce projet : numéro de carte d’identité, autres que les intimidations et menaces sonnes portées disparues au cours de leur date et lieu de naissance, leur profession et de mort et de torture répétées, de nom- l’année 201629, et au moins 89 cas pour leur numéro de téléphone. 201730. Il est importé de souligner que Bujumbura réforme son breuses personnes sont arrêtées au motif système de cahier des qu’elles ne souhaitent pas s’enrôler ou ces disparitions forcées peuvent concer- ménages pour mieux contrôler, RFI, 22 juillet qu’elles en empêchent d’autres de le faire ner des personnalités publiques ou 2017 (voir Partie II.a.ii). des opposants supposés plus ou moins 27. Rapport annuel reconnus mais également des membres Janvier-Décembre 2017, Ligue Iteka, 2018 Concernant les cas de détention arbitraire du parti au pouvoir, le Conseil national et la situation carcérale, l’APRODH fait pour la défense de la démocratie-Forces 28. Rapport bilan de la situation des droits de état d’environ 6 000 prisonniers poli- de défense de la démocratie (CNDD- l’homme 26 avril 2015- tiques détenus à ce jour dans les prisons FDD) ou de simples citoyens. 26 avril 2018, Ligue Iteka, 2018 du Burundi. L’APRODH détaille, par ailleurs, dans ses rapports, des condi- A titre d’exemple, le Forum pour 29. Rapport annuel sur les violations des tions de détentions très préoccupantes, la conscience et le développement droits de l’homme au notamment dans des cachots clandestins (FOCODE) a alerté sur la disparition le Burundi au cours de l’année 2016, SOS-Torture où les détenus sont entassés23. SOS- 8 février 2018 de deux femmes, Madame Burundi, Mars 2017 Torture Burundi dénonce également de Théodesie Ahishakiye et Madame 30. Rapport annuel nombreux cas de détention illégale pro- Rehema Kaneza. Cette dernière est Janvier-Décembre 2017, Ligue Iteka, 2018 longée. A titre d’exemple, dans la cellule membre du CNDD-FDD mais perçue de la police communale de Buganda comme suspecte par certaines personna- (province de Cibitoke)24 pour certains lités proches du pouvoir, car supposée détenus, la durée de détention préventive ayant des origines rwandaises ; elle pos- est largement dépassée et aurait duré plus sédait également de nombreuses entre- de 6 mois alors que la loi exige 15 jours prises florissantes convoitées par certains 7
31. Disparition de Théodesie Ahishakiye membres du CNDD-FDD. Une enquête qui l’accusaient d’« entrave au processus alias “Aimée Ncuti” et Rehema Kaneza sur leurs disparitions a été ouverte, électoral ». Des témoignages rapportent alias “Maman Aicha”, mais rapidement suspendue suite à la que Monsieur Bizimana a été arrêté Campagne Ndondeza, 31 mars 2018 libération d’un des principaux suspects, le 14 février 2018 après avoir refusé un officier du SNR, sur demande du de s’enrôler comme électeur en vue du 32. Rodrigue Nzeyimana reste Procureur Général de la République31. prochain référendum constitutionnel et introuvable, Iwacu, 13 Plus récemment, le 13 avril 2018, la ce en raison de convictions religieuses avril 2018 voiture de Rodrigue Nzeyimana, jeune qui ne l’autorisaient pas à s’enrôler, 33. Rapport bilan de la cadre d’une entreprise de ciment, a été ni à voter35. situation des droits de l’homme 26 avril 2015- retrouvée abandonnée dans une rue 26 avril 2018, Ligue Iteka, de Bujumbura et à ce jour l’homme v. Violences sexuelles et 2018 reste introuvable32. basées sur le genre 34. Présentation orale de M. Fatsah Ouguergouz,Président iv. Tortures et autres D’après la Ligue Iteka, au moins 77 de la Commission traitements cruels, personnes ont été victimes de violences d’enquête sur le Burundi, Trente-cinquième inhumains ou dégradants sexuelles et basées sur le genre entre jan- session du Conseil des Droits de l’Homme, vier et décembre 201736, perpétrées par Dialogue intéractif sur le La Commission d’enquête, dans son la police ou des Imbonerakure, souvent Burundi, 14 juin 2017 rapport final publié en septembre 2017, lors de l’arrestation d’un membre mas- 35. Rapport n°119 de a fait état de nombreux cas de tortures culin de leur famille37. SOS-Torture/Burundi publié le 24 mars 2018, et autres traitements cruels, inhumains SOS-Torture Burundi, 25 ou dégradants, notamment en détention, Dans son rapport de juin 2017, le mars 2018 par les forces de sécurité. D’après la Forum pour le renforcement de la 36. Rapport annuel Ligue Iteka, au moins 542 personnes ont société civile (FORSC) donne plusieurs Janvier-Décembre été torturées depuis avril 201533. exemples de cas de viols de femmes 2017,Ligue Iteka, 2018 par des Imbonerakure38. D’après les 37. Rapport annuel La Commission d’enquête a par ailleurs témoignages reçus par la Commission 2018, Amnesty International, 2018 collecté de nombreux témoignages d’enquête ainsi que par d’autres organi- d’utilisation, lors de séances de torture, sations de défense de droits humains39, 38. Un peuple sous un de massues, de crosses de fusil, de baïon- des violences sexuelles auraient été régime de violence et des violations des droits nettes, de barres de fer, de chaînes métal- aussi commises contre des proches des de l’homme, FORSC, Juin liques et de câbles électriques, d’injection opposants au régime, en particulier par 2017 de produits non identifiés dans le corps des personnes que l’on suppose être 39. Se soumettre ou des victimes, d’ongles arrachés avec des Imbonerakure. Ces derniers, ainsi fuir. La répression et l’insécurité poussent des pinces, de brûlures et de nombreux que des policiers se seraient par ailleurs les burundais à l’exil, abus infligés aux organes génitaux des livrés à des viols collectifs répétés sur Amnesty International, Septembre 2017 détenus. Dans plusieurs cas, des actes de des femmes considérées comme proches torture et de mauvais traitements ont été de l’opposition, depuis le début de la 40. Burundi : Des viols collectifs commis par accompagnés d’insultes violentes et de crise en avril 2015, d’après Human des jeunes du parti au menaces de mort, y compris à connota- Rights Watch40. pouvoir, Human Rights Watch, 27 juillet 2016 tion ethnique34. 41. Présentation À titre d’exemple, en août 2015, une orale de M. Fatsah SOS-Torture cite par ailleurs l’exemple femme a été violée par quatre personnes Ouguergouz,Président de la Commission récent de Simon Bizimana, décédé le 17 appartenant présumablement aux d’enquête sur le Burundi, Trente-cinquième mars dernier des suites de tortures et de Imbonerakure parce que ses enfants session du Conseil des traitements cruels, inhumains ou dégra- appartenaient à un parti d’opposition Droits de l’Homme, Dialogue intéractif sur le dants subis pendant un mois et perpétrés et avaient participé aux manifestations Burundi, 14 juin 2017 par des agents du SNR et de la police de 2015.41 8 Dérives autocratiques et anéantissement en huis-clos des voix critiques au Burundi. Quel rôle pour l’Union Européenne ?
Principaux cas de violations des droits humains au Burundi Estimations, en nombre de personnes Cas d’homicides et d’exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, depuis avril 2015* 1 200 Cas d’arrestations arbitraires, depuis avril 2015** 8 442 Cas de disparitions forcées, depuis avril 2015** 483 Cas de tortures et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, depuis avril 2015** 283 Prisonniers politiques, en date de décembre 2017* 6 000 Réfugiés burundais dans les pays voisins, en date du 26 avril 2018*** 430 478 Sources : * Rapport annuel de 2017., APRODH, Janvier 2018 **Rapport bilan de la situation des droits de l’homme 26 avril 2015-26 avril 2018, Ligue Iteka, 2018 ***Refugees from Burundi: Total, Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, consulté le 26 avril 2018 9
42. Au total, ce sont 34 personnes qui font b. Atteintes aux droits les cas de trois membres de l’organisa- l’objet d’un mandat d’arrêt international lancé par civils et politiques tion PARCEM (Parole et Action pour les autorités burundaises. Certains défenseurs des et violations des libertés le Réveil des Consciences et l’Évolution droits humains burundais fondamentales : des Mentalités), arrêtés en juin 2017 et font l’objet depuis octobre 2015 d’un mandat d’arrêt Rétrécissement de l’espace condamnés le 8 mars dernier à dix ans international émis par la justice burundaise, tels politique & répression des de prison pour « atteinte à la sûreté inté- que par exemple Pierre acteurs politiques rieure de l’État »44 mais également les Claver Mbonimpa de l’APRODH, Pacifique cas de Nestor Nibitanga, ancien membre Nininahazwe du FOCODE, Me Armel Niyongere de i. Atteintes à la liberté de l’APRODH, arrêté le 21 novembre l’ACAT Burundi et Vital d’expression, d’association 2017 et celui de Germain Rukuki, ancien Nshimirimana du FORSC. et de réunion comptable de l’ACAT Burundi, arrêté le 43. Burundi : UN experts raise alarm at 13 juillet 201745 et condamné le 27 avril growing repression Les sévères restrictions aux libertés civiles dernier à 32 ans d’emprisonnement46, of NGOs and human rights defenders, observées en 2015 se poursuivent. À ce tous deux accusés d’« atteinte à la sûreté Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de jour, les principaux dirigeants des partis intérieure de l’Etat » notamment pour l’Homme, 6 février 2017 d’opposition ainsi que de nombreux avoir collaboré avec deux associations 44. Burundi: trois journalistes et membres de la société radiées par le gouvernement en octobre militants de la société civile condamnés à dix civile sont toujours en exil, pour certains 201647. L’accès des diplomates pré- ans de prison, RFI, 10 mars 2018 sous le coup de mandats d’arrêt inter- sents au Burundi à une des audiences 45. Burundi : nationaux42. Ceux qui sont toujours « publiques » de Germain Rukuki a été Nouvelles accusations à l’encontre de Germain au Burundi sont contraints de travailler refusé par le Ministère de l’Intérieur48 et Rukuki, irrégularités de procédure et poursuite clandestinement, dans un contexte de des violations flagrantes des règles de de sa détention forte répression et de grande insécurité, procédure pénale ont été dénoncées par arbitraire, Fédération internationale des ligues devant agir dans un cadre légal qualifié la défense49. des droits de l’homme (FIDH), 15 février 2018 ; par les experts des droits humain des La FIACAT demande la Nations Unies d’« obstructionniste, res- Le Burundi a par ailleurs adopté en jan- libération immédiate de Germain Rukuki, FIACAT, trictif et stigmatisant »43. vier 2017 une nouvelle loi sur les organi- 13 février 2018 sations non gouvernementales étrangères 46. Burundi. La peine de 32 ans En effet, les principales organisations des (ONGE)50 qui soulève de grandes d’emprisonnement droits humains ont été suspendues ou inquiétudes quant aux intentions du infligée pour avoir défendu les droits radiées par le gouvernement (voir Partie gouvernement de renforcer son contrôle humains constitue un déni de justice, Amnesty I.b.ii.) et la situation des défenseurs des sur leur travail (voir Partie II.b.)51. International, 27 avril 2018 droits humains qui travaillent encore au 47. Déclaration Burundi est alarmante. Ces personnes et Les partis d’opposition et leurs membres orale de la FIACAT, co-sponsorisée par le leur famille sont la cible d’assassinats et sont aussi la cible de cette répression Centre CCPR, l’OMCT et Trial International, de tentatives d’assassinat ciblés attribués brutale et meurtrière : le 23 mai 2015, le Trente-septième session à des agents du SNR ou de la police : le président du parti d’opposition l’Union du Conseil des droits de l’homme, Dialogue groupé président de l’APRODH, Pierre Claver pour la paix et le développement (UPD- avec la Commission d’enquête sur le Burundi Mbonimpa, aujourd’hui réfugié en Zigamibanga) Zedi Feruzi a été assas- et le compte-rendu oral du Belgique, a été victime d’une tentative siné52. Le 4 avril 2017, le gouvernement Haut-Commissaire, 13 mars 2018. d’assassinat le 3 août 2015, et son fils, a annoncé la suspension pour six mois 48. Report du procès Welly Nzitonda, a été tué le 6 novembre de l’un des principaux partis d’opposi- de Germain Rukuki, défenseurs des droits 2015. Par ailleurs, depuis le début de la tion, le Mouvement pour la solidarité et de l’homme, RFI, 14 Février 2018 crise, plusieurs défenseurs font l’objet la démocratie (MSD)53 et le 12 juillet 49. Rapport sur d’arrestation et de détention arbitraires, 2017, sept autres partis ont été suspen- le Monitoring des Violations des Droits suivies de procès politiques menant à des dus54. De plus, d’après SOS-Torture, de l’Homme au Burundi :« Référendum calvaire condamnations extrêmement préoccu- des agents du SNR ont arrêté Aloys burundais », ACAT pantes. On peut souligner, en particulier, Baricako et Pierre Kugirwa dans la ville Burundi, Mars 2018 10 Dérives autocratiques et anéantissement en huis-clos des voix critiques au Burundi. Quel rôle pour l’Union Européenne ?
53. Présentation de Gitega le 26 mars dernier. Les deux deux des stations de radio fermées en orale de M. Fatsah Ouguergouz,Président hommes sont des leaders politiques de avril et en mai 2015 ont été autorisées de la Commission l’opposition : Monsieur Baricako est le à retransmettre depuis le Burundi : la d’enquête sur le Burundi, Trente-cinquième président du Rassemblement national radio Rema FM, proche du parti au pou- session du Conseil des Droits de l’Homme, pour le changement (RANAC) et voir, et Radio Isanganiro, une station de Dialogue intéractif sur le Monsieur Kugirwa est membre du radio privée. Après la réouverture de Burundi, 14 juin 2017 Conseil des patriotes (CDP). De même, cette dernière, un de ses programmes a 54. Les sept partis le 19 mars dernier, des agents de la police été suspendu en novembre 2016 après suspendus sont le PIT, VERT-INTWARI, CGP, auraient arrêté Herman Ntakarutimana la diffusion d’une chanson intitulée « NADDEBU, SONAVI, RUSANGI et ABAHUZA. et Anatole Bayubahe, deux militants du Droits de l’homme pour les journalistes parti d’opposition FNL affilié au député »61. Le 13 juillet 2017, le Ministre de 55. Rapport n°120 de SOS-Torture/Burundi Agathon Rwasa, accusés par le régime l’Intérieur a par ailleurs annoncé la sus- publie le 31 mars 2018, de mener une campagne en faveur du « pension de l’Association Radio Publique SOS-Torture Burundi, 3 avril 2018 non » lors du référendum constitution- Africaine (RPA), propriétaire de la sta- nel de mai 201855. Les militants de ce tion de radio « Radio Publique Africaine 56. Rapport n°118 de SOS-Torture/Burundi parti sont régulièrement victimes d’ar- », qui était l’une des principales radios publie le 17 mars 2018, restations arbitraires depuis le lancement indépendantes du pays62. Enfin, le 11 SOS-Torture Burundi, 18 mars 2018 par le gouvernement du projet de révi- avril dernier, le Conseil national de la sion de la Constitution (voir Partie communication a décidé de suspendre 57. Rapport annuel Janvier-Décembre 2017, II.a.ii).56 On observe également une la rubrique « commentaires » sur le site Ligue Iteka, 2018 tendance à enrôler de force la population web du journal IWACU, s’attaquant aux 58. Rapport au parti au pouvoir. La Ligue Iteka cite dernières « petites fenêtres de liberté et final détaillé de la l’exemple d’élèves d’une école qui ont d’expression »63 qui restaient encore Commission d’enquête sur le Burundi, Trente- été forcés de se rendre à la permanence disponibles au Burundi. sixième session du Conseil des Droits de l’Homme, 18 du CNDD-FDD pour se faire enregistrer septembre 2017 afin de devenir membres du parti57. 59. Présentation Selon de nombreux témoignages recueil- orale de M. Fatsah lis par la Commission d’enquête58, toute Ouguergouz,Président de la Commission résistance sert alors de prétexte aux vio- d’enquête sur le Burundi, Trente-cinquième lations des droits humains et abus. 50. Loi n°1/ 01 du session du Conseil des 23 janvier 2017 portant Droits de l’Homme, modification de la loi n° Dialogue intéractif sur le 1/011 du 23 juin 1999 Enfin, les amendements apportés au portant modification du Burundi, 14 juin 2017 Code pénal et au Code de procédure décret-Loi n°1/033 du 60. Adoption d’un 22 aout 1990 portant pénale, déjà remis en question par la cadre général de projet de loi durcissant coopération entre la le code de procédure Commission d’enquête avant leur adop- République du Burundi pénale, RFI, 19 avril 2018 tion59 sont très inquiétants : ils donnent et les organisations 61. Présentation non-gouvernementales l’autorisation aux forces de sécurité de étrangères (ONGE), orale de M. Fatsah Gouvernement du Burundi, Ouguergouz,Président procéder à des perquisitions sans man- 23 janvier 2017 de la Commission d’enquête sur le dat, y compris la nuit, ils renforcent aussi 51. Burundi : Burundi, Trente-cinquième les contrôles des courriers électroniques des experts de l’ONU session du Conseil des dénoncent la répression Droits de l’Homme, et facilitent la saisie des informations croissante des ONG Dialogue intéractif sur le numériques.60 et des défenseurs des droits humains, Centre Burundi, 14 juin 2017 d’Actualité de l’ONU, 6 62. Rapport février 2017 annuel de 2017, ii. Violation de la liberté de la APRODH, Janvier 2018 52. Rapport presse final détaillé de la Commission d’enquête 63. Communiqué de sur le Burundi, Trente- presse/ Fermeture de Les principaux médias privés sont sixième session du Conseil l’espace de dialogue sur des Droits de l’Homme, 18 le site internet d’Iwacu, toujours suspendus. À ce jour, seules septembre 2017 IWACU, 11 avril 2018. 11
c. Instrumentalisation de Depuis le début de la crise, plusieurs offi- l’ethnicité et du discours ciels burundais ont également prononcé de haine par les officiels des discours haineux à connotation burundais ethnique. Ainsi, Willy Nyamitwe, le porte-parole et conseiller en communi- Ces violations des droits humains sont cations du Président Nkurunziza, a régu- renforcées par des discours de haine lièrement justifié ou présenté la situation et d’incitation à la violence prononcés sous une lecture implicitement ethniciste. par certains responsables de l’État Ainsi, dans son tweet du 26 avril 2015, et des membres du parti au pouvoir, au début des manifestations, il se posait 64. Discours de la haine : Les autorités régulièrement teintés de connotation la question de savoir pourquoi Musaga, burundaises s’attaquent aux « Démons » et ethnique, dans une tentative du régime Ngagara, Mutakura et Cibitoke étaient « vampires », FORSC, d’instrumentaliser l’ethnicité à des fins les seuls quartiers à organiser des mani- Octobre 2017 politiques. festations ; une façon de présenter les 65. Idem manifestations comme téléguidées et cen- 66. Idem Dans ses différents rapports, le FORSC trées dans les quartiers majoritairement liste les différents exemples où des Tutsi68. Dans le même sens, en octobre 67. Communiqué N° 006/2016 du parti discours de haine ont été proférés par 2015, lors d’un discours prononcé en CNDD-FDD du 26 mars 2016, CNDD-FDD, 26 des autorités étatiques, notamment le kirundi, le président du Sénat, Révérien mars 2016 président de la République. En effet, Ndikuriyo a fait une référence à peine celui-ci, fin 2016, a fait une déclaration voilée au génocide rwandais en appelant 68. Discours de la haine : Les autorités publique extrêmement préoccupante ses militants rassemblés à attendre le burundaises s’attaquent aux « Démons » et largement interprétée comme un avertis- signal pour « travailler » : « Attendez, « vampires », FORSC, sement des massacres à grandes échelles le jour où l’on dira “travaillez”, vous Octobre 2017 à venir64. En mars 2017 à Bujumbura, il verrez la différence ! Les policiers se 69. Crainte de violence a prononcé un autre discours exhortant cachent actuellement pour se mettre à au Burundi après le discours du Président, ses militants à « manifester activement l’abri des grenades, mais vous allez voir Le Monde, 6 novembre contre les ennemis du Burundi », en la différence le jour où ils recevront le 2015 descendant dans les rues pour défendre message pour travailler. »69 70. Discours de la le pays et vaincre ces ennemis.65 haine : Les autorités burundaises s’attaquent Selon le FORSC, l’Ambassadeur du aux « Démons » et « vampires », FORSC, Plusieurs discours d’incitation à la haine Burundi auprès de l’Union Africaine Octobre 2017 virulents ont par ailleurs été directement (UA) dans un tweet du 29 septembre prononcés par le Secrétaire du CNDD- 2017 a par ailleurs traité les leaders 71. Le troisième mandat de Pierre FDD, le Général Evariste Ndayishimiye, des organisations de la société civile de « vampires »70. La communauté inter- Nkurunziza au rythme d’un discours de la qui soulignait notamment que les haine institutionnalisé, responsables de l’Eglise Catholique nationale et plus particulièrement l’UE FORSC, Aout 2016 soutenaient dorénavant l’ennemi. Il s’en et la Belgique, ancien pays colonisateur, est par ailleurs violemment pris « aux sont également des cibles privilégiées de traîtres burundais qui ont vendu le pays ces discours. Depuis le mois d’octobre » tout en leur signifiant qu’ils n’y n’ar- 2015, le discours de haine visant la riveront pas66. A côté des allocutions Belgique s’est intensifié71. Ainsi, lors orales, le parti au pouvoir publie très d’un meeting tenu le 26 novembre 2016, régulièrement des communiqués écrits le Secrétaire Général du CNDD-FDD reprenant une rhétorique dangereuse et a présenté la Belgique comme la cause inquiétante67. de tous les maux du Burundi. Il a par ailleurs attaqué l’UE dans un autre discours prononcé le 14 janvier 2017, 12 Dérives autocratiques et anéantissement en huis-clos des voix critiques au Burundi. Quel rôle pour l’Union Européenne ?
qu’il a accusé de combattre le Burundi population civile une propagande dan- et a expliqué que la police onusienne gereuse pour la cohésion sociale burun- serait une manière détournée pour la daise encore fragile (voir Partie III.b). communauté internationale de recolo- niser le pays. Il a également répété que les ethnies ont été introduites et renfor- d. Réactions timides et cées par les Belges en vue de diviser les contradictoires de l’UE Burundais. Ce discours a été prononcé 72. Discours de la haine : Les autorités en présence du Ministre de l’Intérieur Face à ces développements très inquié- burundaises s’attaquent aux « Démons » et Pascal Barandagiye et du Ministre de la tants, documentés notamment dans « vampires », FORSC, Défense Emmanuel Ntahomvukiye.72 les rapports alarmants et répétés des Octobre 2017 Nations Unies et faisant ainsi écho aux 73. Verbatim : “Nourrir Actuellement, dans le contexte référen- messages d’alertes incessants envoyés par les poissons du lac Tanganyika avec les daire, de nombreuses autorités publiques différentes organisations non-gouverne- opposants », Iwacu, 29 se sont exprimées d’une manière mentales burundaises et internationales avril 2018 extrêmement choquante. Récemment, depuis le début de la crise en 2015, l’UE 74. Tweet de Melchiade Nzopfabarushe, membre du a adopté, au fil des années et de l’aggra- Ntibasame Thierry, 30 janvier 2018 CNDD-FDD a promis à ceux qui s’op- vation de la crise, une position fluctuante posent au référendum qu’ils pourront : forte et cohérente entre le début de la 75. Un responsable du parti au pouvoir appelle servir à « nourrir les poissons du lac crise et début 2016 puis de plus en plus à frapper les opposants, Tanganyika »73. Dans un extrait vidéo réservée, distanciée, voire contradictoire France 24, 15 février 2018 diffusé74 sur les réseaux sociaux le 30 et incohérente avec notamment la reprise 76. Muyinga (nord- janvier 2018, Revocat Ruberandinzi, après suspension de son financement est du pays) : « Castrer les ennemis », dixit adjoint au maire de la localité de des salaires et indemnités du contingent un responsable CNDD-FDD lors d’un Butihinda et chef de la branche locale burundais engagé dans l’AMISOM (voir rassemblement, SOS CNDD-FDD, a appelé son auditoire Partie IV.b.i). Media Burundi, 21 avril 2018 à « lui livrer » les personnes appelant à voter « non » précisant ensuite : Le 1er octobre 2015, l’UE a décidé 77. Burundi : l’UE adopte des sanctions « nous allons casser les dents de ces d’appliquer des mesures restrictives à l’encontre de 4 contestataires ». Le 13 février dernier, individuelles (interdiction de visas et personnes, Conseil de l’UE, 1er Octobre 2015 Désiré Bigirimana, administrateur de la gel des avoirs) à l’encontre de quatre commune de Gashoho, dans la province individus, « dont les actions compro- 78. Burundi : L’UE renouvelle les sanctions de Muyinga, a également appelé les mettent la démocratie ou font obstacle jusqu’au 31 octobre personnes en présence à « frapper sur à la recherche d’une solution politique à 2017, Conseil de l’UE, 29 septembre 2016 la tête » de toute personne opposée au la crise actuelle au Burundi, notamment « oui » et de le prévenir une fois que par des actes de violence, de répression 79. Burundi: EU la personne sera « ligotée »75. Enfin, renews sanctions ou d’incitation à la violence, y compris until 31 October 2018, le 21 avril 2018, l’organisation SOS par des actes constituant des atteintes ReliefWeb, 23 octobre 2017 Média Burundi rapportait sur les médias graves aux droits de l’Homme »77. Ces sociaux que le secrétaire provincial du sanctions ciblées ont été renouvelées le parti CNDD-FDD de la province de 29 septembre 201678 et le 23 octobre Muyinga appelait les Imbonerakure 201779 pour une durée d’un an à chaque présents à « castrer l’ennemi »76. fois. Ces discours de haine et ces appels à Le 14 mars 2016, après des mois de la violence sont par ailleurs également répression meurtrière et systématique proférés par des Imbonerakure, semant des voix opposées à la réélection de la terreur et infusant petit à petit dans la Pierre Nkurunziza en juillet 2015, 13
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